Voyage découverte à Madère, avec Allibert Trekking. Des levadas à la mer : randonnées et baignades, à travers forêts, plantations de bananes, et sommets montagneux, sur l'île aux fleurs.
Juin 2019
8 jours
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J1
matin

On arrive à Madère en pleine matinée : on va pouvoir profiter de l'île, avant le début officiel de la randonnée le lendemain. On va aussi pouvoir dormir un peu cet après-midi...

Notre halte pour la journée est à Santa Cruz, petite ville avant Machico, sur la côte sud est, juste à côté de l'aéroport. On voit les avions décoller... !

L'hôtel est un residencial; sympa, mais rustique, confortable, mais juste ce qu'il faut, rien de trop. Un peu vieillot, quand même...

Guillaume nous a dégoté une petite balade menant à un promontoire d'où on aura une jolie vue sur la ville et une partie de la côte. C'est un peu hard (on n'a pas beaucoup dormi quand même...) mais ça vaut le détour : la vue est chouette ! on voit à quel point la terre est aride de ce côté là de l'île. Santa Cruz s'étale en bas. L'eau est si bleue !

A peine dix minutes de montée, et je suis raide morte... Les pentes, ici, ce n'est pas de la blague. Il fait chaud en plus. 
J1
midi

Merci Trip Advisor, ou merci Guillaume d'avoir cherché un resto sur Trip Advisor... J'ai super faim, et on trouve sur cette jolie place pavée un petit restaurant charmant, qui nous tend les bras ("O Profesor"). Et là... c'est la régalade intégrale. Premier repas sur l'île, mais aussi le meilleur de la semaine !

Je commence par une entrée de moules grillées, visiblement c'est une spécialité car j'en trouve partout. Elles sont à tomber par terre. Servies dans leur petite poêle sur une assiette, elles sont fondantes, assaisonnées à la perfection, et la petite sauce au fond de la poêle est incroyablement bonne.

J'enchaîne avec une autre spécialité madérienne, le filet de sabre. Avant de le prendre aux bananes, le plus classique, je tente le filet avec une sauce aux fruits de la passion. Comme ça, si je n'aime pas le poisson, j'aurai au moins la sauce avec laquelle me régaler, me dis-je. Et bien je ne suis pas déçue. Non seulement cette bête est servie panée, mais en plus il n'y a pas d'arête, et enfin, c'est également très fondant. J'adore le sucré salé. 20/20 ce repas. Ça va être dur d'égaler !

Mexilhões grelhados, moules grillées; c'est une entrée, mais enfin quand on a fini ça... !
J1
après-midi
J1
après-midi

Après ce délicieux repas, direction repos (le lever à 3h30 du matin, hein...), et petite balade avant le dîner; nous faisons le bord de mer, plutôt sympathique, assez bétonné quand même, et les petites rues pavées du centre. Nous passons devant une quinta : ancienne ferme transformée en demeure coloniale, la quinta se compose de la maison de maître, d'un jardin botanique constitué d'une multitude d'espèces endémiques ou plus rares, dune petite chapelle et dune petite maison de loisirs attenante, destinée aux habitants.

J2
matin

Le groupe est entier, la randonnée avec Allibert commence, guidée par Nuno, madérien et francophone (il parle un français impeccable, parle aussi anglais, espagnol, comprend l'italien et baragouine quelques mots en allemand...).

Cette partie extrême-orientale de l'île est quasi désertique; rocheux, escarpé, ce bras de rocher qui déchire la mer est battu par des vents furieux, et crame sous un soleil de plomb. Ici, aucun arbre ne résiste à ces conditions extrêmes. Cette presqu'île est quasi désertique.

On monte, on descend, sur des sentiers super bien aménagés, d'escaliers et de marches. Je ne me rends pas compte, mais c'est une rando sportive : à la fin de la journée, sur un peu moins de 10 km, on aura grimpé 580m !

Les points de vue sont multiples, et époustouflants. Les falaises sont une merveille pour un géologue, un témoin exceptionnel des quelques derniers millions d'années écoulées; l'océan s'abat sur les rochers, furieusement, tandis que le vent manque de me faire valdinguer plusieurs fois. C'est une impression de bout du monde qui réside ici.

Vue d'ensemble de la presqu'île, et vues plongeantes sur les falaises, les hauteurs et les profondeurs... La mer est si bleue. 
J2
après-midi

Après le pique-nique, retour sur nos pas, le taxi nous attend pour rejoindre notre prochaine halte, dans l'ouest de l'île.

Quelle surprise : les nuages sont arrivés, et la presqu'île, toujours aussi éventée, change de visage : les couleurs s'atténuent, moins violentes; les contours s'adoucissent, moins coupants; les vues sont moins vertigineuses, enveloppées de nuages. Il règne ici une magie très spéciale, et j'en viens à préférer les lieux sous cette lumière tamisée; les touristes fuient, les lieux s'endorment et se protègent contre le vent et la bruine... pour un peu, on se croirait dans les landes irlandaises. La mer et le ciel se confondent... J'adore, j'adore, j'adore... !!

Ambiance pleine de mystères et de magie qui s'installe avec les nuages et la bruine,  amplifiée par tous ces petits cairns.
J2
après-midi

Nous repartons en taxi de la pointe est pour rejoindre Callheta, sur la côte sud, par la voie rapide principale, qui passe au-dessus de Funchal. La route traverse des paysages magnifiques, en contrebas des sommets du centre; parfois, nous passons à côté de splendides et profondes gorges, mais le plus souvent nous sommes... dans des tunnels : il y en a plus de 120 !

La route est plongée dans le brouillard et la pluie sur Funchal; quelques kilomètres plus loin, le temps n'est pas au beau fixe mais au moins, nous arrivons au sec, avec quelques éclaircies.

A Calheta, nous avons rendez-vous pour la première dégustation de la semaine : la poncha et le rhum local ! Rendez-vous à la sociedade dos engenhos da Calheta, une distillerie de rhum. Nuno nous explique tout sur la canne à sucre, importée lors de la colonisation; plusieurs moulins sont présentés ("engenhos"). Tout est utile dans cette plante : on en fait du sirop, mais aussi du miel et de la mélasse; ce qui reste est utilisé comme engrais dans les potagers.

La poncha est faite avec le rhum local, du sirop de canne à sucre, du miel puis du jus de citron et/ou d'orange. Ça se boit tout seul, c'est très bon. Mais après une gorgée, ma trachée prend feu ! Allez, j'en embarque un demi-litre pour la maison 😀

Paul Do Mar est un petit village de pêcheurs; le bord de mer n'est pas très intéressant, c'est entièrement bétonné. L'intérêt se situe dans les rues adjacentes, sinueuses, qui se faufilent entre les habitations, puis plus haut vers les plantations de bananes et les cultures en terrasse en contrebas de la montagne. Les cimes sont dans les nuages, mais on aperçoit sentiers et cascades sur les flancs de la montagne.

L'hôtel Sea View est un 4*, grand luxe... ! nous avons un balcon, qui donne sur la mer. La chambre est gigantesque, et nous dînons dans le restaurant de l'hôtel. La cuisine encore une fois est succulente. Ce luxe contraste avec le village, pas spécialement pauvre, mais plutôt traditionnel, isolé, qui semble s'être vidé de ses habitants... C'est étrange l'impression ressentie ici; le bord de mer est violent, l'océan est déchaîné ce soir, il s'abat bruyamment contre les rochers et le parapet en béton de la digue; l'hôtel tout béton aussi est assez imposant, tandis que le village semble éteint, paisible, mis sur pause depuis des décennies... Sur la mer, ce soir, un travailleur mange un sandwich peu ragoûtant dans sa pelleteuse sur la plage.

Soirée un peu bizarre à notre arrivée; gris, vide, pas très joli au bord de la mer... 
Derrière le front de mer et plus en hauteur, c'est tout de suite plus joli. Maisons plus imposantes, cultures en terrasse...
Guillaume dans les bananes... ! 
J3
matin

Après une excellente nuit et un petit déjeuner à tomber par terre (les œufs brouillés... une merveille !!), petite grimpette matinale au belvédère de Raposeira. Il fait gris, mais la température est douce. Les nuages sont plus hauts, ce qui nous garantit de voir les hauteurs.

La vue sur les cimes et le bord de mer est vraiment super.

Vignes, bambous, landes sur les hauteurs et vues plongeantes sur le bord de mer. Le soleil montre timidement le bout de son nez...
J3
matin

Après cette mise en jambe, nous nous dirigeons vers le but de la balade, la promenade au bord de la levada. Les levadas sont des canaux d'irrigation creusés le long des flancs de la montagne, pour récupérer l'eau; ces canaux sont entretenus régulièrement, et du personnel est chargé de les surveiller, de les nettoyer et de vérifier le niveau de l'eau. Ces canaux servent principalement à acheminer l'eau de la côte nord, plus humide, vers la côte sud, beaucoup plus aride. L'eau des levadas est utilisée par les habitants pour arroser les jardins.

Il y a toujours de l'eau dans les levadas; elles ne sont jamais à sec : l'île est très humide, les nuages souvent bas, les cimes plongées régulièrement dans le brouillard humide; l'île ne manque donc pas d'eau. Les levadas sont très nombreuses, et pour quelques unes d'entre elles anciennes (certaines ont été créées lors de la colonisation de l'île). Désormais, des chemins de balade permettent de les longer dans toute leur longueur.

La promenade est donc fraîche, bucolique, entre forêts et villages, toujours dans une verdure éclatante (fougères, adiantums, mousses...) et bordée de fleurs de toutes les couleurs (géraniums, agapanthes...).

Potagers, sentiers forestiers un peu plus sauvages... la levada se promène. On la suit volontiers. 
J3
midi

Nous cheminons ensuite jusque la ville de Prazeres, par un petit chemin forestier entrecoupé de petits villages; nous suivons la levada jusqu'à la ville.

L'île aux fleurs n'a pas volé son surnom : il y en a partout, de toutes les tailles, couleurs, à l'état sauvage ou cultivé (les habitants jouissent d'une terre excellente, d'un climat idéal... et ont sûrement la main verte pour avoir des jardins et des potagers pareils). Callistémons, hortensias (aux couleurs et à la taille à faire pâlir des bretons), néfliers, agapanthes bleues et blanches (on va en voir des tonnes pendant la semaine), géraniums, vipérine de Madère, arums et anthuriums, bananiers, hibiscus, protéacées, broméliacées, oiseaux de paradis...

Les photos sont de Guillaume, il a un super appareil photo qui fait de magnifiques zooms. 

Après cette marche, une pause dégustation s'impose : le cidre de Madère ! C'est du cidre (jusque là pas de surprise...), auquel est ajouté du sucre (ils aiment ça à Madère), puis du citron. C'est un peu spécial. Mais j'ai chaud, et c'est frais; ça se boit bien ! Cette dégustation nous est offerte par la quinta pedagogica de la ville; cette ancienne ferme appartient à l'église, et est reconvertie en petit zoo et jardin botanique. Il est un lieu de rencontre et de culture; d'ailleurs, une classe d'enfants y fait une halte pour la pause déjeuner (Guillaume et moi sommes ravis de ne pas déjeuner là). Le déjeuner (parce que tout cela, ça creuse...) se prend un peu plus loin, à la "casa grelhados", petit restaurant qui ne paye pas de mine, mais qui nous offre un repas divin : ragoût local de porc, haricots blancs et chorizo (je ne sais pas combien d'heures tout cela a mijoté mais alors la viande est terriblement tendre, c'est un délice), dans des proportions... portugaises semble nous expliquer Nuno, notre guide. Je crois que nous avons dû manger un tiers de ce qui était dressé sur la table. C'était un bon moment gastronomique encore (mais alors le vin blanc, quelle horreur, du vinaigre).

L'église de Prazeres; toutes les églises suivent ce modèle.
J3
après-midi

Là, petite déception. On devait à l'origine rejoindre le bord de la falaise pour faire la descente spectaculaire (400 à 500 mètres de dénivelé, en pente assez raide vers la mer) jusque Paul do Mar. Manque de chance, le chemin est bouché par un éboulement survenu plus tôt dans la semaine, et il est interdit. Plan B : balade sur les hauteurs, pour profiter des points de vue sublimes, d'autant que le soleil est au rendez-vous (un peu trop même, je crève de chaud), puis retour à Paul do Mar en taxi, où nous finirons la balade à pied jusque l'hôtel, où un second taxi nous emmènera vers notre nouvelle destination, Porto Moniz, au nord est.

La balade sur les hauteurs est chouette. On a des vues très jolies sur le bord de mer, Paul do Mar et Jardim do Mar, le village à côté.

Photo à droite : Jardim do Mar 

Le taxi nous dépose en bas de la descente que nous aurions dû faire. Nous avons une surprise...

Un petit port paisible, protégé de la houle, au calme... 
... face à la montagne abrupte, et à une cascade quasi verticale qui dévale la pente. J'adore ce contraste. 

A gauche, nous voyons un chemin se faufiler dans la montagne; nous aurions dû descendre là. Guillaume est plus serein, et se dit que non vraiment, ça aurait été compliqué.

Sous ce soleil de plomb, nous regagnons notre hôtel à pied en longeant le bord de mer. J'ai très très chaud, il y a du vent, tout aussi chaud, et le bruit de la houle est assourdissant. Le petit verre de blanc ne me revient pas, j'ai mal au crâne. Ce n'était pas très malin non plus, de boire du blanc par cette chaleur... Cela dit, Paul do Mar revêt un autre aspect au soleil : il y a des gens dans les rues, c'est plus vivant, et les couleurs donnent un peu de peps à cet endroit tout de même assez isolé du reste de l'île.

Un peu moins pâlot le paysage, mais très marron quand même; c'est sec. L'araucaria n'est pas non plus en forme... 
J3
soirée

Et voilà, nous posons nos valises à Porto Moniz, à l'hôtel 3* Euromoniz, et pour deux nuits cette fois. Toujours du béton, mais toujours très chic, face à la mer, aux piscines naturelles. En route, le taxi s'arrête sur le bord de la route : nous jouissons d'un point de vue à couper le souffle...

Il fait grand beau, au Nord !  Porto Moniz, vue d'en haut. 

Nous dînons dans un petit restaurant à deux pas de l'hôtel, sur le bord de mer. Il n'y a déjà plus grand monde ici, et pendant toute la durée du repas, nous serons seuls dans le restaurant. Les touristes viennent ici sur la journée, et retournent à Funchal pour la nuit. Ce soir, nous découvrons une autre spécialité locale, le bolo de caco : pain rond à la farine de blé et de patate douce, et tartiné de beurre à l'ail... C'est absolument divin; Guillaume et moi nous en gavons. La sopa de tomata, autre spécialité de l'île, est tout aussi succulente, légère, agrémentée d'oignons et d'échalotes. Quel repas encore ! On se fait discrètement la réflexion que décidément, on mange vraiment bien ici (et beaucoup, depuis le début de notre séjour !).

J4
matin

Encore une bonne nuit, dans cet hôtel... C'est très très calme, la nuit. Porto Moniz est une ville plus grande que Paul do Mar, mais la vie nocturne est quasi nulle. Les jeunes ont déserté aussi, ici; près de la moitié des habitants de Madère se concentrent à Funchal.

La matinée est libre : nous en profitons pour voir le bord de mer, beaucoup plus joliment aménagé. Porto Moniz est connue pour ses piscines naturelles aménagées : on ne peut pas vraiment se baigner à Madère; les plages sont des amas de cailloux, il y a beaucoup de rochers dans l'eau, et la houle est forte, c'est dangereux, et puis on perd vite pied.

Ce matin, il n'y a pas grand monde dans les rues (c'est à dire personne). Il fait encore frais, et il y a quelques nuages. Je m'en contre fiche ; j'irai me baigner dans la piscine la plus naturelle (gratuite de ce fait, car les aménagements sont minimaux pour ne pas dénaturer le site). L'eau est à 17 degrés ? Pas grave, j'ai l'habitude. En plus, il n'y a personne dans l'eau (comme c'est étrange).

La baignade est rafraîchissante, réjouissante et divertissante 😀
J4
après-midi

Départ sur le plateau de Paul da Serra, pour rejoindre la casa de Rabaçal en contrebas, où nous déjeunerons.

On va emprunter ce sentier, là, pour descendre dans la vallée. 

Il fait chaud, mais la route est agréable, les arbres en bordure apportent un peu d'ombre; nous avons de jolis points de vue sur les flancs de montagne. La vue est splendide, dégagée malgré des nuages encore bas; les montagnes sont tapissées de bruyères arbustives, parsemées d'ajoncs jaunes. La mer se devine des deux côtés.

Un peu plus loin, nous quittons la route pour prendre un petit chemin sinueux qui plonge dans la vallée. Les madériens adorent les marches... C'est beaucoup plus bucolique, frais, mais la descente met ma cheville gauche à rude épreuve (je bénis le baume du tigre qui s'est avéré apaisant et redoutablement efficace !).


Nous arrivons pour l'heure du déjeuner, et trouvons une petite table de pique nique à l'ombre d'un chêne bienvenu. Nous ne sommes pas seuls au monde ici... C'est une balade très courue, mais majoritairement faite le matin (plus frais). Il y a beaucoup d'allemands, de hollandais, et aussi de français. La casa dispose de deux jolies terrasses, dont une donne directement sur les montagnes et la vallée. La terrasse principale s'étend sous les chênes, et plusieurs tables sont à disposition des randonneurs qui peuvent boire un café et manger les tartines préparées sur place par le petit restaurant. C'est très convivial, tout cela.

Cet arbre sur la terrasse est recouvert de lichen filamenteux : il y en a beaucoup sur l'île, c'est un signe d'air pur...  


L'après-midi, nous retrouvons une levada, celle des 25 fontes; elle nous amène directement au site, grande cuvette au plus profond de la vallée, où dévale une cascade sur plusieurs endroits (d'où 25 sources).

C'est une balade très sympathique, au frais, et au vert : le bas côté droit, où serpente la levada, est surplombé d'un mur végétal moussu d'où coulent des gouttes; quand la levada est à hauteur de hanche dans une construction, je mets la main dans l'eau, j'adore le clapotis et la fraîcheur de l'eau (11 degrés à peu près). On trouve des orchidées sauvages, des adiantums et des fougères, des géraniums... Le petit chemin est agréable, quasi plat. Les arbres du chemin sont des bruyères arborescentes et des lauriers, principalement.

Incroyable laurier... 

Sur le chemin, parfois la végétation s'écarte, et offre de jolies vues sur ce qui nous attend...

J'aime bien quand les branchages font une sorte de cadre autour du paysage. 
Petit à petit, nous approchons de la cascade, gigantesque! 

Nous voilà sur le site des 25 fontes. C'est une belle cuvette, profonde, entièrement moussue et végétale sur ses parois. La cascade est en fait une multitude de cascades, l'eau semble provenir de partout, elle est partout à la fois, et finit son chemin dans le petit lac en contrebas de la cuvette; elle se faufile dans les rochers pour poursuivre sa course en ruisseau dans la forêt.

Il y a plein de gens; ce n'est pas vraiment un problème, mais j'aurais bien poussé dans l'eau toutes ces divas prenant la pose pour un selfie devant ces gorges. Franchement, quel gâchis (pour la photo). Un petit pinson est par contre bien content de l'afflux de tous ces touristes, il peut grappiller à son aise des petits bouts de banane, des miettes de pain, de gâteau...

On reste là 15 à 20 minutes à contempler ce spectacle, et je me dis que quelque soit le temps que je reste là, ce sera toujours trop peu. J'arrête de prendre des photos pour graver dans ma mémoire l'image de ces parois verticales et vertigineuses moussues, de cette eau qui coule partout, de cette fraîcheur agréable, du parfum de l'humus et de la forêt humide. J'adore la forêt et la montagne.

Le petit lac des 25 sources 
Vue en contre-plongée; la lumière est aveuglante, j'ai le vertige quand je regarde l'immensité de ces parois verticales 

La suite de la balade longe une autre levada, celle du Risco, et nous emmène sur le flanc sud de la montagne. Au passage, le chemin passe dans un petit tunnel. C'est bien rigolo.

A l'intérieur, lumière frontale ! Je fredonne la musique des catacombes dans Indiana Jones et la dernière croisade... ! 

Quand on arrive au terme de la balade, on débouche sur une forêt d'eucalyptus ! Je ne me souviens pas en avoir déjà vu en vrai; et là, il y en a par centaines, la forêt embaume l'air et le sentier est recouvert des petites coques de fruits. J'aime beaucoup l'écorce de ces arbres, qui sont gigantesques. C'est majestueux.

A la fin de cette journée, de retour à Porto Moniz, on se dit que la journée nous a paru incroyablement et merveilleusement longue, on a l'impression d'avoir voyagé d'un pays à un autre en une seule journée.

C'était une journée merveilleuse.

J5
matin

Ce matin, transfert en taxi de Porto Moniz à Santana, plus à l'est. Le trajet dure 3/4h, et longe la mer par la voir rapide, entrecoupée de... ah tiens, des tunnels ! Malgré ces infrastructures, on bénéficie de magnifiques points de vue préservés et qui réservent de magnifiques surprises...

Vers le soleil... et à contre-jour ! J'adore les différences de couleurs. J'ai un faible pour la photo de droite... 
J5
midi

Il faisait encore beau ce matin, le long de la côte. Plus on s'approche du centre, vers les montagnes... plus on voit les nuages, qui descendent, qui descendent, lentement, mais sûrement.

On descend du taxi sur le parking de Teixeira, vers 1600m, pour entamer la montée vers le pic à 1861 m, point culminant de l'île. Au moins, il ne fait pas trop chaud, et j'aime bien les brumes. Mais c'est un peu dommage, quand il s'agit de grimper pour avoir un point de vue... sur l'intégralité de l'île.

La montée est dure au début; je ressens le volume moindre de l'oxygène, je souffle comme un bœuf ! Mais la vue des abords me plaît, et petit à petit, je grimpe, parvenant à réguler ma respiration. Il y a de l'origan en touffe, des petites bruyères, des genêts; beaucoup de jaune, sur ce sentier pavé très bien tracé, large et bien indiqué. Il y a aussi de petits refuges en pierre, pour se reposer au frais.

Guillaume, seul face à la nature méfiante... 

Parfois, les brumes s'écartent, et on aperçoit les flancs de la montagne à travers un petit trou de lumière.

Jeu de cache cache avec les brumes, qui enveloppent les monts. 
Dracula n'est pas loin... J'imagine des tas de choses dans ces paysages, tandis que je marche... ! 


En haut, les jambes échauffées et la langue pendante, je grommelle. Tout ça pour ça, je l'avais dit, que ça ne servait à rien de monter. "Pour la satisfaction d'y être arrivé" me dit Guillaume. Je m'en fous moi de la performance. Quand je galère dans les grimpettes, c'est pour une carotte après, pas pour... rien ! car pour le coup, en haut, nulle fenêtre, aucun trou, mais un brouillard opaque et bien installé. On ne voit RIEN. Pas juste rien, non; RIEN DU TOUT DU TOUT.

En fait, la carotte arrive à la descente... sur le même chemin. Un moment de grâce, qui nous permet d'avoir une vue panoramique sur les trois monts les plus hauts de l'île : le Pico Ruivo à 1862m, le Pico do Areeio à 1818m et le Pico das Torres à 1851m.

Voilà, on a grimpé là. Sauf qu'il y a 15  minutes, ce mont était complètement enveloppé de brouillard épais. 

Bon, voilà, j'ai une raison pour revenir à Madère un jour. Remonter sur le pic, tôt le matin, au lever du soleil, pour apercevoir l'étendue du "jardin de l'océan" d'en haut.

J5
après-midi

De retour du pic, nous redescendons vers Santana, avec une petite pause à la Quinta do furão, dans les environs de Santana, pour une dégustation de Madère dans les caves de l'hôtel. Nous jouissons d'un magnifique point de vue sur la mer, et la pause gustative est très réjouissante et instructive.

La Quinta est devenue un hôtel 4*, on s'imagine tout à fait dedans, ça doit être muy agradable 😀

Dans le jardin, une presse à vin en bois. 

On goûte tous les Madère : sec, demi-sec, demi-doux et doux. Il fait chaud, ça monte très vite à la tête. Mais c'est bon. J'en prends pour mes parents, du sec et du doux, comme ça il y en aura pour tous les goûts. Ici, nous goûtons du Madère produit par des anglais (ils sont partout), installés à Madère depuis des générations, et cultivateurs.

Un peu de culture ! 

La remontée jusque notre nouvel hôtel est très jolie. Raide, mais jolie. Les montée ici ce n'est pas du 1%... Mais c'est chouette, parce qu'à chaque marche, on aperçoit un peu plus l'étendue du paysage, et l'océan.

Les copines dans l'effort. 

On débouche sur le centre de Santana, célèbre pour ses petites maisons traditionnelles aux toits très pentus. Elles me rappellent les maisons du Durmitor au Monténégro. Ça paraît petit, mais il y a deux pièces en bas, et un étage.

Quelques unes encore sont habitées; mais celles-ci sont pour les touristes. La couleur locale... 

Guillaume prend alors une photo que j'aime beaucoup, non pas pour sa composition, mais... pour le bus ! J'adore les bus dans les pays étrangers, les transports en communs sont le meilleur moyen de s'imprégner de la vie locale et de se mêler aux habitants. Je n'aime pas les gens, mais j'aime bien imaginer comment ils vivent, et imaginer que je suis à leur place, à vivre ici. Je m'imagine vivre à Santana, et prendre le bus le matin pour aller travailler à Funchal. Par contre, je vois bien que les horaires... c'est très aléatoire, ici.

Ils sont jolis ces bus. Ils sont colorés comme le paysage. 
J5
soirée

Le soir, nous dînons à l'hôtel (très vieillot à mon goût; et franchement, pour un 3*, avoir un distributeur à savon vide ce n'est pas acceptable du tout. Déjà qu'avec l'écologie et la protection de l'environnement blablabla il n'y a pratiquement plus de savonnette, de flacons de bain douche à emporter... mais si en plus les distributeurs sont vides, ça ne va pas du tout !). Heureusement, l'hôtel se rattrape sur la piscine, qui est très agréable.

Le soir donc, au dîner, je suis contente car une surprise nous est réservée : nous découvrons les espetadas, brochettes de bœuf servies sur un présentoir vertical. Ils sont intelligents ces portugais. Nous, quand on mange des brochettes, on tire vers le côté la viande, qui finit toujours inmanquablement par terre. Eux, ils servent les brochettes verticales, avec une assiette en dessous. Comme ça, le bout tombe... dans l'assiette ! (malin...).

Et alors, la viande, mais quel délice !! je finis la brochette de ma voisine de table. Une régalade ! La viande est servie sans sauce; pas besoin : laurier et gros sel parfument suffisamment la viande, d'une tendresse...

Je valide l'ensemble de la gastronomie madérienne.

J6
matin

Aujourd'hui, on retourne dans la jungle. J'aime bien, la jungle. Nuno nous promet monts et merveilles : forêt primaire préservée, bruyères et lauriers millénaires... En plus, ce matin, il fait vraiment frais, et la majorité de la journée sera à l'ombre. Un bon 20°C, c'est vraiment idéal, d'autant que ce sera une balade quasi plate, et la plus longue de la semaine. Des kilomètres, de la fraîcheur, des arbres partout, et peu de dénivelé. Que demander de plus ? 😀

On commence par une petite balade matinale, aux alentours de 9h, dans la forêt du parc national de Queimadas. Déjà, des spécimens incroyables se font remarquer...

Magnifique cèdre du Japon (cryptomeria  japonica). Imposant, massif, majestueux.

Les 2km suivants sont vraiment top, on ne croise quasiment personne. Si les autres pouvaient arrêter de parler de technologies nouvelles pour qu'on puisse entendre les oiseaux, la nature, toussa toussa, ce serait top !

On voit ici, que les arbres sont des êtres qui vivent. Ils dorment là, mais quand on part, ils bougent, ils parlent... 
Waaaaaaaa !!!!  Mais que c'est grand !!! Je suis aux anges.

On débouche sur la casa du Parque Forestal do Queimadas. C'est joli, ce serait parfait sans la classe de gamins qui squatte le jardin de la maison. On n'entend plus les oiseaux avec ces enfants-là (oui j'aime assez peu les humains en général, encore moins dans des lieux magiques pour moi). Ça perturbe les elfes des forêts, le bruit humain.

Nuno pose devant ce qu'il appelle un pissenlit géant. En France, on appelle improprement "pissenlit" les plantes à fleurs jaunes des genres taraxacum, sonchus, crepis... Ces plantes sont nombreuses, et se ressemblent beaucoup. On est ici devant un sonchus fruticosus, un laiteron arborescent; le "vrai" pissenlit en France c'est plutôt le taraxacum (la feuille est ronde au bout); le sonchus est un laiteron aux feuilles beaucoup plus découpées.

On voit bien que là, c'est un sonchus, et pas un taraxacum, la feuille finit "en pointe". 

Après cette reconnaissance de végétaux (dont je me réjouis toute seule, Guillaume n'est pas très branché botanique...), on repart dans la forêt sur les petits chemins qui sentent bon l'humus, au bord de la levada du chaudron vert, le but de notre journée. J'aime bien ce nom. Il m'évoque une sorcière vilaine, qui prépare de la soupe empoisonnée au fond de sa vallée, où personne ne s'aventure. J'espère que la sorcière sera partie, et qu'en effet, il n'y aura personne... On emprunte plein de tunnels rigolos, dont un où il faut se pencher à angle droit pour passer.

C'est magique, non ? On dirait un repousse moldus 😀

Le chemin est encore une fois impeccablement balisé, et sécurisé; tant mieux, car il est parfois vertigineux. S'il permet d'avoir des vues imprenables sur l'immensité du parc, à certains moments on côtoie le fond de la vallée juste là. On est bien content qu'il y ait une corde et quelques bruyères en contre-bas...

Des vues imprenables sur le parc, et les vallées profondes, jusque la mer. 
Guillaume me demande de me dépêcher de prendre la photo, parce que le vide, ce n'est pas ce qu'il préfère...  
Mais il est vaillant et en plus, il sourit !  en bas, le vide.

On parvient au petit chaudron et au chaudron vert pour la pause déjeuner. Si la sorcière n'est plus là, par contre il y a du monde, et des divas aux selfies (mais encore un petit lac dans lequel j'ai envie de les pousser - j'ai aussi des envies de noyer leur portable...).

Ces chaudrons sont en fait des puits, des cratères créés il y a des millions d'années (Madère étant une île volcanique), recouverts de verdure partout, de mousses, de fougères, de petites fleurs, de bruyères sortant d'on ne sait où ni comment, et d'eau. Le chaudron vert, c'est un trou de 80m, c'est vertigineux; quand je lève la tête, je n'arrive pas à rester debout, j'ai la tête qui tourne. La cascade dévale la paroi verticale d'un coup, c'est incroyable la force qui se dégage de cet endroit.

Celui-là c'est le petit chaudron.
Et là c'est le chaudron vert. C'est encore plus frappant que les 25 fontes, car le diamètre du puits est beaucoup plus resserré, e...

On déjeune dans les cailloux, en contre-bas, j'en profite pour mettre mes petits pieds dans l'eau à 11 degrés, c'est un régal. Oh, un petit crabe qui nage ! Oh il est parti sous le rocher !!

C'est là qu'on va déjeuner. Chouette, non ? 
Oh joie, bonheur, fraîcheur, lalalalalala... ! 
J6
après-midi
J6
après-midi

Après cette escapade sauvage en dehors du temps et de la civilisation, on redescend sur Santana, en passant par le petit village d'Ilha.

La descente est jolie aussi, à travers des paysages plus larges, plus aérés, et plus fleuris aussi. La descente alterne entre passages raides (mais aménagés de petits escaliers sur les sentiers, dans la forêt d'eucalyptus) et sentiers forestiers en lacets larges, bordés de fleurs (digitales, immortelles, beau duo de jaune et de rose, parmi des touffes bien fournies de graminées).

On voit la mer au fond ! 
On respire plus, c'est vrai; on se sentait un peu à l'étroit, dans la jungle. 

On arrive à Ilha par les hauteurs. C'est un tout petit village, dans lequel il n'y a pas beaucoup d'âmes qui vivent... Les jeunes d'ici aussi, sont partis à Funchal.

Encore une journée formidable... ! Cette descente de deux heures en plein soleil et les 16 bons kilomètres enfilés... méritent une récompense. En attendant le bus, on a une heure à tuer... L'occasion de boire une poncha locale dans un petit café sur la place de l'église à Ilha !

Santé ! 
J7
matin

Voilà, c'est la fin du voyage dans sa dimension sauvage et naturelle. Ce dernier jour, retour à la civilisation ! On va visiter Funchal ce matin. Une grosse demi heure de taxi à peu près; on repasse par Machico et Santa Cruz, et comme dit Guillaume, nous bouclons la boucle.

Départ de la balade du jour à l'hôtel Orchidea, 3***, à dix minutes du centre, un peu en hauteur. C'est un chouette hôtel encore, et sur une petite rue pavée à sens unique, au calme. C'est vraiment bien. On aura vraiment eu des hébergements de qualité tout du long de notre séjour. On dépose les valises, on se crème pour la cinquante millième fois, et hop, c'est parti ! On arrive sur la place de la mairie en à peine dix minutes.

Là, difficile de faire sans les humains et les voitures... 

Funchal n'est pas très jolie comme ville, à mon goût. Les bâtiments ne sont vraiment pas exceptionnels, exceptés les quelques bâtiments officiels et religieux. Cependant, j'aime bien ces dallages, et cette architecture simple et blanche; ça donne une impression de fraîcheur agréable pour une ville.

Très agréables rues pavées, soignées, aérées.  

On visite la cathédrale, au style manuélin (foison de symboles marins, liés aux découvertes et à la marine portugaise). De l'extérieur, c'est assez sobre; à l'intérieur... et bien... c'est doré.

La cathédrale de l'extérieur. 
A l'intérieur, c'est lumineux, et chargé. Les plafonds sont caractéristiques (en bois, sculpté). 

Après cette visite, direction une institution gastronomique de la ville ! La biscuiterie/confiserie Santo Antonio, aux produits excellents (nous avons notamment goûté le gâteau au chocolat et à la mélasse) et au magasin haut en couleurs.

On dirait des faïences ! Mais non, ce sont des boîtes à gâteaux. Saluons le génie de Guillaume : personne sur la photo... !! 

Nous poursuivons notre découverte de la ville avec le marché de Funchal, mondialement réputé. J'attends depuis des semaines ces étals de fleurs éclatantes dont j'ai entendu parler, que j'imagine très bien dans ma tête...

Honnêtement, les étals de fleurs sont très décevants. Il n'y en a que très peu (deux ou trois), et ça perd de son effet. En comparaison, le marché aux fleurs de Nice est beaucoup plus impressionnant... Je pensais aussi que le marché était en plein air, mais il est en fait dans des halles, et des halles moches. Ce ne sont pas les halles Baltard, mais un truc en béton peint couleur jaune d’œuf. C'est bof. Je n'ai pas pris de photo de l'extérieur.

C'est beau, mais il n'y a pas l'effet waouh : il n'y a que très peu d'étals de fleurs. 
Par contre, les étals de fruits... ! à droite, un madérien qui porte la coiffe traditionnelle locale. 
Le marché aux poissons. Thon, sabre... ce sont là de belles bestioles. Je ne savais pas qu'un thon c'était si gros.

Bizarrement, dans les marchés, j'aime la foule. J'aime voir les gens se presser pour tâter les pêches, sentir les melons, goûter une tomate, négocier avec le marchand; j'aime les clameurs des vendeurs : "il est bon mon poisson il est bon!", "deux euros le kilo seulement madame, pas cher"! "qui veut des cerises, qui veut des cerises ?". Et là, dans la langue portugaise que je ne comprends pas, c'est encore plus chantant. Il y a un brouhaha de fond qui n'est pas désagréable.

Guillaume et moi dégotons dans ce paradis gastronomique un petit bouiboui qui fait des jus frais, dans un espace bien aménagé, et rigolo. Parce qu'il faut préciser que si l'on est sur une île où les fleurs et les fruits poussent partout, on n'a jamais bu de jus de fruits aussi dégueulasses de toute notre vie. On a eu droit, dans chacun des hôtels et restaurants où nous sommes allés, à des jus de fruits industriels. Le jus d'ananas était blanc pâle, sans goût, un truc vraiment immonde à boire, de la vraie pisse de gobelin malade. Incroyable, mais surtout incompréhensible. Les citrons à Madère font deux balles de tennis, les fruits de la passion poussent dans tous les jardins, des fruitiers sont cultivés partout... et pas de jus pressés. Comprends pas.

J'ai pris la balançoire ! 😀 3,50€ les 30 cl de jus de passion, orange et papaye... un rêve ! enfin !!! 

Direction, après ce rafraîchissement bienvenu, vers la vieille ville. C'est petit, deux à trois rues, étroites et pavées. Ce qui est joli, surtout, ce sont ces petits restaurants accolés dans les rues, avec de petites terrasses, et les portes de chacune des habitations, peintes à la manière du street art. C'est plein de poésie et de chaleur.

A gauche, cela me fait penser aux tableaux de ma sœur Anaïs. J'ai trouvé que c'était presque aussi beau que ceux qu'elle fait.

Allez, au bord de la mer !

Qui franchement, n'est pas digne d'intérêt... Déjà qu'on ne peut pas se baigner, mais en plus c'est entièrement bétonné; et enfin, il y a une grande avenue bruyante qui longe la digue.

C'est juste l'occasion de prendre une photo d'une partie de la ville.

Et encore une photo de Guillaume (ça se voit à l'absence de voiture... un exploit 😀) 

C'est la fin de notre visite matinale à Funchal; nous prenons le bus pour rejoindre Monte, et profiter des hauteurs (les jardins !!) qui nous donneront des vues d'ensemble sur la ville. Nous avons cependant prévu de revenir à Funchal ce soir, puisque le circuit randonnée se termine après la pause repas. Nous avons donc après-midi et soirée libres.

Et en juin à Funchal, il y a le festival Atlantico ; tous les samedis soir, il y a des petits concerts dans les rues de la ville, et un feu d'artifice donné sur le port pour clore la soirée.

Ceci clôturera parfaitement notre semaine sur l'île !

J7
midi

Trajet en bus ! J'adore. Il monte sans problème les cotes bien pentues, à chaque croisement on se dit "aïe, aïe, ça ne passera pas!" et à chaque croisement, ça passe... ! En hauteur, il fait bien plus frais. Et on a de jolies vues sur Funchal en bas, et on voit les téléphériques qui mènent à Funchal directement et au jardin botanique.

Il y a plus de 100 000 personnes qui vivent à Funchal, mais c'est très étendu, et sur les hauteurs, il y a de magnifiques villas. Je me demande quelle est la proportion de pauvres sur l'île. Je m'attendais à un endroit marqué par la crise, un peu comme Athènes, mais ce n'est pas le cas du tout. En tout cas, si pauvreté il y a, elle n'est pas visible du tout. Peut-être dans les petits villages, mais nous en avons traversés quelques uns, je n'ai pas été choquée par des maisons délabrées, ou par des gens qui visiblement dorment dehors ou qui vivent de presque rien, ou encore par des biens publics complètement à l'abandon...

A Monte, nous passons devant le départ du transport en panier en osier, ancien moyen de transport pour regagner Funchal, avant le téléphérique. Maintenant, cela tient plus du folklore, et attire les touristes, mais la descente continue de se faire, sur 2 km seulement (c'est dangereux, car les paniers empruntent la route sur laquelle il y a des voitures...). Les paniers sont poussés et dirigés par deux hommes en costume traditionnel; ils portent des chaussures aux semelles ferrées, pour pouvoir ralentir le panier.

C'est costaud comme boulot; physique, en plein soleil... les hommes ne sont pas vieux. Un bus les ramène en hauteur après.

On n'a pas fait la descente; j'ai trouvé que c'était un peu cher pour 2 km (15 euros par personne). Et puis de toute façon, Guillaume et moi voulions faire le jardin tropical de Monte dans l'après-midi. Autant s'éviter de devoir remonter ensuite.

J7
après-midi

Au-revoir Nuno ! C'était un guide très chouette, discret mais efficace, sympathique, et très attentionné. J'ai beaucoup aimé toutes ses explications sur l'île, et son humour pince sans rire; il s'est aussi assuré de notre sécurité (normal direz-vous, mais certains guides vous font prendre des risques parfois...). Il travaille avec Allibert depuis quelques années, et s'il a par le passé fait quelques voyages organisés au Portugal, il reste désormais exclusivement à Madère. J'admire également ses talents en langues... (parfaitement francophone, il parle aussi très bien anglais, espagnol, baragouine également quelques mots en allemand et peut-être même en italien). Bref, très belle semaine passée avec ce guide.

Cet après-midi, direction jardin tropical ! C'est un jardin privé, qui appartient à la fondation Berardo, du nom de celui qui a acheté la propriété dans les années 70. Le jardin se déploie autour de la quinta, ancien hôtel de luxe.

Allez, hop, une petite vue sympa. 

Le palace est situé en hauteur, et surplombe un petit lac en contre-bas, dans lequel se jettent de petites cascades en escalier.

Des éléments minéraux et des décors asiatiques aux couleurs vives (portiques, ponts, petits jardins d'eau, statuettes...) lui donnent un air zen, assez atypique dans cette végétation luxuriante et démesurée.

Plusieurs traditions et cultures se mêlent dans ce jardin étonnant. A côté de ces inspirations orientales, on trouve des bijoux de faïence, le long de plusieurs murs végétaux du jardin.

Les azulejos. Il y en a beaucoup ici. Sur les murs des églises, au sol, en décoration... 
Sur un autre mur périphérique du jardin, l'histoire du Portugal, racontée sur des dizaines de tableaux riches en couleurs. 

Ce qui frappe dans ce jardin, c'est cet aspect luxuriant. Où que l'on regarde, il y a des plantes, à foison. Une multitude de petits jardins.

Impressionnant jardin de cycas. 

Parmi cette végétation, certains spécimens incroyables, de par leur taille, leur hauteur, leur forme, ou leurs couleurs vives.

Les hortensias sont énoooooormes ! A droite, un fuschia. 
Une fougère arborescente. 

Pour autant, dans cette jungle, on n'a pas la sensation d'étouffer : ces arbres nous procurent une ombre bienvenue, un petit vent frais, et de beaux points de vue nous offrent une sensation d'espace et d'air agréable.

Au--dessus des fougères arborescentes... au loin, le port et la marina de Funchal. 

Nous avons passé là deux bonnes heures; moi, j'étais toute folle, j'ai pris plus de 60 photos du jardin, pour une fois plus que Guillaume. J'ai adoré ces instants botaniques, la fraîcheur sous les arbres, cela m'a rappelé des souvenirs dans les jardins anglais de Cornouailles, première fois où j'ai vu des fougères arborescentes. Une fois parvenus au petit lac en bas, nous avons bénéficié d'une petite dégustation de Madère (encore une !), mais cette fois, je n'ai pas pris la part de Guillaume. Et puis après, il a fallu tout remonter, parce que l'entrée du jardin... elle est en haut !

C'était un bien beau jardin, je n'en avais pas vu de comme ça depuis très longtemps.

J7
soirée

Après une pause repos à l'hôtel (et une douche bienvenue), nous voilà repartis pour errer dans les rues de Funchal, en attendant d'assister au festival Atlantico. Ah tiens, j'entends de la musique ! Dans la petite rue là, un groupe joue, et il y a une chanteuse avec une belle robe... c'est du fado ! Ah tiens j'entends quelque chose de plus rock là-bas, on va voir ? Oh, c'est une beer-fest ! il y a plein de petits chalets pour déguster des bières différentes; pas de bol, on n'aime pas ça, mais en attendant, j'aime bien le groupe qui chante là. Plus loin, nous passons devant le Ritz. C'est chic, prout prout, hum non, on ne va pas manger là... Oh regarde, une pâtisserie ouverte ! Tu crois qu'on pourrait acheter des pastéis de nata ?!

Nous en faisons, des kilomètres ! Je commence à avoir faim; j'aimerais bien manger un petit truc sur le pouce et flâner dans les rues. On se met en chasse d'un petit bouiboui où on pourrait acheter des bolo de caco à emporter, j'en ai vu plein ce matin. Ah oui, mais là, tout est fermé, depuis midi...

Quelques kilomètres plus loin, j'ai vraiment faim. L'heure devient grave. Nous nous arrêtons pour dîner dans un petit restaurant pas loin de la mer, dans une de ces rues pavées; on entend de la musique par-ci par-là. J'aime bien. Miracle ! Il y a des bolo de caco ! Allez hop, un chacun, du melon en plus pour Guillaume et des moules grillées pour moi. Zou !

Après un énième aller-retour à l'hôtel (j'ai froid, j'ai besoin de ma polaire...), nous voici positionnés sur un petit banc face au port, prêts pour le pestacle d'artifice ! je sautille comme une enfant, et je suis ravie de voir qu'il y a un autre pestacle, de danse cette fois ! plein de jolies danseuses en blanc, qui font des pirouettes, des roulades, des porters, des pas de danse gracieux, avec des ombrelles, des rubans... C'est très joli, surtout avec la nuit qui tombe. La musique devient électronique, et ohhhh ! un pole danceur ! Regarde Guillaume, il est là-bas, il danse avec un drap suspendu, c'est magique, on dirait un oiseau...

C'est l'heure du feu d'artifice ! Apparemment, c'est un concours, tous les samedis; ce soir, l'honneur est au Mexique. Le feu d'artifice tiré est aux couleurs du pays : plein de jaunes, de verts, de roses fuschia, c'est vraiment très beau. Guillaume évidemment, trouve que "c'est mieux celui de Saint Cloud". Je le traite de parisien. Moi, j'adore, en plus il y a eu de beaux effets visuels, que je n'avais jamais vus. La musique était très latino, c'était spécial comme association, mais bien fait. Ça change !

Et voilà, c'est la fin du voyage... Demain, on reprend l'avion à 11h. Au décollage, je ne peux pas m'empêcher d'être très mélancolique; les voyages, j'adore, mais je sais qu'au retour, c'est toujours difficile. Je me demande toujours, quand je suis à l'étranger, comment je vivrais dans ce pays. Là, avec ces températures clémentes, ce nombre d'humains moins important, cette nature diversifiée, ces fleurs partout... je me dis que j'y serais bien. ll y a une université à Funchal, donc sûrement une BU, non... ?

Comment faire, pour reprendre "le cours normal de la vie" quand on a vu autre chose, d'autres lieux, d'autres gens, d'autres cultures ? Comment ne pas oublier ce qu'on a vu ? Comment reprendre son RER le lendemain, quand la veille, au matin, on était à plus de 2000 km dans une jungle tropicale ? Guillaume est très terre à terre, pragmatique, réaliste; en ce sens, il sait se protéger de ce flux d'émotions contradictoires douloureuses à force. Il ne semble pas être à ce point tiraillé; si c'est le cas, sa philosophie personnelle lui permet de lisser tout cela, de relativiser le tout, et de continuer à avancer sans montagnes russes. C'est là ce qui nous différencie le plus. Moi, je déborde de joie avant le voyage, l'émerveillement me submerge pendant le voyage, et je me noie dans la mélancolie à la fin du voyage. Ces émotions très contradictoires et très fortes me fatiguent littéralement.

A chaque endroit, je me projette toujours; j'ai toujours envie d'être ailleurs, sauf là où je suis. Cela me rappelle ce poème en prose de Baudelaire que j'adore; je ne peux pas m'empêcher de rêver à un ailleurs, à autre chose, pensant que tout serait différent, mieux.

"Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu'il guérirait à côté de la fenêtre.Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme.

- Dis-moi, mon âme, pauvre âme refroidie, que penserais-tu d'habiter Lisbonne ? Il doit y faire chaud, et tu t'y ragaillardirais comme un lézard. Cette ville est au bord de l'eau; on dit qu'elle est bâtie en marbre, et que le peuple y a une telle haine du végétal, qu'il arrache tous les arbres. Voilà un paysage selon ton goût; un paysage fait avec la lumière et le minéral, et le liquide pour les réfléchir !

Mon âme ne répond pas.

- Puisque tu aimes tant le repos, avec le spectacle du mouvement, veux-tu venir habiter la Hollande, cette terre béatifiante ? Peut-être te divertiras-tu dans cette contrée dont tu as souvent admiré l'image dans les musées. Que penserais-tu de Rotterdam, toi qui aimes les forêts de mâts, et les navires amarrés au pied des maisons ?

Mon âme reste muette.

- Batavia te sourirait peut-être davantage ? Nous y trouverions d'ailleurs l'esprit de l'Europe marié à la beauté tropicale.

Pas un mot. Mon âme serait-elle morte ?

- En es-tu donc venue à ce point d'engourdissement que tu ne te plaises que dans ton mal ? S'il en est ainsi, fuyons vers les pays qui sont les analogies de la Mort. Je tiens notre affaire, pauvre âme ! Nous ferons nos malles pour Tornéo. Allons plus loin encore, à l'extrême bout de la Baltique; encore plus loin de la vie, si c'est possible; installons-nous au pôle. Là le soleil ne frise qu'obliquement la terre, et les lentes alternatives de la lumière et de la nuit suppriment la variété et augmentent la monotonie, cette moitié du néant. Là, nous pourrons prendre de longs bains de ténèbres, cependant que, pour nous divertir, les aurores boréales nous enverront de temps en temps leurs gerbes roses, comme des reflets d'un feu d'artifice de l'Enfer !

Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : N'importe où ! n'importe où! pourvu que ce soit hors de ce monde ! "

(Anywhere out of the world, Petits poèmes en Prose, Charles Baudelaire, 1869


Cette semaine, c'était comme le Montenegro l'an dernier; un instant out of the world. Alors je tourne la tête vers le hublot, et je dis au-revoir à l'île, au-revoir à mes rêves imaginés pendant une semaine, au-revoir à cet endroit préservé, pour revenir à la réalité. C'est un peu dur; et je hais ce mot. Mais avec Guillaume, ça va aller. Ça sera dur demain, et puis après-demain, ça ira mieux. On va aller travailler, et penser au prochain voyage qu'on fera ensemble.


Et puis nous reviendrons.