Mardi 11 octobre. Après l'agréable randonnée au parc d'Ala Archa, nous levons les voiles direction notre premier stop autour du fameux lac d'Issyk-Kul: Tong, un (très) petit village situé sur les rives du lac, à côté de Bokonbayevo.
Quel plaisir de retrouver nos chers marchroutkas, ces mini-vans comme en Géorgie qui promettent toujours un voyage hors du commun. C'est bien sûr ironique, nous qui avions si bon dans les trains confortables et sans risques en Ouzbékistan et Kazakhstan, nous n'avions vraiment pas envie de les retrouver. Après quatre heures de trajet, entassés entre tous les locaux, puis la fin du voyage en taxi avec le chauffeur qui nous mettait du Jacques Brel dans les oreilles pour rendre le moment encore plus magique, nous arrivons enfin à Tong.
Plus on s'approchait de la destination, plus on apercevait à l'horizon les traits du lacs qui se dessinaient petit à petit... Il faut dire qu'il est vraiment impressionnant, tout d'abord par la couleur de son eau qui est d'un bleu si pur qu'il semble presque artificiel. Ensuite, par sa taille car, accrochez-vous bien, nous avons devant les yeux le second lac de montagne le plus grand et le plus haut de notre planète, après le célèbre lac Titicaca en Amérique du Sud. L'air de rien, nous sommes perchés à 1.608 mètres d'altitude, et le lac est large de 60 kilomètres pour une longueur de 182 kilomètres. Profond d'en moyenne 280 mètres (profondeur maximale de 702 mètres), il s'étend sur plus de 6.236 kilomètres carrés!
Arrivée à TongSurnommé "la mer kirghize", son nom signifie en réalité "lac chaud", rendant hommage à une de ses particularité: il ne gèle jamais grâce à son eau qui est légèrement salée. Le lac est entouré par des chaînes montagneuses enneigées qui font plus de 4.000 mètres d'altitude, nous donnant l'impression d'être face à une peinture. Bref, un décor de rêve et prestigieux, qui nous laisse sans voix et nous émerveille dès ses premiers mètres découverts depuis le marchroutka. Le contraste entre le bleu de son eau et les montagnes enneigées en arrière plan est tout simplement époustouflant et indescriptible.
Continuons à lui jeter des fleurs, car il le mérite bien, en partageant un autre record: il fait partie des vingt plus anciens lacs du monde. En 2006, des archéologues ont d'ailleurs découvert dans le fin fond de ses eaux des objets qui appartenaient à une civilisation ancienne de plus de 2.500 ans! Pour l'anecdote, le lac faisait partie des étapes des caravaniers lors de leur périple le long de la célèbre Route de la Soie, et serait également le lieu de naissance de l'épidémie de peste noire qui frappa l'Asie et l'Europe entre 1347 et 1352, propagée par les voyageurs nomades dans la région du lac.
Ce lac alpin, pure merveille de la nature, est alimenté par les nombreuses rivières et ruisseaux des montagnes avoisinantes ainsi que par la fonte des glaciers. L'eau du lac est célèbre pour sa pureté et ses diverses vertus et, par conséquent, de nombreux centres thermaux et sanatoriums pour soigner la tuberculose ont vu le jour au fil des années dans la région.
Le lac Issyk-Kul Après l'éloge de ce petit bijou naturel, parlons maintenant du logement plutôt insolite dans lequel nous avons passé quelques jours. Nous avons eu la chance d'être immergés dans la vraie vie d'une famille kirghize, à savoir vivre dans un camp de yourtes en pleine nature, situé sur les rives du lac.
Saviez-vous que le drapeau kirghiz représentait la partie centrale du toit d'une yourte? Il se compose en effet d'un soleil jaune de 40 rayons, représentant les 40 tribus kirghizes et le cœur du soleil est coupé par 6 lignes qui forment la charpente d'une yourte traditionnelle. On comprend donc vite que la yourte est un réel symbole pour le pays. Construite uniquement en bois et en feutre, on sent directement l'ambiance cosy quand on y met les pieds, avec le poêle à bois qui fait chauffer tout l'intérieur en un rien de temps.
Notre yourte Pour les repas, ils se prenaient dans une plus grande yourte, à l'entrée du camp. Il y avait toujours du café et du thé qui étaient maintenus chauds sur le poêle, avec une table remplie de biscuits et chiques à toute heure de la journée. Un vrai plaisir d'y rentrer et se poser quand les températures baissent en fin de journée. Il faut dire qu'on est en fin de saison, et que nous sommes les uniques clients avec un couple de Russes, Polina & Dimo, avec qui nous nous sommes plutôt bien entendus! Nous étions donc les quatre derniers clients de la saison, les yourtes allant être démontées quelques jours après notre départ.
Un soir, alors que la famille fêtait justement la fin de la saison de façon bien arrosée, nous attendions notre souper qui n'arrivait étonnement pas. En fait, ils étaient tous tellement imbibés tel des babas au rhum que les femmes avaient tout simplement oublier de cuisiner! Ca leur a valu un beau fou rire, et elles nous ont alors offert une belle bouteille de vodka maison pour l'attente. La mère des enfants repassait toutes les dix minutes environ remplir nos verres, et nous qui n'avions rien dans l'estomac, on peut dire que ça a bien tapé fort! Heureusement, nos amis russes sont des habitués de la vodka maison, et nous ont appris que chez eux, en Russie, pour atténuer le goût fort de l'alcool, il fallait sentir du pain après avoir pris le shot. De cette façon, c'était un peu comme si on avait quelque chose dans le ventre et l'alcool était censé ne pas trop nous tomber dans les pattes. Nous insistons sur le "était censé".
On a vraiment eu trop bon ce soir là, et on est restés à discuter et échanger plusieurs heures avec Polina et Dimo, qui s'avèrent être également des amoureux de voyage, ainsi qu'avec la famille kirghize. C'est assez étonnant mais le chef/propriétaire du camp travaille en fait en Allemagne plusieurs mois par an. On a également appris qu'une partie de leurs activités consistait à construire des yourtes et les exporter, notamment en Europe.
Chapeaux traditionnels testés et validés Le lendemain matin, c'est un peu la tête dans le chou que nous nous réveillons. La famille a fait la nouba toute la nuit, et nous avons du nous réveiller plusieurs fois pour alimenter le feu. Nous avons alors appris quelque chose d'assez étonnant et surtout utile: faire brûler de la bouse de vache séchée est bien plus efficace que du bois! Ici, il y a carrément un petit abri rempli de bouses empilées, dans lequel nous allions nous servir chaque soir. L'air frais nous frappe bien au visage dès la sortie de la yourte et nous remet vite les idées en place. Si le petit-déjeuner était d'habitude servi vers 8h30 tapante, ce matin, les femmes avaient également du mal et nous l'ont servi deux bonnes heures plus tard.
Si l'intérieur des yourtes est très atypique, le reste du camp et ses extérieurs est tout autant différent de ce qu'on a l'habitude de connaître. Ici par exemple, il est normal de voir des vaches brouter tranquillement à côté de nous, l'une ou l'autre se faisant chasser de temps à autre par un des deux chiens ou un des enfants qui agit déjà comme ses parents le feraient. A côté des vaches, chevaux et moutons qui se promènent en toute liberté dans l'immense champ en face de notre camp, la famille a un chat qui semble être une panthère des neiges version miniature et deux chiens, dont un chiot.
Un vrai petit zooAu niveau des infrastructures, la famille vit dans une yourte plus grande avec des "vraies" fenêtres, il y a également un grand tipi et plusieurs toilettes-cabanes. Il y avait des douches extérieures, mais on a pas osé tester vu comme il faisait froid! Il y avait aussi des grandes balançoires, des totems en bois colorés, un genre de sauna fait maison mais qui était plutôt réservé à la famille, le tout agrémenté de jolis arbres aux couleurs automnales qui venaient accentuer la beauté des lieux.
Le camp de yourtes Les photos sont d'autant plus belles avec les dernières lumières du jour...
Des photos valent mieux que mille mots Un jour, Polina & Dimo nous avaient proposés de faire une ballade à cheval avec eux le long du lac, avec comme guide le père qui vivait également au camp de yourte. Malheureusement, impossible pour nous de retenir leurs prénoms et nous n'avons pas pensé sur le moment à les écrire...
"Tcho!" La ballade a duré tout l'après-midi, nous faisant d'abord longer le lac jusqu'à arriver sur une plage déserte, où les chevaux avaient bon de se rouler dans le sable et s'abreuver de la bonne eau fraîche du lac. Cette même eau qui n'a pas découragé notre ami Dimo de faire un petit plongeon dans l'eau glacée, tout nu! Ensuite, on a repris la route et nous sommes passés par des plateaux et petites collines dont l'altitude devient bien impressionnante lorsqu'on est sur des chevaux déjà bien hauts! Mais la beauté des paysages valait bien quelques frayeur, et Anne a même eu la chance de galoper sur la plage et dans les collines avec le guide qui tirait, depuis son cheval, celui d'Anne. Galoper quand on a que très peu monté de sa vie est assez rock'n roll, et ça a bien faire rire notre guide de la voir rebondir sur sa selle en criant, persuadée qu'elle allait finir sous le cheval! De retour au camp, nous avons alors partagé une énorme pastèque et quelques biscuits, une bien belle après-midi qui s'achevait tout doucement.
Pause à la plage Fin d'une belle après-midiDans la famille, il y a quatre enfants, un garçon d'une dizaine d'années et ses trois petites sœurs qui débordent d'énergie. C'est assez cliché à dire mais pourtant vrai: ils s'amusaient avec un rien, car ils n'avaient pas de jouet, tout simplement. La créativité avait alors carte blanche et un simple morceau de bois se transformait tantôt en guitare (électrique, apparemment), tantôt en micro ou encore en raquette. Si le garçon était plutôt discret, les trois petites filles étaient plus ouvertes et on a partagé de très bons moments ensemble. Elles étaient si belles et adorables, toujours en train de rigoler.
Un petit coin de paradis perduLe dernier matin, Anne s'est réveillée pour aller aux toilettes, qui se trouvent à l'autre bout du camp, juste à côté de l'entrée. Elle était alors loin de s'imaginer que cette pause pipi allait se transformer en un moment qu'elle n'allait pas être prête d'oublier. Tout d'abord, la beauté du lac une fois la porte de la yourte ouverte. Ensuite, le silence des lieux. Un vrai silence, paisible, là où les seuls bruits proviennent de la nature. Une vache qui broute, un oiseau qui prend son envol, ou les chevaux qui hennissent au loin.
Plutôt que de retourner dar dar dans la yourte, elle a décidé de traverser la route et d'admirer le paysage ou plutôt le spectacle qui se présentait à elle: des bêtes arrivaient au loin dans l'immense prairie entourée des montagnes enneigées et tapissée d'une légère brume. Le troupeau qui n'était qu'une ombre se dessinait alors de plus en plus pour se transformer en un groupe de vaches et veaux, qui sont finalement passés à ses pieds, en la regardant tranquillement.
Comment bien commencer la journée En revenant vers la yourte, elle croisa les trois fillettes qui jouaient sur les balançoires et elles semblaient avoir bien envie qu'Anne les rejoigne. C'était donc parti pour un petit show de gymnastique improvisé et les fous rires n'ont pas tardé à réveiller le camp de yourtes. Qu'est-ce qu'on a eu bon... Ce moment peut peut-être paraitre anodin et pourtant on ne se rendait alors pas encore compte qu'on était en train de créer un des plus beaux souvenirs du voyage.
Les petites chipies Ce passage au camp de yourtes s'est avéré être une expérience incroyablement riche, magnifique et émouvante. Rien qu'en écrivant ces lignes, nous sentons l'émotion qui monte tellement ce séjour a été marquant. Hors du temps, loin de tout,... On n'a cessé de répéter que là, on se sentait heureux. Que là, il n'y avait pas de stress, pas de tracas, pas d'anxiété… Tout était simple, pas de chichis, juste la belle vie.
Impossible de trouver un mot pour exprimer tout ce qu'on a ressenti à cet endroit, un feeling général qui était pur et léger, qui nous a fait voyager et rempli nos cœurs de beaucoup d'amour et de tendresse. Ce n'étaient que deux nuits mais nous sommes sorti de là avec l'impression d'y être resté des semaines, la déconnexion a été totale et nous a fait le plus grand bien.
La famille qui nous a accueilli a bien sûr activement participé au fait qu'on en ait un souvenir si beau. Le couple de russes, Polina & Dimo, qui séjournaient également au camp, aussi. C'est donc plein de bonnes énergies que nous allons continuer notre périple dans ce pays qui semble nous réserver bien des surprises...
Une partie de la famille ainsi que Polina & Dimo