Carnet de voyage

Belfort-Briançon en VTT-bivouac

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16 étapes
21 commentaires
Par _jen_
Sept jours pour relier Belfort à Briançon avec un VTT, un hamac, une doudoune, une carte bancaire, de la route et quelques sentiers.
Du 8 au 17 août 2018
10 jours
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test

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Le paquetage

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Ok, j'ai réussi a tout caser sur le vélo. Environ 7 kg avec le sac a dos et sans l'eau. Direction Maîche, sur le plateau jurassien.

Tout est en place, y'a plus qu'à pédaler.
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J'avais bien prévu un sandwich dans le sac, mais je crois qu'il faut tout de suite prendre de bonnes habitudes.

Hmm! les frites trempées dans la cancoillote. 
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Et bien voilà une journée qui s'est plutôt bien passée. Après un faux départ pour avoir oublié ma moumoute de selle, les kilomètres se sont enchaînés sans soucis. J'ai quand même eu une bonne suée pour monter la marche jurassienne.

Le temps s'est un peu ralenti mais la journée a vite passé. Ce soir je squatte la roche du prêtre, vertigineux belvédère au dessus du Val de Consolation et son abbaye au milieu. Après une toilette à la bouteille d'eau je suis frais comme un gardon, les jambes un peu lourdes. Mais, suivant les conseils fraternels, j'ai acheté une petite huile de massage pour cyclistes en récupération. Ça devrait améliorer la situation.

Joli couché de soleil...



Saint-Hippolyte, début des hostilités, ça grimpe pour amener au plateau de Maîche.
Route vers Maîche, le chemin est indiqué et j'ai une bonne moyenne.
La Roche du prêtre: mon vélo, son abbaye
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J'ai mis beaucoup de temps à trouver un premier sommeil, puis ce fut une alternance d'éveils longs et de sommeils courts. Je ne sais pas si je suis assez hydraté, et ce n'est pas faute de boire, mais je sens mon intérieur plutôt concentré en substances. On verra aujourd'hui comment je réagis à l'effort. Sinon le cadre est super, la nuit agréable. Cerné par des orages lointains, je n'en ai récupéré que quelques gouttes. Assez pour couvrir le hamac avec le poncho, et ça marche.

Un écureuil a taffer toute la nuit dans l'arbre au dessus de moi. Un écureuil, ça couine.

9h00, les premiers promeneurs arrivent, il est temps de se remettre en selle !


Bon spot à hamac.
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Des gouttes j'en ai pris toutes la journée, et du vent aussi, par la gauche, par droite, de tous les côtés. Heureusement de Gilley à Pontarlier il y a une superbe piste cyclable, une ancienne voie ferrée, juste pour les vélos.

Piste cyclable et fabrique de saucisses

Resto de midi a Pontarlier puis route a forte circulation que j'ai délaissée pour une piste forestière. Ah, là j'étais content de mon VTT. La pluie est venue et le moral a plombé. Arrivé a la station de ski de Metabief, il fallait encore que je trouve à manger et où dormir. Surtout que la pluie était prévue pour la nuit et que je ne suis pas bien équipé pour. Dur, dur. Une bière plus tard, je n'étais toujours pas réchauffé. Je pars quand même pour une heure de prospection et repère quelques spots avec abris mais je suis pas convaincu.

Par contre le temps s'améliore et je décide d'avancer vers Jougne. Il y a 3 mois, j'étais au même endroit pour relever un mur de soutènement qui s'effondre. Le coin me parait familier, ça facilite les recherches. Effectivement, je trouve le bon spot en fond de vallée. Il était temps, je suis fatigué.

Ce qui me rassure, c'est que je n'ai pas de douleurs spécifiques, pas de courbatures, juste une fatigue diffuse qui parfois diminue un peu l'attention ou l'équilibre. A ça je dois rester vigilant.

Et demain, je traverse la Suisse de part en part, ne lui laissant comme souvenir que l'odeur de la gomme brûlée sur l'asphalte!

Pontarlier, le château de Joux
Piste sous la pluie et Jean le Kéké
Toc,toc, la Suisse.
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Grosse journée avec bcp de kilomètres, et squat de nuit tout confort avec Cédric, Marie, Louis et Lylia. Ils rentraient chez eux la haut près de Lutterbach, je descendais dans le midi , LE MIDI.(ou presque).

En France le lac Léman au fond.
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Pause -

Samedi, 16h00, au bord du lac, à l'ombre des arbres du parc et au milieu des innombrables touristes. On se croirait au fêtes de Bayonne, les chorales et l'ambiance en moins. Cette après-midi, je ralentis la cadence. Vu que j'ai bien progressé et que j'aime regarder les parapentes au dessus de la Tournette, je me pose.

Retour sur hier:

La nuit a Jougne a été bien galère, je me suis arrêté dans une aire de repos déserte, en fond de vallée. A peine le hamac tendu, il s'est mis a pleuvoir fort.

Heureusement, j'étais sous un abris. La nuit a quand-même été longue et froide.

Le matin, impatient de me réchauffer en bougeant et motivé par la traversée de la Suisse, je suis debout a 6h00. Réveiller l'esprit et les muscles, plier soigneusement et ranger les affaires, écouter une chanson, trouver un endroit pour la toilette,ici au pied du petit pont de la rivière, se laver en se cachant un minimum, puis manger sur le mur du cimetière, tout ça prend du temps. Je suis sur le vélo à 8h30.

Bivouac et salle d'eau.

En quelques kilomètres je suis a la frontière, prends un photo du poste suisse puis une du poste fr..."HALTE! monsieur, pas de photos s'il vous plaît.

-ah bon, on n'a pas le droit?

- Pas de photos des agents de douanes. Veuillez présenter votre pièce d'identité et je voudrais aussi voir le contenu de votre téléphone."

La journée commence bien, au moins le passage de frontière est marqué. Finalement, elle comprend qu'elle m'a interpellé avant que je prenne une photo. On parle un peu de mon trajet puis allez, circulez!

La Suisse m'accueille par la traversée d'un grand viaduc. Le passage se fait au cœur de l'ouvrage, par un très long corridor, ouvert sur les côtés par des arches donnant sur le vide. C'est surprenant et ça me plaît beaucoup. Après, c'est la Suisse, pas un papier par terre, pas un gravier de l'autre côté de la bordure, mais c'est beau et agréable a traverser en vélo. Beaucoup de pistes cyclables.

magique ! 
L'entrée en Suisse. 

Pour midi, casse croûte local à Nyon au bord du Lac Lemand et a 17h00 traversée de Genève ; ville bien hétéroclite avec ses costards à chaussures pointues, ses ribambelles de fixis et ses jeunes qui en pleine ville saute dans le Rhône depuis les ponts. Bon, y'a aussi le jet d'eau.

Les bords du lac Léman

Encore quelques kilomètres et voilà, je retrouve la France. Etape réussie. C'est à ce moment que Cédric arrive enfin à me joindre."Alors t'es où ? Est-ce qu'on arrive à faire étape commune ce soir?" Avec Marie et leurs deux enfants ils remontent vers l'Alsace. L'occasion rêvée pour qu'une fois de plus on se donne rendez-vous loin de chez nous, dans un endroit peu probable, aujourd'hui :"Le mont de Sion". Comme ce sont de bons dénicheurs de spots, on se trouve un pré fauché avec pleins d'oiseaux, une vue sur le lac Léman et par la même, sur mon étape du jour. DE LA BALLE.

On mange bien, comme d'hab.

Cerise sur le gâteau, ils ont du matos et me prêtent un tarp (tente légère), tapis de sol et couvertures. J'ai enfin pu dormir sans avoir froid. Ah! les amis, ça réchauffe le cœur, mais aussi les doigts de pieds.

Ce matin, on a doucement remballé le camp puis chacun a repris sa route. A bientôt !

La suite, c'est direction Annecy, petite étape d'une vingtaine de kilomètres. Je dois remplacer un bidon d'eau et acheter un sac de couchage. Il faut que j'arrive a mieux récupérer la nuit.

La ville est sympa bien que bondée de touristes. Dans ce parc où je viens de passer la moitié de l'après-midi à écrire ce message, l'ambiance est légère, parfois paisible, parfois animée. Au fond, entre les arbres, on danse la Samba.

Jusqu'à Annecy... demain les Alpes.
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8h00, la goutte au nez, je suis près à partir. La nuit s'est mieux passée que je le pensais. Faut dire que maintenant j'ai un sac de couchage. On est dimanche, mais j'espère trouver un lavomatic, ça commence a coller. Quand a mes chaussures, super confortables et aérées, je dois malheureusement les bannir de tout espace clos.

A l'hôtel des ombres

Edit: J'ai commencé la journée en me rendant dans un camping où on m'a gentiment laissé prendre une douche, laver mes affaires et recharger mon téléphone et ma batterie externe. Parfait!

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Pfff, 22h00 je viens à peine de terminer le camp du soir et c'est pourri. Dans un talus au dessus d'un chemin forestier 3,4 mètres de pente, blindé de moustiques. En plus je suis revenu de 5 kilomètres en arrière pour aboutir à ce spot de naze. La soirée avait pourtant bien commencé avec une bonne pizza a Saint-Jean-de-Maurienne.

Demain ça grimpe dur, le col du télégraphe et on avisera pour le Galibier.

Hé, hé, d'après moi il y a sûrement des télésièges vu que c'est une station de ski. J'ai mon plan B.

Quelques photos de cette étape Annecy - Saint-Jean-De-Maurienne:

Ce matin, départ du lac d'Annecy.
Midi indien, ouf les épices ne m' ont pas trahi
Sur la route de Saint-Jean-de-Maurienne, la rivière, la route, l'autoroute et la voie ferrée.
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Hier a été une étape longue mais sans grandes difficultés. A partir d'Annecy une belle piste cyclable , des cyclistes de toutes sortes, des parapentes partout, des grandes montagnes, tout ce que je suis venu chercher.

A Albertville,changement d'ambiance, la ville est plutôt terne, personne dans les rues, pas de restos ouverts, le désert... Je trouve quand même un indien qui me régale de son riz aux 5 épices, agneau, poulet et l'après-midi j'engrange les kilomètres dans les grandes vallées alpines. Heureusement nous sommes dimanche et il n'y pas de camions. En semaine, ça doit être chaud.

Puis la soirée a été galère pour trouver un bivouac (voir billet précédent).

En fait j'ai bien dormi, les moustiques se sont couchés en même temps que moi, le bruit de l'autoroute ne m'a pas dérangé et les craquements nocturnes de la forêt m'inquiètent de moins en moins.

Donc ce matin la patate! jusqu'à ce qu'il commence à pleuvoir. Je couvre au plus vite les affaires et me retrouve sur le chemin, en short et chaussures, a attendre que ça passe. 45 minutes c'est long. Je gamberge... Je suis venu défier les grands cols, la fleur au fusil, je ne sais pas combien de temps il faut pour arriver au Telegraph et comment ça se passe ensuite pour le Galibier. C'est surtout le risque d'orage qui m'ennuie car pour moi un orage en montagne ça peut être dangereux. Est-ce qu'on peut dormir à Valloire, le village intermédiaire.

Il vaut mieux avoir le pieds sur au réveil.

Je rejoins Saint-Jean-de-Maurienne, la pluie s'est arrêtée et je vais faire les courses. Là je peux discuter avec un autotochne qui répond à toutes mes questions. Le Télégraphe ce n'est pas si loin et il y tout ce qu'il faut a Valloire pour y faire une étape. Puis regardant mon vélo, il me demande si je compte y aller avec tout ça et il rajoute une heure a son estimation avant de me raconter la venue de 15000 cyclotouristes en 2015 pour refaire une étape de la grande boucle.

Allez! faut y aller.

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La nourriture dans la sac, je rempli mes deux bidons à la fontaine publique et pars en direction de Saint-Michel-de-Maurienne, début des premiers lacets vers le col du Télégraphe. A nouveau une grosse route a la circulation rapide, mais cette fois-ci avec une bande cyclable sur le côté. Ça monte un peu et, bon sang, j'avance pas! Je regarde mon pneu voir si il est dégonflé, non; si une sangle freine la roue, non plus. Donc c'est normal et ce n'est que le début.

J'arrive a Saint-Michel en n'ayant croisé que 3 ou 4 cyclos et là, je la vois. La borne du Télégraphe, 12km. Ding! Ça commence. Premier kilomètre pente à 6%, deuxième 8%. Je n'arrive pas a trouver une position confortable. Hier, c'était le poignet et le coude qui me faisaient mal, aujourd'hui je n'arrive pas a trouver une assise confortable. Et vas-y que je me dandine, je me mets en danseuse et me rassois. Quelle dépense d'énergie inutile! Le T-shirt devient éponge mais je trouve un rythme. Et j'avance. Il doit être 12 heures et je programme une pause casse-croûte a mi-chemin.Au cinquième km je me congratule, je vais pouvoir titrer "Le Télégraphe, comme une lettre a la poste". Ah, enfin d'autres cyclistes, ils font une pause au bord de la route, je boucle le virage et m'arrête aussi a une table. Je sors le duo Comté-saucisson, mange ce qu'il faut, quelques carreaux de chocolat en dessert et aussi bien boire. J'arrive même a caler une micro sieste de 10 mn avec bon timing du réveil. C'est cool, je gère.

J'ai déjà fait la moitié, je refait la même chose et c'est plié. Allez, je remonte sur le vélo et envoie les premiers coups de pédales. Et là, je le sent tout de suite, ça coince. Après cent mètres c'est comme si la pause midi n'avais pas eu lieu. Les muscles tirent fort, la douleur fesse gauche réapparaît instantanément, j'ai du mal a optimiser les braquets. Et le col paraît s'éloigner.

Je comprends. Mais bon sang? Qui est-ce qui se tape un pique-nique au milieu de la montée au Télégraphe. Qui a l'idée de laisser refroidir ses muscles a mi-pente et de repartir cash. Barres énergétiques et boissons isotoniques, ces substances douteuses seraient-elles donc bien légitimes ?

Le calvaire dure deux kilomètres, je m'arrête de temps en temps pour boire quelques gorgées mais je retrouve le rythme peu a peu.

Et puis 4....3....2km, plus les bornes défilent et plus le moral prend la relève. La forêt s'éclaircit, je commence a voir des paysages impressionnants mais de dessus. 1 km, ça sent le dénouement. Pas de relâchement, l'effort est toujours là et je crie aux falaises "C'est bon, ça!". Enfin, je vois des cyclistes arrêtés, se prenant en photo devant le panneau du col. Le sourire un peu béat, je pose le VTT contre une rambarde en bois et j'apprécie...

Cool, je viens de faire le Télégraphe.

Et puis, je suis un peu dans un autre monde, les alpages, la station de ski, c'est l'étage supérieur, le début de la haute montagne. Tout ça avec mon vélo, depuis chez moi, un voyage rudimentaire.

Début, milieu, fin.

Il pleut un peu, la journée continue, il faut aller à Valloire, acheter un pneu arrière car l'actuel, d'origine, est vraiment usé. Je m'étais dit que pour la route pure, son côté "slick" était bien approprié. J'en ai trouvé un mais comme je l'ai plié pour le transporter, maintenant il est tout tordu, je ne sais pas si je vais le remplacer.

Valloire, 1500m, et quelque part au fond, le Galibier.

Bon, il paraît que j'ai failli craquer. C'est quoi cette affaire? Et bien toujours le problème récurrent du bivouac. Ils annoncent un peu d'orages et des averses pour cette nuit. Le plan est de trouver deux arbres pour le hamac et un abris proche en cas de replis. C'est quand même tendu, je repère des abris mais soit trop en zone urbaine soit sans spot hamac proche. Je continue et arrive a la fin de l'agglomération, il commence a se faire tard. Enfin une aire de repos prometteuse mais le dernier abris est loin. Il y a des arbres pour le hamac et je pourrais me servir d'une table comme abris en la recouvrant avec le poncho. Le tonnerre gronde de l'autre côté de la crête. Allez Jean! va au bout de ton trip baroudeur. L'essentiel est d'arriver a garder un bout de sol sec. Avec le poncho en s'appliquant, ça peut le faire. Il commence à pleuvoir. Si j'arrive a passer l'orage en gardant le sac de couchage sec, les averses suivantes ça ira aussi.

J'hésite. Tout ça devient compliqué, trop incertain, c'est pas le bon chemin. Simplifions. J'en ai vu un sur le chemin, c'est plus sûr, et tant pis pour la beauté du geste, c'est décidé je vais a l'hôtel. Le tonnerre se rapproche, la pluie continue, c'est la bonne solution. Je remonte sur le vélo, allume le feu arrière et me dépêche en direction du village. Je vais quand même jeter un dernier coup d'oeil à l'espèce de local à poubelles vu plus bas. Un dernier espoir. C'est un petit bâti avec un transfo EDF, et a côté ce que j'ai vraiment pris pour un local a poubelles. Je rentre dedans, il y a quatre murs, un toit et une affiche:"ABRI pour les randonneurs, promeneurs et cyclistes". Bingo, exactement ce qu'il me faut. L'endroit est propre, sec, je me dépêche de rentrer le banc qui est dehors avant qu'il ne soit trop mouillé, je m'en servirai comme lit. Un peu plus tard je regarde la pluie tomber fort et me dis qu'avoir penser a tenter de rester dehors était une belle bêtise. Heureusement que j'ai trouvé cet abris. Pourtant j'ai failli craquer, j'ai failli aller dormir a l'hôtel.

Demain dernière étape, le Galibier puis retrouver mon frère et sa famille. Joli programme.

L'abri.
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Et oui, on se motive comme on peut.

J'ai bien dormi. Au réveil j'ai changé mon pneu arrière, puis trouvé un coin sympa pour une toilette réparatrice, puis petit déj un peu plus haut en regardant les nombreux cyclos partir à l'assaut des 18 km de montée. Le seul problème est qu'il ne me reste qu'un demi bidon d'eau, mais je ne m'inquiète pas trop de trouver une auberge ou une source. Le temps est humide, avec de la bruine entre les éclaircis.

A mon tour....

Un pneu tout neuf !
La salle de bain et ses quatre murs.
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La journée c'est bien passé, l'effort assez intense, je profite de l'accueil de Bertrand et sa famille. A suivre....

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Voilà, je suis dans le train qui va à Valence, puis ce sera Lyon et enfin Belfort. Après avoir traversé a vélo le Jura, la Suisse et les Alpes du Nord, je viens de passer 3 jours avec mon frère et sa famille. Comme prévu, il est temps de rentrer au Territoire.

Retour sur le Galibier :

Parti avec peu d'eau, je trouve rapidement une auberge pour me remplir les bidons et j'en profite pour parader devant un groupe de touristes à qui je raconte mon périple et qui gentiment me félicitent. Je profite de ces quelques regards admirateurs pour faire le plein de motivation, remercie pour l'eau et attaque alors ce qui doit être la dernière grosse épreuve du périple. Comme je ne sais pas trop ce qui m'attend, je ne me pose pas trop de questions, espère surtout voir de beaux paysages et puis, 2600m d'altitude, je me demande si j'ai jamais mis un pied aussi haut.

Le Galibier, Ooh! Le Télégraphe, Ooh! On m'a parlé de ces deux cols dans les mêmes termes, ils doivent être plus ou moins équivalents. Hier j'ai fait le Télégraphe, donc aujourd'hui devrait être un peu pareil. Grosse erreur mon bon monsieur, le Galibier, c'est simplement deux fois plus dur. Et d'entrée de jeu la borne t'annonce un petit 9% de pente. Moi qui peinait a 8 hier, je sens déjà que la couleur n'est pas la même. Cette couleur est quand même teintée de grandiose et je me sens petit au milieu de ces imposantes masses minérales.

La première leçon est qu'il ne faut pas se laisser envoûter par le décor, sinon on y va droit dedans. Il y a beaucoup de cyclistes et chaque dépassement est l'occasion d'un petit bonjour ou autre encouragement. A bien y réfléchir je crois que c'est toujours moi qui était dépassé, d'un autre côté j'étais aussi le seul a avoir des pneus crantés.

Comme les autres jours, je commence en essayant de trouver mon rythme, certainement un peu lent mais qui me permet de ne pas me cramer. La pente est forte et je pressens que ma réussite n'est pas acquise. A mi chemin, je trouve que l'effort est équivalent celui d'hier et que ça pourrait s'arrêter là. Mais il reste encore 6 kilomètres et ça tire déjà beaucoup dans les jambes. A partir de là, je ne me rappelle plus exactement de mon état physique mais surtout du combat mental qui s'installe pour garder le corps focaliser sur l'effort. Ça commence par la prise de conscience qu'à ce moment, il n'y a plus que moi, mon vélo et la route. Je trouve ridicule le gant de toilette que j'ai accroché au guidon pour le faire sécher mais aussi pour marquer mon état de cycliste bivouaqueur. Je le cache. Ici le seul signe distinctif valable,c'est d'être sur son vélo. Surtout ne pas s'apitoyer sur son mal de selle et continuer à pédaler. Je garde quand même ma technique de m'arrêter pour boire ou prendre des photos, parfois, pas trop souvent.

Je pense beaucoup à ce que je vais écrire pour raconter la montée. C'est un bon passe-temps et ça m'amuse. Mais au bout d'un moment les mots s'essoufflent et ça m'exaspère, c'est pas sain d'exécuter une action et de se la décrire en même temps. Il faut trouver autre chose. Alors je m'énerve. Et bientôt j'enrage. J'enrage contre cette route qui, impassible et monotone, se colle a mes pneus, me regarde avec les mêmes yeux de pierres, virage après virage, sans la moindre compassion et m'arrache des bouts de muscles a chaque coup de pédale. Il faut que je me batte, je vais l'attraper a pleine main et la tirer en arrière, lui rouler dessus et l'aplatir, la laissant derrière moi, inerte et sans voie.

Là ! Je vois le col...Au bout de cette longue courbe, un bout de route et rien après... quoique, l'autochtone m'a prévenu, on croit être arrivé, mais ce n'est pas fini. Je ne suis donc pas trop déçu quand je découvre ce dernier kilomètre, a moitié dans les nuages, aux multiples lacets et à la pente assassine. Car oui, la pente n'a jamais été aussi forte. Mais je m'en fous, j'en ai un peu marre de ce calvaire, il faut que je termine ma tâche. Je ne sais pas si je vais réussir mais je ne pense pas abandonner. Je n'arrive toujours pas à passer cette dernière vitesse mais je continue, essayons d'avancer tant que la machine tourne et on verra au prochain coup de pédale. Je m'applique a défaire ces lacets un a un, méthodiquement. C'est long. En voilà un qui me double à une vitesse folle, vas-y mon gars, au bout de ce tronçon, je le vois, on touche au but. Le vent du col commence a se faire sentir, l'humidité des nuages aussi, il fait froid. Je termine ma tâche. C'est bien , c'est tout. Pas tout a fait quand-même, je sais qu'au fond de moi j'ai gagné des points de fierté et sûrement un bonus de confiance mais je suis trop fatigué pour l'apprécier. Plus tard sûrement, pour l'instant, ça caille.

Je profite quand même en prenant quelques photos, découvre la nouvelle vallée qui va m'accueillir et me dis que je dois être prudent pendant cette longue descente. Une fois au Lautaret, il fera plus chaud, j'appellerai Anne-Sé pour savoir où les retrouver, mes nièces et neveu ont encore dû bien changer.

Demain j'irai encourager mon frère dans un défi d'une autre ampleur, le triathlon XXL de l'Embrunman.


Voilà la dernière étape de mon périple a vélo. Je suis super content de l'avoir réalisé jusqu'au bout. Des impressions fortes de liberté ont jalonné ces étapes et savoir que je suis capable de bivouaquer dans la nature, j'adore ça.

Les points importants sont certainement:

- pas de problèmes musculaires ou autre tendinites, peut-être parce-que ça fait cinq mois que je vais tous les jours au taf à vélo.

-avoir trouvé des abris pour les deux nuits de pluie.


Merci a tous ceux qui m'ont encouragé pendant cette semaine. Un encouragement, c'est toujours quelques kilomètres de motivation gagnés instantanément.


Belfort, Belfort, terminus du train.

L'arrivée, en fond de vallée.