Dimanche 30 octobre. L'eau a coulé sous les ponts depuis le dernier article publié concernant Samarcande, et c'est en y voyant beaucoup plus clair que nous revenons en Ouzbékistan un mois plus tard pour y passer, déjà!, nos derniers moments en Asie Centrale.
Pourquoi revenir à Tachkent? Pour la même raison que lorsque nous sommes retournés à Tbilissi mi-septembre: nous sommes bloqués et ne pouvons malheureusement pas continuer notre périple par les terres.
Nous avions plusieurs options qui s'offraient à nous, mais aucune n'était réalisable pour des raisons indépendantes de notre volonté:
- Traverser la Chine? Le pays a toujours ses frontières fermées à cause du COVID, impossible.
- Remonter le Kazakhstan, passer par la Russie pour atteindre la Mongolie? Même si la Mongolie est un pays qui nous fait rêver, il n'est pas conseillé de traverser les frontières russes au vu de la situation actuelle (bien que ce soit possible), et nous nous retrouverions à nouveau bloqués par la Chine.
- Descendre et tenter le coup par le sud? Cela voudrait dire traverser le Tadjikistan, une partie de l'Afghanistan (vivement déconseillé au vu de la situation actuelle), le Pakistan, l'Inde, le Bangladesh, la Birmanie (frontières fermées),… Bref option très compliquée si pas irréalisable, nous demandant bien plus de temps et nous faisant passer par des pays qui nous attirent moins (pour le moment!).
Pas d'autre choix donc que de prendre un avion pour la seconde fois depuis que nous avons quitté la Belgique. Cela reste tout de même une fierté pour nous d'avoir eu recours, jusqu'ici, à un seul avion d'une petite heure pour traverser la mer Caspienne à cause de l'Azerbaïdjan qui garde ses frontières fermées (update janvier 2023: les frontières sont toujours fermées).
Nous avions prévu de passer cinq jours à Tachkent, qui, comme sa capitale voisine Bichkek, est une ville remplie de beaux endroits à découvrir. Nous y sommes arrivés aux alentours de midi (en emmenant avec nous la grosse pluie) après une nuit passée dans le train. Il faut dire qu'on était en luxe pour ce dernier trajet, car nous avions une cabine uniquement pour nous deux! Quelle chance et quelle expérience, c'était complètement différent des trains couchettes où nous étions une cinquantaine, et on se sentait vraiment comme des VIP. Nous avions déjà eu une cabine pour deux, mais uniquement pour un trajet de jour.
Captain Max pour vous servir La crise du logement étant toujours d'actualité, nous nous sommes retrouvés dans une auberge de jeunesse très chère et complètement décevante. L'ambiance était bizarre, les personnes y logeant semblant être des hommes plus âgés qui y séjournaient à long terme, du coup c'était un peu comme si on était chez eux et qu'on gênait. La connexion internet était quasi inexistante, alors que c'était indispensable pour nous qui devions préparer la suite du voyage. Le petit déjeuner n'était pas bon, le personnel pas sympathique, bref tout un ensemble de choses qui font que, pour le prix, on était franchement dégoutés. Point positif, sans internet, nous nous sommes remis à jouer aux cartes! Et nous avons tout de même eu droit à un joli coucher de soleil un soir pour nous consoler.
Moments à l'aubergeAprès avoir passé beaucoup d'heures dans des cafés à préparer la suite de notre voyage, il était temps pour nous de visiter cette capitale, à l'architecture à la fois soviétique et moderne. La première visite fut celle de la Minor Mosquée, sous un beau ciel bleu s'accordant parfaitement aux couleurs du bâtiment. Se distinguant, par sa finition en marbre blanc, des autres mosquées traditionnelles en briques, elle a été ouverte en 2014 et peut accueillir pas moins de 2.400 fidèles. Depuis notre logement, nous avions une magnifique vue sur cet édifice, située sur la rive opposée de la rivière Tchirtchik qui arrose la capitale et sur laquelle déambulent de nombreux kayakistes. Comme toujours en Ouzbékistan, les extérieurs et intérieurs des mosquées et autres bâtiments sont grandioses et impressionnants.
Extérieur de la Minor Mosquée L'intérieur et son magnifique dômeNous avons continué la visite en nous dirigeant vers le complexe Khast Imam, cœur spirituel de la capitale depuis des siècles. Au sein du complexe se trouve la mosquée Hazrat Imam, reconnaissable par ses deux minarets hauts de 50 mètres. Fun fact: ce complexe a été construit en un temps record de 4 mois. Il est composé notamment de colonnes en bois provenant d'Inde, de carreaux bleus d'Iran et de magnifique marbre vert de Turquie.
En plein cœur de la place principale se trouve une petite bibliothèque, appelée Muyi Mubarak, célèbre car elle abrite le Coran d'Uthman, à savoir le plus ancien Coran du monde. Pour la petite histoire, le troisième calife Uthman a été assassiné alors qu'il le lisait en 655, tachant ainsi ce célèbre Coran de son sang, qui est toujours visible sur ce livre sacré.
Cependant, tout cela est à mettre au conditionnel car des chercheurs ont déclaré qu'il ne s'agirait apparemment pas du Coran le plus ancien du monde, ni même celui d'Uthman. Ce qui est sûr, c'est qu'il date du XVIIIe siècle, ce qui reste fameusement ancien!
"Muyi Mubarak" signifie "le cheveu sacré", cette bibliothèque-musée abritant également en son sein un cheveu qui aurait appartenu au prophète Mahomet.
Le complexe Khast Imam Juste à côté se trouve la mosquée Tellya Sheikh, à l'intérieur majestueux et magnifique avec ses plafonds peints avec un détail impressionnant. Construite en 1856, il s'agit de l'ancien lieu de culte principal de Tachkent.
La belle mosquée Tellya Sheikh et sa cour intérieureIncontournable de la capitale, le bazaar de Tchorsou figurait évidemment sur notre itinéraire de visites de la journée. Situé sur l'ancienne place du marché où les caravaniers se retrouvaient lors de leurs périples sur la Route de la Soie, ce bazaar est le plus grand marché de Tachkent, et également le plus ancien de toute l'Asie Centrale, son existence remontant à plus de 2.000 ans.
"Cho-su" signifie "route" en ouzbek, et le marché se compose de quatre entrées principales, représentant le carrefour de la Route de la Soie et les quatre points cardinaux. Idéalement situé en plein centre de la ville, au croisement des principaux axes routiers et à côté d'une station de métro, ce bazaar est un lieu de rendez-vous pour tous les habitants.
Le marché est reconnaissable de par ses sept dômes, datant des années 80, dont un qui est le principal et immense, qu'on peut apercevoir de loin dans la ville. Il est tellement gigantesque, qu'il est séparé en deux étages, le rez-de-chaussée étant dédié aux viandes, salades, épices, et l'étage aux fruits secs et confiseries. Comme le Osh bazaar à Bichkek, le marché est organisé en fonction des types de produits vendus, et y déambuler sans même rien n'y acheter est un vrai plaisir!
Le bazaar de Tchorsou de l'extérieur L'impressionnant intérieur du dôme principal C'est pas tout ça, mais voir toute cette nourriture nous aura bien creusé l'estomac. Le moment idéal pour aller déguster un autre incontournable du pays et même de l'Asie Centrale en général: le plov! Ce plat typique est cuisiné à base de riz, de viandes (bœuf, agneau et cheval), d'œufs de cailles bouillis avec des pois chiches et raisins secs et de légumes (principalement des carottes, oignons et poivrons hachés).
Un des plus célèbres restaurants de l'Ouzbékistan où on peut y goûter se trouve justement à Tachkent: le Central Asian Plov Center. C'est donc naturellement que nous nous y sommes rendus, en pleine heure de pointe. Le restaurant, pourtant immense, était tellement plein à craquer qu'un homme et un jeune Russe qui déjeunaient ensemble nous ont invités à leur table.
Ils étaient vraiment sympas, surtout l'homme à la cinquantaine d'années, qui nous a offert du bon jus de grenade frais et du thé. Il était assez amusé de voir Anne galérer à manger ce plat rempli de saveurs auxquelles on n'était pas habitués. Si Max s'est régalé, pour Anne qui n'est pas très viande de base, c'était plus compliqué mais on a vraiment eu bon quand même. C'était un moment de partage très agréable et, pour le coup, une vraie découverte culinaire.
Il y régnait une énergie dingue, surtout dans le hall où se cuisinent des tonnes de plov dans d'immenses chaudrons, appelés kazans, la photo ci-bas parlant d'elle-même. Les chefs plov ont également un nom: les osphaz, qui peuvent cuisiner un repas pour 1.000 personne avec un seul kazan. Il y avait également de nombreux fours à pains, cuits traditionnellement directement sur la paroi chaude de l'intérieur du four.
Expérience unique!C'est donc avec l'estomac plus que rempli que nous terminons cette belle journée ensoleillée par un passage dans le plus grand parc de Tachkent: le parc national Alisher Navoi. D'une superficie de 65 hectares, ce gigantesque espace vert est un lieu paisible, qui semble bien loin de l'agitation de la capitale. Le parc a été construit dans les années 30 et porte le nom du poète et penseur turc.
On y trouve notamment un lac, des fontaines, des monuments, des prairies, de nombreuses fleurs colorées et également... Des plages de sable le long d'un étang. Un vrai plaisir de s'y promener au calme, nous laissant le temps de digérer mais également d'être reconnaissants pour tous ces moments magnifiques que l'Asie Centrale nous a offerts. Car oui, toutes les bonnes choses ont une fin comme on dit, et c'est ici que s'achève pour nous ce grand chapitre de notre périple qu'est l'Asie Centrale.
Le parc national d'Alisher Navoi On ne peut qu'être émus en écrivant ces lignes, ces pays nous ayant appris tellement de choses. La célèbre phrase "Le voyage est la seule chose qu'on achète qui nous rend plus riche" prenant alors tout son sens. Nous étions loin de nous imaginer que ces pays, si méconnus, nous plairaient autant et nous offriraient un tel accueil. Il y règne une hospitalité et bienveillance naturelle, une générosité à laquelle nous ne sommes clairement pas habitués. Ici, tout le monde semble vivre à l'extérieur, tout le monde socialise et partage avec les autres.
C'est le cœur rempli et l'esprit bien plus ouvert que nous allons ouvrir le prochain chapitre de notre Tour du Monde: l'Asie du Sud Est. Pour être complètement honnêtes, on se sent si bien ici, qu'on a pas envie de partir. Ou du moins, pas tout de suite.
Chère Asie Centrale, merci pour tout. Tu nous as séduits au premier coup d'œil et nous as remplis le cœur et la tête de souvenirs uniques. Ce n'est définitivement qu'un au revoir!