Nous sommes arrivé à Bishkek, capitale de Kirghizie, le 12 mars 2020, l’Europe fermait ses frontières, ses cafés, ses boutiques, ses écoles, ses maisons, le vendredi 13 mars, le Kirghizistan n’allait pas tarder à suivre l’exemple.
Nous avons passé 2 jours au lit avec un gros rhume et de la toux. Non, non, on ne pense pas que c’était le Coronavirus, d’ailleurs on ne le saura jamais, parce que même des mois plus tard, toutes les infos concernant cette maladie sont contradictoires et on sait qu’on ne sait rien. Rien de grave donc.
Nous avons récupéré notre cher Yak, notre maison roulante, notre « chez nous ». On en profites pour aller se poser dans la nature, juste en bordure de la ville. Nous sommes plein d’espoir et de positive attitude. Notre plan maintenant est de rentrer en Suisse, sur 3 mois, en visitant à nouveau l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et en découvrant l’Azerbaijan, la Géorgie, l’Arménie. Nous avons déjà un apéro de prévu en Turquie avec notre ami le capitaine Ahmet et puis nous voulons nous rendre à Rhodes pour fêter l’emménagement de tata Mimi en Grèce et l’aider à faire des bricoles. Ensuite, nous rentrerons en Europe, et arriverons en Suisse par un col, à travers des montagnes,c’est sûr, et nous profiterons de découvrir notre pays comme des touristes, pour finir par retrouver nos racines. Bref, un beau voyage nous attend!
L’Embassade de Russie, nous calme tout de suite! Ahaha! « Chers voyageurs, il vaut mieux attendre, le monde ferme, et nous ne délivrons plus de visa de transit pour le moment. » Ok, pas de soucis, nous avons l’espace et le temps pour nous. Nous décidons de nous enfoncer dans la vallée de Chon Kemin. En patientant que passe le virus, l’anxiété mondiale, l’acharnement médiatique, le drame dont l’être humain est si friant. Nous seront tranquillement posés dans la nature.
L’endroit est magnifique, nous sommes à l’aube du printemps, l’air est encore frais et je ne vous parle pas de la rivière... Nous apprécions le calme. On se balade, on fait du yoga, on lit. On a peu de réseau et c’est très bien. Ces mois de voyage à deux, ont réveillé en nous une force tranquille et une complicité à toutes épreuves.
Quand le système illusoire que l’humain a construit s’effondre, la nature est toujours là. Quand on se rend compte que l’argent ne se mange pas, la nature sourit. Quand on réalise que les frontières ne protègent pas, la nature ouvre ses bras sans limite. Nous avons beaucoup joué, courant dans tous les sens, construisant des châteaux de plastique et des barrages de taxes et d’assurances, on a joué à faire semblant, très longtemps...trop. Et quand il est l’heure de faire une pause, l’heure de grandir un peu, Terre Mère est là. Infiniment patiente et généreuse, fatiguée certes, mais donnant de l’Amour dans chaque particule d’air, dans chaque brindille qui pousse, dans le flot des rivières. Terre Mère nous aime inconditionnellement. Et maintenant que nos jouets se cassent, nous allons réalisé à quel point elle nous est essentielle.
Une quarantaine en nature, est un rêve que nous avons dû abandonner au bout de 10 jours.
D’abord, le Consul Suisse à Bishkek nous appelle. Il veut juste se présenter, avec son accent chantant du Tessin, Enrico Pianta, veille sur les 5 citoyens Helvètes stagnant au Kirghizistan.
« Bongiorno! Il y a un vol de rapatriement, vous pouvez le prendre, ore note, ici la situation n’est pas critique, mais je dois vous conseiller de rentrer, but you are fri, moi en tous cas je reste ici. Vous voulez attendre encore? Va bene, profitez bien de la nature! » (français, anglais,avec l’accent italien... j’adore. )
Puis, la police est venue nous rendre visite. Papier du véhicule, passeport, visa, explications de qui nous sommes, surtout d’où nous arrivons, où nous pensons aller, tout ça en Russe, avec beaucoup de gestes et l’aide téléphonique de Zulia . Ils nous informent de la situation d’urgence: quarantaine pour tout le monde, couvre-feu de 20h à 7h. Ils acceptent que l’on vive là, dans notre bus, en respectant ces règles. Très gentils et bienveillants.
Ensuite ce fût l’armée, 3 molosses, qui débarquent, idem, visa, explications, acceptation de notre situation.
Le troisième jour, arrivent les médecins. Surréalisme!!! Nous sommes dans un fond de vallée, avec quelques bleds de bergers aux alentours, et voici que débarque un camion de désinfection, à son bord des « télétubbies » en alerte chimique. Ces aliens ont l’air aimable, ils nous tendent des masques et des gants, demandent à voir nos passeports, prennent notre température et sulfatent notre bus de désinfectant ! Puis s’en vont comme ils étaient venus.
(Hihihi incroyable! Dire qu’en Suisse ils n’ont plus de masques et qu’ici on nous les livrent au bout du monde!)
Le jour suivant, on pense qu’on en a fini avec les contrôles. Alors Émile construit un joli barbecue de terre et de pierres et prépare une ratatouille géante au feu de bois. Mais la ratatouille n’a pas fini de cuire que les flics du premier jour reviennent. Cette fois-ci, on doit rentrer à la capitale. Ils ne peuvent pas nous laisser là, car certains habitants du village voisin nous ont repérés. Comme toute l’humanité en cette période, ils ont peur. Ils veulent nous faire déguerpir et si la police ne s’en charge pas, ils pourraient vouloir le faire eux-même. Avec quelques verres de vodka dans le sang, ça risque d’être mauvais. Ok. On remballe la ratatouille. On ne peut pas leur en vouloir, nous venons aussi d’une petite vallée, on connaît trop bien l’état d’esprit, et dans cette situation c’est légitime. Nous sommes Suisse, le Covid, sévit fortement actuellement en Europe. Nous sommes un danger. Nous comprenons bien.
La peur rend mauvais.
La peur fait sauter le troupeau dans un ravin.
Ce climat d’anxiété, engendré par une pandémie créée en laboratoire, nourrit, gavé même par les médias, à qui profite-t-il? (Question à relire)
La peur est le contraire de l’amour.
Humains, gardons les yeux ouverts!
Donc escortés jusqu’à mi-chemin par la police, nous prenons la route pour Bishkek. Il faut 2h pour atteindre la ville. La capitale est cernée de barrages contrôlant tous ceux qui entrent et sortent. Pour passer les 3 check points, il nous faut un papier spécial (que nous n’avons pas) et il n’y a aucun moyen de communication entre les flics qui nous ont fait partir et ceux qui vont nous reçevoir. Le jeune officier nous conseille de dire « consul, embassade » à la moindre question.
Donc, nous attendent, 2h de route puis 3 postes de contrôle, il est 17h, le couvre-feu est à 20h. Je vous laisse calculer, moi, pendant ce temps, je prie.
Check points. Ils ne savent pas quoi faire de nous. Ils appellent leur supérieurs, nos passeports suisses en mains, regardent nos plaques. A l’heure où ils ont reçus des directives strictes sur la gérance de la population Kirghizes durant l’état d’urgence, ils ne savent pas que faire de ces deux fichus touristes en caravane.
On les regarde. Ils nous regardent. Ils nous demandent où on va. « A la maison, cela va de soit. » Si d’autres questions arrivent : « À l’ambassade. » Plus de questions, on passe. Un gendarme nous demande quand même un petit « pourboire », mais nous ne comprenons pas. « Niet Kirghiz.Niet Russki », on s’en excuse, ça nous arrange bien!
On est si proche du but! 3 barrages de passés, ne reste plus qu’à retrouver la guesthouse de Sam. Les rues de Bishkek sont désertes. On relâche la pression. Et soudain, grands appels de phares, en face de nous, une voiture de flics nous fonce dessus en klaxonnant! Merde, nous sommes sur la voie de droite, certes, mais de la voie de gauche!!! Ahhhhhh il n’y a tellement plus de traffic, qu’on a réussi à rouler à contresens! La gaffe.
Bien sûr, on se fait arrêter. Le gars super gentil et incrédule, nous explique qu’ici on roule à droite. « À droite!!! »...DA, DA, DA... on a compris. Ce sont les forces spéciales, et ils ont autre chose à faire que de nous soutirer du cash. Ils nous laissent partir. Doutez-vous encore de l’existence de nos anges gardiens?
Il est 19h45, on s’arrête prendre une bouteille de rouge et on arrive à la Blue Camel Guesthouse. On est réfugiés. Le couvre-feu tombe, les festivités commencent!