Voilà, je suis dans le train qui va à Valence, puis ce sera Lyon et enfin Belfort. Après avoir traversé a vélo le Jura, la Suisse et les Alpes du Nord, je viens de passer 3 jours avec mon frère et sa famille. Comme prévu, il est temps de rentrer au Territoire.
Retour sur le Galibier :
Parti avec peu d'eau, je trouve rapidement une auberge pour me remplir les bidons et j'en profite pour parader devant un groupe de touristes à qui je raconte mon périple et qui gentiment me félicitent. Je profite de ces quelques regards admirateurs pour faire le plein de motivation, remercie pour l'eau et attaque alors ce qui doit être la dernière grosse épreuve du périple. Comme je ne sais pas trop ce qui m'attend, je ne me pose pas trop de questions, espère surtout voir de beaux paysages et puis, 2600m d'altitude, je me demande si j'ai jamais mis un pied aussi haut.
Le Galibier, Ooh! Le Télégraphe, Ooh! On m'a parlé de ces deux cols dans les mêmes termes, ils doivent être plus ou moins équivalents. Hier j'ai fait le Télégraphe, donc aujourd'hui devrait être un peu pareil. Grosse erreur mon bon monsieur, le Galibier, c'est simplement deux fois plus dur. Et d'entrée de jeu la borne t'annonce un petit 9% de pente. Moi qui peinait a 8 hier, je sens déjà que la couleur n'est pas la même. Cette couleur est quand même teintée de grandiose et je me sens petit au milieu de ces imposantes masses minérales.
La première leçon est qu'il ne faut pas se laisser envoûter par le décor, sinon on y va droit dedans. Il y a beaucoup de cyclistes et chaque dépassement est l'occasion d'un petit bonjour ou autre encouragement. A bien y réfléchir je crois que c'est toujours moi qui était dépassé, d'un autre côté j'étais aussi le seul a avoir des pneus crantés.
Comme les autres jours, je commence en essayant de trouver mon rythme, certainement un peu lent mais qui me permet de ne pas me cramer. La pente est forte et je pressens que ma réussite n'est pas acquise. A mi chemin, je trouve que l'effort est équivalent celui d'hier et que ça pourrait s'arrêter là. Mais il reste encore 6 kilomètres et ça tire déjà beaucoup dans les jambes. A partir de là, je ne me rappelle plus exactement de mon état physique mais surtout du combat mental qui s'installe pour garder le corps focaliser sur l'effort. Ça commence par la prise de conscience qu'à ce moment, il n'y a plus que moi, mon vélo et la route. Je trouve ridicule le gant de toilette que j'ai accroché au guidon pour le faire sécher mais aussi pour marquer mon état de cycliste bivouaqueur. Je le cache. Ici le seul signe distinctif valable,c'est d'être sur son vélo. Surtout ne pas s'apitoyer sur son mal de selle et continuer à pédaler. Je garde quand même ma technique de m'arrêter pour boire ou prendre des photos, parfois, pas trop souvent.
Je pense beaucoup à ce que je vais écrire pour raconter la montée. C'est un bon passe-temps et ça m'amuse. Mais au bout d'un moment les mots s'essoufflent et ça m'exaspère, c'est pas sain d'exécuter une action et de se la décrire en même temps. Il faut trouver autre chose. Alors je m'énerve. Et bientôt j'enrage. J'enrage contre cette route qui, impassible et monotone, se colle a mes pneus, me regarde avec les mêmes yeux de pierres, virage après virage, sans la moindre compassion et m'arrache des bouts de muscles a chaque coup de pédale. Il faut que je me batte, je vais l'attraper a pleine main et la tirer en arrière, lui rouler dessus et l'aplatir, la laissant derrière moi, inerte et sans voie.
Là ! Je vois le col...Au bout de cette longue courbe, un bout de route et rien après... quoique, l'autochtone m'a prévenu, on croit être arrivé, mais ce n'est pas fini. Je ne suis donc pas trop déçu quand je découvre ce dernier kilomètre, a moitié dans les nuages, aux multiples lacets et à la pente assassine. Car oui, la pente n'a jamais été aussi forte. Mais je m'en fous, j'en ai un peu marre de ce calvaire, il faut que je termine ma tâche. Je ne sais pas si je vais réussir mais je ne pense pas abandonner. Je n'arrive toujours pas à passer cette dernière vitesse mais je continue, essayons d'avancer tant que la machine tourne et on verra au prochain coup de pédale. Je m'applique a défaire ces lacets un a un, méthodiquement. C'est long. En voilà un qui me double à une vitesse folle, vas-y mon gars, au bout de ce tronçon, je le vois, on touche au but. Le vent du col commence a se faire sentir, l'humidité des nuages aussi, il fait froid. Je termine ma tâche. C'est bien , c'est tout. Pas tout a fait quand-même, je sais qu'au fond de moi j'ai gagné des points de fierté et sûrement un bonus de confiance mais je suis trop fatigué pour l'apprécier. Plus tard sûrement, pour l'instant, ça caille.
Je profite quand même en prenant quelques photos, découvre la nouvelle vallée qui va m'accueillir et me dis que je dois être prudent pendant cette longue descente. Une fois au Lautaret, il fera plus chaud, j'appellerai Anne-Sé pour savoir où les retrouver, mes nièces et neveu ont encore dû bien changer.
Demain j'irai encourager mon frère dans un défi d'une autre ampleur, le triathlon XXL de l'Embrunman.
Voilà la dernière étape de mon périple a vélo. Je suis super content de l'avoir réalisé jusqu'au bout. Des impressions fortes de liberté ont jalonné ces étapes et savoir que je suis capable de bivouaquer dans la nature, j'adore ça.
Les points importants sont certainement:
- pas de problèmes musculaires ou autre tendinites, peut-être parce-que ça fait cinq mois que je vais tous les jours au taf à vélo.
-avoir trouvé des abris pour les deux nuits de pluie.
Merci a tous ceux qui m'ont encouragé pendant cette semaine. Un encouragement, c'est toujours quelques kilomètres de motivation gagnés instantanément.
Belfort, Belfort, terminus du train.