29/01/2013
À peine sorti de l’hôtel, je suis assailli par une grappe de moto dop. Je négocie avec l’un d’eux pour 1USD une course pour aller à l’ambassade du VietNam, assez loin au sud de la ville. Arrivé là, un fonctionnaire ténébreux me prend mon passeport, une photo, un formulaire dûment rempli pour une demande de visa, et 60USD ! Je dois venir le rechercher demain.
De là, je remonte à pied vers le nord, allant de marchés en temples en passant si possible par les petites rues. Se promener sur les grandes avenues n’est pas très agréable : circulation, bruit, pas d’endroit où marcher et l’intérêt n’est pas grandiose : commerce de boulons, literie, autos, générateurs, bref… Les petites rues sont moins dangereuses, on y voit vivre les familles et au détour, on trouve un temple, un marché, un terrain de jeux, etc.
Pause-café dans un marché. Le café est froid, très serré, servi sucré et il a le goût de chocolat. Ici on rajoute de la glace. Moi pas. Les marchés sont très animés, partagés en plusieurs secteurs : victuailles, fringues, tailleurs, cartomanciennes, coiffeurs et soins des ongles, etc. Au milieu, il y a les petites échoppes de restauration. Deux tables basses, six tabourets, un réchaud, quelques gamelles, ça fait un commerce ! Vers midi, je mange une soupe bien garnie dans l’une d’elles. Je copie ma voisine qui mélange plusieurs condiments à volonté sur la table. C’est bon, mais c’est archi piquant et salé !
La corniche qui borde le Tonlé Sap (l’affluent du Mékong) est quasiment déserte à cette heure brûlante de la journée. Devant le palais royal, la circulation est interdite. De grands panneaux avec le portrait du roi Norodom Sihanouk, mort récemment (15/10/2012), sont entourés de tissu noir. Les funérailles dans le rite traditionnel, auront lieu entre le 1er et le 4 février et ces jours-là beaucoup de choses ne fonctionneront pas. On attend une foule considérable. Déjà des barrières sont entassées aux carrefours, la police rôde dans les environs du palais royal, et l’armée a établi un campement sur les pelouses d’un grand hôtel ! Les scolaires organisent des ramassages de déchets le long des artères. Les cantonniers arrangent les trous, tondent les pelouses, les éboueurs arrosent les chaussées ; on a repeint à neuf toutes les dorures des monuments alentours. Sur la grande pelouse en face du Musée National, des tribunes ont été érigées encadrant un très haut et très décoré catafalque ; les bouquets de fleurs, des roses blanches, sont déjà disposées un peu partout, mais sont encore sous emballage. Bref tout est prêt.
Bon, il ne meurt pas un roi tous les jours, et ce d’autant que celui-là est mort à 90 ans et a traversé une période politique invraisemblable : à 18 ans, il est nommé roi par les Français en pleine 2ème guerre mondiale, fricote un peu avec les Japonais, dirige directement ses gouvernements, copain avec Mao, Tito, Nasser, Nehru, etc…, reçoit De Gaulle. Tantôt du côté des Soviétiques, tantôt du côté de la Chine de Mao de l’époque des gardes rouges, renversé par son propre premier ministre/général, il part en exil en Chine et au Nord VietNam, soutient un temps les khmers rouges, qui le nomment président ! Mais il démissionne, repart en exil en Corée du Nord ! Après la chute des Khmers rouges et l’arrivée de VietNamiens, il redevient roi ; puis comme il se fait vieux (et un peu gaga), il refile le job à son fils. Avec le titre de roi-père, tout de même ! Et malgré (ou à cause ?) de toutes ces vicissitudes, il a tout de même eu sept femmes, et quatorze enfants…
Ça vaut le coup de nettoyer la place pour le suivant…
Un petit arrêt au débarcadère, histoire de voir d’où partent les bateaux pour le VietNam.
Je remonte toujours vers le nord en longeant le Tonlé Sap, et grimpe la modeste colline qui supporte le Wat (temple) Phnom qui a donné son nom à la ville et qui est le plus ancien. Il y a là de très belles fresques et de beaux bouddhas dorés.
J’emprunte le grand pont japonais qui traverse le Tonlé Sap. D’importants travaux sont en cours pour le doubler. À l’extrémité du pont, je prends une piste à gauche qui longe la rivière vers le nord. La cohue de la ville s’arrête aussitôt, et c’est déjà un peu la campagne : des villageois habitent des maisons sur pilotis et vivent des produits de la rivière (poissons, sable) et des petits champs de l’autre côté de la piste. Je fais une petite rando de quelques kilomètres et les gens sont assez étonnés de voir un touriste par ici. Je rigole et papote avec des gens qui battent le riz dans leur champ, et avec la mère de famille qui me sert un café rempli de glaçons dans sa maison en bois délabrée mais avec vue grandiose sur la rivière.
Au bout de quelques km sous le soleil, j’avise un petit esquif qui fait la navette entre les rives ; alors qu’il repart, je le hèle, ouf ! il revient me chercher à la godille (une femme au bout de la godille tandis que le monsieur est au moteur). Belle traversée (1000 KHR). Alors que je prends des photos, le batelier me demande de prendre aussi le bébé qui dort dans un hamac au-dessus du moteur !
Sur l’autre rive, c’est déjà la ville. Mais le bord du fleuve est occupé par un quartier, on va dire, précaire. Des gens y travaillent à fabriquer du condiment à base de poisson salé et fermenté. J’en ai mangé à midi, mais en voyant comment c’est préparé, j’ai des doutes sur la suite des événements…
Mon arrivée dans ce village attire bien sûr beaucoup l’attention, et je suis interpellé par une demi-douzaine de gars attablés autour d’un magnifique poisson. Ils m’invitent à les rejoindre avec de grands gestes. On rigole bien, ils m’offrent à gouter au poisson, ce que je refuse poliment, et à boire un coup ce que j’accepte volontiers : je voudrai bien connaître le goût de cet alcool fort, bien qu’ils le servent dans l’unique petit verre qui passe de main en main. Eh bien, c’est pas mauvais du tout : c’est de l’alcool de riz, probablement fabriqué en dehors des circuits officiels… La gaité est déjà très avancée, et leur vision du monde surement déjà bien améliorée, aussi je les quitte en les remerciant et eux me font des grands gestes d’adieux. À proximité, les femmes gardent les enfants qui se balancent dans les hamacs accrochés aux pilotis des taudis…
Arrivé sur la grande route qui redescend de ce côté de la rivière, c’est le retour de la cohue. Quelques moto dop m’assaillent aussitôt ; mais un gros bus s’arrête, laisse quelques gens descendre. Je demande si ce bus va bien au centre-ville, personne ne comprend, donc personne ne me répond ! Je monte (on verra bien) et vais au fond du car, sous le regard interloqué du chauffeur. Il fait bien six kilomètres pour rallier le terminus du marché central. Je me rends compte que je suis monté dans un bus qui vient de la campagne profonde et que ce n’est absolument pas un bus de ville ! D’ailleurs, je crois que ça n’existe pas ici.
Toujours est-il qu’arrivé au terminus, je descends et personne ne me demande quoi que ce soit !!
Je vais demander quelques renseignements chez Lucky Lucky, le loueur de scooter. Mais il ne veut pas m’en louer un, tant que je ne lui confie pas mon passeport. Donc je reviendrais demain. Une journée de scooter 125 cm3 : 8 USD/j. L’essence 5500 KHR (= 1 EUR).
Au Capitol Tours, le bateau pour rallier Chau Doc au VietNam est à 21 USD et part tous les jours à 8.00 am.
Retour à l’hôtel, alors que la nuit tombe.