Commentaire en temps réel
Il est 20h00 heure française. La lecture du GPS indique que Catherine est en route vers le sommet. Partie à 17h16 hr/fr elle se trouve actuellement à 8420 m. Encore 430 m de dénivelée....
Pour se faire une idée de la suite,, voici le déroulé de la dernière étape expliqué par Catherine au début du blog :
"Le départ du Camp 3 se fait vers 23:00. Il faut d'abord monter, en 4 à 5 heures, 200m raides jusqu'à l'Exit Cracks, le First Step (PD II), qui permet de rejoindre l'arête NE. Il y a alors encore 1.5km jusqu'au sommet.
Ensuite la traversée continue sur la droite, le long d'une étroite arête on atteint le 2ème ressaut, le plus dur, à 8610m: la partie du bas est composée de larges blocs (III). Ensuite une courte goulotte mène à la dalle en V+ équipée d'une échelle. Au dessus, la traversée est technique et exposée. De là il reste 3 à 4 heures jusqu'au sommet. Un emplacement permet une pause afin de remplacer la bouteille d'oxygène.
Enfin le 3ème ressaut se situe vers 8700m. Il est plus facile et plus court (II, 10m).
De là on suit un triangle neigeux pour passer dans la face nord (50 à 60°) sur quelques longueurs, puis on rejoint l'arête que l'on suit jusqu'au sommet à 8848m."
Il reste 6-8 heures de montée augmenté des attentes au pied des difficultés, nous aurons la réponse en cours de nuit pour nous....
Un coup d’œil au GPS, 20h30 8457 m, ça progresse !
22h00 l'Exit Cracks et le First Step sont passés. La cordée est légèrement redescendue à 8540 m après un petit dôme à 8574 m et approche du pied du ressaut le plus compliqué à négocier (cotation V+ et échelle). La montée se fait certainement avec les lampes frontales. La météo annonçait des chutes de neige dans la soirée, le parcours doit être relativement sombre avant le lever du jour... Par contre avec 250 candidats à l'ascension, la réflexion des lampes et le nombre de personnes font que la notion de solitude doit être toute relative, sans compter la sollicitude certainement très appliquée des Sherpas et des guides.
Complément ultérieur de récit
SUMMIT DAY
C'est parti pour l'inconnu de la très haute altitude...
La nuit est d'encre, c'est pour cela qu'il fait si chaud. Un serpent de lumières s'étire déjà en direction de l'Exit Cracks. Quelle tension... Il est près de 22:00 nepali time. Gyaluk se met à mon allure. Jumar à la corde, un pas à la fois je suis l'allure lente de ceux qui me précédent.
Parfois à un point d'attache ou s'ils s'arrêtent je double un peu. Ma respiration est régulière et très calme.
La trace assez large monte assez droit dans une sorte de mixte, surtout sable et rocs,un peu de neige durcie. Rien de pénible. Les premières lumières atteignent la crête. Je passe de plus en plus de personnes. Gyaluk suit. A chaque petit passage dans les rochers, un temps d'attente. Beaucoup ont des crampons neufs ...
Il neigeote, la crête se rapproche. Je prends garde de ne pas accélérer. Le temps n'existe plus (je n'ai d'ailleurs pas de montre). Nous sommes déjà si haut, si loin.
Il faut s'arrêter , le passage de l'Exit Cracks présente une difficulté pour beaucoup. Nous sommes maintenant comme de si petites lucioles cheminant sur la crête. Elle semble interminable. Il suffit de mettre un pied devant l'autre. Mon allure reste inchangée. La nuit est moins sombre.
Je passe le premier ressaut tranquillement grimpant au rythme de ma respiration. Toute la crête est éclairée. Je me sens si bien. Certains membres de l'équipe partis plus tôt sont en train de changer leur bouteille. Gyaluk me demande de m'arrêter aussi. J'obéis..
... Mais dès la nouvelle bouteille dans le sac et branchée je repars. C'est irrésistible, pardon Gyaluk , il faut que je continue, c'est comme un besoin vital et urgent.
Le deuxième ressaut est là, ça pinaille un peu. J'enchaîne les échelles, rien de sorcier comparé à l'échelle du Pas de la Gouille pour aller au Mont Velan ! Un échelonnement à la fois et transposition du poids du corps. Je ne me longe même pas, en cas de chute c'est quand même retour en bas de l'échelle : ce n'est pas à la norme des via Ferrata françaises!
Le jour arrive, Gyaluk peine un peu, toujours à la même allure, je rejoins un Sherpa et sa cliente pas très douée. Jamais il ne me laissera passer, pourtant il s'arrête souvent mais fait exprès de bloquer le passage. Surtout ne pas réagir, ne pas s'énerver, Il est là, j'ai tout mon temps. J'aide donc parfois la jeune fille indienne, discrètement...
Le troisième ressaut demande juste à réfléchir sur la position des pieds, opposition, utilisation de petits grattons par les pointes des crampons... Je pousse un peu la petite ado ..
Waouh le jour est là un petit air de fait sentir, c'est en fait un peu rafraichissant, je mets le masque. La trace serpente sur la neige. J'ai impression d'être reliée au sommet par un treuil. Je retiens chaque pas pour savourer. Le toit du monde!!!
Nous remontons quelques longueurs dans les rochers, je laisse Gyaluk ralentir son allure. Rien ne peux plus me ralentir, j'en suis fébrile, je vais réellement atteindre le sommet, c'est incroyable, Il est juste là...
Quel délice cette crête sommitale si blanche façonnée par le vent comme les dunes d'où l'on aperçoit si nettement le Base Camp!...
Je la remonte le plus lentement possible, le plus discrètement, c'est comme commettre un sacrilège, il n'y a pas plus haut...
Un dernier pas... La petite statue est entourée d'alpinistes et de Sherpas. Toutes ces ondes de bonheur... Les discussions sont animées malgré le masque.
Immensité, infini, splendeur, fascinant.... Aucun adjectif n'est assez fort... Tout est net, contrasté, le ciel est limpide. La sécheresse de l'air m'empêche de parler. Mes batteries sont à plat. Tout s'imprime à tout jamais dans ma mémoire... Est-ce que je rêve ? Une petite demi-heure d'un bonheur absolu et qui m'enivre. A nouveau le temps n'a plus d'existence...
Merci à tous, Timour, toute la famille, mes amis et soutiens financiers, vous en avez tremblé avec moi, peut-être être avez vous même arrêté un moment de respirer ? Je ne pouvais pas me le permettre!!!... Nous n'avons qu'une vie, ne l'oubliez pas, vivez!!!