Vietnam

à la découverte du Vietnam
Du 22 décembre 2003 au 4 janvier 2004
2 semaines
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Par trois fois le Vietnam avait croisé ma vie : affectivement, compassionnellement et spirituellement.

En cadeau de noël en 2003, mon compagnon m'offre de partir passer 2 semaines au Vietnam ! Un cadeau de luxe puisque nous y partons en business class et que notre voyage sera essentiellement privé... Même si ce ne sont pas mes conditions habituelles de voyage j'ai beaucoup apprécié le geste et aimé ce pays.

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Le Vietnam occupe une superficie de 330 990 km2 au centre de l'Asie du Sud-Est.

C'est une bande de terre longue de 1 650 km étirée en forme de S, bordée sur plus de 3 200 km par la mer de Chine et séparée des pays voisins à l'est par une chaîne montagneuse.

Depuis des siècles, le Vietnam a été tourmenté par les conflits qui ont jalonné son histoire et le bilan de ses dernières guerres (contre la France et surtout les Etats Unis) a été désastreux que ce soit sur le plan humain, écologique ou économique. De plus, les purges qui ont suivi la réunification du Nord et du Sud ont été d'une grande violence. Mais la détermination des Vietnamiens leur a permis de rejoindre la sphère économique internationale. Le pays est redevenu un des plus grands exportateurs mondiaux de riz et son sous-sol recèle des gisements d'étain, de zinc, d'argent, de pierres précieuses, de charbon et de pétrole.

Et parallèlement le Vietnam reste un pays de légendes peuplé de dragons et de rois, de divinités et d'héroïnes, d'esprits et d'animaux fabuleux...

"Il était une fois - l'histoire remonte à l'aube des temps - une ravissante fée qui vivait dans les montagnes du Nord. Ou peut-être était-ce une princesse immortelle... Le temps a estompé ses origines.

Elle s'appelait Au Co et l'un de ses voyages la conduisit jusque dans la plaine de Song Hong, le fleuve rouge. C'est là qu'elle rencontra Long Quan, le dragon des mers, descendant de Than Nong, le dieu de l'agriculture.

Ils tombèrent éperdument amoureux et engendrèrent cent fils. Mais un jour, craignant que leur histoire ne se ternisse, Long Quan dit à sa femme "je suis dragon et tu es fée des montagnes et notre amour ne peut être éternel. Nous allons nous quitter. J'emmènerai cinquante de nos fils vers les régions côtières et tu emmèneras les cinquante autres vers les plaines".

Cinquante des fils fondèrent avec leur père la première nation vietnamienne, Van Lang, et les autres donnèrent naissance aux ethnies minoritaires qui peuplent encore le Vietnam.

C'est pour cette raison que, aujourd'hui encore, les Vietnamiens se considèrent comme les fils du Dragon."

Le nom "Vietnam" est apparu seulement au XIXème siècle, au moment de l'union des provinces du Nord et du Sud. Nam désignerait les Chinois qui avaient autrefois émigré vers le Sud de la péninsule et Viet signifierait "au-delà".

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 reflets dans l'eau, à Hanoi

Lundi 22 décembre... L'avion atterrit à l'aéroport de Hanoi à 6h30 du matin et il nous faut bien 3/4 d'heure avant de franchir la barrière des douaniers hyper-consciencieux et peu amènes.

Mais dans le hall de l'aéroport, Thu notre guide et Duc Bao le chauffeur nous attendent avec le sourire. Il est tôt alors avant de rejoindre l'hôtel, et bien que nous nous sentions un peu zombies, Thu nous entraîne sur la terrasse d'un petit bistrot en étage. La ville, en contrebas, est incroyablement animée et les klaxons fusent de toutes parts.

Nous "dégustons" un café vietnamien qui nous tordra l'estomac une grande partie de la matinée et nous apprendra qu'il faut demander un "café spécial" plus proche de nos goûts.

Duc Bao nous conduit ensuite dans le quartier de Ba Dinh où le programme prévoit notre première visite : le mausolée Ho Chi Minh. Cela ne nous enthousiasme pas particulièrement mais il semble que cette proposition est incontournable et nous sacrifions à la politesse.

C'est sur cette place Ba Dinh que l'oncle Ho proclama l'indépendance en 1945 et nous nous retrouvons devant un bâtiment de type stalinien : le mausolée. Apparemment c'est un lieu de pèlerinage important pour les Vietnamiens et la file d'attente est impressionnante. Elle avance en silence et les soldats, postés tout le long du parcours, veillent avec autorité à ce que les règles soient respectées : sacs et appareils photos doivent être déposés à l'entrée, la tenue doit être correcte (casquettes, shorts et mains dans les poches sont interdits) et les gardes veillent à ce que nous avancions en silence...

Nous passons, au milieu d'une foule respectueuse, devant le corps embaumé de l'oncle Ho qui repose dans un sarcophage de verre (il avait pourtant exprimé le souhait d'être incinéré et que ses cendres soient éparpillées sur la terre de son pays ! )

Nous avons vraiment l'impression d'avoir atterri sur une autre planète et c'est avec plaisir que nous quittons ce mausolée glacial pour nous retrouver dans le parce qui abrite, au bord de l'étang, la maison sur pilotis que Ho Chi Minh s'était fait construire, la préférant au palais présidentiel voisin.

Après cette première prise de contact, surprenante, avec le Vietnam, fatigués, étourdis par le bruit et l'agitation nous prenons un temps de repos à l'hôtel, convaincus que nous serions tout à fait incapables de conduire dans les rues fourmillantes de cette ville au milieu de la marée des deux-roues qui surgissent en permanence de toutes parts dans le désordre le plus complet.

Mais nous découvrons rapidement que, malgré tous les coups de klaxon, il n'y a jamais d'altercation entre les conducteurs et Duc Bao s'amuse beaucoup des frayeurs de mon compagnon et de ses "putain... putain..." lorsqu'une mobylette fait un écart ou ne respecte pas la priorité.

Pour traverser une rue il faut s'engager d'une allure décidée mais lentement" nous apprend Thu. "Si vous vous précipitez, c'est dangereux parce qu'ils ne comprendront pas". Nous retenons la leçon !

Nous découvrons avec émerveillement un monde tout à fait étrange et lorsque nos accompagnateurs nous laissent quartier libre, nous continuons de déambuler dans les rues, emportés par les odeurs, les bruits et l'agitation, les pagodes et les temples.

la demeure de Ho Chi Minh 

La pagode Môt Côt (pagode au pilier unique)

A proximité de la place Ba Dinh, construite au XIème siècle, la pagode Môt Côt (la pagode au pilier unique) , placée au milieu d’un plan d’eau lui-même entouré de jardins, a été plusieurs fois détruite et restaurée mais elle a gardé son architecture originale unique, même si le pilier en bois a été remplacé par un pilier en béton.

Sous les tuiles recourbées de son magnifique toit surmonté de dragons, la pagode est tout en symboles : la fleur de lotus qui symbolise l’illumination et la beauté dans le bouddhisme, le pilier par lequel transite l’énergie vitale entre terre et eaux et illustre la fécondité, l’arbre bodhi sous lequel Bouddha aurait atteint l’illumination, le pavillon rouge de la parfaite félicité…

"Dans un rêve, installée sur une fleur, de lotus la déesse Quan Am se présente à à l’empereur Ly Thai Tong. Elle tient un nourrisson dans ses bras et lui annonce la naissance prochaine d’un fils.

Quelque temps après, l’empereur épouse une jeune paysanne qui lui donne un héritier. Reconnaissant, il fait construire la pagode Môt Côt au milieu d’un étang de lotus"

la pagode Mot Cot 

Van Mieu - le temple de la littérature

Dans le quartier Dong Da, situé au sud-ouest de la ville, le temple de la littérature, construit au milieu du XIème siècle en l'honneur de Confucius est un superbe ensemble architectural au milieu d'un vaste jardin.

Dédié au culte de Confucius, il a également abrité la première université nationale fondée en 1076 dans laquelle les futurs mandarins étudiaient la littérature, la philosophie et l'histoire.

Nous prenons plaisir à nous attarder dans le dernier bâtiment où un groupe de jeunes femmes donnent un mini concert de musique traditionnelle.

 le palais de la littérature


Le lac Hoan Kiem

Au hasard des rues nous faisons une halte au bord du lac Hoan Kiem (le lac de l'épée restituée) aux abords duquel nous croisons des personnes qui font leur tai chi matinal, des lycéennes vêtues de leur ao dai blanc, des femmes qui transportent des marchandises dans des paniers fixés aux extrémités d'un bâton fixé sur l'épaule... et nous nous laissons séduire par les reflets de la ville dans les eaux du fleuve rouge.

"Un pêcheur nommé Le Loi reçut d'une tortue géante, génie du lac, une épée magique pour combattre les Ming, envahisseurs chinois. Après dix ans de lutte il réussit à libérer le pays et se rendit sur la rive du lac pour restituer l'épée. La tortue d'or s'empara de l'épée et retourna dans les profondeurs. On prétend qu'elle vit toujours au fond du lac."

au bord du lac Hoan Kiem 

Et près de là, le pont du soleil levant permet d'accéder au temple de Ngoc Son (le temple de la montagne de jade) construit au XIXème siècle.

le temple de Ngonc Son 

A proximité du lac, Thu nous entraîne jusqu'à la cathédrale Saint Joseph, la plus vieille église de la ville terminée en 1886. Les murs sont un peu lépreux mais à l'intérieur des femmes composent de superbes bouquets pour décorer l'hôtel et aux abords immédiats, des fidèles peignent une grande fresque.

aux abords de la cathédrale Saint Joseph 

36 Phuo Phong

Au nord du lac Hoan Kiem se situe le vieux quartier, 36 Phuo Phong et c'est en cyclopousse que nous nous y rendons en fin d'après-midi.

Ce quartier aux rues étroites, sans doute le plus populaire de Hanoi, date de plus de six siècles et les commerçants sont regroupés par activité dans chacune de ses 36 rues. Chaque rue est traditionnellement le siège d'une corporation et porte le nom des marchandises qui y sont vendues.

Nous circulons au milieu de centaines d'échoppes et la densité de population est impressionnante. Installées sur le bord des trottoirs des femmes avec leur traditionnels chapeaux coniques proposent des plats cuisinés de toutes sortes et les gens mangent là, accroupis sur le sol... et nous avançons au milieu des odeurs de gingembre, de curry, de clous de girofle, de badiane... et de poussière.

36 Phuo Phong 

Thag Long - le théâtre municipal des marionnettes aquatiques

Si Hanoi nous a déroutés les premières heures, nous nous sommes peu à peu laissés prendre à son charme et emporter dans un tourbillon de brume, de chapeaux coniques, de pagodes, de pourpre et de dorures, de parcs, de sourires... de klaxons et de cyclomoteurs.

Pour notre dernière soirée, nous assistons à un spectacle de marionnettes sur l'eau et le spectacle est magique.

Un orchestre accompagne le spectacle qui se compose d'une douzaine de petites scènes de quelques minutes chacune et décrivent l'organisation de la vie dans la campagne vietnamienne : le rythme des saisons, la récolte du riz, les fêtes de la moisson, les fêtes religieuses... Le spectacle est magique.

Les manipulateurs sont cachés derrière la scène, immergés dans l'eau jusqu'aux hanches et ils actionnent des marionnettes d'une cinquantaine de centimètres qui sont tellement articulées qu'il faut parfois jusqu'à quatre marionnettistes pour faire évoluer une seule d'entre elles.

Le clou du spectacle est sans doute l'apparition du dragon qui crache des feux d'artifice.

le théâtre des marionnettes aquatiques 
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le Bouddha rieur  d'Haiphong

Nous quittons Hanoi par la route nationale 5 vers l'est et nous descendons la vallée du fleuve rouge truffée de rizières dans lesquelles s'activent hommes et femmes.

les rizières 

Haiphong

Après 120 kilomètres de circulation dense où nous croisons des camions si vétustes qu'on se demande comment ils peuvent encore rouler et qui transportent toutes sortes de marchandises, des vélos qui disparaissent sous leur chargement de plantes diverses, de cages remplies de poules ou de canards, des cavaliers sur leurs buffles nous arrivons à Haiphong, deuxième port du Vietnam après Ho Chi Minh ville.

Bombardée par les Français en 1946, minée sous Nixon, Haiphong a été ensuite le port de départ de l'exode de dizaines de milliers de boat people.

C'est actuellement la troisième ville du pays.

Haiphong 

Nous y visitons la pagode Du Hang et le temple Hang Kenh.


En fin d'après-midi, nous arrivons dans la ville de Bai Chay où nous passons le réveillon de noël avec Thu et Duc Bao dans un petit restaurant.

Le lendemain, nous embarquons pour une visite de la baie d'Halong avec Thu, le capitaine et un cuisinier pour une promenade de huit heures.

La baie d'Halong

baie d'Halong 

Dans le film de Régis Wargnier, Indochine, j'avais été fascinée par cet endroit dans lequel se réfugiait l'héroine et je n'ai pas été déçue par la baie d'Halong.

D'une superficie de 1 550 km2, située dans la partie ouest du golfe du Tonkin, la baie d'Halong abrite près de trois mille îles et ilots qui surgissent de la mer en d'étranges sculptures.

Elle a été classée patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco et elle est qualifiée de huitième merveille du monde. Certains objets trouvés par les archéologues prouvent que cette région est habitée depuis plus de 10 000 ans.

Halong signifie "le dragon descendant".

"Selon la légende l'empereur de jade fit un jour appel à un dragon et à sa progéniture afin qu'ils l'aident à arrêter les envahisseurs venus de la mer.

Les dragons bombardèrent avec des blocs de jade les vaisseaux qui furent aussitôt transformés en une multitude d'ilots et, séduits par le paysage qu'ils avaient créé, les dragons décidèrent de s'établir définitivement dans la baie.

L'un de leurs descendants, long de plus de 30 mètres, y vivrait encore."

L'endroit est somptueux et il règne dans la baie d'Halong une atmosphère tout à fait particulière. La variété de formes et les couleurs offrent un paysage toujours changeant et le silence et la légère brume donnent au lieu une impression de totale irréalité.

Nous naviguons en dehors du temps et nous pourrions croire que nous sommes perdus dans ce dédale d'ilots.

Nous croisons parfois une longue péniche dont la ligne de flottaison est très basse tant elle est chargée de charbon. Puis au détour d'un des innombrables rochers, nous découvrons un village de pêcheurs ou une barque isolée.

Nous faisons une halte dans la grotte de Dau Go que les Français avaient baptisé "grotte des merveilles". Ses trois salles sont ornées de magnifiques stalactites et stalagmites. Puis nous jetons l'ancre près de Hang Hanh (le tunnel de la douane) qui ressemble à une rivière souterraine et n'est accessible qu'à marée basse.

Nous y déjeunons de coquillages et de poissons à bord du bateau, charmés par un gamin qui conduit la barque de ceux qui souhaitent partager notre repas parce que si la famine fait partie du passé la pauvreté reste très présente.

la baie d'Halong 
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Hoa Lu 

Hoa Lu

Hoa Lu se trouve dans la province de Ninh Binh, à une centaine de kilomètres de Hanoi.

Autrefois capitale du Vietnam (au Xème et XIème siècle) c'est une ville qui a été entièrement reconstruite après que les Américains l'aient rasée pendant la guerre.

Seuls subsistent deux temples : celui de Dinh Tien Hoang avec ses piliers de jacquier (le fameux "bois de fer"), son toit couronné de dragons et les animaux mythiques qui en gardent l'entrée et sa réplique réduite : le temple de Le Dai.

La rivière Ngo Dong

C'est à l'embarcadère de Van Lâm que nous embarquons pour une promenade de 2 ou 3 heures sur la rivière Ngo Dong qui nous enchante. Après avoir glissé en silence au milieu des rizières inondées dans lesquelles viennent baigner les pieds des montagnes, la barque se faufile successivement sous trois montagnes dans des galeries fraîches à la voûte très basse. Entre chaque galerie la rivière semble un vaste lac d'eau limpide et calme, bordé de falaises calcaires.

Dans une vaste cavité, les Vietcongs avaient établi un hôpital militaire pendant la guerre et d'autres grottes auraient servi de prisons à des pilotes américains capturés.

Un paysage exceptionnel, aujourd'hui d'une grande sérénité troublée seulement par les barques des touristes que nous croisons. Nous remarquons avec surprise que lorsque les rameurs sont fatigués ils se servent habilement de leurs jambes pour ramer.

Nous sommes pilotés par une femme et sa charmante fille de 18 ans et grâce à Thu nous pouvons communiquer avec elles puis avec le grand-père de 86 ans qui vit seul dans sa bicoque et utilise sa barque pour faire quelques courses quand cela lui est nécessaire.

L'état d'esprit dans lequel nous étions pendant les premières heures nous semble loin. Nous avons perdu notre assurance d'Occidentaux et nous sommes réceptifs à tout ce que nous voyons même si nous ne sommes pas toujours en mesure de comprendre.

Dans la commune Ninh Hai, nous découvrons la pagode Bich Dông constituée de trois parties. La première Chua Hua est construite sur une plate-forme puis un long escalier mène à la pagode Trung taillée dans la paroi de la montagne et embellie de stalactites et de stalagmites. Après avoir traversé cette grotte nous accédons à la pagode Thuong dédiée au Bouddha de la miséricorde.

Aujourd'hui le lieu est investi par des moniales qui travaillent les écritures du Bouddha et cultivent les jardins alentour sous la direction d'une "supérieure très sévère" nous confie la jeune moniale avec qui nous passons un instant.


sur la rivière Nog Dong 
la pagode de Bich Dong 
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Le 28 décembre, notre dernier jour à Hanoi, Thu et Duc Bao nous emmènent dans un village de l'ethnie Hmong.

Nous sommes là dans le Vietnam des estampes, au-delà du temps.

Les Hmongs sont environ 500 000 et parlent un dialecte, le miao-yao. Ils habitent des maisons en bois coiffées de toits de chaume qui sont pour la plupart construites sur pilotis.

Ils pratiquent la riziculture en terrasse avec un système d'irrigation particulier et la culture sur brûlis du maïs et cueillent, pour en faire le commerce, la gentiane, la cardamome, les plantes médicinales dans les forêts avoisinantes et la résine du toxidendron succedanea qui sert à fabriquer la laque.

Les hommes pratiquent la chasse (renard, sanglier...) et les femmes l'artisanat (essentiellement vannerie et tissage). Elle sont vêtues de surprenants costumes très colorés qu'elles conservent pour tous leurs travaux.

Nous sommes accueillis dans une maison par une femme qui vit là avec sa fille et nous accédons, par un escalier un peu raide, à l'unique pièce qui sert de cuisine, de chambre à coucher et d'atelier.

Elle nous montre comment fonctionne la machine qui permet d'enlever la première enveloppe du riz avant de la passer dans un tamis. Rien n'est perdu : les "déchets" sont utilisés pour nourrir les animaux ou faire de l'engrais

Le "coin cuisine" est central et consiste en un foyer qui sert aussi de chauffage en hiver. Les nattes de couchage sont rudimentaires et un métier à tisser qui permet de fabriquer leurs vêtements est dans un coin (la maîtresse de maison est intéressé et surprise lorsque je lui dis que moi aussi je fais du tissage). elle veut tout savoir : mon âge, le nombre d'enfants que j'ai, comment est ma maison... Elle m'offre un alcool de riz fermenté que l'on boit à même une jarre avec des pailles de bambou avant de me faire gouter le tabac qu'elle fume dans sa pipe à eau.

 chez les Hmongs
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Lorsque l'avion atterrit, il fait nuit et le crachin tombe sur la ville de Hué située à 655 kilomètres de Hanoi.

Notre nouveau guide, Xuong, nous attend à l'aéroport avec Guy qui, contrairement à ce que pourrait laisser supposer son prénom ne parle pas un mot de français.

Vue l'heure tardive, nous allons directement à l'hôtel au coeur de la ville et prenons rendez-vous pour le lendemain matin.

Thu, avec ses 31 ans, n'a jamais connu que le régime communiste et, même si elle a souffert des grandes restrictions alimentaires dans son enfance, elle est une inconditionnelle de l'oncle Ho.

Il n'en est pas de même pour Xuong. C'est un homme du Sud et pendant la guerre il s'est battu aux côtés des Américains. Mais pendant seulement un peu moins de trois ans, ce qui ne lui a pas donné la possibilité de quitter le Vietnam avec eux lorsqu'ils sont partis. Il a eu à souffrir de représailles et s'est vu, en particulier, opposer pendant plusieurs années le refus de délivrance du ho khau, ce certificat de résidence qui était indispensable pour pouvoir trouver un emploi. Il n'a plus aucune illusion et se montre très critique vis-à-vis du régime en place.

Chargée d'histoire, la ville de Hué demeure aujourd'hui l'un des foyers intellectuels et culturels du pays. Cette ancienne capitale, outre la beauté de ses monuments, offre un charme paisible et plein de poésie appréciable après l'effervescence de Hanoi.

Xuong nous entraîne dans un enchaînement de découvertes époustouflantes.

Song Huong - la rivière des parfums

Nous débutons la journée par une balade en sampan sur la rivière des parfums. Son nom viendrait des frangipaniers qui couvraient autrefois ses rives et embaumaient toute la campagne. Mais aujourd'hui, il n'y a plus de frangipaniers...

L'activité est intense et nous croisons des dizaines de bateaux qui transportent toutes sortes de matériaux. Certaines familles, de toute évidence, vivent à bord de ces embarcations dans un confort rudimentaire.

la rivière des parfums 


la pagode de Thien Mu

Cette promenade sur la rivière nous mène à la pagode Thien Mu (pagode de la Dame céleste).

Située sur une colline qui domine la rivière, elle fut construite en 1600 et au XIXème siècle, l'empereur y ajouta une tour octogonale de 21 mètres de haut dont chacun des sept étages symbolise une réincarnation du Bouddha.

Le temple principal s'élève dans un parc somptueux et abrite les statues de plusieurs bouddhas : le Bouddha souriant, celui du passé, celui des temps à venir...

la pagode de Thien Mu 

le tombeau de Khai Dinh

Nous reprenons la route pour nous rendre dans le village de Chau Chu où se trouve le tombeau de Khai Dinh, à 10 kilomètres de Hué.

C'est un étrange ensemble architectural construit entre 1920 et 1931 dont les temples et les palais sont en béton armé.

Un imposant escalier de pierres gardé par quatre dragons mène à une première cour et une deuxième série de marches conduit à la cour d'honneur peuplée de statues d'animaux, de soldats et de mandarins.

Un dernier escalier donne accès au Thieu Dinh, le temple du culte.

Le sol est couvert de tuiles de couleur et les murs de surprenantes fresques très colorées constituées de morceaux de faïence et de tessons de bouteille enserrés dans le ciment.

Le plafond, lui, est décoré d'un immense "dragon dans les nuages".

 le tombeau de Khai Dinh

le mausolée Tu Duc

A quelques kilomètres de là, nous allons au mausolée de Tu Duc auquel travaillèrent trois mille hommes entre 1864 et 1867. Tu Duc était un poète et un lettré et son mausolée s'intègre parfaitement à la nature.

L'imposante porte d'entrée permet d'accéder, à deux pavillons dans lesquels l'empereur venait se reposer et écrivait des poèmes.

Une allée mène du lac à un palais derrière lequel se trouve le théâtre dans lequel l'empereur assistait à des représentations données par ses nombreuses concubines.

Près des piliers en bois de fer et dans les cours se dressent des statues qui semblent veiller sur l'endroit et sur les toits les dragons à cinq griffes, symbole de l'empereur, rappellent son pouvoir sur la terre et sur les eaux.

le mausolée de Tu Duc 

Dai Noi - la citadelle de Hué

 la citadelle de Hué

Construite sur le modèle de la cité impériale de Pékin sous le règne des Nguyen au début du XIXème siècle, la citadelle de Hué couvre une superficie de 73 hectares et ses fortifications qui s'étendent sur 10 kilomètres de pourtour atteignent 7 mètres de haut et 20 mètres de large.

La conception de la citadelle témoigne d'une hiérarchie très stricte : trois enceintes concentriques protègent Kinh Thanh (la ville capitale), siège des administrations et des hauts dignitaires de la cour, Hoang Thanh (la cité impériale) où se trouvent les palais et les tempes puis Cam Thanh (la cité pourpre interdite) dans laquelle résidait l'empereur et sa famille. La première enceinte est protégée par un fossé large d'une trentaine de mètres que l'on franchit par l'un des dix ponts qui enjambent les douves.

Lorsque Bao Dai abdique en 1945 la cité interdite est laissée à l'abandon et il ne reste presque plus rien de cette partie de la citadelle qui a été détruite durant les bombardements américains de 1968.

Nous avons du mal à quitter ce lieu qui, malgré les dégradations subies, reste imprégné des fastes d'un riche passé et conserve un charme envoûtant. Nous marchons tranquillement dans les rues arborées de cette charmante ville avant de nous décider à prendre un cyclopousse pur retrouver le patio de l'hôtel Morin.

Hué, la cité impériale 

Nous ne quittons pas Hué sans avoir acheté quelques non, ces chapeaux coniques à poèmes.

La région de Hué est réputée pour la fabrication de "chapeaux à poèmes" : entre les feuilles de latanier qui constituent la matière première habituelle des chapeaux coniques, des poèmes que l'on peut lire en transparence sont insérés.

 fabrication des non

Au même endroit, nous assistons à la fabrique des bâtons d'encens : une fine tige de bambou, de la sciure de bois, de la résine et quelques gouttes de parfum !

les bâtons d'encens 
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Hoi An - Chan Phuoc Kien 

Pour accéder à Hoi An qui se trouve à 130 kilomètres de Hué, il faut passer par Hai Van (le col des nuages) qui marque la frontière climatique entre le nord et le sud et doit son nom à l'épaisse brume dans laquelle il est souvent plongé.

Hai Van 

La circulation y est importante, avec beaucoup de camions qui doublent dans n'importe quelle condition et dont Xuong nous confie que les freins ne sont pas toujours en excellent état.

Au début de la montée vers le col, nous remarquons des tas de morceaux de bois à la vente. Xuong nous apprend que ce sont tout simplement des cales utiles en cas d'immobilisation du véhicule pour lui éviter de dévaler la pente et qu'aucun chauffeur ne s'aventure sans en avoir dans le coffre de sa voiture.

Nous en aurons confirmation lorsque nous nous arrêterons et que Guy prendra soin d'en placer deux derrière les roues arrière de la voiture. Rassurant !...

Nous sommes surpris de voir sur les bords de la route de minuscules pagodes d'une cinquantaine de centimètres de hauteur. Nos trouvons cela ravissant mais Xuong a vite fait de nous ramener à la réalité : chacune rappelle qu'il y a eu là un accident grave... Est ce qu'on attache moins d'importance à la vie quand on a la certitude de revenir sur terre ?

Hoi An

Au XVème siècle, Hoi An était l'un des plus grands ports commerciaux de l'Asie du Sud-est mais, à la fin du XVIIIème siècle, la rivière Thu Bon qui reliait Hoi An à la mer s'est ensablée progressivement et il a fallu construire un autre port : Danang.

A Hoi An, toutes les maisons étaient autrefois construites en bois, décorées de planches laquées et de panneaux avec des inscriptions chinoises et par endroits cette architecture est demeurée intacte (l'Unesco y a recensé 850 bâtiments d'intérêt historique)

Chan Phuoc Kien, le temple des Chinois construit en 1792 est dédié à Thien Hau, déesse protectrice des pêcheurs et des marins.

Plus loin , le pont japonais de vingt mètres de long, enjambe la rivière Cau Nhat Ban. Il reliait autrefois le quartier chinois au quartier japonais. A ses extrémités, des statues (singes du côté chinois et chiens du côté japonais) rappellent les dates de construction du pont : de 1593 à 1595.

Sur le pont, nous entrons dans la maison Tan Ky vieille de deux siècles et admirablement conservée. Elle offre un mélange réussi de styles : le toit du salon légèrement sphérique, les piliers en bois de jacquier gravés de poèmes calligraphiés en incrustations de nacre, les meubles de bois sombre sculpté...

Toujours habitée, elle est transformée en maison artisanale spécialisée dans les ouvrages de broderie.


 Hoi An
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De Ho Chi Minh ville nous n'aurons qu'une approche superficielle puisque nous n'y restons que 24 heures. Arrivés tôt le matin du 31 décembre, nous sommes venus passer le réveillon du jour de l'an avec des amis d'adolescence, Khanh et Colette et nous repartons le lendemain.

Notre nouveau guide, Phong, nous attend à l'aéroport et il nous entraîne aussitôt à Bao Tang Lich Su, le musée d'histoire du Vietnam.

Bâti en 1929, il contient des collections très intéressantes qui retracent toute l'histoire du Vietnam depuis la préhistoire : armes, bijoux, maquettes de bataille, momies... Phong connaît bien l'histoire de son pays et il est intarissable sur les Ngo, les Dinh, les Le, les Nguyen, les Chams... Je me perds dans le dédale des empereurs et des minorités et j'avoue que cela ne m'intéresse pas vraiment !

Nous réussissons à quitter avec soulagement cet endroit pour aller à la poste centrale, Buu Dien.

C'est un très bel édifice construit en 1891 avec une charpente en fer conçue par Gustave Eiffel.

la poste Buu Dien 

La pagode Pho Mieu

Puis nous allons jusqu'à la belle pagode Pho Mieu, sanctuaire dédié à Tien Hau, la Dame céleste, déesse protectrice des navigateurs.

Comme dans toutes les pagodes, les fidèles vont et viennent librement, discutent, boivent du thé...

Mais personne ne fréquenterait une pagode, ou un temple, sans sacrifier au rituel des bâtons d'encens.

 la pagode Pho Mieu

Chaque visiteur en allume quelques uns. Tout un paquet ou quelques uns seulement mais toujours en nombre impair car les nombres pairs sont maléfiques.

Les fidèles saluent respectueusement trois fois, en inclinant la tête et les mains jointes à hauteur de la poitrine, puis se recueillent quelques instants devant l'autel avant de planter l'encens dans une urne emplie de cendre.

La fumée est le symbole de la communication avec le monde céleste et elle emporte avec elle les prières vers les dieux et vers les ancêtres.

La pagode Pho Mieu est surtout fréquentée par des femmes qui viennent déposer leurs offrandes aux trois statues de divinités placées au fond du temple et brûler de l'encens ou des offrandes votives en papier dans un grand brasero.

La pagode est très richement décorée et la statue de Tien Hau est encadrée de Long Mau, protectrice des mères et des nourrissons et de Ba Me Sanh, déesse de la fécondité, toutes deux très sollicitées.

Phong voudrait nous entraîner encore dans la visite d'une fabrique de laque et dans le quartier chinois mais nous préférons le quitter et rentrer à l'hôtel.

Le soir, nous retrouvons Khan et Colette dans leur appartement, au-dessus de la librairie qu'ils ont achetée au centre ville avant d'aller tous les quatre au restaurant.

Le pragmatisme de Khanh, dans la longue discussion que nous avons avec lui nous aide à mieux comprendre la complexité du peuple vietnamien, sa patience, sa détermination et sa résilience.

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Après toutes les richesses et les étrangetés que nous avons vécues depuis notre arrivée, nous avons prévu de nous réfugier en bord de mer et de nous installer dans un endroit aux allures tropicales, à six kilomètres de Phan Tiet pour deux jours de farniente. Le temps est magnifique et notre bungalow se trouve à vingt mètres de la plage. La mer de Chine est superbe. Elle est claire et dévoile par moments l'étrange beauté de ses reflets argentés.

L'activité principale de Phan Tiet est la pêche et nous voyons les bateaux passer devant les bungalows.

Certains pêcheurs utilisent toujours les thung chai. Ce sont de petites embarcations circulaires, d'environ deux mètres de diamètre que je n'avais jamais vues. L'extérieur est en bambou tressé et l'intérieur est enduit de goudron. Elles se manoeuvrent debout à l'aide d'une pagaie, généralement en bambou.

Et chaque jour, après la baignade, nous nous abandonnons aux mains de Thuy et Tôn qui nous massent avec dextérité et nous séduisent par leur gentillesse. Plaisir, plaisir...

La seule sortie que nous nous accordons pendant ce séjour est une promenade au marché de Phan Tiet en mobylette.

la mer de Chine et les thung chai 
 le marché de Phan Tiet
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Le retour en voiture, de nuit, pour rejoindre l'aéroport de Ho Chi Minh ville est de nouveau ponctué de tes "putain !... putain !..." quand tu constates que de nombreuses voitures et mobylettes roulent sans feux arrière, que les feux tricolores sont rares, la priorité à droite inconnue tout comme les interdictions de doubler dans les virages... mais nous arrivons sains et saufs à l'aéroport.

"Nous ne voyageons pas pour voir mais pour ne pas voir c'est à dire pour essayer d'atteindre autre chose que la surface lisse et fugitive des choses, pour nous voir aux lumières d'ailleurs"

 coucher de soleil sur la mer de Chine
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Dans la baie d'Halong

le dragon vainqueur

s'était envolé.

Dans le dinh d'Haïphong

le Bouddha rieur

attendait.

Sur les rives du lac Hoan Kiem

où les amoureux se promènent

une halte dans un café

pour déguster en riant des beignets.


Dans un bocal de verre

un cobra se désespère.


Au mausolée Ho Chi Minh,

défiler dans la discipline

devant le cercueil de verre

du héros de la guerre meurtrière.

Au coeur de la vieille ville,

à Hanoi, assaillie de mille odeurs,

dans le cyclopousse qui se faufile

au milieu des vélomoteurs.


Pour défier le froid

à mon cou une écharpe de soie.


Au départ de Tam Coc

une balade sur la Ngo Dong

cette paisible rivière

bordée de rizières.

A Saïgon, l'encens en volutes bleutées

dans la pagode dédiée

à la Dame céleste, Tien Hau,

protectrice des bateaux.


Tous les bâtonnets rapportés

se sont envolés en fumée.


Derrière ses murs fortifiés

la cité impériale

ancienne capitale

des lettrés.

Dans toutes les cité

les belles Vietnamiennes,

sveltes et distinguées

dans leur ao dai blanc de lycéenne.


A mon poignet

un bracelet de jade aux fermoirs dorés.


Aux environs de Hué

le mausolée Tu Duc

son jardin paysager

ses étangs où fleurissent les lotus.

En haut d'une colline,

tout en extravagance

avec ses murs de faïence

incrustés, le tombeau de Khai Dinh.


Sur mes cheveux décoiffés

le chapeau à poème de Hué.


Dans le village de l'ethnie

Hmong, une gorgée d'alcool de riz

et une bouffée de tabac

dans une pipe à eau en bois.

Le dédale des ruelles du marché

et ses paysannes accroupies

derrière les étalages colorés

dans la poussière et le fouillis.


Sur ma table de chevet

un ravissant coffret laqué.


A l'hôtel Victoria

de Phan Tiet, une douceur d'été,

des massages à l'aloé vera,

les thung chai sur la mer argentée.


Pagodes, rizières,

somptueuses rivières,

sampans et jonques colorées,

langoustines et crustacés,

bols de pho,

villes encombrées,

marionnettes sur l'eau,

champs inondés,

multitude de deux-roues,

ao dai colorés,

chapeaux de bambou,

yeux bridés,

pauvreté,

sérénité.


La magie d'un monde différent,

le trouble des sentiments.