Nous voici donc dans le comté de Donegal, le plus septentrional de l'île et du pays, situé dans la province d'Ulster. Frontalier des comtés nord-irlandais de Derry, Tyrone et Fermanagh, il est relié au reste de l'État irlandais par le corridor du Donegal par lequel il communique avec le comté de Leitrim.
Avec les comtés de Cavan et de Monaghan, c'est l'un des trois comtés de l'Ulster qui ne furent pas rattachés à l'Irlande, restée sous souveraineté britannique lors de l'indépendance de l'Irlande.
Le comté de Donegal est un ensemble de collines peu élevées avec un littoral très découpé. Le climat y est tempéré et dominé par l’influence du Gulf Stream, provoquant des étés frais et des hivers humides.
L'usage de la langue irlandaise y est encore très vivace. Cependant, le dialecte qui y est parlé est distinct de celui du reste de l'Irlande, car il ressemble au gaélique écossais, ce qui n'arrange pas nos affaires !
Nous avons dormi à Glenties (en irlandais, les vallées), petit village situé à la croisée de deux vallons, au nord-ouest des Bluestack Mountains, près du confluent de deux rivières.
La ville a été la résidence du marquis Conyngham dans les années 1820, en raison de ses zones de chasse et de pêche. Un hébergement de travailleurs a été construit en 1846, pendant la Grande Famine sur le site de l'actuelle Comprehensive School , desservant tout le secteur d'Inniskeel.
Un hôpital de 40 lits a ensuite été ajouté pour soigner les malades et accompagner les mourants. Le propriétaire, le marquis de Conyngham, décide de réduire de moitié la population de la ville en 1847, confronté à la hausse des coûts de l'hébergement des ouvriers. Seuls ceux qui pouvaient montrer un titre de propriété de leurs terres en tant que rentiers étaient autorisés à rester. Les autres ont eu le choix soit d'émigrer en Amérique à bord d'un navire, soit d'habiter dans le logement collectif de Glenties.
Plus de 40 000 habitants du comté de Donegal sont décédés ou ont émigré entre les années 1841 et 1851.
La journée s'annonce pluvieuse et venteuse.
Nous voilà partis pour l'Irlande du Nord au Royaume Uni. Nous passons la frontière sans même nous en rendre compte. Pas de poste frontière, seuls changent les panneaux indicateurs, la signalisation routière et ce ne sont plus des kilomètres mais des miles qui défilent maintenant sur notre GPS. Encore une difficulté supplémentaire... Sachant qu'un miles fait ... kilomètre, à quelle vitesse roulons nous?
Notre route nous conduit à un château médiéval d'Irlande du nord aujourd'hui en ruines, le Château de Dunluce (XIIIe siècle). Il est situé sur le bord d'un affleurement de basalte dans le comté d'Antrim entre Portballintrae et Portrush, et on peut y accéder en traversant un pont le reliant à la terre ferme. Le château est entouré de chaque côté par des pentes extrêmement abruptes, ce qui peut avoir été un facteur important pour les premiers Chrétiens et Vikings qui avaient été attirés en ce lieu où autrefois se dressait un ancien fort irlandais.
Tournons une page d'histoire:
Ce fut en 1513, lorsqu'il appartint à la famille McQuillan qu'il fut documenté pour la première fois. Les premiers éléments caractérisant le château furent deux grandes tours de tambour d'un diamètre de 9 m côté est, deux vestiges d'une forteresse construite par les McQuillan après avoir obtenu le titre de seigneurs de la Route.
En 1534, l'un des enfants de la famille McQuillan affirma avoir vu une femme vêtue d'une robe blanche, debout au bord de la falaise, face à l'océan au coucher du soleil. Il dit l'avoir vue disparaître dans le vent. Personne ne crut l'enfant, il emmena donc sur place son frère aîné le lendemain soir pour regarder le fantôme, mais celui-ci n'apparut pas. Puis au début des années 1550, de nombreuses personnes prétendirent voir une femme vêtue d'une robe blanche, marchant le long du rivage en contrebas du château de Dunluce au coucher du soleil, jusqu'à ce que finalement un jour, le jeune McQuillan, alors âgé d'une trentaine d'années, descende jusqu'au rivage et tente de parler avec le fantôme. Après cela, tout s'arrêta. Plus aucune personne ne rapporta avoir vu cette femme.
Les McQuillan restèrent les Seigneurs de la Route de la fin du XIIIe siècle jusqu'à ce qu'ils soient délogés par les MacDonald, après avoir perdu, au milieu et à la fin du XVIe siècle, deux batailles majeures qui les opposaient.
Plus tard, le château de Dunluce devint le lieu de résidence du chef du clan MacDonnell d'Antrim et du clan MacDonald de Dunnyveg d'Ecosse. Le chef John Mor MacDonald était le fils cadet du bon Jean Ier MacDonald, seigneur des Îles, 6e chef du clan Donald en Écosse. John Mor MacDonald était né du second mariage de Jean Ier MacDonald avec la princesse Margaret Steward, fille du roi Robert II d'Ecosse. En 1584, à la mort de James MacDonald, 6e chef du clan MacDonald d'Antrim et de Dunnyveg, les Glens d'Antrim furent saisis par Sorley Boy MacDonnell, l'un de ses jeunes frères. Sorley Boy prit le château, le gardant pour lui-même et l'améliorant dans le style écossais. Sorley Boy jura allégeance à la reine Elisabeth Ière d'Angleterre et son fils Randal fut fait comte d'Antrim par le roi Jacques Ier d'Angleterre.
Quatre années plus tard, La Girona, une galéasse de l'Invincible Armada fit naufrage lors d'une tempête sur les rochers tout près. Les canons du navire furent installés dans les corps de garde et le reste de la cargaison fut vendue, les fonds étant utilisés pour restaurer le château. Rose, la petite-fille de MacDonnell naquit dans le château en 1613.
À un moment donné, une partie de la cuisine située à côté de la falaise s'effondra dans la mer, après quoi, l'épouse du propriétaire refusa de vivre dans le château plus longtemps. Selon une légende, lorsque la cuisine tomba dans la mer, seulement un garçon de cuisine survécut, étant assis dans le coin de la cuisine qui ne s'était point effondré. Le château de Dunluce était le siège du comte d'Antrim jusqu'à l'appauvrissement des MacDonnell en 1690, qui fit suite à la bataille de la Boyne. Depuis cette époque, le château s'est détérioré et des parties furent récupérées afin de les utiliser comme matériaux pour les bâtiments situés à proximité.
Dunluce Castle Nous poursuivons notre route en longeant la côte pour nous rendre à la Chaussée des Géants dont le nom viendrait d'une légende selon laquelle, deux géants ennemis vivaient de chaque côté de la mer, l'un en Écosse, appelé Benandonner, et l'autre en Irlande, nommé Fionn Mac Cumhaill. Le géant écossais parlait de son rival irlandais comme d'une personne négligée et froussarde jusqu'au jour où celui-ci, piqué au vif, dit à l'Écossais de venir se battre pour lui prouver qu'il était le plus fort ! Mais comment franchir la mer ? L'Irlandais jeta des pierres dans l'eau pour construire un chemin praticable, une « chaussée » entre l'Écosse et l'Irlande. Mais quand il vit approcher son adversaire, l'Irlandais fut pris de panique car il était beaucoup plus petit que son adversaire ! Il courut demander conseil à sa femme, qui eut juste le temps de le déguiser en bébé avant l'arrivée du géant écossais. À ce dernier, elle présenta son « fils », qui n'était autre que son mari déguisé. Le géant écossais, voyant la taille de ce « bébé », prit peur. Affolé à l'idée de la taille du père et par conséquent de sa puissance, il prit ses jambes à son cou et s'en retourna dans ses terres d'Écosse en prenant soin de démonter la chaussée pour que l'Irlandais ne risque pas le rejoindre.
Plus sérieusement:
La Chaussée des Géants forme un promontoire qui s'avance sur la mer ; il est constitué de la juxtaposition de prismes de lave refroidie. Les plus grands de ces prismes atteignent près de 12 mètres de haut. La plupart ont une section de forme hexagonale, mais environ 30 % sont des pentagones et certaines colonnes ont quatre, sept, huit voire neuf ou dix faces. La section des prismes peut avoir une surface plane, convexe ou concave. L'ensemble évoque une chaussée ancienne au pavage irrégulier.
La Chaussée des Géants résulte de l'érosion par la mer d'une coulée de lave basaltique datant de 50-60 millions d'années.
Pendant le Paléogène (début du Cénozoïque), la région d'Antrim a connu une intense activité géologique liée à l'ouverture du nord de l'océan Atlantique. Au cours de ces évènements magmatiques, des laves basaltiques ont forcé un passage à travers les couches géologiques calcaires préexistantes. Ces laves, une fois refroidies, ont formé un grand plateau basaltique. Le plateau d'Antrim est en fait un trapp (empilement de coulées basaltiques), où on peut distinguer trois séries d'épanchement volcanique. Le basalte de la Chaussée des Géants appartient à la série des basaltes moyens.
La contraction thermique rapide de la lave lors de son refroidissement a créé la fracturation hexagonale en colonnes, perpendiculairement à la surface du sol où la coulée s'est épanchée (comme cette surface n'était pas rigoureusement plane, certaines colonnes sont légèrement obliques). Par la suite, les côtés des prismes ont servi de surface de refroidissement, et une fracturation transversale, horizontale, est apparue. C'est cette dernière qui a été mise à profit par l'érosion marine pour aplanir les orgues basaltiques.
Les colonnes sont constituées d'un basalte gris, relativement riche en silice. Certaines de ces colonnes ont été rougies par altération de la roche par des eaux thermales (dont l'action a été démontrée dans les couches rouges décimétriques de la falaise), mais aussi par latéritisation due au climat tropical qui régnait en Irlande au tout début de l'ère Cénozoïque (la latéritisation a été caractérisée dans la couche rouge décamétrique située entre les basaltes inférieurs et moyens).
Les colonnes au nombre d'environ 40000 sont visibles sur l'estran mais aussi dans la falaise haute de 28 mètres qui constitue la bordure du plateau d'Antrim.
Le site est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1986.
En arrivant sur les lieux, nous pouvons emprunter deux chemins: le Blue Trail qui permet d'accéder aux colonnes basaltiques et le Red Trail qui longe le haut de la falaise. Nous décidons alors de les faire l'un après l'autre en commençant par le Blue.
La Chaussée des Géants Le début de parcours fut pluvieux ce qui rendait les pierres très glissantes. Puis la pluie s'est arrêtée mais le vent était si froid que nous avons gardé nos capes pour nous protéger.
Après cette visite, nos estomacs commencent à crier famine donc nous cherchons un endroit sympathique pour casser la croûte. La route côtière nous mène alors sur un parking où nous découvrons les ruines d'un château, le Dunseverick Castle datant du Ve siècle. Aujourd'hui seuls les vestiges du bastion d'entrée subsistent. Une petite tour d'habitation existait encore jusqu'en 1978, époque où elle s'est effondrée dans la mer.
Après avoir mangé, nous reprenons la voiture et continuons à longer la côte nord de l'Irlande. Nous passons à Ballintoy, un petit village du comté d'Antrim dont le port a servi de décor pour la saison 2 de "Game of Thrones". Nous y faisons une courte pause.
Ballintoy Il nous reste encore une étape avant de rejoindre notre chambre, peut-être l'étape la plus forte en émotions, le Carrick a Rede-Rope Bridge. Le nom peut se traduire comme « le rocher sur la route » où le rocher désigne l'île et la route fait référence au trajet qu'empruntent les saumons pendant leur migration. Le pont de corde de Carrick-a-Rede relie l'île de Carrick et la terre ferme du comté d'Antrim depuis plus de 250 ans. Alors, vous vous demandez peut-être pourquoi ce pont existe. Il y a bien une raison à cette folie : plusieurs générations de pêcheurs se sont autrefois succédées sur Carrick, considéré comme le meilleur coin pour attraper du saumon.
Avec le changement des habitudes migratoires des poissons, l'époque des pêcheurs sur l'île est désormais révolue depuis 2002. Reste pour héritage un cottage blanchi à la chaux et isolé, perché sur Carrick : la définition même d'un endroit précaire.
Se balancer à 30 mètres au-dessus de l'océan ne semble peut-être pas la façon la plus relaxante d'entreprendre cette traversée de 20 mètres, mais les choses ont bien changé. La structure du pont a évolué au cours du temps. Le premier pont n'était constitué que d'une corde en guise de main courante et de planches largement espacées. Le dernier modèle (mis en place en 2004) est fait de cordages et de pins d'Oregon. Aujourd'hui, même si ce pont robuste tremble un peu – juste assez pour vous donner le frisson – vous êtes bien plus en sécurité. Bien qu'aucun accident n'ait jamais été enregistré à Carrick-a-Rede, de nombreuses personnes ont dû être évacuées en bateau car elles étaient incapables de retraverser le pont dans le sens du retour.
Balancez-vous au gré du vent en traversant le pont de corde de Carrick-a-Rede et admirez la vue imprenable sur la Route de la Chaussée des Géants, sur l'Île de Rathlin et même sur l'Ecosse. Les lattes de bois qui craquent dans les bourrasques. Les vagues qui tourbillonnent sous vos pieds. Le goût salé sur le visage. Vous sentez-vous capable d'affronter Carrick-a-Rede ?
Le pittoresque trajet en voiture jusqu'au pont de corde, la randonnée pour le rejoindre et les vues qu'il offre sont plus que spectaculaires, et le jeu en vaut la chandelle, et nous l'avons fait !!!, aller et retour.
Ne vous y trompez pas, il ne pleut pas mais le vent est violent à cet endroit.
Après toutes ces émotions, il est l'heure maintenant d'aller faire un gros dodo donc direction Ballycastle, toujours dans le comté d'Antrim. Jusqu'en 2015, cette ville est le siège du conseil de district de Moyle, date de son abolition.
Les falaises de Fair Head sont l'emblème de Ballycastle, s'élevant à 196 m. Une île artificielle de l'Âge du fer, ou crannog peut être vue au milieu d'un grand lac. Knocklayde, est une montagne de 516 mètres qui donne un panorama sur Ballycastle, l'île de Rathlin, Fair Head et l'Écosse.
Glentaisie est la plus au nord des Nine Glens of Antrim, au pied de Knocklayde mountain. Elle s'appelle aussi la Princesse Taisie, la fille du Roi Dorm de Rathlin Island. Selon la légende, Taisie, d'une grande beauté, est promise à Congal, héritier du royaume d'Irlande. Le roi de Norvège demande aussi sa main. Le roi de Norvège et son armée tentent de capturer Taisie. Dans la bataille qui s'ensuit, le roi trouve la mort.
Les rivières Carey, Glenshesk et Tow coulent dans les vallées et rejoignent ensuite le fleuve Margy pour finalement se déverser dans la mer de Moyle.
Notre étape du jour nous a fait parcourir environ 160 km en voiture.