Aujourd'hui Odile et Pierre m'emmènent "randonner"- je mets les guillemets, vous comprendrez bientôt - en Espagne, sur les pentes du Pic de l'Enfer.
Et quand on randonne avec la cousine, ça ne rigole pas ! Hier soir, j'ai eu droit à la revue de paquetage. Et il s'est vite avéré que je n'avais pas l'équipement réglementaire ! Pierre m'a vite dégoté un piolet et des crampons ! Et ce matin réveil à 5h ! J'ai pour ma part négocié une heure de rab' auprès de l'adjudant de semaine en me passant du petit déjeuner : je me lève donc à 6h. Et nous voilà partis ; direction l'Espagne. Le ciel est couvert mais Odile et Pierre ne sont pas inquiets : ils me disent en choeur que les nuages sont bloqués par les montagnes et que nous retrouverons le soleil dès que nous aurons basculé du côté espagnol - ce qui s'avèrera exact. En route nous achetons du pain pour le pique-nique et prenons Eric qui va nous accompagner dans notre expédition.
Après un café - un jus d'orange pour moi - au refuge Casa de Piedra nous voilà enfin partis sur les sentiers. Le site est magnifique dans la lumière du matin. Nous grimpons tranquillement entre lacs et cascades, dans un univers de plus en plus minéral et enneigé.
Après deux bonnes heures de marche nous "attaquons" des névés de plus en plus pentus. On m'initie au maniement du bâton et du piolet car nous devons marcher en dévers. Pierre trace le chemin de ses grosses chaussures de montagne. Le soleil cogne dur maintenant et la pente est plus que rude ! Je commence à accuser le coup mais je m'accroche. Nous montons toujours. J'ai de plus en plus de mal à suivre le rythme et à bien mettre mes pas dans ceux de Pierre. Je dois me rendre à l'évidence : je perds ma lucidité et je n'avance plus en toute sécurité - sur ces névés très pentus, on prend vite de la vitesse en cas de chute et on peut se fracasser sur les rochers en contrebas ! La prudence me commande de dire stop ! Je fais part de mon coup de barre à mes compagnons et nous nous arrêtons en pleine pente. Pour eux le diagnostic est limpide : je fais une hypoglycémie - je paie cash mon heure de sommeil en rab'. Alors Odile me donne une espèce de gel à avaler ; c'est censé me donner un "coup de fouet". Je bois beaucoup aussi : concentré sur chacun de mes pas et ayant peu à peu perdu ma lucidité, je ne m'étais pas rendu compte que je crevais de soif ! Après quelques minutes de pause, je suis apte à repartir.
Et finalement nous parvenons au lac de Tebarray, formidable récompense à tous nos efforts. Le lac est fantastique avec son eau bleue et son pourtour de glace. On dirait le cratère d'un ancien volcan.
Après une pause bien méritée nous repartons pour atteindre l'objectif final : le sommet du Pic de l'Enfer. Je dois avouer que je serais bien resté là, à me reposer tout en profitant du panorama. Au dessus du lac : plus de neige mais un vaste pierrier très pentu. Aucun sentier. La progression est lente et difficile. Seuls quelques cairns permettent de savoir que d'autres "aventuriers" nous ont précédés un jour sur cette voie. Finalement Pierre et Eric repèrent d'autres randonneurs au loin ; ils attaquent la dernière partie de l'ascension. A priori on n'est pas sur la voie la plus facile ! Hésitations... Enfin... pas pour moi ! Le passage auquel sont en effet confrontés les marcheurs au loin relève en effet carrément de l'escalade. Et mes réserves sont trop entamées pour que je puisse envisager de me risquer sur une telle voie... Je dis alors à mes compagnons que pour moi l'équipée s'arrête là... que je n'ai pas le niveau pour continuer... Pierre et Eric en conviennent... Et nous redescendons alors sagement au lac pour déjeuner.
Restaurés et reposés, il est temps maintenant de redescendre. Nous empruntons le même chemin que ce matin. L'ambiance est bon enfant et Odile nous gratifie de quelques mémorables arrêts-piolets sous l’œil averti de Pierre, son professeur particulier. Dans la seconde moitié de la descente, je vais à mon rythme, histoire de ne pas chuter ou me faire une entorse dans les passages un peu difficile. Car les jambes sont raides et la fatigue me tombe dessus. J'arrive finalement au refuge Casa de Piedra complètement rincé ! Crevé ! Claqué ! Harassé ! Moulu ! Fourbu ! Mais heureux de cette si belle journée ! D'autant qu'une pinte de bière bien fraiche m'attend en terrasse du refuge ! Un pur bonheur !
Rincé comme je suis, je pense m'endormir dans la voiture pendant le trajet du retour mais non... Il faut croire que la bière m'a requinqué. Sur la route nous nous arrêtons dans un petit village pour prendre un verre dans une auberge. Eric est le local de l'étape et il me conseille un vin du cru ma foi fort gouleyant.
Cette journée inoubliable se termine par un petit barbecue avec Manon rentrée de son travail. Et par un excellent dessert de sa fabrication. Miam miam ! Pas de doute : je vais bien dormir ce soir.
P.S. Je comprends mieux la réponse de Thomas, avant hier, quand je lui demandais ce qu'il pensait de la "randonnée" du pic de l'enfer : une rando' "aérienne" m'avait-il répondu avec un petit sourire.