Mardi 19 Septembre 2017. Courte parenthèse avant toute chose: Nous avons pris un bus de Trujillo a Piura, sur 422km. Au milieu des deux villes se trouve le désert de Sechura réputé pour ses pillards. Deux Francais à vélo = dépouille assurrée. La flemme de refaire les papiers et accessoirement d'en finir avec la vie.
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Ce soir, nous nous sommes jetés sur la grande salade de tomates, concombres, avocats qui a été préparée spécialement d'après notre demande. Il n'y a pas de salades au menu, jamais. Pas tellement de légumes. Il y a des fruits mais nous n'en mangeons que depuis quelques jours. Avant, nous étions victimes du chant des gâteaux (nous le sommes toujours mais nous laissons désormais leur chance aux fraises, bananes et ananas).
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Lettre à mon diététicien
Julien, bien que nous ayons mis fin à notre relation il y a quelques temps déjà, je pense souvent à vous. Ce sont d'ailleurs les restes de chouchous colmatés aux dents que je vous écris. A un nuevo sol le paquet, je ne pouvais pas dire non. Ni aux cacahuètes. Ni aux Sublime. Il y a ceux au lait, au chocolat blanc, avec du biscuit. Tous avec des cacahuètes ou des amandes. Bon, vous, vous n'allez pas dans les bars et vous n'aimez pas le Nutella (oui je m'en souviens, de telles hérésies ca ne s'oublie pas), alors forcément tout cela ne vous fait sûrement pas frétiller les papilles. Ah, et il y a aussi les pâtisseries. Chacun vend son gâteau: dans la rue, au marché, dans les cafés et même à la réception des hôtels. Une part le matin, une part le soir. Pri-mor-dial. Voilà pour le glucose.
Ensuite, les protéines. Au petit déjeuner, un pan con huevo et un pan con pollo (l'oeuf avant la poule) ou alors une tortilla de verdura. C'est selon. Midi et soir : riz et viande. J'ai bien essayé de demander sans poulet pour une fois mais voilà la réponse : "Pero, el sabor ?"
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A toi, Francis (Ponge, pas Cabrel)
La surface du pain est banale d'abord à cause de ce sentiment quasi décevant qu'elle offre: comme si l'on avait sous la main une simple colline accouchée dans la douleur au milieu du plat pays.
Ainsi donc une boule de farine des plus communes fut balancée pour n'importe qui (pourvu qu'il l'achète une fois cuite) dans le four déjà sale, où se figeant elle s'est façonnée en couche lisse sans intérêt...Et tous ces pains dès lors si semblables les uns aux autres, ces fades pelotes sur lesquelles la brume se glisse, se voient chaque matin livrés sur les trottoirs.
On remplit d'un oeuf frit ce foyer sans chaleur que l'on nomme encore la mie: huile, jaune et blanc y sont comme des triplés jouant des coudes dans un lit trop étroit.
La serviette devient translucide dès que le pain est servi: attaquez l'oeuf sur le champ et interdisez toute possibilité d'échappatoire.
Soyons francs: chaque jour malgré tout notre bouche se fait avec plaisir, pour un nuevo sol, le refuge d'un autre "pan con huevo".