Quelques anecdotes totalement subjectives et partiales. Tout est idyllique avant le départ, mais la réalité reprend vite le dessus ...
Du 4 au 6 novembre 2022
3 jours
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Vendredi 4 novembre

On parvient dans l'après- midi au premier village à 5 km après la frontière : Les.

On y a réservé une chambre dans un hôtel doté d'un restaurant (Casa es Neres). Sous ses allures humbles et modestes, cet établissement familial nous réserve un accueil chaleureux et nous met à disposition une chambre agréable et propre, et dont la fenêtre donne sur les montagnes alentours. Malheureusement, le ciel est bas et gris et on ne voit pas grand chose.

Casa es Neres côté hotel
Casa es Neres côté hotel
Casa es Neres côté restaurant
Casa es Neres côté restaurant
Les premiers flocons
Les premiers flocons

On tente une escapade plus au sud pour s'approcher de la source officielle de la Garonne : au Pla de Beret (1880m). Mais à partir de Baqueira, on est dans la brume et une petite neige tombe. La route commence à se couvrir d'une boue gelée : le chasse-neige est en activité dans l'autre vallée allant vers le Port de Bonaigua ! Notre route monte vers Beret par de forts lacets et bientôt on est confronté au risque de glissade dans la pente : on fait demi-tour ! Pas de regrets : on n'y voit rien...

On fait quelques courses à Vielha pour les prochains picnics. Dans les rayons du supermarché, il y a surtout des Français venus ici faire leurs courses et poussant des caddies archi pleins.

De retour à Les où la nuit est tombée, on arrive juste à temps pour dîner au restaurant de l’hôtel. Ambiance animée par des habitués collés au bar. Repas d'une succession de délicieux tapas de fruits de mer.

Vue de notre fenêtre
Vue de notre fenêtre

Samedi 5 novembre

Au réveil, surprise : le ciel est bleu et le soleil lèche les sommets couverts de neige ! Retour au restaurant pour un petit dej copieux à l'espagnole.

La destination du jour : la source non officielle de la Garonne, Uelhs deht Joèu (Les yeux du diable, en aranais, le catalan local). Il s'agit d'une résurgence dans la vallée de l'Artiga de Lin des eaux de fonte du glacier de l'Aneto (la plus haute montagne des Pyrénées), après un parcours naturel souterrain de 4 km.

On démarre la rando au parking de l'Ermitage Mair de Diu, et on remonte la vallée par des chemins bien tracés en pleine forêt. Parfois on longe le torrent qui a creusé de larges baignoires agrémentées de cascades surement bien agréables en été. Il faut préciser que la route continue jusqu'au refuge Artiga de Lin, mais qu'en été, elle est interdite aux voitures, et il y circule alors un petit train pour touristes. Bien qu'on soit en novembre, et que la route est libre d'accès, et comme on bénéficie d'une journée exceptionnellement ensoleillée, on préfère la balade pédestre.

Après avoir traversé un pont et grimpé une suite d'escaliers longeant une cascade/torrent, on atteint la résurgence en pleine forêt. C'est un flot impétueux qui surgit d'un éboulis de rochers à flanc de montagne et qui dévale la pente. Le débit est très abondant. On poursuit dix mètres au dessus de l'éboulis : rien ! Ces éboulis sont bien la source du torrent !

Les premiers flocons
La résurgence
La résurgence (détail)
 Uelhs deht Joèu

On poursuit la promenade jusqu'au refuge (fermé en cette saison) et on piquenique sur les tables aménagées. Le cadre est magnifique : un cirque aux sommets enneigés, avec à l'ouest le massif de la Maladeta (ou Malditos, Maudits)

"Le refuge d'Artiga de Lin"   "Panarama sur la Maladeta (Mont Maudit)"
La source officielle de la Garonne

Après avoir regagné la voiture, on va voir ce qu'il en est de la source officielle de la Garonne au Pla de Beret. On reprend la route empruntée la veille : elle est à présent dégagée et le beau temps nous permet d'admirer les montagnes enneigées de la cuvette du Val d'Aran. Le Pla de Beret est un peu décevant : c'est une importante station de ski, mais la saison n'est pas commencée et l'endroit semble à l'abandon.

Son panneau explicatif

La source est presque sous la route. Un panneau explicatif et quelques barrières signalent l'endroit. Rien de spectaculaire avec ce mince filet d'eau à peine visible sous la neige !

De retour à Vielha, on cherche mais sans succès un magasin vendant des cartes topo de la région. Il y a pourtant des dizaines de magasins de sports....

Retour à Les où on dîne de tapas à dominante de viandes et légumes.


Dimanche 6 novembre

Après avoir rangé notre petite valise dans la voiture pour le retour en France, on grimpe la petite route menant au village de Bausen accroché à la montagne surplombant le Pont du Roy (frontière). On part pour une belle petite rando dans une forêt d'hêtres aux formes étranges, probablement dues aux anciennes coupes de bucherons.

"Village de Bausen"  "Hêtre ou ne pas être" "Village de Bausen" "Un hêtre prêt à s'envoler" "Vue sur le Pont du Roi"
La borne 410


Après le picnic au soleil au pied de l'église du village, on fait un petit arrêt à la frontière, le Pont du Roy, pour y voir la borne 410.

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Le fleuve Garonne prend sa source en Espagne, et plus précisément, dans le Val d'Aran (Catalogne). Et c'est le seul fleuve français qui prend sa source en Espagne.

Selon le Traité des Pyrénées signé le 7 novembre 1659 entre les rois de France et d'Espagne sur l'Île des Faisans du petit fleuve Bidasoa traversant le pays basque, la frontière est définie dans son article 42 par "la crête des montagnes qui forment les versants des eaux". En gros, les rivières qui vont vers le nord sont en France, et celles qui vont vers le sud sont en Espagne, à l'exception de la petite Bidasoa qui coule d'est en ouest et qui fait la frontière sur la moitié de son parcours.

Il y a quelques petites exceptions à cette règle de partage de eaux : en Cerdagne où quelques rivières nées en France deviennent espagnoles après quelques kilomètres, et au Val d'Aran où c'est l'inverse, et pareillement, dans une moindre mesure, dans le Pays basque (Aldudes, Sare).

Mais à cette époque personne n'a grimpé sur cette crête frontalière (longue de plus de 600 km) pour y mettre des balises. Or, quelques échauffourées et mini-guerres ont émaillé la période suivante. Du reste, les us et coutumes faisaient que les allées et venues des troupeaux et des bergers d'une vallée à l'autre rendaient la ligne frontière plutôt abstraite. De plus, les limites de paroisses et des évêchés pouvaient déborder d'un côté ou de l'autre. Ainsi le Val d'Aran bien qu'appartenant à la juridiction de Catalogne, dépendait, pour ce qui concerne les âmes, de l’évêché de St Bertrand de Comminges jusqu'à la révolution française.

C'est à partir de 1856 qu'a commencé le bornage physique de la frontière. Bornage qui n'a pas fait disparaitre les allées et venues des troupeaux - comme en témoigne (un exemple parmi d'autres) l'accord fiscal entre les deux pays concernant le sud de la Vallée des Aldudes (Pays Quint) : ses habitants paient l’impôt foncier en Espagne et la taxe d'habitation en France !

(cf. intéressantes lectures sur le sujet :

https://www.persee.fr/doc/rgpso_0035-3221_1951_num_22_4_1321

https://www.persee.fr/doc/rgpso_0035-3221_1992_num_63_3_3304 )

Ce petit préambule historique pour expliquer l'ambiance qui règne lorsqu'on cherche à définir les sources de la Garonne.

Historiquement, c'est au Pla de Beret que nait la Garonne à 1880 m, sous la forme d'un petit filet d'eau.

Arrive le spéléologue Norbert Casteret avec ses doutes sur un projet espagnol de construction d'une usine hydroélectrique en aval du Pic d'Aneto (point culminant de la chaîne des Pyrénées avec une altitude de 3404 m et en terres espagnoles). Ce projet envisage de détourner par un tunnel les eaux de fonte du glacier du pic, ce qui aurait pour conséquence de les envoyer dans le bassin méditerranéen de l'Ebre. Or celles-ci s'enfoncent dans un gouffre (le gouffre du Toro). Et le spéléologue est persuadé que ces eaux engouffrées dans le gouffre du Toro ressurgissent quelque part dans le Val d'Aran (qui lui fait partie du bassin atlantique). Ce détournement en priverait alors la Garonne, et la France en aval.

Le 19 juillet 1931, c'est nuitamment et clandestinement qu'il versera de la fluorescéine en quantité dans le gouffre du Toro ! Un peu plus tard, le lendemain, des observateurs constatent que l'eau ressort colorée au Uelhs deth Joeu. Cette démonstration met fin au projet de détournement. Ouf ! On a évité un nouveau sujet de friction entre la France et l'Espagne !

Et cela a permis de savoir que la source de la Garonne se trouve bien au pied du glacier du Pic d'Aneto, à 2470 m, donc bien plus élevé que le Pla de Beret. Or pour nombre de géographes, dans un bassin hydrographique, on dénomme fleuve l'élément du réseau qui prend sa source au point le plus élevé...