Puisque nos quelques jours de travail à Riohacha nous ont épuisés, nous décidons pour notre week-end de partir à Cabo de la Vella et Punta Gallinas – en vrai c’est la seule chose à faire dans les environs, soyons honnêtes.
Nous partons en groupe avec 3 autres clients de l’hostel. Cela nous évitera de devoir chercher du monde pour combler la jeep nécessaire au trajet (1h30 pour faire Riohacha – Uribia puis à peu près 2h pour faire Uribia – Cabo de la Vella).
Nous vous passons les détails de ces trajets, à part les barrages de polices et autres contrôles de routine rien de bien passionnant ne vient briser la monotonie de la route et des paysages. L’on se rend compte soudain que nous avons troqué l’exubérance verte des environs de Riohacha pour une sorte de steppe semi désertique peuplée ici ou là de quelques arbustes ou taillis d’arbres secs et noueux, le tout sur une route qui, passé Uribia, devient une piste tracée dans le désert.
Nous sommes désormais en plein cœur du territoire Wayu. C’est une des zones les plus pauvres et les plus « à part » de la Colombie. Comprenez que cette communauté est globalement oubliée du gouvernement, et suffisamment accrochée à ses us et coutumes pour ne pas toujours voir d'un bon oeil les investissements de l'Etat. Nous allons passer 3 jours à enchainer les visites de lieux magnifiques à côté desquels sont installés des villages et hameaux à la limite de l'indigence. C’est une zone sans ressources, sans eau, sans verdure. Si aujourd’hui le tourisme est une source de revenus, on a du mal à comprendre ce qui a pu pousser une population à s’installer ici en premier lieu.
Pour notre premier jour, notre chauffeur de Jeep qui sera notre « guide » pour tout notre périple, nous amène à Cabo de la Vella, haut lieu de kite surf et planche à voile. L’eau est chaude et peu profonde, le vent constant quoique changeant, et la baie s’étire sur des kilomètres permettant de tirer des bords à n’en plus finir. N’étant pas des fans de ces sports extrêmes, nous filons à la playa Arco Iris (plage arc-en-ciel pour les moins perspicaces d’entre vous). Ici les vagues viennent s’écraser sur les parois rocheuses qui ne s’élèvent que de deux trois mètres au dessus des flots. Avec le vent qui disperse les embruns et le soleil souvent présent, vous avez toutes les conditions réunies pour produire des arcs-en-ciel. En toute franchise, ceux-ci ne sont pas si fréquents, et l’on s’amuse surtout de se faire mouiller par l’écume, après la chaleur écrasante de la Jeep et le soleil bien trop puissant.
Le soleil ne va pas tarder à se coucher alors en route pour un autre point de vue ! Comme nous allons nous en rendre compte ici le vent souffle en permanence et souvent avec force. Idéal pour produire de jolies vagues et rendre la baignade plus amusante. Tout cela rend aussi la grimpette sur les promontoires quelque peu vacillante, frisson garanti. Mais le panorama qui s’ouvre alors est incroyable, le regard porte loin tant sur la mer que vers l’intérieur, et la saline se dévoile enfin à nos yeux.
Nous quittons cette zone pour aller près du « phare » et admirer le coucher de soleil. Probable épiphanie pour Simon, je le soupçonne de vouloir capturer l’essence même de l’astre solaire… Vous n’avez pas fini de voir des couchers de soleil…
Ou alors était-ce un moyen d’éviter de trop parler avec les colombiennes qu’il avait enfermées dehors quelques jours plus tôt, et qui se trouvaient au même endroit ?
Coïncidence ? Je ne pense pas
Heureusement Simon n’est pas sectaire et s’intéresse aussi aux levers de soleil !
Il faut avouer que ces tons de rose sur Cabo de la Vella alors que nous nous levons aux aurores après une nuit en chinchorro ont quelque chose de fantasmagorique.
Nous voici partis pour plusieurs heures de route, pardon de piste cahoteuse et chaotique, de bon matin en direction de Punta Gallinas. Il vaut mieux partir tôt, des pirates de la route semblent sévir ces derniers jours mais plutôt à partir de la mi-journée. Rien qui puisse inquiéter notre conducteur qui connaît son métier. Bref nous traversons le désert, des hameaux par-ci par-là, un nombre incalculable de péages sauvages sans vraiment nous arrêter (encore une fois, on ne la fait pas à notre guide), et enfin nous arrivons à proximité de Punta. Ici commence une zone de mangrove, lieu improbable où ciel, terre et mer partent à l’assaut les uns des autres. Il nous faut traverser un bras de mer pour atteindre le pied de la falaise en haut de laquelle se trouve « l’hôtel » où nous allons passer la nuit, une fois encore en Chinchorro à l’air libre.
Pour vous donner une idée, ici il n’y a pas d’eau douce, les habitants boivent une eau semi saumâtre tirée de puits, c’est évidemment aussi l’eau utilisée pour se laver (sans grand succès donc). Pendant ce temps un porc plutôt impressionnant rode autour des chinchorros et dévalise les sacs des imprudents n’ayant pas pris de Tupperware pour leur nourriture. Les déchets non comestibles seront emportés par le vent jusqu’à se planter sur le cactée le plus proche à moins qu’un des nombreux chiens errants ne les attrape.
Ni une, ni deux, nous voici en route pour Punta Gallinas même, soit le site le plus septentrional de l’Amérique du Sud. Nous voyons les vagues de l’atlantique s’écraser depuis notre droite, alors que sur la gauche commence la mer des caraïbes. Un nombre impressionnant de cairns parsèment le lieu, probablement un truc de semi hippie hipster tendance zenisante… Ce n’est pas aussi laid qu’un tag mais tout aussi fât…
Nous continuons en direction de la lagune. Nous restons sur les hauteurs, actuellement en saison sèche la lagune au premier plan est basse mais on devine le niveau qu’elle peut atteindre lors des pluies. Toujours ce mélange des éléments sous ce soleil de plomb.
Nous continuons notre visite jusqu’à atteindre une grande dune au nom si mystérieux que nous ne nous en souvenons plus, ce sera donc la dune du Pila bis, mais bien moins grande, dixit Simon. Ca reste très impressionnant, cela ne se voit pas forcément sur les photos, mais la pente est très raide, c’est vertigineux sur la zone la plus abrupte. Le sable semble se jeter dans la mer.
C’est probablement la baignade la plus intéressante du séjour. Les vagues sont fortes, les rouleaux puissants, il faut nager vite et bien passer en dessous pour passer derrière la zone de turbulences. Derrière, la houle nous soulève de plusieurs mètres, pendant quelques secondes on a pied, et puis nous sommes soulevés au point d’avoir 3 mètres sous les pieds. La sortie s’avère tout aussi difficile que l’entrée, l’impression de passer par une machine à laver et malgré nos talents de nageurs nous sommes franchement chahutés par les vagues. Notre troisième baignade sera écourtée, la mer devenant agitée et commençant à tirer vers le large. Comme la plupart des plages de la zone, la mer est forte et violente. On peut facilement se faire emporter si l’on ne fait pas attention. On comprend pourquoi il y a peu de baigneurs dans l'eau si près du bord.
Nous nous rendons à une dernière plage pour voir le coucher de soleil, où Simon peut s’en donner à cœur joie. Ici encore des cairns sont présents, mais plus élevés que précédemment.
Toujours à ses expérimentations Simon rend hommage à Hokusaï, admirez plutôt
Le final, grandiose de ce coucher de soleil
Retour à l’hôtel dans le crépuscule tombant. Notre groupe rira bien lorsque perdant légèrement notre piste nous traversons une zone boueuse. Ma flip flop décida de rester dans la boue, manquant de peu de me faire tomber dans la vase salée. Heureusement seul un pied et les mains seront touchés. La sensation de cette boue chaude, épaisse, collante et salée sur tout le trajet retour, aura ravi mes sens, j’espère encore que celle-ci avait quelques vertus curatives…
Après une courte nuit un peu trop fraiche à nos goûts , nous nous levons à l’aube pour rentrer à Riohacha, il faut une fois encore éviter les potentiels malfrats de grand chemin. Nous sommes impressionnés par le sens de l’orientation de notre chauffeur. Ici tout se ressemble pour nous, le paysage est lunaire, la végétation malingre, les pistes nombreuses ne cessent de s’entrecroiser pour aller se perdre à l’horizon. Heureusement que nous sommes en saison sèche, les traces dans le sol nous laissent imaginer l’enfer que cela doit devenir lorsque l’ensemble se transforme en une immense zone de boue.
Nous rentrons à Riohacha épuisés mais les yeux encore pleins de cette lumière et des paysages incroyables traversés. Nous comprenons, enfin, pourquoi tant de touristes viennent se perdre ici.