"Tu sais l'effort qu'il t'en a coûté pour armer ton arc, pour adapter ta respiration, pour te concentrer sur ton objectif, pour clarifier ton intention, pour maintenir une posture élégante, pour respecter ta cible. Mais tu dois aussi comprendre que rien en ce monde ne reste longtemps auprès de nous : à un moment donné ta main devra s'ouvrir, et laisser ton intention suivre son destin." (Paulo Coelho - La voie de l'archer)
Ce voyage, nous l'avons en tête depuis des mois. Et nous l'avons préparé comme l'archer se concentre sur son objectif. Nous aimons aller là où nous porte le vent mais quand le but est de passer par l'Irak, l'Iran et l'Afghanistan pour rejoindre l'Inde et le Népal, il est impossible d'être dans l'improvisation totale. En tout cas, cela était le projet de départ. Sur deux ans. Entretemps, le projet a beaucoup évolué.
Car un voyage nomade à moto a pour compagne l’inconnue ; il convient de rester relax : il y a tant de paramètres qui interférent et imposent de s'adapter. Pour ce nouveau périple de boucles autour du monde, les surprises arrivent rapidement.
Une fois encore l’Univers bienveillant nous fait comprendre que les mésaventures sont une invitation à voir les choses sous un autre angle.
La Fontaine n’a-t-il pas dit : « À toute chose malheur est bon » ?
Nous sommes bien loin du malheur : force est de constater, qu’au niveau de la météo, le phénomène EL Nino semble vouloir particulièrement se jouer des saisons.
Nous avons 2 mois de retard sur la prévision du départ et finalement c’est une chance car nombre de nos copains partis plus tôt n’ont pu bénéficier d’un temps clément.
D’autre part, après quatre années difficiles à côtoyer le crabe qui s’était méchamment accroché en stade 4, les derniers traitements médicaux de Michel ont donné des résultats globalement très favorables ; les derniers soucis sont prometteurs de rémission. Si les aléas restent évidemment à gérer, il fait partie des miraculés de la science et des chanceux qui ont pu bénéficier de soins universitaires de pointe.
Les motos :
D’habitude l’administratif et préparation des motos représentent 10% pour l’impulsion du voyage, le reste se découvre à livre ouvert au fil des rencontres, des détours et expériences ; cette année l’élaboration est nettement plus conséquente.
Au vu du choix des pays qui nous enthousiasment, de l’état des infrastructures et des contraintes administratives, il a fallu se repositionner sur le choix de nos montures.
Sur base de quels critères faire nos choix ?
Pour traverser des pays hors Europe, le véhicule doit remplir des critères d’importation provisoire qui garantissent que celui-ci ressortira bien du territoire et sera pas vendu sur place sans payez de taxes (CDP, Carnet de Passage en Douane).
Certains pays ont des accords avec la FIA et exigent le dépôt d’une caution, parfois jusqu’à 250% de la valeur du véhicule, auprès d’un automobile club qui se portera garant de son rapatriement.
Le coût de la caution pour l’obtention de ce carnet de passage en douane est une contrainte que nous avons dû prendre en compte.
Il nous fallait des motos à faible valeur argus, bref un budget raisonnable.
Ensuite, mettre les divers atouts souhaités :
· Pas d’électronique
· Le poids
· Injection vu les hautes altitudes
· Moteur robuste, simple et fiable
· Châssis supportant les charges
L’achat d’anciennes KTM 600, AfricaTwin, BMW 800GS etc. demandaient toutes un budget plus conséquent.
Il nous fallait les deux mêmes motos pour faciliter l’emport pièces de rechange et d’outillage.
Finalement le choix de la BMW f 650 GS est rapidement apparu pour ses nombreuses qualités, un bon monocylindre qui a la réputation d’avoir de l’ardeur au travail, une excellente partie cycle, un outil passe-partout, pas trop grosse ni encombrante, une consommation d'environ 4L/100km, des pièces encore disponibles.
Avec aussi ses petites lacunes comme les vibrations, une boîte 5 vitesses, une hauteur de selle « Enduro » pour nos 1,75m.
Une moto qui a encore une âme est aussi important, les motards passionnés nous comprendront.
Pour Cécile nous trouvons f650GS de 2011 importée du Brésil avec près de 37.000km
Pour Michel, c'est une GS650Dakar de 2004 avec 27.000km
C’est un modèle que nous avons connu il y a longtemps, son excellente réputation de voyageuse fiable nous a convaincus.
Les surprises :
La 650GS de Cécile a été achetée chez une vague connaissance à la retraite depuis quelques années et se disant « grand voyageur ». Selon ses dires la moto était full équipée et prête au voyage pour un tour du monde, l’entretien et le suivi effectués chez un mécanicien indépendant BMW renommé, le contrôle technique réalisé et valable encore un petit moment.
Le gars semblait connaître sa moto. D’apparence, le moteur et la partie cycle étaient nickel.
Pour l’équipement effectivement, il y avait pléthore, de plus ce vendeur fournissait de nombreuses pièces de stock.
Difficile d'être assez vigilant : d’une part, on n’est pas dans le moteur et d’autre part, le bonimenteur ayant su y faire, Michel n’a pas démonté les caches pour voir dessous. En ce qui me concerne, je n'y ai même pas pensé une minute !
Démarche administrative auprès de l’assurance pour un transfert d’immatriculation et un nouveau rendez-vous est pris pour le CT. Les premiers problèmes pointent le bout du nez :
· Batterie en rade, nouvelle batterie
· Problème de démarrage, panne, rdvs CT reporté
· Changement d’un relais … toujours des soucis
· Finalement, un fil fondu juste derrière bouton de starter
Découvertes lors du check-up voyage chez RestartMoto, un capharnaüm électrique digne du plus mauvais bricoleur, des fils brûlés, dénudés, des connexions sur 3 brins de cuivre, des relais totalement oxydés, filtre et boite à air fondus par de l’acide, pompe à eau avec du jeu, uniquement de l’eau comme liquide de refroidissement, etc.
Heureusement, notre docteur en mécanique, Pascal Peree remédie avec patience aux divers soucis, Michel l’accompagne et ils se répartissent le travail sur les deux motos.
Le changement de tous les liquides et le contrôle total est effectué.
Pascal nous place nos pneus longue durée : cette année notre choix se porte sur les Heidenau K60, les Motoz Tractionator GPS sont devenus hors de prix.
Il restera à poser un échappement de 800GS (Merci Ludo pour les soudures d’adaptation), placer une nouvelle boîte à air d’occasion, un filtre à air KN, solutionner le problème persistant des clignotants, placer des phares longue portée, une fixation GPS, des supports valises, refaire une peinture plastifiée pour effacer toutes traces de l’ex-propriétaire.
Pour la F650GS Dakar 2004 de Michel, acquise sans aucune préparation spécifique :
Vérification et fiabilisation des principaux composants :
· Vidange fourche avant et graissage des roulements
· Vidange moteur /filtre à huile
· Plaquettes neuves
· Remplacement roulements Té de fourche
· Contrôle visserie et écrous nylstop, frein filet Loctit
· Chambres à air renforcées
· Contrôle des rayons
· Vérification des passages de câbles, fixations « Colsons » serre-câble
Les principales modifications :
· Augmentation de l’autonomie (Kit TT39 de 2001 avec sa selle Kahedo)
. Cette réserve d’essence permettra de servir de « nourrice » à la moto de Cécile dans les zones où les stations d’essence sont rares.
. Ce montage n’est pas le plus simple : il faut démonter toute la boucle arrière de la moto, insérer le réservoir de 17l avec ses branchements aux deux réservoirs additionnels qui se fixeront sur les flancs avant et d’une capacité de 11 litres chacun.
. Le bec de 2004, gêne et ne permet pas de tourner le guidon à fond ; Michel achète d’occasion un garde de boue et bec de GS DAKAR 2001
. Il faut aussi acheter en occasion la pipe de prise d’air 2001 plus fine que la 2004 sinon le réservoir additionnel droit ne peut se positionner correctement.
. La selle spécifique Kahedo me semble plus haute, l’on verra à l’usage...
Sur les deux motos : remplacement du double échappement par un simple côté gauche, opter pour un pot 800GS en occasion était la moins chère des solutions.
L’espace du 2ème échappement devenu libre côté droit permet d’y placer un tube à outils ( PVC 125mm avec 1 tampon et un bouchon à visser) et de le placer dans la structure découpée de l’ancien pot ce qui permet de garder les fixations d’origine.
Echappement 800GS, tube à outils, filtre à air KN, guide chaîne, protection/carter de chaîne en acier, jauge à T° d’huile, voltmètre, repose-pieds larges, tube de prise d’air modèle 2001, protection souple amortisseur avant, réhausse guidon, prises USB et Allume cigare, support Smartphone, support fixation pour GPS, branchement alimentation GPS, pare-brise haut Wunderlich, barkBuster acier et protège-mains, rétroviseurs articulés, élargisseur de béquille latérale.
Le cumul des soucis aux motos, s’ils nous font échapper quelques sacrés jurons (enfin surtout Michel :-D) , ont eu le bénéfice de mieux lui faire connaître nos motos. Pascal le docteur en mécanique de «RestartMoto» a pu l’accompagner dans une bonne remise à jour de ses connaissances. Cela a permis d’anticiper et de solutionner des problèmes techniques qui auraient pu nous mettre rapidement dans la panade en cours de route.
Nous ne pouvons que conseiller le déplacement chez lui pour toute révision avant voyage. Il y a une excellente chambre d’hôtes au village d’à côté.
https://www.facebook.com/AtelierRestartMoto/?paipv=0&eav=AfZ1Vymp6XEydhufnRcakmYlIHeLMjYQdqCJGPfKut0RE6z4pLSqOBjjuzE3FhLI6BE&_rdr)
Pour nos amis motards, mécaniciens ou tout simplement curieux, illustration dans la vidéo ci-dessous.
https://youtu.be/L0Dwy68XfYc?si=hbBFuZOCxuGhmKzs
Le monde : Une nouvelle période particulièrement trouble bouscule le monde et le cynisme du stratégo géopolitique veut redéfinir d’autres rapports de force. Comme par le passé les réminiscences de déstabilisations politiques nous reviennent au Kosovo/Serbie ou par une «Ukrainisation » de la Géorgie. Les tensions sont nombreuses : Iran/Pakistan, Israël/Iran, Afghanistan/Pakistan, Kyrgyzistan/Tadjikistan, Arménie/Azerbaïdjan, Nouvelle Calédonie, Ukraine/Russie, etc. Les attentats sèment troubles et douleurs peu importe la couleur de peau.
Cela implique des réflexions sur les pays et régions que nous traverserons.
Les formalités : Pour une série de pays, il nous faut un carnet de passage en douane (sorte de passeport pour les véhicules hors UE). L'augmentation des tarifs dès avril 2024 est un souci à régler ! Sauf que les motos ne sont pas prêtes. Donc pas de contrôle technique pour la mienne donc pas de carte grise donc pas d'assurance. Un vrai casse-tête 😕 . Le Royal Automobile Club de Belgique se révèle d'une aide précieuse. A ce jour (fin avril 2024) , le Pakistan augmente drastiquement ses tarifs. Nous ne savons pas encore ce qui sera possible. Le RACB demande une caution impayable pour inscrire le Pakistan sur le CDP ! Zut ! On fait quoi ? Un peu de recherche et nous décidons de faire appel à l'ADAC en Allemagne seul organisme à maintenir des tarifs plus abordables. Dossier à refaire 😦 ! Nous avons obtenu le visa pour l'Iran ( à enlever à Erzurum en Turquie - le meilleur plan pour les Belges) mais ce pays est lui aussi une inconnue à l'heure où la géopolitique gère la vie des voyageurs. Quant à l'Afghanistan, nous prendrons le visa en Iran et il nous faudra des permis partout. La suite ? On verra ... Surtout pour moi : une femme qui pilote sa moto au pays des Talibans... Me mettre en mode "invisible"... J'y travaille depuis un bout de temps !
Les itinéraires : Il y a l'Iran : voir ce que nous n'avons pas vu en 2022, revoir les endroits et surtout les gens qui nous ont touchés, éviter le "trop chaud".... Il y a l'Irak et l'Afghanistan : aller un maximum à la rencontre de ces peuples hors de notre monde, hors de nos médias, aller au-delà de la peur inspirée par ces mêmes médias, découvrir des cultures millénaires. Dont nous n'avons rien appris à l'école.
Il se trouve que nous avons eu un contact avec des Tadjiks vivant en Belgique. Ils nous ont beaucoup parlé de leur pays, de sa culture et de son histoire. Nous avons investigué : du Tadjikistan nous ne connaissons que les montagnes pour avoir traversé le Pamir en 2018 sur le chemin de la Mongolie. Nos découvertes nous ont vraiment donné envie d'aller voir 'un peu plus près, autrement... Et puis le Tadjikistan partage une frontière avec l'Afghanistan. C'est décidé, nous ferons le "crochet".
Entretemps, nous apprenons la difficulté de retraverser la frontière vers l'Afghanistan. Les représentations afghanes au Tadjikistan ne sont pas officielles et suite aux éventuels blocages administratifs des douaniers afghans à l’égard de la gent féminine motarde, rejoindre le Pakistan s’avère très compliqué voire impossible. Nous décidons qu’après une redécouverte plus approfondie du superbe Tadjikistan, de retourner savourer du bonheur sur d’autres pistes au Kirghizistan. Les globetrotters se doivent d’être imaginatifs, nous ferons donc le tour de la Caspienne via l’Ouzbékistan, le Kazakhstan, la Russie où nous irons visiter le Daghestan et la Tchétchénie. Ensuite il sera temps de traverser la Géorgie pour aller poser nos montures au Camping 3GS en Arménie. Un lieu idéal pour repartir en 2025 vers le Pakistan, l’Inde, le Népal. Du coup, il nous faut un visa pour la Russie. Dimitri (Travel service visa, 09 88 99 55 96 / 06 79 44 08 33) nous règle ça en un minimum de temps.