Carnet de voyage

Kirghizistan

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En plein cœur des montagnes
Du 9 au 28 octobre 2022
20 jours
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Dimanche 9 octobre. Après un trajet de 5h30 de train et le passage officiel de la frontière entre le Kazakhstan et le Kirghizistan, nous voilà bien arrivés à Bichkek, capitale du pays.

 Kirghizistan, on arrive!

Si la Géorgie nous avait déjà séduite de par ses 80% de territoire recouvert par des chaînes montagneuses, le Kirghizistan monte la barre encore plus haut: 90% du pays est recouvert de montagnes atteignant une altitude moyenne de 2.750 mètres. Le pays n'a aucun accès à la mer et a la particularité d'être "divisé" en deux, entre le nord et le sud, par des cols de minimum 2.700 m d'altitude. Son point culminant? Un beau petit bébé de 7.439 mètres, situé à la frontière avec la Chine: le Pic Pobedy, signifiant "victoire" en russe.

La devise ici est le som (KGS) et les deux langues officielles sont, sans surprise, le kirghize et le russe.

En arrivant en octobre, on est clairement en fin de saison et tout n'est plus accessible en termes d'activités ou de randos. Il faut ajouter à cela le fait que voyager au sein du pays n'est pas évident à cause de toute les montagnes (temps de transports très long, peu voire pas de liaisons de trains,...). On a alors limité notre séjour au nord du pays, en faisant un tour du lac Issyk Kul, appelé aussi lac Lessik, où nous devions de base passer notre séjour à la ferme.

Som & auberge de jeunesse  

On a alors commencé notre séjour kirghiz à Bichkek, qui se trouve déjà à 800 mètres d'altitude. Sachant qu'on y repassait pour terminer notre séjour, nous n'avons pas visité la ville mais plutôt le magnifique parc national d'Ala Archa, situé à une quarantaine de kilomètres au sud de la capitale. Pour l'anecdote, nous avons du séjourner une nuit dans une auberge et bouger directement le lendemain dans une autre, crise du logement oblige.

 Parc National d'Ala Archa

Pour nous rendre au parc national, pas le choix que de prendre un taxi jusque là, que nous avons partagé avec un jeune américain, Conor, qui logeait dans la même auberge que nous. Si lui avait pour envie de se balader tranquillement dans le parc, nous avions un autre objectif en tête: atteindre une cascade située quelque part en haut dans les montagnes. Si la randonnée ne prévoyait qu'une dizaine de kilomètres, elle se rattrapait avec son dénivelé positif qui piquait bien fort, et nous faisait un bel entraînement pour les semaines à venir!

Archa signifie "plusieurs groupes de genévriers". Un genévrier étant en fait un groupement d'une soixantaine d'espèces d'arbres et arbustes. Celui-ci joue un rôle majeur dans les croyances kirghizes: la fumée émanant du brûlage de son bois éloignerait les mauvais esprits. Bon, on a pas testé mais en tout cas, on a adoré le paysage que ces arbres nous offraient et ce, dès les premiers mètres parcourus!

 Ces couleurs!

Des couleurs juste magnifiques, des sapins bien touffus partout, ses gorges à l'intérieur desquelles s'écoule la rivière d'Ala Archa, qui est d'une couleur également superbe. Comment ne pas tomber amoureux de cet endroit? Nous en tout cas, c'est tout ce qu'on aime. Et on comprend vite qu'on a mis les pieds dans un pays qu'on avait bien sous-estimé.

Après une belle ascension, nous trouvons un spot à la vue bien dégagée pour manger notre baguette et fromage, le tout agrémenté d'une petite tomate bien fraîche et d'une banane. On raconte que le bonheur se trouve dans les choses simples...

Un dîner (presque) parfait 

C'est donc requinqués qu'on se met en jambe pour l'ultime ascension, devant nous mener à la fameuse cascade. Bon, la cascade était un peu un prétexte pour randonner, car on craignait qu'elle soit gelée et en effet, une fois sur place, d'autres promeneurs ont confirmé nos craintes. Mais ça ne fait rien, on n'est pas des grands fans de cascades et les alentours sont tellement à couper le souffle qu'on en a déjà bien assez plein les yeux comme ça.

On a tout de même continué notre chemin vers la cascade, qu'on a vue au loin et quand même photographiée juste pour la forme. Plus on s'avançait vers elle, plus on se doutait qu'il n'y coulerait pas grand chose : l'eau d'un petit ruisseau commençait à cristalliser de gel, et on a même vu notre première neige du voyage!

La cascade gelée et ses signes avant coureurs 

Le redescente dans la vallée fut tout aussi belle et haute en couleurs. En plus, nous étions quasi seuls au monde car peu de personnes s'aventuraient jusque là-haut, le parc national offrant plusieurs possibilités de parcours. Nous avons alors terminé notre rando en franchissant des belles forêts calmes, mais aussi habitées par des énormes écureuils, bien conscients de ce que nous, biesses de touristes, on pouvait leur apporter: de la nourriture! On n'avait encore jamais vu des écureuils si peu craintifs, ils venaient manger directement dans nos mains et n'hésitaient pas à nous courir après pour vérifier de leurs propres yeux que nous n'avions plus rien à leur offrir.

Derniers kilomètres 

Le soleil a également fait sa petite descente, prenant avec lui sous sa manche les températures. On va pas se mentir: ça caille! Le deal qui avait été fait avec le taxi était qu'il nous attende puis qu'il nous ramène jusqu'à notre auberge (oui oui!). Sauf qu'il est plutôt retourné chez lui, ce qu'on peut comprendre, et qu'il est revenu une bonne heure après notre descente. On a alors enfilé toutes les couches qu'on avait avec nous, et heureusement un homme vendait du café sur le parking depuis sa petite camionnette-cahute.

Pendant que nous nous réchauffions avec nos cafés, on entendit au loin les miaulements d'un chat, plutôt plaintifs et bien aigus, nous laissant penser que ce pauvre petit n'allait pas bien. Anne essaye alors de l'approcher, mais le marchand de café lui explique que c'est un habitué. En fait ce chat, doté du même objectif que ses voisins les écureuils (manger!!!), vient tous les jours, à la même heure, réclamer son lait chaud, que le marchand lui serre avec plaisir. Si ça c'est pas mignon...

 Tout type de clientèle

Voilà enfin notre taxi qui arrive, il était plus que temps pour notre colocataire américain qui n'avait pas prévu le coup et était habillé d'un simple jeans, pull à capuche et petites baskets. On espère qu'à l'heure où nous écrivons ces lignes, il s'est enfin réchauffé! Petit pépin sur le trajet du retour, pas pour notre voiture mais pour un autre conducteur au bord de la route qui vient de crever son pneu. Si en Belgique on ferait mine de n'avoir rien vu et qu'on passerait notre chemin en nous disant que le prochain s'arrêtera, que nenni pour les kirghizes qui s'arrêtent naturellement (on a pu l'observer à plusieurs reprises durant notre séjour). Il s'est avéré que le malheureux chauffeur avait choisi un spot plutôt pas mal pour sa crevaison: le long de la rivière d'Ala Archa, avec les derniers rayons du soleil qui perçaient les sommets des montagnes avoisinantes.

Ce moment imprévu vient confirmer ce qu'on pensait, cet endroit est d'une beauté difficile à exprimer avec des mots, et nous y avons passé une première journée kirghize magnifique. Ce qu'on ne savait pas encore, c'est qu'à peu près tous les autres endroits que nous avons eu la chance de visiter sont d'une beauté aussi incroyable que ce parc national, ce qui fera qu'on aura un véritable coup de cœur pour ce pays.

Show final d'Ala Archa 
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Mardi 11 octobre. Après l'agréable randonnée au parc d'Ala Archa, nous levons les voiles direction notre premier stop autour du fameux lac d'Issyk-Kul: Tong, un (très) petit village situé sur les rives du lac, à côté de Bokonbayevo.

Quel plaisir de retrouver nos chers marchroutkas, ces mini-vans comme en Géorgie qui promettent toujours un voyage hors du commun. C'est bien sûr ironique, nous qui avions si bon dans les trains confortables et sans risques en Ouzbékistan et Kazakhstan, nous n'avions vraiment pas envie de les retrouver. Après quatre heures de trajet, entassés entre tous les locaux, puis la fin du voyage en taxi avec le chauffeur qui nous mettait du Jacques Brel dans les oreilles pour rendre le moment encore plus magique, nous arrivons enfin à Tong.

Plus on s'approchait de la destination, plus on apercevait à l'horizon les traits du lacs qui se dessinaient petit à petit... Il faut dire qu'il est vraiment impressionnant, tout d'abord par la couleur de son eau qui est d'un bleu si pur qu'il semble presque artificiel. Ensuite, par sa taille car, accrochez-vous bien, nous avons devant les yeux le second lac de montagne le plus grand et le plus haut de notre planète, après le célèbre lac Titicaca en Amérique du Sud. L'air de rien, nous sommes perchés à 1.608 mètres d'altitude, et le lac est large de 60 kilomètres pour une longueur de 182 kilomètres. Profond d'en moyenne 280 mètres (profondeur maximale de 702 mètres), il s'étend sur plus de 6.236 kilomètres carrés!

 Arrivée à Tong

Surnommé "la mer kirghize", son nom signifie en réalité "lac chaud", rendant hommage à une de ses particularité: il ne gèle jamais grâce à son eau qui est légèrement salée. Le lac est entouré par des chaînes montagneuses enneigées qui font plus de 4.000 mètres d'altitude, nous donnant l'impression d'être face à une peinture. Bref, un décor de rêve et prestigieux, qui nous laisse sans voix et nous émerveille dès ses premiers mètres découverts depuis le marchroutka. Le contraste entre le bleu de son eau et les montagnes enneigées en arrière plan est tout simplement époustouflant et indescriptible.

Continuons à lui jeter des fleurs, car il le mérite bien, en partageant un autre record: il fait partie des vingt plus anciens lacs du monde. En 2006, des archéologues ont d'ailleurs découvert dans le fin fond de ses eaux des objets qui appartenaient à une civilisation ancienne de plus de 2.500 ans! Pour l'anecdote, le lac faisait partie des étapes des caravaniers lors de leur périple le long de la célèbre Route de la Soie, et serait également le lieu de naissance de l'épidémie de peste noire qui frappa l'Asie et l'Europe entre 1347 et 1352, propagée par les voyageurs nomades dans la région du lac.

Ce lac alpin, pure merveille de la nature, est alimenté par les nombreuses rivières et ruisseaux des montagnes avoisinantes ainsi que par la fonte des glaciers. L'eau du lac est célèbre pour sa pureté et ses diverses vertus et, par conséquent, de nombreux centres thermaux et sanatoriums pour soigner la tuberculose ont vu le jour au fil des années dans la région.

Le lac Issyk-Kul 

Après l'éloge de ce petit bijou naturel, parlons maintenant du logement plutôt insolite dans lequel nous avons passé quelques jours. Nous avons eu la chance d'être immergés dans la vraie vie d'une famille kirghize, à savoir vivre dans un camp de yourtes en pleine nature, situé sur les rives du lac.

Saviez-vous que le drapeau kirghiz représentait la partie centrale du toit d'une yourte? Il se compose en effet d'un soleil jaune de 40 rayons, représentant les 40 tribus kirghizes et le cœur du soleil est coupé par 6 lignes qui forment la charpente d'une yourte traditionnelle. On comprend donc vite que la yourte est un réel symbole pour le pays. Construite uniquement en bois et en feutre, on sent directement l'ambiance cosy quand on y met les pieds, avec le poêle à bois qui fait chauffer tout l'intérieur en un rien de temps.

Notre yourte 

Pour les repas, ils se prenaient dans une plus grande yourte, à l'entrée du camp. Il y avait toujours du café et du thé qui étaient maintenus chauds sur le poêle, avec une table remplie de biscuits et chiques à toute heure de la journée. Un vrai plaisir d'y rentrer et se poser quand les températures baissent en fin de journée. Il faut dire qu'on est en fin de saison, et que nous sommes les uniques clients avec un couple de Russes, Polina & Dimo, avec qui nous nous sommes plutôt bien entendus! Nous étions donc les quatre derniers clients de la saison, les yourtes allant être démontées quelques jours après notre départ.

Un soir, alors que la famille fêtait justement la fin de la saison de façon bien arrosée, nous attendions notre souper qui n'arrivait étonnement pas. En fait, ils étaient tous tellement imbibés tel des babas au rhum que les femmes avaient tout simplement oublier de cuisiner! Ca leur a valu un beau fou rire, et elles nous ont alors offert une belle bouteille de vodka maison pour l'attente. La mère des enfants repassait toutes les dix minutes environ remplir nos verres, et nous qui n'avions rien dans l'estomac, on peut dire que ça a bien tapé fort! Heureusement, nos amis russes sont des habitués de la vodka maison, et nous ont appris que chez eux, en Russie, pour atténuer le goût fort de l'alcool, il fallait sentir du pain après avoir pris le shot. De cette façon, c'était un peu comme si on avait quelque chose dans le ventre et l'alcool était censé ne pas trop nous tomber dans les pattes. Nous insistons sur le "était censé".

On a vraiment eu trop bon ce soir là, et on est restés à discuter et échanger plusieurs heures avec Polina et Dimo, qui s'avèrent être également des amoureux de voyage, ainsi qu'avec la famille kirghize. C'est assez étonnant mais le chef/propriétaire du camp travaille en fait en Allemagne plusieurs mois par an. On a également appris qu'une partie de leurs activités consistait à construire des yourtes et les exporter, notamment en Europe.

Chapeaux traditionnels testés et validés 

Le lendemain matin, c'est un peu la tête dans le chou que nous nous réveillons. La famille a fait la nouba toute la nuit, et nous avons du nous réveiller plusieurs fois pour alimenter le feu. Nous avons alors appris quelque chose d'assez étonnant et surtout utile: faire brûler de la bouse de vache séchée est bien plus efficace que du bois! Ici, il y a carrément un petit abri rempli de bouses empilées, dans lequel nous allions nous servir chaque soir. L'air frais nous frappe bien au visage dès la sortie de la yourte et nous remet vite les idées en place. Si le petit-déjeuner était d'habitude servi vers 8h30 tapante, ce matin, les femmes avaient également du mal et nous l'ont servi deux bonnes heures plus tard.

Si l'intérieur des yourtes est très atypique, le reste du camp et ses extérieurs est tout autant différent de ce qu'on a l'habitude de connaître. Ici par exemple, il est normal de voir des vaches brouter tranquillement à côté de nous, l'une ou l'autre se faisant chasser de temps à autre par un des deux chiens ou un des enfants qui agit déjà comme ses parents le feraient. A côté des vaches, chevaux et moutons qui se promènent en toute liberté dans l'immense champ en face de notre camp, la famille a un chat qui semble être une panthère des neiges version miniature et deux chiens, dont un chiot.

 Un vrai petit zoo

Au niveau des infrastructures, la famille vit dans une yourte plus grande avec des "vraies" fenêtres, il y a également un grand tipi et plusieurs toilettes-cabanes. Il y avait des douches extérieures, mais on a pas osé tester vu comme il faisait froid! Il y avait aussi des grandes balançoires, des totems en bois colorés, un genre de sauna fait maison mais qui était plutôt réservé à la famille, le tout agrémenté de jolis arbres aux couleurs automnales qui venaient accentuer la beauté des lieux.

Le camp de yourtes 

Les photos sont d'autant plus belles avec les dernières lumières du jour...

Des photos valent mieux que mille mots 

Un jour, Polina & Dimo nous avaient proposés de faire une ballade à cheval avec eux le long du lac, avec comme guide le père qui vivait également au camp de yourte. Malheureusement, impossible pour nous de retenir leurs prénoms et nous n'avons pas pensé sur le moment à les écrire...

"Tcho!" 

La ballade a duré tout l'après-midi, nous faisant d'abord longer le lac jusqu'à arriver sur une plage déserte, où les chevaux avaient bon de se rouler dans le sable et s'abreuver de la bonne eau fraîche du lac. Cette même eau qui n'a pas découragé notre ami Dimo de faire un petit plongeon dans l'eau glacée, tout nu! Ensuite, on a repris la route et nous sommes passés par des plateaux et petites collines dont l'altitude devient bien impressionnante lorsqu'on est sur des chevaux déjà bien hauts! Mais la beauté des paysages valait bien quelques frayeur, et Anne a même eu la chance de galoper sur la plage et dans les collines avec le guide qui tirait, depuis son cheval, celui d'Anne. Galoper quand on a que très peu monté de sa vie est assez rock'n roll, et ça a bien faire rire notre guide de la voir rebondir sur sa selle en criant, persuadée qu'elle allait finir sous le cheval! De retour au camp, nous avons alors partagé une énorme pastèque et quelques biscuits, une bien belle après-midi qui s'achevait tout doucement.

 Pause à la plage
 Fin d'une belle après-midi

Dans la famille, il y a quatre enfants, un garçon d'une dizaine d'années et ses trois petites sœurs qui débordent d'énergie. C'est assez cliché à dire mais pourtant vrai: ils s'amusaient avec un rien, car ils n'avaient pas de jouet, tout simplement. La créativité avait alors carte blanche et un simple morceau de bois se transformait tantôt en guitare (électrique, apparemment), tantôt en micro ou encore en raquette. Si le garçon était plutôt discret, les trois petites filles étaient plus ouvertes et on a partagé de très bons moments ensemble. Elles étaient si belles et adorables, toujours en train de rigoler.

 Un petit coin de paradis perdu

Le dernier matin, Anne s'est réveillée pour aller aux toilettes, qui se trouvent à l'autre bout du camp, juste à côté de l'entrée. Elle était alors loin de s'imaginer que cette pause pipi allait se transformer en un moment qu'elle n'allait pas être prête d'oublier. Tout d'abord, la beauté du lac une fois la porte de la yourte ouverte. Ensuite, le silence des lieux. Un vrai silence, paisible, là où les seuls bruits proviennent de la nature. Une vache qui broute, un oiseau qui prend son envol, ou les chevaux qui hennissent au loin.

Plutôt que de retourner dar dar dans la yourte, elle a décidé de traverser la route et d'admirer le paysage ou plutôt le spectacle qui se présentait à elle: des bêtes arrivaient au loin dans l'immense prairie entourée des montagnes enneigées et tapissée d'une légère brume. Le troupeau qui n'était qu'une ombre se dessinait alors de plus en plus pour se transformer en un groupe de vaches et veaux, qui sont finalement passés à ses pieds, en la regardant tranquillement.

Comment bien commencer la journée 

En revenant vers la yourte, elle croisa les trois fillettes qui jouaient sur les balançoires et elles semblaient avoir bien envie qu'Anne les rejoigne. C'était donc parti pour un petit show de gymnastique improvisé et les fous rires n'ont pas tardé à réveiller le camp de yourtes. Qu'est-ce qu'on a eu bon... Ce moment peut peut-être paraitre anodin et pourtant on ne se rendait alors pas encore compte qu'on était en train de créer un des plus beaux souvenirs du voyage.

Les petites chipies 

Ce passage au camp de yourtes s'est avéré être une expérience incroyablement riche, magnifique et émouvante. Rien qu'en écrivant ces lignes, nous sentons l'émotion qui monte tellement ce séjour a été marquant. Hors du temps, loin de tout,... On n'a cessé de répéter que là, on se sentait heureux. Que là, il n'y avait pas de stress, pas de tracas, pas d'anxiété… Tout était simple, pas de chichis, juste la belle vie.

Impossible de trouver un mot pour exprimer tout ce qu'on a ressenti à cet endroit, un feeling général qui était pur et léger, qui nous a fait voyager et rempli nos cœurs de beaucoup d'amour et de tendresse. Ce n'étaient que deux nuits mais nous sommes sorti de là avec l'impression d'y être resté des semaines, la déconnexion a été totale et nous a fait le plus grand bien.

La famille qui nous a accueilli a bien sûr activement participé au fait qu'on en ait un souvenir si beau. Le couple de russes, Polina & Dimo, qui séjournaient également au camp, aussi. C'est donc plein de bonnes énergies que nous allons continuer notre périple dans ce pays qui semble nous réserver bien des surprises...

Une partie de la famille ainsi que Polina & Dimo 
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Jeudi 13 octobre. Après nos au revoir au camp de yourtes, Polina & Dimo, qui louaient une voiture, nous ont gentiment déposés le long de la grand route. Ici les locaux se déplacent beaucoup en taxis partagés, c'est-à-dire que plusieurs personnes qui vont dans la même direction prennent le même taxi et partagent les frais. On aime plutôt bien ce concept, et on se prend au jeu des négociations de prix à chaque taxi qui s'arrête. Pour se comprendre, on inscrit les prix directement sur le capot de la voiture, souvent bien poussiéreuse avec toute la grand route qui est en travaux.

Nous voilà donc partis pour un trajet d'une trentaine de minutes en taxi partagé, direction Kaji-Say, un autre petit village situé à une quinzaine de kilomètres de Tong. Nous y faisons un stop d'une nuit, histoire d'avoir le temps de visiter un lieu emblématique de la région: le Fairy Tale Canyon, appelé aussi le canyon de Skazka.

Situé à une vingtaine de kilomètres de notre logement, nous marchons jusque la grand route en travaux, avec pour idée de faire du stop jusque là. On a à peine eu le temps d'arriver au bord de la route, qu'un des nombreux camions qui travaillent nous klaxonne et s'arrête quelques mètres plus loin. Nous voilà donc pris en stop, sans lever le pouce on le précise, par un jeune ouvrier qui avait simplement envie de partager une partie de son trajet avec deux jeunes touristes.

Fan d'électro, il connaît la Belgique grâce à la Tomorrowland et nous fait brancher nos téléphones sur sa radio pour qu'on lui partage nos musiques préférées. Son job consiste à répandre de l'eau sur la route, très poussiéreuse. Il avance donc à un rythme très très lent, et il nous aura fallu environ une heure pour arriver à destination. A un moment donné, il est même descendu de son camion pour activer le "robinet" à l'arrière de son camion, tout ça sans avoir arrêté son engin! Nous étions alors là comme deux biesses, passagers d'un camion citerne qui avançait tout seul, sans conducteur. Il nous propose une pomme à manger, laisse Anne klaxonner à chaque fois qu'on croise d'autres ouvriers (c'est-à-dire tous les 10 mètres!) et il a le rire facile, si bien que ce moment complètement inattendu s'est transformé en un souvenir très agréable! Avec en prime le lac qui nous accompagnait sur le côté, nous offrant des vues magnifiques.

Arrivée en fanfare 
 Un trajet pas comme les autres

Après ce trajet rocambolesque, nous voilà au Canyon Skazka. Skazka est la traduction russe de fairy tale, qui signifie "conte de fée" en français. Et en effet, après une longue marche à pied pour y arriver, on a un peu l'impression de rêver en trouvant ce canyon caché! Aux airs de désert avec sa couleur orangée, ces formations rocheuses sont le résultat de milliers d'années d'érosion causée par l'eau, la glace et le vent.

 Canyon, lac & montagnes enneigées. What else?

Son côté désert, sec et rocheux dénote complètement avec les paysages que nous avons l'habitude de voir au Kirghizistan. On a vraiment l'impression que ça pourrait être un (énorme) décor de cinéma, posé là au milieu des montagnes.

Ce "décor", il serait apparu suite à un chagrin d'amour d'un dragon. Bon, ça c'est la légende qui le dit bien sûr... Pour la petite histoire, on raconte qu'un dragon serait tombé fou amoureux d'une femme vivant dans une ancienne cité, mais, rejetant son amour, le dragon aurait maudit la vallée. Et on peut dire qu'il n'y est pas allé de main morte, puisque sa malédiction consistait à inonder la ville à chaque nuit de pleine lune, jusqu'à ce que la femme accepte de l'épouser. Ce serait suite à une de ces inondations que le lac d'Issyk Kul se serait formé et le dragon, choqué de voir ce que sa malédiction avait créé, se serait transformé en roche, constituant le Fairy Tale Canyon dans lequel nous nous trouvons.

Le Fairy Tale Canyon

Les couleurs de la roche nous rappellent par moment Cappadoce en Turquie, avec des teintes variant entre le rouge, l'orange et le jaune. C'est vraiment impressionnant et on a eu bon de gambader entre toutes ces formations rocheuses. Certains comparent même une partie du canyon avec la grande muraille de Chine, et c'est vrai que c'est assez frappant de voir ce que la nature a formé.

La "muraille", les couleurs de Cappadoce & une visiteuse particulière

Pour le trajet retour, nous ne parvenons pas à faire du stop pour nous ramener jusqu'à la grand route et marchons alors un long moment sous un soleil bien tapant, le temps de rejoindre la fameuse route en travaux. Le conte de fée du canyon semblait alors s'être étendu encore un petit instant, lorsqu'on aperçoit au bord du lac un groupe de chevaux sauvages, qui galopaient la crinière dans le vent. Ce spectacle nous laisse complètement bouche bée. C'était d'une beauté indescriptible... Il n'y avait pas d'autre bruit que celui de leur galop tapant le sable, avec le bleu du lac sous leurs sabots et les chaînes de montagnes enneigées en fond.

Merci pour le spectacle 

La fin de journée approche et nous levons le pouce pour rentrer à notre guesthouse, où un bon repas réconfortant et généreux nous attendait. Le premier véhicule qui nous voit s'arrête directement et il s'agissait... D'un autre camion! Moins bavard et plus sérieux, notre conducteur était parti pour un long voyage jusqu'au bout du lac. On a alors pu apprécier une nouvelle fois la beauté du lac avec le soleil qui se couchait et dévoilait des couleurs orangées comme le canyon. Un régal! Voilà encore une journée pas comme les autres qui se termine, agrémentée par la beauté du canyon qui nous en a mis plein les yeux, sans oublier les alentours, mais aussi et surtout la bonté des locaux qui nous donnent le sourire et nous font vivre des moments simples mais remplis de bienveillance.

Fin d'une belle journée 
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Vendredi 14 octobre. Après une bonne nuit de sommeil, nous montons dans un taxi partagé et prenons la route en direction du petit village de Barskoon, situé à une heure environ de Kaji-Say. Dernier saut de puce avant de nous poser pour une dizaine de jours à Karakol. Nous avions pour objectif de faire un trek qui devait durer toute l'après-midi, nous menant à une des plus belles et impressionnantes cascades du pays. Barskoon signifie d'ailleurs "les larmes du léopard de neige", en hommage aux chutes d'eau mais également aux nombreux léopards qui habitent la région. Si Maxime aurait beaucoup aimé en apercevoir un de loin, Anne était plutôt soulagée de ne pas croiser leur route.

Sauf que, rapidement, la journée n'en a fait qu'à sa tête et notre plan de rando est vite tombé à l'eau. (Et pas dans l'eau de la cascade, si on peut se permettre le petit jeu de mot facile, car on ne l'aura finalement jamais vue!).

Commençons par le commencement, à savoir rejoindre les gorges de Barskoon. Naïvement, on pensait qu'elles devaient se trouver à quelques kilomètres de notre maison d'hôtes, et il est vrai que nous n'avions pas pensé à vérifier la distance, et les infos trouvées sur internet n'étaient pas très claires. On commence à comprendre notre erreur lorsqu'un homme nous voit marcher, bien motivés, et qu'il semble plutôt surpris quand on lui explique qu'aujourd'hui, on va visiter la cascade de Barskoon, et à pieds s'il vous plaît! Finalement ces fameux pieds ont été vite ramenés sur terre lorsqu'il nous expliqua que c'était une fameuse trotte et qu'à part en y allant en voiture, on n'y arriverait pas. On le remercie pour son aide et allons nous poster quelques mètres plus loin, et switchons notre moyen de locomotion des pieds à la main: nous irons donc en stop!

 Bien décidés à y aller à pieds

Une voiture passe, puis deux, puis trois... Suffisamment pour faire pitié au monsieur qui, resté dans sa voiture un peu plus loin et assistant au spectacle, nous proposa finalement de nous charger pour une partie du trajet, ce que nous acceptons bien sûr!

Après quelques kilomètres, il nous dépose le long d'une route, très peu fréquentée. Bon, c'est pas encore gagné mais au moins on s'en rapproche de cette fameuse cascade. Nos pouces reprennent alors leurs fonctions et une voiture fini par s'arrêter. Le conducteur est un jeune kirghiz, très curieux d'en savoir plus sur nous et notre voyage. Il nous avait déjà vu une heure auparavant faire du stop, et s'était dit que cette fois-ci il ne pouvait pas encore nous laisser sur le quai. Il nous parle de son pays et nous échangeons ainsi assez naturellement jusqu'à atteindre la vallée.

En plus d'avoir complètement changé son itinéraire pour nous (il allait dans la direction opposée!), il s'excuse une fois arrivé sur place de ne pas pouvoir nous attendre le temps de notre trek pour nous reconduire chez nous après. C'est juste dingue de tomber sur des personnes pareilles, le cœur sur la main, ouverts et désireux d'échanger et discuter de nos vies respectives qui sont si différentes.

 Bienvenue dans les gorges de Barskoon

Nous voilà donc dans le creux de la vallée, entourés de montagnes enneigées plus belles les unes que les autres, et surtout très massives et impressionnantes de par leur hauteur et surface. A côté de nous coule une rivière d'une couleur bleue azur, provenant directement de ces montagnes, et apportant à cet endroit un côté encore plus magique. Sans parler des forêts et ses sapins qui apportent un côté alpin qui nous séduit au premier coup d'œil.

Si la beauté du lieu nous frappe dès notre arrivée, on remarque également un groupe assez important de touristes, qui semblent se faire un vrai festin. C'est qu'ils nous donnent envie, avec leurs odeurs de nourriture chaude et réconfortante, nous qui n'avons pas dîné et avions prévu uniquement un morceau de fromage et une baguette qui tirait déjà la tronche... Il n'aura pas fallu longtemps pour qu'on nous accoste, qu'on nous propose de nous servir et de manger tout ce qu'on veut. On est alors pris d'un rire un peu euphorique à l'idée d'avoir accès à tout ce qui nous semblait si bons quelques secondes auparavant!

Un dîner qui tombe à pic! 

On a donc savouré une bonne assiette, composée notamment d'une chakchouka, de pain et de diverses salades. On apprend en discutant avec eux qu'il s'agit d'un groupe de touristes israéliens, qui visitent le pays avec des guides en voiture. En plus de nous apprendre que les israéliens sont des personnes nous semble-t-il très généreuses, ils nous informent également que le trek qu'on prévoyait n'avait pas grand intérêt, étant donné que la cascade était complètement gelée.

Et honnêtement, en attendant ça, eh ben on est pas très déçus et puis on s'en doutait un peu. Il faut dire que le trajet a été quand même long, qu'on a l'estomac bien rempli et que finalement on a plus tant l'envie, l'énergie ni le temps que ça de marcher toute l'après-midi. Il faut dire que l'endroit où on est se suffit déjà amplement à lui-même, et on oublie rapidement l'idée de rejoindre la cascade gelée quelque part là haut dans le froid de la montagne.

On essaye tout de même tant bien que mal de faire face à notre flemme qui semble bien décidée à nous ralentir en nous susurrant à l'oreille des "vous êtes bien ici, c'est déjà très beau, pourquoi vous fatiguer à monter alors que vous avez juste envie de faire une bonne soquette après tout ce que vous avez mangé?". On se décide donc à grimper dans la forêt, sans trop savoir vers où on allait étant donné qu'au Kirghizistan les sentiers ne sont en général pas balisés.

Par hasard, on débouche après une vingtaine de minute d'ascension sur une cascade, qui nous impressionne déjà par sa hauteur. Bien sûr, sa grandeur n'a rien à voir avec sa grande sœur qu'on venait initialement voir, mais pour nous qui avions laissé tomber l'idée, on est plutôt heureux de quand même profiter de cette chute d'eau. L'occasion idéale de faire un petit shooting car les alentours sont assez féériques!

 On ne sera pas venus pour rien

Après avoir profité de ce spectacle naturel, on détale en sens inverse jusqu'à nous retrouver au point de départ. Là, on se dirige plus vers la rivière, et à nouveau on est comme transportés dans un moment complètement à part et loin de tout. On se trouve un gros rocher et on se pose tranquillement pour manger un bout, bercés par le bruit de l'eau qui coule autour et des oiseaux qui chantent. Il faut dire que les israéliens sont partis une petite demi-heure après notre arrivée, et nous étions quasi seuls à profiter de l'endroit par après.

Des montagnes... Et des déchets 

A quelques mètres de là se trouve le visage géant du cosmonaute Youri Gagarine, sculpté directement dans une roche qu'il aurait touchée. Connu comme étant le premier homme a avoir effectué un vol dans l'espace en 1961, il serait venu se reposer à Barskoon après cette mission, et notamment dans les nombreux sanatoriums qui entourent le lac. Grâce à lui, nous avons appris qu'en fait les sanatoriums russes sont des résidences de villégiature, pour se reposer au calme, alors que les sanatoriums qu'on connait font plutôt référence aux centres médicaux qui traitent les tuberculeux. A ne pas confondre, donc...

Il existe d'ailleurs une légende locale qui raconte que Gagarine aurait atterri ici-même après sa mission spatiale, et que cela aurait été caché par l'URSS. S'il est vrai que Youri ne se trouvait pas au lieu d'atterrissage prévu après s'être éjecté de sa capsule et qu'il y avait un mystère autour de cela, il a cependant pu être démontré qu'il avait atterri dans le district de Ternovsky, en Russie, et non à Barskoon. Ca n'enlève en rien le fait qu'il se soit bien rendu ici pour se reposer, et que de ce fait on peut voir plusieurs hommages et statues en son honneur.

 Hommage à Gagarine

La journée commençait à se retirer pour laisser place à la nuit et son froid glacial, et après avoir eu bien bon à profiter de la vallée, il était temps pour nous de rentrer. Sauf que voilà, il n'y avait déjà pas beaucoup de passage pour l'aller, et il y en a encore moins à cette heure-ci! On démarre donc à pieds, sans avoir trop le choix, avec l'espoir de croiser une bonne âme en chemin.

Il y avait une petite vingtaine de kilomètres pour revenir à la ville, et après cinq kilomètres à pieds, on se maudit un peu d'avoir traîné là sans avoir pensé au retour... Plusieurs camions étaient passés et ne nous chargeaient pas, ainsi qu'une voiture ou deux, qui étaient apparemment déjà remplies. Finalement, une voiture s'arrêta et un homme peu bavard et assez sérieux nous chargea alors jusque dans un village assez proche de notre guest house, mais toujours trop loin que pour prétendre la rejoindre à pieds.

Nos pouces nous sont alors encore bien utiles et un taxi s'arrêta, la hasard de la vie faisant que dans ce taxi se trouvait un couple d'Allemands qui allaient à la même guest house que nous, si ça c'est pas beau. Le taxi ne nous a rien fait payé, c'était juste de la gentillesse (et sans doute un peu de pitié), et nous voilà bien de retour au point de départ, crevés de cette journée qui ne s'est finalement pas du tout passée comme on avait pu l'imaginer, mais qui a été riche en rencontres et rebondissements, et c'est sans doute ça qui fait la beauté du voyage.

End of the day 
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Samedi 15 octobre. Après une bonne nuit de sommeil à Barskoon, dans une guest house paisible à l'extérieur très cosy, avec ses nombreux arbres fruitiers, chatons, papillons et surtout vue sur le lac Issyk-Kul, nous reprenons la route direction Karakol.

 Logement à Barskoon

Après 1h15 de trajet en taxi partagé, nous arrivons tranquillement à l'auberge de jeunesse que nous avions réservée. On ne le savait pas encore, mais nous allions y rencontrer beaucoup de voyageurs de toutes origines, avec qui nous allions partager de vrais moments qualitatifs.

L'ambiance y est très relax, et nous passons l'après-midi à discuter autour d'un bon café chaud avec d'autres jeunes sur la terrasse (ça caille!), à faire une petite lessive bien méritée et à préparer notre itinéraire pour le lendemain matin. Nous avions en tête de randonner une quinzaine de kilomètres jusqu'à la vallée d'Altyn Arashan et d'y passer deux nuits, perchés à 3.000 mètres d'altitude.

Arrivée à Karakol 

Voilà déjà la première nuit dans nos petits lits une personne passée (en Asie Centrale, nous avons majoritairement dormi dans des lits séparés!), et nous étions fin prêts à partir à la découverte de la vallée. Enfin presque... Anne ne se sentait pas vraiment dans son assiette et a malheureusement trainé ce ressenti tout le long du périple.

La première étape consistait à prendre un marchroutka jusqu'au village d'Ak-Suu, situé à une dizaine de kilomètres de Karakol. Ensuite, il n'y avait plus qu'à grimper et profiter du moment. Le temps était idéal: la fraîcheur du matin était toujours bien présente et facilitait l'ascension, pendant que les rayons du soleil venaient percer ça et là le joli ciel bleu dégagé.

Le cadre aussi était idéal et idyllique. Les premiers kilomètres, nous étions entourés d'arbres aux couleurs chaudes de l'automne et nous pouvions déjà apercevoir quelques cimes enneigées qui se cachaient au loin derrière d'autres montagnes et collines.

Altyn Arashan, on arrive! 

Nous quittons rapidement les routes bétonnées du village d'Ak-Suu pour laisser place à des sentiers rocailleux et très cabossés, et plusieurs fois des vieux véhicules de l'époque soviétique type 4x4 venaient nous sortir de notre bulle et montaient, on ne sait comment, ce même chemin que nous empruntions. Il est apparemment possible d'atteindre la vallée via ces "taxis" (uniquement pour ceux qui ont l'estomac bien accroché), ou même à cheval. Du coup, nous étions quasiment les seuls à pieds, rendant ce moment encore plus hors du temps.

A nos côtés se trouvait la rivière Arashan, nous guidant tout le long de notre randonnée avec son eau bleue-grise. On se sentait tout petits aux pieds des nombreux et impressionnants pins à flanc de colline qui nous entouraient, nous étions vraiment en plein cœur de la nature pure et authentique.

 Pourvu que le fer nous porte chance

Maxime ayant toujours un côté plus aventurier et fougueux que Nanette, et encouragé par le porte-bonheur qu'il venait de trouver à ses pieds, il décida de sortir du sentier que nous suivions depuis le départ pour nous enfoncer dans les bois, et atteindre une source d'eau chaude naturelle qu'il avait repéré sur une carte, tel un mirage en plein désert.

Compte tenu du fait que nous nous trouvions sur un territoire où vivent loups, ours et panthères des neiges, Anne n'était pas enchantée par l'idée mais le fameux "qui m'aime me suive" l'a emporté. Nous voilà donc 10 minutes plus tard perdus en pleine forêt humide et sombre, bien plus bas que le sentier initial, entre des dizaines d'énormes trous de terriers qui abritaient on ne sait quels animaux. La pente était très raide et revenir en arrière n'était pas possible, à certain endroits nous pensions marcher sur de la mousse mais elle se dérobait aussitôt sous nos pieds.

Tant bien que mal, nous avons alors remonté ce mur en glissant en même temps que les cailloux sous nos pieds de temps à autre. Bref, tout ce que Anne déteste, pendant que Max arrive, lui, à retirer un certain amusement de la situation. Une photo valant milles mots, voilà la tête d'Anne une fois le chemin retrouvé, le souffle bien coupé.

Jeter Max dans la gueule du loup? 

Encore quelques kilomètres nous séparaient de la destination tant attendue, et plus nous prenions de l'altitude, plus la vue se dégageait et était spectaculaire. Malheureusement, pendant tout ce temps, Anne ne se sentait pas mieux et était toujours prise de nausées et vertiges, mélangés à une grosse fatigue qui rendait chaque pas bien plus pénible qu'il ne devait l'être.

Derniers kilomètres de la journée 

Nous sommes quand même parvenus à destination au bout de seize bon kilomètres de montée. Ce n'est qu'au tout dernier moment, après avoir grimpé la dernière colline de la journée, que les quelques maisons de la vallée d'Altyn Arashan apparaissent. Et quelle satisfaction!

Sur les derniers mètres, nous avons croisé des fameux squelettes d'animaux, nous donnant encore plus l'envie d'accélérer et d'arriver à la petite guest house que nous avions réservée, de base, pour deux nuits.

Pour la petite histoire, à l'époque soviétique, les léopards des neiges peuplaient cette vallée et 25 d'entre eux ont alors été capturés pour être enfermés dans des zoos aux quatre coins de la planète. En 1975, la chasse est interdite dans la région et on compte à ce jour une vingtaine de léopards dans la vallée. Bien sûr, en croiser serait incroyable voire impossible, quand on sait que certains consacrent presque le travail d'une vie pour ne serait-ce qu'en photographier une au loin. Elles portent bien leur nom de "fantôme des neiges", leur pelage blanc, gris et noir leur permettant de se confondre facilement avec les couleurs de la montagne environnante.

Ce qui est plus simple à croiser dans certaines parties de la vallée, par contre, ce sont des (gros) ours et des loups. Notre hôte nous expliqua que des touristes la veille avaient voulu faire une rando mais ont vite rebroussés chemin en voyant des traces d'ours dans la neige. A nouveau, en croiser serait de la malchance et on ne sait pas qui aurait plus peur de l'autre, mais ça reste tout de même quelque part dans un coin de la tête.

 We made it!

La guest house était très atypique et rudimentaire, et nous étions tout de même une vingtaine de personnes à y loger, locaux compris. Nous étions les derniers clients de la saison, comme pour le camp de yourtes, ils allaient fermer l'auberge quelques jours après notre venue, avant que tout ne soit recouvert de neige. Le soir, nous avons partagé un bon repas avec les autres touristes, à savoir deux israéliennes, Aviv & Noam, une égyptienne, Sherry, et cinq anglais qui s'étaient expatriés à Dubaï. Aviv, Noam et Sherry logeaient dans la même auberge de jeunesse que nous à Karakol et leurs visages nous étaient déjà familiers.

Nous avons passé une soirée agréable et avons appris énormément de choses sur les différents pays qui étaient représentés autour de la table. Nous sommes passés d'étonnements à étonnements, en entendant notamment qu'à Dubaï, il y a une pluie artificielle (oui oui), qu'en Egypte, ce n'est pas aussi évident que pour nous de voyager en étant une femme, surtout seule mais c'est sur Israël que nous en avons le plus appris. Le conflit israélo-palestinien, le service militaire obligatoire pour les garçons (3 ans) mais aussi pour les filles (2 ans), ... Bref toutes ces cultures si différentes de la nôtre, qui nous remettent à notre place et nous font nous rendre compte à quel point nous sommes chanceux, en paix et libres par le simple fait d'être nés en Belgique.

Nous avons discuté ainsi pendant plusieurs heures, autour du feu, donnant à ce moment un air de soirée pyjamas entre copines (+ Maxime qui se prêtait bien au jeu). Nous sommes sortis un moment dehors pour profiter du ciel incroyablement étoilé et dégagé. En effet, un des avantages d'être aussi haut et reculé de la civilisation, c'est qu'il n'y a presque pas de pollution lumineuse, l'idéal donc pour observer les étoiles, mais pas trop longtemps quand même car il fait glacial!

Soirée pyjama 

Après une nuit assez compliquée pour Anne, bercée de grosses angoisses nocturnes, nous décidons d'écourter le séjour et de redescendre le jour-même à Karakol plutôt que le lendemain. Le matin, nous nous sommes quand même baladés dans la vallée et avons surtout profité d'une des nombreuses sources d'eau chaude naturelles qui font la réputation d'Altyn Arashan.

Un vrai plaisir et moment hors du commun de se baigner dans cette eau curative (qui peut atteindre 50°C!), à l'air libre, en face des montagnes enneigées. Max en a profité pour faire un petit plongeon dans l'eau glacée de la rivière, histoire de se réveiller en douceur.

Découverte des alentours 
 Source d'eau chaude naturelle

Nous sommes ensuite redescendus par le même chemin que nous avions emprunté la veille. Nous le découvrions alors d'un autre œil, comme si c'était un parcours complètement différent juste en changeant de point de vue. On a alors pris le temps de profiter de ces paysages magnifiques, de nous poser et de regarder autour de nous, réalisant la chance incroyable que nous avions de nous trouver à cet endroit qu'on aurait à peine osé imaginer quelques mois auparavant.

Merci pour l'accueil Altyn Arashan 
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Lundi 17 octobre. Après une bonne journée de marche, nous voilà de retour à l'auberge de jeunesse de Karakol où nous y avions laissé nos gros sacs à dos et la majorité de nos affaires. Juste le temps de faire une lessive, manger des bonnes pâtes réconfortantes et, à 20h, nous étions déjà dans les bras de morphée.

Après ces nombreux stops de courte durée autour du lac, nous avions envie de ralentir un peu le rythme en nous posant quelques jours au même endroit, et Karakol semblait être la destination idéale. Point de départ de nombreuses balades, comme celle menant à Altyn Arashan, il s'agit de la quatrième plus grande ville du pays, même si elle n'a rien d'une ville comme on s'en fait une idée à l'occidentale. Ici, on a croisé beaucoup de bâtiments faits de tôles et de containers qui sont transformés en magasins et parfois même en maisons.

Nous sommes toujours à proximité du lac Issyk-Kul et entourés des magnifiques montagnes enneigées de la chaîne de Tian Shan. A une grosse centaine de kilomètres de nous se trouvent des pics culminants à plus de 7.000 mètres d'altitude et appartenant à cette même chaîne de montagnes. Parmi ceux-ci figure le fascinant pic Pobedy, point culminant du Kirghizistan avec ses 7.439 mètres.

 Photos en vrac de Karakol

Séjourner en auberge de jeunesse est le meilleur moyen de faire des rencontres, et en effet nous y avons rencontré des personnes formidables. Ça nous a fait un bien fou de discuter avec d'autres voyageurs, de partager, de s'intéresser à d'autres parcours de vies. Parmi ces personnes, il y avait Arakell, un jeune papa russe obligé de quitter sa famille et pays pour ne pas partir au combat en Ukraine. On osait à peine se mettre à sa place, et pourtant il était toujours si souriant, positif, de bonne humeur, qu'on n'aurait pu se douter de son parcours et de la raison pour laquelle il était ici. Il est très doué pour faire des vidéos, et en avait notamment réalisée une quelques mois auparavant sur le Kirghizistan. Arakell, si tu nous lis, nous n'oublierons jamais tes tours de magie!

Il y avait également Freja, une danoise, avec laquelle nous sommes allés manger un soir au resto. Mais aussi énormément d'autres personnes de toutes nationalités, qui allaient et venaient au fil des jours. Ça nous donnait un peu l'impression d'être dans une villa de télé réalité, avec des nouveaux habitants qui arrivaient et qui partaient, attisant à chaque fois la curiosité de tout le monde quand une nouvelle tête passait la porte d'entrée.

Il faut dire que l'auberge était assez petite et une ambiance très familiale y régnait, l'hostel étant lui même tenu par deux jeunes sœurs et leur frère. Un soir, Gavan, un australien rempli d'énergie (parfois un peu trop!), a organisé une "pancake party". C'était très bizarre pour nous de faire la fête entre jeunes, on n'avait presque perdu l'habitude!

La belle vie à l'auberge 

Karakol vaut vraiment le détour, et pas uniquement pour ses randonnées environnantes. L'intérieur de la ville est rempli de lieux à découvrir, et flâner le long des routes sous les arbres aux couleurs de l'automne nous a beaucoup plu. Il n'était pas rare de croiser une chèvre ou un mouton sur les trottoirs, nous regardant comme si eux aussi savaient que nous étions des touristes et semblaient se demander ce qu'on faisait ici.

 Les jolies couleurs de l'automne

En plus d'un vieux parc d'attraction soviétique abandonné, il y a deux incontournables à visiter lorsqu'on est de passage à Karakol. Le premier étant la mosquée Doungane, construite en 1910 et portant le même nom que les réfugiés doungans, des musulmans chinois forcés de quitter leur pays à cause de la guerre. Cette mosquée ne ressemble en rien aux mosquées que nous avions visité auparavant, et pour cause. Elle a été conçue par un architecte chinois, et on y retrouve le passé bouddhiste préislamique des doungans. Impressionnante particularité, cet édifice a été construit sans un seul clou, tous les éléments étant fixés grâce à des systèmes de rainures et d'encoches. De plus, une pagode en bois bleu vif remplace le minaret que nous avions l'habitude de voir.

La mosquée Doungane 

Le deuxième point incontournable de la ville est l'église orthodoxe Troïtskaya, appelée aussi église de la Sainte Trinité. A nouveau, son architecture, tant intérieure qu'extérieure changeait radialement des églises que nous connaissons. Construite entre 1894 et 1895, cette église en bois possède des toits verts émeraudes et abrite des reliques de saints martyrs ainsi qu'une peinture de l'icône de la Vierge Marie de Tikhvine, peinte à Athènes il y a environ 150 ans.

L'église de la Sainte Trinité 

Nous avons profité des quelques restos de la ville pour goûter à la nourriture locale. Nous avons eu un gros coup de cœur pour les laghmans, un plat de nouilles servi avec des légumes et de la viande. On ne peut plus réconfortant avec les températures glaciales de l'extérieur! Avec ça bien sûr, on déguste du bon thé servi dans des sortes de bols, comme c'est généralement le cas en Asie Centrale.

Une autre spécialité du pays et plus particulièrement de Karakol: l'ashlan-fu. Il s'agit d'une sorte de soupe de nouilles comme celles servies dans les laghmans, avec un bouillon assez piquant, de la viande et des œufs. Ce plat d'origine chinoise est servi froid, ce qui est assez spécial mais vraiment bon! Nous nous sommes rendus le dernier jour dans un resto qui en a fait sa spécialité, et pour preuve, il était rempli de locaux. On a également gouté des dumplings à la pomme de terre, nous rappelant un peu la nourriture de l'Ouzbékistan.

 Quelques spécialités culinaires du pays

Durant cette semaine, nous avons évidement profité de la nature et sommes partis à la découverte des alentours de la ville, mais nous gardons ça pour le prochain article. On s'y est senti franchement bien à cet endroit, et on s'est retrouvés tout bêtes et émus à devoir dire au revoir aux voyageurs de l'auberge avec qui, au fil des jours, nous avions tissé un petit lien d'amitié. Il n'était pas aisé non plus de quitter les lieux en eux-mêmes, on adorait notre petite chambre, la fratrie qui tenait l'établissement et son extérieur très cosy, où se trouvait toujours un chaton qui ne demandait qu'à être réchauffé par des caresses et câlins.

C'est donc la tête et le cœur remplis de bonnes ondes que s'est achevé ce séjour, qu'on aurait volontiers prolongé de quelques jours.

 Bye bye Karakol

Avant de rejoindre Bichkek, notre dernier stop au Kirghizistan, nous avions réservé une nuit à Balyktchy, une petite ville à l'autre extrémité du lac, histoire de couper le trajet de marchroutka en deux. Nous y sommes arrivés en fin de journée, quand il faisait déjà noir, et l'ambiance n'était pas des plus rassurantes. En général les routes ne sont pas éclairées la nuit, ou très peu, et directement on s'y sent moins en sécurité, même si on sait qu'on ne risque pas grand chose dans ce pays où les personnes sont en général bienveillantes.

Il n'y avait pas grand chose d'ouvert, et nous n'avions pas trop le choix que d'aller dans un petit resto plutôt glauque et perdu. Le personnel était presque surpris de voir des clients arriver, certains nous disant même que le restaurant était fermé. Le plus drôle a été lorsque la patronne nous a demandé de régler la note car elle fermait le resto, nous disant qu'on pouvait bien prendre notre temps et qu'on devait juste sortir par un certain endroit. On pensait à une blague mais non, toutes les lumières étaient bien éteintes dans les cuisines et il n'y avait plus un chat dans l'établissement, à part nous deux.

Le logement que nous avions réservé a suivi la même tendance, rendant cette soirée vraiment atypique. Nous nous sommes en fait retrouvés chez une grand-mère, qui nous a accueilli comme si nous étions de la famille: thé, biscuits, fruits confits, ... Tout pour être sûre qu'on n'aie ni faim ni soif. Le lendemain, un dernier trajet en marchroutka nous attendait donc pour rejoindre la capitale, où nous allions fêter l'anniversaire de Max.

Dernier stop au bord du lac 
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Nous avons évidemment profité de notre semaine à Karakol pour aller randonner dans les alentours de la ville. La première grosse rando que nous avons faite a été de rejoindre, depuis l'auberge, les sources d'eau chaude du village d'Ak-Suu. On savait que la journée allait être longue et nous avons donc passé les premiers kilomètres de route en stop, chargés par un policier, qui nous a gentiment déposé au point de départ plus ou moins officiel de la marche.

Comme expliqué précédemment, au Kirghizistan, les sentiers ne sont presque jamais balisés et toutes les balades que nous avons faites n'ont pas dérogé à la règle. Au départ, nous suivions une route et un tracé GPS sur l'application maps.me. Sur cette route, on a pris lentement mais sûrement de la hauteur sous un beau ciel bleu, et nous avons croisé quelques vaches, veaux, chiens et, les plus beaux de tous, un groupe de chevaux sauvages.

 Premiers kilomètres

Si de base on pensait être parti pour une journée de marche longue, mais tranquille, nous avons vite déchanté après les premiers kilomètres de montées raides dans des grandes étendues de champs. En effet, une fois la route bétonnée laissée derrière nous, il n'y a plus vraiment de tracé à suivre, et nous nous sommes contentés de monter, monter, et encore monter des pentes qui semblaient toutes se ressembler. L'avantage de prendre de la hauteur est qu'une vue incroyable se dessinait de plus en plus dans notre dos. Rapidement, s'offrait à nous un beau panorama de la ville de Karakol, entourée des sommets enneigés de la chaîne de montagnes de Tien-Shan. Magnifique!

 Karakol entourée des sommets enneigés 

Si nous n'étions pas prêts mentalement pour autant de dénivelé positif, nous l'étions encore moins pour toute la neige bien épaisse sur laquelle nous sommes tombés sur les hauteurs, aux environs de 2.500 mètres d'altitude. On n'a pas tardé à avoir les pieds et les mollets trempés, la neige étant bien profonde par endroits. On a même eu la chance de parcourir quelques centaines de mètres en plein milieu d'un troupeau de moutons.

Si pour Maxime c'était le bonheur ultime, pour Anne, c'était plutôt mitigé. Tel Jean qui rit Jean qui pleure, elle avait les émotions en totale roue libre. Il faut dire que marcher en montagnes peut déjà être impressionnant de base, mais sous la grosse neige en plus, rendant certaines pentes assez glissantes, elle ne s'y sentait pas toujours à l'aise.

Sous la neige 

Après quelques passages plus difficiles, et une fois que les flancs de collines ont laissés place à des étendues de champs descendants, la pression est redescendue. Plus de problème pour se laisser glisser maintenant et se casser franchement bien la figure par moments, nous valant des beaux fous rires.

 On a bon!

On n'a pas pu résister à un petit shooting photos vu la beauté des lieux. Comme ça nous est arrivé à plusieurs reprises au Kirghizistan, nous avions l'impression d'être dans un autre monde, loin de tout et seuls. C'est assez particulier comme sensation. Il y régnait un silence pur et les montagnes avoisinantes nous faisaient nous sentir tout petits. Plus nous descendions et plus nous apercevions en contre-bas l'arboretum que nous étions censés rejoindre, qui se découvrait de plus en plus de la neige des hauteurs.

L'appel de la forêt 

Nous voilà à présent au milieu d'une magnifique forêt, toujours autant seuls au monde, dans un décor bien différent de ce début de journée. Par moments, on aurait même pu penser être dans les bois de notre belle région en Belgique. Les feuilles aux couleurs de l'automne semblaient venir tout juste de tomber, et les derniers rayons du soleil perçaient ça et là les branches d'arbres nues au-dessus de nos têtes.

 Changement d'ambiance

Petit à petit, nous sommes retombés sur un chemin semblable à celui que nous avions emprunté au retour d'Altyn Arashan quelques jours plus tôt (pour rappel, la rando jusque là commençait à Ak-Suu). C'est en fin de journée, après 17 bons kilomètres dans les pattes, que nous sommes enfin arrivés aux fameuses sources d'eau chaude de Kench, tant espérées. L'endroit a une grande piscine avec différents bassins, dont la température varie entre 45°C et 32°C. Il y a également un bassin d'eau glacée et il est possible de descendre un petit sentier de pierre et d'atteindre la rivière Arashan pour un petit choc thermique qui, apparemment, aurait de nombreuses vertus.

Les lieux sont différents et bien moins intimes que la source d'eau chaude que nous avions testée sur les hauteurs d'Altyn Arashan, mais l'expérience autant que le décor restent incroyables. Dans la piscine, nous avons rencontré deux chercheurs en environnement kirghizes, dont un avait fait une partie de ses études à Bruxelles. Le monde est vraiment petit!

 Les sources d'eau chaude Kench

Nous voilà bien détendus après cette journée de marche, et nous décidons qu'il est l'heure de repartir, la nuit étant déjà bien tombée. Sauf que... La journée était encore loin d'être finie. Nous pensions retourner en marchroutka, mais apparemment ils ne circulaient déjà plus à cette heure là. On se consola alors en se disant qu'on allait faire du stop, ce qui marche relativement bien ici. Mais rien à faire, pour la première fois, personne ne s'arrête! Pourtant, ce ne sont pas les voitures qui manquent.

Le froid de la nuit était bien présent, et nos chaussures, chaussettes et bas de pantalons étaient toujours autant trempés de la journée. Rapidement, on a commencé à crever de froid comme on dit chez nous, littéralement! Nous avions marché un bon bout de chemin dans le noir mais il était impossible de revenir à pieds jusqu'à l'auberge, et à un moment donné nous décidons de nous arrêter car cela devenait trop dangereux. Pour rappel, les routes ne sont pas éclairées et nous sommes dans le noir complet, les silhouettes de chiens errants devenant bien plus terrifiantes qu'elles n'y paraissent et le moindre bruit nous mettant en alerte.

Après une bonne heure à trembler, on se décide à demander de l'aide à notre auberge, qui envoya alors le frère à notre rescousse. Sauf qu'on a bien dû l'attendre 30 bonnes minutes, et qu'il nous a facturé le service 10€ (ce qui est complètement exagéré pour le Kirghizistan et un tel trajet). Mais bon, au moins, nous voilà bien rentrés, avec la peau de nos doigts de pieds toute fripée et le grand froid qui nous a suivi de longues heures, même après une bonne douche chaude et une couette bien épaisse. Quelle aventure!

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Le lendemain après-midi, l'infatigable Max, qui n'en avait pas encore eu assez de la veille, parti marcher seul une bonne quinzaine de kilomètres dans la vallée de Karakol. L'occasion de capturer encore quelques beaux clichés de la nature et d'un joli coucher de soleil. Sa balade se terminait par le même sentier que nous envions emprunté la veille dans l'autre sens, nos traces de pas étant toujours bien présentes. Il n'avait plus qu'à les suivre pour rentrer se reposer auprès de sa Nanette, enfin!

 Quand y'en a plus, y'en a encore!
La nuit tombe sur Karakol 
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Le dimanche 23 octobre, la veille de notre départ, nous avons pris la route direction des gorges de Jeti-Ögüz et ses célèbres rochers rouges "Seven Bulls" (sept taureaux - même si en réalité, il y en a une douzaine). Il s'agit d'une zone géologique protégée située à une vingtaine de kilomètres de Karakol. Pour rejoindre le site, nous avons combiné marchroutka et taxi, avec un conducteur qui se pensait apparemment en plein tournage de Fast & Furious.

Le bonnet qui match bien avec l'environnement 

Les Seven Bulls font partie d'une des attractions les plus connues du pays et la réputation du lieu est clairement justifiée. Ces formations rocheuses sont impressionnantes et valent le détour, on a adoré se promener dans les alentours, et notamment sur le sommet d'une colline qui surplombe le petit village de Jeti-Ögüz, qui nous offrait une vue imprenable sur les falaises.

 Paysage fascinant

Il y a de nombreuses possibilités de randonnées au départ de Jeti-Ögüz, et nous nous sommes alors aventurés dans la vallée et avons profité d'une petite promenade le long de la rivière, offrant un décor complètement différent mais toujours autant séduisant.

Notre chemin a alors croisé celui d'un jeune couple, Marion et Guillaume, qui sont eux à la fin de leur voyage qui a duré plusieurs mois. Marion est Française mais Guillaume, lui, est Belge! Le premier Belge que nous croisons depuis notre départ en juillet!

Nous avions évidement beaucoup à échanger quant à nos voyages respectifs, eux pensant déjà au retour pendant que pour nous, ce n'est encore que le début. On s'est alors mis d'accord pour se retrouver une heure plus tard, histoire de partager un taxi ensemble jusque Karakol.

Bien qu'on était assez serrés les premiers kilomètres, à six dans la voiture, la fin du trajet s'est mieux passée après qu'on eut débarqué le passager en trop. Ça faisait du bien de pouvoir discuter avec des personnes plus "expérimentées", nous rappelant la chance que nous avions d'avoir encore autant de temps de voyage à venir, pendant qu'eux regardaient déjà en arrière avec nostalgie.

Voilà notre dernière expédition autour du lac terminée, clôturant également notre beau séjour à Karakol. On remercie encore une fois le fermier qui nous avait posé un lapin, sans qui tous ces souvenirs et découvertes n'existeraient pas, sans rancune!

Dernière aventure autour du lac 
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Mardi 25 octobre. C'est officiel, nous venons de prendre notre dernier marchroutka du Kirghizistan! Pour finir en beauté notre voyage dans ce pays aux milles surprises, nous avions décidé de passer quelques jours à la capitale, Bichkek, là où notre périple avait commencé 17 jours plus tôt. Nous avions réservé une chambre dans une auberge de jeunesse, qui était complètement différente de celle que nous venions de quitter. Bien moins familiale, occupée majoritairement par des russes qui semblent être là depuis une longue durée, l'ambiance était un peu spéciale et peu propice aux rencontres.

Arrivée à la capitale sous le soleil 

Le 26 octobre n'était pas un jour comme un autre étant donné que c'était... l'anniversaire de Max! Pour fêter ses 27 ans, Anne avait préparé un beau programme, sans jamais avoir imaginé que ce jour-là, il pleuvrait des cordes. C'était vraiment pas de chance pour le coup, mais ça ne nous a pas empêché de passer une belle journée pour l'occasion.

Adeptes de la bonne bouffe, c'est avec évidence que la journée débuta avec un énorme et délicieux petit-déjeuner/brunch: pancakes, œufs, légumes grillés, ... La totale pour nous donner de l'énergie pour ce qui nous attendait.

Que la journée commence!

Nous avons ensuite pris la direction du Osh Bazaar, l'un des plus gros et populaires marchés de Bichkek, impressionnant de par sa grandeur et l'énergie qui y règne. Comme dans tous les bazaars précédemment visités, on y trouve absolument de tout: des vêtements en tous genres aux langues de bœufs, des épices aux savons, des têtes de porcs aux beaux tissus,... Bref, un vrai bazaar au sens propre comme figuré! Mais attention, un bazaar bien organisé, car il est divisé et organisé en fonction des articles vendus. Un peu comme les rayons d'un magasin, version beaucoup plus brut, énergique et bruyant.

Partie extérieure 

Tous nos sens sont en éveil, et ce lieu gigantesque est loin de se résumer uniquement à de la vente. C'est un vrai lieu de socialisation pour les locaux, et une visite incontournable pour tous les touristes qui se rendent à la capitale. Il y a tout un espace extérieur, mais également un bâtiment en marbre à l'intérieur duquel se trouve principalement les produits alimentaires.

C'est à cet endroit que les odeurs différentes se concentrent le plus, tantôt le kurut (fromage blanc aigre et séché en petites boules), tantôt l'odeur de la viande, ou encore le navsay (tabac fabriqué à la main, ressemblant à des petites billes noires) viennent nous titiller les narines. L'odorat en prend plein son grade mais pas moins que la vue, qui ne sait où donner de l'œil entre tous les marchands qui tentent de nous vendre leurs sucreries et tous ces morceaux de viandes ou bêtes encore entières et énormes.

Un hall gigantesque 

Dans tout l'espace boucherie, l'odeur et la vue sont presque insupportables pour nous qui ne sommes pas habitués. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'on voyait des viandes très "brutes", mais là c'était vraiment un autre niveau. Il faut croire que ça se voyait à nos têtes car ça a valu un beau fou rire aux vendeurs quand ils nous ont vu marcher, d'un air bien dégouté, entre têtes de cochons et pattes de coqs. Comparé à la Belgique, il n'y a pas de séparation entre la partie "travail de la viande" et vente, tout est là devant nos yeux. Les bouchers qui coupent de toutes leurs forces dans des pièces de viande, directement sur un tronc d'arbre rouge de sang des bêtes qui y sont passées avant, nous auront bien marqués!

Ames sensibles s'abstenir

Pendant tout ce temps, la pluie n'avait pas battu en retraite, bien au contraire. Qu'on se le dise, il pleuvait comme vache qui pisse! L'étape suivante de la journée d'anniversaire consistait en une visite de la ville, Bichkek ayant beaucoup de parcs et de beaux monuments à découvrir. On a tout de même tenu bon quelques heures, ce qui nous a permis de voir la majorité des points d'intérêts de la ville. On fut assez surpris de tomber, par hasard, sur un petit parc d'attraction aux airs d'abandon situé en plein dans un parc de la ville: le Panfilov parc.

Le Panfilov parc 
Jusqu'à quel point nos vestes sont-elles imperméables?! 

Si la pluie ne nous a pas trop découragés, ça a été autre chose lorsqu'on s'est retrouvés face à la grosse déception de la journée: l'activité principale est complètement tombée à l'eau. Bichkek est réputée pour ses nombreux bains publics, qui seraient tombés à pic pour nous réchauffer un peu! Anne avait même lu qu'il était possible de s'y faire masser... Le rêve! Sauf qu'une fois arrivés à l'accueil, la dame nous annonce que les hommes et les femmes font chambre à part, et que c'est le cas dans la majorité des bains publics de la ville. Elle nous renvoie alors à une autre adresse, où nous nous y rendons remplis d'espoir, sauf que rebelote, il n'y a pas de bains mixtes. Aller, pour la forme tout de même, quelques photos des extérieurs assez atypiques des bains.

 Quand Maxime découvre la surprise... Qui n'aura finalement jamais lieu!

On se consola alors en allant goûter dans un petit café à la déco franchement sympa. Ben oui quand même, on ne va pas fêter un anniversaire sans un bon gâteau! Trempés comme on l'était, le reste de la journée s'est résumé à manger et boire à l'intérieur, notamment dans une brasserie locale qui faisait de la bonne bière, nos origines belges refaisant alors surface. Ce sont enchaînées plusieurs parties de billard, rendant ce moment, pourtant si simple, mémorable! On a alors terminé la soirée par un bon resto thaïlandais, histoire d'avoir un avant-goût de ce qui nous attend dans les prochains mois.

 Туулган күнүң менен Max!

Le lendemain, la météo était plus clémente et nous en avons profité pour aller visiter la Mosquée Centrale, également appelée la mosquée d’Imam Sarakhsi, qui est la plus grande mosquée du pays et de l'Asie Centrale. Elle est magnifique et nous rappelait notre beau début de voyage en Turquie quelques mois auparavant. Et pour cause, elle a été construite par la Turquie et a ouvert ses portes en 2018, après 6 ans de travaux. D'une superficie de 3,5 hectares, jardins compris, elle peut contenir jusqu'à 28.000 fidèles et chacun de ses minaret est haut de 70 mètres! Après ces quelques mois de voyage, on peut clairement le dire: les mosquées sont les plus beaux bâtiments qu'on ait pu voir, tant de l'extérieur que de l'intérieur, où il y règne toujours une ambiance très apaisante et intime, avec le tapis doux sous nos pieds nus.

 La majestueuse Mosquée Centrale

Le temps ne donnant pas très envie de rester dehors, nous avons passé les derniers jours à travailler dans des cafés sur les demandes de visas pour le Vietnam et l'Inde (où nous ferons escale quelques heures), à avancer sur le blog et planifier la suite de nos aventures.

Le dernier jour, nous avions pris un bus bondé de monde, et une femme avec son jeune bébé est venue s'asseoir à côté d'Anne. Sauf que le bébé n'avait pas l'air enchanté d'être là, et il hurlait comme nous avions rarement entendu un bébé pleurer. Tous les regards étaient tournés vers lui, cassant les oreilles aux passagers. A un moment donné, la mère, n'arrivant pas à prendre son ticket dans son sac, a donné le bébé à Anne, sans trop lui demander son avis. C'était parti pour un long face à face avec le bébé brailleur, tout le monde la regardant l'air de dire "faites le taire, on n'en peut plus!".

 Derniers jours

Et voilà qui clôture ce carnet de voyage pour lequel nous avons eu beaucoup de plaisir à raconter et partager nos aventures, et tant de mal à ne sélectionner que quelques photos! Nous avons eu un gros coup de cœur pour ce pays, pourtant si méconnu et sous-estimé. Nous avons été fascinés, du début à la fin, par ses paysages grandioses et la beauté de la nature qui est, ici, toujours reine et occupe de loin la première place.

Nous sommes très reconnaissants d'avoir la chance de pouvoir découvrir des pays qui, à première vue, semblent inaccessibles ou même dangereux aux yeux de certains. Plus tard, en Asie du Sud Est, lorsque nous parlions de ces "pays en -stan", et également de la Turquie par ailleurs, la plupart des gens étaient surpris de nos retours positifs, certains nous ayant même dit que nous avions "commencé notre voyage avec des pays extrêmes". C'est fou les idées reçues que nous pouvons avoir sur des pays juste par leur nom (idées reçues que nous partagions aussi), alors qu'en réalité on ne s'est jamais senti autant en sécurité qu'en Asie Centrale (et Turquie!). Et pour cause, nous avons toujours trouvé les habitants bienveillants et bien plus accueillants que ce à quoi on avait l'habitude.

De notre humble avis, les "pays en -stan" sont merveilleux, riches de leur cultures, histoires, et hospitalité!

Nous rebroussons désormais chemin et prenons la direction de Tachkent, capitale de l'Ouzbékistan. Nous avons alors pris un premier train de 7h30 jusque Taraz, au Kazakhstan (petite ville où nous avions fait une pause trois semaines auparavant), où nous avons passé une nuit. Nous attendait alors un second train, dans la nuit du 29 au 30 octobre, à deux heures du matin. Par chance les propriétaires ont accepté qu'on reste dans leur logement jusqu'à minuit(!), histoire de ne pas attendre dans le froid de la gare.

Voilà donc officiellement nos derniers kilomètres au Kirghizistan, puis au Kazakhstan, parcourus. A nouveau, on se console en se disant que ce n'est qu'un au revoir, ces pays ayant encore tellement d'endroits à nous faire découvrir!

Derniers kilomètres entourés de montagnes