Digby
A partir de Digby, nous arrivons dans la vallée d'Annapolis. Digby se situe entre la Baie Ste Marie et le bassin d'Annapolis. Ces deux zones sont parallèles à la baie de Fundy. La baie Ste Marie que nous avons longé depuis le Cap Ste Marie est séparée de la baie de Fundy par une presqu'île étroite de 2 à 3 km, prolongée par 2 îles, Long Island et Brier Island, l'ensemble mesurant environ 65 km. Quant au bassin d'Annapolis, c'est un vaste étendue d'eau parallèle à la baie de Fundy, une sorte de grande embouchure, ouvert sur la baie. L'emplacement du port dans cette zone est idéal. Ce bassin est alimenté par un ensemble de rivière dont la rivière Annapolis.
Le port de Digby Nous avons un grand soleil ce matin lorsque nous quittons le camping pour aller voir le port de Digby. Il y a de nombreux bateaux de pêches. Avant de rejoindre Annapolis Royal, nous faisons un détour à Bear River pour voir les maisons sur pilotis.
Bear River
L'sitkuk est le nom original de la communauté mi'kmaq de Bear River. L'histoire autochtone de Bear River est profondément enracinée dans la terre. Les Mi'kmaq sont présents depuis longtemps dans la région et ils appartenaient à la Confédération Wabanaki, un groupe des nations autochtones qui comprend les peuples Mi'kmaq, Malécite, Passamaquoddy, Abénaquis et Penobscot. Bear River était historiquement un lieu de rencontre pour la Confédération Wabanaki, où diverses nations se réunissaient pour commercer, partager des connaissances et entretenir des relations diplomatiques.
Bear River Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Acadiens se sont installés à Bear River, attirés par la terre fertile et les ressources naturelles abondantes. Les Acadiens ont développé une communauté agricole florissante, construisant des digues et cultivant le sol riche pour produire des cultures telles que le blé, le maïs et les pommes de terre. Aujourd'hui, l'influence acadienne est encore visible dans l'architecture de nombreux bâtiments autour de Bear River.
Au XIXe siècle, Bear River est devenue un centre d'activité de construction navale. Les navires construits à Bear River étaient connus pour leur qualité et leur durabilité. Ils étaient utilisés pour la pêche, le transport et le commerce. L'industrie de la construction navale a prospéré à Bear River pendant cette période, contribuant de manière significative à l'économie locale.
Nous rejoignons ensuite Annapolis Royal et le site du Fort Anne.
Annapolis Royal : Fort Anne
Le site, la vie des Mi'kmaq et leur rencontre avec les Européens
Le site comprend les fondations du fort de style Vauban construit par les Français en 1702, la poudrière et la reconstitution d'un des bâtiments du quartier des officiers. A l'intérieur du musée, de nombreux panneaux présentent toute l’histoire complexe du site ainsi que des explications sur la culture des Mi'kmaq. C’est une visite très intéressante et un endroit aujourd’hui paisible.
la reconstitution d'un bâtiment du quartier des officiersFort Anne se situe sur l'escarpement qui domine la confluence des rivières Annapolis et Allain. L'endroit servait de campement aux Mi'kmaqs et à d'autres tribus autochtones qui voyageaient en canot de la baie de Fundy à la côte sud de la Nouvelle-Écosse, en parcourant les cours d'eau.
Les fondations du fort Anne Pour les Mi’kmaq cet endroit est Nme’juaqnek, "le lieu de poissons en abondance", une zone importante de pêche et un lieu de rassemblement central. Lorsque les Français ont navigué dans ce bassin, Samuel Champlain l’a baptisé Port Royal et lorsque les Britanniques ont pris le relais en 1710, ils l’ont renommé "Bassin d’Annapolis" et la ville "Annapolis Royal ".
Nme'juaqnek - le Bassin de Port Royal ou le Bassin d'Annapolis Annapolis Royal Pendant plus de 3 000 ans, les Mi’kmaq utilisaient ce site comme lieu de repos. Dans les années 1600 et 1700, l’endroit est d’abord le centre de la colonisation et du peuplement européens, avec l’établissement de colons dans la région nommée Acadie par les français et Nouvelle Ecosse par les Britanniques. A tour de rôle, les français et les britanniques y établissent leur capitale coloniale qu’ils protègent en construisant plusieurs forts.
Lorsque les européens se sont installés à Mi’kma’ki, ils ont choisi presque toujours de se rapprocher des communautés mi’kmaq. Les archives montrent de nombreuses communautés mi’kmaq dans La Hève (LaHave) et à Port Royal générant inévitablement des rencontres. Ce n’était pas par hasard que les français choisissaient ces deux premiers endroits.
Le site de pêche avec son système de barrage millénaire mi’kmaq sur la rivière Allain se situait à côté du fort de Port Royal. Les Mi’kmaq venaient récolter les nombreux poissons : le gaspareau au printemps et les anguilles à l’automne. Les groupes de familles se rassemblaient pour un travail coopératif intense.
Ce site est situé dans le Mi’kma’ki, la patrie des Mi’kmaq. Des données archéologiques montrent que leurs ancêtres vivaient ici il y a plus de 11 000 ans. Ces derniers ont partagé leur connaissance approfondie de ce territoire avec les nouveaux arrivants qui sont venus s’installer dans ce lieu. Mais c’est également le lieu où les Français et les Britanniques se sont battus au cours de deux siècles et c’est aussi le lieu où les Acadiens ont construit leurs vies et leurs communautés tiraillés entre les autorités françaises et britanniques et où les Mi’kmaq ont négocié et se sont battus pour défendre leurs modes de vie. Ce fort est devenu un point central pour les luttes européennes pour la domination Nord-américaine.
Le Mi’kma’ki englobe le vaste territoire de la Nouvelle Ecosse d’aujourd’hui, de l’île du Prince Edouard, de Terre Neuve, du Nouveau Brunswick, de la Gaspésie au Québec et du Nord-Est du Maine. Mi’kma’ki est divisé en districts : le district de Kespukwitk se situe au sud Ouest de la Nouvelle Ecosse. Les Mi’kmaq de ce district se réunissent à Kejimkujik entre la côte atlantique et la baie de Fundy, un lieu de rencontre pour fêter le milieu de l’hiver et les feux du conseil parmi beaucoup d’autres évènements. Pendant des milliers d’années, les Mi’kmaq ont utilisé les cours d’eau et les lacs pour se réunir pour des rassemblements spirituels, sociaux et politiques. Ils les utilisent également pour trouver de la nourriture et des matériaux pour leur subsistance.
La vision du monde et les modes de vie mi’kmaq sont ancrés dans la culture qui vénère l’interdépendance, la réciprocité et la reconnaissance. Tous les éléments de leur patrie sont connectés et vivants : les paysages marins et terrestres, les animaux et les plantes, les saisons et les cycles, le langage et les modes de vie mi’kmaq. La connaissance que les Mi’kmaq ont de tous ces éléments est très sophistiquée et détaillée. Les Européens ont compté sur leurs connaissances pour leur propre survie lorsqu’ils sont arrivés ici pour commercer et vivre il y a plus de 400 ans.
Les Européens et les Mi’kmaq perçoivent les animaux différemment. Pour les européens, c’est une histoire de marché, ils répondent à la demande de peaux de castors. Alors que les Mi’kmaq considèrent tous les animaux comme des relations. Les castors sont chassés pour la fourrure, la viande et les outils mais ils sont également importants dans les histoires mi’kmaq sur leur vision du monde.
Ils ont une autre vision du monde. L’attachement des Mi’kmaq à la patrie est l’une des différences avec les européens qui sont arrivés. Ils ne comprennent pas que les Européens ont abandonné la famille et la patrie. Pour les Mi’kmaq, la force c’est appartenir à un endroit, en le connaissant, en le gouvernant avec le respect de l’indépendance et du consensus et en protégeant le mode de vie enraciné.
Au cours des 17ème et 18ème siècles, les Mi’kmaq continuent de se déplacer selon les saisons. La vie reste inséparable de la terre et de ses saisons. Même s’ils se déplacent, ils continuent à avoir des interactions économiques, politiques et militaires avec les personnes vivant dans le fort.
La défense de leur concept Netukulimk* explique la paix relative et les diverses alliances avec les Français ainsi que les difficultés avec les Britanniques. Trois forces clés soutiennent les Mi’kmaq lorsqu’ils cherchent la coexistence avec les Français et les Britanniques : la défense de la patrie et des modes de vie sont prioritaires pour les Mi’kmaq. Cela diffère des Européens qui veulent conquérir de nouveaux peuples et de nouvelles terres. La souplesse, la résilience et la réconciliation permettent aux Mi’kmaq de gérer l’arrivée des Européens depuis les premiers contacts jusqu’à maintenant mais la nature du colonialisme européen perturbe la mobilité saisonnière, entrainent des conflits, des maladies, des vols de terre et des pertes de population. Enfin les Mi’kmaq sont une force politique et militaire.
* Associant les pratiques sociales et économiques aux systèmes de gouvernance mi’kmaq, le concept de Netukulimk est essentiel pour comprendre la vie et la prise de décisions des Mi’kmaq. Ancrée, dans les pratiques de réciprocité, de durabilité et de gratitude, Netukulimk est tout simplement le mode de vie des Mi’kmaq. Il détermine comment les gens recueillent les ressources, distribuent les aliments et les autres matériaux, récoltent en utilisant des méthodes durables et régissent leurs pratiques économiques.
Les Britanniques et les Mi’kmaq cherchent la paix afin de pouvoir vivre leur vie librement. Les traités ne concernent pas la terre. Ils concernent les gens et comment ils peuvent coexister à Mi’kma’ki. Les traités, confirmés à maintes reprises par la cour suprême du Canada, sont un héritage et une responsabilité durable pour tous les citoyens du Canada.
Les saisons rythment leur vie. Les familles se déplacent vers la côte pour le printemps et l’été, vivant à proximité des grands fleuves où le poisson, le gibier, les baies et les noix sont abondants. L’automne est une période très occupée : les familles mi’kmaq pêchent l’anguille et se prépare à se déplacer vers l’intérieur des terres pour la chasse d’automne et les camps d’hiver en famille. La fourrure des animaux devient plus épaisse et l’ours s’engraisse pour l’hiver. Les anguilles se déplacent en amont et sont piégées dans les barrages, fumées sur des plates-formes, puis entreposées comme provisions pour l’hiver. C'est le temps du rut, puis le temps de l’engraissement des animaux, suivi du temps des rivières qui commencent à geler. C'est la période où les Acadiens récoltent. La nourriture est abondante et les Acadiens et les Mi’maq coexistent pacifiquement. Un tableau montre leur réunion à la préparation d’un repas.
Réunion entre Acadien et Mi'kmaq lors de la préparation d'un repas L’hiver apporte ses propres types de récolte et de collecte. La pêche sur glace, la chasse et le piégeage étaient des activités primaires fournissant des aliments tels que la viande d’orignal, l’huile de phoque, le poisson frais et les anguilles. A la fin de l’hiver, l’acériculture (la culture des érables et par extension la fabrication du sirop d’érable) commence. Le Printemps, c'est le temps du sirop d’érable, puis le temps de "oiseaux-pondent-œufs" et de "grenouilles-croassent". Leurs connaissances écologiques permettent d'organiser la vie pour récolter l’écorce, pêcher le gaspareau (sorte de harenf), harponner les anguilles et faire la chasse à l’orignal et à l’ours au bon moment et au bon endroit.
Le peuple tient régulièrement des mawio’mi ou rassemblements pour célébrer, rendre une visite et partager. Le mawio’ni est une rencontre unique où ils partagent leurs connaissances, leurs traditions, leurs histoires, des chansons et des danses. Pendant cette rencontre, ils tiennent également des cérémonies, mènent des activités et s’occupent des questions de gouvernance.
Les histoires de la vie quotidienne et les longues nuits d’hiver sont parfaites pour le partage et la célébration. Les cérémonies pour la réconciliation, les actions de grâce et les nouvelles années se produisent pendant les lunes d’hiver. La fête du milieu de l’hiver se produit après la première lune. Au cours de la fête, les gens remercient tous les esprits mais surtout le grand esprit pour les bénédictions de la vie, de la santé, de la subsistance et des privilèges de la vie communautaire.
Depuis des millénaires, les langues autochtones (plus de 70 langues) nomment tout ce qui vit et tout ce qui nous lie. Elles nous parlent de la nature et de ses éléments. Parcs Canada honore ces legs précieux et protège de nombreux lieux où l’on peut entendre les langues des premières nations, des métis et des inuit.
L'histoire de la colonisation
Les Français avec Pierre Dugua de Mons originaire de Royan accompagné par son cartographe Samuel de Champlain originaire de Brouage arrivent en 1604 dans la région et nomme le bassin "Port royal" (aujourd'hui Bassin d'Annapolis). C'est comme une large embouchure de plusieurs rivières dont les rivières d'Annapolis et d'Allain. Au cours de l’été 1605, ils installent leur poste de traite de fourrures sur les rives du bassin d'Annapolis et plantent du blé à l'emplacement du Fort Anne. Mais dès 1613, une expédition de colons anglais de la Virginie incendie la colonie et c’est le début des conflits entre l’Angleterre et la France. En 1629 , les écossais construisent le fort Charles à l’emplacement du fort Anne mais sont expulsés en 1632 lorsque l’Angleterre cède le territoire à la France.
Les colons français remplacent les Ecossais. Charles de Menou d’Aulnay est chargé d’y faire prospérer une colonie. Les pionniers s’établissent à différents endroits en bordure de la rivière Dauphin (aujourd’hui la rivière Annapolis). Ils y instaurent une forme particulière d’agriculture, encore pratiquée aujourd’hui. En construisant des digues et des sortes de canalisations appelées « aboiteaux », empêchant l’eau de la mer d’inonder les marais. En deux ou trois ans, la pluie débarrasse la terre des zones endiguées du sel, et ce processus transforme les marais en terres agricoles fertiles. Ce groupe de pionniers français est devenu le peuple acadien. Dès les années 1630, le nom Port Royal désigne le village qui englobe la région s’étalant sur plusieurs kilomètres en amont du bassin (aujourd’hui le bassin Annapolis) jusqu’à ce qui est aujourd’hui la ville d’Annapolis Royal. Dès le début du 18ème siècle, près de 600 Acadiens sont établis à Port Royal.
En 1636, Charles de Menou d’Aulnay détient le commandement de la Hève (Lahave) et de Port Royal. Il amène un groupe de colons de la Hève. Il convoque ensuite des aventuriers de la France pour commencer à édifier cette nouvelle communauté. Parmi ceux qui arrivent de France, on trouve des agriculteurs, des charpentiers, des meuniers, des paludiers et des viticulteurs. Avec un travail acharné, de la débrouillardise, la chance et les bonnes relations avec les Mi’kmaq de Nme’juaqnek, la jeune colonie grandit pour devenir la capitale de l’Acadie. En quatorze ans, il fait ériger des forts, des moulins et des écoles et se lance dans la construction navale. Il fut l’un des grands artisans du peuplement français.
Le premier fort est construit en terre en 1643. Il fait partie des défenses de Port-Royal, nouvelle capitale de l'Acadie.
La France nomme un gouverneur pour superviser la nouvelle capitale de l’Acadie. Il arrive avec des fonctionnaires, des ingénieurs et des soldats transformant Port Royal en une ville militaire. Malheureusement le soutien de la France diminue et il devient difficile de repousser les attaques britanniques.
Sous la direction d’Aulnay, le fort prend de l’expansion. Charles Menou d'Aulnay y érige le premier de quatre forts construits par les Français, en y intégrant, sans doute, des éléments du fort construit par les Écossais. Deux forts de fortune se succèdent ensuite à l’emplacement du fort érigé par d’Aulnay, puis, en 1702, les Français entreprennent la construction d’un fort au confluent des rivières Annapolis et Allain. Le fort est créée en forme d’étoile d'inspiration Vauban composé de quatre bastions reliés entre eux par des courtines, d’un ravelin et d’une batterie côté mer, faisant face à la rivière Annapolis. Les vestiges de ce fort à la Vauban constituent aujourd’hui le lieu historique national du Canada du Fort Anne.
De 1654 à 1697, la possession ne cesse de changer de mains.
Il faut dire que Port Royal est loin des autres colonies françaises mais proche de la Nouvelle Angleterre. Elle devient une cible de choix pour venger les attaques françaises du Québec sur les villes frontières de la Nouvelle Angleterre et un objet de marchandage utile dans les négociations des traités. Pourtant l’accès aux pêches abondantes attire mais aucun empire n’investit massivement dans la défense de cette capitale isolée.
Par contre, les Acadiens se sont profondément enracinés. Beaucoup sont dans la région de Port Royal depuis 3 générations et malgré les turbulences, certaines familles essaient de continuer et cela même lorsque les forces britanniques attaquent et prennent Port Royal. D’autres se détournent pour trouver de nouvelles zones pour construire des digues et cultiver les terres.
Bien que les Mi’kmaq se déplacent lors de leurs tournées saisonnières, ils continuent à interagir avec les personnes vivant au fort. Les conflits franco-britanniques affectent de plus en plus cette relation et leur mode de vie. Ils constituent une menace importante pour les Britanniques.
Jusqu’en 1710, la colonie de l’Acadie est gouvernée depuis cet endroit. Il sert alors de résidence au gouverneur français, à ses fonctionnaires et à sa garnison.
La période des conflits
Les anglais possèdent l’avantage du nombre mais au fort les Français ne se battent pas seuls.
Les Acadiens et les Mi’kmaq coexistent lorsque les Britanniques et les Français visent à conquérir la région. Les deux puissances européennes veulent faire plus que soutenir le commerce et l’exploration. Ils veulent agrandir leurs colonies Nord-Américaines. Port Royal subit les contrecoups de l’évolution de ces intérêts car elle est la cible la plus proche pour les forces britanniques en Nouvelle Angleterre. Les ambitions européennes pour Mi’kma’ki grandissent et les Mi’kmaq recourent à des attaques militaires pour défendre leur moyen d’existence et leur mode de vie. Les Mi’kmaq s’allient habituellement aux Français lors des conflits croissants.
La plupart des Mi’kmaq considèrent l’expansion anglaise comme une menace à leur relation de longue date avec les Français. Ils y voient une menace pour Netululimk. Parfois, les Mi’kmaq locaux aident les Français à défendre le fort et la ville. De temps à autre, les Mi’kmaq d’autres districts de Mi’kma’ki s’impliquent dans les conflits à Kespukwitk.
Mais les menaces s'accentuent. La population de la Nouvelle Angleterre croit rapidement. Les colons s’étendent au Nord du Maine région que les premières nations et les Français considèrent comme leur appartenant. Les pêcheurs de la Nouvelle Angleterre cherchent l’accès aux riches zones de pêche autour de Mi’kma’ki. L’Angleterre fournit à la Nouvelle Angleterre les provisions, les troupes et les navires de guerre dont ils ont besoin pour soutenir leurs actions militaires.
Les forces de la nouvelle Angleterre veulent frapper un grand coup contre la France et le Québec en ciblant Port Royal. Pendant cette période, les Anglais attaquent Port Royal à 6 reprises. Les Anglais prennent le fort 2 fois et imposent le régime britannique en laissant une petite garnison sur place.
Coincé entre la Nouvelle Angleterre et le Québec, l'Acadie est le foyer du conflit entre les empires rivaux. Les Français ont établi Port Royal comme la capitale de l’Acadie et elle devient un paratonnerre pour les attaques. Que ce soit les Britanniques ou les Français, ils veulent le contrôle des voies maritimes et des lieux de pêche lucratifs qui entourent l’Acadie. Ainsi, les Mi’kmaq, les Volastoqiyik et les abénaquis sont entrainés dans le conflit car ils cherchent à protéger leur patrie.
Les Mi’kmaq de Kespukwitk participent aux conflits sur plusieurs fronts. Marins et combattants de mer habiles, ils harcèlent la navigation à la pêche et le commerce maritime de la Nouvelle Angleterre surtout au large des côtes Est de Kespukwitk. Ils se joignent à leurs alliés contre l’expansion du Nord de la Nouvelle Angleterre. Port Royal compte sur leur aide pour défendre le fort.
En 1705, les abénaquis ramènent à Port Royal un navire capturé. Pendant les fêtes, les Français invitent les Mi’kmaq à se joindre à d’autres attaques contre les navires anglais.
En 1710, Une importante force britannique assiège et attaque Port Royal et la Grande Bretagne reprend le contrôle pour la dernière fois. En France, le ministre de la Marine équipe un navire de ravitaillement pour Port Royal aux abois. Le navire transporte des canons, des fusils, des uniformes, des produits hospitaliers et des cadeaux pour les alliés des premières nations. Le navire n’arrive jamais. Le gouverneur de Terre Neuve étant également désespéré, il garde le navire lorsqu’il y fait escale.
Suite à la bataille de 1710 les Français cèdent Port Royal aux Britanniques pour la dernière fois. En 1713, Mi’kma’ki reste non cédée mais la France et la Grande Bretagne la morcèlent. La Nouvelle Ecosse et Terre Neuve vont à la Grande Bretagne. Les Français gardent l’île Royale (cap breton) et l’île St Jean (l’île du prince Edouard) ainsi que les droits de pêche le long Nord et Ouest des côtes de Terre Neuve.
Quant aux Mi'kmaq qui se sentent de plus en plus menacés au regard de leurs modes de vie, ils signent des traités avec les Britanniques. Les traités de paix et d’amitié sont un groupe complexe de traités entre les premières nations et les Britanniques à la recherche d’une coexistence pacifique. Les mi’kmaq veulent protéger leurs modes de vie et leurs moyens de subsistance. Le traité de Boston négocié en 1725 entre les gouverneurs de la Nouvelle Angleterre et les dirigeants des Premières nations a été présenté aux chefs des nations Mi’kmaw, Wolastoqiyik et Abénakise en juin 1726 sur le site du Fort Anne. Ce traité devient la base des négociations de traités suivantes. La cour suprême cite encore ce traité dans ses décisions aujourd’hui.
Entre 1744 -1749 : les Français renouvellent leurs efforts pour reprendre la Nouvelle Ecosse mais les différentes attaques des Français sont vouées à l’échec. Les Britanniques et les Français se préparent à la bataille décisive pour le contrôle de l’Amérique du Nord qui éclate en 1755.
En 1755, Le nouveau gouvernement d’Halifax ne reconnait pas les Acadiens et les Mi’kmaq. Le gouverneur ordonne l’expulsion des Acadiens qui ont refusé de prêter serment d’allégeance sans réserve alors que les Britanniques et les Acadiens coexistent depuis 45 ans. Les Britanniques veulent peupler la Nouvelle Ecosse. Après 1755, les colons connus sous le nom de "planteurs" reprennent les riches terres agricoles acadiennes. L’afflux de milliers de planteurs puis de loyalistes commence à changer l’accès des Mi’kmaq à la terre et aux ressources qui sont au cœur de Netukulimk. Un siècle de guerre et de maladie touchent les communautés. Au cours des siècles à venir, la destruction de l’habitat, la décimation des animaux et le ravage du colonialisme va transformer Mi’kma’ki et endommager les communautés Mi’kmaq
Annapolis Royal devient la capitale de la Nouvelle Ecosse. Elle est une enclave britannique au sein d’une population dont la majorité est acadienne et mi’kmaq. La diplomatie et les négociations deviennent essentielles : la coexistence britannique avec les Mi’kmaq et les Acadiens oscille entre stabilité et hostilité, la diplomatie et la méfiance. Les conflits reprennent.
Les acadiens échangent leurs biens excédentaires au fort et même plus loin pendant 100 ans. Leurs fermes et leur travail produisent des rendements élevés des principales cultures. En retour, ils reçoivent des produits finis qui viennent de la Nouvelle Angleterre, des Antilles et de Louisbourg, peu importe qui détient le fort. Globalement les Acadiens prospèrent mais les habitants du fort survivent. Les résidents du fort se trouvent en situation de survie c’est les cas des soldats et des milices. Alors que les Acadiens, savent tisser des vêtements, construisent des maisons et s’alimentent bien mais tout va basculer en 1755 avec le grand dérangement.
Après déjeuner, nous allons à port Royal. Nous passons sur l'autre rive de la rivière d'Annapolis et traversons Granville que nous avions vu du site du Fort Anne.
Granville L'habitation fortifiée de Port Royal
Nous visitons la reconstitution de Port Royal, une Habitation fortifiée où Pierre Dugua de Mons et Samuel Champlain ont installé un poste de traite.
la reconstitution de l'habitation fortifiée de Port Royal Cette reconstitution c'est l'histoire d'Hariette Taber Richardson, une américaine de Cambridge dans le Massachusetts, admiratrice de Samuel de Champlain, elle a passé plusieurs étés dans la région d'Annapolis à partir de 1923 et s'est passionnée pour cette histoire. Elle s'est associée à l'historien Loftus Morton Fortier en 1928 et a créé une association pour reconstruire l'Habitation fortifiée et c'est en 1938 que le gouvernement du canada prend le projet en main. La reconstruction est basée sur le plan et la description du lieu par Samuel de Champlain et sur une étude détaillée des techniques de construction du début du 17ème siècle. Durant la reconstruction de Port Royal, C.W. Jefferys, un artiste historique canadien a servi d'expert-conseil en histoire. Sa grande érudition et ses recherches ont été essentielles au caractère d'authenticité de l'habitation reconstruite.
L'habitation fortifiée vue de l'extérieur Le port de Port Royal fait partie d'une voie de navigation traditionnelle et est utilisée comme campement d'été par les Mi'kmaq depuis des milliers d'années. En 1604, Samuel Champlain écrit dans son journal que c'est un des plus beaux ports sur ces côtes où un grand nombre de vaisseaux pourrait être en sureté. Après l'échec de l'implantation de la première colonie sur l'île Ste Croix entre le Maine et le Nouveau Brunswick en 1604, la colonie s'installe à Port Royal en 1605 où elle se maintient jusqu'en 1613, date où le site est incendié par des colons anglais de Virginie.
Les terrasses de surveillance L'habitation fortifiée reconstruite a ouvert ses portes en 1941. L'emplacement précis de l'habitation de 1605 - 1613 n'a jamais été découvert mais il se pourrait qu'il soit tout près de l'emplacement original sur les rives du Bassin d'Annapolis. C'est l'une des premières colonies françaises en Amérique du Nord.
Sur les rives du bassin AnnapolisAprès plusieurs tentatives infructueuses des Européens pour passer l'hiver dans le Canada atlantique, les Français édifie cette habitation en 1605. Cette fois, l'entreprise est une réussite largement aidée par l'accueil des Mi'kmaq partageant leurs savoirs traditionnels et s'alliant à eux durant les conflits. Les Mi'kmaq étaient invités à prendre part aux célébrations aux côtés des colons français et dans un bon nombre de cas ont adopté le foi chrétienne.
La cour intérieure Le dortoirLa chapelle et l'herboristerie La maison de l'officier Les deux premiers hivers que les Français passent en Acadie sont très rudes, de nombreux pionniers perdent le vie. Le moral est bas. C'est pour remonter le moral que Samuel de Champlain durant l'hiver 1606-1607 fonde "l'ordre de bon temps", club permettant aux hommes de bien se nourrir et de se divertir durant les longues soirées d'hiver. A tour de rôle, les hommes de la colonie préparent des soirées gastronomiques passées à chanter et à se raconter des histoires. Les Mi'kmaq assistent souvent à ces soirées dont leur chef prennent place à la table principale.
La salle à manger Un canoë en écorce de bouleaules peuples d'Europe et des Amériques y compris les Mi'kmaq ont dû improviser des langues (pidgins) pour communiquer en faisant la traite. En 1609, Mathieu Da Costa, un homme d'ascendance africaine, a été embauché par le sieur de Mons comme interprète pour ses expéditions au canada et en Acadie.
Un panneau sur le site présente Membertou (Anli-Maopeltoög), grand chef Mi'kmaq installés dans le sud de la baie de Fundy. Il fut un grand guerrier et un sorcier réputés. A l'arrivée des Français après 1600, il se fit chrétien et en juin 1610, il devint le premier chef autochtone baptisé au Canada. Il aida les Français à s'établir dans cette région et fit avec eux le commerce des fourrures en échange d'objets apportés d'Europe. Il mourut en 1611 mais l'alliance qu'il avait conclu avec les Français dura un siècle.
Après ces visites, nous avançons vers l’Est. Nous faisons un détour vers la côte et la baie de Fundy au niveau du port Halls Harbour qui méritait le détour d’après notre guide papier. Nous y sommes arrivés à marée basse et il n’y avait aucun bateau et pour cause. Le chenal du port est très profond, cela doit être effectivement remarquable au moment où l’eau remonte notamment avec l'amplitude des marées de la baie de Fundy.
Le port Halls Harbour Nous passons ensuite dans le région de Canning ou plutôt à Blomidon Lookoff d’où nous avons un point de vue sur le "Minas Basin", le bassin des Mines et sur la vallée d’Annapolis.
Le bassin des Mines et la vallée d'AnnapolisNous redescendons donc au niveau de Wolfville et de Grand Pré où il y a du camping possible mais c’est trop tard. Nous avons repéré un autre camping près du lac Sunken. C’est perdu dans la nature. Il n’y a personne à notre arrivée et pourtant il se fait tard. Nous commençons à nous inquiéter. Finalement, nous nous installons dans une cabine fort sympathique.
Cette nuit, nous avons bien dormi, nous n’avons pas eu froid, le lit était confortable.
Le site de Grand-Pré
Nous revenons vers le site de Grand-Pré où nous arrivons un peu en avance. Le site se situe dans la région des Mines que le peuple acadien commence à coloniser dans les années 1680. Le nom « les Mines » remonte à 1604, à l’époque où Sieur de Mons et Samuel de Champlain entendent les Mi’kmaq parler de dépôts de cuivre le long des rives de la Baie de Fundy. Bien que le cuivre ne soit pas à la hauteur des attentes, le nom «les Mines» reste pour désigner la côte voire ensuite l’ensemble de la région. Les acadiens établissent des villages étendus le long des rivières qui se déversent dans le bassin des Mines. Dès le début de 1700, la région "les Mines" est le centre le plus populeux en Acadie et Grand-Pré est l’établissement le plus grand du district des Mines. Il s’étend le long des terres élevées en bordure de Grand-Pré entre ce qui est aujourd’hui Wolfville et Hortonville.
L'histoire de la création du parc
"Le parc de Grand-Pré constitue le foyer historique le plus important du peuple acadien... il rappelle ses heures les plus douloureuses et les plus héroïques et .... il doit rappeler aux générations futures l'exemple d'un peuple courageux dont la culture et les actes enrichiront toujours davantage la nation canadienne." Extrait de l'entente conclue en 1956 entre la société Nationale de l'Assomption et le gouvernement fédéral lors de la cession de l'église souvenir au futur parc historique national de Grand-Pré.
Dès 1907, John Frederic Herbin avait en tête de faire l’acquisition de presque toutes les terres qui compose l’actuel lieu historique afin d’en faire un parc commémoratif. En 1921, la Société Nationale de l'Assomption prend possession de l'emplacement de l'église et construit en 1922 l'église souvenir grâce aux fonds recueillis lors d'une campagne de financement lancée auprès des communautés acadiennes de toute l'Amérique du Nord afin de commémorer la tragédie de la déportation. C'est en 1957 que le gouvernement du Canada fait l’acquisition de la propriété et créé 4 ans plus tard le parc historique national du Canada de Grand-Pré.
Pendant environ 65 ans, une partie du terrain qui se situe entre l’église souvenir et l’actuel chemin de grand Pré sert de cimetière à la paroisse de Saints Charles les Mines. L’emplacement a été confirmé par la découverte d’un cercueil lors de travaux d’excavation. En 1909, John Frederic Herbin fait érigée une croix à l'emplacement du cimetière de St Charles des Mines.
Ce site historique est principalement orienté sur l'histoire acadienne et notamment le grand dérangement.
Dès le début de la visite, nous regardons un film relatant la déportation des Acadiens de la région de Grand Pré. La présentation est remarquable, sur deux petits écrans de chaque côté de l'écran principal, des intervenants de chaque partie (Acadien, Français, Britannique) commentent des scènes présentées dans le documentaire. C’est très émouvant.
Nous poursuivons par la visite des différentes présentations concernant l'histoire du site, l'histoire des Acadiens et leur mode de vie. Plusieurs tableaux repris ci-dessous représentent des scènes de vie autour de la période de la déportation.
La vie des Acadiens
Les gens de Grand-Pré étaient des agriculteurs. Ils avaient mis en place des digues pour cultiver les terres des prés salés avec un système d’évacuation de l’eau douce et la fermeture des évacuations lors des marées hautes (des aboiteaux). Cela leur a demandé beaucoup de travail car il ne faut pas oublier que nous sommes dans la baie de Fundy avec des amplitudes de marées importantes. Les digues devaient être suffisamment hautes et solides pour affronter la puissance des marées. Lors de sa visite à Port Royal en 1699, le Sieur de Dièreville décrit comment les acadiens construisent une digue. « On n’arrête pas le cours de la mer aisément. Cependant les Acadiens en viennent à bout par des puissantes digues qu’ils appellent des aboiteaux et voici comment ils font. Ils plantent 5 ou 6 rangs de gros arbres tous entiers aux endroits par où la mer entre dans le marais et entre chaque rang ils couchent d’autres le long les uns sur les autres et garnissent tous les vides si bien avec la terre glaise bien battue, que l’eau n’y saurait plus passer. Ils ajustent au milieu de ces ouvrages un esseau (une conduite d’eau) de manière qu’il permet à marée basse, à l’eau des marais de s’écouler par son impulsion et défend à celle de la mer d’y entrer». Dans le musée est exposée une dalle en bois bien conservée découverte lors de fouilles. La dalle complète mesurait 14 mètres de long.
Comment fonctionne l'aboiteau
Les villages de Grand Pré et d’Hortonville ainsi que les terres agricoles fertiles qui les entourent présentent un des modèles européens de colonisation et d’utilisation des terres parmi les plus anciens du Canada. Attirés par les vastes marais côtier, les Acadiens s’établirent dans les environs de Grand Pré dans les années 1680. Les fermiers acadiens utilisèrent les techniques ingénieuses de construction de digues développées à Port Royal pour enclore plus de milles acres de marais qui une fois dessalés constituèrent des terres labourables de qualité. Les maisons du village de Grand Pré étaient situées au milieu des vergers et des bois sur les hauteurs périphériques qui bordaient la limite Sud du marais principal. Les fouilles réalisées sur les sites acadiens montrent que certains Acadiens avaient des biens de valeur.
Les œuvres d’art de l’époque dépeignent souvent les Acadiens comme de simples fermiers, des gens solitaires. Pourtant loin d’être isolés, ils entretiennent des rapports commerciaux à l’intérieur et à l’extérieur de l’Acadie. Par leur commerce, ils se procurent des biens qu’ils ne trouvent pas sur place.
Les commerçants acadiens font le commerce avec les Mi’kmaq, les Britanniques d’Annapolis Royal et de Halifax, des marchands de la Nouvelle Angleterre et les colonies française le long du St Laurent, dans l’île Royale et dans l’île St jean. A l’époque du régime français, les Acadiens font illégalement du commerce avec la Nouvelle Angleterre. Sous le régime britannique à partie de 1713, le commerce du surplus de céréales et de bétail avec les colonies françaises est lucratif mais il déplait aux fonctionnaires britanniques qui voient le tout comme faire affaire avec l’ennemi.
Des fouilles archéologiques récentes nous ont permis d’approfondir nos connaissances des objets courants qu’utilisait le peuple acadien avant la déportation de 1755. On croyait que les Acadiens avaient peu de possession de valeur mais les fouilles portent à croire que certains vivaient assez confortablement. Ils avaient dans leur maison des céramiques et d’autres produits manufacturés importés.
Voici un tableau présentant un coup d’œil sur la vie en Acadie d’avant que ne commence les déportations. Le décor est celui d’un marais situé près d’un ruisseau, en face d’un village. C’est un jour d’été peut être en 1740. Les familles s’affairent à récolter le foin et le placer à cheval sur des montants pour le faire sécher. C’est un travail collectif auquel participent les membres de plusieurs familles. Les Acadiens ont tendance à s’installer dans des villages familiaux. La maison, les dépendances, le potager, les vergers et le bétail sont en arrière plan sur les plateaux devant les marais. Le moulin sert probablement à moudre le grain et à produire de la farine dont on fait le pain.
La récolte avant la déportation Même si on a décrit l’Acadie comme un paradis paisible, elle est plus souvent un champ de bataille étant situé entre la Nouvelle Angleterre et la Nouvelle France. Tout en étant neutre durant les conflits entre l’Angleterre et la France, les Acadiens ne travaillaient pas dans une ambiance paisible car il y avait parfois des attaques britanniques qui brulaient leurs maisons notamment en 1704 dans la région des Mines. Et encore, c'était plus calme que dans la région de Port Royal où se trouvait le fort. Après le traité d’Utrecht de 1713 où la France cède l’Acadie et Terre Neuve à l’Angleterre, ils connurent une période plus calme mais les affrontements entre anglais et français perdurent et en 1744 et 1747 les Acadiens se trouvent au cœur de la mêlée. Les anglais doutent de leur neutralité. En 1755, on leur demande de prêter serment d'allégeance inconditionnelle à la couronne anglaise et s’ils refusent c’est la déportation.
Entre 1710 et 1730, les gouverneurs de la Nouvelle-Écosse tentèrent à plusieurs reprises de faire prêter aux Acadiens un serment d'allégeance inconditionnel à la couronne d'Angleterre, ce qui aurait éliminé leurs droits garantis par le traité d'Utrecht et par la lettre de la reine Anne.
Les acadiens occupent un territoire d’une importance stratégique pour la Grande Bretagne et la France qui se dispute la suprématie en Amérique du Nord. Enjoints par le gouverneur Phillips, ils signent un serment d’allégeance qui comme ils le croient assure leur neutralité lors d’éventuels conflits en 1730.
Dans le tableau ci-dessous, on peut voir Phillips, gouverneur de la Nouvelle Ecosse assis en face de l’Acadien qui est debout. Le cadre est vague et c’est voulu car il pourrait s’agir de n’importe quel Etablissement, Les Mines, Pigiguit, Beaubassin. A cette époque, le gouverneur se déplace dans les villages acadiens autour de la Baie de Fundy pour faire signer le serment d’allégeance aux hommes. En fin de compte, 591 personnes signent d’une croix. Phillips promet verbalement aux acadiens qu’ils pourront rester neutres lors des prochains conflits entre la Grande Bretagne et la France mais il omet d’inscrire cette mention dans la copie du serment signé qu’il envoie en Angleterre. Aux yeux des administrateurs britanniques venus peu après en Nouvelle Ecosse, le serment de 1729-1730 n’est pas une preuve suffisante de la loyauté des Acadiens.
Le serment d’allégeance à la Couronne Le grand dérangement
Nous avons vu dans le film présenté le rassemblement des Acadiens hommes et enfants d’au moins 10 ans de la région des Mines à l’église paroissiale sur l'ordre du lieutenant colonel John Winslow qui leur lit l’ordre du gouverneur traduit en français les informant de l’expulsion de tous les Acadiens de la colonie en septembre 1755. Les hommes et les garçons sont alors emprisonnés dans l’église. Quelques jours plus tard, escortés par les soldats ils se rendent sur les rives du Bassin des Mines où les attendent 5 navires ancrés au large. Il faut encore 6 semaines d’emprisonnement avant que commencent les embarquements de leurs familles à bord des navires qui les transporteront loin de leurs foyers et des terres de leurs ancêtres vers les colonies anglo-américaines. Des scènes semblables se déroulent partout en Nouvelle Ecosse en 1755. C'est le grand dérangement. Plus de la moitié des Acadiens déportés étaient des enfants.
On peut voir exprimé dans ce tableau ci-dessous, le choc de l’annonce : l'incrédulité, le désespoir, la colère et la protestation.
L’annonce de la déportation Ce tableau montre en premier plan les gens qui attendent l’embarquement et en deuxième plan des chaloupes qui se rendent aux navires. Des soldats surveillent l’embarquement.
L'embarquement Un autre tableau montre que les villages sont incendiés afin de dissuader les acadiens de revenir. Bien que le tableau montre des soldats vêtus des habits rouges de l’armée britannique, il y a en fait beaucoup plus de miliciens de la Nouvelle Angleterre que de soldats de l’armée.
L’incendie des villagesEn septembre 1755, à la veille de la guerre de sept ans, débute la déportation des Acadiens. Contrariées par la neutralité des Acadiens qui refusent de prêter allégeance inconditionnelle à la couronne, les forces britanniques enclenchent le grand dérangement. Ils décident d’expulser les Acadiens pour prévenir toute alliance avec les Français. Pendant 8 ans, plus de 10 000 Acadiens sont dispersés par petits groupes dans les colonies américaines, en Angleterre et en France. 1 050 Acadiens sont déportés de la Virginie qui refuse leur débarquement vers l’Angleterre mais décimés par la maladie, seulement 750 survivants seront envoyés en France à la fin de la guerre en 1763. Les Acadiens qui étaient venus s’installer sur l’île St jean ou à l’île Royale sont également déportés après la chute de Louisbourg en 1758 mais cette même année trois bateaux transportant des Acadiens vers l’Europe font naufrages, ce qui représente environ 850 morts acadiens. De 1756 à 1762, les Acadiens qui se rendent ou qui sont capturés sont faits prisonniers et détenus aux forts Edward, Cumberland, Annapolis Royal et Halifax. Entre 1749 et 1761, les Acadiens vivants le long des rivières St Jean, Petitcodiac, Memramcook, Ristigouche et Miramichi au Nouveau Brunswick aujourd'hui sont également capturés. Certains arrivent à s’échapper. En 1762, une dernière déportation échoue parce que le Massachusetts refuse d’accueillir 915 exilés. Toutefois, l’ordre de déportation demeure en vigueur jusqu’en 1764.
En tout, plus de 10 000 Acadiens seront déportés dont près de 7 000 dans les colonies anglo-américaines et au sud de la Nouvelle Ecosse. Les naufrages et les maladies ont tués beaucoup de personnes.
Les colonies anglo-américaines qui doivent accueillir les Acadiens n’ont rien prévu à leur intention. Certaines refusent leurs débarquements c’est le cas du Massachusetts en 1762 c’est aussi le cas de la Virginie qui décide de les déporter en Angleterre en 1756. Pour les autres, ils sont dispersés en petit groupe et dans certains cas, les enfants sont séparés de leurs parents afin de les mettre en apprentissage. Globalement les Français neutres de religion catholique ne sont pas les bienvenus. Pendant 50 ans nombre d’entre eux poursuivront leurs migrations parfois jusqu’en Europe ou vers le sud de l’Atlantique en quête de terre d’adoption accueillante. Les déportés n’ont droit car leurs biens personnels qu’ils peuvent emporter, les autres biens sont confisqués par la couronne britannique. Les Acadiens commence leur vie d’exil dépouillés dans des conditions souvent difficiles et dans des lieux qui leur sont hostiles.
Les migrations et le retour
S’échelonnant sur 2 générations, les migrations qui suivent la déportation sont extrêmement complexes. Elles ont pour destination, l’Acadie, le Québec, la Louisiane et les Antilles. Dans les années qui suivent la paix de 1763, de nombreux Acadiens, ayant le mal du pays, réussissent à quitter les colonies anglo-américaines. Ils rejoignent leurs compatriotes ayant échappé à l’exil et s'installent dans les régions isolées de la Nouvelle Ecosse et dans ce qui est aujourd’hui la Gaspésie, les îles de la madeleine, le Nouveau Brunswick et l’île du Prince Edouard. Ils construisirent avec force et courage une communauté fière et dynamique.
Dans ce tableau, nous sommes en compagnie d’un groupe d’acadiens dans les années qui suivent leur déportation. Des familles exilées avancent le long d’un chemin en forêt, c'est pour eux, un long voyage de retour vers les provinces maritimes d’aujourd’hui. Nous avons dans ce tableau une charrette tiré par des bœufs. Ce n’est là qu’une des nombreuses scènes que l’on aurait pu représenter car la plupart des acadiens sont revenus par bateau. Quelques 10 000 acadiens ont été déportés entre 1755 et 1763 mais seulement un petit nombre ont pu revenir de l’exil.
Le retour en Acadie Aujourd’hui, les descendants des Acadiens sont concentrés surtout dans les provinces maritimes, au Québec, en Louisiane, en Nouvelle Angleterre et en France. Dans les provinces atlantiques du Canada, les Acadiens d’aujourd’hui maintiennent vivantes bon nombre de leurs traditions. Ils conservent leur langue française ainsi que leur identité culturelle propre imprégnée d’une histoire qui remonte à environ 4 siècles.
Les Acadiens aujourd'hui
La plupart des Acadiens sont descendants d’environ 50 familles françaises qui ont colonisé l’Acadie surtout dans la région de Port Royal entre 1636 et les débuts des années 1650. Ces familles et les quelques autres qui sont arrivées avant ou un peu après cette époque constituent les racines du peuple acadien. En l’espace de quelques générations, leurs descendants ont commencé à se considérer comme un peuple distinct. Même si les familles acadiennes d’avant 1755 sont surtout d’origine française, il y a quelques exceptions (basque, espagnole, écossaise...). Certains Acadiens sont également issus de mariages entre des Français et des femmes des premières nations d’origine mi’kmaq, abénaquie et wolastoqiyik (malécite).
Aujourd’hui, les descendants des Acadiens sont concentrés surtout dans les provinces maritimes du Canada, au Québec, en Louisiane, en Nouvelle Angleterre et en France. Dans les provinces atlantiques du Canada, les Acadiens d’aujourd’hui maintiennent vivantes bon nombre de leurs traditions.
La diaspora acadienne
La diaspora acadienne a laissé des traces sur 3 continents. C’est l’histoire d’un peuple et de sa ténacité devant toutes sortes d’épreuves. Pour ceux qui sont revenus d’exil, c’est l’histoire vécue d’un profond attachement aux terres ancestrales.
On estime aujourd’hui à 3 millions le nombre des descendants acadiens éparpillés dans le monde. Les 5 grandes concentrations s’observent dans les provinces maritimes du canada, au Québec, en Louisiane, en Nouvelle Angleterre et en France. En France, les Acadiens vivent à Belle-Ile en mer, à Archigny, à Nantes et aux îles de St Pierre et Miquelon. Aux Etats Unis, la Louisiane est le foyer de centaines de milliers de cadiens (cajuns). D’autres Acadiens vivent au Texas, en Pennsylvanie, au Maryland, au Massachusetts et dans le Maine. Un demi-million d’Acadiens vivent dans les Provinces maritimes du Canada.
Revenons au site de Grand-Pré où se trouve l'église souvenir dont l'histoire de sa construction est expliquée dans un paragraphe ci-dessous sur la création du parc.
L'église-souvenir
L'église souvenir A l'intérieur de l'église sont relatés toutes les phases de la déportation. L’église souvenir représente l’attachement profond du peuple acadien au lieu historique national du canada de Grand pré. Construite en 1922 grâce aux fonds recueillis lors d’une campagne de financement lancée auprès des communautés acadiennes de toute l’Amérique du nord. L’église symbolise l’essence du nationalisme acadien et le désir profondément enraciné de commémorer le tragédie de la déportation. Sa construction s’inspire de l’architecture normande du 18ème siècle.
Une scène représentant la déportation Le vitrail installé en 1985 est la réalisation d’un rêve de la communauté acadienne qui voulait qu’un vitrail décore la devanture de l’église souvenir pour commémorer la déportation de leurs ancêtres acadiens en 1755. L’artiste lui-même de descendance cadienne louisianaise a choisi de représenter le moment dramatique où se produit la séparation des familles, des amis sur la berge. Une chaloupe lourdement chargée de passagers et de biens s’éloigne en direction des navires britanniques au large (qu’ont ne voit pas). D’autres Acadiens sont restés sur la berge. Ils attendent délaissés. Beaucoup de personnages ont l’air perdu, le dos courbé, ils se tiennent la tête abattus par le désespoir. Certains s’accrochent les uns aux autres pour trouver réconfort et sécurité.
Le vitrail Tant avant qu’après 1755, l’attachement du peuple acadien pour la religion catholique romaine est la pierre angulaire de leur communauté. Cette ferveur contribue à façonner leurs croyances et leurs coutumes et elle définit une partie de leur identité. Les Mi’kmaq sont eux aussi catholiques ce qui favorise des liens étroits entre les deux peuples. Entre 1604 et 1755, au moins 200 prêtes veillent aux besoins religieux en Acadie. La plupart viennent de France et appartiennent à différents ordres réguliers (jésuites, capucins, récollets….). Les Acadiens trouvent réconfort dans leur foi, les administrateurs britanniques protestants en Nouvelle Ecosse en sont préoccupés. En effet, l’adhésion à une religion est considérée plus importante que la langue ou l’ethnicité quand vient le temps de la loyauté.
En rejoignant l'église souvenir, nous passons devant la statue d'Evangéline.
Le poème "Evangéline" de Henry Wadsworth Longfellow est à l’origine du choix de Grand-Pré comme endroit lié aux déportations de 1755. Publié en 1847, le poème a suscité un grand intérêt en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. Les gens sont touchés par le récit d’Evangéline, du peuple acadien et de la déportation. La tragédie acadienne suscitera par la suite une attention générale et bienveillante. Le poème suscite énormément d’intérêt à l’endroit du peuple acadien et de la déportation. Le succès que remporte le poème contribue à la création du lieu historique national du Canada.
Le long d'une allée, nous pouvons voir, la sculpture représentant une famille acadienne lors de la déportation. Cet ensemble de sculptures a été réalisée pour marquer le 250ème anniversaire de la déportation. La famille symbolise le sort réservé à de nombreuses familles acadiennes dépossédées de leurs biens et exilées vers des terres étrangères et un futur incertain.
Sculpture d'une famille lors de la déportation réalisée en 2006 C’est un site très poignant qui complète ce que nous avions vu ces derniers jours et en même temps résume toute l'histoire des Acadiens.
Windsor : Fort Edward
Nous poursuivons vers Windsor où se trouve le Ford Edward où les Acadiens ont été rassemblés avant leur déportation. Il ne reste du Fort Edward que le Blokhouse situé dans le parc historique national du Fort-Edward qui surplombe la confluence des rivières Ste Croix et Avon. Cet emplacement a donné au fort un rôle de protection des voies de communication et de transport entre Halifax et la côte de la baie de Fundy. En effet, ces rivières se jettent dans le Bassin des Mines.
Ford Edward, bâti en 1750 faisait partie du réseau de fortifications construites pour protéger Halifax. Ce fort se situe à proximité des lieux de vie des Acadiens et des Mi'kmaq qui utilisaient les voies navigables pour se déplacer à Mi'kma'ki. C'est de là que furent dirigées les opérations de déportation des colons acadiens de la vallée d'Annapolis. Les acadiens qui furent capturés dans les années 1760, furent emprisonnés dans ce fort.
Suite à la guerre de 7 ans avec les Français (1755-1763), le gouvernement britannique impose des taxes à ses 13 colonies de la Nouvelle Angleterre pour renflouer les caisses sans les concerter ce qui déclenche la révolte des colonies de la Nouvelle Angleterre. Il servit à nouveau pendant la révolution américaine (1775-1783) et pendant la guerre de 1812 entre la Grande Bretagne et les Etats Unis. Finalement, le fort joua un rôle minime lors de ce dernier conflit mais il servit à des fins militaires jusqu'en 1850.
Truro
Puis nous partons rapidement pour Truro où nous voulons voir le mascaret qui doit avoir lieu vers 12H30.
Le mascaret sur la Salmon river Parc provincial Five Islands
Nous continuons ensuite sur la côte sud de l’isthme de Chignecto. La côte est belle avec ses falaises rouges. Nous faisons un arrêt au Parc Provincial Five Islands.
La falaise et l'île de l'Elan dans le Parc Provincial Five IslandsSur ce site, nous avons vu un panneau qui présentait la pholade tronquée, une palourde qui s'enfouie dans la roche. Cela nous a interpellés. C'est une espèce rare protégée qui ne se trouve au Canada que dans le bassin des Mines. Les pholades sont des bivalves inhabituels capables de creuser dans divers types de roches, d'argile ferme et de tourbe, et qui vivent en permanence dans les terriers qu'ils créent. Ces palourdes utilisent un ensemble de crêtes sur les surfaces antérieures extérieures de leur coquille pour creuser, créant ainsi un terrier non ramifié. En France, on peut le trouver à l'île d'Oléron dans les rochers calcaires de la "Brée-les-Bains". La pholade tronquée creuse un terrier qui s'approfondit et s'élargit à mesure qu'elle croit jusqu'à ce qu'elle se retrouve piégée. Elle passe toute sa vie dans son terrier filtrant des aliments microscopiques provenant de l'eau de mer. On peut détecter sa présence aux petits trous dans les fonds marins notamment dans les cuvettes de marée.
Un peu plus loin, nous nous arrêtons au phare des cinq îles. C’est une belle zone d'où l'on peut voir l'alignement des cinq îles. Il y a "Moose Island, Diamond Island, long Island, Egg Island et Pinnacle island.
Le phare des cinq IlesQuelques vues sur les "Five Islands Nous poursuivons ensuite vers le parc Provincial du cap Chignecto. En cours de route, nous avons une belle vue sur le cap Split qui délimite le bassin des Mines. Nous apercevons l'île Spencers à travers la végétation.
Le cap SplitPhare spencers
Nous nous arrêtons ensuite au phare Spencers un peu avant le cap avec de grandes plages. Tout au long de la route, nous profitons des belles couleurs et de beaux points de vue.
Le phare et l'île Spencers, et les grandes plages Parc Provincial du Cap Chignecto
Enfin, du parc provincial du cap de Chignecto, nous avons une belle vue sur le cap d’Or d’un côté et sur le cap Chignecto de l’autre avec sur la plage des roches rouges alors que les caps ont des roches grises.
La plage en dessous de la maison du parcLe cap d'OrAmherst
Nous avons été un peu vite sur cette fin de parcours car nous avons réservé un hébergement à Amherst. Du cap la route nord de l’isthme est moins belle que celle du sud. Il est tard, nous ne pouvons pas nous arrêter sur le site de Joggins pour voir les fossiles sur les falaises. C’est un site libre qu’il faut voir à marée basse.
L’hébergement de ce soir est chez un particulier, c’est une autre ambiance.