Carnet de voyage

A l'est, avec les fées ...

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Dernière étape postée il y a 6 heures
Il y a un an environ, des gnomes bien farceurs décidaient que notre voyage ne serait en rien ce que nous avions prévu. Nous avons donc mis l'hiver à profit pour faire un pacte avec des fées.
Avril 2025
150 jours
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Publié le 11 avril 2025

Le voyage est un compagnon à la fois exaltant et intransigeant. Qui aime te mener par le bout du nez ! Là où il veut, peut-être, en quelque sorte, là où est ton destin à ce moment précis de ta vie. L'année dernière, des gnomes farceurs se sont glissés dans nos motos (la mienne surtout) refusant de nous emmener jusqu'en Irak, Afghanistan et au-delà. Nous avons donc profité de l'hiver pour faire un pacte avec les fées et remettre le couvert cette année. Comme les fées aiment que nous montrions notre motivation, Michel a enlevé toute la bagagerie et démonté complètement ma F650GS pour changer l'ensemble du faisceau électrique. Un nouveau disque de frein arrière a été placé. Le double radiateur d'huile, qui fuitait et n'était d'aucune utilité, a été retiré. Le gros check up complet des deux motos a été fait.

J'invite ceux qui ont de l'intérêt pour la préparation des motos à lire la première étape du carnet de l'année dernière "Vers l'inconnu" : https://www.myatlas.com/ceciliamarit/vers-l-inconnu

En images, c'est ici : https://youtu.be/L0Dwy68XfYc

Et en images plus récentes (l'électricité - avec une pensée pas très pieuse pour le roublard qui m'a vendu cette moto sans rien me vouloir me dire)

En ce qui me concerne, un vrai casse-tête
En ce qui me concerne, un vrai casse-tête


Côté administratif, nous avons renouvelé notre carnet de passage auprès de l'ADAC en Allemagne, demandé les visas pour la Russie ( (Travel service visa, 09 88 99 55 96 / 06 79 44 08 33) et l'Iran (via Aram, https://www.facebook.com/profile.php?id=100076237013200), investigué toutes des assurances qui couvrent plus de trois mois hors Europe et ... sommes retournés chez Assudis qui reste la meilleure option (en tout cas pour les Belges). Nous nous sommes procuré des dollars (nouveaux billets : les anciens n'ont apparemment pas la cote dans certains pays, dont le Pakistan et l'Afghanistan 😉). Et pour le visa indien, des photos de 5cm x 5cm. Bon à savoir...

Côté santé : outre les traitements de Michel, nous emportons des antibiotiques à large spectre, du paracétamol, du désinfectant, du collyre, des pansements divers. Et mes immanquables : argile, argent colloïdal, chlorure de magnésium, gélules d'artemisia, capsules de canneberge (souveraine en cas de cystite) et quelques huiles essentielles (lavande aspic en cas de piqure d'insecte, gaulthérie couchée (tendinite et soucis musculaires), ravinsara (booste l'immunité), origan (antibiotique et antivirale), giroflier( maux de dents).

Côté binz : (de dernière minute, sinon ce ne serait pas des binz) : une vis défectueuse qui casse au moment du montage du disque de frein arrière. Et bien entendu nous n'avons pas l'outil pour enlever le petit morceau de vis coincé ! Coût : 3 jours ! Le visa iraquien qui est devenu e-visa avec un site pas encore au point (des onglets identiques mais il faut choisir celui du bas de page et pas celui du haut sinon ça ne marche pas, des problèmes de langue (je crois) : la case à cocher est "visa on arrival" alors qu'avec l'e-visa il n'y a plus de "visa on arrival". Coût : plusieurs jours d'essai, de lectures de forums … En un mot, nous nous sommes bien amusés !

Quant à notre projet, il reste semblable à celui de l'année dernière.

La minute méditative

A l'heure où j'écris ces lignes, le compte à rebours a commencé. Nous revoyons pour la Xème fois les buts, les itinéraires, le timing, les saisons, les visas, les permis, les documents, la liste de ce qui doit être fait, celle des choses à emporter (les facultatives et les impératives). L'envie d'ailleurs, celle d'enfourcher les motos se fait un peu plus pressante chaque jour. Au fil des soirées nous disons "au revoir" à nos amis, à nos enfants, à tous ceux qu'on aime. A certains, nous ne dirons "au revoir" qu'en partageant le lien vers ce carnet. Car le temps file toujours plus vite… Au fil des petits-matins printaniers, je dis "au revoir" à la glycine et au lilas qui, pour me retenir un peu sans doute, laissent pointer le bout de leurs fleurs ; je dis "au revoir" à la clématite des montagnes qui, elle aussi, fait ce qu'elle peut pour vite m'offrir quelques fleurs sous le regard narquois du camélia rouge qui lui susurre : "Moi, j'ai offert" ! Besoin d'ancrage et tout autant besoin de nomadisme : s'éloigner de notre vie, de vivre avec moins, de quitter le connu confortable, d'improviser, d'immobiliser le temps en accélérant l'espace …

Au fil des jours, nous tissons des liens avec d'autres voyageurs qui feront un voyage semblable au nôtre. Ils ont pour noms Nadine ou Didier ou encore ... Peut-être nous croiserons-nous, peut-être y aura-t-il l'un ou l'autre jour de "retard", l'un ou l'autre changement d'itinéraire. Cela est sans importance : rendez-vous est pris sans date, sans heure, sans lieu. L'ancrage sans obligation : chacun suit son vent. Et cela est joyeux. Et prometteur.

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La météo était frisquette mais sèche et presque lumineuse. Nous nous sommes mis en route, par de joyeux chemins de traverse. Notre objectif était Langres, afin de contourner au mieux la pluie et la neige le lendemain.

Oh surprise : c'est raté !

A environ 150 km, de la maison, je veux fermer (ou ouvrir, je ne sais plus) ma visière, un gros "clac" se fait entendre, le vent s'engouffre et la visière ballotte. Arrêt d'urgence.

Une camionnette s'arrête et s'inquiète : il ne peut pas aider. Un monsieur du coin a vu nos feux de détresse et propose lui aussi son aide.

Diagnostic : deux petites vis d'attache de l'articulation ont cassé net en même temps ! Incroyable ! Réparation d'urgence : on colle la visière et on cherche un magasin de casques . Dans la campagne française, ça ne se trouve pas à tous les coins de rue. Nous décidons d'aller à Chaumont- en-Champagne . J'ai 100 km pour me faire à l'idée d'entamer sérieusement le budget voyage 😭.

Nous arrivons chez Dafy. Pas de casque aventure avec une penne bien pratique en toutes circonstances. Mais ils vendent Shoei. ils se mettent en quatre pour une solution : les bouts de vis sont sortis de leur gangue, des vis de secours ainsi que la bonne clé pour les fixer apparaissent comme par miracle et Michel refixe le tout.

- "Qu'est-ce que je vous dois ?

-" Rien du tout, c'est notre participation à l'aventure !"

Nous les remercions chaleureusement et, dans le fond de mon cœur, j'ai une belle pensée pour les fées qui viennent de sauver ma fidélité à Shoei et le budget !

Les gnomes espiègles - ceux qui nous jouent des tours dans leur guerre avec les fées - se sont eux aussi glissés dans le voyage : la première chambre d'hôtes que nous trouvons est desertée par ses propriétaires depuis plusieurs décennies ; les gérants de la seconde sont aux abonnés absents. La plupart des hôtels de Vitry le François sont éteints ou n'ont pas de parking. Et nous nous retrouvons au Tambourin. Bien trop cher et petit-déjeuner industriel !

La route fut surtout éclairée par des dizaines de champs de colza et leur envoûtant parfum, à la fois floral et fruité, printanier, doux, furtif et un peu enivrant. Le genre de parfum qui inscrit des souvenirs dans la mémoire du corps. Les champs de colza sont une promesse qui vibre et bourdonne. Si je devais décrire le jaune à un aveugle, il me semble que je l'emmènerais dans un champ de colza...

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Publié le 4 mai 2025

Petites motos, petites étapes.

Nos chemins de traverse sont beaux, malgré la pluie qui nous accompagne tout l'après-midi. Une petite pluie fine et presque constante...

Aujourd'hui encore, le colza fait de son mieux pour capter un maximum de lumière.

Les villages souvent en vieilles pierres dorées (comme le champagne) sont romantiques à souhait quoique désertés (pas de commerces, pas de banques, pas de bistrots...)

A la sortie d'un virage, un bâtiment décrépit : moi qui aime l'urbex, je m'arrête : peut-être est-il possible d'entrer... C'est la carrière de Moissey. Impossible d'aller voir de près : ce qui de prime abord semble abandonné est exploité encore. Je ne trouve aucun renseignement fiable.

Nous nous demandons de quoi vivent les gens d'ici et comment ils vivent. Questions sans réponse.

La balade est jolie.


Visière réparée
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Quand les fées sont du voyage et que tu as une amie qui habite à côté de la grotte des fées, l'évidence te guide : tu honores l'amitié et les fées ! Nous avions donc rendez-vous avec notre amie Céline. Elle nous a fait découvrir quelques belles routes peu connues de Savoie. Ses routes, ses chemins, sa cascade fétiche, le joli village de Chanaz ... Un pur moment de bonheur et une magnifique balade....Sous un soleil radieux et avec des températures plus que clémentes. Pendant ce temps, à un jet de pierres, la neige tombait dru et les cols se fermaient les uns après les autres.

Nous pensions connaître la France puisque nous y avons souvent laissé traîner nos roues. Et bien non ! Découvrir une région avec et à travers l'amour de ses habitants réserve toujours de charmantes découvertes.

La cascade de Cerveyrieu

Il y eut d'abord des eaux vaguement énervées, légèrement impétueuses qui s'éclataient sur les rochers. Nous avons suivi le chemin. La rivière courait de plus en plus vite, de plus en plus haletante.. Ah l'impatience de l'eau ... Plus loin, il y eut une arche. Vestige d'un pont disparu depuis longtemps ? Nous sommes arrivés à un petit balcon en fer qui n'était pas forgé, juste content d'être là. Le petit balcon était une invitation. Une invitation au spectacle, à l'enchantement.. Des tonnes d'eau s'engouffraiient dans un trou de la roche qui, de loin, semblait minuscule et se laissaient tomber avec fracas une cinquantaine de mètres plus bas, irisées des couleurs douces d'un arc-en-ciel. Celui-ci sussurait : "Apaise-toi" ... Inlassable, l'arc-en-ciel murmure vainement jusqu'à ce que meurt le jour ...

Chanaz

Niché au creux des montagnes, Chanaz est un petit village d'ocre et de lumière. Très touristique en été, nous n'y avons pas vu grand monde en avril. Ici un vieux four, là un ancien pigeonnier, plus loin une brocante... Avec nos bottes moto, nous n'avons pas grimpé les ruelles en pente abrupte. Juste bu un verre le long du petit canal, heureux de vivre ça comme ça.

Les routes secrètes de Céline
Chanaz 

Le lac de Nantua

C'est là qu'était notre rendez-vous avec Céline.

Les cols sont fermés, la neige est tombée et fond peut-être, certaines routes sont inondées et fermées elles aussi. Nous nous sommes perdus dans les vignes... Nous nous sommes laissés absorber par la beauté de ces routes.

Le lac de Nantua 

L'heure bleue

En fin de journée, Céline nous emmène voir ce que nous pensons être la plus belle histoire d'amour de toute sa famille depuis des générations : le lac du Bourget au pied des montagnes enneigées.

Attachement intemporel à un pays et un paysage immuables malgré les saisons, les couleurs et les temps qui changent.

Nonchalant, le lac s'étale, la montagne s'assoupit, un rayon de soleil se mire, le jour se traîne, l'âme erre, un songe vagabonde. C'est un instant de légèreté. C'est l'heure bleue...

 Le lac du Bourget 
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Publié le 5 mai 2025

La pluie s'installe. C'est une excellente raison pour partir tôt. Nous quittons Céline et son papa dès potron minet avec la promesse de se revoir bientôt.

La météo ne nous promet rien de bon, les cols sont fermés ; nous prenons l'autoroute, le tunnel de Fréjus, et entrons en Italie. A l'une ou l'autre averse près, nous parvenons à rester au sec et abattons 450 km ! Une belle réussite d'endurance avec nos petits monocylindres vibrant de partout au-dessus de 110 km/heure ! Nous sommes à Parme en fin d'après-midi.

Envers et contre la brume et la grisaille, le soleil tente des percées avec acharnement et finit par gagner la partie. C'est toute la douceur de l'Italie qui s'offre à nos cœurs et à nos regards.

Rencontre improbable avec le serveur du restaurant : Italien d'origine marocaine ayant vécu en Belgique, il parle l'arabe classique, le marocain, l'italien, le français et un peu d'anglais ! Les parcours de vie des uns et des autres ont toujours quelque chose qui sort de l'ordinaire. Celui-ci est fondamentalement lié à un nomadisme nourricier : un nomade du travail prêt à sortir de sa zone de confort. Chapeau bas !

Le lendemain, nous rallions Ancone et nous embarquons pour Ingoumenitsa. Le prix défie toute concurrence. Sauf que les repas ne sont pas compris dedans ! La compagnie se rattrape sur cet aspect !

Propos sur les traversées en bateau

Nous avons traversé quelques mers ces dernières années. La mer Adriatique est celle sur laquelle nous nous retrouvons le plus souvent ; les ferries sont touristiques, ce qui n'est pas le cas des roros peuplés de routiers et de baroudeurs. Au port d'Ancone, nous passons un bon moment sympathique avec des motards qui, comme nous, attendent. Nous parlons voyages. Ils nous photographient etc. Une fois sur lz bateau, chacun reprend le cours de son voyage, de sa vie. C'est à peine si un petit salut poli est de mise. Est-ce la destination qui fait cela ? Le mode de voyage ? Ou le temps de la traversée ?

Côtés albanaises
Le long de la côte albanaise
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Publié le 6 mai 2025

Nous avons donc débarqué à Igoumenitsa. Nous avons envie de dépaysement et de rouler un peu. Nous longeons la mer dans les collines vers Syvota.

Quelle route magnifique ! Avec en cadeau un joli coucher de soleil.

Le village est vraiment joli, la saison touristique n'a pas encore commencé. Tout est fermé ! Retour jusqu'à Igoumenitsa ! Chouette le soleil qui n'a pas fini de tomber dans la mer, continue de nous offrir un joli spectacle

Ioannina

Michel a besoin d'un nouveau pneu avant que nous trouverons en Bulgarie. Voilà qui définit notre route. Direction Ioannina. Parce qu'il y a un lac ... Et que les lacs proposent toujours une petite dose de romantisme. Même touristiques...

La route est sauvage et nous enivre de liberté...

Metsovo

A 1160 mètres d'altitude sur les pentes du massif de Pinde, Metsovo a vu naître des personnalités qui ont largement contribué à la création de l'état grec moderne après la guerre d'indépendance.

Son nom viendrait d'un mot bulgare signifiant "ours". Et en effet, l'ours semble être le symbole de la ville. Dans ses panneaux, ses œuvres d'art et ses randonnées.

Metsovo fut sous domination ottomane entre le milieu du XVème siècle et 1912. Depuis le milieu du XIXème siècle, l'économie locale est florissante et repose sur le commerce, l'élevage et l'artisanat. Les marchands locaux, enrichis en Europe et en Russie, construisirent des bâtiments publics, des écoles, des ponts et des églises.

Nos pas errant dans cette petite ville nous laissent entrevoir un peu de ce riche passé.

Metsovo est aussi un petit paradis pour les papilles : vins, fromages et truffes. Le long de la route, nous avons en effet aperçu des centaines de petits hêtres et chênes truffiers. Je me contente d'un petit vin local délicieux... Et nous goûtons aux fromages locaux et artisanaux.. Un régal....

J'erre dans les ruelles pavées en pente abrupte, l'œil ouvert aux maisons, aux portes entrouvertes, à la vie qui s'expand à chaque coin de rue.

Des enfants jouent dans le parc aux arbres centenaires, un pope se ravitaille en eau à la source, une fleuriste prépare son étal de demain, une grand-mère arose consciencieusement ses plantes. Assis sur un banc, des anciens refont le monde ; à moins qu'ils n'évoquent le passé. Des petites fleurs de toutes sortes exhalent parfums et couleurs. Au loin, la montagne enneigée veille. Les toits de tuiles rouges scintillent dans le couchant. Je sirote un petit verre de vin blanc. Une musique d'ailleurs chante à nos cœurs nomades. Nous sommes à notre place. Nous entrons pleinement dans le voyage. Tout est empreint d'une joie profonde.

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Ciel laiteux,

Comme un écrin

Lumière de perle sur le lac

Légèreté

Stries d'éclairs dans la montagne

Roulis de tonnerre au loin

Les hirondelles volent bas

Menace

La vie tremble

Michel avait consulté Ventusky : nous allions rouler dans la pluie et les orages toute la journée ! J'ai donc consulté les fées : nous avons roulé dans le soleil et sous des températures très clémentes !

La route des ponts

La magnifique route de montagne est émaillée de nombreux ponts plus ou moins anciens et plus ou moins restaurés, plus ou moins écroulés. Tous sont charmants. Nous nous arrêtons souvent et je leur tire le portrait !

Les pavés et pierres de ces ponts préservent silencieusement la mémoire d'une époque révolue : un réseau routier bien développé garant d'une économie florissante (XVIIIÈME et XIXÈME siècles).

Ici, l'homme recule abandonnant les lieux aux fées et le merveilleux est au rendez-vous : une petite soif ? Une fontaine apparaît !


Tout cela était parfait jusqu'à ce que le petit voyant rouge, indiquant la température de ma moto, s'allume. Vu que presque tout a été changé ou refait sur cette moto, cela ne saurait être grave. Je m'inquiète quand même. Arrêt à la première station avec un parking plat et ombragé. On enlève tous les sacs, Michel ouvre, achète du liquide de refroidissement ( plus dun demi litre) et un peu d'eau déminéralisée : où est passée cette eau ? Aucune perte ! On referme, on remet les bagages et nous voilà repartis... Je me découvre un toc : œil au taquet pour vérifier la température de l'huile moteur à intervalles très réguliers...

Pendant ce temps, un pope lave sa voiture...

Nous sommes arrivés à Kilkis en fin de journée : au loin, de drôles d'éclairs en arc de cercle striaient le ciel. Pas d'hébergement à un prix abordable. Nous ne sommes qu'à un jet de pierres de la Macédoine du Nord (25 km). Michel est sceptique, moi confiante. Petit passage de frontière : 20 minutes tout de même, ce qui devient longuet quand le ciel se fait menaçant. Et trouvons un petit logement le long du lac de Doïran. Nous avons même le temps de décharger et de protéger., avant la pluie, la précieuse peau de mouton qui couvre la selle de Michel ! Quand les fées acceptent d'être à tes côtés, elles ne lésinent jamais sur la générosité !

Nous mangeons un petit repas délicieux sur une terrasse couverte à côté du lac. Alentours, des dizaines d'hirondelles rasent la terre et l'eau, se courtisent, se chamaillent tout en construisant leurs nids.

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Publié le 8 mai 2025

Nous étions à Doiran en Macédoine du Nord. Il nous faut rallier le jour-même (fin de semaine) Pazardzhik en Bulgarie où Michel a repéré de quoi résoudre son problème de pneu présentant une usure étonnamment plus prématurée que le mien.

Cette fois, les orages s'annoncent vraiment ; nous avons le choix : soit passer par la montagne (100 km plus court mais plus lent), soit prendre l'autoroute. Connaissant le côté hyper-glissant de la plupart des routes bulgares, nous faisons le choix raisonnable de l'autoroute ! Les fées font de leur mieux : deux très grosses averses et une chute de grêle (même à travers les tenues moto, ça pique !)

Encore une fois, nous sommes arrivés sous le soleil !

Les motos sont garées dans la vieille ville, estimant qu'il est l'heure d'un apéro bien mérité. Nous sommes moulus !

En quête d'un endroit où manger, nous déambulons un peu dans les rues : nous y croisons Picatchou qui lui aussi roule à moto ! Certaines maisons sont cossues, beaucoup auraient besoin d'un petit coup de neuf, d'autres sont en ruines. J'éprouve toujours un peu de tristesse à la vue de beaux bâtiments envahis par la végétation et détruits par le temps qui passe. Ici, des couples se sont aimés, des enfants ont joué, des anciens sont morts. Les murs gardent encore le souvenir de joies et de peines, une vitre brisée s'entrouvre sur des vies vécues...

Et au retour, l'église...

Au matin, nous allons jusqu'au magasin de pneus. Ils ont les les Mitas E07 réservés mais ne peuvent pas les monter. Nos pneus sont des K60 et le pneu avant peut encore faire environ 5000 km. Si nous prenons les Mitas, il faut les transporter tous les deux. Michel décide de partir sans. Les fées me confirment leur intervention le moment venu. Tout ça pour ça !

Nous sommes à 300 km de Bourgas et si nous voulons prendre le bateau pour la Géorgie, c'est aujourd'hui : il n'y en a qu'un par semaine. Si nous n'y arrivons pas, il nous faudra traverser la Turquie. La partie jusqu'à Ancara, est un peu lassante....

Re-autoroute !

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Publié le 9 mai 2025

Nous sommes donc arrivés à Bourgas bien à temps. Avec le voyant rouge de température à nouveau scintillant sur ma moto. Nous verrons en Géorgie. Je m'occupe des tickets et papiers divers. Mauvaise surprise : le prix a grimpé de près de 150 €/moto ! Nouvelle taxe carbone imposée par l'UE depuis avril 2025 incluse. Le supplément pour ne pas partager la cabine aussi. Il pleut en Turquie ; nous prendrons quand même le roro.

Départ vers minuit ; nous avons du temps à tuer. Il fait soleil. Nous nous attablons à la terrasse de l'unique bouiboui du port. En guise d'enseigne : un requin edenté et tout décrépit. Le bouiboui semble boîteux. Le requin regarde la mer d'un œil torve.

Le vieux barman, le même qu'il y a trois ans, doit avoir autour de 80 ans et est retraité depuis longtemps après plus de cinquante ans de travail dur comme docker. Nous ne voyons sa femme nulle part. Décédée ? Nous n'osons pas poser la question. Sa petite retraite est de 200 €/mois. Pour survivre, il continue la guinguette sept jours sur sept. La vodka, les quelques échanges avec les routiers habitués et les rencontres de passage l'aident sans doute à se tenir droit. A aucun moment nous n'osons mentionner le prix du bateau, c'est lui qui évoque "la mafia planquée dans les bureaux à dormir toute la journée".

C'est l'heure d'embarquer. Il est tôt encore. Je passe d'abord. Mon passeport est estampillé. Je ne suis plus en Bulgarie. Ce n'est pas le cas de Michel. Qui a déjà donné son passeport. Il manque un papier de douane pour les motos. Je ne peux pas retourner le chercher ! Un douanier arrive en voiture. Explications. Il va se charger de régler le problème. Dix minutes plus tard, il revient avec le fameux papier qu'il transmet au guichet.

J'en ai profité pour photographier deux remorqueurs à la manœuvre. Impressionnant !

Les routiers

Outre nous, les seuls passagers à bord sont un couple d'Allemands en Toyota 4x4 avec cellule et une maman ukrainienne seule avec sa petite fille. Tous les autres sont des routiers originaires de toutes sortes de pays et voyageant partout dans le monde.

J'admire ces forçats de la route, champions de la conduite de mastodontes, la plupart écorchés par la rudesse de la vie.

Ils roulent seuls pendant de longs jours, loin de leurs familles et amis. Ce soir, ils sont tous dans le même bateau, certains en route vers chez eux, d'autres au travail vers ailleurs. Il me semble saisir ces instants de solitude : vite un petit coup de fil pendant qu'il y a du réseau, un message tant que le WiFi fonctionne. ... Une chemise sèche au vent marin : la certitude de retrouvailles heureuses ?

Le T-shirt d'un marin affiche : "Freedom is just one anchor away" . C'est étrange, cette idée de liberté à l'ancre, mais pas ici ni maintenant. Juste un peu plus loin ! Toujours un peu plus loin. Nous sommes semblables...

A certaines tables, la vodka coule dès le matin, à midi les voix se font un peu outrancières et l'après-midi tout est silence : récupérer avant le soir ! Car le soir, la vodka coule à nouveau ! Nous voyons cela à chaque traversée mais ce n'est jamais la majorité.

Les routiers sont des hommes d'une gentillesse et d'une prévenance extraordinaires : nous sommes tois femmes à bord, ils nous cèdent toujours le passage dans les couloirs étroits, insistent pour que nos repas soient servis avant les leurs, n'hésitent pas à offrir un café ou à appeler le responsable si le jeton défaille. A table, ils nous racontent leurs voyages, leur vision du monde, leurs pays, leurs trucs et astuces. Le tout dans un joyeux mélange de langues et de signes.

Alexander, le Géorgien

Alexander est Géorgien. Son quotidien : 21 jours sur la route suivis de 7 jours de congé. Il roule dans les pays d'Asie centrale, Iran, Iraq, Turquie, Turkménistan, Europe de l'ouest. Depuis 10 ans, il transporte de tout, du vin géorgien souvent. Avant (2008), il était dans l'armée.

Il évoque les manifestations en Géorgie, les manipulations politiques, l'excellence de la cuisine géorgienne, les espoirs des jeunes qui ont le regard tourné vers l'Europe, ceux des aînés qui eux, regardent plutôt vers la Russie. Nous échangeons sur l'Iran où il va souvent, l'Irak que nous ne connaissions pas encore... Alexander n'aime ni Poutine ni la Russie qui lui font un peu peur. Il rêve d'un monde meilleur, plus juste, plus libre.

Il nous offre une bouteille de vin géorgien : bio (la norme en Géorgie) et excellent ! Il conduit dans deux jours. Il n'y touche pas !

L'Azerbaïdjanais

Un peu plus tard, c'est avec un routier azerbaïdjanais que nous passons un moment. Il ne nous dit pas son nom. Il transporte régulièrement des véhicules, motos, voitures ou vans dans son camion et demande moins cher que ce que nous avons payé. Les routiers ont l'habitude de faire ça, dit-il. Apparemment pas de souci de douane puisqu'il possède les autorisations. Je ne sais pas trop comment ça se passe pour les papiers du véhicule. Par contre, il y a des rampes à Bourgas et à Batumi pour ce genre de combine ! Légal ? Aucune idée mais ça se fait. C'est surprenant et à investiguer...

Autre combine dont il nous parle : possible de mettre un véhicule sur un camion depuis Bougas ou Batumi jusqu'au port de Baku en Azerbaïdjan (frontières terrestres fermées depuis 2020 sauf pour le fret) et de prendre un avion pour rejoindre le véhicule (frontières aériennes ok). Ensuite rejoindre le Kazakhstan par bateau. Aucune idée du coût en argent et en temps. Avis aux voyageurs avides de surprises et bons plans à tester ...

Encore une histoire de vie hors normes : le père de ce routier était dans l'armée rouge. C'est ainsi que, quand il était môme, la famille est venue habiter dans l'ex-Allemagne de l'est où il est allé à l'école : il parle parfaitement l'allemand. Après la fin du pacte de Varsovie, ils sont retournés en Azerbaïdjan. J'aimerais bien avoir son point de vue sur la guerre d'Ukraine mais mon allemand est trop mauvais.... Je n'apprends qu'une seule chose : toute guerre est vaine. Les peuples ne demandent qu'à vivre en paix.

L'ukrainienne

Elle, Victoria, voyage seule avec sa petite fille de sept ans, Iliana. Elle est jeune. Sa gamine est adorable. On ne les voit pas beaucoup : elles viennent aux repas et s'éclipsent directement jusqu'au prochain repas. La petite fille rit à tout. La petite fille est heureuse.

J'ai réussi à parler à Victoria un peu dans la file repas. Elles ne sont ni en voyage, ni en vacances. Elles ne rejoignent pas une famille. Elles ont fui la guerre il y a trois ans et se sont installées à Bourgas. Elle aime bien la ville mais pas trop la Bulgarie. Elle a pas mal d'amis Ukrainiens en Géorgie où cette communauté semble tres soudée et tres solidaire. Depuis longtemps, ils l'hexhortent a les rejoindre. Sa petite fille vient d'avoir 7 ans et doit aller à l'école. Elle parle à peine le bulgare et ne pourra pas suivre l'école en Bulgarie. Sa maman sait qu'il y a une école ukrainienne à Batumi. Le moment est venu de partir. Elle a quitté son petit salon d'esthéticienne. Ses amis lui ont loué une petite maison C'est là qu'elles vont. Elles sont à pied ! Tant de courage et de détermination me laissent sans voix.

Le Hongrois

Au port, nous avons suivi un camion de vaches ! Des vaches sur un camion qui embarque pour trois jours sur un bateau ? Pétrie de discours écolos, je me suis posée des questions sur le bonheur ou à tout le moins le confort des vaches ! C'était faire preuve de bien peu d'esprit critique et de discernement... Le routier hongrois ne transporte que des animaux, moutons, cochons, vaches etc.,. Il m'explique que les vaches hongroises produisent plus de lait que les vaches géorgiennes. Celles-ci émigrent vers une vie meilleure. En attendant, il se rend plusieurs fois par jour à son camion pour les nourrir, les abreuver, leur parler. Il prend soin d'elles. Il en parle avec respect et une sorte d'amour. A quatre heures de route de Batumi, les vaches trouveront lrur nouveau lieu de vie, libres et sans doute heureuses. Le fait est que, à aucun moment, nous n'entendons les vaches pleurer.

Plus tard, il me parle de l'école où il n'était pas assidu, de profs qui n'aimaient pas les gamins, de l'argent qui ne fait pas le bonheur, de ce monde à un seul rail (diplôme = bonne vie), de cette société où chacun devrait avoir une place selon ses envies et ce qui le rend heureux. Il me raconte sa vie de routier : plusieurs mois sur les routes du monde, loin de sa famille, de ses amis, de ... sa moto ! Il se souvient des mots de son père : "Si tu ne travailles pas dur à l'école, tu travailleras dur dans la vie!" ...

Le port de Batumi

Les lumières du port

Se mirent dans l'eau noire

Le progrès, le bruit, la vanité de l'actualité

Dessinent un arc-en-mer

Aux couleurs frémissantes

La terre s'éloigne ...

28 avril- 7:30

Batumi est proche. L'orage à grondé toute la nuit. La houle s'en donne à cœur joie. Le bateau tangue. On marche comme si on avait ingurgité trop de vodka. Le port de Batumi est proche mais fermé jusqu'à ce que la tempête se calme ! Il y en a pour plusieurs heures.

Paradoxe des rades qui protègent la terre des foudres du temps et coincent en mer les marins avides d'ancre et les voyageurs avides de découvertes.

14:30

En mer, le voyageur n'a rien à faire si ce n'est dormir, manger, marcher d'un pont à un autre. Et contempler. Il n'y a pas à chercher la présence des fées : elle surgit d'un regard bienveillant au détour d'un couloir, elle se révèle dans des bribes de conversation, jaillit du ciel ou de l'eau. Des dizaines de dauphins espiègles s'amusent autour du bateau à l'arrêt ... Ils sautent, nagent, dansent inlassablement durant les heures de cette longue attente. Imperturbés par les vagues de 4 ou 5 mètres qui s'agitent tout autour. Les dauphins, comme les fées, s'offrent à notre regard et nous offrent de ne plus être aveugles à l'instant.

La rade attend

Immobile et tendue.

Fermée

La houle attaque

Obstinément et sans relâche

Les hommes patientent,

Résignés

Le mastodonte tangue,

Imperturbable

Le soleil tente une percée :

Rude combat .

Temps figé

10

Nous avons passé toute la journée et le début de la nuit sur le bateau. Ennui. Écriture. Rencontres. Attente. Suspense.

Le port fermé pour cause d'intempéries allait rouvrir, puis non, puis peut-être, puis oui, puis non ... Bref, il était 03:00 quand nous avons débarqué ! A cette heure, le bureau pour l'assurance était fermé de même que presque tous les hôtels ! Nous avons fini par trouver dans la vieille ville. Il était 4:30 quand nous avons enfin rejoint Morphée. Je n'ai clairement plus l'âge pour ça ! Comme à chaque galère, sa joie : l'arrivée de nuit dans le port de Batumi est féerique !

Nous sortons tard des plumes. Après un copieux repas et une bonne dose de délicieux café, nous nous mettons à la recherche du matériel nécessaire à réparer le souci de température de ma moto ! A l'autre bout de la ville. Puisque nous sommes là, autant mettre le temps à profit pour prendre la température (aïe, mauvais jeu de mots) de la ville.

Circulation incroyable : il y a des dizaines de véhicules de luxe avec des tas de cylindres (6 à 8 - impayables chez nous) qui se font la course mais s'arrêtent pour les piétons, des bouchons à n'en plus finir et de temps en temps de vieilles guimbardes. Il y a aussi des véhicules patchwork : les grosses autos de chez nous rapiécées de partout et dans toutes les couleurs !

Les immeubles sont à cette même image : HLM, maisons récentes ou restaurées cossues et ça et là une vieille rescapée d'un autre temps, comme un îlot de tranquillité et de bonhommie. Voué à disparaître ?

Je ne sais pas si aujourd'hui est justement le jour de la lessive pour tous ou si c'est toujours comme ça : partout pend du linge à sécher par-dessus les rues, les cours, les parkings ; à chaque poteau, il y a des poulies pour tirer les fils à linge. Ici un glacier, là un bistrot ou une taverne, des jeunes attablés refont le monde, des aînés papotent ou promènent des nourrissons, des hommes et des femmes pressés courent... Nous glissons un regard un peu voyeur derrière l'une ou l'autre porte entrouverte. Nous demandons notre chemin ; tous prennent du temps pour nous ...

Havre de paix et au loin les HLM
Couture et mécanique

Patience et longueur de temps valent mieux que force et rage

Michel s'attelle à la résolution du problème de surchauffe. Désossage de la moto, la rue se transforme en atelier, l'appui de fenêtre de notre petit hôtel en établi, et moi en petite main. Michel aime à penser "apprentie" mais c'est faux : je peux enregistrer des informations mais je n'entends rien à la logique mécanique !

Le radiateur est démonté et complètement nettoyé, le ventilateur vérifié, le thermostat changé, la pompe à eau tourne, toutes sortes de boulons, écrous et vis sont dévissés puis revissés, les liquides divers, vidés,.récupérés et reversés là où ils doivent l'être... Cela nous prend deux jours ! Il y a toujours une petite fuite ! Purée ! Quand ça ne veut pas... Nous entrons en contact avec plusieurs amis. Suggestions.... Il se fait tard. Nous verrons demain.

La petite rue dans laquelle nous sommes installés, se transforme en quartier : tous s'inquiètent de la moto, proposent de l'aide et nous dépannent : un carton pour mémoriser l'emplacement des vis de carter (de différentes longueurs), une bouteille vide pour récupérer l'huile, un nouveau thermostat (amené en taxi pour moins de 20 € course comprise), l'eau déminéralisée, le vinaigre (de cidre) pour nettoyer le radiateur...

A côté, il y a un chantier bien bruyant : les ouvriers sont charmants , le chef de chantier vient souvent voir si tout va bien et passe de nombreux coups de fil pour que nous trouvions ce qu'il nous faut. A 20 mètres, nous avons une gargote où manger de succulents repas et boire de petits cafés délicieux. Comble de bonheur : la pluie annoncée reste à l'écart ! Bref, les gnomes espiègles nous font une bien mauvaise blague mais les fées bienveillantes veillent...

Se documenter
Et au boulot
Astuce pour nettoyer le radiateur dans la douche
Boucanier en plein taf 
L'atelier
Très aidant, le chef du chantier d'à côté
Astuce pour retrouver la place des vis
Tout le quartier se préoccupe de notre sort.
Mécanique de rue
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Le verdict est tombé ! Il faut remplacer le joint de carter, impossible à trouver ici. Nous le commandons en Belgique et allons le faire envoyer. Cela va prendre plusieurs jours. Autant nous installer et en profiter pour découvrir la ville.

Batumi semble vouloir nous retenir : il y a deux ans, de grosses pluies s'en étaient chargées, cette fois, c'est la moto !

Et la ville murmure, nous invite à la découverte de sa vie secrète.... Petits mots aimables et tables accueillantes apparaissent à chaque coin de rue...

L'art se glisse partout

La notion "d'art" est bien subjective. J'ai une petite tendance à le dénicher, à chaque coin de rue, dans toute forme de créativité qui me touche, m'étonne ou me fait sourire. Quelquefois j'aime, d'autres non. Cet art-là ne se retrouve dans aucun musée mais est omniprésent dans la ville. Changeant, de bric et de broc, il est éphémère et joyeux. Jamais signé, toujours offert. Nos déambulations à la recherche d'huile, nos lentes promenades, la longue attente du joint carter nous laissent le temps d'ouvrir les yeux et le cœur, le temps de recevoir...

Il y a ces minuscules fleurs séchées épinglées sur les murs d'un WC, plus loin, une vieille vitrine rouillée accueille des chaussures d'un âge révolu,.. Les dessins sur la nappe d'un restaurant, un tag sur la grille d'un magasin d'articles pour bébés, l'accueil laiteux sur un cappuccino, un pratiquant de Tai Chi...

Nonchalance du temps pausé... Les gens d'ici savent faire cela...

La vitrine d'un petit restaurant
Et le porte-serviettes
Comme un écran de télé

L'architecture

"Perle de la mer Noire", "Las Vegas du Caucase", "Petite Dubaï" ... Les surnoms donnés à Batumi sont nombreux. C'est la deuxième ville de Géorgie après Tbilisi.

Gratte-ciels clinquants ainsi qu'hôtels et casinos de luxe côtoient des HLM sinistrés datant de l'ère soviétique, de petites maisons anciennes souvent décrépites, parfois restaurées et des bâtiments Belle Époque. La ville est longée par un boulevard long de 7 km et planté de dizaines de palmiers au bord de la mer.. Labyrinthes et cacophonie... Dans cette architecture hétéroclite et harmonieuse se reflète l'histoire de la région d'Achara : développement au XIXème siècle grâce au pétrole de l'Azerbaïdjan qui y transitait, opération "peau neuve" à partir de 2004 avec le gouvernement de Mikheil Saakachvili visant non seulement à effacer toute trace de l'empire soviétique mais aussi à envoyer un signal aux deux territoires sécessionnistes (l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud) pour leur montrer que rester dans le giron du pouvoir géorgien permettrait l’investissement et l’amélioration de leurs capitales, Soukhoumi et Tskhinvali.. Le pari de la relance économique au service de l'image politique !

Nous sommes début mai, il y a peu de touristes, les tractopelles et tondeuses sont à l'œuvre pour lisser les trottoirs et l'herbe des jardins publics, les manèges de foire grincent, les bars de plage semblent désaffectés, les piscines sont vides, la plage desertée à l'exception de quelques pêcheurs de sardines. Nous trouvons cependant beaucoup de quiétude, de charme et de joie à nos promenades. De même qu'un sentiment de sécurité, de jour comme de nuit, absent de nos villes d'Europe de l'ouest.

La police est bien présente.
Batumi Boulevard- 7 km de long
Une rue très chic
Petits balcons- terrasses partou6
Architecture hétéroclite, pleine de vie 
L'antre du cordonnier
Une construction un peu Art Nouveau, à mon avis

Dans le ventre de la nuit

Fleurit la lumière

Chuchotent les pierres

Un secret ?

Le vent marin soupire

Une voix vibre

Libre ?

Une petite place que nous découvrons par hasard 

Les gens

Batumi est une ville cosmopolite : nous y rencontrons des Turcs, des Azerbaïdjanais, beaucoup d'Ukrainiens et de Russes. Certains installés depuis longtemps. D'autres faisant commerce, donc régulièrement de passage.

Malgré la circulation dense et les multiples chantiers de tous ordres, l'ambiance est sereine et semble défier le chaos et l'agitation urbaine. Les bancs et jardins du boulevard Batumi sont occupés à toute heure, les terrasses aussi par des amoureux de tous âges, des solitaires en recherche de plus de solitude, des grands-parents ou de jeunes parents qui jouent avec leurs (petits-) enfants. Il y a toujours le temps pour un café, une glace, un échange ou un renseignement. Le temps reçoit l'espace...

Nous voyons peu de mendiants. Il y a des pauvres, des vendeuses de fleurs ou de bondieuseries, des balayeurs de rue, un nombre incroyable de mini-boutiques de téléphonie et de petites épiceries... A aucun moment, nous ne voyons de jeunes désœuvrés prêts à la bagarre... Juste de temps en temps, dans les lieux touristiques, l'un ou l'autre rom un peu collant.

Encore un pays où bénéficier de l'aide sociale implique une participation active à la vie en collectivité (sauf handicap ou incapacité de travail). Pas d'état Providence. Peut-être un peu à l'extrême mais sans aucune de ses dérives... Pour info : l'âge de la retraite est à 65 ans, des facilités sont accordées à la création d'entreprises et la fiscalité est avantageuse pour les expatriés. Le salaire moyen mensuel est d'environ 450 €. 1litre d'essence coûte 1€, un paquet de cigarettes moins de 2.50, un verre à une terrasse maximum autour de 2,50, un repas dans un restaurant tres correct est autour de 13€ parfois 15 €, boissons comprises. Ces chiffres indiquent les prix en.ville. Le coût de la vie y est bien moindre que chez nous.

3 petites gorgées puis s'en va...
Le cordonnier, à l'ancienne
Chemins qui se croisent : rencontre improvisée
Les roms un peu collants

Le temps est à la rêverie

L'heure s'étire et s'enroule

L'espace s'immobilise

Les pas se perdent

L'esprit vagabonde

Ombres et lumières

Milevskii

Milevskii, c'est un lieu : un petit bar, coffee shop, tenu par une Ukrainienne installée à Batumi depuis une dizaine d'années. Diplômée en architecture de l'université de Kiev, elle n'a pas aimé être architecte. Elle a tout quitté, est partie travailler aux Émirats puis au Qatar, histoire d'économiser pour s'offrir un bar et une résidence ici. Son business est ouvert 7 jours sur 7 de 10:00 à 22:00. Ces longues heures de travail ne lui pèsent pas : elle adore! C'est chez elle que nous prenons de copieux petits-déjeuners le matin. Elle m'offre toujours le premier café que je sirote en attendant Michel. Elle fut une des premières à nous aider : elle parle Ukrainien, Russe et Géorgien. Entretemps, nous sommes devenus voisins. Si d'aventure, tu passes par ici, prends un moment, ami, et arrête-toi chez Milevskii... Peut-être y rencontreras-tu son chat...

L'Azerbaïdjanais

Un autre lieu que nous aimons est un bouiboui aux "durums" délicieux à prix plancher. La plupart des clients sont musulmans, les tenanciers viennent viennent d'Azerbaïdjan. Un soir, nous y avons rencontré un riche homme d'affaires, ingénieur dont la société a créé un système d'extinction d'incendies à base d'une sorte de gel très efficace. Il est heureux de nous montrer ses vidéos...

A goûter : une boisson non alcoolisée qu'ils appellent "Kompot" : eau et fruits, beaucoup moins sucrée qu'une limonade, sans OGM et très naturelle puisque presque partout faite maison.

Le Wine Bar

Nous nous sommes dégotté un bar à vins tout proche : plaisir d'un petit apéro de temps en temps, de savourer un vin géorgien dans le parc attenant, de regarder les habitants du quartier qui y achètent à la cuve et s'installent avec un repas venu d'ailleurs.

Le genre de bar qui ravirait pas mal de nos amis (pensée émue pour chacun) : vins naturels, certains vinifiés de manière traditionnelle. Le goût de la Géorgie titille le palais bien plus élégamment que moulte bordeaux et autres vins trafiqués et "additionnés" de chez nous... Ma sévérité n'est que le reflet d'un bonheur...

A un autre moment, nous tombons sur un tout petit Wine Bar : 3 tables dans une cave. Dégustation gratuite de vins naturels faits maison, rouges et blancs, secs, doux et demi-secs. Tous mettent l'âme et les papilles en joie. Aucun ne rend Michel malade alors que sa gorge réagit à n'importe quel vin français! Les mystères de la chimie ! Une adresse à retenir !

34 Rustaveli Avé - Batumi 

Pierre

Pierre était un "ami FB" de passage à Batumi et bloqué en attente du bateau vers la Bulgarie pour cause de mauvais temps. Nous avions tous du temps que nous avons passé autour d'un café. Improbable rencontre.

Pierre est de notre génération. Il rêvait de voyages autrement. Avant, il voyageait en avion comme steward. Suite au décès d'une amie est un électrochoc, il saute le pas : permis moto A2, donc limité en puissance. Il achète une 750 gs, la fait brider à 35 kw et part voir le monde. 10 mois de voyage. Quand nous le rencontrons, il est sur la route du retour. Nous parlons errances, motos, frontières, équipements, pays ... Admiration !

La petite femme de ménage russe

Elle est Russe, mariée à un Turc rencontré via Facebook. Pour l'instant, elle vit et travaille ici, à Batumi. Elle me raconte sa vie, en russe, avec Google translate. Elle ne parle pas géorgien. Un premier mari mort dans une guerre, un frère et un fils dans une autre. Sa fille décédée il y a deux ans, de maladie. Elle efface furtivement une larme. Elle me dit avoir été tireur d'élite dans l'armée russe. Elle est usée, ravagée ; elle a les yeux détruits, l'un plus que l'autre. Ses lunettes sont rafistolées avec du papier collant. Elle nettoie le sol, les chambres, la petite terasse où je fume... Elle raconte sans se plaindre ... Je ne peux que lui offrir un peu de temps...

Robert Nadiradze

Nous avisons sur un poteau une petite pancarte écrite à la main pour le musée de l'indépendance de la Géorgie. Pourquoi pas ? Minuscule maison au bout d'une ruelle impasse. Des femmes mettent du linge à sécher, un homme sans âge apparaît et ouvre une porte. La première chose qu'il nous dit : "Money no. Chacha ?" Vu l'heure, nous déclinons la Chacha. Le musée est son petit antre aménagé avec ses souvenirs de journaliste, d'écrivain, de militant lors de la sission avec l'URSS entre le 18 novembre 1989 et le 9 avril 1991, date à laquelle la Géorgie est devenue un état souverain.

Il est fier de nous montrer les photos, un livre qu'il a écrit, le premier exemplaire d'une revue militante publiée à l'époque avec les moyens du bord, le vieux haut-parleur ... Nous écoutons et faisons de notre mieux pour capter. Fier de son combat, il a de la rancœur envers la Russie et pourtant il ne parle que russe. Enfin... peut-être parle-t- il géorgien mais il ne le lit pas. Aucune reconnaissance de l'état géorgien... Je ne trouve aucune information sur la toile. Quand nous le quittons, il nous offre quelques pommes...

Les animaux

Nous retrouvons nos amis les chiens et chats errants. Symbiose : ils font partie de la vie géorgienne. Tous sont adorables et avides de caresses et d'attention. Peu semblent malades ou mal nourris. Nous avons cru comprendre que le gouvernement veille au grain (ils sont pucés).et la population à la gamelle.

Pas de doute : la minorité règne en maître

Un brin d'urbex

Ici ou ailleurs, j'aime passer sans toucher. Juste effleurer du bout des yeux, de l'objectif pour tenter d'immortaliser ce qui un jour ne sera plus. L'humain fait, la nature défait. L'homme prend, la nature reprend. L'imagination s'envole, questionne, embellit...

Herbes folles et murs craquelés

Le tourniquet trébuche

L'eau glauque mousse

Fantômes ? Fantaisies?

Le temps suspendu

Ne tient qu'à un fil ...

Où sont les milliers de manifestants que BFM nous montre ? 

Et les manifs ?

La presse européenne nous "informe" que des milliers de manifestants pro-Europe envahissent, chaque vendredi, la place principale des deux grandes villes de Géorgie, Tbilisi et Batumi. Depuis deux semaines, nous traînons à Batumi et nous n'en avons vu qu'une seule : moins d'une quarantaine de manifestants, avec des drapeaux européens et géorgiens assemblés, et une photographe qui semble choisir ses angles de vue pour en "gonfler" l'ampleur ! Nous ne résistons pas à l'envie d'aller discuter avec un des organisateurs : dès le début du dialogue, il nous renvoie un discours très idéaliste et stéréotypé de sa perception de l'Europe. Au fil de la discussion, nous apprenons que la plupart des manifestants travaillent pour des ONG implantées en Géorgie et financées par ... l'ONU !

N'y a-t-il pas un paradoxe entre d'une part, nos médias (BFMTV, LCI, FRANCE24, RTBF,...) qui nous parlent sans cesse de l'influence russe (certes une part de réalité) dans ces divers pays de l'ex-URSS et, de l'autre, nos constats (lors de nos voyages dans ces nombreux pays) de la présence d'ONG financées par l'ONU ? Le cynisme géopolitique et ses instrumentalisations ne fonctionne-t-il pas de manière identique dans chaque "camp" ?

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Batumi - Milevskii

Le petit tour du touriste

Publié le 17 mai 2025

Dimanche. Il a beaucoup plu cette nuit. Des chats ont hurlé à l'amour du crépuscule au petit matin. Café turc, ce carnet, les voix qui réveillent notre petite impasse. Tout est enfin calme. Une idée du bonheur ?

Les sculptures

Le front de mer et le centre-ville sont parsemés de sculptures. Beaucoup ont pour thème la romance. La plus célèbre est Ali et Nino, créée en 2010 par l’artiste géorgienne Tamara Kvesitadze. Les deux personnages, entièrement de métal, se mettent en mouvement tous les soirs vers 19:00, glissant l'un vers l'autre, fusionnent un instant et se séparent sans jamais se toucher... Une merveille d'ingénierie !

Allégorie de l'amour impossible 

L'octopus fut construit en 1975 par l’architecte George Chakhava et le mosaïste Zurab Kapana. C'est une gigantesque sculpture tridimensionnelle en mosaïque récemment restaurée. Les habitants l’appellent «Octopus» pour des raisons évidentes. Le petit truc pour la trouver : sur le boulevard Batumi en face de l’hôtel Hilton.

Statues classiques - Poseïdon, Neptune, Medée - côtoient mendiants, vieillards, artistes, amoureux, musiciens, fées, dauphins. De fer ou de pierre, d'or ou de bronze, sur la plage ou les places, à la porte des églises, au sommet de fontaines, les statues sont absolument partout et enchantent les errances....

Les photos ont ceci en commun avec les statues :

Elles sont là, à t'attendre...

Les gratte-ciel

Batumi tower, Sheraton, Palace, Mariott ou Hilton hotels, alphabetical tower, university tower ... Où que tu sois dans la ville, les gratte-ciels ultra-modernes hérissent le paysage de jour, l'illuminent la nuit.

Les photos ont ceci en commun avec les gratte-ciels :

Ils t'attendent et te défient

La grande roue
Alphabetical tower
Sheraton (je crois)
Hilton (je crois)
Tour de l'université technologique (roue incrustée dans la façade)

Entre le ciel et la mer

Un écran géant, une rive

Envol de la toison d'or

Dans les méandres du temps

La roue tourne, telle une voile...

Le phare

Au milieu de ces gratte-ciel impressionnants de modernité, se dresse depuis 1882 le phare de Batumi. Pied-de-nez à l'histoire, il est la réplique du phare de Sokhumi, en Abkhazie.

Le port

Au loin, les montagnes, certaines encore enneigées, encerclent le port comme un couronne. Hormis cela, c'est un port banal accueillant des navires commerciaux et des bateaux de plaisance.

Central pour les routes commerciales maritimes et terrestres entre la Russie, l'Ukraine, la Turquie et l'Asie centrale, il joue un rôle majeur pour le transport de marchandises dans la région. Les gens d'ici nous disent que, avec les casinos, il fait la richesse de la ville (financement des nombreux chantiers).

Le port de plaisance attire de nombreux touristes (dont nous). Et les arnaques aux touristes y pullulent : s'asseoir à une terrasse est agréable mais hors de prix, les magasins de souvenirs made in China fourmillent, toutes sortes d'excursions en mer sont proposées en musique tonitruante et cacophonique. Nous passons ce "must"...

Entre Porshes,
hors-bords ultra-rapides...
et bateaux de pirates, il y en a pour tous les goûts !
Au loin, les montagnes...

Les églises

La Géorgie est de confession orthodoxe. Chaque culte possède cependant son lieu à Batumi : une église arménienne, une église catholique et une mosquée. Nous avons poussé la porte de l'un ou l'autre de ces lieux au gré de nos pas et suivant les heures d'ouverture plus que par conviction.

Carhedral of Mother God (orthodoxe)
L'église arménienne (je crois)
Dans la rue. Les Géorgiens passent, se signent et repartent 

Deci, delà

L'horloge astronomique indique l'heure réelle, la position du soleil, de la lune, des constellations du zodiaque et des planètes, le méridien, l'horizon, le lever et le coucher du soleil en fonction. L'horloge astronomique a été créée en Allemagne en 2010, pour un coût de 1 700 000 GEL (georgian lari) soit environ 600.000 €.

C'est, non pour une quelconque originalité gustative ou d'éventuelles qualités nutritionnelles mais pour son excellence architecturale que le McDonald's de Batumi a reçu un prix !

Ouvert depuis octobre 2012, il a été imaginé par l'architecte Giorgi Khmaladze.

Je pense que ça vaudrait la peine d'y retourner de nuit. Pour les photos !

Les mosaïques : dans les quartiers plus pauvres ou plus anciens, ce sont des tags, dans les quartiers chics, ce sont des mosaïques. Lever le bout du nez réserve de jolies surprises...

Le bazar : après 12 jours, voilà qu'enfin arrive le joint de carter ! Première constatation : je n'aurais jamais imaginé une telle joie à la vue d'une camionnette DHL !

Deuxième constatation : une petite goupille (essentielle: elle a quelque chose à voir avec l'embrayage) refuse de se remettre en place et nous n'avons pas la pince adéquate ! C'est ainsi que, accompagnée du routier turc, époux de la madame russe qui fait le ménage et convoyeur de la pâte à joints qui elle aussi nous manquait, je me suis retrouvée au bazar à l'autre bout de la ville !

Le bazar est partout : les l'avenue, dans toutes les rues et ruelles adjacentes, certaines couvertes. On y vend de tout à des prix défiant toute concurrence, le tout réparti en "quartiers" : le quartier tabac & cigarettes, la rue des fleurs, l'avenue chaussures & fringues, un peu plus loin les fruits et légumes, les ruelles outils & mécanique.... C'est là que j'ai chiné à la recherche d'une pince. Je l'ai trouvée pour la modique somme de six euros. Michel a détesté la chinoiserie (qui a fini par faire le job et que nous emporterons (on ne sait jamais).

Fleurs et mécanique. A chacun son rêve.
De quoi remplir le frigo.
Tabac et cigarettes à la pièce .
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Publié le 20 mai 2025

Chapitre 1: Émotions

Nous avons donc fini par quitter notre petite impasse, à la fois heureux et un peu nostalgiques. Ils étaient tous là pour nous dire "Au revoir" et nous faire une accolade pleine de chaleur.

Évidemment au dernier moment, un binz : la première ne passe pas ! Le sélecteur de vitesses cale contre le repose-pied ! Pas grave, juste un réglage. Ressortir les outils est le plus long ! Bref, nous sommes partis début d'après-midi.

La frontière est à une vingtaine de kilomètres. La route qui y mène est assez jolie ... Il faut quand même avoir quitté la banlieue de Batumi, très industrielle et camions à gogo.

Passage de frontière : plus d'une heure et Michel se fait gauler pour non paiement d'assurance. La petite douanière, toute jeune et apparemment nouvellement en poste, ne lui cherchait pas noise, elle a juste tout vérifié !

Pour info aux candidats : prendre l'assurance par Internet est rapide, le contrat arrive directement dans la boîte mail et suffit. Michel ne l'avait pas car il n'avait pas sa carte grise sous la main quand je l'ai fait. Comme entretemps nous avions rencontré un bourlingueur en 4x4 au courant de toutes sortes de combines (dont éviter un maximum de frais, les assurances par exemple) il n'a plus prêté attention à ce détail ! Conclusion : 30€ d'amende et éviter les gros postes frontière !

Petites astuces pour la Géorgie :

Carte SIM : Magti, rapide, et pas cher (3€/semaine - internet illimité)

Pour l'assurance en ligne : https://tpl.ge/en

Enfin on roule !

Le binz !

Chapitre 2: Késako ?

Nous voilà tout heureux en Turquie. Montagnes, beaux paysages, bienvenue, tu viens d'où... Le tout entrecoupé de trois contrôles de police sur moins de 200 km ! Impossible que ce soit pour excès de vitesse avec nos 650. Juste des photos des plaques. 🤔.

Entre deux contrôles, nous trouvons un bouiboui comme on les aime : çai, maïs et conversation motarde. Nous nous sommes attardés...

Chapitre 3 : Le suspense

Bref, nous nous sommes arrêtés à 80 km d'Erzurum, arrêt obligatoire pour récupérer notre visa pour l'Iran. Petit bled plutôt mignon. Des pluies très abondantes donnent, au coucher du jour une ambiance... particulière. Et c'est là que trois hommes charmants nous proposent leur aide : traduction et bagagerie. Un Turc et deux Russes, tous trois sont entomologistes et voyagent partout. Gros 4x4 Uaz. Pour l'anecdote, la compagnie russe Uaz a lancé un pick up et un SUV Patriot équipés de moteurs et transmissions automatiques produits en partenariat avec l'americain General Motors. Un business assez paradoxal... L'un des Russes vit à Copenhague. Nous recevons une chambre qui jouxte celle du professeur Turc "in case you need help" ... La pluie continue de battre le carreau, à un jet de pierres, un torrent gronde. Nous reviennent des souvenirs de livres et de films d'une autre époque. Nous passons la soirée à inventer des histoires d'espionnage, à nous faire des films à suspense. Passionnant !

C'est ainsi que nous sommes entrés dans un roman...

Erzurum, nous revoilà !

Nous reprenons la route jusqu'à Erzurum. Sous le soleil : Ventusky avait prévu des orages, Michel y croyait dur comme fer, nous avons parié, j'ai fait appel aux fées. J'ai donc bien entendu gagné le pari !

Trouver une carte SIM à été un vrai parcours du combattant : Turkcell (qui, avant, était un très bon opérateur), demande une fortune (carte touriste + package = 50 € pour 50 ga et 28 jours) - Vodafone : même genre, en pire. Du coup Turktelecom : 40 € = 50 ga + 3 mois de validité (renouvelable). Bref, c'est hors de prix !

D'ailleurs, tout en Turquie, en tout cas en ville, a énormément augmenté pour les étrangers !

Erzurum a aussi bien changé en trois ans : un périphérique, des tas de quartiers tout neufs, des buildings à appartements largement occupés, des parcs avec des plaines de jeux pour enfants... Le tout bien propret ! Heureusement, les ruelles, vieux quartiers, boutiques de style "souk", multiples terrasses où boire un çai à toute heure sont encore bien vivantes.

Nous sommes bien sur une des anciennes routes de la soie
Photos glanées le long de la route vers Erzurum 
Le toit d'un vieux hammam, sans doute hors service

Venelles et passages obscurs

Échoppes de tailleurs,

Boutiques de frippes venues de Chine ou du passé

Bouibouis au parfum de thé ou de kebabs

Portes ouvertes

Lanternes à la lumière tamisée

Tendent des bras ouverts, parfois avides

Quelque part, le rire d'un enfant.

Nous passons

Emportant le souvenir de vies

Fourmillantes, désordonnées, simples

Le souvenir de la vie d'autrefois...

Il est souvent un peu décevant de revenir en des endroits aimés : nous avons été enchantés par Erzurum il y a trois ans seulement. La magie n'est pas absente, elle est fanée. Ce qui ne m'empêche pas de retourner à la Madrasa, de toucher du regard les vieilles pierres de lave, d'effleurer du bout du cœur les histoires silencieuses enfermées dans les anciennes salles de classe devenues musées ... Les entrées sont si basses que tous courbent la tête pour y entrer. Jadis, c'était en signe de respect. Aujourd'hui ?

La mosquée quo jouxte la Madrasa 
La Madrasa 
Pensée pour mes amies et ma prof du cours de calligraphie.
Outils de calligraphie 
Un robinet rebelle, devant un petite mosquée
Au gré des ruelles 

Dans la lave des pierres,

La mémoire d'une ville jadis fortifiée,

De guerres fratricides

De conquêtes et de redditions ...

Pour quelles illusions ?

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Publié le 22 mai 2025

Villes, bruits, cacophonies comme un trop-plein... Le départ comme une hantise...

Nous passons un moment avec Julio, voyageur venu d'Espagne à la recherche d'un taureau noir jusqu'au... Japon. Échanges de bons plans, de belles routes, de rêves surtout. Puis chacun suit son chemin, un peu plus riche de l'aventure et des rêves d'un autre ...

Nous avons vaguement hésité : soit rouler vers les belles villes de Mardin et Diyarbakir que nous connaissons, soit aller vers un ailleurs dont nous ne savons rien. Nous choisissons l'inconnu pour nous emmener vers la frontière irakienne.

200 kilomètres de pur bonheur dans une nature enchanteresse. Symphonie de couleurs: vert tendre de l'herbe nouvelle, vert bouteille des ombres que la montagne projette sur la vallée, vert de gris des saules et des peupliers, vert un peu jaunâtre quand les fleurs épousent les bocages, vert d'eau des ruisseaux et rivières qui déboulent ... Gammes de beiges, bruns, ocres de la roche qui scintille au soleil. Le blanc grisâtre de la neige au bord du chemin ; le blanc laiteux des nuages qui tranche sur le bleu azur du ciel

Nous avons flirté avec les 2000 - 3000 mètres d'altitude. Température frisquette là-haut. Nous nous sommes beaucoup arrêtés pour savourer. Pas de ville ici, juste l'un ou l'autre hameau ça et là. Et si d'aventure la mosquée se trouve de lautre côté du chemin, il y a un pont pour traverser une route où ne passe personne. Sauf de temps en temps un Kangal, une vache ou quelque chèvre... Nous avons même croisé un fennec fort peu farouche ... Immensité de la Turquie. Magnificence de ses paysages. Solitude infinie... Nous nous sommes régalés...

Un minuscule resto: repas délicieux pour 5€ !

Plus que 60 kilomètres avant l'objectif du jour. Allez, un petit çai... Nous avisons un terrasse. Parfait ! Tellement parfait que nous nous sommes attardés. Encore une limonade, puis un thé... Bref, nous n'avons pas fait les 60 kilomètres ! Juste le graissage de la chaîne !

Varto est un petit bourg loin du tourisme. Contacts chaleureux avec les gens du coin qui tous nous assurent de leur aide si nécessaire. Sans nous laisser aucune coordonnée ! L'accueil c'est aussi cela : les mots et les intentions suffisent. Ça nous va.

Nous logeons dans une petite chambre que son occupant a vidée pour nous !

View from our one-night window 
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Publié le 24 mai 2025

Je m'étais fait la réflexion, il y a quelques années en sortant du Pamir, qu'une montagne ne se contourne pas ; elle se traverse. Alors elle s'offre dans une majesté presque timide. Nous continuons notre petit bonhomme de chemin vers l'Irak. Les paysages changent et restent bluffants.

Les couleurs changent elles aussi. D'ocres et de bruns, elles font de plus en plus penser au désert au fur et à mesure des kilomètres.

Nous sommes dans le Kurdistan : la température grimpe (jusque 35° dans l'après-midi), les bergers se font de plus en plus nombreux, nous nous arrêtons souvent pour leurs troupeaux de vaches ou chèvres qui sont prioritaires car de toute évidence plus lourds que nous ! Pas de pompe ni de bouiboui ici. Pause. Un berger curieux s'arrête, me quémande quelques cigarettes, essaie d'emblée mes lunettes, a tenté d'attraper la veste et à grimpé sur ma moto... du mauvais côté ! Caramba ! J'ai eu juste le temps de la maintenir ! La frousse ... Impossible de vraiment communiquer : il ne parle pas anglais, nous tentons Google translate : échec et mat : il est visiblement analphabète : reste la langue des signes !

Le petit clin d'œil du ciel 

Au moment où nous allons partir, un motard se pointe et s'arrête. C'est un Allemand, il se dirige vers la Géorgie. Il a passé le permis moto il y a deux ans et acheté une 650 V-Strom pour concrétiser son envie de voyages. Admiration pour ces aventuriers insouciants dans l'âme qui n'attendent pas d'être "fin prêts", ce qu'on n'est jamais, au demeurant.

Ces paysages nous ont en envolés jusqu'à Batman où nous n'étions jamais allés. C'est là que se rencontrent le Tigre et l'Euphrate. Nous ne voyons pas le confluent mais arrivons en ville. Arrêt. Conclusion : Batman est juste la ville du pétrole : panneaux et enseignes à gogo. Batman ne vaut aucun détour si ce n'est pour tester que tout est OK en ce qui concerne la température du moteur ! Tout baigne !

Nous nous enfuions vers Hasankeyf, une ville de 12 000 ans stuée sur les rives du Tigre. C'est à une heure de route. Il se fait tard mais tant pis. Nous longeons le bassin de l'Euphrate au soleil couchant. C'est enchanteur mais le village n'existe plus, il a été noyé dans un lac artificiel lors de la construction (controversée) du barrage d'Ilisu. Il n'y a aucune forme d'hébergement à trouver ici. Direction Midyat que nous savons joli pour l'avoir visité. 100 kilomètres de plus !

Le plus vieux pont de pierres du Moyen-âge :

Disparu !

6000 grottes : immergées !

200 villages : sous l'eau !

Habitants troglodytes : exilés, déplacés !

12.000 ans d'histoire : engloutis !

Marais mésopotamiens d'Irak : asséchés

Droits de l'homme et de l'humanité : inondés !

Une prise pour charger un téléphones ? pas de souci ...

Primauté à la modernité...

Il fait nuit noire quand nous arrivons, exténués. Nous cherchons un petit hôtel dans la vieille ville mais ne trouvons pas. Avec où sans VPN, malgré l'aide de la police, les recherches échouent. Nous nous rabattons sur un hôtel bien trop chic, bien trop cher et ni la bienveillance du personnel ni la jolie décoration ne nous permettent de passer une nuit correcte : camions et grosses cylindrées ultra-bruyants et chaleur intenable (air-co plus que faiblard) .

Demain est un autre jour....

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Publié le 26 mai 2025

J'ai longtemps rêvé de parcourir le Kurdistan. Adolescente, j'étais fascinée par les images de ce peuple que je voyais à la TV sans comprendre les complexités. Les années ont passé : nous avons beaucoup roulé dans les régions du Kurdistan en Turquie et en Iran. Cette année, l'Irak. S'ajoute le désir de voir par moi-même, d'écouter, de comprendre tant que faire se peut ce peuple aux multiples facettes

Direction Cizre, à un jet de pierres de la frontière entre l'Irak et la Turquie. Après notre nuit blanche, nous étions prêts à y rester une nuit de manière à passer la frontière tôt le matin. Sauf que Cizre ne présente pas beaucoup d'intérêt : nous décidons donc d'entrer en Irak. Quelques tours et détours pour arriver au poste frontière : le GPS ne prend pas la carte d'Irak ! A la sortie de Turquie, nous nous faisons littéralement assaillir par une nuée de gens qui. pour la modique somme de 20€/personne, veulent tous jouer les intermédiaires pour remplir un papier obligatoire . Nous déclinons, forçons le passage et remplissons nous-mêmes le document délivré par la police un peu plus loin : noms, numéros de passeports et de plaques. Bilan : 1 bonne heure et 0 € !

Entrer en Irak nous prend plus de deux heures : ce n'est pas vraiment compliqué mais il y a un nombre incroyable de guichets et une file à presque tous. La chaleur est étouffante. En équipement moto, c'est fatigant... J'ai salivé d'envie devant les melons des douaniers !

Bon à savoir : tous les véhicules venant d'Europe doivent s'acquitter d'une taxe de 35 $, payables en cash. La banque est juste à côté ! Nous changeons nos euros et recevons quelques dinars en change. Ils s'avèreront précieux...

Le GPS nous ayant lâchés : il ne reconnaît pas les cartes d'Irak (ni d'Iran d'ailleurs), nous nous procurons une carte SIM pour avoir accès aux cartes du téléphone de Michel. C'est ainsi que nous sommes entrés en Irak : une carte SIM pour deux, pas de GPS, pas de dinars irakiens, le tout à la nuit tombée et dans le cagnard (33° à 20:30). L'aventure n'est pas toujours confortable...

A Dahuk, première vraie ville après la frontière - environ 80 kilomètres - nous suivons les panneaux centre-ville et avisons une petite "pizzeria". Ouf ! Il y a de l'Internet. Nous utilisons nos dinars pour payer deux coca. Un monsieur se présente et propose son aide : le cash, c'est fichu pour ce soir mais il nous renseigne un hôtel à moins de 100 mètres : parking sécurisé pour nos destriers, grande chambre avec air-co efficace, prix très abordable et surtout calme. Après une bonne douche, un thé sur la petite terrasse à même la rue, voilà que se matérialise un repas. C'est le propriétaire de l'hôtel, au courant de notre problème de cash, qui s'en est chargé. Il refuse que nous le remboursions ! Tant de bienveillance nous laisse, une fois de plus, sans voix ...

Nous échangeons : il nous parle de son pays qu'il adore, le Kurdistan surtout. Les choses à voir, les endroits à ne pas manquer... Des Kurdes et Arabes qui vivent ensemble "en paix". La température a à peine chuté mais il souffle un petit vent bienvenu, la rue est animée, un car de touristes venus de Bagdad quitte l'hôtel dans les rires et la bonne humeur... Tout est parfait et nous sommes à notre place...

Nous prenons une journée sans moto pour nous procurer du cash, une deuxième carte SIM (pour mon téléphone), deux chargeurs (les prises ne sont pas les mêmes que chez nous - détail oublié) et résoudre le problème des GPS. Incroyable comme avoir du cash, de l'Internet et de quoi charger un téléphone et un intercom est rassurant et permet de s'intégrer. A souligner : comme L'ATM était un peu loin par cette chaleur, le propriétaire de l'hôtel a réglé le taxi de sa propre initiative! Nous apprenons à recevoir. C'est un apprentissage difficile... Un peu plus tard, je sors une cigarette, un homme qui passe par ici, dégaine un briquet, m'offre le feu et continue son chemin... Sourires échangés. Cela suffit...

La couleur des innombrables taxis 

Premières impressions

Camions-citernes à gogo, quelques torchères, camps de réfugiés éparpillés partout (nous ne savons pas d'où ils viennent), cabanons de bric-et-de-broc récupérés à gauche et à droite. Contrastes dès l'arrivée en ville : modernité des immeubles, densité de la circulation, parfums de nourriture et d'épices, musique, enfants au jeu ou en route vers l'école suivant l'heure, gentillesse omniprésente. Cela surtout...

View from m'y two-nights-window  : Dahuk

Nous ne visitons de Dahuk que le bazar ; il nous faut un adaptateur de prises électriques. Beaucoup d'échopes pour la téléphonie, thés, café, épices, vêtements... Rien de bien extraordinaire. Les mendiants et vendeurs à la sauvette (mouchoirs, petites bouteilles d'eau ...) y sont légions.

Pour le reste, nous passons une bonne partie de la journée à tenter de résoudre le problème des GPS. Sans succès. Il va falloir trouver un plan B !

En route pour l'école. Uniforme pour toutes 
Le bazar 
Beaucoup portent les vêtements traditionnels, les jeunes moins 
Recrutement pour l'armée officielle kurde : les Perșmerge
La hauteur des rigoles ! 
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Publié le 27 mai 2025

C'est donc sans Garmin que nous que quittons Dahuk. Mais avec le GPS (très approximatif) du téléphone de Michel qui a une fâcheuse tendance à s'éteindre non stop! Nous suivons les panneaux routiers, Dieu merci, en alphabet latin !

La route est jolie, entourée de montagnes.

En chemin, ce long mur de graffiti, appel à encourager les Pêșmerge voire à s'enrôler dans l'armée .

Une journée qui nous ressemble

Nous sommes à Amedi, arrêtés au bord de la route pour tenter de trouver notre chemin quand une voiture s'arrête ; le conducteur m'aborde en ... français !

C'est Meten Youssif : il parle le français et était interprète pour l’armée française durant 5 ans. Contrairement à l’armée US qui fournit la “green card” à leurs “employés civils” en remerciement pour services rendus, il semble que ce n'ait pas été la politique de la France lors de son désengagement en 2023 et 2024. Depuis le départ des Français, il se retrouve sans emploi, sans aide sociale de quelqu'ordre que ce soit et sans possibilité de venir en Europe, même pour un temps limité. Nous passons l'après-midi en sa compagnie et il prend plaisir à nous montrer de jolis endroits, à nous parler du Kurdistan, à partager un thé... et à nous trouver un hébergement dans cette région où il y en a si peu...

Nous sommes pleins de gratitude pour la chance qui nous est offerte de connaître un peu plus l’histoire d’un pays dans sa complexité géopolitique, de bénéficier de précieux conseils et informations pour découvrir une région et un.peuple.

Les rues d'Amedi 

Un moment de gourmandise dans le jardin tout fleuri de la jolie mosquée d'Amadi, vieille d'environ 800 ans. Le minaret est plus récent (15ème siècle) et mesure 33 mètres de haut

Nous sommes invités à entrer mais déclinons :nous avons un peu peur de nous déchausser!

Michel qui maraude des mûres blanche6

Sur la route de Barzan, notre nouvel ami nous emmène à la cascade de Sheladiz que nous n'aurions jamais trouvée sans lui.

L'endroit est vraiment joli et frais. Il y a de nombreux touristes presque tous des Arabes venus de Bagdad où il fait encore plus chaud ! C'est drôle : les échoppes, tenues par des Kurdes proposent du maïs grillé que les Kurdes ne consomment pas en cette saison :"C'est un plat d'hiver" !

Le pont qui mène à la cascade
Fumer la Chichha est très prise partout au Kurdistan

Nous quittons la cascade un peu tard. Le seul hébergement à des lieues à la ronde est un motel le long de la rivière. C'est donc là que nous poserons nos roues, dans le jardin... Et entourés de montagnes. Chambre basique mais propre. Le PQ et les serviettes c'est ok si tu demandes. Pas d'électricité si ce n'est fournie par un groupe électrogène (comme, semble-t-il, partout ici) qui sera mis en route plus tard... Encore une fois, nous recevons beaucoup de bienveillance malgré les difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés nos hôtes.

Notre soirée et notre nuit son rythmées (toutes les 10 ou 15 minutes) par les bombardements turcs sur les positions du PKK dans la montagne kurde alentour. Nos hôtes sont hilaires devant notre étonnement ! Il n'y a aucun danger.

L'œil engourdi de tant regarder

Le corps fatigué de tant de route

Soudain une cascade fraîche

Un crépuscule éblouissant

Arrêt

Un asile éphémère et accueillant

idée du voyage ?...

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Publié le 29 mai 2025

Notre route nous emmène à Barzan, une ville particulière dans l'épopée kurde sur le chemin de la liberté. J'en profite pour casser un rétroviseur et plier les protections de la poignée gauche lors d'un demi-tour en-dessous de tout ! Devant le musée. Michel va pouvoir continuer à amortir ses outils 😂, plus tard...

En attendant, nous nous réfugions dans le musée où il fait frais ! Il n'y a pas de hasard : ce musée vaut vraiment l'arrêt : la guide complète les explications reçues hier d'Etten. Quelle complexité !

Pour info : plus de 2 heures en tête-à-tête avec la guide ne nous coûtent pas un dinar : elle est payée par le musée et refuse le moindre pourboire ! Pendant ce temps, nos motos attendent sagement dans la rue, avec les clés dessus. Oubliées ! Personne ne touche à rien. C'est partout pareil. Le Kurdistan est décidément un pays très sûr!

L'histoire d'une légende : Mustapha Barzani

A l'origine, il y avait au nord le Kurdistan s'etendant sur les territoires ottoman, iranien, syrien et irakien et au sud le territoire arabe. Partout, la minorité kurde était discriminée. La lutte pour la liberté à commencé dès 1908. Il y eut plusieurs révolutions.

Le leader légendaire du combat kurde est Mustapha Barzani (1903 - 1979). Suivant la coutume, il porte le nom de son lieu de naissance : Barzan. Son frère, Cheikh Ahmed, mena la lutte nationale kurde jusqu'à la fin des années 1930. Dès l'âge de 16 ans, Barzani participe au soulèvement.

"Someone is sitting in the shade today because someone planted a tree a long time ago." (Warren Buffet) General Barzani, we are all sitting in the shade of your tree...

En 1932, il commande les Barzanis dans la résistance contre la campagne contre les Kurdes du gouvernement irakien soutenu par les Britanniques. Leur réponse est de bombarder Barzan (plus de 1000 morts). Barzani s'enfuit dans les montagnes qui deviennent son foyer. Banni à de nombreuses reprises entre 1932 et 1943, il réussit toujours à s'échapper. En 1945, il mène avec succès le soulèvement de Barzan contre le gouvernement irakien soutenu par la Royal Air Force. Il consolide la république. En 1946, il fonde le PDK (parti démocratique kurde) dont il reste le président jusqu'à sa mort. Il combat les forces su Shah soutenu par le Royaume-Uni et les États-Unis. Établissement de la république de Mahabad en Iran contrôlée par les forces soviétiques. Barzani est victime de nombreux attentats (18 si je me souviens bien) il échappe chaque fois à la mort !

Après l'effondrement de la république, il s'enfuit vers la Russie (Union Soviétique à l'époque) avec 500 Perșmerga traversant l'Iran, l'Irak et la Turquie, tous territoires ennemis. Ils gagnent toutes les batailles menées sur ce long trajet. Ils deviennent réfugiés jusqu'en 1958. Certains s'y marient et y fondent une famille. Lors de leur retour en Irak, en 1958, ils sont accueillis en héros par les populations kurde et irakienne. Trois dentre eux sont encore vivants et 8 des épouses ramenées avec eux. Notre guide est la petite-fille de l'un d'entre eux. En mars 1970, le mouvement national Kurde, sous la direction de Barzani, signe un accord avec le gouvernement irakien stipulant l'autonomie des Kurdes en Irak. Cet accord ne sera jamais respecté ! En 1975 : effondrement de la révolution, Barzani s'enfuit en Iran où il est soumis à de nombreuses restrictions. Plus tard, il s'exile aux États-Unis pour se faire soigner. Il met à profit, son séjour pour plaider la cause des Kurdes auprès des autorités et tenter d'obtenir des soutiens. Il décède en 1979 sans avoir revu son pays. Il est inhumé dans le Kurdistan iranien. En 1994, sa dépouille est transférée à Barzan, sa ville natale. Barzani est une figure marquante et inspirante pour des millions de Kurdes qui soutiennent son idéal de paix, liberté, démocratie et respect de la nature.

En 1988, sous Saddam Hussein, le coussin de celui-ci (Ali Hassan al-Majid) a mis en place le génocide de 1988 lors de la quatrième insurrection kurde (guerre Iran-Irak). Ce génocide a consisté en une série de 8 "anfal" dont l'attaque sur la ville d'Halabja gazée (plus de 180.000 morts, déportations massives, mise en place ce camps de concentration, exécutions sommaires). A l'époque, les Kurdes étaient soutenus par l'Iran et Saddam Hussein a "justifié" ce génocide de la manière suivante: "Les Barzanis ont étendu leur trahison à d'autres familles, ils sont impliqués dans ce crime et sont devenus des guides pour l'armée perse (l'Iran) et ont aidé à occuper l'Irak. Ils ont donc été sévèrement punis et sont allés en enfer." D'après notre guide, Barzani n'a jamais trahi les accords ; c'est au contraire Saddam Hussein qui s'est servi de la guerre Iran-Irak pour rompre les accords avec Barzani prétextant une collusion entre les Kurdes et les Iraniens.

Barzani a réussi à unifier les différents clans kurdes sous une même bannière : le mot "peshmerga" signifie "guerriers kurdes pour la liberté".

Masoud Barzani, son petit-fils, est devenu le premier Président de la Région du Kurdistan. Il fut élu par le Parlement du Kurdistan le 31 janvier 2005, puis réélu au suffrage universel en juillet 2009, avec près de 70% des voix.

L'actuel Président du Kurdistan est Nechirvan Barzani. C'est la plus haute autorité exécutive. Il est élu au suffrage universel direct tous les quatre ans et représente le peuple kurde aux niveaux régional, national et international.

S'il a obtenu l'autonomie pour le Kurdistan irakien (en 2003, suite à la chute de Saddam Hussein), Barzani a cependant échoué à la création d'un "grand Kurdistan" sans les frontières d'Iran, Iraq, Turquie et Syrie.

Il est à noter que le Kurdistan possède d'énormes réserves de pétrole (145 milliards de barils de réserve prouvées soit 96 ans de production au rythme actuel), mais aucune raffinerie (opposition de Bagdad).

Le musée de Barzan 

Les idéaux de Barzani sont évoqués dans une mosaïque géante réalisée par des femmes. Les 48000 pierres sont naturelles (pas de colorants).

De nombreux accords ont été signés pour la reconnaissance des droits des Kurdes. Aucun ne fut jamais respecté. Ceux qui ont le plus trahi furent les Britanniques. Une surprise ? Pas vraiment....

Les droits des femmes 
Le visage de Barzani 
Le respect de la nature et des différentes confessions

Un visagpe

Un regard

Votre visage empreint de détermination

Votre regard intense, profond, fervent,

Toute une vie dans ce seul regard...

Croiser le visage de Barzani transperce et ravit l'âme...

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Pas la peine de chercher un logement à Barzan: il n'y a rien ! Nous roulons jusqu'à Aqra. La fin de journée approche et nous empruntons les gorges, longeons le torrent ; enfin de la verdure et de la relative fraîcheur: la température diminue un peu : voilà qui est bienvenu ! La route est magnifique.

C'est en traversant les montagnes irakiennes que nous prenons réellement conscience de l'ampleur de l'orgueil des nations étrangères qui ont tenté d'y imposer leurs lois. Elles offrent de multiples grottes-refuges cachées et inaccessibles... Des missiles peuvent tuer mais détruire ou soumettre un peuple dans un tel contexte géologique est illusoire : seul le cynisme d'intérêts géopolitiques des "stratégies" aussi affligeantes.

Visiteur du soir

Aqra (ou Akre)

Nous arrivons à Aqra à la nuit tombée et fourbus de chaleur. Nous nous installons pour deux nuits au Laween hotel. Comme souvent, basique et abordable. Électricité aleatoire ! L'accueil y est très chaleureux. Un peu plus tard, nous mangeons au petit restaurant juste à côté ; il est très populaire car tenu par un Peshmerga. C'est aussi une halte prisée par les militaires.

Prix du bien trop copieux repas : 7€/2 personnes ! Le thé et l'eau sont toujours offerts. Le lendemain soir, le repas nous est offert par un Kurde Hollandais avec qui nous échangeons sur son pays...

Ce que tu reçois avant d'avoir commandé quoi que ce soit! !

Une promenade en ville

Le lendemain, nous prenons un taxi pour visiter la vieille ville sur un promontoire à environ 5 km.

Le bazar, l'antique mosquée, les hauteurs de la citadelle d'où on peut voir la vieille ville, inaccessible en voiture et à 30 minutes de marche, nous faisons l'impasse !

Nous ne voyons aucun touriste, ni de Bagdad ni d'ailleurs. C'est une plongée dans le quotidien des Kurdes : le tailleur, l'épicier, le boulanger, le marchand/fabriquant de cannes, l'homme se désaltérant à la fontaine, le marchand de tissus... Et si d'aventure nous nous arrêtons pour regarder, comprendre, un thé se matérialise aussitôt !

Le marchand de cannes ...
Terribles ces cannes "tordues" !
Merveilleux tissus châtoyants
Construit à même la roche 
Une boucherie comme tant d'autres  

La mosquée

Batie à flanc de montagne, la mosquée d'Aqra est vieille de 1424 ans ; c'est une des plus anciennes d'Irak. Son entrée se situe dans le bazar. Ses trois étages (un pour les hommes, un pour les femmes et un pour les étudiants), son minaret de 65 mètres de haut et sa coupole forment ses principales caractéristiques architecturales. A l'époque où il n'y avait pas d'écoles au sens où nous l'entendons, elle servait d'école et délivrait des diplômes reconnus. Actuellement, les sciences religieuses y sont toujours enseignées.

Une des plus anciennes mosquées d'Irak 

La vieille ville

Fondée au VIIème siècle, c'est une des plus anciennes villes au monde habitée sans interruption. Elle fut occupée par les Mèdes, les Romains et les Ottomans (jusqu'en 1918) Par près de 40°, nous n'avons pas grimpé les 400 marches qui y mènent ! Juste regardée depuis les remparts de la citadelle.

Au loin le drapeau kurde, peint sur la montagne

Pays de braises et de poussière

De douleurs et de légèreté

De sueur et de rires

De lumières et d'ombres

De rocs et de légendes

De guerres et de chants

De silences et de cris ...

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Publié le 2 juin 2025

Érigée sur l’emplacement de l'antique ville d’Arbeles, Erbil est la capitale de la région autonome du Kurdistan. Elle compte un million et demi d’habitants, population qui a doublé depuis les offensives de Daech en 2014.

Que s'est-il passé en 2014 ?

L'arrivée de Daech qui prend le contrôle de plusieurs barrages entraînant des inondations dans la région, la prise de Mossoul en juin et de la plaine de Ninive en août provoquent l'affluence de réfugiés à Erbil. La particularité de ces populations est qu'elles appartiennent pour la plupart aux minorités les plus fragiles (dont les chrétiens et les Yézidis).

Et avant ?

Erbil est une des plus anciennes villes du monde habitées sans interruption (au moins 6000 ans) : par les Sumériens il y a 4000 ans, puis par les Assyriens (entre 2000 et 608 BC), les Mèdes, les Perses, les Grecs (Alexandre le Grand), les Parthes...

Dans les années 1980, Erbil a en outre accueilli les réfugiés qui fuyaient le génocide et la campagne d'arabisation menés par Saddam Hussein.

Terre conquise et terre d'accueil, la ville semble garder des traces de tout et tous. Nous marchons dans les pas de ceux qui nous ont précédés. Dans ce voyage où les temps se mêlent, ne comptent ni la poussière ni la saleté ni la cacophonie des grosses voitures, ni la chaleur étouffante ni les trottoirs bien trop hauts (pas de landau ici) ou les chinoiseries proposées deci delà...

Ce qui compte, c'est ce qui nous emmène au-delà les de nos rêves les plus audacieux : il y a les oranges pressées, les étals de fruits et légumes, les savons artisanaux aux parfums envoûtants de contes des 1001 nuits, le blanc mousseux de l'aïran, les senteurs de kebabs épicés, de thé, de café torréfié, toutes les flagrances imaginables de chicha (un passe-temps national).

Le bazar 

Les charrettes tirées à bras d'hommes ou par de petites mobylettes pétaradantes ont remplacé les chameaux et les ânes de temps révolus. Les petits métiers ont changé de visage, pas les artisans. Les échoppes sont toujours aussi minuscules. Arpenter les rues et ruelles d'Erbil, c'est s'offrir un voyage au pays des contes qui ont bercé notre âme d'enfant.. Cest perdre le fil des jours et laisser tous les temps se superposer, se fondre.... Et c'est magique...

En rue ...

De forme ovoïde, la gigantesque citadelle d'Erbil surplombe la ville. Créée par les générations qui s'y sont succédé, perchée à environ 30 mètres de haut et occupant une superficie de 10 hectares, elle semble imprenable. Elle protège. Elle abritait de nombreuses habitations. Jusqu'en 2005, 490 familles y habitaient encore. Suite à l'effrittement des murs, ces familles ont été relogées dans le centre-ville. Actuellement en pleine restauration nous ne pouvons pas la visiter.

Nous profitons de ses murs protecteurs depuis la place à son pied : ambiance joviale et festive : des centaines de gens profitent de la relative fraîcheur de la nuit pour y traîner ou s'y retrouver. Dans ce fourmillement de couleurs et de voix nous nous retrouvons par instants au temps des commerces caravaniers. Ce n'est que notre imagination et c'est pourtant bien réel. Il y a là un bar à chichas qui propose de bien jolis cocktails sans alcool et offre une vue panoramique. L'ambiance y est feutrée, les lampes multicolores et les tapis tout doux nous plongent à nouveau dans Aladin. Il ne manque que la lampe merveilleuse. Quoique...


Terrible coupe de cheveux !
Welcome au royaume de Shéhérazade

La mosquée Jalil Khayat

Construite entre 2005 et 2007, c'est une mosquée sunnite et la plus grande d'Erbil.

En chiffres : la hauteur du dôme principal est de 48 mètres et le diamètre est de 20 mètres. Quatre demi-dômes et douze quarts de dômes l'entourent. La mosquée fait 15 000 mètres carrés et peut accueillir de 1 500 à 2 000 personnes. Bref, elle est très impressionnante. Par chance, nous nous y rendons à la fin de la prière et quand tous les hommes sont sortis, je suis autorisée à y entrer. L'intérieur, à la propreté étincelante, est très soigné.

Le quartier des deux roues

Il y a à Erbil, un garage KTM. Michel étant toujours à la recherche d'un pneu avant, nous décidons d'y aller. Direction : "Dream City". Pas de bol ! Il y a bien encore une pancarte et un lounge bar. Et c'est tout ! Contacts, renseignements, gros coup de main et petits coups de fil... KTM a déménagé il y a un mois ! Internet n'est pas informé ! Retour dans le centre-ville. Le vendeur est super gentil et passe une série de coups de téléphone. Nous avons d'autant plus le temps que nous prévoyons un aller-retour à Mossoul mais les pneus n'arriveront jamais !

En attendant nous faisons le tour de l'énorme quartier des deux-roues ! Ici, tu arrives, tu trouves, tu paies, tu pars. Pas de plaque, pas d'assurance, pas forcément de permis, pas de TVA, pas de contrôle technique... Tout est parfaitement légal : cela n'existe tout simplement pas ! A contrario, pour tout un chacun, il est impossible de circuler sans pièce d'identité : la police de la route, la police civile et les Peshmerga contrôlent. Dans cet apparent désordre administratif, il y a une exigence de règles minimales incontournables.

Erbil, la moderne

Je ne montre d'Erbil que la face que nous aimons. Erbil est aussi une mégalopole remplie de buildings. Il y a à la périphérie des projets immobiliers en cours de réalisation dont "Dream City" : des milliers d'hectares, des centaines de maisons et appartements de luxe, des espaces verts, des plaines de jeux, de larges avenues... On peut trouver pas mal d'informations sur le net. Nous n'y sommes pas allés.

Ceci n'est pas Dream City.  

Voyageur du monde

tu ouvres les yeux,

À la splendeur,

à la mémoire des pierres et des cœurs.

De voyageur dans l'espace

tu deviens voyageur dans le temps

L'échappée est belle

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Un brin de contexte

En arabe, "Mossoul" (al-mawsil) signifie "point de liaison". Au cours de son histoire, vieille de milliers d'années, Mossoul a toujours été un point de rencontre entre le nord et le sud, l'est et l'ouest faisant d'elle un vivier de diversités ethniques, culturelles et religieuses. La ville reflétait cette diversité.

C'est pour cette raison que Daech s'en est emparé en juin 2014 pour en faire sa capitale.

Jadis Mossoul était un labyrinthe de ruelles et impasses. Les bâtiments étaient un mélange d'architecture et d'art islamique et chrétien. Elle abritait nombres de bibliothèques, librairies, cafés, repaires d'artistes et musées. Avec l'arrivée de l'état islamique, les cafés, librairies et musées furent fermés, les artistes poursuivis, le patrimoine culturel détruit ou pillé. Les minorités religieuses eurent pour choix de se convertir ou mourir. De nombreux quartiers furent dynamités et réduits à l'état de ruines. La bataille de Mossoul, entre octobre 2016 et juillet 2017 avait pour objectif de chasser l'état islamique alors que plus d'un million de personnes y vivaient encore. Ils furent utilisés comme boucliers humains par les djihadistes. Dans cette guérilla urbaine (tireurs d'élite de l'EI embusqués dans des maisons civiles, maisons piegées, dédale de tunnels souterrains permettant les passages de cave en cave alors même qu'en surface regorge un nombre incroyable de venelles tellement étroites qu'il est à peine possible de s'y croiser), les forces gouvernementales et la coalition internationale échouèrent à protéger la population. Le nombre de morts reste inconnu à ce jour. Actuellement on en est à 209 charniers officiellement découverts et des milliers de corps dans chacun.

La route vers Mossoul

Nous prenons un taxi depuis Erbil à 80 km. (pour info : ces taxis se prennent au "garage", parfois aussi appelé "terminal").

La route est cahoteuse, parfois refaite parfois trouée. Le paysage devient de plus en plus désertique. Les plantations de blé et d'orge ont bien du mal à survivre. Il y a un premier checkpoint à la sortie du Kurdistan et un deuxième à une trentaine de kilomètres de Mossoul, tenu par l'armée irakienne. Quelques uns des premiers bâtiments que nous voyons portent les stigmates de combat ; d'autres ont été refaits. De nombreuses affiches à la gloire de héros attirent l'œil. Malheureusement nous ne savons pas de qui il s'agit. Nous ne sommes plus au Kurdistan mais en Irak fédéral et nos cartes SIM ne fonctionnent plus. Impossible de communiquer sans Wi-Fi. Donc pas de Google translate !

La porte de Mossoul, où le taxi nous débarque
Paysages désertiques entre Erbil et Mossoul 

Le marché aux poissons

En arrivant à Mossoul, c'est le premier endroit où nous déambulons. Bruissant des appels racoleurs des nombreux marchands, des interpellations curieuses de tous, des invitations, la vie est ici à l'image de la ville: elle frétille comme les poissons dans leurs aquariums ; les vendeurs se filment en "life" sur Instagram dans leurs échoppes bringueballantes à moitié en.ruines comme les poissons sur le grill.

La vieille ville

L'ambiance est bien différente du côté de la vieille ville (juste derrière le marché aux poissons) détruite à plus de 80 % pendant la bataille. C’est dans cette zone qu’ont eu lieu les derniers affrontements entre les forces armées irakiennes, kurdes et des milices chiites appuyées dans les airs par la coalition internationale contre les derniers djihadistes retranchés dans la ville.

Ici, la mort règne encore. Le processus de déminage n'est pas terminé. Des corps sont toujours extirpés. Une affiche indique les zones à éviter car dangereuses, une poupée démembrée gît sur un tas de gravats, deci delà une chaussure, un morceau de vêtement émergent d'un tas de gravats, figeant l'Histoire. Le tout n'est que ruines et désolation ; les traces de combat sont omniprésentes, aucune maison n'est habitable.

Venelle
Entrée d'un tunnel souterrain
Venelle éboulée

Espoirs

Dans ce décor martyrisé, comme des lueurs : une maman et ses deux enfants, quelques commerces, une maison, vieille de 200 ans et habitée après avoir été rebâtie des mains de son propriétaire...

Dans cette dévastation, jaillissent les traces d'un passé prospère, artiste, florissant, débusquable sur les façades, les portes, les intérieurs... Passé blessé, présent encore ...

La vie

A déserté

Telle une colombe aux ailes brisées

Dans les cris, les douleurs,

Les répressions, les peurs

L'absurde des bombes

Le bruit des rafales

L'errance.

Il y avait ici

Une famille, une petite fille surtout,

Qui babillait ...

C'était avant...

Dans les rues de Mossoul

Après un petit thé bien brûlant, histoire de nous rafraîchir, nous marchons un peu dans les rues et rencontrons Ahmad, chauffeur de taxi. Il nous conduit un peu partout, nous raconte la guerre qu'il a connue adolescent, nous montre des endroits que nous n'aurions jamais trouvés sans lui et nous raconte la faim, la peur, les 50 coups de fouet sur son dos d'adolescent et l'emprisonnement pour avoir été pris à fumer une cigarette ! Entre les innombrables façades percées d'éclats de balles, nous avons vu les cratères à la place des églises et des mosquées, le trou béant laissé par la dynamite là où furent emprisonnés les djihadistes après leur défaite.

Stigmates de la guerre sur presque toutes les façades
Derrière les barbelés, il y avait la prison des Djihadistes.
Ici furent enfermés et torturés dinnombrables hommes, femmes et enfants 

Que reste-t-il de vos vies ?

De vos amours ?

De vos labeurs ?

De vos rires et de vos pleurs ?

Quelques murs branlants

Un jardin à l'abandon

Un haut-relief qui s'accroche...

Votre présence

Envers et contre l'absurdité de quelques hommes...

Résilience 

La résilience

Il est difficile d'évaluer précisément le pourcentage de reconstruction de Mossoul. C'est très peu même si les efforts sont visibles. Les communautés locales, les Émirats Arabes Unis, l'Unesco et quelques autres organisations mènent des projets que notre taximan est fier de nous montrer : restauration de la Grande Mosquée al-Nouri, la reconstruction de maisons historiques et la rénovation d'infrastructures scolaires, création d'emplois locaux, formation d'enseignants. Le défi est de taille.

Après ce tour, nous emmenons notre guide dans un restaurant où le repas est un vrai régal. Petite ombre au tableau : quand il nous ramène au terminal où reprendre un taxi pour Erbil, il nous demande un prix exorbitant et compte le temps passé au restaurant ! Nous aurions dû être plus vigilants. Le taxi pour rentrer nous arnaque aussi : "vous n'êtes plus au Kurdistan mais en Irak fédéral !" La mentalité arabe est radicalement différente de la mentalité kurde... Nous nous acquittons avec un petit goût amer mais au final contents d'avoir tant vu et tant appris.

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Chez Hamzar

Entre deux mondes

Publié le 4 juin 2025

Nous roulons vers Ranya avec la ferme intention d'arriver au lac Dukan... La route serait assez jolie si ce n'étaient les innombrables camions surchargés qui ont justement choisi notre route ! En fait, ils acheminent les matériaux nécessaires à la construction d'un barrage. La chaleur fait fondre le bitume qui sous le poids de ces camions se creuse de profondes ornières. L'attention est de mise.

Nous arrivons à Ranya après bon nombre de détours vu que nous sommes toujours sans GPS et que toutes les applications ont pour seule constante de nous lâcher aux moments les plus inattendus, souvent les plus cruciaux aussi ! Il y a marché : les rues et trottoirs grouillent d'un monde hyper- désordonné ! Quant à trouver un hébergement, c'est peine perdue. A ce moment précis, la maréchaussée locale intervient, nous trouve un conducteur bien sympathique qui nous guide jusqu'au seul hôtel du coin. A 3 ou 4 kilomètres qui m'en paraissent 25. Au bas mot !

Quand nous arrivons, Michel est légèrement réticent. Coup d'œil à Google Maps qui l'arrêt nous renseigne à peu près. Le lac Dukan est à 35 minutes ! En route ! Sauf que Google Maps, Mapsme, Organic Maps et Waze perdent le nord ! Nous demandons notre chemin ; les avis varient entre 1:30 et 2 heures de route. Décision immédiate : retour à l'hôtel !

C'est ainsi que nous sommes arrivés chez Awar.

D'abord, il n'y avait pas de chambre ; devant notre désarroi, ils décident de réparer l'air conditionné et de nous héberger. Pendant ce temps, nous sommes abreuvés d'eau et de thé et nourris de pastèque et de raisins secs. Comme le petit-déjeuner n'est pas prévu et qu'il n'y a pas de restaurant à proximité, ils nous offrent de partager leurs repas. C'est ainsi que nous nous sommes installés entre deux mondes...

Soirée dans la vague lumière procurée par le générateur du voisin, l'électricité ayant rendu l'âme ! 

De Ranya, je n'ai rien à te dire, ami lecteur. Je vais donc te parler de Awar.

Awar est Kurde iranienne. Elle se définit comme "démocrate" et fut de tous les combats pour la liberté, notamment lors du mouvement "Femmes, vie, liberté" en 2022. L'unique poster qui décore notre chambre parle bien d'elle. Elle me montre les photos d'elle et son plus jeune fils blessé à l'œil durant les manifestations. Elle me parle de son autre fils qui vit à Londres depuis plus d'un an. Elle raconte son espoir de pouvoir envoyer le cadet en Europe pour qu'il ait une vie meilleure...

Elle et son mari, enseignant retraité, ont fui au Kurdistan irakien lors des manifestations de 2022. Comme c'était la guerre, ils ont été acceptés et seul le mari a un passeport. Le fils est resté en Iran pour continuer ses études. Ce qui n'a pas été possible. Il a un passeport iranien et est donc en visite légalement. Durée du visa (comme pour nous) : 30 jours. Dans trois jours, il s'en retournera en Iran...

Leur rêve à tous, c'est l'Europe, qu'ils perçoivent comme une terre de liberté. Awar me montre des photos de Kurdes assassinés. Nous réévaluons nos définitions ... même si je ne suis pas convaincue que l'Europe soit vraiment une terre d'avenir...

Nous tentons de les mettre en garde sur les écueils d'un tel voyage dont le coût s'élève à 15.000 $, une vraie fortune, bien plus pour eux que pour nous. La nuit dans leur petit hôtel déglingué nous coûte moins de 10 $ chacun !

Comment informer sans briser l'espoir ?

Et pourtant Awar n'est pas désespérée : cette femme, habitée par une profonde joie de vivre, rit d'un rire franc à tout bout de champ ! Elle fredonne aussi... Elle peint et photographie la beauté de la nature et de son Iran perdu. Elle sait qu'elle ne peut y retourner...

Petite séance photos : elle va vite enfiler de jolis vêtements kurdes...

Elle dessine des rêves

Et des espoirs

Elle rit d'ouvrir ses ailes

Elle chante

Dans un souffle elle laisse s'envoler les mots

Son nom est Awar

Jeu de dames 1
Jeu de dames 2
View from our one-night window 

Le lac Dukan : un après-midi avec les pêcheurs

Une fois de plus, nous avons la chance de voir de magnifiques paysages : montagnes et déserts se mêlent dans des dégradés d'ocres et de jaunes sur fond de ciel tout bleu. Ça et là de petits arbres vert foncé s'accrochent à la terre autant qu'ils s'accrochent à la vie.

Nous avons descende vers le lac et empruntons une petite piste sur 5 à 7 kilomètres. Nous arrivons au "cabanon des pêcheurs avec une jolie pelouse bordée de fleurs".

Ce n'est en aucun cas un hébergement mais il nous invitent à entrer au frais et nous accueillent avec sourires, thé brûlant et eau fraîche. L'un d'entre eux téléphone même en Suisse à un ami francophone pour faciliter les échanges !

Ils proposent de nous emmener faire un tour sur le lac et de nous montrer leur métier. Nous acceptons avec joie, heureux de l'aubaine ! Nous allons en voiture jusqu'au bord du lac.

L'endroit est merveilleux. Une beauté époustouflante, un calme absolu... Nous ne savons où poser notre regard...

À l'horizon azuré

L'or du désert bleu

Dans un écrin de roches

Une caresse du vent

Fusion...

Panne, retour et nous prenons la petite barque 

Un souffle

L'eau ondule

La vague est légère

L'instant se suspend

A la rencontre ...

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Hôtel Ashur - Topzawa

Le temps d'une pause

Publié le 6 juin 2025

L'heure est encore chaude quand nous quittons les pêcheurs et il souffle un vent tiède. Nous nous dirigeons vers Souleymanye. La route est une des plus belles que sommes en Irak. Le soleil baisse nous aveuglant impitoyablement par instants. Nous ne sommes que des grains de poussière dans une immensité de lumière.

Nous sommes à une heure de route de Souleymanye. Le bleu du ciel se colore d'orange pâle. Envie d'encore un peu de nature, de montagne, de ce lac...Nous sommes dans le petit village de Tipzawa. Il y a ici un hôtel avec vue sur le lac. Nous y allons. C'est bien trop luxueux. Nous nous y arrêtons quand même. Une pause inattendue et parfaitement incongrue en Irak où il est compliqué de trouver un hébergement. Nous n'en avons vu aucun de ce standing et encore moins "au milieu de nulle part".

Nous ne sommes pas au bout de nos surprises!

Alphabet sumérien

L'étrange hôtel Ashur

Notre première surprise est la barrière flanquée d'un garde armé d'un fusil mitrailleur à l'entrée du long chemin bétonné qui mène à la réception. Le garde téléphone pour obtenir l'autorisation de nous laisser entrer avant de lever la barrière ! Nous longeons des bâtiments et pavillons à l'abandon, des jardins tout secs et ... une piste d'atterrissage pour hélicoptères ! Notre deuxième surprise est de devoir passer nos sacs et nous-mêmes au scanner ! Les prix sont affichés en $ et le paiement par carte ne pose aucun problème ! Alors que nous payons même nos pleins en cash !

Notre troisième surprise est de découvrir une grande piscine : c'est agréable mais nous sommes quand même dans un endroit bien sec, en tout cas l'été.

Plus tard, nous avons envie de faire un petit tour près du lac : l'immense propriété est complètement entourée de fils barbelés et nous apercevons un garde armé avec gilet pare-balles ! C'est notre quatrième surprise !

En discutant avec le gérant - au demeurant très prévenant, limite obséquieux - nous apprenons qu'il est syrien et arabe. Comment il est arrivé ici, reste un mystère ! A la question "Pourquoi tant de mesures sécuritaires ?", nous obtenons pour seule réponse qu'une grande importance est accordée au bien-être et à la tranquillité des "hôtes". Étrange réponse dans ce pays où à aucun moment nous ne nous sommes sentis menacés par quoi que ce soit... Toujours est-il que nous avons aperçu une voiture blindée sur le parking, un poste militaire juste avant d'arriver, près du lac, une tour avec un nombre incroyable de caméras...

Fils barbelés et caméras
View from my one-night window 

Quoiqu'il en soit, nous décidons de nous comporter en nababs très importants et de rester un peu : cela nous permettra de vider les dossiers photos des téléphones et du pc sur un disque dur (avant le passage de frontière vers l'Iran) et de voir s'il est envisageable de trouver un pneu avant pour Michel (affaire en cours depuis la Macédoine du Nord). De plus nous avons le temps : nous avons complètement perdu de vue le long week-end lié à la fête de l'Aïd qui entraîne la fermeture des frontières (impossible de passer avant le 7 juin).

Dukan

A une vingtaine de minutes à moto, se situe la petite ville de Dukan. Nous explorons. Banale, elle ne vaut pas le coup. Nombreuses terrasses, petites échoppes qui vendent de tout et toujours cer accueil kurde. Nous y passons un moment agréable. Ici, nous ne sommes plus nababs mais simples voyageurs.

La ville s'épanche

Paresseuse

Les voitures en flot

Échoppes vétustes

Terrasses ombragées

On y boit que du thé

Passants tout sourires en foule

Amples tenues

Enfants au jeu

Il règne une sorte d'hédonisme nonchalant

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Bazar de Souleymanye

Juste avant l'Iran

Publié le 7 juin 2025

Cette fois, c'est vraiment parti pour Souleymanye ! Il y a une voie rapide et l'ancienne route qui passe pat les montagnes et que nous choisissons. A peine plus longue en kilomètres, elle est plus longue en temps vu son état et le nombre de troupeaux qui y ont élu domicile ! La chaleur devient plus facile à supporter. Une fois de plus, les paysages nous enchantent...

Nous traversons des villages figés quelque part dans un passé lointain et croisons peu de véhicules.

A un moment, nous nous arrêtons pour nous rafraîchir sur les marches de la petite épicerie du coin. Tout est silence quand tout à coup débarque le "Bikers' club" de la banlieue du hameau du coin : quelques petites motos chinoises pétaradant à tue-tête se parquent en face, nous observent un tantinet hésitent à peine avant de se garer à côté de nous. Sourires et séance photos avec la "bande à Gérard Lambert" ; nous nous amusons bien mais échangeons peu : seul un de ces jeunes sait lire. Google translate est inefficace !

Souleymanye

Nous arrivons début d'après-midi à Souleymanye. Cool... on va pouvoir visiter un musée qui nous intéresse avant la fermeture pour l'Aïd. Et bien non ! Nous commençons par découvrir toutes les subtilités de la ville, de ses grosses artères et petites rues en cherchant un hôtel situé en plein centre et repéré sur Booking. Peine perdue ! Comme d'habitude, toutes nos applications GPS se - et nous - perdent ! De guerre lasse, nous avisons le quartier dédié aux touristes. Aidés par un Kurde rencontré dans la rue, nous en choisissons un avec pour critères : abordable et garage ! Au moment de payer (Dieu merci, avant de s'installer et non en partant comme chez nous) , voilà que le prix augmente drastiquement ! Notre ami kurde est parti.

Je négocie calmement et nous parvenons à un accord. Flûte, nous n'avons pas assez de cash. Bien. En pantalon et bottes moto, je vais jusqu'à l'énorme centre commercial où me dit d'aller le gars de l'hôtel et où je me perds entre les étages bloqués, le lunaparc, le bar lounge et la grande surface géante. Sans trouver l'ATM ! Quand enfin, je me fais guider à l'endroit adéquat, c'est la sortie que je ne trouve plus ! Bilan : 45 minutes, les pieds en compote et le reste du corps en nage! Ce fut une bien désagréable promenade de sudation dans le cadre d'une thérapie anti-cellulite ! Au retour, v'là que le gars ne veut plus de mes dinars : il veut des dollars ! Il y a une banque par là, je pourrai changer mes dinars en Iran et blablabla.... Ils sont maintenant cinq autour de moi ! Bref ces types m'énervent au plus haut point, je perds mon calme légendaire, rappelle notre accord, la tentative de me racketter etc. C'est non à tout. Et encore, je tais une partie des choses que je pense. Je crois qu'ils ont compris. Michel se marre en silence sous prétexte qu'il ne parle pas anglais ! Toujours est-il que mes dinars sont acceptés, que le prix annoncé est à nouveau de mise et que je suis autorisée à fumer une cigarette réparatrice dans le hall ! Par la suite, tout le personnel fera preuve de beaucoup de prévenance ! Pour info : tous ces hommes parlent arabe et non sorani. Je ne voudrais pas tirer de conclusion hâtive ou généraliste. Ceci est factuel ! Comportement bien différent de la probité des Kurdes...

Idem en ce qui concerne le thé : je suis invitée à boire hors de l'espace "réservé aux hommes" (là où il y a de jolis napperons sur les tables) et qui me coûte quatre fois le prix payé en ville ! Décidément, cet hôtel n'est pas au Kurdistan où l'égalité hommes - femmes est partout !

Un petit tour en ville

La nuit tombe quand nous nous dirigeons vers le centre-ville, grouillant de monde, de loupiotes, de victuailles, de bruit, de crasse aussi ... Nous nous baladons en grignotant des noix de cajou et mes mûres séchées...

De Souleymanye, deuxième ville du Kurdistan après Erbil, nous ne voyons pas grand chose. Quant à comprendre., c'est peine peine perdue quand tu restes si peu. Je vous livre donc quelques observations en vrac : c'est une ville bien plus moderne qu'Erbil. La modernité est au sein-même de la ville : gratte-ciels hauts en couleurs, larges avenues, magasins et produits inattendus (j'ai trouvé du dentifrice bio sans fluor!), grandes surfaces ultra-modernes côtoient ce qu'il y a de plus traditionnel en matière de bazars.

Il y a visiblement une (petite ?) communauté africaine et une indienne (pour nous des Sikhs, reconnaissables à leur couvre-chef) à côté des communautés kurde et arabe. Nous avons cru déceler une hiérarchie mais cela est à vérifier et surtout approfondir. Nous n'avons vu cela nulle part ailleurs. Ce qui est sûr, c'est que l'ambiance de la ville est très différente. Pour moi, difficile. Sans doute l'heure est-elle venue de partir ...

Du Kurdistan nous emportons les sourires et toute la chaleur d'un peuple à la fois fier, amoureux de sa terre et résistant, bienveillant et très résilient, des images d'une nature rude, impitoyable, protectrice de son peuple et souvent inviolée, les larmes et la tristesse d'une ville détruire par la folie de quelques uns. Et surtout une formidable envie d'y revenir, d'aller voir d'un peu plus près, de découvrir les lieux mythiques de l'Irak fédéral...

Un départ

Comme une promesse de revenir

Qu'on se fait à soi-même

Une promesse aussi

De mémoire

D'aller au-delà de l'effleurerement...

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Petit gite sympa... Hotel Zhast

Tournicoti, tournicota....

Publié le 10 juin 2025

Un centaine de kilomètres nous séparent de la frontière soit un peu plus d'une heure de route, augmentée du temps d'un arrêt pour mouiller nos buffs tout secs. Et des immanquable photos qui vont avec. Et des hésitations à chaque croisement !

Visiteur inattendu matin

Nous ne nous attendions pas à ce que le passage de frontière soit une partie de plaisir mais quand même...

Côté Irakien : il y avait un nombre incroyable de guichets. Nous passons le premier sans souci. Au second, il y avait une file énorme. Un homme nous indique l'entrée des VIP. Une manière efficace de couper la file. Sans aucun scrupule ! Cacheton : "finsihed go to Iran". Sauf qu'au guichet suivant, il nous manque un cachet ! Retour au point de départ : "what are you doing here?" On explique. Ah ? C'est par là ! Cachet. Il en manque encore ! Retour. C'est par là. Et rebelote ! Personne n'était malveillant, c'est juste que ce cachet avait sans doute quelque chose d'existentiel ! Bref, après cinq heures de va-et-vient, nous passons la grille ! Je porte un foulard à la place du casque. Les Irakiens m'ont conseillé de le faire. Nous ne sommes pas en Iran !

Côté Iranien : 15 gars autour de moi, curieux de voir cette échevelée affublée d'un foulard sur la tête ! Les questions habituelles : " Vous venez d'où ? Vous allez où ? C'est quoi ces chameaux ? Vous transportez quoi (ouf ! Nous n'avons rien dû ouvrir, ce qui est toujoursune plaie) ? Comme le sol est bien inégal, j'ai sorti mon petit bloc : regards perplexes "Oh, très malin ! " Ensuite, c'est le tour du carnet de passage. Tout cela prend un temps infini... Nous attendons sagement assis à siroter de l'eau et à grignoter des mûres séchées et des noix de cajou. Important d'avoir ce genre d'en cas aux passages de frontières.

Marivan

Marivan est à une bonne vingtaine de kilomètres de la frontière. Vu le temps passé à changer de pays, c'est une bonne chose. Nous sommes arrivés relativement tard à l'hôtel, à côté du lac, que nous avait réservé Aram vu que les gnomes farceurs se sont définitivement installés dans le GPS. Avec un grand besoin d'une douche. Je ne connais pas d'endroit plus poussiéreux que ces frontières remplies de camions puants qui ne se rendent pas compte du supplice qu'ils nous infligent à chaque démarrage. Il faisait bien sombre quand je suis allée faire un tour du côté du lac...

Nous avions projeté de partir relativement tôt pour entamer notre tour d'Iran.

Caramba ! La carte SIM que nous a envoyée Aram ne fonctionne pas. Vérification des paramètres, du VPN et tutti quanti. Peine perdue ! Nous avons passé un temps bête a échanger avec Aram pour tenter de résoudre le problème, circulé à pied et à moto dans toutes les rues de Marivan à la recherche d'une solution auprès d'un autre opérateur. Personne n'arrive à quoi que ce soit malgré toutes les propositions d'aide jusqu'à ce que je rentre dans une xème échoppe : le gars attrape mon téléphone, exécute une série de manœuvres à une vitesse vvprim er m'installe un autre VPN. Visiblement Nord VPN (version payante est bien censuré en Iran malgré tout ce qu'on en dit chez nous !) Miracle ! Ça fonctionne. Il est 15:30 ! Un peu tard pour se mettre en route même si au cours de nos pérégrinations nous avons changé de l'argent. Et remarqué que nous avons tout oublié du système monétaire iranien. A nouveau aidés par un couple charmant (et qui nous a offert beaucoup de temps en plus de fraises, d'eau et de biscuits), nous trouvons un petit hôtel bien sympathique, quoiqu'un peu spartiate, fort peu onéreux (10 $/nuit/2 personnes petit-déjeuner compris) à la sortie de la ville. Nous n'avions pas prévu de visiter Marivan. Changement de plan... Merci les fées : la ville vaut le détour...

Un gros coup de main!
Le gîte : une très bonne adresse
Parking ombragé : c'est précieux...
Merci Google, une fois n'est pas coutume

Marivan

Le soir nous entreprenons de découvrir la ville par son plus joli côté : le long du lac.

Le lac Zarivar se situe à une altitude de 1250 mètres ; sa profondeur varie de 2 à 6 mètres suivant les saisons. Réserve naturelle, il abrite une flore variée (roseaux, lotus, nénuphars, blé, menthe...) et une faune (poissons, oiseaux et mammifères qui nichent dans les roseaux) variées.

Niché dans son écrin de roseaux et de pierres

Le lac chante et jacasse

Depuis la nuit des temps

L'âme en joie

Une longue allée mi-pavée mi-piste poussiéreuse nous emmène vers tous les lieux de rencontre et de loisirs des Iraniens : boutiques de foulards colorés, breloques et de bijoux, fabriques artisanales de pain à manger sur place, échoppes à thé .... Il.y a un petit parc aménagé en espèces de petits "salons privatifs" : ici viennent manger des familles ; certains ont planté un tente pour la nuit, d'autres dorment à la belle étoile... Partout, les enfants s'en donnent à cœur joie sur toutes sortes de véhicules et s'ils sont trop jeunes, ce sont les parents qui téléguident, ravis !

Nous arrivons sur une place où sont rassemblés les restaurants qui servent tous du poisson grillé. Marivan est renommée pour ses "fish kebabs". Le poisson du lac est un régal !

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Publié le 11 juin 2025

Il y a trois ans, nous avions logé dans un gîte, en pleine montagne, que nous avions adoré. Nous y étions arrivés bien tard et j'étais tellement fatiguée que que je n'avais fait qu'une ou deux photos, de piètre qualité. Il n'y avait pas eu de temps pour la rencontre. Que des bonnes raisons d'y retourner ! La route aussi !

Nous faisons un crochet par Ooraman que nous n'avons pas encore vue.

C'est une petite ville construite à flanc de rocher, comme il en existe pas mal en Iran. Le toit des unes forme la terrasse de celles du dessus. Il semble qu'elle soit en pleine évolution : nous voyons de nouveaux bâtiments, (construits sur le même principe mais de structures en poutrelles métalliques servant de supports à des plates-formes en béton, le tout accroché aux parois rocheuses) côtoyer les anciennes habitations de pierres. Quand nous y sommes, il ne s'y passe absolument rien et les seuls commerces que nous voyons sont d'artisanat pour touristes. Nous en avons vu de bien plus jolies, authentiques et vivantes ... A Sar Aga Seyed par exemple, qui n'est accessible que par une piste...

Naijar

Direction Paveh, par là montagne, bien sûr ! A l'entrée de la route, nous sommes arrêtés à un checkpoint : il y en a beaucoup ; nous sommes au Kurdistan et proches de l'Irak. Contrôle de routine : notre passage est l'occasion d'un échange jovial avec les militaires. Je cache mes cheveux : "il y a des caméras", me disent-ils en souriant...

Immobiles, les paysages défilent... Et pourtant chaque sommet lointain, chaque courbe de la route, chaque canyon, chaque faille parlent de fractures, d'érosion, de surgissements, d'éruptions... A certains moments, il me semble même déceler des arbres pétrifiés. La roche et le bois mariees dans une geologie de géants. Mais peut-être n'est-ce que mon imagination vagabonde... Le paysage immobile contient et raconte la mémoire du temps qui passe et, Imperceptiblement, change tout à chaque instant sans que nous en ayons la moindre conscience. L'immobilité de la roche n'est qu"llusion ...

2500 mètres tout de même !

Nous retrouvons notre gîte avec bonheur : il est tôt : atteint d'une crise de tourista, Michel s'effondre, foudroyé pendant que je m'offre une promenade dans le village : maisons de terre, construites en terrasses, quelques arbres et des vignes pour leur ombre, des fleurs pour leur sourire et l'un ou l'autre chien en quête de caresses...

Tout est silence. Et dans ce silence, quelque part un chien aboie, un autre lui répond. Une vache promène sa cloche. Le vent murmure dans les branches d'arbres épars. Le muezzin appelle à la prière. Des voix chuchotent. Puis, sans crier gare, le village entier retourne au silence. Ce village vaut bien les deux dernières épingles traîtresses et caillouteuses pour y arriver...

Najar 
En quête de caresses...
Notre hôte 

Imperceptiblement

La nuit s'est immiscée

Dans les jardins

Sur le chemin

Diluant le jour et les hommes

Puis, tout aussi subrepticement

La lune s'est levée

Déguisant la montagne

En ombres venues de Chine....

Et c'était justement un soir de pleine 

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Publié le 26 juin 2025

Sur la route vers Kermanshah, un plein s'impose. Ils ne prennent que les cartes bancaires. Les nôtres ne fonctionnent pas ici. Pas de souci : l'automobiliste d'à côté nous prête sa carte et nous le remboursons en cash. C'est l'occasion d'un échange et de photos... Enfant et papa ravis !

Un peu plus loin, par l'odeur du café alléchés nous nous arrêtons. Avec l'expresso délicieux, je reçois ce que j'appellerai une "liqueur islamique" : c'est jaune, ça a un petit goût de safran, c'est très sucré et gexcellent ! Un homme m'aborde dans un anglais parfait très British ! Il enseigne l'anglais et est vêtu d'un costume kurde très chic : il m'explique que son vêtement est formel et c'est ce qu'il porte pour ses élèves ! Nous discutons longuement de spiritualité, de la place de l'Homme et de la nature dans l'univers, du langage universel appelé "sourire" ... Je lui raconte quelques anecdotes de voyage. Il y a quelque chose de privilégié dans cette conversation : nous parlons d'âme à âme et avons chacun les mots pour le faire dans une langue qui n'est maternelle pour aucun ...

Nous ne partons pas sans passer par la case "cadeaux" (les cafés) et la case "photos".

La minute culturelle : architecture iranienne

Depuis le paragraphe précédent plus de deux semaines ont passé.

De L'architecture, de Kermanshah, de Iliam, de ce que nous avons vu et vécu de cette guerre, de notre assignation à résidence, de la violence des interrogatoires très "particuliers"(par le CGRI - Service de Renseignements du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique), de notre expulsion, de notre passage de frontière, de notre rocambolesque traversée de l'Irak en moins de sept jours par des températures avoisinant les 45°, de toute la bienveillance et l'aide qui nous ont été offertes, de notre épuisement physique et psychologique, de notre chance aussi, je ne peux pas encore parler et ne monterai pas de photos (je n'en ai pas). Ce sera pour plus tard. Le plus objectivement possible et avec une pensée quotidienne pour ceux et celles qui n'ont pas encore eu la chance de faire entendre leurs voix aussi innocentes que les nôtres.

Nous sommes depuis deux ou trois jours à Cizre, en Turquie. Enfin en sécurité et sans contrainte de temps. Nos corps et nos cœurs nous font mal et récupèrent petit à petit. Nous allons reprendre la route, dans un premier temps vers la Géorgie. Après, nous verrons... Et je vais reprendre le fil de ce carnet.

Tant de lumière après tant d'ombre... Merci à ceux et celles qui ont offert leur soutien d'une manière ou d'une autre...

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Publié le 27 juin 2025

Après notre passage de frontière (environ 5 heures, ce qui est acceptable), nous avons roulé les quelques 60 km qui nous séparaient de Cizre et avons atterri dans un très bel hôtel. Accueil encore : la fille du boss s'est prise d'amitié pour nous, nous offrant une suite pour le même prix! Nous sommes restés 3 jours à ne rien faire si ce n'est dormir et manger. Contrairement à nos envies habituelles, nous n'avons rien visité, juste fait une promenade dans l'immense jardin privé de notre hôtesse, Sonè. Rempli de fleurs, d'arbres fruitiers pour la plupart, de légumes et de poules, nous avons maraudé, papoté de tout et de rien, admiré les poivrons et piments séchant au puissant soleil kurde,

Nous nous sommes approchés à petits pas de la vie insouciante à nouveau malgré les larmes qui par instants s'invitaient au bord des yeux, les cauchemars qui tentaient une incursion dans nos nuits...

Ce jardin jouxte littéralement la Syrie et on voit l'Irak au loin. Il est alimenté par une source et plus bas coule le Tigre. Un vrai coin de Paradis... Ici, "le merveilleux jaillit sans s'annoncer" (Sylvain Tesson).

Dans ce voyage dévoyé (sorti de la voie), nous empruntons plus que les chemins de traverse que nous aimons tant, nous louvoyons sur des chemins rocailleux entre l'humain le plus sombre, jamais entrevu "avant" et l'humanité la plus lumineuse, qu'on avait cru savoir...


AU loin, la Syrie à gauche et l'Irak à droite
Un étang rempli de poissons

NB. Quel qu'ait été notre parcours, nous refusons de jeter l'opprobre sur des pays ou des peuples car partout nous avons rencontré (la vraie rencontre, d'âme à âme qui se reconnaissent) des personnes merveilleuses. Et c'était la majorité...

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Publié le 3 juillet 2025

Le plus grand lac de Turquie et le deuxième plus grand du Moyen-Orient,le lac de Van est un lac naturel salé.

En chiffres :

Superficie : 3755 km2

Longueur :120 km

Largeur :80 km

Profondeur moyenne : 162 m et profondeur maximale : 451 m.

Altitude : 1640 m.

C'est vers ce lac grandiose entouré de montagnes et de volcans que nous nous dirigeons, à Tatvan plus précisément, plus jolie et plus proche que Van que nous avons vue lors d'un précédent voyage.

Après quelques kilomètres. contrôle de police. Nous sommes dans le Kurdistan, c'est monnaie courante. Il y a un petit teigneux maigrichon et frustré, deux nounours et une magnifique fliquette au visage angélique et au corps de rêve ! Nous garons les motos de l'autre côté du carrefour. La fliquette nous sourit et nous informe qu'il s'agit d'un contrôle de routine et que tout va bien. Le petit teigneux téléphone. Les deux nounours nous offrent du thé. 4 ou 5 voitures arrivent : contrôle des passeports, des motos et ... des téléphones ! Ils nous précisent que c'est normal, la routine... et eux, c'est la police anti-terroriste. On entre dans le cabanon. Ouf il.y fait frais. On papote du voyage, de notre route pour les prochains jours. Et on repart. Tous sourient. Sauf le petit teigneux ! Nous ne laissons rien paraître mais sommes quand même un peu mis à mal. Dans notre tête on entend Johnny : "Quoi ma gueule ? Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?".

Nous constatons que les tensions sont palpables. Et décidons de nous tenir à nos étapes : Tatvan, Kars ou Agri, Çildir et Aktaş.

Nos routes sont belles ; la température reste élevée mais devient plus clémente. Nous trouvons un petit bouiboui comme nous aimons quelque part sur la route, juste au bon moment. Le thé et l'eau nous sont discrètement offerts. Ils étanchent bien plus que la soif et apaisent bien plus que la chaleur. "Techikur Edirem"

Au milieu de ce lac, se situe l'île d'Akdamar, dont le nom est lié à une légende :

Jadis, Tamara, une jeune fille d'une grande beauté habitait sur cette île. Un jeune berger qui menait ses troupeaux paître sur les rives du lac de Van en tomba amoureux. Chaque soir, il.nageait jusqu’à l’île pour rejoindre la belle Tamara. Pour lui permettre de repérer l’île dans la nuit, elle allumait une lanterne changeant de lieu chaque soir.

Un jour de grande tempête, le père de Tamara découvrit ces visites nocturnes. Furieux, il alluma lui aussi une lanterne et courut dans tous les coins de l’île, faisant des signaux disparates pour décourager le jeune homme. Épuisé celui-ci se noya. Ses derniers mots furent « Ah ! Tamara ». Eperdue de chagrin, la jeune fille, se jeta dans le lac pour rejoindre son aimé. Les derniers mots du jeune homme, « Ah! Tamara », se transmirent à travers les générations devenant au fil du temps "Akdamar".

J'aime bien les histoires qui ont ceci "d'universel" , qu'elles racontent des choses similaires quel que soit le pays ou la culture. L'être humain partout cherche la même chose: la paix, l'amour, un toit ...

Le soir nous nous promenons le long du lac, nous régalons d'un concert juste pour nous, apercevons au loin un feu d'artifice (un mariage, nous dit-on). Les fées nous indiquent leur présence par petites touches... Surtout ne jamais cesser d'ouvrir les yeux...

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Publié le 5 juillet 2025

Au matin, nous reprenons la route en direction de Kars. Nous longeons le lac de Van pendant des kilomètres. Au loin, la brume, quelquefois des champs où paissent des vaches, de temps en temps une plage desertée, la température devient de plus en plus supportable. A un certain moment, nous apercevons deux motards. Nous nous arrêtons, partageons un café, parlons moto et voyages. L'un s'appelle Gokhan l'autre, Tamer. Nous voilà invités chez Tamer, artiste aux multiples facettes et professeur à l'université Ibrahim Chechen à Agri.

Lac de Van 

Nous voilà logés et nourris à l'université dont nous visitons les coins et recoins : partout, des peintures de Tamer, son bureau est une vraie caverne aux trésors ; la nuit est tombée, les couloirs sont déserts, les rues vides. Ici des gamins jouent au basket, un appel à la prière chante... Nous évoquons notre parcours à petits pas de plus en plus confiants. En réponse, Tamer nous confirme que nous sommes en sécurité et montre avec fierté une université moderne en Turquie : ouverture d'esprit, vie estudiantine, réflexion critique (par le biais de l'art), centrage sur les jeunes au-delà de la transmission de savoirs et de savoir-faire .

Encore une rencontre hors normes. Ces hommes nous partagent leur univers avec une grande bienveillance.

Au matin nous partons tôt : nous voulons arriver à Çildir avant la pluie.

Café, gaufres, glaces dans un espace dédié à la rencontre
Détails des peintures de Tamer dans le hall d'entrée 
Reproduction d'un palais dont l'original se trouve à quelques kilomètres. Architecture Seljuk. Actuellement, salles de conférences...
Quelques unes des œuvres de Tamer 

Il est 8:30 quand nous démarrons : un record !

La température chute encore, nous n'avons plus besoin des gilets rafraîchissants. La végétation est de plus en plus verte et fleurie. Nous nous régalons de ces petites choses qui font de leur mieux pour nous réchauffer le cœur... Nous sommes arrêtés à plusieurs checkpoints : aucune vérification de passeports ou autres paperasses. Juste : "Vous venez d'où ? Vous allez où ?" Le mot "Belgique" est un vrai sésame : "Go" !

Un souffle

Et l'akène s'envole

Emportant peines et vagues-à-l'âme

Brise-larmes ...

Nous gagnons le pari d'atteindre Çildir avant la pluie. Nous avons même le temps de sortir nos sacs au sec !

Je m'étais arrêtée il y a quelques années dans ce lieu qui depuis a changé : les bâtiments abandonnés on été restaurés, il y a un restaurant, des lumières dans le jardin... La sérénité est toujours la même. Sous le volcan.

Petit miracle du soir : l'hôtel nous propose une Efes! Nous n'y avions pas pensé ! J'emporte quand même les bières dans un sac noir jusque dans la chambre. La morale est sauve !

A l'abri sous le volcans, la vieille bâtisse en pierres de lave...

Nous restons deux jours, bloqués par la pluie. Comme nos hôtes ont peur que nous nous ennuyons, le soir musique en famille. Balalaïka je crois ...

Un chant

Et les notes s'envolent

Emportant peines et vagues-à-l'âme

Brise-larmes ...

Demain la Géorgie, à un jet de pierres....

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Publié le 6 juillet 2025

Après une vingtaine de kilomètres, nous arrivons à la petite frontière d'Aktaş. Ce qui nous prend le plus de temps est le paiement de l'amende de Michel pour non assurance lors de notre passage il y a quelques semaines! A sa décharge : bug d'internet.

Nous suivons les fameuses piroutes géorgiennes qui oscillent entre bitume troué et chantiers. Les bords de routes fleuris nous évoquent des tableaux, au loin le lac d'Aktaş. Cette fois, nous n'apercevons aucun panneau priant d'excuser l'état des routes ! Ma pauvre moto déteste et du coup l'embrayage s'emballe par moments. J'apprends à gérer... surtout qu'il ne lâche pas !

Nous nous délectons des virolos, nous détendons, détectons de petites merveilles cachées telles ce vieux wagon tout tagué, bien troué aujourd'hui par la rouille et qui jadis fut une passerelle ; ailleurs, un château d'un temps révolu et qui se veut encore fort...

C'est dans cette douceur que nous arrivons à Akhaltskhe. Nous dormons au pied de la forteresse pour la modique somme de 18 €/personne souper, petit-déjeuner et vin compris ! Motos à l'abri. Les sortir de là sera une autre affaire. Demain.

Au matin, nous stagnons toujours entre deux mondes, les pensées voguent entre les flash-backs et l'instant, le corps oscille entre le rude et le doux, les nuits balancent entre rêves et cauchemars. Ce qu'il y a de monstrueux dans la torture, c'est la nasse de permanence qu'elle impose et dont il faut trouver la porte de sortie avant de pouvoir la refermer définitivement. Il nous faut prendre une décision : soit Batumi et le bateau vers la Bulgarie, soit Tbilisi et un éventuel projet de nous ressourcer dans la région de Vashlovani, réserve naturelle protégée le long de la frontière avec l'Azerbaïdjan. Ce sera Tbilisi. Parce que nous aimons cette ville et que nous avons assez arpenté les rues de Batumi il y a peu... Sans doute aussi pour trouver une voie. Autant au voyage qu'aux voyageurs... Surtout que la météo s'annonce très chaude dans les Balkans...Bref, il s'avère que nous avons beaucoup de mal à prendre des décisions en ce moment...

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Fantaisie Boutique

Impasses et dédales

Publié le 10 juillet 2025

Nous avons atteint Tbilisi avant la pluie, retrouvé le Fantaisie Boutique découvert par hasard il y a quelques années et où nous aimons séjourner quand nous sommes de passage. La manager et les "voisins" nous reconnaissent : baume au cœur, un peu comme rentrer à la maison.

La pluie diluvienne qui s'abat sur la ville ne nous donne pas très envie de sortir. Nous nous cachons de la pluie dans "notre" cabane, à deux pas de la Place de la Liberté. Et la pluie tambourine les mots que nous cherchons. Avec une sorte de violence, d'acharnement. Mais elle reste dehors. Depuis l'auvent, nous regardons une rose solitaire boire les mots de la pluie. Et fleurir ... C'est à ce moment que la pluie est partie chanter ailleurs...

Alors nous sommes sortis, avons erré dans les dédales et labyrinthes de Tbilisi que nous commençons à connaître pour y nous être arrêtés si souvent. Nous cherchons des repères en même temps que nous poussons les portes entrouvertes de chaque impasse inconnue. Notre promenade est à l'image de nos états d'âme : façades décrépites, maisons effondrées, labyrinthes d'impasses aux humeurs mitigées, balcons en suspens...

Ici, un concert, là un repas délicieux, un restaurant ou un café caché derrière une porte déglinguée, plus loin un petit jardin ou un patio rempli de pots de fleurs. Le premier mot qui me vient à l'esprit en écrivant sur l'architecture de Tbilisi est "rocambolesque".

Contemporaine (à but touristique) par endroits, de style désuet de l'ex-URSS (imposant dans les bâtiments administratifs comme dans l'habitat), sans que ne disparaisse la spécificité de l'architecture locale, Tbilisi est une ville vraiment pittoresque. Nous ne nous lassons pas des balcons en bois même si pour rien au monde, je ne m'avancerais sur certains... Nous cherchons la beauté et l'humain dans le métissage, le délabrement parfois aussi la rigidité.

Je photographie les tags, les vitrines, les passants... La vie dans ce qu'elle a de plus tangible...

Un après-midi, nous avons rendez-vous avec notre ami, Nicolas, qui a traversé la Turquie, avec son Van 4x4, en un rien de temps pour ce moment. Nous partageons du temps, un repas, de l'écoute. Nicolas sait recevoir nos incertitudes pour en avoir vécu de semblables. Avec Nicolas, nous avons même pu en rire. C'est de tout cela qu'est faite l'amitié... Nous le quittons emplis de gratitude...

Le message du jour...

A un autre moment, des moteurs ronronnent juste à côté. Le temps de trouver le bon chemin dans ce labyrinthe, je les rejoins. Ce sont des Polonais en voyage guidé avec un Américain installé à Tbilisi depuis quelques années. Il parle beaucoup l'Américain ! Surtout de lui. Et oublie de me dire son nom ! Un petit bout d'Amérique ... C'est drôle... Toujours est-il que ce gars peut être une adresse à retenir pour les motards qui auraient un souci mécanique à Tbilisi ou tout qui aurait envie de louer une moto pour faire un trip en Géorgie.


Cet éphémère qui nous dit : "Le voyage est là qui t'attend.".

En attendant, nous ne savons toujours pas où aller. La réserve naturelle le long de la frontière avec l'Azerbaïdjan : mauvaise idée. A cause de la pluie, de la chaleur et des crotales!

Telavi en 4x4 ? Oui mais la route d'Omalo est fermée : éboulements à cause des pluies de ces derniers jours..

La reconstruction est un voyage en soi. Sans balise et sans GPS... Sans doute avec des signes. On ne peut qu'être à l'écoute en espérant les décoder...

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Publié le 11 juillet 2025

Nous nous dirigeons vers Batumi. Première étape : Alkhalashitse où Michel a oublié un pull. Nous refaisons la route en sens inverse, sans photos puisque je les ai faites il y a peu. Alors, n'existent plus que la route, la conduite et la moto. Dans un présent total. Les paysages, les courbes et les moteurs qui ronronnent s'attellent à la tâche : de concert, ils nous rendent heureux. Cette sensation, je crois qu'il faut être motard pour la comprendre. La moto va exactement là où le regard se porte ; quand la trajectoire est parfaitement juste, tu es heureux, prêt pour la courbe suivante. Et ne comptent que ces courbes qui s'enchaînent. Les jolis paysages autour sont cadeaux... Enfin, ça c'est pour moi. Michel pilote en mode automatique et plonge dans les paysages. L'effet est le même.

A Alkhalashitse, nous retrouvons notre lieu, ... le pull de Michel et nos hôtes tout heureux de nous revoir si vite. Je me contente d'un petit tour à la forteresse. En prenant soin d'en explorer quelques passages plus ou moins cachés ...

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Publié le 12 juillet 2025

Nous avons environ 200 km jusque Batumi. Nous choisissons la montagne parce qu'il y fait frais et parce que l'autre route, plus directe, nous la connaissons : elle n'a rien de vraiment passionnant.

Purée ! La route est en pleine réfection : 20 kilomètres de chantier, d'arrêts pour laisser passer des camions de chantier ou travailler des grues... Poussière plein les narines et la bouche ! Cagnard en prime. Ce n'était pas au programme. Jusqu'au moment où nous arrivons au point de fermeture. Une déviation est mise en place par la maréchaussée locale. Là commence une piroute d'environ 60 km, étroite, boueuse par endroits, caillouteuse, piégeuse, avec du sable ou des graviers sur un béton dur et éclaté quand il n'a pas complètement disparu, le tout agrémenté d'épingles en dévers. Je suis extrêmement prévisible sur ce genre de terrain : je me tanque mais que deux fois ! A la première, je plie le pare-main de ma poignée de frein avant. Impératif de démonter au bord de cette piste. Comme la route a décidé de nous remettre le pied à l'étrier, ça se fait sous une pluie battante ! Nous sommes trempés ! Mais le frein fonctionne nickel... Un vrai bonheur ! Du coup, sept kilomètres plus loin, je remets le couvert et tords la manette de frein qui n'a plus de protection ! IMichel la redresse au minimum. Impossible de la détordre plus sans prendre le risque de la casser. Comme ça freine et qu'au final, ce n'est pas vraiment dérangeant, ça tiendra ! Jusqu'à ce que je puisse la changer. Enfin, pas moi personnellement. La moto, c'est le job de mon homme. J'attends avec impatience le commentaire de notre ami Laurent...

Puis l'asphalte revient. Tout a séché. Il nous reste 90 km jusque Batumi.

Piste, piroute et chantiers nous ont amenés dans des paysages à couper le souffle, dans des villages charmants d'authenticité. Dans un an, la route sera faite et les pistes de ski prêtes à l'emploi. Nous avons eu la chance de passer avant. Même pour moi et malgré mes deux chutes et ma poignée à remplacer... Bref, le voyage ne se contente pas de s'inviter : il s'impose. Et nous validons. A deux. En équipe...

Nous restons deux jours à Batumi, en profitons pour acheter nos billets de bateau pour Varna en Bulgarie. Nous partons le 12 en fin de journée.

A ce sujet, voici les coordonnées de la compagnie ukrainienne dénichée par notre ami Pierre, un peu moins chère que l'autre qui va à Bourgas. Nous nous sommes rendus à leur bureau de Batumi. Là il faut payer en cash, uniquement des laris. Par Internet, forcément paiement par carte.

Le lien: https://www.ukrferry.com/en

Tarif de base: 220 €/moto + 220 €/passager (repas et cabine pour les 3 jours de traversée). Autre info : le trajet varie entre 52 et 83 heures, suivant les marées et la météo, je suppose. Pour nous ce sera le temps long. Pffff...