///////// Attention article très long, prévoyez du temps //////////
En Anatolie, les paysages racontent des histoires ancestrales, des péripéties héroïques, des declins mysterieux. Tout dans les paysages d'Anatolie vous transporte vers la poésie et le rêve.
Les récits imaginaires qui nous avaient motivés à venir jusqu'ici se sont matérialisés sous nos yeux avec les chemins rectilignes qui traversent la steppe sans fin, les cheminées de fées par centaines, les montagnes colorées, les géants de pierre... et les montgolfières !
Notre premier arrêt est à Konya, ville réputée pieuse où le foulard est de mise pour les femmes. Nous nous attendions donc à retrouver l'ambiance un peu austère du quartier Balat d'Istanbul, finalement nous sommes surpris : la ville est assez agréable et moderne. Des femmes portent le niqab mais elles sont loin d'être majoritaires. Le bazar nous plaît, bien que les fameux tapis de Konya soient introuvables. Nous visitons la magnifique medressa Karatay (époque seldjoukide) ainsi que le Tekke de Mevlâna - disons une école de derviches - sous la pluie et transportés par la foule en pèlerinage.
Arrêt çai et café turc dans le bazar de Konya.Konya, la porte de la Cappadoce.
A nous maintenant le coeur de la Cappadoce !
Nous attendions cette étape du voyage depuis tellement longtemps... et voilà qu'on nous annonce du mauvais temps toute la semaine. Nous sommes dépités, mais nous faisons avec et slalomons entre les gouttes de pluie.
Dans la vallée d'Ilhara nous découvrons nos premières grandes cités souterraines, maisons et églises troglodytes, ainsi que les pâtisseries turques qui viennent remplacer nos biscuits secs (une fois qu'on est tombé dedans, c'est difficile de s'en sortir!).
Les cités troglodytes et souterraines datent du 6e siècle environ, elles ont été creusées pour échapper aux invasions de l'époque et sont restées habitées jusqu'au 10e siecle. Elles sont construites sur plusieurs étages, parfois une dizaine, qui s'enfoncent sous la terre ou s'élèvent à hauteur d'oiseaux. On y trouve cuisines, étables, pressoire ... Les familles pouvaient rester de nombreux mois en autarcie complète. Nous nous amusons à monter/descendre les escaliers et échelles pour explorer, essayer de deviner à quoi correspond ce trou, cette niche... Au bout de certains couloirs sont posés d'énormes meules en pierre pour protéger les accès en cas d'attaque. De véritables gruyères ont été creusés, jusqu'à trop déstabiliser la montagne. On peut alors parfois observer ces habitats à ciel ouvert comme si les façades avaient été arrachées.
Les églises sont assez détériorées, soit à cause du temps qui a effacé les peintures, soit à cause de la guerre des icônes qui est venu les recouvrir. Elles restent malgré ça fascinante !
Les habitants de la région ont aussi creusés beaucoup de pigeonniers, la fiente des oiseaux étaient et est toujours récoltée en tant qu'engrais.
Après une belle balade de 4 heures dans la vallée, nous découvrons nos premières cheminées de fées, drôles de cônes dodus qui s'élancent vers le ciel !
Avouons aussi que c'est après cette magnifique promenade que nous avons eu envie de gâteaux... Le nez fin, nous trouvons rapidement notre bonheur dans un petit village excentré. En commandant nos pâtisseries, une cliente vient nous parler (en turc, kezako ?!), la soeur de la propriétaire aussi (en français, elle a vécu 6 ans à Annecy !). Et voilà que nous restons 2 heures, passant de la pâtisserie à la boulangerie puis à la boucherie, que la cliente turque possède. Et çai, et re-çai, et biscuits, et gâteaux au chocolat... Bref, comme on le disait on a eu le nez fin 😉
Nous partons ensuite pour le "triangle d'or" de la Cappadoce, où plutôt le "triangle d'or pour les touristes"... il n'y avait presque personne dans la vallee d'Ilhara, on comprend mieux pourquoi : ils sont tous concentrés ici ! Il faut dire que l'image qu'on se fait de la Cappadoce vient de là : sur 15km2 se succèdent les vallées rouge, rose, blanche, les cheminées de fées, les villages troglodytes, les départs de montgolfières, les balades à cheval...
Dans tous les villages qui entourent ce triangle d'or on trouve une multitude de magasins de souvenirs moches ; les cars de touristes sont légion ; et incroyable mais vrai, les turcs ne semblent pas vraiment prendre soin de ce patrimoine naturel hors norme : le nombre de dechets sous la brousaille est équivalent au nombre de touristes. Nous sommes assez effarés qu'il y ait si peu de prévention à ce niveau. Sur notre route nous avions bien sûr remarqué que l'environnement n'était pas vraiment une préoccupation locale, mais que ça le soit si peu ici... ?!
Bon, voilà pour le point noir.
Une fois mis de côté, il faut dire que nous avons vécu des moments inoubliables dans ce coin de paradis : le premier jour nous nous levons vers 5h du matin, réveillés par un bruit étrange de soufflerie... les montgolfières sont installées tout autour de notre camion, certaines sont déjà dans le ciel et d'autres sont en train d'être gonflées. Le spectacle est féerique ! Dans la pâle lumière de l'aube, nous les observons, fascinés ! (Puis nous nous recouchons, fatigués et comblés !).
Aussi, il suffit souvent de faire quelques pas de côté pour quitter la cohue et profiter du paysage en toute sérénité. Si la vallée de Goreme (décrite comme le trésor de la région) nous déçoit particulièrement, nous nous consolons avec le reste qui vaut largement le déplacement.
Le jour de notre départ, nous nous levons à 4h du matin pour, à notre tour, nous envoler en montgolfière !!! Que c'est court 1h de vol, que c'est beau une fois là-haut, que c'est poétique cette centaine de ballons ! Tous, ils frôlent les nuages en attendant les premiers rayons de soleil qui viendront illuminer la vallée !!!
Ça y est, on l'a fait, ce projet qui nous tenait tant à coeur : on a fait de la montgolfière en Cappadoce !
Et ils sont sympas les gars de l'organisation, on a eu droit à une petite célébration à la fin du vol, une fois sur la terre ferme : biscuits sucrés, champagne non alcoolisé (no comment... Avec bonus bouchon en plastique qui finit oublié dans la nature), et un diplôme nominatif où Agathe devient "Agalha"... 😦
Ensuite on roule, on roule, on enfile les kilomètres pour rejoindre un site formidable : le parc du Nemrut Daği !
Nous voilà au centre de la Turquie, où il y a 2 siècles le royaume de Commagène était prospère. A la croisée de l'empire Perse et Seleucide, ce territoire était riche de son agriculture et fière de ses origines multiculturelles. De ce petit royaume disparu il y a bien longtemps, on peut aujourd'hui découvrir l'histoire du roi Antiochos 1er, mégalomane qui a traversé les temps grâce à sa folie des grandeurs :
Cet homme, persuadé qu'il était descendant d'Alexandre le Grand et de Darius Ier, il méritait bien un tombeau à sa juste valeur. Il se fait construire un mosaulée au coeur d'un immense tumulus de pierres broyées de 50 mètres de haut et 120 mètres de large. Tout autour, trois terrasses avec autels pour saluer les dieux. Sur ces terrasses, des sculptures de pierre gigantesques représentent Zeus, la déesse Commagène, Antiochos lui-même... L'ensemble est unique et impressionnant. Le site n'est pas si grand, on peut faire le tour en 10 minutes. Pour notre part, nous restons 24 heures : pour faire du cerf-volant, voir le levé de soleil sur les statues, profiter de la vue incroyable depuis la terrasse du parc, rencontrer le gardien et partager le çai avec lui, rencontrer Gaëtan et Priscilla voyageurs à vélo depuis 2 ans (!!), voir le couché de soleil sur les statues, faire le tour du tumulus 10 fois. Profiter, rêver, s'imprégner de la belle énergie du lieu !
Le mausolée d'Antiochos Ier et autres vestiges du parc Nemrut DağiEt de la route, encore de la route, à coup de 5h par ci, 6h par là... Pour aller vers toujours plus de découvertes :
La belle Mardin nous attendait, elle savait qu'on voulait à tout prix fouler son sol, voir ses murs couleur sable. Mardin, cité du désert nichée sur une montagne, historiquement ville chrétienne qui aujourd'hui ne compte qu'une petite centaine de familles orthodoxes. Son patrimoine architectural est riche,à chaque coin de rue on tombe sur une église, une mosquée ou une medressa au portique soigné et aux murs finement dessinés. A se donner des torticolis !
Le ramadan a commencé il y a quelques jours alors la ville semble comme en suspend, il a l'air de s'y passer beaucoup de choses mais le silence reigne dans beaucoup de rues. Le bazar fonctionne au ralenti, les hommes sont au café mais ne consomment rien. Nous craquons pour toutes les pâtisseries qui se trouvent sur notre chemin, pourquoi on n'y aurait pas droit nous aussi ?! Il faudra attendre le soir pour les manger, nous n'osons pas trop dans la rue.
Ce calme ne nous empêche pas de bien profiter de la ville. D'ailleurs il y a en ce moment une biennale d'art contemporain, toutes les oeuvres sont exposées dans des bâtiments désaffectés (hôtel particulier, hamman) où dans des lieux atypiques (au cinéma, chez un vendeur de tapis...). On y trouve une vidéo avec Fanny Ardant et Tahar Rahim, c'est drôle ! Cette exposition nous permet de voir la ville autrement, de l'imaginer à travers un autre quotidien.
Du quotidien d'aujourd'hui, voilà ce que nous voyons : des kurdes, avec qui il est plus difficile de communiquer car nous ne connaissons que le turc. Les hommes portent des pantalons amples avec une "poche" entre les jambes (Guilhem en a acheté un, il vous montrera 😉 ).
Des ânes "camion poubelle", meilleur moyen de circuler rapidement pour nettoyer la ville !
Des syriens également, adultes et enfants, venus se réfugier et tenter de trouver un peu de calme et de soutien. Nous rencontrons un syrien au sourire chaleureux qui vend des pâtisseries à se damner ainsi que des kurdes qui animent des ateliers culturels pour les enfants syriens.
MardinPuis de la route, de la route, encore et encore, comme un tourbillon à travers l'Est de la Turquie.
Nous longeons l'Euphrate, imaginons les premiers peuples installés ici... c'est inspirant !
Nous visitons Hasenkeyf, ville destinée à disparaître tout bientôt sous les eaux du barage Erdogan malgré les vives protestations des associations de sauvegarde du patrimoine. Devant nous la vieille ville, les engins de chantier à l'oeuvre. Au loin, la nouvelle Hasenkeyf, sans charme et sans coeur.
Nous passons par la ville de Batman. Rien à signaler ici si ce n'est le nom 😉
Une petite pause près du pont Malabadi et nous atteignons le lac de Van à côté duquel se repose un deuxième Nemrut Daği - un volcan cette fois-ci. Nous dormons dans le cratère, des routes goudronnées y donnent accès ! Au matin, un groupe de campeurs turcs nous invite prendre le petit-dejeuner. Ils sont enseignants à Van, nous discutons politique, langues étrangères, foot... l'échange est spontanée et très agréable ! Revenus au bord dunlac de Van, nous visitons un cimetière seldjoukide magnifique et, au fin fond d'un village, rencontrons des enfants adorables et malicieux.
Encore et encore sur la route.
Vous ne voyez pas le bout de cet article ? Nous, on n'en voyait pas le bout de cette traversée pour rejoindre la Géorgie... On n'a sans doute été trop ambitieux, peut être aurait-il fallu faire moins et mieux ? Qu'importe, ce fut génial !
Sur le dernier tronçon avant de rejoindre la Géorgie nous découvrons le palais d'Ishak Paşa, des routes toujours aussi belles, des travaux toujours plus impressionnants pour refaçonner le paysage, et la ville de Kars. Ici plus personne ne veut parler turc, les kurdes nous font comprendre que ce n'est pas leur langue. Cela nous déstabilise, mais c'est bien ça la Turquie d'aujourd'hui.
Bref, nous n'avons pas chômé et la Turquie nous a conquis 😀
Le palais d'Ishak Paşa