Samedi 1er avril. L'ultime étape avant d'arriver en Nouvelle-Zélande était, du moins on le pensait, les trois heures de vol qui séparaient Melbourne d'Auckland. C'était en effet sans compter sur les diverses files interminables à franchir allant du traditionnel passage du poste d'immigration, à la plus particulière biosecurity mise en place afin de garantir la protection de la biodiversité du pays, raison pour laquelle nous avions minutieusement nettoyé nos chaussures à la brosse à dent en quittant Bangkok.
Trente minutes de taxi plus tard, nous arrivions enfin à notre auberge de jeunesse dans le centre d'Auckland en plein milieu de la nuit, crevés mais heureux d'enfin poser nos bagages après ces derniers jours de voyage.
Le lendemain matin, nous étions complètement perdus face à nos montres et téléphones qui nous indiquaient chacun des heures différentes. Après nous être renseignés, nous nous sommes rendu compte que les Néo-Zélandais avaient justement changé les heures la nuit passée!
L'air de rien, il nous aura fallu quelques jours afin de récupérer des six heures de décalage horaire avec l'Asie et du changement radical de climat et d'ambiance. Heureusement, nous avions une petite chambre privée dans l'auberge de jeunesse, nous offrant un peu d'intimité le temps de nous remettre de nos émotions. Il y avait également une cuisine spacieuse au sous-sol, nous permettant de nous réinstaller derrière les fourneaux après des mois à manger à l'extérieur.
Seuls bémols du logement: nous avions l'impression d'être dans un bunker, l'auberge n'ayant aucune fenêtre! Et l'ambiance qui y régnait était plutôt particulière. Personne ne semblait vouloir se saluer ni même se sourire... Assez spécial mais bon, ça faisait bien l'affaire pour quelques jours. Enfin, du moins, c'était ce qu'on pensait...
Nous avions quelques tâches administratives à régler, qui furent plus compliquées et fastidieuses qu'on ne le pensait mais au final, nous avons réussi à toutes les régler en quelques jours, et étions fin prêts à démarrer notre PVT dans les règles de l'art. Nous devions, entre autre, ouvrir un compte en banque, avoir chacun un numéro de téléphone, un numéro fiscal néo-zélandais (indispensable pour travailler dans le pays), etc.
A côté de ces diverses obligations administratives, nous étions activement à la recherche de notre future maison sur roue tant rêvée: un van! Et pour le coup, ça a aussi été beaucoup plus long et fastidieux que prévu, nous décourageant plus d'une fois. Puisque nous savions que nous voulions vivre dans un van plusieurs mois, nous étions à la recherche d'un véhicule assez spacieux et confortable, mais surtout assez haut pour pouvoir faire rentrer le mètre 90 de Max.
Il est très courant de voyager en van en Nouvelle-Zélande et, arrivant à la basse saison, nous espérions trouver notre pépite facilement. En effet, nombreux sont les PVTistes qui repartent à cette période pour éviter l'hiver qui se rapproche à grand pas et peu sont les arrivants comme nous à cette période. Par conséquent, nous nous attendions à nous trouver sur un marché avec beaucoup de vendeurs et peu d'acheteurs, ce qui faisait bien notre affaire.
Sauf qu'en réalité, peu de van correspondaient à nos critères, certains étant beaucoup trop âgés, d'autres affichaient un kilométrage qui semblait vouloir battre des records et énormément étaient en réalité des petites voitures aménagées. Le premier véhicule que nous avons visité, au bout de dix jours, était un bus vintage long de six mètres. Trop vieux, trop de couacs au niveau mécanique, et puis nous n'étions pas certains de vouloir nous encombrer d'un si long véhicule!
Nous sommes allés chez un Néo-Zélandais qui avait comme business de racheter des vans et les aménager, sauf qu'ils n'étaient pas vraiment remis à neuf et nous laissaient plutôt dubitatifs. Nous nous sommes également rendus à la car fair, un marché de vans/voitures qui a lieu tous les dimanches à Auckland. Mais rebelote, notre pépite ne semblait pas se trouver parmi eux (mais nous avons pu goûter à un fruit qui pousse en Nouvelle-Zélande: le feijoa! Très spécial, ce fruit a un goût qui nous rappelait plutôt celui du savon!). Toutes ces recherches étaient infructueuses, rallongeant notre séjour dans le bunker de jour en jour...
Jusqu'au jour où nous sommes tombés sur une annonce Facebook d'un couple de Français qui revendait LE van que nous recherchions depuis si longtemps! Nous étions les seconds à le visiter et, heureux d'avoir si rapidement trouvé de potentiels acheteurs, le couple a expliqué qu'ils annulaient les visites prévues l'après-midi car tous les premiers étaient intéressés, et qu'ils nous tiendraient au courant dans la journée...
Histoire de faire passer le temps en attendant leur retour, nous sommes allé nous promener sur la One Tree Hill, tout en croisant tous les doigts que nous pouvions. Il s'agit d'un ancien volcan au dessus duquel se trouve un obélisque haut de 33 mètres d'où l'on a une vue imprenable sur la ville d'Auckland. Nous y avons croisé les premiers moutons du voyage, qui broutaient tranquillement l'herbe sans se soucier de notre présence.
Malheureusement, pendant que nous admirions la vue, le couple de Français était en train de décider qu'ils allaient finalement vendre le van aux premiers intéressés. Inutile de s'étendre sur notre déception et découragement lorsque nous avons reçu leur message. Cela faisait déjà deux semaines que nous étions à Auckland et le bunker commençait à nous taper sur le système (et dans notre portefeuille!).
Ces recherches infructueuses nous ont laissés largement le temps de visiter la ville d'Auckland, qui est bâtie sur un champ volcanique comptant pas moins d'une cinquantaine de volcans endormis, lui valant son charmant surnom de "ville des volcans". Résultat: le panorama est très vallonné et de nombreux monts font la réputation de la ville.
Capitale économique et plus grande zone urbaine du pays, Auckland est tout ce qu'il y a de traditionnel pour une grande ville: des buildings modernes, de nombreux magasins, du trafic, mais étonnement nous avons plutôt apprécié cette ville qui dénote totalement avec le reste du pays. Nous avons aussi beaucoup aimé les transports en commun qui nous permettaient de nous déplacer facilement d'un endroit à l'autre avec, notamment, leurs énormes bus publics à double étages!
Parmi tous ces buildings se trouve la tour de téléphone, plus connue sous le nom de Sky Tower, qui est un véritable repère et symbole d'Auckland. Culminant à 328 mètres de haut, cela fait d'elle le plus haut édifice de tout l’hémisphère Sud!
Ce qui apporte beaucoup de charme à Auckland, c'est le fait que ce soit une ville portuaire avec entre autre un parc public assez atypique: le Silo Park, comprenant comme son nom l'indique plusieurs grands silos provenant d'un ancien site industriel. La plupart d'entre eux sont recouverts de tags magnifiquement réalisés! Nous avons adoré le street art coloré et il faisait bon de s'y promener et apprécier les diverses vues du port.
Ce qu'on a également beaucoup apprécié, ce sont les nombreux parcs qui viennent apporter énormément de verdure et de fraicheur à la métropole. Nous avons alors pu avoir un avant-goût de la grandiosité de la nature néo-zélandaise, notamment avec ses arbres gigantesques, qui rendaient le passage parfois difficile, nous obligeant à grimper sur ces énormes branches et racines. Ça nous faisait aussi tout drôle de voir des églises et cathédrales, ça changeait des temples et des mosquées et, en les voyant, on s'est rendus compte à quel point ce genre de bâtisse nous avait manqué!
Notre parc préféré était celui qui est comparé au fameux Central Parc de New-York: le domaine d'Auckland. S'étendant sur 75 hectares, ce parc est un des plus grands de la ville mais aussi le plus ancien. Une fois les premiers pas franchis, on se retrouve directement plongé en pleine forêt, et l'idée que nous sommes en pleine ville nous parait impossible! Un peu plus loin se trouvent les jardins botaniques, remplis de fleurs tropicales colorées et de légumes en tous genre. Une vraie parenthèse de plénitude!
Au niveau gustatif, nous avions un fameux plaisir à regoûter à la nourriture "comme chez nous" avec même un bar belge où nous avons pu déguster un cornet de frite accompagné... d'une Jupiler! Oui oui! Fini la street food, bonjour les cafés et restaurants plus chers mais avec des menus qui nous rappelaient la maison et, l'air de rien, ça faisait du bien.
Auckland était aussi le lieu idéal pour faire du shopping dans ses nombreux magasins de seconde main. Eh oui! Si nous profitions encore de quelques rayon de soleil, cela n'allait pas durer et nous devions nous équiper de vêtements plus chauds pour affronter l'hiver! C'était également l'occasion de racheter des livres en version papier, et, à nouveau, quel plaisir après des mois de lecture sur nos liseuses.
Auckland, c'est aussi une ville riche en culture. On y retrouve en effet plusieurs galeries d'art, mais aussi des musées très intéressants. Le plus connu est le Musée du Mémorial de Guerre, qui regroupe plusieurs thématiques toutes se reliant autour de la culture océanienne en général.
C'était l'occasion idéale d'en apprendre plus sur la culture des Maoris, d'origine polynésienne, qui sont les premiers habitants de la Nouvelle-Zélande arrivés depuis l'Asie du Sud-Est dans le courant du XIIIème siècle.
C'est en 1642 que les premiers Européens sont arrivés, et parmi eux le cartographe hollandais Abel Tasman, qui a alors donné le nom de "Nova Zeelandia" aux terres, en référence à son pays d'origine et la province de Zélande. Sauf que leur arrivée a donné lieu à une grande tuerie à Golden Bay. Les Européens sont alors rentrés dar dar la queue entre les jambes, laissant les Maoris tranquille pendant environ un siècle, jusqu'à l'arrivée du capitaine anglais James Cook en 1769 avec l'idée de coloniser les terres.
En 1840, via le traité de Waitangi, la Nouvelle-Zélande passe sous la souveraineté de la couronne britannique. Sauf que ce traité diffère en fonction de la traduction anglaise ou maorie, sans surprise à l'avantage des Britanniques, ce qui a conduit en 1843 aux guerres de Nouvelle-Zélande, pendant lesquelles les troupes coloniales envahissaient les terres pour se les approprier de force.
Depuis 1947, le pays est autonome vis-à-vis de l'Angleterre sauf en ce qui concerne les questions diplomatiques et militaire. L'Angleterre garde tout de même le contrôle sur les relations extérieures de la Nouvelle-Zélande, ce qui n'est pas rien!
Aujourd'hui, les Maoris représentent environ 15% de la population et habitent majoritairement sur l'île du nord. La riche culture maorie cohabite avec la modernité occidentale, ce qui offre un contraste assez intéressant. Le sujet de la colonisation est toujours très sensible et complexe, les Maoris essayent notamment de récupérer leurs droits sur les terres qui leurs ont été volées lors des colonisations.
Quand on dit que la culture maorie est riche, nous pesons nos mots, et nous avons eu la chance d'en avoir un bel aperçu au Musée du Mémorial de Guerre: waiata (chants), diverses danses dont le fameux Haka repris par l'équipe nationale de rugby, la sculpture sur bois, le tissage, et, bien entendu, les tā moko, tatouages traditionnels emblématiques des Maoris qui sont une véritable marque de statut et d'identité, représentant qui sont les personnes qui les portent et d'où elles viennent.
Toute une partie du musée était dédiée à la faune et flore présente dans le pays. Nous avons alors pu découvrir l'emblématique kiwi (empaillé bien sûr) et ses cinq différentes espèces, le gigantesque oiseau moa qui est éteint et qui pouvait mesurer jusqu'à 3,5 mètres de haut (!!), mais aussi des squelettes de T-Rex très impressionnants!
Un jour, nous avons décidé de prendre le large et de partir à la découverte du petit village de Devonport, situé à une dizaine de minutes en bateau du port d'Auckland. Là se trouve le volcan (éteint) le plus haut de la côte Nord d'Auckland: le Mont Victoria. Culminant à 66 mètres, il nous a offert une vue imprenable sur Devonport et la ville d'Auckland en toile de fond, mais aussi sur l'île de Rangitoto, une île volcanique à la forme presque parfaite d'un volcan comme on se l'imaginerait.
Nous avons également été visiter la réserve historique de North Head, également appelée Maungauika en maori, qui est un ancien cône volcanique utilisé par les premiers Maoris comme point de vue stratégique pour se défendre, et qui a ensuite été fortifié dans un premier temps pour éviter une invasion russe dans les années 1800, et ensuite pendant les deux guerres mondiales. Finalement, aucune de ces attaques n'a eu lieu mais certains tunnels et armes à feu se trouvent toujours sur la colline. Parmi ces vestiges se trouvent notamment un canon plutôt atypique, puisqu'il a été construit de sorte à disparaître dans le sol une fois qu'un coup de feu aurait été tiré. Nous avons ainsi pu profiter une nouvelle fois d'une belle vue sur Devonport et Auckland.
Une chose est sûre, il faisait bon vivre à Devonport et nous avions l'impression d'être en vacances dans un petit village français, entre la mer qui bordait tranquillement la côte avec ses bruyantes mouettes, et ses petits restaurants où nous n'avons pas pu résister à l'appel des terrasses et aux bons fish'n chips proposés!
Dans un tout autre registre, nous avons aussi eu le temps d'aller assister à un match du sport national... Le rugby! Et pas n'importe où, puisque nous avons été dans le stade national d'Eden Park, à savoir le plus ancien et le plus grand stade du pays, véritable fief des All Blacks!
Après un bon souper composé de sortes de croquettes de pommes de terre et de pain aux champignons et fromage, nous nous sommes rendus au stade, entourés d'une multitude de supporters. Ce soir-là s'affrontaient les Blues (équipe néo-zélandaise) et les SWN Waratahs (équipe australienne). C'était assez amusant d'assister à un match où aucun de nous deux ne comprenait vraiment les règles et ce qui se passait sur le terrain, mais ça ne nous a pas empêché de passer un très bon moment en plein dans l'ambiance! Il y avait notamment la kisscam au début du match (malheureusement elle ne s'est pas pointée sur nous!), nous donnant l'impression d'être aux Etats-Unis. Heureusement, les Blues ont gagné!
C'était bien beau tout ça mais nous n'avions toujours pas de van, et ça faisait trois semaines que nous tournions en rond dans Auckland... Pourtant, nous étions au taquet dès qu'une nouvelle annonce sortait. Un jour, ça a fini par payer... Une annonce sur Facebook, un van qui a l'air magnifiquement agencé et rénové, un prix correct, mais serait-ce trop beau pour être vrai? Après plusieurs déceptions, nous n'avions plus le cœur à nous réjouir et nous faire de faux espoirs. A peine quelques minutes après que l'annonce ait été postée, Max avait déjà contacté le vendeur qui nous proposait de passer l'après-midi même pour le visiter.
Quelques heures plus tard, nous voilà chez Ronny, un Brésilien qui semble commencer son business d'achat-revente de van qu'il aménage lui-même. Quelques peu désespérés et ayant la pression de "si ce n'est pas nous qui l'achetons, il sera vendu à d'autres le jour-même", nous nous sommes décidés à l'acheter! Quelle folie! Nous avions tout de même négocié quelques extras en plus qui étaient indispensables, notamment un frigo, un réchaud ou encore des prises électriques, et nous avions ainsi convenu que nous récupérerions le véhicule quelques jours plus tard, le temps qu'il installe tout cela.
Le soir-même, nous étions un peu sonnés et étions en plein doute: "Qu'est-ce qu'on vient de faire?!" était la phrase qui revenait le plus. Nous venions de verser une belle somme d'argent à de parfaits inconnus et étions au final toujours dans notre bunker pour plusieurs jours. Et si on nous la mettait à l'envers? Et si nous étions des gros pigeons?
Finalement, trois jours plus tard, nous sommes allés récupérer notre van, qui avait comme promis tous les ajouts que nous avions demandé.
Nous qui pensions être à Auckland pour quelques jours seulement sommes restés au final presqu'un mois, nous donnant l'amère impression d'un départ arrêté alors que nous étions plus que prêts à dévorer la van life à pleine dent et voir du pays! Mais ce n'est rien, tout semblait s'être débloqué et nous étions enfin en possession de notre petite maison sur roues... Les portes de la mystérieuse Nouvelle-Zélande semblaient alors enfin s'ouvrir à nous, nous offrant un sentiment de liberté infinie et, surtout, un énorme soulagement de quitter notre bunker et pouvoir enfin commencer cette folle aventure! La van life, nous voilà!