Carnet de voyage

Transat et Petites Antilles

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Ce carnet commence au départ du Cap Vert pour la transat vers la Martinique et se continue dans les îles des petites Antilles.
Mars 2024
360 jours
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Ce nouveau carnet de voyage fait suite à nos deux précédents :

Nous l'ouvrons avec cette étape symbolique. "Transater" est un vieux rêve, nourri dès l'adolescence par des lectures de classiques de la littérature de navigation, les livres de Moitessier, des Damiens, de Sir Francis Chichester, de Tabarly, Colas et Kersauson, les récits et vidéos du chanteur Antoine, les récits de tours du monde de Joshua Slocun, Cook, Bougainville, les romans de Henry de Monfreid et ceux de R.-L. Stevenson dont notre bateau a hérité du nom.

Traverser l'Atlantique à la voile est devenu d'une grande banalité. J'ai bien expliqué à ma Maman que la partie la plus aventureuse de ce voyage était le départ de Paris par la Porte de Saint-Cloud. C'est à peine une plaisanterie. L'exploit est surtout d'amener son bateau à un niveau de fonctionnement opérationnel et fiable. Comme nous l'avons raconté dans les épisodes précédents, les défaillances concernent rarement la fonction "voile" du voilier, mais plutôt ses sophistications électriques, informatiques, hydrauliques et mécaniques. Après maints efforts sur ces thèmes, nous avons l'impression et la satisfaction fragile d'y être parvenus.

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Derniers jours au Cap Vert

A part Mindelo, nous ne connaissons pas du tout l'île de São Vicente. Nous consacrons une demi-journée à voir ce qu'on nous a indiqué de remarquable : la grande plage de São Pedro. Un coup d'aluguer pour nous y faire déposer et découvrir cette magnifique baie. Des barques de pêcheurs authentiques comme dans les cartes postales du Cap Vert.

Aluguer collectivo
Aluguer collectivo
São Pedro
São Pedro
Pour le vocabulaire
Pour le vocabulaire

Un petit coup d'aluguer collectivo au retour, entassés à dix-neuf dans un van, nous ramène à Mindelo. Ce sera notre seule visite, parce que le créneau météo a l'air stable pour le début de semaine prochaine. D'ailleurs nos voisins Blanche et Clément ont décidé de partir aussi bientôt et nous tentons de voir comment communiquer directement entre bateaux via Iridium. Et bien ça ne fonctionne pas, parce que les fournisseurs d'accès Iridium n'ont tout simplement pas prévu qu'on puisse adresser des messages entre usagers Iridium de providers différents.

Tentative de messagerie entre IridiumGO et Garmin InReach
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La logistique de cette nouvelle traversée qui s'annonce est spéciale. Nous connaissons bien les possibilités des petits supermarchés et marchés de Mindelo. Il faut faire avec. Des oranges, des pamplemousses et des bananes, beaucoup de bananes et à plusieurs stades de mûrissement. Nous les avons testées dans les jours précédents. Comme tous les autres fruits et légumes, ils sont cueillis au bon moment sur Santo Antão et transportés dans la journée. On peut les regarder mûrir de jour en jour sans traitrise. Des carottes terreuses non lavées, des avocats un peu durs. Depuis que nous sommes au Cap Vert, nous trouvons un excellent goût à tous les fruits et légumes consommés. Enfin des tomates qui ont du goût ! Nous remplissons plusieurs sacs de provisions, à la limite des capacités de stockage de la soute et du frigo. Un peu d'aliments en boîte, un peu de viande congelée qui dégèlera doucement dans notre frigo. Des yaourts, sans conviction parce qu'ils sont sertis à l'aide d'un film étirable et que nous avons un doute sur leur conservation. Pas de charcuterie, ce n'est pas la spécialité du coin, il nous reste du chorizo à longue conservation, apanage du monde ibérique que nous avons quitté.

A l'arrivée sur le bateau, tout est soigneusement traité : les cartons doivent rester dehors, les fruits et légumes passés dans une solution de permanganate de potassium (oxydant puissant). Toutes ces précautions sont indispensables pour éviter d'embarquer des insectes, et surtout des larves de cafards dont nous aurions le plus grand mal à nous débarrasser une fois au milieu de l'Atlantique.

A bientôt, Joëlle et Yves

Nous soignons particulièrement l'approvisionnement en eau. Nous partons avec quatre cent litres d'eau potable en réservoirs et trente litres en bidons et jerricans supplémentaires (pour la douche), auxquels s'ajoutent quarante litres d'eau minérale.

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12 mars 2024 - J0 - départ

De nombreux bateaux ont sélectionné le même créneau météo que nous. Certains déjà partis hier et le ponton est grand vide autour de nous. On a vu, entendu et participé à beaucoup d'au-revoirs. D'autres partiront bientôt. Certains, comme Nat et Teva que nous avions rencontré l'an dernier à Tenerife, sont dans l'attente de pièces moteur. Ils ont eu le courage de faire demi-tour en transat. Chapeau ! la décision de la cheffe de bord. Un quart environ des treize bateaux candidats à la transat va vers le Brésil, au moins un vers la Guyane et le reste vers les Caraïbes. Cela nous réjouit sincèrement d'apprendre que Tom, bateau-stoppeur persévérant et sympathique, vient de trouver un embarquement avec Clément et Blanche sur Appa, destination Martinique via la Barbade. Nul doute que nous nous reverrons bientôt.

Comme toujours, il reste une tonne de micro-trucs à faire avant le départ. Hier une dernière machine à laver ; installer une petite baille dans la descente pour mettre les gants, lunettes, téléphones ; remettre en place l'hydrogénérateur et régulateur d'allure ; effectuer les formalités de départ, surtout récupérer les papiers du bateau et le document de sortie du territoire ; solder le dû à la marina et leur rendre les badges d'accès...

Joëlle passe nous saluer. Avec leur voilier Nana, Yves et Joëlle vont faire un tour au Brésil, puis envisagent de revenir vers les Caraïbes.

Ce matin nous avons nettoyé le bateau de fonds en combles, aspirateur intérieur, rinçage, nettoyage du pont, des inoxs et des cordages, rinçages multiples. Il sort du sable rouge de tous les interstices, accumulation de plusieurs semaines de ce vent du désert. C'est lui aussi qui enrichit en nutriments la forêt amazonnienne, ai-je lu. Nos familles nous ont fait le plaisir d'un appel Whatsapp, un petit coucou avant le long silence prévu à douze jours dans les simulations, mais plutôt vingt si les alizés sont faiblards. Nous les prévenons bien. Nous avons Iridium bien sûr, mais les messages écrits et plutôt laconiques ne sont pas un lien bien affectueux. Les amis aussi nous ont envoyé des vœux de bonne traversée. Tout ça fait très plaisir. Liliane est partie acheter quelques pains à la seule vraie boulangerie. Leur pain est bon selon notre goût de parisiens gâtés, mais il se conserve mal.

Umberto, homme multiservice qui tente de s'employer auprès des navigateurs en les interpelant à la sortie de la marina avait bien compris au bout de quelques tentatives que nous n'avions pas de travaux à lui confier. Il a donc fini par demander un cadeau. Après réflexion, je lui dépose mon sac étanche un peu usé avec des chaussures de randonnée qui me font un peu double emploi. D'une part, je nourris ma bonne conscience à peu de frais et d'autre part, j'allège le bateau et réduis mon espace occupé à bord.

Nous avons réussi sans vraiment le rechercher à épuiser la totalité de nos Escudos avant le départ, les dernières pièces au Floating Bar, où nous prenons un café avec Hervé van V., membre très actif de l'association des RM et ancien voisin de ponton à Saint Malo en 2021. Le monde est petit. Il passait sur le ponton chercher son embarquement quand son regard a été arrêté par notre RM. Nous nous sommes rapidement reconnus. Comme tous les grands navigateurs, il partage volontiers et avec humilité son immense expérience de la mer. C'est un ancien de la marine marchande. Il vient aussi nous aider à démarrer. Avec la pendille, aucun bateau autour de nous et un vent arrière, c'est une manœuvre très facile. Il est seize heures. Je sonne traditionnellement trois longs coups de corne de brume à bouche.

Avec Hervé au Floating Bar
Top départ transat !

Dans l'avant-port, une toute petite houle fait osciller le bateau, ce qui révèle de l'eau sortant du coffre du Bib. Ce n'est que la rigole d'évacuation qui s'est bouchée, sans doute avec tout le sable nettoyé au jet ce matin. J'écope, mais cela donne un coup au moral, moi qui pensais que tout était parfaitement au point. J'ajouterai à la todolist de démonter ces tuyaux et de les récurrer. Il faut dire que le branchement avec de bêtes T n'est pas propice à l'écoulement des dépots. On a inventé le raccord en Y pour ça.

Nous craignions un courant d'air féroce dans le chenal entre les îles Sao Vicente et Santo Antao, comme lors de notre arrivée à Mindelo. Aujourd'hui le vent modéré de quinze nœuds en pleine mer ne déclenche pas un gros Venturi. Nous établissons les deux voiles d'avant en jumelles, sans grand-voile, plein vent arrière. Le génois au vent sur tangon et la trinquette sous le vent. C'est une première pour moi sur ce bateau. On étrenne donc le tangon, le renvoi du hale-bas en pied de trinquette mateloté récemment, la drisse de spi comme hale-haut de tangon et la configuration voiles jumelles. Je cafouille abondamment (la contre-écoute, c'est au-dessus du tangon(*), oui, je l'ai appris). Les longes de mon harnais essaient bien de me ficeler au tangon. Heureusement le plan d'eau est calme et le vent doux. Je corrige tout ça et nous voici plein vent arrière dans le vent qui coule entre les deux îles. Je mets le pilote en mode vent évidemment pour suivre ses éventuels changements. Il aime bien cette configuration. Le bateau est tiré "par le nez" et donc intrinsèquement stable.

🛠(*) explication technique : longtemps je n'ai pas bien compris pourquoi il faut mettre la contre-écoute au-dessus du tangon. Je demandais bien aux collègues navigateurs qui utilisaient le spi. "-C'est comme ça, il FAUT le faire". Maintenant je sais. Quand on tombe le tangon sur le pont et qu'on veut immédiatement faire porter la voile d'avant sur l'autre bord, façon virement à la bouée en régate, on peut ouvrir la voile d'avant, génois ou foc, et la border sans attendre que le tangon soit rangé. Dans le cas de notre modeste croiseur, c'est pour empanner tout de suite la trinquette qu'il aurait fallu que cette contre-écoute passât au-dessus. Qu'importe, nous n'étions pas en course et j'ai donc attendu de ranger proprement le tangon.

Une fois tout d'aplomb, le bateau descend dans le vent avec facilité et douceur. Un arrêt sur image pour savourer intérieurement ce moment. Nous voilà partis sur le grand tapis roulant des alizés. Les côtes qui s'éloignent nous renvoient les belles lumières du jour déclinant de leurs majestueuses falaises. J'éprouve (nous éprouvons ?) le tiraillement de tous les départs. Laisser les gens que nous apprécions, les lieux qui nous étaient devenus familiers. Nous profitons des derniers micro-watts des réseaux mobiles pour envoyer le dernier message d'au-revoir aux parents et amis sur les réseaux sociaux.

São Vicente à bâbord
Santo Antão à tribord
Descente vent arrière avec nos voiles jumelles
São Vicente : au-delà, l'Océan
En route sur le grand tapis des alizés
Grandes montagnes, grand dévent

Et puis, au fond de moi, je sens confusément un petit poids sur l'engagement de l'aventure à cet instant. Si quelque chose foire, il est très difficile de faire demi-tour. Confiant et plutôt bien préparé, oui, mais lucide sur les difficultés potentielles et l'esprit pas totalement léger.

La soirée se passe bien et la stratégie qui consiste à nous laisser suivre la veine pour ne pas tomber dans le dévent de Santo Antão semble fonctionner. Le dévent d'un île peut se faire sentir jusqu'à environ cent fois sa hauteur. Santo Antão a des sommets frisant les deux mille mètres d'altitude. Leur "ombre de vent" s'étend donc jusqu'à près de deux cents kilomètres en travers de la route directe. Nous commençons nos quarts à la nuit, après un rapide repas sur le pouce.

Chacun à notre tour, nous nous émerveillons du ciel à nouveau très étoilé, un croissant de Lune cendrée, Jupiter qui la suit à la verticale (nous sommes à 16° de latitude et l'écliptique sera à +20° à l'équinoxe prochaine), Orion ridiculement haut dans le ciel et la Grande Ourse qui vient gratouiller l'horizon nord.

Dans la nuit Liliane me réveille. "-On ne va pas dans la bonne direction". Effectivement, nous allons presque plein sud et le goto Martinique indique 99 jours ! La stratégie a partiellement échoué. Quand le vent contourne une île, il arrondit les angles, ce qui nous a finalement conduit dans le dévent qu'on cherchait à éviter. Heureusement nous n'intercepterons qu'un petit bout de la zone de calme. Il faut empanner pour repartir sur la bonne route. Avant de bondir sur le pont rentrer le tangon, je réfléchis plusieurs fois à l'ordre des opérations : allumer le projecteur de pont, enfiler le harnais (*), la frontale, enrouler le génois et son tangon, dégréer le tangon, continuer sous trinquette seule, ranger le tangon, son hale-bas et son hale-haut, empanner la trinquette pour nous mettre dans la bonne direction, enlever la bastaque bâbord, loffer un peu, hisser la GV avec Liliane, revenir sur la route en abattant, enrouler la trinquette, dérouler le génois, établir la bastaque tribord, régler aux petits oignons, retourner dormir. Quelques heures plus tard à l'allure du largue, nous sortons de la bulle de calme, nous marchons à un bon cinq nœuds, qui nous entraîne bien vers l'Ouest.

(*) j'ai constaté qu'on a intérêt à enfiler le harnais forfaitairement, même si on pense au début qu'on n'aura pas besoin de sortir du cockpit. Souvent, il y a un imprévu, une manœuvre qui se coince et alors l'esprit a tendance à bondir, au sens littéral, sur le problème et renacle à "perdre du temps" à enfiler le harnais, ce qui constitue un risque.

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13 mars 2024 - J1

Au lever du jour, on devine que le soleil restera un peu voilé dans la journée. Vite ! contrôle des batteries : 72 et 69%. Ça va, mais il ne faut pas laisser la charge se dégrader. Je profite que Liliane s'éveille pour mettre l'hydrogénérateur dans l'eau. Ensemble, nous partageons un petit déjeuner de pain grillé beurré. Rien à voir avec la Madeleine de Proust, mais l'odeur d'un pain grillé en pleine mer est exacerbée par le fait que notre odorat a été exempt d'odeurs depuis notre départ. Il est donc particulièrement sensible à toute effluve, impression déjà ressentie après une semaine de randonnée en montagne.

13 mars - 07h02
Sargasse, il paraît que ça se cuisine

Hier je me suis râpé le coude et la peau a suinté du sang dans la nuit sur le coussin de la couchette du carré où je dors quand je suis hors-quart. C'est glauque. Notre infirmière du bord me panse professionnellement. En revanche Liliane grommelle un peu.

Ensuite, je largue le ris restant de la grand-voile. Un exemple typique d'écart entre la simulation et la réalité. Cette nuit, nous avancions déjà un peu trop lentement, mais j'ai préféré reporter une manœuvre, alors le petit bateau bleu sur l'écran a pris de l'avance, lui qui n'a aucune peine à fonctionner toujours au top des performances du bateau.

La journée se passe. Il peut paraître incroyable que nous ne nous ennuyons pas. J'avais eu cette discussion avec mon copain de lycée Christian il y a plus de quarante ans. Il tenait pour sûr que la voile est une activité où il n'y a rien à faire et où il faut apporter beaucoup de livres à lire. Bof ! lire ou écouter des podcasts, un peu. Mais on passe beaucoup de temps à dormir, manœuvrer, veiller l'horizon et la route du bateau, gérer la consommation d'électricité et plus tard celle de l'eau.

Egalement mener à bien notre session Iridium quotidienne qui peut prendre une heure : rédiger un mail significatif pour nos veilleurs à terre, charger les fichiers GRIB de vent, examiner de manière critique ce futur qui vient de tomber sur l'écran. Dès que l'on est sous ce régime de données très limitées (on n'a pas Starlink), en plein océan, il est possible de charger les prévisions vraiment valides pour les quatre prochains jours. Au-delà, leur espérance d'exactitude décroit fortement, mais pour que le logiciel puisse exécuter une simulation jusqu'à la fin de la traversée, il lui faut des données pour tous les jours.

Nous avons choisi IridiumGO, et nous sommes satisfaits de ce choix. Sur les pontons, beaucoup de navigateurs ne jurent que par Starlink. A notre départ en 2022, Starlink n'était pas encore opérationnel et la question ne se posait pas. Mais s'il faut refaire ce choix pour la suite, je pense que Iridium reste un choix valide. En cas de départ en canot de survie, on peut l'embarquer. Et surtout sa consommation électrique est minime. On a vite vu en traversée que produire de l'électricité en quantité suffisante est tout sauf facile. Donc nourrir un boîtier Starling qui va encore consommer 40 Watt par ciel clair me paraît discutable. Il y a une question d'usage aussi. On entend des navigateurs contents de se connecter aux réseaux sociaux et regarder des vidéos en mer. Bof ! je suis sûr que si j'avais Starlink je serai irrésistiblement attiré vers ces sources de consommation de notre vie. Je suis bien content que le faible débit de Iridium nous invite à une certaine sobriété dans nos échanges. Cela laisse du temps pour regarder les étoiles, ce qui était pour moi le grand manque de la vie adulte, citadine et professionnelle.

🛠 Pour les fichiers GRIB, la différence avec les traversées précédentes est que je ne peux plus demander de couvrir tous le trajet avec tous les détails pour les quinze prochains jours. Cela ferait un gros fichier et Iridium a un si petit débit (2400 bit/s soit environ 300 octets par seconde) que la durée du chargement provoquerait systématiquement un échec. Je réduis donc la demande à une seul modèle (GFS), la maille des points à 1° en latitude et longitude, et l'intervalle de temps à un point tous les 6 heures. Le fichier devient d'une taille raisonnable, soit 353kO (kilo-Octets), ce qui peut paraître dérisoire quand on est habitué à la fibre optique, et la session aboutit.

Je profite d'avoir sorti l'Iridium GO pour charger la situation globale de l'Atlantique nord à l'aide de Sailgrib sur le Chromebook. C'est beau et délicieusement désuet une carte météo. C'est statique et truffé de symboles ésotériques, dont certains m'échappent encore ! L'intérêt de cette carte est de voir éventuellement venir de loin une grosse dépression ou, horresco referrens, un cyclone, quoique très peu probable en cette saison.

Lune et Jupiter - 13 mars 2024 - 20h33 UTC

Ce midi, Liliane sort un délicieux poulet-courgettes-citron assorti d'un boulgour bienvenu préparé lundi avant le départ, le tout agrémenté de radis du Cap Vert. Cinq étoiles.

Nous passons encore beaucoup de temps à dormir. La fatigue nous envahit facilement, effet de l'âge et des mouvements du bateau, quoique l'océan soit clément à notre égard en ce début de longue traversée. Nous avions choisi ce créneau météo aussi pour cette raison. La houle ne dépasse pas un mètre cinquante, ce qui permet de vaquer à la plupart des activités en faisant simplement attention.

A 17 heures, les batteries sont remontées à 100%. Nous pouvons donc conserver la procédure réfléchie de longue date avec Liliane : rien dans l'eau la nuit, et charge le jour.

Au repas du soir, le journal de bord indique : pommes de terre à la vapeur avec du mojo rouge des Canaries.

Nous entamons un débat tactique. Nous avons emporté quatre petits fromages de chèvre du Cap Vert, scellés sous vide. Pour une hypothèse de seize jours de traversée, cela ferait un quart de fromage tous les jours. A deux ! Je sais bien que c'est encore Carême, mais non, décidément, ce serait trop frustrant pour moi. Je préfère adopter un demi-fromage à deux tous les deux jours.

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14 mars 2024 - J2

Les quarts de nuit se succèdent. A peine trois cargos croisés de loin dans l'immensité qui nous entoure. Nous avons vu certains navires avec les yeux avant que l'AIS ne les détecte, et d'autres pas. La nuit était fort sombre, les nuages masquant le peu de Lune de ce jour. Certes, son croissant a cru, mais il nous restera caché.

La fin de nuit a été bruyante. Du fait de la baisse du vent, le génois claquait en se dégonflant et se regonflant au rythme de la petite houle.

Après le petit déjeuner, je vérifie la charge des batteries : elles sont à 58% chacune. Le ciel est toujours plombé, on ne peut pas compter sur les photons solaires pour les recharger. Je descends l'hydrogénérateur à l'eau et (surprise ?) il fonctionne toujours parfaitement. Ce ressenti mêlé de doute, d'appréhension et de fierté est un peu le résultat de nos déboires antérieurs. A peine deux passages en Brake dans toute la journée. A l'arrière, sur le pont se trouve un petit calamar mort. Dommage pour lui. Un oiseau marin a manifestement apprécié de survoler notre bateau dans la nuit et de nous laisser quelques témoignages blanchâtres. La mer est pourtant grande ! Peut-être lorgnait-il sur le calamar ?

Bad luck...
14 mars 2024 - 08h18 UTC

"-Bon, on se traîne", déclare Liliane, qui ne veut plus que sept nœuds sinon rien. Hélas le vent est mollasson. Une tactique serait de faire un peu de nord au largue plutôt que de suivre la route orthodromique. Ça fonctionne pour les bateaux de course, qui ont des vitesses stupéfiantes à ces allures, ce qui compense largement le trajet supplémentaire en zigzag. Je fais un rapide calcul, je trouve une centaine de milles supplémentaires. Chargés comme nous sommes, je doute un peu que l'accroissement de la vitesse compenserait ce supplément. Ce qui est sûr c'est que cela va occasionner une surveillance bien plus stricte de la route et que c'est un peu démoralisant de pointer son bateau dans une autre direction que le but à atteindre. Le vent promet de remonter un peu dans l'après-midi. En fin de matinée, je me résous à tenter encore une nouvelle configuration. J'installe le Code D. Comme déjà expliqué, c'est une voile taillée à mi-chemin entre un génois et un spi. Il est fait de toile très légère (et fragile) et il est un peu plus creux qu'un génois. Sa plage de fonctionnement se situe entre 90 et 120° d'angle. Nous sommes plutôt à 150° et dans la deuxième partie de la transat, l'alizé sera plein vent arrière à la route. A ces allures de grand-largue ou de vent arrière, la grand-voile dévente les voiles d'avant. Donc soit on les enroule, soit on les tangonne, soit on tombe la GV (soit on laisse battre les voiles et on en achète des neuves à l'arrivée). Qui ne tente rien... Je tente donc le Code D avec grand-voile totalement abaissée. Ça prend une bonne heure parce que je vérifie tout trois fois dans ma tête. Je déroule le Code D, Liliane a réservé une place d'orchestre dans le cockpit. Surprise, tout fonctionne ! Il semble que le code D accepte de se remplir plutôt par la chute que par l'amure ; en tout cas, il reste gonflé, ne claque pas, et veut bien nous haler en route directe vers la Martinique à six nœuds et demi, voire sept et huit dans les surfs. Tout est bien silencieux. La question suivante sera : va-t-on oser le laisser à poste dans la nuit ? Pour le moment, nous n'avons pas vu de grains orageux.

La zone plombée du ciel a fui vers l'ouest, laissant un ciel clair parsemé de cumulus humilis. Le chaleur envahit l'intérieur du bateau, avant-goût des Caraïbes.

A midi, Liliane exhume la deuxième portion du repas préparé d'avance, de poulet et boulgour complété de tomates et jus de citron. C'est bien pratique d'avoir ces plats cuisinés déjà prêts, déjà conditionnés en boîtes hermétiques pour un repas à deux. La logistique, je vous dis ! Et pour la bonne gestion des provisions, ainsi que la surveillance de notre équilibre alimentaire, Liliane tient à jour par écrit un tableau des menus.

Logistique et nutrition

Le soleil invite à une douche dans le cockpit. Y aller avec le minimum, parce que tout peut s'envoler. Une serviette nouée à la barre, le savon posé derrière le rail d'écoute, le harnais croché dans la filière arrière. La douche Decathlon reprend du service. Deux litres d'eau douce pour une micro-douche, un intense bonheur !

Le repas du soir est digne des mets des Dieux : des pâtes au fromage et à l'huile d'olive. Presque, parce que les Dieux de l'Olympe mangeaient très probablement des pâtes au blé dur et pas des pâtes "3 minutes". Nous avons prévu plusieurs paquets de ces pâtes rapides dans un but d'économie de gaz butane. Mais franchement, le résultat gâche un peu l'excellent Cheddar que nous avons ajouté dessus. Nous prenons une décision de niveau stratégique : dorénavant nous n'aurons plus de pâtes "3 minutes" et tant pis pour le gaz.

14 mars 2024 - 20h31 UTC

Nous sommes à deux doigts de prendre notre régime de nuit. Liliane de quart et moi au repos en début de nuit. Le bateau fait une embardée, parmi des dizaines déjà vécues à cause de la houle. Liliane me dit qu'il y a quelque chose de bizarre, le bateau avance moins vite. Je bougonne, tergiverse. Prêt à aller me coucher, je n'ai pas très envie d'aller voir. J'y vais : chaussures, gilet, harnais, projecteur de pont, frontale, gants. Flûte ! le code D est complètement à contre à moitié entre le génois et la trinquette et l'autre moitié entre la trinquette et le mât. Travers au vent, suite à un empannage intempestif, probablement dû à l'embardée citée. Je regarde la barre. Le pilote donne une commande à lofer. Incompréhensible. Qu'est-ce que Garmin a bien pu coder là-dedans ? Remarque, c'est bien stable comme ça : le spi veut nous faire abattre, le pilote veut nous faire lofer. Je reprends en manuel. Une courte réflexion : je ne peux pas tenter d'enrouler le code D qui frotte sur tous les étais d'avant, je risque de le déchirer ; je peux tenter de faire passer tout le code D entièrement sous le vent, mais ça va aussi frotter et il risque de faire des cocottes, ce qui compliquerait encore le problème. Bon, il reste la solution de refaire un empannage. Un coup d'œil à l'anémo, le vent apparent est un gentil quinze nœuds, on ne devrait rien casser. J'y vais lentement et hop ! le code D se regonfle du bon côté avec un claquement horrible à entendre. Je ne connais pas un propriétaire de bateau qui n'ait pas des serrements aux tripes en entendant claquer ses "chères" voiles.

C'est provisoirement réglé, mais la météo prévoit quelques rafales cette nuit. Le vent réel est monté à vingt nœuds. Rien de bien extraordinaire, mais c'est peut-être ambitieux de laisser le code D dehors avec notre niveau de navigateurs amateurs. Il a bien marché toute la journée, mais je préfère ne pas risquer un deuxième empannage intempestif. Le premier avertissement était gratuit. Je ressors le génois et finalement on avance bien et en silence comme ça. Une heure a passé. Allez, dodo ! Liliane continue son quart.

Aucun navire croisé dans la nuit. Des trouées entre les nuages me font découvrir sur l'horizon sud de magnifiques constellations que je ne connais pas. Il faudra prévoir une autre vie pour étudier tout ça. Les nuages sont noirs. Je commence à surveiller l'arrivée éventuelle des grains tropicaux. Normalement ce n'est pas encore la zone où ils apparaissent, les fichiers GRIB téléchargés hier comportent l'indice CAPE (Convective Available Potential Energy) qui évalue l'instabilité de l'atmosphère et aussi le niveau de précipitations, tous deux nuls à notre position. Ces nuages noirs sont probablement les mêmes cumulus que ceux du jour, mais je ne peux m'empêcher de leur trouver un air inquiétant. Difficile de rester rationnel la nuit, avec ces foutus cerveaux.

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15 mars 2024 - J3

Liliane a eu du mal à dormir. Quelques trains de houle venus du nord faisaient rouler le bateau, qui n'avançait pas très vite.

Au petit déjeuner, le pain grillé sent toujours aussi bon mais, déjà un peu rassis, il n'a pas le bon goût du pain de nos boulangeries françaises, qui même rassis continue de me délecter. Il doit manquer tout simplement un levain pour l'obtenir. J'avais prévu de faire notre pain et m'étais même entraîné pour ça, un coup au four, un coup à la cocotte. Mais bon, pas le temps, un peu de flemme...

15 mars 2024 - 08h50 UTC
What else ?

En faisant un petit tour dans le cockpit, je vois un poisson volant et des écailles un peu autour. Il a dû se débattre pour retourner à l'eau. Je le remets à l'eau. Sur le pont à l'avant il y a aussi des traces de matières organiques, qui ne ressemblent pas à des déjections. La mer est décidément pleine de cochonneries (du calme, les amis écolos, c'est une blague !).

L'état des batteries est maintenant une satisfaction quotidienne. Ce matin 60%. L'indispensable hydrogénérateur reprend le service. Il donne peu à la vitesse actuelle.

Je m'empresse de chercher une solution pour augmenter la vitesse. Je tente de dérouler le Code D. Hélas ! à cette allure à 170° du vent, il refuse de rester gonflé et il claque. C'est vraiment très en dehors de sa plage de fonctionnement. Je pourrais tenter de faire tenir son point d'écoute en bout de la bôme mais je me demande si les renforts de ce point sont vraiment dimensionnés pour ce fonctionnement où le vent passe "à l'envers" et les efforts aussi donc. Je tiens à le préserver, je l'enroule prestement, façon de parler. Du coup il reste la solution de jumeler les voiles d'avant, comme le jour du départ, génois tangonné au vent et trinquette sous le vent. Ça marche du premier coup, je ne vais pas tarder à donner des conseils d'expert aux autres, surtout depuis que je connais la définition de l'expert donnée par la bande dessinée humoristique de Dilbert : "un expert est quelqu'un à qui on confie une tâche d'expertise. Aucune autre qualification n'est requise." Nous avançons de nouveau à un honnête six nœuds.

Je me prépare tranquillement un café, pendant que Liliane est dans la soute bâbord, qu'elle nomme le "cabouin". Soudain, elle pousse un cri ! Je frémis, j'accours. Un court instant, j'imagine déjà une grosse voie d'eau dans la coque, un membre fracturé, que sais-je ? Il s'agit d'un citron, le troisième à présenter des traces vertes de moisissures. Surtout, le gredin a contaminé la carotte, sa voisine. Il est évidemment important d'inventorier quotidiennement notre stock de vivres frais pour les faire durer au maximum. Liliane s'y colle et trie inlassablement les priorités du jour. Elle revient donc avec le citron coupable, me montre la "chevelure de la carotte", nom poétique qui n'est pas celui d'une constellation du sud, mais bien le signe d'un pourrissement avancé. On imagine à quel point nos ancêtres navigateurs au long cours du XVème au XIXème siècle devaient peiner à garder de quoi subsister, avant l'invention de l'apertisation.

Bureau du Commissariat du bord
Liliane en son fruitarium

A propos de conservation des aliments, Liliane a tenté de faire du choux fermenté à Lanzarote, suite aux conseils donnés par Anne du Voilier Orion. Le résultat a été convaincant. En ouvrant le bocal, une bonne odeur évoquant la choucroute se dégageait. J'en ai goûté plusieurs fois et c'est donc un succès malgré l'utilisation de bocaux de récupération un peu inadaptés. Néanmoins pour cette longue traversée, nous avons préféré nous abstenir. Le risque de subir une forme d'empoisonnement en pleine mer nous paraît démesuré par rapport au bénéfice du légume fermenté. Quelques boîtes de conserve feront affaire, malgré la différence certaine de goût. Cette réflexion nous amène à nous intéresser à l'apertisation, qu'on pourrait réaliser dans la cocotte-minute. Nous convenons de creuser le sujet à la prochaine escale.

Memo à nous-mêmes : penser à contempler la mer, magnifique et lumineuse.

La session Iridium de ce jour confirme que nous allons rencontrer des bulles de petit temps. Juste après avoir chargé les fichiers de vent pour le reste de la traversée, j'effectue un nouveau routage sur W4D. Il confirme la proposition de descendre un peu au sud de la route directe puis remonter un peu nord. On va suivre ces indications pour l'instant, on verra si cela se confirme dans les prochains jours. L'indice CAPE est pour le moment à 6J/kg, c'est très peu et il n'y a donc pas de risque orageux. J'ai également chargé la situation Atlantique Nord des prochaines quarante-huit heures avec Sailgrib. J'adore cette carte, d'autant plus qu'elle confirme la stabilité du beau temps. Nous sommes planqués derrière l'anticyclone des Açores, qui est descendu bien bas, sous la latitude des Canaries. Les grosses dépressions sont loin au nord. Il ne fait pas bon se trouver en Ecosse. Je note qu'une seconde dépression va bientôt affecter les Açores, en pensant à ces belles îles que nous avons parcourues l'an dernier. De gigantesques ordinateurs, parmi les plus gros du monde, ont calculé tout ça pour nous. Merci aux météorologues.

Dans la journée la température monte considérablement dans le bateau. Le thermomètre nous dit 30°C. Avec réticence, nous décidons d'ouvrir un des petits panneaux de roof pour faire circuler l'air. Depuis notre départ de Roscoff, nous avons laissé tous les panneaux de pont et de cabines fermés en navigation, de peur légitime qu'une vague inattendue passe par-dessus le roof et remplisse le carré de quelques centaines de litres d'eau salée. Ce genre de craintes a déjà été avéré par les mésaventures d'autres équipages, trop confiants dans l'apparence de la mer tranquille. Nous mettons en place le pare-soleil micro-perforé du côté des panneaux bâbords, inondé de soleil toute la journée.

En milieu de journée, Liliane émet un jugement de fin du monde : "-J'ai trop cuit d'oeufs !". Moi, je trouve que ça passe très bien dans à peu près tous les plats les œufs durs. Mais Liliane redoute qu'il n'en reste pas assez pour en faire des préparations plus variées.

La vitesse du bateau faiblit encore. Quitte à ne plus rien charger en dessous de 4 nœuds, nous relevons l'hydrogénérateur et mettons en place le régulateur d'allure, que j'ai déjà abondamment vanté et expliqué. Cette fois-ci l'allure du quasi vent arrière est un nouveau défi. Ces engins ont la réputation de ne pas bien fonctionner aux allures très portantes, car la vitesse apparente du vent est faible (la vitesse du bateau se soustrait à celle du vent réel). Cela doit être un dicton hérité de l'ancien temps où les régulateurs manquaient peut-être de sensibilité. La précision des pièces mécaniques et l'aboutissement des quelques designs qui ont survécu font mentir l'adage. Notre Cap Horn québécois s'en sort très bien. Un peu plus zigzaguant que le pilote électrique, mais suffisamment stable pour que nous puissions vaquer à nos occupations après une courte période d'observation. Il est vrai qu'il est aidé par la configuration des deux voiles d'avant, intrinsèquement stable. L'avantage de traverser un océan est qu'on ne se sent pas très contraint par les bords, ni par les autres conducteurs.

Réglage des bosses du régulateur d'allure
Du matin...
...au soir !

Aucun navire croisé. Quelques rares oiseaux marins au loin. Enfin du temps libre. Pas d'accès Internet (Iridium permet seulement des échanges de SMS et mails). Je reprends avec plaisir la lecture d'un R-L. Stevenson et du mode d'emploi de la nouvelle VHF portable. Liliane bouquine et joue à un jeu de mot à deviner sur son téléphone. Hors connexion, elle n'a même plus de publicités.

Après le coucher du soleil, le crépuscule nous émerveille d'un fond de ciel rouge sombre parsemé de petits nuages noirs au dessus de l'horizon. Une image de transat typique de celle que j'appelais de mes vœux dans mes rêveries de la ligne 13 du métro, lorsqu'il sortait du tunnel pour passer au-dessus de la Seine et que le jour se levait. La fantaisie presque grotesque de la Lune à la verticale continue de charmer ; elle a maintenant largement semé Jupiter ; notre feu de route oscille dans Orion, vaine tentative d'y adhérer (raté, c'est trop loin).

Le repas du soir est fait de noodles instantanés. Un régal ! Ce n'est pas une plaisanterie.

Le quart de Liliane va commencer. Après discussion, nous laissons le régulateur d'allure barrer pour la nuit, en laissant le pilote électrique sous tension, mais débrayé, ce qui diminue sa consommation. Liliane et moi avons franchi un grand pas dans la sérénité en prenant confiance dans le régulateur. Il faudra penser à lui donner un nom, maintenant que nous le connaissons.

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16 mars 2024 - J4

Aucun navire croisé dans la nuit.

Le vent était terriblement faible toute la fin de nuit, conformément aux prévisions. Le régulateur d'allure avait du mal à conserver la route (moins de force sur la pale hydraulique, donc moins d'amplification, c'est-à-dire moins de gain dans l'asservissement). Il a conservé globalement l'allure de consigne, mais en faisant des zigzags. Le terme zigzag est d'ailleurs inapproprié avec tous ces Z pointus. Il faudrait nommer cela des "SigSags". Sur la trace, c'est ondulé, ce serait même plaisant si cela ne mettait à chaque fois quelques à-coups dans les voiles. On a déjà souligné le mérite de sobriété du régulateur, c'est parfait. Il a fait le boulot demandé toute la nuit sans empanner, sans se plaindre, sans faillir. On peut dire qu'il est validé (au sens de la norme ISO/IEC 15288, je sais, on s'en fiche un peu).

Dès le lever du jour, je remets le pilote électrique pour optimiser la trajectoire qui doit maintenant pointer vers l'ouest. Le chargement des fichiers GRIB du jour confirme que le vent devrait progressivement remonter. L'hydrogénérateur retourne à l'eau dès que tout l'équipage est debout, au petit déjeuner. La routine, quoi !

16 mars 2024 - 07h52 UTC

J'observe le courant de charge et je le trouve bizarrement faible, seulement 2A alors que nous sommes à plus de 5 nœuds. Le constructeur aurait-il menti ? Il me faut un moment pour comprendre que la vitesse affichée par le GPS n'est pas celle que voit l'hydrogénérateur dans l'eau. J'ai un repère pour cela : quand Liliane dit "on se traîne", c'est moins de quatre nœuds. Il y avait donc dissonance cognitive jusqu'à ce que je voie que la vitesse donnée par le speedo, celle du bateau par rapport à l'eau était effectivement trois nœuds et demi. J'observe un moment et l'écart entre vitesse GPS et vitesse sur l'eau persiste. Il y a donc du courant. Nous avons touché un nœud de courant portant vers l'ouest. Gratuit, cadeau de l'Atlantique.

Dans l'équipage, les avis sont partagés sur l'intérêt d'arriver au plus vite au but. Je trouve une grande sérénité à nous laisser glisser au milieu de ce rien, fût-ce à trois nœuds.

Dans la journée, le vent adonne et nous remettons la grand-voile. Nous avons passé la journée entière d'hier et la nuit dans la même configuration de voiles jumelles. C'est une différence majeure avec les croisières antérieures : la durée. A l'occasion de ce changement, je m'aperçois que l'écoute de génois a ragué sur la filière métallique et simultanément que la contre-écoute, trop tendue, a ragué contre la cadène de trinquette sur le pont. Les deux points de frottement, assortis du léger balancement permanent des écoutes, ont usé pendant des heures les deux mêmes points. Les deux gaines sont rongées, on voit l'âme. Ces écoutes ont l'âge du bateau et sont raides de sel et de soleil. J'avais envie de les changer depuis longtemps, mais nous faisions quelques économies tant que ce n'était pas indispensable. Ce n'est donc pas un grave problème, ça tiendra jusqu'à l'arrivée. Il suffit de régler le chariot d'écoute pour que l'écoute passe un petit peu plus en avant ou en arrière pour éliminer ces points de frottement. J'avais l'esprit obnubilé par les efforts du tangon ; cela m'apprendra à ne plus quitter le pont sans avoir bien examiné comment travaillent toutes les manœuvres. La deuxième leçon, c'est qu'il vaut mieux se contenter d'écoutes en polyester, parce que des écoutes de luxe en Dyneema auraient subi la même dégradation.

La satisfaction du jour : la fatigue regresse, effet habituel de l'adaptation de l'organisme. On peut vaquer à des loisirs. Et aussi veiller à soi-même : boire (de l'eau) avant d'avoir soif, manger avant d'avoir faim, dormir jusqu'à plus soif (!).

Après tout le temps passé sur les problèmes mécaniques et électriques, je m'attelle à la mise au carré de la configuration informatique.

J'ai déjà relaté mon désagrément du fait que la combinatoire matériels vs. operating systems vs. applications de navigation vs. cartographie soit un épouvantable casse-tête qui nécessite soit beaucoup de budget pour du matériel de course au large, soit plusieurs configurations difficilement compatibles entre elles. J'ai fini par adopter la combinaison iPad/Chromebook/téléphone x W4D/Sailgrib x Geogarage/Navionics. Pour avoir discuté sur les pontons avec d'autres navigateurs, dont certains bien plus expérimentés que nous, ils se débattent tous plus ou moins dans ce genre de réflexions.

🛠Une version nominale de cartographie fonctionne : c'est l'iPad avec d'une part l'application Navionics et sa cartographie et d'autre part l'application W4D et ses cartographies SHOM, UKHO, ENC Spain, achetées chez Geogarage. Maintenant je vérifie les systèmes redondants : j'avais prévu en secours : mon téléphone portable et un ordinateur Chromebook, dont les thuriféraires clamaient que ChromeOS étant un dérivé d'Android, toutes les applications Android peuvent donc fonctionner sur le Chromebook. En 2022, j'avais installé tout ça, chargé les cartographies (Geogarage et Navionics aussi) et fait de rapides essais. Un peu trop rapides, pas assez exhaustifs. En fait, ChromeOS n'est ni fait, ni à faire. Notamment au niveau API des couches réseau, il transmet parfois les paquets IP aux applis et parfois pas du tout. On ne sait pas pourquoi, je lance les applis de cartographie et même OpenCPN, sur lequel je n'ai pas prévu d'acheter des cartes. Toutes ces applis sont en attente des infos GPS. D'abord via le flux Wifi/UDP. Il est bien émis en Wifi puisque l'iPad le reçoit. Je l'ai paramétré à l'identique dans les trois applis et aucune ne le reçoit durablement. Ça peut fonctionner une minute ou une heure. Pas du tout opérationnel pour naviguer en tout cas, ça ressemble à Windows, l'OS fait autre chose qui lui paraît plus important, puis d'un coup se souvient qu'il doit aussi s'occuper des applis de l'utilisateur. J'ai aussi essayé le flux en Bluetooth, issu d'un GNS2000 indépendant, ça ne marche pas. Chrome OS me demande d'activer en mode Installateur un module qui justement ne se trouve pas dans la liste (NOM ?). Tout ce travail prend plusieurs heures. Finalement, je note que j'ai deux configurations parfaitement fonctionnelles : l'iPad et le téléphone portable. Ça sent le chemin du retour à Paris pour le Chromebook.

Le vent revient, comme prévu, après que nous sommes descendus un peu au sud de la route directe. Dans la configuration voiles jumelles, je ne peux pas trop lofer pour revenir plein ouest, le génois prend à contre et claque horriblement. Une manœuvre un peu longue, mais sereine : revenir en mode Cap sur le pilote, enrouler le génois, dégréer et ranger le tangon, ranger au fur et à mesure hale-haut et hale-bas, dégréer la bastaque sous le vent, libérer tous les ris de la GV, border la trinquette, lofer au près bon plein (en plein Atlantique, on a de la place, un peu comme dans un immense parking de supermarché complètement vide, c'est marrant de passer en diagonale), hisser la grand-voile avec Liliane, étarquer, vérifier que les ris sont "mous", abattre sur la route, déplacer la retenue de bôme au tiers arrière (selon commentaires de notre ami Alain, plein de bon sens), rentrer la trinquette, ressortir le génois sous le vent, ranger écoutes et drisse dans le cockpit. Aller faire un café. Vérifier après quelques minutes. Fin de la manœuvre.

Une grande jubilation de voir Tusitala glisser le reste de la journée dans la petite et la grande houle. La grande a une période de douze ou quinze secondes, majestueuse et puissante. On aimerait lui demander d'où elle vient et qu'elle nous raconte son long parcours.

Le repas du midi est le résultat de la cueillette du jour dans la soute. Tout ce qui mûrit est impitoyablement mangé, donnant lieu à de variables et délicieux mélanges. Ce déjeuner, c'est tomate, kiwi, oignon, ciboulette, œuf dur et reste de pâtes 3 minutes.

16 mars 2024 - 21h55 UTC

Aujourd'hui est une marque spéciale : nous avons dépassé le premier quart de la route jusqu'à notre but. Pas de champagne, mais une satisfaction certaine pour ce partiel réussi avant l'examen final.

Pour économiser l'usure de la drisse, nous rentrons le Code D dans son sac. C'est du boulot. Sur le pont à l'avant, je me délecte des grandes moustaches d'écume de l'étrave. Et en préparation de la nuit, la trinquette remplace le génois un peu trop puissant. On a vingt-et-un nœuds de vent, c'est juste parfait pour déguster des panais et des carottes à l'eau.

Le vent monte plus que prévu. Pas besoin de lire l'anémomètre pour savoir que la bateau est encore un peu surtoilé, selon nos critères de confort. Le bateau se satisferait de continuer comme ça, mais pour notre sommeil, nous décidons d'assagir la bête en prenant un ris pour la nuit.

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17 mars 2024 - J5

La nuit a été agitée avec pour résultat quelques plis sous les yeux. C'est assez déterministe : vindt-cinq nœuds de vent donnent un clapot désagréable, en plus de la houle. L'alizé est encore puissant malgré la saison qui avance. Pas autant qu'en décembre ou janvier cependant, où certains équipages et bateaux ont souffert de casses les années précédentes. Personne ne se plaint, hein ! Nous avons le privilège d'avoir choisi d'être ici.

17 mars 2024 - 08h45 UTC

🛠Je ne me satisfais pas du fonctionnement de l'hydrogénérateur. Certes il charge, mais il lui arrive encore de passer en Brake. Je ne comprends pas. J'investigue au fond du cabouin avec mon multimètre. Comme les paramètres de tension et courant n'arrêtent pas de varier, je filme avec mon téléphone pour réexaminer tout ça au calme et faire un rapport clair au fabricant. L'afficheur du convertisseur s'éteint au bout de quinze secondes et il faut appuyer sur un bouton pour le rallumer. Il me manque une ou deux mains pour tenir tout ça.

Aujourd'hui je tente le téléchargement d'un nouveau modèle de vagues. Quand on est à proximité des réseaux mobiles, Windy donne toutes les infos. Ici en mer je recherche parmi la grande quantité de modèles disponibles que je ne connais pas tous, un modèle pas trop lourd à charger par le lien très bas débit de Iridium. Je choisis le doux nommé MFWAM Global. Ça fonctionne, c'est même joli sur la carte (screenshot) sinon réjouissant. Il confirme ce que dont nous sommes déjà les témoins, trois mètres de creux, rien de bien problématique du point de vue navigation, sinon pour notre confort. A nos âges, les cervicales n'aiment pas être chafustées en permanence. Quand on veut dormir, il faut caler la tête avec un oreiller pour éviter qu'elle oscille pendant le sommeil. Le modèle annonce aussi que nous allons conserver cette mer pendant au moins trois jours encore.

Le paysage sous-marin est marrant. Nous passons à moins de cinquante kilomètres du Rocket Seamount, un gigantesque sommet à 112 mètres sous la surface, qui domine de plus de quatre mille mètres la plaine océanique avoisinante.

Vers vingt-et-une heure, nous avons fait un tiers du trajet.

En cuisine
17 mars 2024 - 20h47 UTC
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18 mars 2024 - J6

Pendant mon quart de nuit, comme certaines vagues envoient de l'eau bouillonnante sur l'arrière du cockpit, j'ajoute le plexi bas de la descente, des fois qu'une d'elles viendrait s'inviter plus avant.

Quelques heures plus tard, entre deux tours d'horizon, je suis allongé sur ma bannette, à regarder les étoiles à travers le grand plexi avant. Le cerveau prend l'habitude des bruits et des mouvements erratiques mais pas complètement aléatoires du bateau. Lorsque j'entends la trinquette qui fasseille plus longuement que d'habitude, je sens que quelque chose ne va pas. Le temps d'arriver à la descente, le bateau gite du "mauvais côté". Cela a aussi réveillé Liliane, qui m'interroge. "-On a fait un empannage." En douceur, grâce à la retenue de bôme que je venais précisément hier de regréer comme me l'a suggéré mon ami Alain dans un commentaire de notre blog. Il a raison, c'est bien plus pratique d'y avoir accès à partir du cockpit que de devoir aller sur les passavants. Le bateau est en quelques sortes à la cape bâbord amures. La trinquette à contre veut le faire abattre, la GV à contre veut le faire lofer, ainsi que le pilote qui a mis la barre en butée. Bon, il n'y a pas péril, on prend le temps de bien réfléchir à la manœuvre. Mettre le gilet dans "l'obscure clarté qui tombe des étoiles" (*). CLAC ! PCHHHHH ! Flûte ! la tirette de secours s'est coincée dans le petit caillebotis et le gilet commence à se gonfler. Je l'enfile quand même, un peu engoncé. Ensuite, tout devient clair. Reprendre la barre à la main et réactiver le pilote dans la direction que la bateau a envie de prendre. Reprendre la trinquette du bon côté, le bateau recommence à avancer. Le vent est à vingt-quatre nœuds, la trinquette nous tire à cinq nœuds. Le cerveau : "-Pourquoi t'embêtes-tu avec plusieurs voiles ?" Ensuite, doucement, tout doucement, larguer la retenue de bôme pour que la GV passe aussi du bon côté. Très bien, on avance vite. Restons calme. Loffer, border la trinquette, lofer encore. C'est prêt pour un virement. Ne plus toucher à la GV. Reprendre la barre à la main. Dans ma tête : "-Paré à virer ? ... -Paré !" comme à l'école. J'envoie le virement, ça se passe plutôt bien. Récupérer la trinquette du bon côté. Abattre, abattre, tout doucement jusqu'à l'allure prévue initialement. Remettre le pilote en mode Vent. Choquer la GV et reprendre la tension de la retenue de bôme. Régler aussi la trinquette. Ranger le capharnaüm de ficelles dans le cockpit. Vérifier avec les yeux et le cerveau que tout est en ordre. Et chercher à comprendre ce qui est arrivé. Franchement, difficile à dire. Le vent a-t-il molli et changé de direction soudainement ? Une vague a-t-elle soulevé la hanche bâbord du bateau et l'a fait pivoter ? Habituellement les vagues arrivaient de tribord. Elles soulèvent effectivement la hanche tribord, ce qui peut provoquer une auloffée que le pilote va récupérer plus ou moins rapidement, mais sans autre conséquence qu'une embardée. Je n'aurai pas la réponse. Pour le reste de la nuit, je prends un peu plus de marge par rapport au vent arrière, mais nous n'allons plus tout à fait dans la direction optimale.

(*) je ne me souvenais plus, mais c'est de Corneille.

Lune couchée, Le ciel est limpide et sombre. Je prends le temps de regarder. Parmi les constellations inconnues (de moi), je crois discerner deux taches pâteuses. Effet de mon imagination ou bien sont-ce les fameux Nuages de Magellan ? Je vais tenter d'élucider ça pour demain. En tout cas, c'est beau et émouvant comme la première fois que j'ai vu la Tour Eiffel en venant passer mes concours à Paris. Je cherche infructueusement la Croix du Sud, elle n'est peut-être pas visible toute le nuit. A voir...

Le lever du jour nous gratifie de la belle Venus, qui précède le lever du Soleil. L'ambiance est plutôt sereine au lever du jour, la mer assagie et le vent revenu à dix-sept nœuds. L'espace d'un instant je serais tenté de larguer le ris de la GV pour aller plus vite. Paresse aidant, je le laisse en l'état.

18 mars 2024 - 08h12 UTC

Ensuite nous prenons ensemble le petit-déjeuner. Curieusement, les trains de houle augmentent en manière de salut matinal. Toujours est-il que je suis bien content de n'avoir rien changé aux voiles, l'arrivée de la chaleur du jour est effectivement suivie de rafales à trente nœuds, auxquelles Tusitala et son pilote font face sans faillir.

En sortant faire un tour d'horizon, je trouve un micro poisson volant au milieu du cockpit, devant la barre. La taille d'un ongle. Il a fallu qu'il fasse un sacré vol pour arriver là, ou peut-être qu'il se trouve sur la mauvaise vague au mauvais moment. Désolé pour lui.

Micro poisson volant

Dans les eaux du Cap Vert, il était arrivé que nous prenions occasionnellement un brin de sargasse dans le bout de retenue de l'hydrogénérateur. C'étaient les premiers indices de latitudes tropicales. Depuis notre départ, leur densité est en augmentation continuelle. D'abord quelques brins isolés flottant de part et d'autres de notre sillage ; puis une présence constante de quelques groupes de taches brunes quel que soit le moment et le côté ; et ces jours-ci de longues nappes filamenteuses, pas encore extrêmement denses mais très fréquentes, signes de la prolifération des ces algues (lien wiki). Initialement attribuées à une production excessive d'engrais dans les bassins des grands fleuves d'Amazonie, ce qui a maintenant été démenti, ces plantes dérivent dans les vents et courants et créent de véritables nuisance lorsqu'elle envahissent les abords des terres, en se décomposant en en émettant des gaz toxiques.

A la revue maraîchère du matin, Liliane constate avec plaisir que les tomates et les concombres du marché africain de Mindelo sont encore en très bon état de conservation.

Les nouveaux GRIB annoncent des perspectives mitigées : la mer va rester dans le même état au moins les trois prochains jours. Ensuite le vent va beaucoup baisser, la mer un peu et des précipitations arriver au fur et à mesure qu'on approche des Caraïbes.

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19 mars 2024 - J7

Le lever du jour est un moment d'émerveillement quasi-infantile. Venus nous salue de son œil rieur, le temps de se trouver éclipsée par la lumière du Soleil, exemple persistant et ignoré de domination patriarcale.

19 mars 2024 - 09h05 UTC
Vers l'arrière à l'est
Vers l'avant à l'ouest

Le routage confirme obstinément qu'il reste au moins neuf jours de route. Une zone de vents plus faibles va survenir et le routage nous propose une route pour optimiser son passage, au prix d'un allongement de la route. Cette deuxième partie du trajet sera également émaillée de pluies et d'instabilité de l'atmosphère, synonyme de grains. Malgré les ordinateurs extrêmement puissants des organismes météo, ils ne peuvent modéliser la totalité du globe avec une maille inférieure à un demi ou un quart de degré en latitude et en longitude. Les turbulences d'étendues modestes, telles que grains et orages, passent littéralement à travers la maille, sauf avec des modèles locaux tels que Arome, qui n'est pas disponible en plein océan. L'indice CAPE, qui représente la charge en énergie par kilogramme d'atmosphère, est donc un moyen de donner une probabilité qu'adviennent ces phénomènes turbulents.

Nous poursuivons notre navigation au portant en mettant toujours un peu de nord dans la route, à 140° du vent apparent. A cette allure, seule la grand-voile est vraiment propulsive, la voile d'avant étant assez largement masquée par la GV. D'ailleurs nous laissons la trinquette et même partiellement roulée pour limiter les claquements. Elle sert uniquement à équilibrer la voilure quand le bateau part au lof. La voile d'avant redevient alors active et aide le pilote à récupérer l'allure.

Calme, calme

Nous trouvons enfin des moments de "tranquillité éveillée". En effet les premiers jours des traversées sont en général éprouvants, et dégénèrent parfois en mal de mer. Même sans mal de mer, nos organismes accusent le coup et réclament beaucoup de sommeil. Chaque équipier profite donc de ses moments hors-quart pour foncer sur sa couchette et dormir, dormir. Ensuite le cerveau comprend que ça va durer et l'adaptation fait son chemin. Les gestes minimaux de déplacement, les déplacements volontairement lents dans le bateau, permettent de mieux profiter des moments hors-quart et de l'absence de réseaux sociaux : météo, lecture, podcast, rédaction anticipée du présent blog, contemplation de la mer et des étoiles, réflexion sur la suite du voyage et la période cyclonique à venir, lecture des guides des îles des petites Antilles, planification d'un aller-retour en France, un petit café, un banane, un verre de lait d'avoine, le travail ne manque pas. Boire est un acte volontaire obligatoire, n'attendant pas d'avoir soif, sous peine de déshydratation, dont l'un des premiers symptômes est le mal au crâne. Nous veillons à boire une bouteille d'eau minérale par jour à deux, en plus des autres liquides.

Nous surveillons aussi la consommation de l'eau du bord. A ce jour, cent-sept litres en sept jours. C'est conforme à nos prévisions, moyennant une attention permanente l'économie. On aura un peu de marge pour augmenter les douches à l'approche, quand la mer sera plus calme.

Au rang médical, nous surveillons aussi les fonctions de transit intestinal de l'équipage. Quoique trivial, ce sujet est un point de surveillance majeur. Une occlusion intestinale en mer serait une indication sérieuse et cause possible d'évacuation. Les choix alimentaires et l'hydratation sont évidemment des composantes essentielles du bon fonctionnement de cet organe. Tout va bien.

La récapitulation des anciens et nouveaux travaux du bateau est une tâche incessante et sublime, qui nous ferait tutoyer Sysiphe comme un pote de lycée. A part quelques petites infiltrations, nous échappons, touchons du bois, à la fatalité du une-tuile-par-jour. Ce sont donc essentiellement les anciens items de la todolist qu'il faut revisiter et prioriser par rapport à nos perspectives de l'arrivée au Marin, de l'envie de n'y point traîner et de la prochaine session de chantier au sec. Nous commençons à examiner les possibilités des chantiers du sud des Caraïbes, en dessous de la limite toute théorique des 12,5 degrés de latitude qui nous mettraient à l'abri des cyclones. On envisage Grenada ou Trinidad.

La récolte d'images devient assez monomaniaque. Difficile de transmettre le relief de la mer. Elle apparaît souvent plate, il manque la stéréo. On trouve donc au chapitre des photos, beaucoup de levers et couchers de soleil, et au chapitre des vidéos, beaucoup de sillages du bateau. Le tout agrémenté de quelques moments de vie à bord, essentiellement autour des repas pris ensemble.

Ce soir, saucisses lentilles. Les saucisses longue conservation sous vide viennent de Madère. C'est délicieux.

Le vent monte après le coucher du soleil. Je prends le premier ris, tout va bien.

19 mars 2024 - 21h54 UTC
19 mars 2024 - 21h55 UTC

Les ennuis volent en escadrille disait Chirac.

Premièrement, depuis quelques jours, la barre grince lors des grands débattements. Maintenant elle grince aussi dans les petits débattements. C'est difficile de savoir exactement d'où viennent les grincements. En furetant dans la soute, je pense détecter que cela vient du frottement d'une bague en nylon sur le haut du tube de jaumière. Je consulte Yann par Iridium et il me répond de ne surtout pas mettre d'huile ou de graisse, seulement du lubrifiant sec type téflon (idéalement Mc Lube de Harken). Il fait nuit, on verra demain.

Deuxièmement, à l'occasion d'un tour d'horizon, mon regard passe machinalement sur la GV. Gloups ! La deuxième latte n'est plus reliée au chariot du mât. Je distingue la tête de vis et même son contre-écrou. La houle est remontée, je ne me vois pas aller au pied du mât revisser la latte de nuit, ce qui demande un peu de précision. Je vais donc juste récupérer l'écrou de peur qu'il se dévisse lui aussi dans la nuit et qu'on le perde. Mais pas question non plus de laisser la latte flottante. Je prends donc un deuxième ris pour l'enfermer contre le bôme. Dans la nuit, le vent va redescendre et nous serons sous-toilé. Tant pis.

Troisièmement, avant les quarts de nuits, je prévois de remonter l'hydrogénérateur. Je note systématiquement la charge des batteries en début et fin de journée, et ce soir ce n'est pas bon du tout. D'habitude la charge remontait vers 70 ou 80% après la journée entière d'hydrogénération. Ce soir nous sommes seulement à 55%. Rien de grave, cela suffit pour la nuit, mais c'est une anomalie qu'il faut comprendre.

Je relève donc l'hydrogénérateur pour que Liliane puisse quand même trouver un meilleur silence dans la cabine arrière. Ensuite je passe plusieurs heures à examiner les enregistrements de charge. Il y a de nombreux arrêts "Brake" (frein). Encore. Il y a aussi les arrêts lorsque bateau avance trop vite (à plus de huit nœuds, il semble que l'hélice cavite et ne produise rien), et d'autres arrêts lorsque le bateau va trop lentement (en dessous de 4,5 nœuds, comme l'indique la notice). Ayant passé quelques heures aussi à faire des mesures dans la soute, il y a quelques jours, je soupçonne encore des chutes de tension indues dans le raccordement. Plus précisément dans le porte-fusibles avec des lamelles élastiques pour tenir le fusible en verre et des vis pour fixer les câbles. Je me note ce travail pour demain.

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20 mars 2024 - J8

Pendant cette nuit surviennent deux évènements symboliques.

D'abord nous avançons l'heure du bord, pour refléter notre longitude croissante. Après discussion avec Liliane, nous avons choisi de faire ce changement comme pour les transitions heure d'été/heure d'hiver : en pleine nuit, à deux heures du matin, il est une heure. Nous sommes maintenant calés sur UT-2 (fuseau Fernando de Noronha), ce qui sera plus en adéquation avec la lumière du jour. Cela affecte les montres de poignet, les appareils téléphoniques, les appareils photos et GoPro, les MacBooks perso. Par contre, les appareils de navigation restent calés sur l'heure UTC.

Ensuite, au petit matin nous dépassons la marque de mi-parcours. Comme pour tout projet, il faut des objectifs intermédiaires pour maintenir l'équipe motivée. A cet endroit, nous étions exactement au milieu des 2080 milles nautiques entre Mindelo et le point sud de la Martinique. Comme le Petit Prince, à "mille milles de toute terre habitée"(*). Aucun mouton n'est venu nous réveiller.

(*) : ce n'est pas tout à fait exact, la Guyanne et le Suriname sont à une distance un peu moindre, mais on ne va pas ergoter...

20 mars 2024 - 09h12 UTC

Dès le petit déjeuner pris, la trousse à outil est de sortie, les travaux commencent.

🛠 Le premier sujet à traiter est le fonctionnement encore douteux de l'hydrogénérateur. Dans la soute, je dévisse complètement puis je resserre fermement les vis des fils électriques sur le porte-fusible. Je ne vois pas de différence claire, mais ça ne fait pas de mal. Je passe un coup de bombe Contact sur les lamelles du porte-fusible. Ensuite l'hydrogénérateur à l'eau; oui, mais avec deux ris et le vent descendu à treize nœuds, on n'avance pas trop et il ne produit pas. Patientons, le vent va revenir. Après le temps passé à examiner les courbes de charge des batteries, je sais maintenant distinguer entre les anomalies vraies (passage en Brake) ; les arrêts pour cause de sur ou sous-vitesse ; les périodes de charge normale. Je me note comme travaux non-impératifs à l'escale de refaire ce câblage en fil plus gros et remplacer le fusible verre par un fusible à boulonner.

🛠Le second sujet est la réparation de la latte de GV. J'ai des doutes sur le fait d'arriver à insérer la vis dans la tête de latte, debout au pied du mât avec les mouvements du bateau. Peut-être va-t-on devoir affaler la grand-voile. Finalement je tente, bien harnaché au mât pour avoir les deux mains libres. Les éléments sont bienveillants, la latte veut bien venir s'aligner face à la vis, la mer ne monte pas sur ses grands chevaux à ce moment, je ne perds pas le contre-écrou, ni la clé plate de 17, et le tout finit par s'emboîter. Les autres lattes ont l'air de rester bien vissées, il faudra contrôler tout ça à l'arrivée. On peut donc hisser toute la toile, le bateau reprend de la vitesse et l'hydrogénérateur ronronne de plaisir.

🛠Le troisième sujet consiste à aller pulvériser du PTFE sur la bague nylon. Auparavant, il faut vider les bacs de fruits et légumes, les réordonner dans le carré. Je pulvérise. Gros doute sur le fait que le Teflon arrive à pénétrer l'interstice entre les deux pièces qui frottent. Pas de réduction sensible des grincements. Je pulvérise encore un peu et on laisse agir. C'est seulement en fin de journée que nous constaterons que les grincements ont disparu. Pas sûr que ce soit dû au Teflon. La mer a changé, l'allure du bateau aussi. La barre force moins. On verra.

La journée se passe. Nous profitons de notre temps libre pour envoyer quelques nouvelles par Iridium aux amis et aux parents. Normalement cet outil de communication très lent est dédié à la météo et aux vacations de sécurité.

Touche finale d'anchois

Au chargement des fichiers de vent du soir, je vois que les derniers jours de la route, à l'approche de la Martinique offriront peu de vent. Le routage propose de tirer de nombreux bords de grand largue avec des empannages successifs pour optimiser le trajet. Un peu comme Waze en voiture qui, pour gagner une minute, est capable de nous faire faire plusieurs kilomètres de routes vicinales. J'examine les champs de vent, je soupèse l'augmentation des manœuvres vs. le gain espéré de vitesse. J'en discute avec Liliane. On va plutôt tenter autre chose : remettre en place les voiles d'avant jumelles. D'abord, c'est une solution très populaire dans le milieu des plaisanciers de la transat, c'est joli, stable, silencieux. Pas très rapide, d'accord. Pour nous c'est un peu une découverte, puisque nous ne l'avons expérimentée que le premier jour en partant du Cap Vert.

Allez, on se lance. D'abord revenir au près sous trinquette pour abaisser toute le grand-voile, la ferler proprement, qu'elle ne risque pas de se gonfler accidentellement sous une rafale, ensuite revenir au portant, gréer le tangon au vent, prendre l'allure proche du vent arrière et déployer le génois ainsi tangonné. Manœuvre terminée, je range et j'observe comment ça bouge. Ça ne me plaît pas du tout. Je vois le tangon, tenu en son milieu par le hale-haut et le hale-bas, ployer à chaque fois que le génois lui inflige un coup de boutoir. Ça ne va pas tenir longtemps si une grosse rafale arrive. Alors je recommence, enrouler le génois, descendre le tangon et aller passer le hale-bas en bout de tangon. Les efforts sur l'espar seront uniquement en compression, pas en flexion. Je me rends à l'avant. Flûte ! les diamètres de l'écoute et du hale-bas sont trop gros pour entrer ensemble dans le piston de l'embout du tangon. Je reviens chercher une manille Dyneema. Je n'en ai plus d'avance. Heureusement je trouve une boucle inutilisée. Parfait, l'écoute frappée sur cette boucle en bout de tangon, je peux ressortir le génois. Beaucoup mieux ! on voit le tangon travailler en compression. Le point d'écoute est modérément fixe et le génois assez bien ouvert. Je pourrais étarquer encore pour le faire plus plat, mais je trouve déjà les tensions importantes. Laissons mûrir cette installation et voyons comment on tient l'allure.

Comme conséquence probable de mon intervention sur les cosses du fusible, l'hydrogénérateur a chargé toute la journée sans discontinuité. Pas toujours plein pot, à cause de notre vitesse faible, mais de manière fiable. Liliane a l'oreille particulièrement calibrée sur l'état de fonctionnement de l'appareil. Un bonheur quand tout fonctionne enfin.

Liliane l'a baptisé Leo L'Hydro, parce qu'il ronronne comme un gros matou qu'elle a eu jadis.

Cela nous rend plus détendus pour le reste de la nuit.

20 mars 2024 - 20h48 UTC
20 mars 2024 - 21h34 UTC
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21 mars 2024 - J9

Les quarts nous régalent de ciels fascinants. Je profite du temps éveillé pour ouvrir mon application Stellarium (version mobile Premium). Le Grand Nuage de Magellan serait à peine visible (au sens astronomique) très bas sur l'horizon sud, avant vingt-et-une heures. Alors c'est fichu, parce que tous les horizons sont frangés de petits nuages de beau temps. Impossible de voir les astres sur l'horizon. Les deux taches aperçues il y a deux jours ne sont pas les galaxies satellites de la nôtre dont j'espérais la vue.

Toute une nuit à nous dandiner gentiment. Moins de claquements, moins de grincements, moins de consommation du pilote. Et surtout l'esprit tranquille par rapport à l'absence de risque d'empannage. A peine quelquefois un train de houle traversière vient perturber cette douce glissade.

21 mars 2024 - 09h21 UTC

Le vent confirme sa baisse et la mer s'y applique aussi. Nous enlevons le panneau plexi bas de la descente, aucune vague ne menace et l'air circule mieux. Je vais aussi installer l'occultant du panneau avant, on voit moins bien la mer, mais il tamise bien la lumière. Comme nous allons pouvoir rester plus facilement dans le cockpit, ce sera parfait.

La physionomie des nuages change un peu. Leur taille en altitude devient plus grande et ils commencent à avoir des airs moins mignons que les jours précédents.

La faible vitesse du bateau nous amène à changer notre méthode de charge. Puisque l'hydrogénérateur produira très peu aujourd'hui, et la meilleure énergie étant celle qu'on ne consomme pas, nous mettons en service le régulateur d'allure et coupons totalement le pilote électrique. Le soleil très actif à la verticale charge pas mal. En fin d'après-midi cependant il faudra le remettre un peu profitant de l'accélération du vent au moment du coucher du Soleil. On ne peut pas se passer de l'hydrogénérateur, ce que d'autres avant nous avaient déjà identifié, à moins de renoncer au frigo.

Régulateur d'allure donc, à l'efficacité confirmée. Plusieurs heures nous nous laissons mener par cet engin sans nom. Une petite sieste. Bizarre, le bateau accélère vivement, le Soleil est pile devant. Que se passe-t-il ? Je fonce dans le cockpit. Le bateau est vent de travers, quasiment plein sud. Je ne comprends pas pourquoi le régulateur, qui a sa pale aérienne inclinée du bon côté pour une correction à abattre ne parvient pas à corriger la route. Je mets ça sur le compte d'une vague atypique ou d'une survente, que je n'ai pourtant pas sentie. Je reprends à la main, remets le bateau au portant, refixe les bosses du régulateur sur la barre et j'observe. En trente secondes, le bateau est reparti au travers. "-M'enfin, quel est ce sortilège ?". Je vais rendre visite au régulateur et lui parler gentiment. En baissant les yeux, je vois sa pale hydraulique flottant à l'horizontale, retenue par les élastiques et le bout. C'est comme si nous avions heurté quelque chose, il y a une sécurité mécanique qui libère la pale pour éviter de tout casser. Je crois comprendre que la pale a été "disjonctée" par une sargasse qui se serait accrochée sur elle au lieu de glisser. Pas de trace de la facétieuse sargasse. Malheureusement, je ne vois pas de solution durable. Si je remets la pale, le phénomène va se reproduire. Cette surabondance de sargasses est aussi une plaie pour la navigation. Nous poursuivrons donc avec le pilote électrique.

Nous avions entendu les pires histoires au sujet des sargasses, qui étaient gênantes au point de ralentir le bateau de manière importante. Dans la perspective où il faudrait démarrer le moteur, un petit coup d'œil à la coque est nécessaire. Je fixe la GoPro en bout de gaffe. Avec l'avancement du bateau, même à notre vitesse modeste, impossible de tenir la perche tendue sous l'eau. Je fixe un bout à un taquet latéral et l'autre extrémité au bout de la gaffe. En plongeant dans l'eau c'est le bout qui maintient la GoPro dans le courant. Après quelques tâtonnements sur la longueur du bout, je parviens à capter des images sous-marines de la coque et des appendices. Je les examine soigneusement à la table à cartes. Contrairement au tableau que nous en avait dressé d'autres navigateurs, les sargasses ne sont pas agglutinées sur les appendices de notre bateau. Les bulbes métalliques sont dans le prolongement des voiles de quille et les sargasses ne trouvent pas de point d'accroche. Je m'aimerais pas avoir des quilles torpilles en ce moment. Même constat pour le safran, aucune branche. Il n'y a qu'autour du sail drive qu'on voit quelques brins. Rien qui puisse empêcher l'hélice de tourner, mais éventuellement gêner l'aspiration d'eau. Nous convenons de bien surveiller la sortie d'eau.

Dispositif de prise de vue sous-marine
Régulateur sous la Lune
Boîtier Iridium GO en service

Ce soir, du riz avec du chorizo longue conservation acheté dans le monde espagnol.

A vingt-et-une heures, Liliane envoie un message d'anniversaire à Agathe par Iridium. Avec le décalage horaire, il tombera juste demain sur la messagerie de l'intéressée.

Séquence émotion - 21 mars 21h14 UTC
Séquence émotion - 21 mars 21h15 UTC
Séquence émotion - 21 mars 21h16 UTC
Vue de l'intérieur
Séquence émotion - 21 mars 21h41 UTC
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22 mars 2024 - J10

Dans la nuit, je suis de quart quand tout d'un coup, le bateau semble "tout mou". Encore un empannage intempestif, sous pilote électrique cette fois-ci. Il faut dire que je lui demandais de suivre une route au 170°, c'est à dire à 10° à peine du plein vent arrière. Je n'aurais pas fait ça avec du vent fort. L'empannage nous met comme les fois précédentes à une forme d'attente à la cape. Je reprends la barre en main et je le remets en route, puis j'ajoute un peu de marge à la consigne du pilote. Rien de cassé avec ce vent léger, mais ce risque me crée une tension intérieure permanente. Au jour levé, il faudra prendre une décision : soit nous remettons plein vent arrière avec les voiles jumelles, soit nous prenons l'option de tirer des bords de grand largue.

Au briefing du petit déjeuner, nous convenons que la vitesse du jour ne va écorner les bœufs, peu représentés aux environs, il est vrai (*). Nous installons le panneau solaire nomade dépliable sur la capote, qui cumulera sa charge à celle du panneau orientable. Le vent modéré ne met pas en péril l'installation. C'est l'occasion de nettoyer cette surface, encore recouverte du sable du Cap Vert. Quand au panneau orientable, c'est de la fleur de sel qu'il faut enlever quotidiennement pour lui conserver son rendement.

Vue cabine
22 mars 2024 - 09h19 UTC

(*) l'expression paysanne parle d'un vent à écorner les bœufs, parce que les jours de grand vent, il n'y a pas de mouches risquant de contaminer la partie à vif de la corne coupée et d'y pondre leurs œufs. Ainsi ont-il dus apprendre empiriquement, bien avant de connaître l'existence des bactéries, que moins d'infections apparaissaient si on écornait les bœufs les jours de grand vent.

Le routage du matin confirme une tendance de ces derniers jours. A chaque chargement d'un nouveau fichier de vents, le nouveau routage est un peu différent des précédents. Mais je constate qu'ils s'accordent tous à dire que la route la plus rapide serait au nord de la route directe. Ce matin, nous décidons donc de suivre cette indication et d'ajouter un peu de nord à notre route. Je choisis de faire une manœuvre d'empannage, volontaire cette fois-ci. Le pilote électrique a une fonction pour ça : faire un appui long sur les deux touches de droite. Fastoche. C'est Liliane qui opère pendant que je suis avec mes gants derrière le chariot de GV pour reprendre le mou de l'écoute pendant l'empannage et relâcher doucement sur l'autre bord. Mais bon ça a été codé par des américains : après déclenchement de la manœuvre, l'écran t'affiche un message de cinq lignes, dicté par les juristes et le marketing de Garmin, pour t'expliquer que tu aurais aussi pu utiliser des menus déroulants à la place (le marketing !) et te demander si tu confirmes que tu veux VRAIMENT faire un empannage (les juristes !). "-OK", lui répond crânement Liliane. Et la manœuvre se finit bien. Encore un quart d'heure pour remettre en place bastaque au vent et retenue de bôme. Nous voilà partis à meilleure vitesse sur la route. Il est vrai que cela ne modifie pas la date prévue d'arrivée. Il y a un paramètre intéressant sur le logiciel W4D, c'est la Velocity Made on Course (VMC), littéralement la vitesse projetée sur la route (actuellement le Goto Martinique). Il calcule pour nous cette projection. A ne pas confondre avec la Velocity Made Good (VMG), idole vénérée des régatiers, qui leur donne la vitesse projetée dans la direction du vent à la descente comme à la remontée. Chacun son "trip", paraît une déclaration appropriée.

A un moment, je trouve une dissonance entre la vitesse du bateau et la valeur de la charge. Bizarre, encore des problèmes techniques ? Je passe faire un tour à l'arrière pour orienter le panneau solaire et voir tourner l'hélice de l'hydrogénérateur. Ah tiens ! une grosse touffe de sargasses tourne avec l'hélice ! C'est nouveau, jusqu'à présent elles ne se prenaient que dans le bout de retenue. Je relève l'appareil. La plante enroulée dans l'hélice est particulièrement longue. Manque de chance ou effet statistique de l'accroissement des nappes que nous traversons ? En tous cas, c'est un nouveau point à surveiller.

Depuis hier, les nuages ont progressivement changé d'aspect. Je m'extasiais il y a quelques jours des chapelets de petits nuages mutins qui défilaient au-dessus de l'océan. On voit maintenant de plus en plus fréquemment de gros cumulus dont l'extension en altitude est le signe de grandes ascendance d'air. Cela change le paysage, en lui donnant un côté plus dramatique, genre Chevauchée des Walkiries derrière nous.

En fin de journée, bien remontés au nord pour l'hypothétique vent optimal, nous repartons sur la route ouest. Tenant compte de la leçon de la veille, ce sera avec génois tangonné et trinquette jumelle que nous glisserons tranquillement presque au vent arrière dans un petit alizé de treize nœuds.

La fin de la traversée se dessine obstinément au moteur depuis plusieurs bulletins météo. Il faudra donc conserver le carburant pour cet épisode et l'utiliser avec circonspection. Contrairement à notre étape des Açores à Madère où nous n'avions pas moyen d'informer nos familles d'un retard, nous sommes cette fois-ci tranquilles sur cette éventualité de traversée une bulle sans vent.

Galettes pois chiches, tomates et blougour, épeautre, petits légumes. Le blog de Cheddar que nous avions demandé entier pour mieux le conserver, commence à donner des signes de fatigue. Mais il demeure excellent, une fois débarrassé de ses moisissures superficielles.

22 mars 2024 - 22h51 UTC
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23 mars 2024 - J11

Cela ne s'invente pas, ce sont les cartes de l'Amirauté Britannique qui l'affirment : nous sommes passés près du Royal Trough (N16°00 W048°30), une fosse gigantesque qui descend à 5744 mètres de profondeur au milieu d'une morne plaine à 3000 mètres.

Toute la nuit est émaillée de grains modérés. Le vent s'accélérait à vingt-cinq nœuds, avec une pluie fine. Pas de fracas, le pilote en mode vent et la configuration voiles jumelles sont résilients, le bateau accélère et suit le vent, généralement un peu sud puis reprend sa vitesse plutôt sobre et sa route à l'ouest une fois le grain passé.

Cela fait quand même passer une nuit de mauvais sommeil, parce que les voiles jumelles ne sont silencieuses que si elles sont pleines d'air. Dans un vent très faible, c'est la houle qui remue la coque et la coque qui fait battre les voiles et claquer les écoutes.

Au petit matin, la situation est tristounette. Le vent ne dépasse pas huit nœuds, les voiles humides pendent mollement, le bateau arrive cependant à nous offrir un ou deux nœuds de vitesse sur l'eau (plus un demi de courant équatorial). Le ciel est uniformément gris épais. Tous nos systèmes de charge sont compromis. Un instant, en pleine pensée magique, je dis : "-Il suffit d'attendre, le Soleil va purger ces nuages et l'alizé reprendre". Mais ça ne vient pas. Première mesure : on économise l'électricité, pilote OFF, régulateur d'allure au taf. Je le règle aux petits oignons, je m'extasie de sa sensibilité, avec seulement cinq nœuds de vent et deux de vitesse sur l'eau, il arrive à trouver les bonnes corrections de barre. Elles manquent un peu de pêche et ça lui prend plusieurs minutes pour corriger les écarts. Je trouve une astuce pour augmenter le gain de boucle (boucle proportionnelle - voir article sur le régulateur), en nouant les deux bosses plus bas sur la barre, c'est-à-dire plus près de l'axe du safran. Ça fonctionne, je suis content de moi comme un collégien qui a eu une bonne note, et je pars vaquer à mes occupations, ainsi que Liliane.

23 mars 2024 - 09h04 UTC

Une dizaine minutes plus tard, assis à la table à carte à charger les fichiers météo, le Soleil m'éblouit par le panneau plexi à ma gauche. Tilt ! "-Il devrait être à l'arrière à c't'heure-ci, qu'est-ce qu'il fait là le Caïd ?" Je sors dans le cockpit, le bateau file au sud, et même un tout petit brin vers l'est. Je regarde le régulateur. Même pas en train de prendre une mesure corrective, il est content de lui, ce zèbre ! Je reprends la barre en main, prêt à accabler le bougre à la mauvaise réputation, comme dans la chanson de Brassens. "-Oh, misère !". Le vent vient du nord, il bossait normalement le régul. Et avec les voiles jumelles, on peut difficilement faire autre chose que descendre dans le vent. On ne peut pas laisser comme ça.

Nous nous attelons à la manœuvre, moi à l'avant et en pied de mât, Liliane au piano. Sans rentrer dans le détail, on rentre les voiles jumelles et on revient sous grand-voile et génois au travers. Ça prend plus d'une demi-heure. Je commence à suer sous mon tee-shirt, gilet et harnais. Une fois les voiles prêtes, on fait porter et on règle l'allure et la route. Damn' ! Le temps que nous fassions la première manœuvre, elle devient obsolète, la couverture nuageuse a foncé droit devant, la chaleur du jour poussant devant elle la ligne de démarcation jour/nuit et chassant vers l'ouest les turbulences humides. L'alizé d'est-nord-est s'est maintenant rétabli. Le soleil cogne et le panneau solaire s'épanouit. La météo ayant confirmé que le vent restera modéré toute la journée, nous entamons la deuxième manœuvre, pour revenir plein vent arrière, avec une innovation (pour nous sur ce bateau) : grand-voile haute et génois tangonné au vent. C'est beau, ça fleure bon la transat des anciens et les livres jaunis aux photos délavées. "-Ce tangon que je voyais dans les filières depuis deux ans, il est enfin au travail depuis quelques jours", déclare Liliane.

Conséquence secondaire du retour de l'alizé, le bateau avance bien, l'hydrogénérateur et les deux panneaux solaires fournissent une profusion d'énergie. D'ailleurs une micro-stratégie à mettre en œuvre dans ce cas consiste à charger immédiatement tous les appareils possibles, téléphones, ordinateurs, caméras, liseuses, lampes... Car il est préférable de livrer les ampère-heures directement à l'équipement final plutôt que de les faire entrer dans les batteries du bord, et de les en faire ressortir ultérieurement, cycle qui comporte des pertes de rendement. Bon, voilà. C'est marrant aussi de penser aux petits photons partis du Soleil il y a huit minutes venir cogner notre équipement pour transférer son énergie aux petits électrons. Merci à vous, aimables collaborateurs.

Ce sont d'autres photons qui font beaucoup chauffer l'air dans la soute, mûrir bananes et tomates, et bougonner Liliane. D'ailleurs pour ceux qui rêvent de trouver le secret de la création spontanée de l'énergie perpétuelle, je leur prédis un meilleur business case en cherchant le secret de l'anéantissement spontané de l'énergie.

Air chaud et mer calme sont propices à la douche dans le cockpit. Foin des petites douchettes, Liliane et moi nous offrons les grandes eaux, soit pas moins de douze litres d'eau douce pour nous deux. Shampooing, savonnage complet et même les tongs y passent. Il est bon et luxueux ce moment de plein air avec l'Océan Atlantique comme salle de bain panoramique. En cas de pénurie, nous pourrions limiter l'eau douce en effectuant le premier savonnage-rinçage à l'eau de mer, façon explorateur dur à cuire. Mais nous n'en sommes pas à cette extrémité. C'est douze litrs de moins à porter pour la carène de Tusitala et au total plus de deux cents kilogrammes depuis le départ du Cap Vert, en ajoutant l'eau minérale bue et les fruits et légumes mangés.

23 mars 2024 - 21h19 UTC
Constellation des feux de route
Quart de nuit Lili
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24 mars 2024 - J12

Nous recalons nos montres sur UT-3 pendant la nuit.

Une nuit occupée à gérer la lente et inexorable décharge d'une des deux batteries. Je finis par couper la charge de celle qui va bien et couper la décharge de celle qui est à 25%, près du minimum à partir de laquelle le fabricant indique qu'on commence à dégrader sa durée de vie (20%). Au petit matin, les deux se retrouvent équilibrées à 30% et, profitant d'une apparition matinale de l'alizé, on peut relancer l'hydrogénérateur. Quand j'observe les courbes de détail, je ne comprends pas la méthode de calcul de ce pourcentage. Je me note de demander des éclaircissements au fabricant.

La journée est entrecoupée de grains, conformément aux prévisions de l'indice CAPE qui augmente, augmente (100J/kg et plus bientôt). Chaque grain qui arrive vers nous par l'arrière commence par accroître le vent. Le bateau, conduit par le pilote en mode vent, file dans la nouvelle direction. Ensuite, selon le dicton marin, le grain "vole le vent". Derrière lui, il laisse un chaos de mer clapoteuse et un vent quasi nul, voire d'une direction complètement absurde, qui donne au bateau une route tout aussi ridicule, genre plein sud (déjà vu hier).

Avant...
...après
En manœuvre sur le roof

A un moment, je compte trois grains à bâbord. Entre eux, la mer est le résultat du mélange aléatoire de toutes les influences de ces farceurs. Chaotique en diable. Le bateau est tourneboulé, nos sens également, les voiles et les écoutes claquent. Quoique la houle soit raisonnable, nous titubons dans l'absence de cohérence des mouvements, nous dégoulinons dans la moiteur poisseuse de l'air.

Grain...

Dans la journée nous essaierons successivement plusieurs allures, tribord amure, puis bâbord, puis encore tribord, avec génois tangonné au vent ou génois sous le vent. Avec pilote, puis régulateur d'allure dans l'ambiance molle où le bateau avance à quatre nœuds voire moins et le ciel couvert offre peu aux batteries. Je ne sais pas comment font les autres voiliers pour assurer leur autonomie énergétique mais je subodore que beaucoup utilisent l'énergie du moteur pour y parvenir. C'est un sacré défi en tout cas.

Le régulateur d'allure prend de plus en plus souvent la place du pilote électrique. Considéré au départ de notre projet comme un secours en cas de défaillance du premier, il devient maintenant une solution à parité d'intérêt. Son réglage est un peu plus subtil que l'affichage d'une consigne numérique. Il faut du doigté pour régler l'orientation de la pale aérienne au jugé, il n'y a aucune graduation. Ensuite quelques tâtonnements pour régler la tension des drosses sur la barre. Je m'améliore en rapidité de mise en œuvre. Liliane espère que j'aurai bientôt ma première étoile pour que la route suivie soit plus rectiligne. Il n'empêche, cet équipement nous conduit pendant des heures à des allures très près du vent arrière que je ne l'aurais pas pensé capable de tenir.

Pendant un moment, j'ai observé comment la pale dans l'eau s'en sortait au milieu des sargasses. Nous avons traversé plusieurs nappes et elles ont glissé librement autour de la pale. Sauf malchance, elles ne devraient pas s'accumuler au point de faire à nouveau disjoncter la sécurité.

Il resterait à inventer un hydrogénérateur pour basses vitesses, il suffit de concevoir une hélice plus large que celle que nous avons. Idéalement une hélice à pas variable.

Au repas du soir, nous expérimentons deux nouveaux plats lyophilisés achetés au Vieux Campeur. Je trouve ça plutôt bon et surtout ce sont des repas complets, répondant à la difficulté d'assurer un équilibre alimentaire correct dans la durée. Le prix unitaire peut inciter à la modération, mais il s'agit de les employer plutôt en fin de parcours, quand les aliments frais commencent à faire défaut.

Sous régulateur et sous la Lune
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25 mars 2024 - J13

C'est le jour du renoncement. La nuit a été émaillée de plusieurs tentatives de remplacer le pilote électrique par le régulateur d'allure. Cela m'a permis de perfectionner sa mise en œuvre et il finit par fonctionner encore mieux que je ne l'avais imaginé, notamment dans du vent assez faible au vent arrière, avec les voiles jumelles. Et nous avons gagné une telle ***confiance*** en lui que nous commençons nos quarts de nuit sous régulateur, avec le pilote électrique carrément éteint. Le frigo également. Tout ça pour ménager nos batteries qui commencent la nuit à 40% à peine. Hélas ! pendant le quart de Liliane, la pale du régulateur "disjoncte" encore. Nous nous retrouvons rapidement travers au vent, voiles battantes, écoute de génois sortie de l'embout du tangon (sans doute une sécurité pour ne pas casser l'espar). Rien de plus désagréable que de se réveiller après une courte heure de sommeil pour devoir bondir manœuvrer sur le pont. Pas le choix, on remet le pilote électrique, on enroule le génois, on rentre le tangon, on remet les voiles en ordre de route vent arrière. Je remonte la pale et nous resterons sous pilote électrique tout le reste la nuit. Heureusement, la mer est calme et le pilote ne force pas trop.

Au lever du jour, l'une des batteries affiche à peine 21%. C'est rouge ! Le lever du Soleil, magnifique comme toujours en mer, est bardé de gros nuages. Il faut plusieurs heures pour que les panneaux solaires commencent à charger. Je remets le régulateur, coupe à nouveau le pilote, la VHF et même, pour me faire quelques frissons, la totalité des instruments. Consommation, zéro. J'ajoute l'hydrogénérateur, avec un palan qui permet de lui interdire d'aller faucher la zone où opère la pale du régulateur. Nous faisons ainsi quelques douces heures, jusqu'à la réitération de la disjonction de la pale et du bateau qui part au lof, etc. Je remets tout ça en marche. La chaleur est intense, le tee-shirt poisseux.

25 mars 2024 - 09h03 UTC
Vue cabine

Echec et réflexion sur l'autonomie énergétique, à usage des autres plaisanciers

La réflexion avec Liliane est rapide : on ne va pas arriver à recharger d'ici ce soir. La nuit dernière a été limite-limite. C'est pour moi l'échec de ma quête de traversée en autonomie électrique. Le vent a tué l'hydrogénérateur, les nuages ont tué les panneaux solaires et les sargasses ont tué le régulateur d'allure. Rien à voir avec une quête écologique, encore moins écologiste, c'est plutôt un défi esthétique et romantique que je m'étais posé à moi-même. Il ne s'agit pas de viser une transat complètement dénuée d'énergies fossiles, mais juste de ne pas consommer une énergie fossile transformée en une énergie électrique, elle-même utilisée pour maintenir un voilier sur sa route et ses équipements sous perfusion d'électrons, processus que je trouve complètement absurde. Mais nous y voilà pourtant. Tout fier de mes choix techniques, et nonobstant les difficultés déjà racontées de mise au point, je dois convenir que nous ne parviendrons pas au bout sans mettre en marche le moteur. Ou alors au prix d'une entrée dans une autre dimension du voyage, avec manœuvres incessantes, arrêt de tout confort et autres contorsions sacrificielles qui ne faisaient pas partie de notre projet. Liliane a trouvé fort difficile les dernières nuits passées à gérer incessamment le sujet électrique, agrémentées de réveils surprises, voiles en vrac. Je la comprends. Moteur donc, ce qui aura le double avantage de charger les batteries et de vérifier son bon fonctionnement avant d'en avoir besoin "pour de bon", avec la pétole totale annoncée depuis quelques jours à partir de après-demain et jusqu'à la fin du parcours.

Une petite vérification des sargasses sous la coque, avec le dispositif mis au point il y a quelques jours. C'est correct, pas trop d'algues accrochées. Le moteur démarre bien (ouf !) et l'eau sort normalement de l'échappement. Tout en continuant d'avancer un peu à la voile, je mets une courte mais intense poussée de marche arrière pour chasser les quelques-unes accrochées au sail drive. Effectivement on voit une nappe d'algues se disperser dans le sillage.

Pendant une heure et quart, nous transformons donc des molécules de gasoil en précieux électrons, au travers d'une tout aussi absurde installation de pompes, pistons, villebrequin et alternateur nommée moteur. Il fait bien soixante degrés dans la soute moteur et les batteries sont guillerettes, passées respectivement de 39/48% à 57/69%. Je surveille sur l'application Victron du smartphone ce que fait le chargeur DC/DC de l'alternateur, acheté et installé à Las Palmas en remplacement du chargeur d'alternateur Sterling : parfait, il charge le courant maximal, soit 30A. Un moment plus tard, j'ouvre la trappe d'accès et je touche le boîtier : il est brûlant, comme le laissait supposer le rendement affiché par la notice du fabricant, un mauvais 95%. Le dernier modèle sorti, qui améliore ce point, n'était pas encore disponible au détail. Je touche aussi la plaque support en aluminium : brûlante également. J'ai bien fait d'ajouter cette plaque qui participe à la dissipation thermique.

Qu'aurait-il fallu pour réussir l'entreprise ?

  • D'abord trois batteries au lieu de deux. Vu le prix des modèles au lithium (Li-Fe-PO), ça se discute au minimum.
  • Ensuite, un hydrogénérateur capable de produire à plus basse vitesse, vers trois nœuds. Cela doit pouvoir se réaliser pour pas cher avec une hélice amovible qui aurait de plus grandes pales, mais le constructeur ne le propose pas.
  • Enfin, sans doute la Rolls des régulateurs d'allure, un Hydrovane, aurait passé outre les sargasses, car il dispose d'un véritable safran auxiliaire au lieu d'une pale pendulaire. Là encore, c'est trois fois le prix du nôtre, soit quatre chiffres en euros.

Aujourd'hui, c'est la fin des bananes ! Celles qui n'ont pas été mangées finissent dans un cake à la banane avant qu'elles ne dépérissent.

Pendant la fin d'après-midi, à l'abri du soleil, nous pouvons nous adonner à un flânerie bienvenue.

Jupiter à l'avant
La Lune à l'arrière
Orion au zénith
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26 mars 2024 - J14

Une nuit sereine et silencieuse à glisser tranquillement sous voiles jumelles. Un cargo croisé au petit matin, assez loin. Il ne déclenche même pas l'AIS.

Au matin, une surprise : le vent est un peu plus fort que présagé par les fichiers de prévision. Et il est orienté du sud-est, ce qui nous donne la possibilité de quitter le plein vent arrière pour passer à une allure de largue, plus rapide, tout en maintenant notre progression vers le but. Toute la matinée nous marchons ainsi sous génois et grand-voile.

Venus la belle - 26 mars 2024 - 09h12 UTC

Le soleil puissant et le maintien de houle à un niveau raisonnable nous permettent un douche dans le cockpit. Le deuxième des deux bidons de cinq litres prévus à cet effet est utilisé pour une délicieuse douche dans la salle de bain décor atlantique et le cockpit entier est notre receveur.

Comme le vent se maintient au niveau raisonnable de quinze nœuds, nous installons, hissons et déployons le Code D. Cette voile à la plage d'emploi un peu étroite trouve aujourd'hui son pleine efficacité. Cela nous propulse à six ou sept nœuds et les batteries chargent plein pot.

Vers seize heures un grain paraît à quelques kilomètres. Nos routes convergent. Pas tentés de voir ce que donnerait le Code D dans son périmètre, nous le rentrons. Timorés sans doute. Il s'enroule avec facilité autour de son emmagasineur et nous le remplaçons par le génois. Finalement le grain passe à notre tribord et disparaît. De toutes façons, nous n'aurions pas gardé le Code D la nuit, contrairement à certains navigateurs qui tiennent leur spi haut jusqu'à trente nœuds.

La Lune se lève alors que la nuit est déjà installée, très gros disque près de l'horizon derrière des nuages boursouflés. Effets théâtraux dramatiques garantis.

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27 mars 2024 - J15

Un grain, surgi du fond de la nuit, court vers l'aventure au galop. Juste vers nous. Le vent forcit, rien de très violent, mais il tombe des cataractes. Et surtout, il vient de l'ouest. De l'ouest ! Nous voilà à faire du près pour pointer notre étrave vers la Martinique. Cela confirme l'adage qu'on se tape toujours du près en croisière, à un moment ou un autre. Nous voilà remontant au nord. Je vire. Super. Quelques minutes plus tard, nous voilà plein sud. L'air est tellement rempli d'eau que un puis deux oiseaux marins approchent prudemment à la poupe en faisant du vol stationnaire par rapport à la coque et après plusieurs tentatives prudentes, finissent pas se poser, l'une sur la grosse bouée fixée au balcon arrière et l'autre sur la pale du régulateur, que le vent plaque à l'horizontale. Elles sont bien un peu effarouchée lorsque je me rends à l'arrière pour manœuvrer ou uriner, mais la planche de salut doit être assez bonne pour qu'elles y restent. Je suis trempé, Liliane réveillée.

Grain passé, vent volé, bateau à l'arrêt. Alors nous remettons le moteur, pas pour produire de l'électricité, mais pour avancer, c'est légitime. Le ciel reste très sombre, disons noir pour donner une idée.

Et d'aventure en aventure, de grain en grain, de bord en bord, nos passagers ont gardé la posture. (librement inspiré de S. Lama)

Au petit matin, je sens un frémissement du bateau, juste une petite inclinaison qui indique que la grand-voile porte un peu. Chouette, du vent qui pousse. Moteur aussitôt arrêté, nous repartons à la voile, timidement d'abord. Dans le lever du jour tout noir (si !) j'aperçois des feux de route à l'horizon. Rien à l'AIS, trop loin. Je l'observe un moment. Pas des feux de gros navire commercial, peut-être un voilier. Nous sommes en route convergente, son feu vert sur notre rouge, il va falloir rester attentif. Ça dure plus d'une heure. Difficile d'apprécier les distances quand la lumière est faible. D'un coup, nous sortons de la couverture nuageuse, ou plutôt c'est elle qui s'évacue de notre plafond. Tiens il fait vraiment jour, ce n'était donc pas le Soleil qui était en retard ! Le navire voisin se dessine mieux, c'est bien un voilier. Quelques minutes plus tard, l'alarme AIS retentit. Il nous double avec l'insolence de ses quatorze mètres de long et huit de large, lentement, sur une route quasiment parallèle. Un catamaran sans doute. On ne va pas l'aider, je fais quelques réglages en bordant les voiles à la main sans winch, en essayant de ne pas réveiller Liliane.

27 mars 2024 - 09h25 UTC

Au fil de la matinée, nous jouons à grappiller le vent, capter ces précieuses molécules animées qui nous font l'honneur de venir frapper nos voiles et leur communiquer leur impulsion. On est loin d'atteindre des vitesses à se rouler par terre de plaisir : trois nœuds, le sourire ; quatre nœuds, l'exclamation de joie ! Par bonté (divine ?) le vent s'oriente du sud-sud-est et nous permet de progresser dans la bonne direction au près serré, voiles bordées dans l'axe. Laissons aller tant que ça veut bien. La météo du matin confirme obstinément que le vent va venir carrément d'ouest (de face) en fin de journée et disparaître demain.

Le dernier radis frais est dévoré ce midi, dans un assortiment de poivrons (en boîte), lentilles ou pois chiche, fromage de chèvre, oignons.

La mer est belle, au sens météo, c'est-à-dire à peine ourlée de vaguelettes. Elle est aussi animée de la longue houle de période supérieure à douze secondes et d'amplitude un mètre soixante environ. Elle a la respiration d'une belle endormie.

Une bonne partie de l'après-midi se poursuit ainsi dans une grande douceur océanique. Lecture dans le cockpit silencieux, contemplation d'un énorme porte-conteneur à l'horizon, étonnement à l'ampleur que prennent les nappes de sargasses que nous traversons souvent en plein milieu tellement il s'en présente devant l'étrave. Un peu de remord de ne pas encore avoir tenté de pêcher, malgré les bonnes intentions affichées au départ. C'est bof ! Peut-être demain.

Sargasses
Porte-conteneur

Finalement, il faut convenir en milieu d'après-midi que même au près serré, le vent nous amène de plus en plus vers le nord. Il reste une composant de notre vecteur vitesse qui nous rapproche encore à deux nœuds et demi du but, mais ça devient anecdotique. Symboliquement, j'attends que la distance à parcourir soit juste moins de deux cents milles, puis nous mettons la bourrique en marche et prenons la route directe vers la pointe sud de la Martinique. Les ciels de gros cumulus sont une succession de paysages qui cherchent à gagner, j'en suis sûr, des concours photos. Ne manquerait qu'un bon photographe pour les fixer.

Comme chaque soir, le coucher du Soleil fait l'objet de la part de l'équipage d'une cour assidue quoique peu nombreuse. En retour, le ciel nous offre Mercure qui suit de peu le Soleil dans son plongeon et plus haut le Jupiter, qui surveille l'équilibre de tout ce ballet.

A la poursuite du soleil couchant
27 mars 2024 - 21h57 UTC

Ce soir, Liliane tente et réussit la recette de pizza de l'Atlantique de Mahina, revisitée sans levure puisqu'elles sont toutes périmées. De mon point de vue elle ne porte ce nom que parce qu'on l'exécute à cet endroit, aucune autre caractéristique n'est requise.

22h34 UTC
Et Jupiter fût !

Le ciel dégagé et la Lune tardive sont prometteurs pour le début de la nuit. Liliane et moi nous offrons un after en terrasse toutes lumières éteintes (sauf le feu de route bien sûr) et une fois nos yeux accoutumés à l'obscurité (compter vingt bonnes minutes), la Voie Lactée se dévoile. Il fait bon dans le faible souffle de ce début de nuit.

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28 mars 2024 - J16

Nuit au moteur, avec quelques grains de pluie modérée et toujours pas de vent. Ce n'est qu'au lever du jour que la girouette quitte l'axe du bateau pour indiquer la présence d'air à prendre. Comme nous avions conservé la grand-voile haute toute la nuit pour profiter de tout souffle favorable et gratuit, la manœuvre pour dérouler le génois est rapide. Quelques minutes d'observation et hop ! moteur éteint ; économiser le gasoil pour la fin, parce que la jauge de notre réservoir principal affiche seulement un quart. Nous voici dans la transatlantique "aller" au près serré dans dix nœuds de vent. On avance à quatre dans la bonne direction, ce qui est satisfaisant. Puis trois... C'est là qu'on peut rêver d'avoir un bateau de course, un Pogo par exemple, qui saurait exploiter ce zéphyr pour en faire du mouvement. Il faut virer de bord. Avec le faible élan de la carène, ça part pour un virement raté. Je fais comme en dériveur 420, je godille avec le safran de Tusitala. Pas bien élégant comme manœuvre, je l'avoue, mais le plan de voilure finit par passer. Le génois accroche tout ce qu'il peut au passage, il fait une poche autour de l'étai de trinquette, il faut que j'aille à l'avant pour l'aider à passer, je ne peux pas compter sur la force du vent. Pendant quelques heures, je peaufine le cap. Je remercie mes moniteurs de voile de m'avoir initié aux subtilités de la barre douce, avantage d'avoir grandi dans la zone de Méditerranée où il y a probablement le moins de vent au monde. C'est comme se déplacer en Espagne au moins de juillet : pour ne pas mourrir, il faut apprendre à bouger sans déplacer d'air, un long travail de mimétisme sur les autotochnes. Dans notre cas présent, modifier le cap du bateau sans quasiment toucher à la barre, régler les écoutes centimètre par centimètre. Tout mouvement énervé ferait perdre de l'énergie précieusement prélevée sur le vent.

Les fichiers vent du matin confirment que ça ne va pas durer. Le vent va progressivement refuser puis venir carrément d'ouest. Pas assez de carburant pour faire les derniers milles au moteur, même avec les trois bidons supplémentaires. Jamais je n'aurais pensé qu'en cette saison nous aurions plus de deux cents milles nautiques sans vent. Il faudra donc tirer des bords pour avancer au mieux. Personnellement je trouve agréable cette lenteur au milieu de l'immensité ondulante. Nous avons de l'eau et de la nourriture, pourquoi vouloir arriver vite ?

Aujourd'hui, nous nous délectons de la dernière tomate fraîche dans une salade.

Deux ou trois nœuds, c'est bien pour pêcher. Je ne suis pas un fan de pêche, sauf en chasse sous-marine dans mes jeunes années. Cela m'évoque la fin de mon service militaire, où avec mon copain Christian nous partions au Maroc en camping-car, dans une zone inhabitée (mais nous étions allé voir le Hadj du lieu pour lui demander l'autorisation, que nous avons ensuite abondamment récompensée en poissons et en lui laissant le vieux zodiac qui n'en pouvait plus). Puis plus tard dans les eaux corses. Nous étions dans l'eau du matin au soir. Nous revenions bleus de froid malgré les combinaisons en néoprène.

Je sors donc l'attirail, moitié acheté à la va-vite en partant de Roscoff, moitié cadeau de mon cousin Yann, le moulinet et les gros leurres. Ils me font peur ces leurres, parce que si un poisson est assez gros pour gober ce truc, je me demande bien comment je fais faire pour le sortir de l'eau. Je monte la ligne soigneusement comme il m'a appris et je jette le tout à l'eau, en sortant environ soixante mètres de fil. Au moins j'aurai essayé, pas de regrets. Régulièrement, je remonte la ligne pour enlever une poignée de sargasses.

Prêt pour remonter du gros

Un peu de lecture dans le cockpit pour étudier ce que seraient les éventuelles prochaines escales de l'arc antillais. Sainte Lucie, Saint Vincent, Bequia, Mustique, Tobaggo Keys, Grenadines, Carriacou et plus loin Grenada, Tobago... Plein de noms qui résonnent comme autant de paradis fantasmés. Nous les avons déjà visités en 2012, au pas de course, avec un équipage de neuf personnes en catamaran de location, dont mon regretté ami Michel M.

Dans l'après-midi, profitant d'une mer d'huile, après maints calculs, je complète le réservoir principal de deux bidons de vingt litres de gasoil. Je garde le troisième pour la soif, c'est-à-dire de dernier ressort pour l'arrivée au mouillage ou au port. Et surtout, je garde ce bidon pour le cas où quelque chose souillerait le gasoil du réservoir principal. La jauge remonte aux trois-quart, ce qui est réjouissant, mais ne suffit pas, calculs refaits, à rejoindre la Martinique en cas de pétole durable. Dans ce cas, nous devrons attendre le retour de l'alizé, que les prévisions indiquent pour le dernier jour de mars.

Faut pas gâcher !

Un douche aussi dans le cockpit, enveloppés dans la tiédeur du Soleil déclinant. Les bidons additionnels emportés pour cet usage trouvent leur emploi. Une douche complète avec shampooing, c'est un luxe à environ cinq litres d'eau douce (parce qu'on sait qu'on n'en manque pas, sinon on saurait être plus économe, en utilisant l'eau de mer).

Le jour se couche dans un air doux et calme. Trop calme. Le bateau avance doucement dans six nœuds de vent, et en plus nous n'allons pas vraiment dans la bonne direction. Mais on ne râle pas, c'est le jeu. Sinon, il ne fallait pas venir.

Un peu avant minuit, nous sommes au près serré, voiles bien réglées pour ne rien perdre du souffle environnant. Nous nous laissons bercer par le petit clapotis des filets d'eau qui coulent le long de la coque, pour un résultat de un nœud et demi dans la direction du but. Gagne-petit obstiné que je suis, je ne regarde plus les milles, mais les dixièmes de mille qui s'égrènent sur l'écran de la tablette. A chaque décimale passée, nous échangeons notre temps de "travail" contre du gasoil. Dans la dernière heure de ce jour, nous sentons le bateau qui accélère, ça clapote plus fort, puis ça chuinte et enfin ça siffle. Un grain nous a rejoint. Par bonheur, il nous propulse dans la bonne direction et nous gagnons très vite un mille. Merci, Grain !

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29 mars 2024 - J17

La rude lutte continue. Le vent tombe complètement. Nada, zéro, niente. La mort dans l'âme je mets le moteur. Au moins ça recharge les batteries. Evidemment tout devient plus facile. Quelques milles plus loin, en sortant faire un tour d'horizon, ma peau détecte un souffle de côté et je vois la grand-voile qui s'incurve joliment à tribord. Du vent ! En un tournemain, le génois est sorti, bordé plat, le moteur éteint. Il faut bien se reposer. Je confie la barre au pilote en mode vent. "-Fais de ton mieux", je lui dis. Il fait. Mais le vent est capricieux en force et en direction. La trace ressemble à celle d'un ivrogne titubant sur un vaste trottoir (ah ! j'étais sûr que vous comprendriez cette image). Si je n'y prends garde il nous renverrait bien subrepticement vers le Cap Vert. Des virements, si possible silencieux pour ne pas réveiller Liliane. Peine perdue, elle vit ces instants en direct et s'alarme que des yeux surveillent notre exercice. Perchée sur la grosse bouée, une mouette se cramponne à la surface de plastique, comme la nuit précédente. Des croassements furieux ! Une congénère tente une approche visant la bonne bouée. Repoussée, elle cherche une autre place, volette, tente plusieurs atterrissages, finalement choisit le bossoir en inox. Mais comment tient-elle là-dessus ?

Plus tard, encore des cris, une autre approche. Repoussée de même, elle élit le tangon comme perchoir. Une quatrième sur le même tangon, puis plus haut sur la première barre de flèche. Jusqu'à quatre passagers clandestins viennent trouver leur repos de nuit sur notre engin flottant, à contre-jour sur fond de nuages et de Lune, dans une ambiance toute hitchcockienne. Toute la nuit, pas rancunières, elles discutent. Devisant très probablement des mérites de ce ponton flottant par rapport à l'inconfort d'une nuit sur l'eau.

Au lever du jour, elles disparaissent discrètement, sans remercier autrement que par quelques taches sur le pont, ingratitude typique des dinosaures.

20 mars - 06h18 locale

Le Soleil nous apporte un supplément gratuit : du vent, de l'énergie. Dix nœuds ? Royal souffle ! Les cinq tonnes s'animent, l'étrave s'ourle de ce petit pli, sympathique comme des fossettes de sourire.

Je tente de récupérer de la nuit, pendant que Liliane prend un long quart de jour, en laissant par écrit des critères compliqués pour me réveiller. Au réveil, la mer est d'un lisse parfait, la chaleur intense, la ligne de pêche silencieuse et la douche bienvenue. Et c'est bien sûr lorsque je suis tout enduit de savon que la ligne part comme une fusée. Pas d'urgence, mais quand même, le moulinet se dévide bien vite. Le temps d'enfiler le harnais sur la peau nue détrempée et le crocheter dans la filière, je commence à remonter la ligne. Je n'ai pas pensé à ralentir le bateau, il aurait suffi d'enrouler au moins la voile d'avant. La ligne est tendue et la canne très arquée. Je bobine doucement le moulinet, pensant intérieurement que ça prendra de longues minutes... Soudain, la tension disparaît, la ligne est molle. Je sais immédiatement que le poisson s'est libéré. Au bout, il ne reste que la moitié du bas du ligne en tresse inox. Le leurre est parti avec. Il me reste des progrès à faire. Je crois aussi que la ligne en soixante centièmes est trop fine pour les poissons qui mordent à la vitesse de nos voiliers, mais en l'occurrence ce n'est pas elle qui a cassé. Allez, on range tout le matos. On verra plus tard comment mettre cette activité au point. Curieux comme il est difficile d'obtenir des renseignements précis auprès des professionnels. Aucun, je dis bien aucun, ne connait la pêche à la traîne en voilier. Quand aux voileux, ils ont chacun leur recette qui fonctionne, mais peinent souvent à la décrire. Ça va du "moi je mets tout en 100/100èmes avec un leurre que je fais moi-même avec des lanières de plastique", aux montages sophistiqués avec plombs intermédiaires, planchette, bas de ligne inox, etc. Même la question de taille des hameçons ne donne pas de réponses identiques: hameçons tridents ou pas, plusieurs hameçons en cascade ou pas. Moi, novice, je m'y perds. Je me promets d'approfondir le sujet.

Bas de ligne inox cisaillé
29 mars 2024 - 21h12 UTC

Vers seize heures, les jeux sont faits. Voiles battantes, coque immobile sur l'eau, nous ne progressons plus. La persévérance trouve ici sa fin. Nous remettons le moteur en marche et prenons la route directe vers la Pointe des Salines, au sud de la Martinique, en ajustant les gaz pour que la durée, assez déterministe, du reste du trajet nous amène à cet endroit au lever du jour. Cela laisse toute la journée de marge pour l'éventualité d'un retard, puis remonter tranquillement dans le côte sous le vent jusqu'à la Baie du Marin.

Un petit coup d'œil au chargeur DC/DC de l'alternateur avant d'aller dormir. Les batteries sont déjà à 100%, l'appareil reste en tension d'absorption et ne chauffe pas. Je le félicite en espagnol, sans doute la fatigue : "-Muy bien, sigue así, hasta lueguito".

Proche de l'écurie. 42 MN
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30 mars 2024 - J18

Quand même, cette petite inclinaison là à bâbord et ce souffle agréable sur le torse quand je sors faire un tour d'horizon dans la nuit, il faut vérifier. Je mets la manette des gaz au point mort, histoire que le bateau perde l'erre due au moteur. Avec juste la grand-voile, on avance encore à deux nœuds et l'aiguille de l'indicateur de vent réel montre un vent de travers à notre route. Chouette ! Inattendu. Je déroule le génois et hop ! quatre nœuds et demi. Moteur éteint immédiatement, le silence nous enveloppe, selon une expression fausse mais poétique.

Cette nuit-là, nous procédons au troisième décalage de l'heure du bord. Nous passons à UT-4.

Depuis le début de la nuit, nous voyions le halo des lumières artificielles de l'île sur l'horizon, et un peu à gauche, plus pâle, celui de Sainte Lucie. Terre ! Les découvreurs de ces îles n'ont pas bénéficié d'un tel indice évidemment. La lueur nous annonce le retour prochain à la présence des autres humains. Contents d'arriver, mais pas trop vite quand même. De plus, le bateau avance un peu plus vite que prévu au moteur et si ça continue on va arriver à la pointe sud de la Martinique de nuit. Cela ne nous convient pas, d'abord parce que ça nous volerait le plaisir de voir cette approche, couronnement de notre transat et surtout parce que le coin doit être rempli de filets et de casiers de pêcheurs et qu'il ne fait pas bon traîner ses quilles et son hélice dedans. Je me remémore le récit lu dans Voiles & Voiliers d'un bateau qui avait pris son sail drive dans un DCP (Dispositif de Concentration de Poissons) et qui a failli couler parce que la houle menaçait d'arracher tout le sail drive. Impossible de couper les orins, qui étaient en acier, acte criminel.

Bref ! après discussion, nous remplaçons le génois par la trinquette, juste pour ralentir. Je pars dormir une dernière heure avant l'approche, où il faudra rester éveillé jusqu'au bout. Liliane capte le lever du jour et à mon réveil, la Martinique se dessine nettement sur l'horizon.

La Pointe des Salines, derrière nous
L'Îlet Cabrits, son phare et le Rocher du Diamant au loin

Avec la satisfaction de terminer à la voile, nous passons doucement au large de l'Îlet Cabrits surmonté de son phare, bien contents d'avoir attendu le lever du jour pour slalomer entre les très nombreux casiers de pêche à peine signalés d'une bouteille en plastique. Après la pointe sud de la Martinique, nous lofons au maximum vers la plage de Sainte Anne. Le fameux Rocher du Diamant se dévoile. Un moment plus tard, le mouillage tombe. Nous sommes arrivés. La transat est bouclée. Nous l'avons fait, dix-sept jours et dix-huit heures à la poursuite du Soleil couchant.

30 mars 2024 - 10h22 UTC
Mouillage clair, repos !
Le Rocher du Diamant, vu du mouillage Caritan
Première transat : FAIT !
Mouillage à l'anse Caritan


Quelques heures de sieste plus tard, nous téléphonons à la marina du Marin, qui nous trouve une place. On lèvre l'ancre tranquillement et nous embouquons le chenal de la baie du Marin en répétant le mantra "-Rouge à tribord, rouge à tribord, rouge à tribord...", puisque nous sommes ici en zone de balisage latéral de type B ("Amériques"), où les couleurs vert et rouge sont l'inverse du reste du monde. Ce balisage imposé par les Américains aux zones qu'ils ont occupées (Japon, Philippines, Corée) a fini par être normalisé. Il s'agit donc de veiller à rester dans le chenal, entouré de Cayes où l'on n'a plus beaucoup d'eau. C'est comme pour la conduite à gauche : au début on est très vigilant, puis un jour, on tourne à droite sans prêter suffisamment attention et on se retrouve à contresens... Au bout du chenal, le dinghy de la marina nous attend et nous conduit à notre emplacement. Dans l'étroit chenal, je serre trop les pendilles pour positionner le bateau en marche arrière et notre safran se prend dans l'une d'elles. Le marin de la marina du Marin nous aide à nous sortir de ce piège et nous sommes bientôt amarrés au ponton 8.

A peine une heure plus tard, nous nous offrons un pot au bar Kokoarum. Et qui voyons-nous passer au milieu des tables ? Nos anciens voisins de ponton de Mindelo, l'équipage Clément et Blanche du voilier Appa, accompagnés de leur équipier-bateau-stoppeur Tom. Ces retrouvailles sont joyeuses, tous enthousiastes à raconter nos traversées. Les projets de ces jeunes sont plein de dynamisme, Blanche a déjà trouvé un emploi, Clément de potentiels clients de charter et Tom envisage la suite de son voyage vers le Colombie.

Devant le Club Med de Sainte-Anne
Dans le chenal de la baie du Marin
Marina du Marin - Martinique
Nous mettons systématiquement les gants en manœuvre
Dîner : un peu de viande et de poisson, ça fait longtemps
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31 mars 2024

Nous prenons assez rapidement nos marques : voisins, connaissances, commerces, laverie, shipchandler, restaurants...

D'autres surprises nous attendent pour les prochains jours. Ce sera la prochaine étape.

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Edit - 04 octobre 2024

Ajout de la video

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Bilan numérique

Distance orthodromique entre Mindelo et le point sud de la Martinique : 2080 MN

Distance parcourue (GPS) : 2167,4 MN

Distance odométrique du trajet (loch) : 2186 MN

Durée de la traversée (jusqu'au mouillage de Sainte Anne) : 17 jours et 18 heures, dont 35,3 h au moteur

Meilleures 24 heures : 162.4 MNMeilleures 24 heures : 6,8 ktMax STW 10sec : 7,9 kt

Eau douce : 323 litres (cuisine, vaisselle, lavage des mains, café) + 17 bouteilles de 1,5 litre (boisson) + 30 litres en bidons (douches de cockpit)

Poissons pêchés : 0

Trace Navygatio : ici

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Publié le 1er octobre 2024

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Rencontres et tourisme

31 mars 2024

Le lendemain de notre arrivée en Martinique, nous flânons sur le ponton principal de la marina du Marin, où les sociétés de location amarrent leurs énormes bateaux. Sur les pontons qui leur sont dédiés, en l'espace de cinquante mètres et sur plusieurs rangs flottent des millions d'euros de luxueux catamarans. Note attention est immédiatement captée par la silhouette connue d'un catamaran : c'est un Nautitech 442 nommé Namasté, une magnifique unité que nous avions louée en 2012. Difficile à croire, il est encore en location. On voit qu'il a pris des coups aux étraves mais il est toujours bien entretenu.

Ponton des voiliers de location

Notre curiosité attisée, nous poussons la porte du loueur et demandons des précisions. "-C'est bien le même que vous aviez loué en 2012, il était neuf et venait d'arriver quand vous l'avez pris." Nous lui vantons et il confirme les performances exceptionnelles de ce bateau, que nous n'avons plus jamais retrouvées dans les catamarans loués ultérieurement, alourdis de quatre sanitaires et triples ponts de bains de soleil.

Note place de ponton est plaisante, tout près de la mangrove, pas trop dans le passage des bateaux de location et avec quelques voisins plutôt cordiaux. Dès le deuxième jour, nous lançons la lessive aux machines de la marina du linge de nos dix-sept jours de mer. Ce confort technologique fait un bien fou.

Bateaux de voyage ou de résidence
Tout près de la mangrove
Jour de lessive

4 avril 2024

Small world ! Je regarde machinalement un passant sur notre ponton. Cette silhouette m'évoque une personne que je connais. La connexion neuronale se fait et lorsqu'il passe à l'arrière de notre bateau, je hèle : "-Rémi !". C'est bien lui, un chef de bord connu à la section Voile de Thales, avec lequel nous avons partagé quelques croisières en Manche, notamment aux Scilly's", son épouse Dominique, ex-collègue de travail dans le même centre que moi. Ils sont sur leur bateau, un ponton plus loin, un Via 36 en aluminium, alternant les séjours aux Caraïbes et en métropole. Plusieurs soirées en perspective pour évoquer nos souvenirs communs et raconter chacun nos aventures. Dotés d'une voiture de location longue durée, ils nous invitent à partager les plages de Sainte-Anne, puis la balade pédestre et les plages de Sainte-Luce. La mer est chaude et Liliane s'y plonge enfin sans réticence.

Plage de Sainte-Anne
Plage de Sainte-Anne
Plage de Sainte-Anne

🛠 En parallèle, les travaux reprennent sur Tusitala. Nous attaquons un sujet qui attend depuis deux ans : le ballon d'eau chaude. Dommage en effet d'avoir ce ballon à bord et qu'on ne puisse avoir d'eau chaude quand on a de l'électricité au ponton. Nous avions vainement tenté de réparer l'objet en nettoyant la résistance chauffante, que nous avions eu énormément de mal à démonter. Au passage, j'avais constaté que la puissance de celle qui était installée était bien trop élevée par rapport au modèle de notre ballon ; j'ai acheté une résistance neuve de 500W et il s'agit simplement de la changer. Rien de bien sorcier, juste du temps et la bazar habituel dans la cabine, matelas renversés, trousses à outils, graisse à joint, capots et vis démontés, eau de purge dans les fonds... Il faut faire attention aux branchements électriques, c'est du 220V, on ne plaisante pas avec le raccordement de la masse et la protection des connecteurs. Après plusieurs essais victorieux (ça ne disjoncte plus), nous concluons avec soulagement que ce thème est CLOS ! Nous pouvons enfin bénéficier du confort de l'eau chaude qui coule au robinet, notamment pour la vaisselle, ce qui est plus simple que de la faire chauffer à la bouilloire.

Résistance et joint changés
Tout remonté et branché (220V)

7 avril 2024

Plein d'émotion à retrouver nos amis martiniquais au Cap Chevallier. Je les ai connus au vingtième siècle, lorsque mes parents ont monté une exploitation agricole dans les environs et nos familles ont conservé des liens d'amitiés solides. Je m'étais promis de revenir ici avec mon voilier et cela a pris bien plus de temps qu'imaginé à ce moment. Ils ont maintenant respectivement quatre-vingt-quatorze et quatre-vingt-sept ans. Leur fils Eric, grand pêcheur sportif, était un gamin, et il approche maintenant de l'âge de la retraite. Liliane et moi les avions rencontrés en 2012, lors d'un séjour-croisière en catamaran de location (celui cité ci-dessus) et nous avions partagé de fameuses baignades et ti'punch face à l'Îlet Chevallier.

Îlet Chevallier
Territoire perdu
Passe d'entrée de la Baie des Anglais
Un détour par la mangrove
Dans la mangrove avec les crabes blancs
Cours de jardinage
Avec Lucien et Nicole

Eric rigole en entendant mon histoire de ligne de 60/100 et de mon bas de ligne en tresse inox gaînée. Il me donne plein de conseils pour la suite de mes pêches. Il me montre un hameçon ; énorme ! "-Mais bien sûr qu'il va avaler cette taille. Si tu mets des petits, ça va le déchirer." Tout en se moquant un peu de moi : "-Tu n'as rien attrapé (wièn atwapé) dans tout l'Atlantique et tu penses que tu vas prendre une dowad entre les îles !". Je les aime ces gens spontanés et rieurs.

Une courte balade à pieds jusqu'à la Baie des Anglais, mouillage isolé entouré de mangrove, avec un passage, répertorié mais non balisé, entre les récifs coraliens et un banc de sable à un mètre soixante-dix à marée basse. On pourrait y venir avec notre bateau, mais ça se réfléchit. C'est l'heure des au revoir dans le jour déclinant.

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8 avril 2024

Profitant de la location de voiture, nous partons visiter le magnifique Jardin de Balata qui, à lui seul justifierait le surnom de Madinina, île aux fleurs, de la Martinique. Tout autant que le lieu est intéressante l'histoire de son créateur Jean-Philippe Thoze, aventurier voyageur revenu au pays de son enfance pour y créer cet espace arboré, fruit de son expérience d'architecte paysagiste.

Les lecteurs voudront bien pardonner l'avalanche incontinente de photos souvenirs, malgré un tri sévère.

Jardins de Balata
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Les vacances et leurs devoirs

Dans les jours qui suivent, nous alternons journée de "vacances" avec journées de travaux à bord ; curieux de parler de vacances quand on est retraité ! La todolist n'a pas désempli ; ce sont maintenant de moindres réparations ou améliorations et aucune ligne ne serait susceptible de nous empêcher de naviguer. Une litanie de défauts à fixer comme disent les Anglais, avec ce joli terme qui me fait inévitablement penser à de la gomme à fixer.

Avec nos amis Dominique et Rémi, nous passons quelques heures sur les plages de Sainte-Luce et de Sainte-Anne. Ces parcours côtiers sont aussi l'occasion de repérer les possibilités de mouillages forains. Pour plus tard.

Chemin côtier et plages de Sainte-Luce
Another Day in Paradise
Avec nos amis Dominique et Rémi
Mouillage devant Sainte-Luce, mais le clapot ne donne pas envie

11 avril 2024

Les prochains jours nous réservent d'intenses chaleurs. En fin de mois, le Soleil passera au zénith de la Martinique, qui se trouve vers 14,5° de latitude (déclinaison du Soleil 14,6° le 30 avril). Ensuite, la trajectoire du Soleil va encore progresser un peu vers le nord jusqu'à 23,4° au solstice de juin (étrange, on le verra un peu à notre nord à midi !), puis revenir vers le sud et passer à nouveau au zénith de notre latitude. Bref, il va faire très chaud.

Nous installons le taud de pointe avant retaillé par la voilerie de la marina. Nous avions défini ses dimensions à l'arrache et commandé sa confection à Las Palmas. Ici nous avons pris le temps de bien mesurer les longueurs nécessaires, permettant de ménager un passage vers l'avant, et d'abriter la cabine avant de l'intense soleil et des grains ; puis de faire recouper l'excédent de tissu et ajouter des œillets inox. Je complète par du matelotage pour réaliser des tendeurs pratiques à installer. Son ombre fait baisser immédiatement la température intérieure, conformément à ce que prévoit la théorie du corps noir. En métropole, nos enfants peinent à apprécier la fraîcheur persistante du printemps tardif.

Avec tous les accessoires sortis des coffres, tauds, seaux, manche à eau, table et coussins de cockpit, le bateau commence à ressembler à une caravane comme on en trouve l'été dans les campings du sud de la France, à part le barbecue que nos expériences antérieures nous ont fait bannir. Nous sommes clairement en voie de tropicalisation, terme auto-explicatif, qui peut être péjoratif par ici, lorsqu'il désigne quelqu'un dont le bateau est devenu limite navigable et dont on sent vaguement qu'il ne repartira plus.

12 avril 2024

Les nouvelles annoncent la victoire de Pen Duick VI, l'ancien bateau d'Eric Tabarly, dans la quatrième étape de l’Ocean Globe Race, avec sa fille Marie Tabarly comme chef de bord. Moi qui avais passé l'été 1976 sur la plage de Nice à attendre les résultats de la Transat anglaise, où Tabarly père avait mené à la victoire en solitaire ce bateau taillé pour un équipage de douze personnes, je jubile à l'idée que ce ketch puissant puisse encore être à la hauteur des courses internationales autour du monde. Bravo Marie !

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Comme à chaque fin de croisière, Liliane inspecte rituellement les fonds sous les réservoirs d'eau douce. Et il y a encore de l'eau dans les coffres, malgré les rustines ajoutées depuis des mois. Juste cinq litres, rien de grave après dix-sept jours de traversée, mais ras le bol de ce problème récurrent ! En fouinant dans le site web de l'association des RM, je tombe sur le message d'un autre propriétaire qui montre que le nouveau réservoir rigide de Osculati entre "au millimètre" dans le coffre du RM1060. Je me documente, je mesure plusieurs fois, fais un petit plan, réfléchis à la nouvelle circulation des tuyaux que cela imposerait, soupèse les difficultés de cette évolution, qui sont forcément là où on ne les attend pas. Au bout de plusieurs jours, je me décide et je passe la commande en ligne chez un distributeur en métropole. Le commercial me rappelle le lendemain ; je dois acheter l'objet en hors-taxes, payer les frais d'envoi en Colissimo international (145€, réduits à 100€ par un geste commercial). Nous attendons le colis, espérant le meilleur et nous préparant au pire. Et le meilleur arrive : le lendemain matin, le colis quitte Roissy ; au bout de deux jours, la douane de Martinique nous envoie un message pour payer les taxes d'octroi de mer et la TVA réduite (total environ 20%), je paie immédiatement en ligne, et dès le lendemain le colis est annoncé au bureau de La Poste de la marina, pour un total de trois jours calendaires. Le meilleur, je vous dis ! Pour information, le devis d'un shipchandler local pour le même objet se montait à 280€ de frais d'expédition et deux mois de délais !

🛠Nous installons le nouveau réservoir. Les difficultés s'avèrent :

Primo, le réservoir qui entre au millimètre nécessite de limer un tasseau. Heureusement, j'ai apporté dans les outils un petit rabot qui permet d'accélérer le travail et de faire une surface lisse et droite. Je sue à grosses gouttes dans la moite chaleur du carré.

Secundo, les ouvertures des nouveaux accès au réservoir (remplissage, puisage) tombent face à une cloison. Je dois rehausser le réservoir pour pouvoir faire un trou dans la cloison assez loin de la coque. Pour cela nous cherchons dans tout le sud de la Martinique des panneaux de polystyrène extrudé (Styrodur). Nous avons arpenté tous les brico-trucs et magasins de bâti-matériaux de la Martinique sans en trouver. Nous nous sommes donc rabattus à contre-coeur sur du PVC expansé (e.g. Forex, Komacel), qui se travaille très bien, mais est plus cher et plus lourd. Encore deux jours à découper et perforer ces plaques, ainsi qu'à réaliser des cales.

Tertio, il faut bloquer soigneusement le réservoir. Je veux éviter de faire de nouveaux trous. Je réalise donc des estropes en Dyneema passées dans les anciens trous utilisés pour les réservoirs souples ; et j'ajoute une sangle de tension.

Quatro, on ne pourra plus passer la main dessous pour savoir s'il y a de l'eau stagnante. Je perce la cloison au fond du coffre pour que l'eau éventuelle dégueule dans les fonds où l'on peut accéder en soulevant le plancher. Percer, et ensuite mettre un petit tube enduit d'epoxy pour éviter que l'eau pénètre dans la cloison elle-même. Ça tombe bien, j'avais des chutes de tubes en carbone.

Quinto, les raccords de plomberie disponibles en boutiques ont un diamètre différent de celui des tuyaux d'origine. J'aurais pu tout commander en ligne, mais cela aurait supposé de projeter exactement la totalité de l'installation avant de commander, ce qui m'aurait pris plusieurs jours de réflexion. Donc j'improvise un mécano de tuyaux, en faisant de multiples allers-retours aux boutiques, en allant ensuite me faire rembourser les raccords non utilisés. Rien de bien sorcier, mais ça prend un temps fou.

Sexto, il faut ajouter un évent pour que le réservoir rigide puisse se remplir d'air par le haut quand on pompe l'eau par le bas, contrairement aux réservoirs souples qui s'aplatissent. Un instant je propose de laisser l'évent ouvert sur un tuyau fixé en haut de l'équipet à vêtements de Liliane. Mais la perspective qu'un débordement d'eau inonde son équipet ne lui plaît pas vraiment. J'envisage dont de percer un trou dans la coque, le plus haut possible au-dessus de la ligne de flottaison, juste sous le liston. Je cherche longtemps un évent qui dispose d'une petite grille pour éviter que les insectes n'entrent pas ce trou. Je finis par en trouver un en téléphonant, selon la méthode préférée de Liliane puis en me faisant accompagner en voiture par notre amie Dominique. La mort dans l'âme, je perce ce trou supplémentaire dans notre coque et l'enduis abondamment de silicone.

Septo, après la première sortie en mer au près, on s'aperçoit que le réservoir bouge un peu. Un peu, c'est trop ! Les sangles n'ont pas une rigidité suffisante pour maintenir un si gros volume. Cent litres, soit cent kilos de ballant latéral lorsque le bateau gite sur bâbord et tape dans la houle. Il faut aller jusqu'à la zone du chantier pour acheter chez le menuisier marine un solide tasseau. Pour le coup, il me vend un superbe morceau de bois exotique imputrescible et très dur. Il faut tout redémonter et visser ce support dans les cloisons. Je ne pense même pas à faire une photo finale tellement nous avons hâte de refermer les coffres.

Au total, il faut plus d'une semaine pour venir à bout de l'installation. Je sais maintenant que si le réservoir de tribord donne les mêmes signes de fuites, je choisirai de le remplacer par un rigide.

Ancien réservoir souple
Nouveau réservoir rigide
Au chausse-pied !
Plaque de PVC expansé (Komacel ou Forex)
L'évent nouveau
Tuyau de mise à l'air libre
Contorsionniste, un métier oublié
Du bien beau tasseau pour caler le réservoir

Parmi les travaux figure la mise au point des moustiquaires. Thème peu prioritaire en Bretagne nord, il devient maintenant important d'imposer à ces pénibles hexapodes de rester hors du bateau. Ils sont très discrets, malgré la mangrove toute proche, mais Liliane fait l'objet d'attaques aussi sournoises que nocturnes. Un moment, nous pensons être sauvés quand nous découvrons un mabouya collé à la cloison, espérant qu'il est insectivore. Nous décidons de le laisser faire sa vie à l'intérieur du bateau, j'envisage même d'installer une colonie d'araignées, idée que Liliane désapprouve. Il apparaît vite que nos moustiquaires existantes se verrouillant mal aux panneau ouvrants, que certains hublots n'en ont pas été dotés par le précédent propriétaire et que les effets prédateurs espérés du mabouya tardent à se faire sentir. Primo, rendre opérationnelles celles qui existent : dévissage des ergots de fixation, ajout de rondelles d'épaisseur adéquates, ça finit par fonctionner. Munis des références du hublot de notre cabine, nous cherchons vainement la moustiquaire adaptée, introuvable dans les shipchandlers du Marin. Liliane improvise un rideau de fin foulard qui remplit l'objectif mais obture un peu l'arrivée d'air. Le piquant sujet reste "ouvert".

Mabouya à bord
Délicieuses bananes plantains
Thon, cadeau de notre voisine
On s'embourgeoise
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19 avril 2024

A l'occasion de démarches utilitaires, nous redécouvrons avec plaisir le centre-ville de Fort-de-France.

Fort-de-France
Mouillage Baie des Flamands

Entre deux courses chez Bricorama et Batimat, nous casons la visite de l'Habitation Clément, ancien lieu de production du rhum éponyme. Comme le jardin de Balata, c'est un espace vaste et paisible, où il fait bon flâner, découvrir les sculptures éparses, apprendre l'histoire et la technique du travail de la canne à sucre, s'étonner des anciennes broyeuses à courroie, se laisser hypnotiser au tapis de l'embouteillage, humer la part des anges aux chais de rhum vieux, finalement déguster une lampée et céder à la tentation de l'achat de l'un d'eux.

22-23 avril 2024

On a parfois du mal à expliquer comment passe le temps dans notre situation. Outre les occupations déjà décrites, nous avons des relations sociales de voisinage qui occupent du temps sous forme de discussions apéritives, entraides ponctuelles.

Philippe, qui a construit lui-même son Ti Scow
Aide au déplacement de Ajoupa
Chez Vivi, notre sympathique voisine

Damien, Fannie et Ananda sont des navigateurs que nous avions rencontrés à Madère. Damien était monté à notre mât décoincer l'émerillon de génois avant que nous partions en chantier de rénovation du gréement. Eux sont passés par le Brésil et revenus via Tobago aux Antilles, où nous les avons retrouvés par hasard à la sortie des douches. Ils ont quelques soucis techniques à régler, le dernier étant d'avoir perdu l'hélice au moment de la prise de mouillage. Ils ont juste eu le temps de laisser tomber l'ancre et d'immobiliser le navire.

Bloc à regonfler
Dessin de reportage de Ananda

Damien vient me chercher en annexe avec mon matériel de plongée et nous retournons à leur bateau au mouillage . Je m'équipe et je plonge sous le bateau en suivant la chaîne d'ancre. Damien me suit en surface en annexe et balise ma présence par sécurité avec une bouée orange. Sous l'eau, la visibilité est très mauvaise, à peine deux mètres. Je suis la chaîne dans six mètres de fond. Puis elle s'enfonce dans la vase. Je tente de l'extraire pour la suivre encore, mais cela soulève un nuage de particules. J'avance un peu, dans la direction approximative de l'ancre. Je me retourne pour tenter de retrouver la chaîne, c'est pire, la visibilité tombe à moins de cinquante centimètres. Je progresse un peu au hasard. Au bout d'un moment, je sens une traction sur le bout qui me relie à Damien. Je fais surface et Damien me repositionne vers l'endroit où il pense plus probable que se trouve l'hélice. Je plonge à nouveau. Pas d'hélice, hélas ! Encore quelques tentatives, mais la recherche reste infructueuse. Je suis déçu de ne pas avoir pu aider cet équipage amical. De retour au bateau, Ananda m'offre un dessin qui représente ma plongée, avec plein de couleurs joyeuses et des détails attachants. Il a croqué ça en mode photo-journaliste.

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29 avril 2024

Tourisme : balade routière vers la Montagne Pelée, toute enveloppée de nuages épais.

Zone de mouillage à Fort-de-France
Lunette à l'abandon
Des Faisceaux Hertziens, de la 4G, des Grandes Ondes...

Retour en passant par le surprenant tombolo de Sainte-Marie. On entend souvent : il faut demander aux gens du coin. Bon, en l'occurrence, des "gens-du-coin" nous avaient certifié que le tombolo n'était pas présent en cette saison, ce qui était plausible puisque cette mince bande se sable émergé est l'œuvre des courants saisonniers.

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30 avril 2024

Tourisme : balade routière au Diamant, Anses d'Arlet et Trois Îlets. En passant par les divers points de vue, il est pratique de repérer et évaluer les mouillages de la côte. Plusieurs nous attirent et nous nous promettons d'y revenir avec Tusitala.

Le célèbre Rocher du Diamant
Trois-Îlets
Anse Mitan
Pointe du Bout
Trois-îlets
Mouillage des Trois-Îlets

01/05/2024

Nous revoyons avec plaisir Romain et Kilian, deux bateaux-stoppeurs rencontrés à Las Palmas. Nous les avons encouragés de notre mieux dans leurs moments difficiles de recherche d'un embarquement. Finalement ils sont parvenus en Martinique. Romain s'est ensuite posé et a relevé le défi inédit de traverser à la nage le détroit entre Marie-Galante et le Guadeloupe. Kilian faisait partie de l'équipe de sécurité et l'a suivi en canoë, ce qui en soi n'est déjà pas anodin. Cet exploit de natation a fait l'objet d'une diffusion d'actualité télévisée locale.

Avec Kilian et Romain
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02 mai 2024

Naviguer, à nouveau...

Nous succombons à l'invitation de nos amis navigateurs Rémi et Dominique. Ils viennent de changer intégralement le gréement de leur bateau Ajoupa, et ont l'intention de l'étrenner par une petite navigation jusqu'aux Anses d'Arlet. Nous sommes assez contents de quitter le confort doux du ponton pour aller passer une nuit au mouillage.

Cette navigation de quatre heures au portant est facile dans l'air chaud. Nous laissons même le bimini en place, histoire de nous habituer à le conserver en navigation, indispensable appendice de protection du soleil violent. Quelques rafales à vingt-trois nœuds au passage du goulet entre le Rocher du Diamant et la côte nous confirment qu'il est bien étarqué et solide. C'est l'occasion de tester des configurations que je n'ai pas utilisées en transat : le Code D au vent arrière avec l'écoute qui passe dans un anneau lisse en bout de bôme (sans grand-voile). Et bien ça ne fonctionne définitivement pas. Le Code D refuse de se gonfler et bat. Je le rentre pour économiser sa fine toile. Flemme de hisser la grand-voile pour les quelques milles restant, nous finissons avec génois et trinquette en ciseau. Cette dernière tenue au point d'écoute en bout de bôme. Ça fonctionne bien.

Il y a beaucoup de bateaux déjà mouillés, mais Grande Anse est... grande. Nous ancrons à proximité du bateau de nos amis. Nous allons aussi chercher en annexe au ponton un autre couple ami pour partager le déjeuner. Ensuite le programme de baignades dans l'eau à vingt-sept degrés, avec quelques tortues qui sortent respirer aux alentours.

03 mai 2024

Nous sommes réunis dans le carré de Tusitala quand un pneumatique de la marina de Grande Anse se pointe à l'arrière. Je sors les saluer. L'employé m'explique que Grande Anse est interdite au mouillage par arrêté préfectoral et que les quelques bouées sont également interdites jusqu'en juillet pour réparation. Un peu étonné : "-Alors tous les bateaux là (geste ample de la main) sont aussi en infraction ? -Oui, nous prenons les noms des bateaux et les communiquons aux Autorités." Dans ce cas, rien ne sert de discuter, ils font juste leur boulot quotidien. Je l'informe que nous allons quitter le mouillage. Ils ont juridiquement raison, mais qui consulte les arrêtés préfectoraux en mer ? "-C'est indiqué sur Navily, me dit-il". Je n'insiste pas mais intérieurement je me questionne : "-Ah bon ? l'application mobile Navily fait maintenant partie des moyens officiels de communication étatique ?". Plus tard, je vérifierai : les arrêtés de la Préfecture Maritime sont retranscrits sous forme d'AVURNAV (Avis Urgents aux Navigateurs) par le SHOM sur les serveurs publics de la Plateforme Nationale de l'Information Nautique (PING) et diffusés en VHF à la suite des bulletins météo. Les navigateurs que nous sommes n'ont donc aucune excuse à méconnaître ces arrêtés.

Ça n'empêche pas de trouver matière à râler un peu : c'est une des pathologies du monde contemporain. Interdire. Officiellement pour protéger le fond de sable des ancres des plaisanciers, les autorités maritimes installent des corps-morts et des bouées, payantes évidemment. Pourquoi pas, nous sommes d'accord pour payer la nuitée sur bouée, à condition qu'il y ait un véritable service d'entretien, un ponton à annexes et qu'il y en ait suffisamment pour accueillir les navires de passage comme nous et que les bouées ne soient pas squattées par des bateaux ventouses à l'année. En l'occurrence, nous avons du mal à trouver sur le plan d'eau les soixante bouées supposées déjà présentes. On en compte difficilement une dizaine. On imagine mal comment les quelques commerces de bars et restaurants de cette petite bourgade vont survivre à la disparition des plaisanciers.

Nous quittons effectivement le mouillage dans la matinée. Après un aller au portant, le retour vers le Marin se fait logiquement au près serré. C'est l'occasion de faire une route bord à bord avec Ajoupa pour photographier mutuellement nos yotes (alors que yacht, qui n'est pas un mot anglais, devrait normalement se prononcer yak). Après ces bons procédés, nos routes divergent, Ajoupa préférant rester près de la côte et nous tracer un bord vers le large, dans l'idée que peut-être nous allons finir la journée au mouillage face à la plage de Sainte-Anne.

Départ de Grande Anse
Ajoupa

Après ce long bord qui nous amène en pleine mer, c'est un plaisir que de calculer à la table à carte le point de virement optimal pour tomber en un seul bord sur la plage de Sainte-Anne. Tusitala sur mer plate par vent modéré fait environ 110° d'un bord sur l'autre. Une performance honnête pour un bateau de croisière bi-quille et bien chargé. Ça fonctionne, le vent se maintient et nous revenons effectivement au point visé. Nous allons mouiller face au bourg après une vacation radio avec Ajoupa pour leur indiquer notre décision. Quelques heures plus tard, nous entrevoyons la silhouette d'un RM arrivant au mouillage dans le soleil déclinant. La couleur de la coque et le gréement ne laissent pas de doute, c'est bien Vitruve qui sort probablement de son difficile chantier. Nous contactons son sympathique équipage Damien, Fannie et Ananda, pour envisager de partager un repas.

Liliane et moi profitons abondamment de la baignade autour du bateau. Les tortues ne sont pas aux alentours à ce moment. J'en profite pour aller jeter un coup d'œil au mouillage, voir comment l'ancre tient. La Spade ne déçoit pas, elle est profondément enfouie dans le sable, tout comme hier à Grande Anse. Rassurant.

Damien de Vitruve passe nous voir en annexe. Il a l'œil impitoyable et voit immédiatement les défauts sur notre bateau : débuts de corrosion, erreurs, traces, manques... Je profite de sa grande expérience pour lui indiquer l'entrée d'eau sur le panneau plexi panoramique. Nous en discutons un peu, rien de plus, autour d'un apéro improvisé.

04 mai 2024

Baignade le matin. Puis c'est notre tour d'aller sur Vitruve pour un repas partagé. Baignade l'après-midi, puis retour au ponton avec Tusitala.

Depuis deux jours, à chaque baignade, nous profitons de notre capital eau du bord pour une douche. Une douceur du soir. On apprécie de pouvoir emporter autant d'eau.

07/05/2024

On compte au moins six RM dans la zone du Marin et Sainte-Anne (trois RM1050, un 1060, un 1070+ et un 1250). Il y a toujours ce regard complice entre propriétaires de ces bateaux et ce plaisir de comparer les aménagements, les astuces et améliorations de chacun ; chacun repartant avec la ferme conviction qu'il détient le modèle optimal.

L'équipage de Vitruve passe nous voir avec une surprise : Ananda a monté un petit spectacle qu'il souhaite jouer devant nous dans le carré. Un petit décor fait de contre-plaqué et de carrés de carton peints. C'est sa deuxième présentation et il a le trac. Il s'en sort très bien à nous raconter une charmante histoire de volcan, inspirée par l'éruption de La Palma en février 2020 ; nous admirons et félicitons sa mise en scène, sa diction, sa prestation.

Décor, scénario et interprétation sont de Ananda

🛠 Damien ne perd pas le nord, il retourne voir le joint du plexi. Il soulève doucement de l'intérieur et trouve immédiatement l'entrée fautive où le joint ne tient plus. Voilà ! On avance dans le diagnostic et moi dans la connaissance de ce qu'on peut faire à un panneau plexi. Deux solutions : soit on colmate localement, soit on décolle complètement le panneau, nettoyer et refaire un joint complet. Pour lui ce ne serait pas une grosse difficulté de tout refaire, pour moi, c'est une grosse hésitation, de peur de remplacer un petit problème par un grand.

Finalement, quelques jours après, nous décidons de faire une réparation provisoire en bourrant la fente de silicone marin. Ça prend une paire d'heures et il faut laisser polymériser vingt-quatre heures. Quelques jours plus tard, en faisant un lavage du pont, nous constatons que la fuite est bien moindre, mais qu'une goutte perle encore sous le plexi. Il faudra remettre l'ouvrage sur le métier...

🛠 Damien m'instruit également sur la réparation de l'annexe. Depuis quelques temps, elle se remplit de plus en plus à chaque trajet, ce qui en soi ne constitue pas un danger mais le désagrément d'avoir nos pieds, nos chaussures et nos sacs trempés à l'eau salée. "Il faut une colle PVC bi-composants", dit-il. Dont acte, je me la procure chez La Survy, spécialiste de la réparation des annexes au Marin, et Damien passe du temps à me montrer comment décoller, nettoyer et recoller proprement la bande de PVC qui joint le tableau arrière au fond, à l'intérieur. Je m'applique pour coller sur son modèle une bande neuve à l'extérieur. L'aspect de la réparation est très convaincant, il faudra tester le résultat à l'eau plus tard. Intérieurement, je me dis "- Au prix de cette colle, j'espère qu'elle tient ses promesses !".

🛠Liliane en profite pour nous faire un superbe marquage "AXE TUSITALA" à la peinture rouge, remplaçant les lettres auto-collantes qui se décollent au fur et à mesure des dégonflages et pliages de l'annexe. Elle utilise ce qu'il reste de ces lettres comme pochoir de peinture en négatif.

Réparation joint du capot plexi avant
Enduction à la colle PVC bi-composants
Levée de rideau...
... et voilà le travail !

Il s'ajoute quelques travaux de menues réparations : recoller à l'époxy un capot de la pompe de cale, repercer et combler à l'époxy des trous de vis de la charnière du capot du Bib, remplacer des anneaux brisés de mousqueton par des tirettes matelotées, détartrer les canalisations du WC à l'acide muriatique...

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Depuis plusieurs jours, nous envisageons sérieusement la poursuite de notre voyage. Destination le sud, avec l'intention de laisser le bateau du côté de Grenade ou Trinidad pendant la saison cyclonique, refaire l'anti-fouling et en profiter pour retourner voir nos familles en métropole. Nous entamons l'étude des mouillages, des marinas, des chantiers et des capacités de retour en France ; lecture de guides et d'internet ; demandes de devis ; un coup d'œil sur les formalités d'accueil, oups ! le passeport doit avoir une validité de six mois au moins après la date de séjour à Grenade. Six mois ? Six mois ! Flûte, celui de Liliane serait valide pendant le séjour, mais il n'aurait pas ce crédit de six mois. En comptant sur une certaine langueur tropicale, cela pourrait peut-être passer, mais non, on ne va pas plaisanter avec la police des frontières. Changement de programme : nous resterons dans les pays qui ont des exigences moindres sur les passeports. Nous commençons à chercher une autre villégiature estivale pour Tusitala. Un dicton énonce : "les plans des navigateurs sont écrits sur du sable à marée basse".

En attendant la date de notre départ en métropole, approximativement fixée vers fin juin, nous décidons de nous offrir de vraies "vacances", c'est-à-dire profiter des Antilles en oubliant les travaux, les utilités et en favorisant la navigation côtière, les mouillages repérés d'avance et un peu de farniente.

Sérénité avant de nouvelles navigations


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Publié le 1er octobre 2024

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[Récit publié en décalage de trois mois par rapport aux évènements ! Tempus fugit énormément...]

Des vacances

Privés pour le moment de notre projet de descente à Grenade, nous optons pour une boucle dans l'archipel de Guadeloupe. Déjà visité à l'occasion d'une location en catamaran en 2014, nous étions restés un peu frustrés par l'obligation de progresser chaque jour, nécessité imposée par la date couperet de restitution du navire loué, la pression des réservations de retour, etc.

Après les semaines passées au Marin, encore émaillées de travaux, nous décidons que les prochaines seront entièrement dédiées aux loisirs. De vraies vacances sont au programme, avec une furieuse envie d'exploration des mouillages, de baignades, de flânerie et de contemplation. Une autre motivation me pousse : rompre enfin l'infernal silence de la terre, où il manque le bruit du vent dans le gréement, l'écume des crêtes qui brisent à proximité, le chuintement de l'eau contre la coque et les incessantes manifestations des objets du bord réputés inanimés .

Au sujet du mot "vacances", j'ai toujours trouvé regrettable que ce mot rattache ce moment de loisirs au fait que l'on laisse son poste et son bureau "vacants", c'est à dire d'exposer négativement une absence, quasiment un abandon, une désertion, une faute, au lieu de considérer la période qui s'ensuit comme permettant de "vaquer" et donc de l'écrire avec une joyeuse positivité "vaquances". Ceux qui on ainsi nommé ce moment ne l'approuvaient probablement pas.

Vaquons donc ! Vagabondons même, puisque le temps n'est plus compté. Nous envisageons de nous balader un mois de mouillage en mouillage, en espérant entre-temps obtenir une place au Marin pendant la saison des pluies.

 Martinique, Guadeloupe, Dominica et retour au Marin
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Mouillages sous le vent de Madinina

14 mai 2024 - Anse Chaudière

Après avoir fait le plein de carburant, gaz et eau, nous prenons le chenal de sortie du Cul-de-Sac du Marin un beau matin. Nous apercevons Romain sur un paddle, continuant avec persévérance la quête d'un nouvel embarquement. Un petit crochet pour le saluer, puis nous filons.

Il est toujours bon de commencer une croisière par une petite étape. Prenant acte de l'interdiction de mouiller aux Anses d'Arlet, qui nous avait été notifiée par le personnel de Grande Anse, nous visons la plus proche : l'anse Chaudière.

Nous connaissons déjà le trajet par la Passe de Fous, entre l'île principale et le Rocher du Diamant ; néanmoins nous souscrivons à l'émotion de passer près de ce gigantesque roc planté en pleine mer d'où des morceaux d'Histoire nous contemplent : les Anglais y ont résisté dix-sept mois aux assauts des Français, pour finir par une honorable reddition, après les effusions de sang coutumières.

Juste après ce passage, à l'approche de l'Anse Chaudière, nous nous attendons à voir une forêt de mâts digne de la Côte d'Azur. Surprise ! il n'y a que trois bateaux. Nous prenons prestement une place à l'ancre et nous nous jetons à l'eau conformément au planning des vacances. Sous ces latitudes, il est facile de prendre un masque et d'aller inspecter comment s'est posée l'ancre au fond, une pratique que les courants et la température de Bretagne nord rendent moins attirante. Je me réjouis de la voir impeccablement plantée dans le sable, la chaîne bien étalée, grâce à une manœuvre dont la perfection pourrait écorner notre modestie. Profitons-en, car nul ne doute que nous en raterons un de ces jours.

Ponton carburants
Namasté, nos routes se croisent encore
Romain, inlassable bateau-stoppeur
Gaffe : vert à tribord en sortant !
Contournable Rocher du Diamant
Baignade à Anse Chaudière
Anse Chaudière

15 mai 2024 - Trois-îlets

Avec le vent d'est, il faut plusieurs bords de près pour entrer au fond de la baie de Fort-de-France. J'aime les gros cargos mouillés en plein milieu, cela ajoute un petite jeu de navigation à la table à carte pour les passer sans perdre dans le vent tout en évitant de se trouver trop près d'eux au vent, pour le cas où on raterait un virement.

Départ : que c'est bon de mettre le bateau en marche !
Les Anses d'Arlet
Petit repérage à la Pointe du Bout
Baie de Fort-de-France
Surveiller la profondeur

Nous profitons de notre temps disponible pour visiter en bateau les beaux mouillages aperçus en voiture. Les chenaux entre les trois îlets de Trois-Îlets sont un peu envasés. On faut de peu s'échouer. Finalement nous mouillons sur ancre dans cet endroit assez paisible, à part les quelques navettes de jour qui relient Fort-de-France.

Pour la première fois, nous hissons à l'arrière le taud triangulaire, afin de nous abriter du soleil puissant.

Les yoles à l'entraînement
Bien serrer la bouée verte, le chenal est exactement là
Vers Le Lamentin

16 mai 2024 - Saint-Pierre

Un belle journée de navigation entre la baie de Fort-de-France et Saint-Pierre. Néanmoins, la montée vers le nord de la Martinique nous amène sous le dévent de ses hautes montagnes, et en particulier la Montage Pelée. Nous tentons un bord assez au large pour retrouver du vent. Ça marche un peu et nous revenons doucement vers la côte à la voile, ce qui est bien plaisant.

Yole à l'entraînement dès le marin
En route vers le nord de la Martinique

La zone devant la plage de Saint-Pierre est équipée de bouées. On a le droit de mouiller son ancre, mais les fonds descendent très vite à cet endroit et nous préférons dormir tranquilles. Une rapide inspection de l'installation sous l'eau est très rassurante. Les chaînes sont considérablement dimensionnées ainsi que les blocs de béton posés sur le sable. De plus, le montage est intelligemment réparti pour que les chaînes soient bien tendues à l'endroit des bouées et que les bateaux aient un petit cercle d'évitement. Ce détail s'avère d'importance, parce que nous ne cesserons de tourner autour de la bouée en fonction des vents capricieux, mélanges de brise thermiques et d'alizé en fonction de l'heure du jour et de la nuit.

Mouillage à Saint-Pierre. Avant à la plage...
...arrière à la plage
2 h du mat'. Liliane ne dort pas tellement c'est beau

17 mai 2024

"Il n'y a pas grand chose à voir à Saint-Pierre" dit le grincheux. Pourtant, nous aimons le charme suranné de ses rues et ses façades.

Nous passons aussi faire quelques provisions et un petit tour en pharmacie avec carte Vitale.

Nous faisons aussi un complément de remplissage des réservoirs d'eau. En attendant que le service d'avitaillement par une barge directement au mouillage soit opérationnel, la Capitainerie met à disposition un robinet, et l'eau est gratuite. Mais ça ne durera pas. Quelques allers-retours de bidons en annexe permettent d'ajouter une soixantaine de litres.

Une zone de mouillage fort bien organisée
Porte de la cathédrale
La beauté est offerte dans le prix de la nuitée
Façades inanimées, avez-vous donc une âme ? 
On ne s'en lasse pas

Et comme nous ne sommes pas pressés, nous passerons une seconde journée entière à cet endroit paisible.

18 mai 2024

Nous visons un atterrissage aux Saintes ; le routage prévoit une navigation d'une quinzaine d'heures depuis Saint-Pierre. Trop long pour tenter de le faire de jour, avec un risque d'arriver au mouillage après le coucher du soleil ; pas envie non plus de partir en milieu de nuit pour assurer une arrivée de jour. Nous préparons donc un départ en fin de journée, au jour déclinant et nous ferons le trajet de nuit pour arriver le matin, avec une marge de plusieurs heures en cas de problème. Je trouve ça plus tranquille pour l'esprit, sinon pour le sommeil.

Saint-Pierre est le dernier port avant les eaux internationales que l'on va traverser, même si c'est pour revenir ensuite en territoire français de Guadeloupe. La clearance de sortie du territoire français est donc obligatoire. C'est comme ça. Il est assez pratique de remplir les formulaires tranquillement sur le site web marina-martinique et d'aller juste à la Capitainerie, puis de récupérer le papier en papier signé par la Capitainerie. Je suis étonné d'avoir rencontré un navigateur qui affirme (ou se vante, je ne sais pas) qu'il ne fait jamais aucune clearance, "parce que tout le monde s'en fout et personne ne vérifie". Oui, bon, considérant les tracas que peut causer un douanier vexé, je ne comprends pas ce choix. J'adopte plutôt une vision pascalienne de ce pari et je souscris docilement aux formalités administratives. Comme tout dévot, je finis même par aimer les formalités en me disant qu'elles font partie du voyage.

Avant de partir, nous prenons soin d'approvisionner des fruits frais.


De retour au bateau, une dernière douche et nous choisissons de partir un peu avant le coucher du soleil, de façon à arriver en Guadeloupe en début de journée. Tusitala glisse dans la douceur du soir le long de la côte. Au bout de la pointe nord de la Martinique, nous retrouvons l'Océan.

Liliane largue la bouée dans le soleil couchant
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Navigation de nuit de Madinina à Karukera

19 mai 2024

Madinina est le nom historique de la Martinique, devenu plus récemment "île aux fleurs". Karukera celui de la Guadeloupe : l'île aux belles eaux en langue caraïbe.

La route directe vers les Saintes passe sous le vent de la Dominique. Le vent assez léger au départ disparaît complètement dans la nuit sous le vent des hautes montagnes de l'île. Cette côte est très sombre, à la fois du point de vue nautique, car on y trouve très peu de repères (merci la constellation GPS) et du point de vue des habitations ; à part les deux principales villes Roseau et Portsmouth, la zone côtière et les vallées sont presque complètement noires.

Nous passons quelques heures au moteur avant de retrouver le vent, au lever du jour, au débouché nord de la Dominique, dans le canal qui la sépare des Saintes. A cet endroit je craignais un fort effet Venturi, mais il ne se produit pas, l'alizé est très modéré en ce moment. Nous progressons sous voiles hautes, au près serré pour arriver si possible en un seul bord sur le côté Est de Terre-de-Haut et abattre ensuite au portant pour entrer dans les zones de mouillage. Ce n'est pas un gros enjeu, mais juste le soucis de faire "du beau" sur la mer, seule réelle justification de l'utilisation d'un voilier. Le plaisir aussi de tracer '"du propre" sur la carte électronique, un peu comme une belle trace en poudreuse.

Approche des Saintes par le sud-est
Terre-de-Bas, mouillage de Grand Bourg

Et ça fonctionne plutôt bien. On fait bien attention à passer du bon côté de la balise verte à l'entrée du chenal de la Baleine entre Terre-de-Haut et l'Îlet à Cabrit, c'est-à-dire de la laisser à bâbord, à l'inverse de la convention de couleur européenne. "-Vert à bâbord, vert à bâbord..." ressasse nerveusement le Capitaine. La petite récitation mnémotechnique en Français, "Un tricot vert et deux bas si rouges" (*), devient dans le monde américain "Red, Right, Returning" (**) et celle-ci reste imprécise sur la forme des balises.

(*) soit : balise impaire (un), à laisser à tribord (tri), de forme conique (cot), de couleur verte (vert) ; et balise paire (deux), à laisser à bâbord (bas), de forme cylindrique (si), de couleur rouge (rouges).

(**) soit : balise rouge (red), à laisser à tribord (right), lorsqu'on est sur le chemin du retour (returning).

Contents de trouver plusieurs bouées libres, en vertu de la basse saison, nous en choisissons une pas trop loin de l'embarcadère des navettes inter-îles et allons faire une grosse sieste.

La Capitainerie de Terre-de-Haut, nous profitons du temps libre pour aller nous baigner sur la belle plage de l'Anse du Bourg.

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Vagabondages aux Saintes

Terre-de-Haut

20 mai 2024

Il est facile de parcourir Terre-de-Haut avec une petite voiture de location électrique, façon voiturette de golf à deux places. Une journée suffit à explorer tous les recoins et en particulier quelques plages dignes des catalogues touristiques.

Nous aimons la plage de Pompierre, qui git dans une baie bien abritée de la houle et interdite aux navires. Malheureusement une petite ouverture entre des rochers laisse entrer les sargasses arrivant pile du large. Ces algues s'accumulent donc dans cette baie. On peut louer les efforts de autorités pour tenter de canaliser les nappes à l'aide de bouées afin de dégager la plage. Sur son côté droit, se trouve un passage à gué qui permet d'atteindre une petite île peu fréquentée. Liliane et moi avons nos affaires en sacs étanches et c'est un plaisir de nous livrer à cette petite balade. J'ai un peu honte de me retrouver en tongs pour monter le sentier jusqu'à la petite crête, alors que j'ai souvent désapprouvé les touristes mal chaussés croisés en randonnée dans le Mercantour. Certes, le sentier est facile, quoiqu'un peu caillouteux, mais on sait la difficulté de faire face à une simple entorse dès que l'éloignement et le relief s'en mêlent. La récompense est une vue magnifique, tant côté océan vers la Dominique, que côté Terre-de-Haut et la baie.

Au retour, nous croisons deux jeunes filles en tenues encore plus légères que nous. Elles demandent assistance, car elles n'ont pas l'heure. Je m'empresse de les secourir grâce à ma précieuse vieille Swatch Classic à pile, qui a la particularité rare de fonctionner chaque fois que j'en ai besoin, contrairement à beaucoup d'équipements électroniques plus récents. Compte tenu que ces jeunes voyageuses ne parlent pas un mot de Français et doivent prendre une navette de retour en Guadeloupe pour attraper ensuite un avion le soir même, je me prends d'admiration dans leur confiance à maîtriser le futur, à moins qu'il ne s'agisse d'une juvénile insouciance.

Commando Liliane
Au fond, la plage de Pompierre

Le tour de l'île se poursuit par d'autres plages aussi plaisantes.

Héroïque tentative de photo astronomique
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Îlet à Cabrit

21 - 23 mai 2024

Petit tour au bourg à la recherche de la Gendarmerie.

Nous déplaçons le bateau au moteur jusqu'à l'Îlet à Cabrit tout proche, où nous prenons une autre bouée.

Déplacement jusqu'à l'Îlet à Cabrit

L'annexe est restée suspendue aux bossoirs. Elle se met vite à l'eau et nous filons balader sur cette île, qui nous rappelle une précédente venue en catamaran de location. Liliane n'était pas allée au Fort Joséphine, et cette fois-ci elle décide d'y monter. Personne d'autre que nous sur cet îlot. La balade serpente entre les frondaisons tropicales, le sentier est très facile, c'est bien agréable.

Le fort est complètement détruit. On y monte pour le plaisir d'embrasser la mer entre les îles des Saintes et deviner en face sur Terre-de-Haut le Fort Napoléon.

Mouillage de l'Îlet à Cabrit
Vue vers Terre-de-Haut

Encore un saut de puce pour retourner à Terre-de-Haut, au mouillage de Petite Anse, au pied d'un Pain de Sucre. Encore une bouée. Toutes les bouées des Saintes sont opérées sous concession par LSM (Les Saintes Multiservices), au prix de 13€ la nuit. Lorsque passe le semi-rigide de LSM, on peut payer par carte bancaire et éventuellement plusieurs jours d'avance. Ils tiennent plutôt bien leurs comptes parce qu'ils savent exactement ceux qui ont déjà payé.

24 mai 2024

La baignade PMT (*) entre petite plage et rocher donne un aperçu mitigé. L'eau manque un peu de visibilité. Liliane étrenne prudemment son nouveau matériel. Je lui ai déconseillé les masques enveloppant tout le visage, que je trouve dangereux et encombrants. Le masque de plongée et le tuba demandent un peu plus d'entraînement avant de se sentir à l'aise.

(*) Palme, Masque et Tuba, ça sonne quand même plus élégant que l'éructant snorkeling.

Comparaison n'est pas raison

25 mai 2024

Allez ! aujourd'hui on va faire un tour à Terre-de-Bas. Nous partons tranquillement et flânons sur le trajet.

Mésaventure - Au milieu du chenal entre les îles, le téléphone de Liliane notifie plusieurs textos reçus. C'est inhabituel. Ces messages de son opérateur lui souhaitent la bienvenue... en Dominique. Catastrophique ! Profitant de l'absence de réseau, son téléphone s'est enregistré sur le réseau de la Dominique, certes plus éloignée, mais en visibilité directe, ce qui offrait un meilleur signal que ceux des îles environnantes. Comme nous sommes dans les DOM et que nos abonnements sont métropolitains, nous devons autoriser le roaming sur nos téléphones pour disposer des data mobiles et pouvoir utiliser éventuellement Whatsapp ou Google Meet pour joindre nos familles. Son opérateur a fini par désactiver les data au montant maximal atteint. Soit cent euros au total ! Nous prendrons la décision de couper systématiquement les data mobiles en mer.

Il n'y a pas de bouées à Terre-de-Bas, le mouillage se fait sur ancre. Heureusement en cette saison il y a peu de bateaux et nous pouvons poser trente confortables mètres de chaîne sans gêner de voisins. Toutes les anses exposées vers l'est sont tapissées de sargasses.

Cette île dispose de peu d'infrastructures, à peine un service de petits bus qui viennent récupérer les passants de la navette. Le petit port est réservé à quelques bateaux locaux et au service inter-îles. Nous sommes mouillés à l'Anse Fideling et nous partons explorer l'île à pied.

Il y a deux minuscules superettes où nous trouvons quelques légumes. Nous testons un restaurant qui figure dans les guides. On s'assoit sur la terrasse et le serveur vient annoncer le plat du jour. C'est tout. On n'a pas beaucoup de choix, vu les difficultés d'approvisionnement, mais c'est excellent en effet.

Côtes au vent, le fléau des sargasses
Une frégate, réputée oiseau le plus rapide


26-27 mai 2024

Départ de l'Anse Fideling par un temps maussade, en route vers Terre-de-Haut pour nous offrir une nouvelle nuit au mouillage du Pain de Sucre par plaisir ; dès le lendemain, nous retournons au mouillage de l'Anse du Bourg, tout près de l'embarcadère, car nous venons ici pour plusieurs démarches utilitaires, qui nous occuperont bien trois jours.

D'abord prendre rendez-vous par VHF avec la Capitainerie, qui offre aussi le service d'avitaillement en eau (6€ les 200 litres). Le rendez-vous se fait à l'embarcadère des navettes, à 7h30, avant l'arrivée de la première. Evidemment l'embarcadère n'est pas prévu pour notre hauteur franc-bord et ne dispose pas vraiment de taquets adaptés. Bon, on y parvient quand même et on prend l'eau (prévoir tuyau long et raccord à vis type jardinage).

Ensuite, Liliane cherche à finaliser sa procuration pour les élections européennes. Bien qu'elle ait une carte d'identité "pucée NFC", la validation en ligne via la connexion NFC du téléphone ne fonctionne pas ; il faut aller à la Gendarmerie de Terre-de-Haut. Cela paraît simple, mais Google complote en lui fournissant d'abord une fausse destination. C'est tout au bout de l'île et il faut y aller à pied, sous la chaleur intense. Cela fait partie du test de motivation citoyenne.

Départ de Petite Anse pour l'Anse du bourg
Peu de clients pour les procurations

Puis petit passage à la pharmacie. Tiens ! Liliane n'a plus sa carte Vitale. Après enquête téléphonique, elle est restée à la pharmacie de Saint-Pierre, qui comme toutes les pharmacies de France, détient une pile de cartes oubliées.

Nous nous offrons aussi du bon temps libre en petites balades et terrasses de jus de fruits frais.

La saison des pluies approche...

Enfin, quelques avitaillements pour les prochains jours, avec plusieurs mouillages forains prévus.

Ainsi vont les affaires des navigateurs en voyage. Tout est un peu compliqué, puis tout s'arrange avec du temps.

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Basse-Terre : mouillages sous le vent de Karukera

28 mai 2024

Nous quittons Les Saintes par l'est, assez satisfaits d'avoir flâné dans ces merveilleux mouillages, de parcourir tranquillement les quelques chemins menant à des plages que l'on qualifie communément de paradisiaques (au risque d'être un jour très déçu ; la faute au peu de documentation disponible sur le Paradis).

L'anse du Bourg au petit matin
En route !

L'alizé nous pousse favorablement vers le nord, jusqu'à ce que nous soyons masqués par les reliefs de Basse-Terre.

Initialement, j'avais proposé que nous relâchions dans l'Anse à la Barque, qui m'avait bien plu lors de notre passage touristique en voiture en 2014. Une fois arrivés à l'entrée, nous constatons que la petite baie est assez encombrée de bateaux et qu'on se sent un peu engoncé entre ses flancs rocheux, sur lesquels circule la route principale. Nous décidons vite d'aller voir un peu plus loin. Petite Anse, encore une, mais sur Basse-Terre cette fois-ci. Très vite, nous jetons l'ancre et passons une nuit très tranquille.

Petite Anse sur Basse-Terre


29 mai 2024

Une courte navigation nous mène à l'anse Malendure, face à la plage éponyme. Cet endroit est réputé pour ses eaux cristallines, à proximité de la réserve Cousteau, haut lieu de la plongée en Guadeloupe et sanctuaire interdit au mouillage. Dès notre arrivée, quelques tortues viennent faire surface à proximité.

Au départ de Petite Anse

30 mai 2024

Encore une belle navigation qui nous mène à l'anse Deshaies dans du petit air, sauf à l'arrivée pour le vent monte juste dans l'axe de la baie. Le bourg de Deshaies se situe tout près du flanc ouest de Basse-Terre et les reliefs masquent moins l'alizé.

Ce mouillage est plus fréquenté que les précédents. C'est le point d'atterrissage ou de départ des bateaux qui viennent ou vont à Antigua. Le bourg de Deshaies est plein de charme. Un peu désert aussi. Plusieurs restaurants sont fermés. L'un nous explique qu'il profite de la basse saison pour refaire la décoration. Malgré la présence de nombreux voiliers, on ne voit aucun shipchandler. Il ne doit pas être si facile de faire vivre un commerce ici. Seule l'activité plongée paraît florissante. Néanmoins, la boutique ne dispose d'aucune bouée de signalisation, celle que l'on traîne derrière soi pour être mieux vu des bateaux lorsqu'on nage en zone de mouillage ou en plein mer.

Anse Deshaies

Nous restons deux jours dans ce mouillage qui marque le terme de notre montée au nord ; pour cette saison, du moins.

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Basse-Terre : navigation retour de Deshaies à Îlet Gosier

01 juin 2024

Nous décidons de tenter un trajet direct de Deshaies à l'Îlet du Gosier. Depuis plusieurs jours, le ventilateur de la cale moteur ne souffle plus, bien que le reste des fonctions moteur soit opérationnel. Seule la marina Bas-du-Fort à Pointe-à-Pitre dispose des vendeurs spécialisés dans ces équipements nautiques. Comme nous n'avons pas réservé la marina, nous prévoyons de rester au mouillage de Gosier, le temps que nous soyons accueillis dans la marina.

La journée est une incessante alternance entre vents très variables. En quelques centaines de mètres on passe de rafales à vingt nœuds à totale pétole, de bâbord à tribord amure, de voile à moteur. Lors q'une séquence au moteur, nous devons traverser une immense nappe de sargasses. Quasiment dix centimètres d'épaisseur. L'hélice s'embourbe et ne propulse plus. Nous sommes complètement immobilisés, ce qui soulève une légère angoisse qui fait comprendre l'émotion que devaient éprouver les anciens navigateurs. J'alterne les petits coups de marche arrière avec l'avance lente en avant. Ça nous sort tout doucement de la nappe. On y passe bien une demi-heure. Si le vent avait été présent, nous n'aurions même pas sourcillé à la traversée de cette nappe. Mais avec une hélice !

Au débouché sud de Basse-Terre, dans le canal entre cette île et les Saintes, nous nous retrouvons à faire du près serré sous trinquette et GV arisée. De gros grains disgracieux défilent et font tomber des colonnes d'eau toutes les vingt minutes. La mer piqueté de blanc, c'est beau, carrément wagnérien, il ne manque que les éclairs. La visibilité tombe à quelques dizaines de mètres. Nous faisons confiance au GPS et à l'AIS. Selon le trajet du grain par rapport à notre position, soit le grain "vole le vent" et nous ralentissons, soit les rafales augmentent et nous accélérons. L'approche de Gosier est aussi éprouvante. Le GPS dit qu'il reste un bon mille avant l'îlet. En absence de cet outil, il resterait la foi en la navigation à l'estime, que les navigateurs de ma génération ont suffisamment pratiquée pour savoir à quel point sa précision peut rapidement se dégrader quand tout turbule et conspire à fausser les calculs : dérive, courant, erreur compas, route instable, vitesse variable, vent erratique... Eurêka l'entrée du mouillage à la faveur d'une éclaircie. Avec soulagement, nous plantons notre ancre sous le ciel encore sombre.

A tirer des bords entre Les Saintes et Basse-Terre
Approche de Gosier

Le mouillage à l'Îlet Gosier promet d'offrir une délicieuse nuit. Oui, mais pas samedi soir lorsqu'un un animateur vient sur l'îlet installer une sono digne des Rolling Stones (en termes de puissance sonore, pas d'éclectisme musical) et un barnum. Une noria de canots à moteur y amène ensuite les invités à la nuit tombée et la fête dure toute la nuit. Nous ne dormirons pas beaucoup.

Mouillage à l'Îlet du Gosier

Le lendemain, dimanche, nous nous empressons de contacter la Capitainerie de la marina Bas-du-Fort pour obtenir une place.

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Basse-Terre - Pointe-à-Pitre - marina Bas-du-Fort

3 juin 2024

Le trajet jusqu'à la Marina Baie-du-Fort fait à peine deux milles nautiques, mais nous mettons les voiles pour limiter le fonctionnement moteur en absence de ventilation de la soute, bien que nous n'ayons constaté aucune vapeur de gasoil lors des fonctionnements récents.

La Capitainerie nous installe sur le quai des maxi-yachts. La place y est fort large, et le personnel du semi-rigide très habile à nous aider à la manœuvre. L'inconvénient est que la hauteur du quai est aussi destinée au franc-bord de ces bateaux géants et que notre pont est bien en-dessous du niveau du quai. Nous n'avons pas de passerelle. Il faudra donc enjamber l'espace vertical, exercice encore plus difficile pour Liliane, surtout à marée basse (ce quai est fixe, pas flottant).

Le quai est trop haut ou la mer trop basse
Lessive day

Malgré nos fermes intentions d'éviter de laisser détourner nos vacances par des travaux à bord, il n'est pas sain de laisser le moteur fonctionner sans la ventilation de la cale. Le risque est une accumulation de vapeurs de gasoil, pouvant produire un incendie. Bien que notre moteur soit récent et ne génère pas d'odeur de gasoil, je préfère ne pas courir ce risque.

🛠 L'investigation électrique dans la soute est un peu ardue, sans doute à cause de manque de flexibilité notoire de mes articulations et aussi de la chaleur torride de la soute, en absence de vent dans la marina. Il apparaît enfin que c'est le ventilateur lui-même qui est mort. Je démonte. Le ventilateur est un bloc de plastique moulé, impossible de le démonter proprement pour tenter une réparation. Nous partons à la recherche de son remplaçant, munis de celui en panne. Difficile quête ; comme d'habitude, le modèle exact, de marque anglaise, n'est pas disponible. Je prends donc le plus approchant en termes d'interfaces et de performances. De retour au bateau, le montage s'avère impossible. La taille en pouces des buses d'entrée/sortie ne correspond pas exactement à son approximation métrique ; les buses du ventilateur ne rentrent pas dans les tuyaux du bateau. Le fabricant annonce fièrement sur l'étiquette : 3.0" = 80mm. Euh, non trois pouces, ça ferait plutôt 76mm. Je retourne interroger chacune des trois boutiques de matériel aux alentours du bassin. Les interlocuteurs tombent du placard. "-Mais normalement c'est standard ces tuyaux. -Oui, vous pourriez me montrer ?" (...) Échec, consternation. On appelle le chef, qui ne sait pas : "-Il faudrait aller demander à l'autre boutique, de l'autre côté de la rivière, c'est juste à vingt minutes. -En voiture ? -Oui. -Je n'ai pas de voiture, il y a des transports en commun ? -Euh, oui, mais non, c'est compliqué." J'envisage toutes les solutions : acheter un autre ventilateur, acheter un tuyau qui convient et le changer dans le bateau ; chercher en ligne et faire livrer... Rien de tangible. Et je n'ai plus confiance dans les dimensions indiquées par les constructeurs. Je décide de conserver le ventilateur acheté, après l'avoir connecté pour vérifier qu'il fonctionne bien en 12 Volt : en dernier ressort, je pourrai toujours mettre du ruban adhésif pour faire la liaison avec les tuyaux. Nous avons prévu de partir dans deux jours, la météo paraissant favorable.

🛠Le lendemain matin, j'entreprends de limer les embouchures pour gagner un petit millimètre de diamètre des buses et favoriser l'insertion. Dans le cockpit, je sue sous le taud, je ponce, je lime le plastique très dur, je me râpe un peu les doigts. Ça dure plusieurs heures. Je crois même que j'ai sauté la sieste ce jour-là. Au jour déclinant, un équipage sirote son apéro sur un bateau voisin. L'un d'eux descend et s'approche. "-Excusez-moi, je vous vois faire, je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais pense que vous risquez de casser l'embout. -Oui sans doute, mais ça ne rentre pas. -Oui, c'est normal, il faut chauffer. -J'ai déjà tenté de chauffer, mais le tuyau est armé et il ne se détend pas. -Justement, croyez-moi, c'est mon métier, c'est l'embout qu'il faut chauffer, pas le tuyau ; ça le rend mou, pas trop quand même, hein ! et ensuite il rentre facilement dans le tuyau." La stupeur doit se lire sur mon visage, je n'aurais jamais osé chauffer les embouts ventilateur neuf. Dont acte, je prends ma chaufferette et je procède à l'opération avec circonspection. Ça fonctionne effectivement. Joie ! J'ai appris quelque chose aujourd'hui. Je remonte toute l'installation, je branche. Nous testons en vrai. Tout est bon, le problème est réglé. Je remercie abondamment. Nous n'aurons pas l'occasion de les inviter puisque nous partons bientôt.

Liliane a profité de la parenthèse des réparations pour adopter une nouvelle coupe de cheveux. C'est un compromis à trouver dans les activités de voyage : longs, faciles à attacher ; très courts, aucun problème ; mais une longueur intermédiaire est une gêne permanente, avec le vent et la pluie qui s'en mêlent et les emmêlent.

Elle me plaît !
Tropic-coupe, mais pas trop !

Après quelques provisions au supermarché proche de la marina et les pleins d'eau, y compris les bidons supplémentaires pour la douche, nous quittons la marina.

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Marie-Galante - Saint-Louis

6-8 juin 2024

La simple évocation du nom de cette île nous embarque dans une aventure exotique, bercés que nous avons été par la douce chanson de Laurent Voulzy.

Marie Galante est au vent de Pointe-à-Pitre, pas très loin, à peine vingt milles nautiques, pile dans l'axe de l'alizé. Pour tirer des bords et remonter le vent, on sait qu'il faut s'obstiner un peu : deux fois la distance, trois fois le temps, quatre fois la peine, annonce le dicton marin, métrique empirique mais fort utile pour se faire une idée rapide de la navigation. Levés au point du jour, partis dès la prise de service du marin venu nous aider à larguer la bouée, nous passons cette journée au près dans l'alizé doux, en soignant le choix des virements et le réglage des voiles. On n'en voit pas la fin, mais de quoi se plaindrait-on, nous qui avons l'immense privilège de nous trouver ici par choix. En fin d'après-midi, nous jetons l'ancre avec plaisir dans la baie assez ouverte face à Saint-Louis. C'est un retour à ce mouillage que nous avions connu avec les enfants et petits-enfants de Liliane lors d'une location en catamaran ; cette fois-ci, nous sommes dégagés des obligations calendaires du boulot.

Mouillage en baie de Saint-Louis

"-Il n'y a rien à faire à Marie-Galante" nous ont dit des voisins de pontons. Nous persistons à ne pas les comprendre. Qu'ont-ils pu vivre d'extraordinaire qui les ait à ce point blazés ?

Nous nous offrons un apéritif et un dîner Chez Henri, bar-restaurant incontournable de cette plage. Sa terrasse ombragée aménagée dans le sable est connue dans toute la mer Caraïbe et au-delà.

On n'oublie pas le jour de lessive, qui commence par le repérage de la laverie, l'expédition en annexe avec deux sacs de linge et l'utilisation du sèche-linge, car un étendage dans le vent serait risque en cette saison humide. Comptez une bonne demi-journée pour cette opération.

Mouillage de Saint-Louis
Chez Henri #1
Lessive Day
Chez Henri #2
Chez Henri #2

Après un jus de fruit... chez Henri, une journée de location de voiture permet de faire le tour de l'île. Cela nous donne l'occasion de découvrir l'Anse du Bourg, choix de mouillage pour lequel j'avais hésité. Aucun regret ! A la vue du paysage tristounet offert par son bord de mer, le choix de Saint-Louis nous paraît heureux. Le bourg lui-même, avec son marché animé, est très agréable. Nous suivons la côte et découvrons au vent la pire accumulation de sargasses que nous ayons vue. L'odeur dégagée par la couche épaisse séchant au soleil gâche complètement le plaisir de parcourir cette route et le petit village de Capesterre-de-Marie-Galante. Cela doit être un crève-cœur pour les habitants. La route se poursuit par de hautes falaises trouées, puis un chapelet de plages plus attirantes les unes que les autres. La baignade dans les eaux claires de l'Anse Canot est bienvenue. La prochaine fois, c'est décidé, nous viendrons mouiller en face de cette plage.

Chez Henri #3
Chez Henri #3
LA zone de mouillage de Grand-Bourg ne fait pas rêver

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Rhumerie Bellevue
Rhumerie Bellevue
Flamboyant
Plage de ???

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Ecritures rituelles

La clearance de sortie du territoire se fait dans la boutique d'artisanat local Chez Zéles, après avoir renseigné les formulaires via Internet. J'en profite pour acheter deux poupées "tracas" pour mes petites-filles, de jolies poupées en chiffons auxquelles on peut raconter ses soucis le soir avant de dormir et qui les garderont confidentielles, avec la promesse que tout ira mieux le lendemain.

Saint-Louis de Marie-Galante

La clearance d'entrée en Dominique peut se préparer également sur Internet, via le site SailClear, pour au moins vingt îles des Caraîbes. Quoi de plus intelligent que ce site web fort intelligent et surtout unique à tous ces pays (sauf Martinique et Guadeloupe, qui ont leur propre solution, du fait du rattachement à la France). Evidemment cela suppose qu'on conserve un accès à Internet, ce qui est facile tant qu'on reste en Martinique et Guadeloupe, mais peut devenir très cher dans les autres îles. Le prix des cartes d'opérateurs téléphoniques "toutes Caraïbes" tels que Digicel nous incite à étudier la solution satellitaire Starlink. Il y a le problème de l'achat et l'installation plus ou moins fixe d'une antenne supplémentaire et de son raccordement électrique. Ensuite, le choix adapté pour notre mode de navigation serait l'abonnement roaming, soit environ 100 euros par mois, qu'on peut interrompre à tout moment d'un simple mail à l'opérateur.

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Dominica

9 juin 2024

Navigation de Marie-Galante à Portsmouth

Nous finissons par nous arracher au charme de Marie-Galante. La navigation de Marie-Galante à la Dominique est facile avec l'alizé un peu portant. La navigation entre ces îles est très facile, on pourrait aisément se passer de toute quincaillerie électronique et tracer sa route à l'ancienne, par relèvements. La seule tracasserie vient de l'énorme déclinaison magnétique (écart entre le nord magnétique et le nord géographique). Certes, une simple addition ou soustraction suffit à passer de l'un à l'autre, mais la valeur de presque 15° fait perdre toute intuition cartographique et oblige à un permanent calcul de tête.

Nous sommes accueillis en Dominique par quelques accélérations de vent au passage des pitons qui précèdent l'entrée dans la Prince Rupert's Bay. Un boat boy vient à notre rencontre. A ce moment une rafale arrive et Tusitala accélère en restant bien droit dans ses bottes. On se rend alors compte de la puissance du plan de voilure, parce que le canot à moteur ne parvient pas à nous suivre. La rafale se calme, il nous rattrape et sa première question "-First time in Dominica ?" est bien ciblée. A notre réponse, il comprend vite que nous ne serons pas consommateurs de service ; notre intention est seulement de procéder à la clearance puis de continuer notre route. Il nous salue et retourne vers la côte.

Déclinaison magnétique importante
A l'approche de Dominica
Entrée dans Prince Rupert's Bay
Dominica flag

Nous poursuivons jusqu'au mouillage que nous avons repéré à Portsmouth Beach Hotel, tout près du ponton des douanes. La fois précédente, nous avions mouillé devant la belle plage principale, au nord de Portsmouth, mais cela impose deux bons kilomètres à pied le long de la chaussée sans trottoirs pour les formalités. La zone hors douanes est près du Banana Wharehouse, entrepôt de bananes, dont l'exportation est ou a pu être une ressource importante de la Dominique. Cette zone hors douanes permet de circuler librement quand on n'a pas encore fait les formalités, bien qu'il y ait une certaines tolérance de circulation temporaire lorsqu'on est amené à mouiller ailleurs. Généralement, il est préconisé que le Chef de Bord seulement aille faire les formalités, muni des passeports de tout l'équipage qui attend sagement à bord. Il est toléré que l'équipage débarque, mais il est préférable de ne pas abuser de cette facilité.

Nous hissons le pavillon jaune "Q" jusqu'au lendemain.

Évènement majeur : Liliane sort une paire de gants de voile neufs, en remplacement de ceux qui tombent en lanbeaux.

Les soixante-dix-sept différences
Mouillage à Portsmouth

10 juin 2024

Clearance (ou clairance en Français)

L'annexe, qui ne prend plus l'eau depuis la belle réparation, permet facilement l'accés au ponton des annexes, acolé au quai de chargement des cargos. Il en coûte quinze dollars est-caribéen (EC$ ou ECD ou XCD, abréviation internationale), soit presque cinq euros pour laisser simplement l'annexe à ce ponton. Remarque, pour ce prix, on pourrait y rester vingt-quatre heures, ce qui n'a évidemment aucun sens. Quand les îles sous administration française choisissent un impôt élevé et un service public, les îles indépendantes choisissent que tout, absolument tout service ou produit se paie immédiatement et en espèces, ce qui permet d'entretenir une myriade d'emploi à plus-value très limitée. La préposée m'intercepte dûment et me délivre un reçu. Son accueil est plutôt sympathique. En voyant mon prénom, elle me confie en souriant que son nom de famille est le même, trace historique des occupations successives par les Français et le Anglais. J'ai un peu de mal à comprendre son accès anglais, mais je mets mon cerveau en mode kwéyol et tout s'éclaire. La réception à la douane est comme toujours impeccable. Les Officiers sont ici des notables.

En réponse à ma question, j'apprends que cette clearance vaut pour entrée et sortie avant deux semaines. Intelligent, je vous dis.

Le quai de chargement hors douanes
Petit ponton à annexes avec les pneus
Sur le quai
Bâtiment des douanes
Docking fees 15 EC$
Au fond, le Portsmouth Beach Hotel

Je profite du tour en annexe pour mitrailler (en photos) notre bateau sous toutes les coutures dans ce mouillage tranquille. Tellement isolé que nous hésiterions à y laisser le bateau seul et non gardé si nous voulions aller faire du tourisme.

Navigation de Portsmouth à Roseau

Nous repartons dans la matinée pour une courte navigation vers notre prochaine étape, Roseau, capitale administrative de l'île. La faible urbanisation de la côte, hormis les villes citées, nous avait déjà marqués lors de notre passage de nuit à l'aller. En comparaison de Porstmouth, Roseau est une ville étendue et animée.

Départ de Prince Rupert's Bay
Approche de Roseau

Le guide Imray indique une solution pratique pour la mouillage : l'Anchorage Hotel entretient et loue des bouées. Ilsuffit d'appeler à la VHF 16 à l'arrivée. J'appelle "-Anchorage Hotel, Anchorage Hotel, do you read me ?" Une fois, deux fois, trois fois ; pas de réponse. J'essaie d'autres canaux, VHF 09, VHF 12. Rien. Pendant ce temps, on tourne en rond aux alentours de ce qui nous paraît être un hôtel. Au bout de dix minutes, on voit une yole à moteur quitter un petit quai en ciment et se diriger vers nous. Le type à bord nous propose sa bouée, il nous a entendu à la VHF. Je lui demande d'abord s'il sait où est l'Anchorage Hôtel. Il me montre de la main le bâtiment effondré sur la plage. Nous y étions bien, mais l'ouragan Maria l'a ravagé en 2017. L'hôtel a restauré et réouvert une aile, mais ne propose plus les bouées et ne répond donc plus à la VHF. Il me montre son tee-shirt "Sea Cat Services". Dans ces endroits il suffit qu'un particulier ait obtenu une concession d'exploitation pour qu'il se lance dans l'entrepreneuriat et que cela lui permette de vivre. Nous avions déjà rencontré ce genre de micro-entreprise plus ou moins formelle au Cap Vert et en Irlande. Pas complètement convaincu que son exploitation ait davantage de consistance (entendre d'assurance responsabilité civile) que son tee-shirt, je lui demande quand même si sa bouée pourra tenir notre bateau. Il abonde en qualificatifs élogieux sur la masse de son corps-mort, la taille des aussières et celle prodigieuse des bateaux qu'il y a déjà accueillis. Le prix aussi est bien dimensionné : 60EC$ ou 20€ ou 20US$ ; simple et vous avez quinze secondes pour décider quelle monnaie vous avantage. On tope pour la bouée. Il propose évidement une palette complète de services, allant de la navette-taxi au plein de carburant et d'eau, sans oublier l'organisation de visites touristiques, le transport à l'aéroport et la location de véhicules. Multi-services, on vous dit. "-OK, thank you. We'll call you on VHF if we need more. -Yes, dont't hesitate to ask."

A peine est-il parti que je fonce sous l'eau avec mon masque vérifier l'état de son corps-mort. Il n'a pas menti sur le sérieux de l'installation. Par sécurité, je descends passer une de nos amarres en double directement sur la grosse chaîne du mouillage.

Approche de Roseau (Dominica)

A côté de l'Anchorage Hotel délabré se trouve l'Ocean Edge Restaurant and Bar, où on aperçoit du mouvement. Le soir tombé, nous prenons l'annexe et allons dîner sur leur terrasse. Le service est impeccable, le ponton est illuminé de lumières bleues, les toilettes sont propres, tout est fait pour l'accueil du visiteur. La bière locale se nomme "Kubuli", nom hérité de celui de l'île en langue des indiens Kalinago. Tout se paie au tarif "Européen", qui constitue un luxe pour la population locale. Point de soucis avec la monnaie locale. La plupart des établissements acceptent les Euros et les Dollars US, avec un taux de change qui les arrange et facilite la vie du visiteur et la monnaie est rendue systématiquement en dollars caribéen, une stratégie à cliquets qui fait rentrer des devises dans le pays. Il faut devenir un pro du calcul mental pour savoir rapidement quelle monnaie est la plus avantageuse.

Ocean Edge Restaurant and Bar
Bière locale Kubuli

11 juin 2024

Balade à Roseau

Dès le matin, nous passons au bar prendre un jus de fruit frais et nous renseigner sur les bus. Au passage, je demande si nous pouvons laisser l'annexe au ponton. Mais oui, le dock fee est de quinze XCD pour vingt-quatre heures ! Nous attachons quand même l'annexe avec son cadenas, habitude qui ne nous quitte plus depuis le Cap Vert, dès lors que le prix de revente d'un moteur d'annexe vaut l'équivalent de plusieurs mois de salaire local.

Dans ces pays où ont sévi la pensée et la common law anglaise, il me paraît raisonnable de préférer les transports en commun à la location d'un véhicule. De plus, notre sécurité individuelle me paraît meilleure dans un bus bondé. Et enfin, les pays à faible niveau de vie ont forcément un réseau de transport économique pour que les gens puissent tout simplement vivre et aller travailler. Cela se vérifie encore. La ligne de bus passe près du bar. L'ambiance à bord est joyeuse.

On a vite fait le tour du centre de Roseau. Les rues sont animées, colorées et industrieuses. Les trottoirs aux caniveaux très profonds, pour faire face aux brusques pluies torrentielles, obligent à une attention permanente. Il y a trois cathédrales qu'on pourrait vouloir visiter, hébergeant divers courants religieux. Toutes les trois sont plus ou moins effondrées et en travaux de restauration. Encore la faute à Maria.

Après le déjeuner en terrasse, nous reprenons pour l'équivalent de quelques euros le bus retour, en continuant jusqu'au bout de la Dominique, à Soufrière Bay, où se trouve un ancien cratère volcanique recouvert par la mer. C'est la basse saison et le bus nous dépose dans un village peuplé de ses seuls habitants. A pied, nous descendons jusqu'à la plage où se trouve le Bubble bar, dont le barman nous fait toucher le bain d'eau chaude à bulles qui sourd au bord de la plage.

Bus collectif
Soufrière Bay
Frégate
L'entrée du Bubble Bar
Bain chaud à bulles
Unique cliente des transats

Le retour en bus collectif est l'occasion de faire connaissance d'une famille surprenante, dont le père dominicain a épousé une américaine et ramène pour des vacances sur les lieux de son enfance toute sa progéniture élevée aux USA. Une de ses filles a un Phd en linguistique. Discussions passionnantes et étonnantes sur tous ces parcours de vie entre-croisés.

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Navigation de Roseau (Dominica) à Saint-Pierre (Martinique)

12 juin 2024

La Martinique se trouve légèrement plus à l'est que la Dominique. Selon les jours, l'alizé peut être plus ou moins orienté à l'est ou au nord-est. Nous choisissons le créneau météo de ce jour où le vent nous paraît assez favorable pour un retour direct.

Avant de partir, nous allons régler nos nuitées de bouées auprès du représentant Sea Cat Services et acheter quelques bananes à une épicerie locale, dans un environnement de bord de la route assez peu plaisant.

Dès le débouché du sud de la Dominique, après Scotts Head, un vent solide nous tire vers la Martinique que l'on aperçoit au loin dans la brume. Après plusieurs jours de mouillage, cela fait du bien de sentir Tusitala foncer au près bon plein à travers la houle de l'Atlantique. D'autres voiliers font la même route et nous faisons évidemment un peu la course. On s'applique à ne pas "gaspiller le vent". A part un sloop géant contre lequel nous n'avons aucune chance, nous explosons le compteur face à un catamaran. Liliane n'aime pas trop l'ambiance, mais il n'est pas question de réduire la toile dans ces circonstances.

Côte sous le vent de Dominica
Une carrière sur la côte de la Dominique
Vers Scotts Head
Ça mousse au près bon plein
Côte nord de la Martinique

Petit à petit, la côte nord de la Martinique se précise, magnifiquement verdoyante et hérissée de mornes pointus. C'est toujours un frisson pour moi d'arriver sur cette île. Le dévent de ces reliefs nous ralentit et nous finissons à petite vitesse en tirant quelques bords jusqu'au mouillage de Saint-Pierre où nous prenons une bouée la plus proche possible de la jetée.

Sur bouée à Saint-Pierre

Liliane court récupérer victorieusement sa carte Vitale égarée à la pharmacie. Tout rentre dans l'ordre.

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Navigations de retour au Marin

13 juin 2024

De Saint-Pierre à Pointe du Bout

Une belle journée en perspective, avec du vent parfois nul à cause des hauts reliefs de la Martinique. Lors d'un moment au moteur, nous traversons une grande nappe de sargasses, épaisse au point de nous immobiliser complètement. L'hélice pédale sans nous propulser ; il faut plusieurs coups de marche arrière pour la libérer et nous sortir tout doucement de la nappe. Ensuite, le vent revient et nous remontons toute la baie de Fort-de-France en tirant des bords de près serré jusqu'à la Pointe du Bout où nous jetons l'ancre entre quelques bateaux, dont certains ont l'air presque abandonnés.

Départ de Saint-Pierre
Rare vue dégagée sur la Montagne Pelée
Le terminal pétrolier
Impressionnante nappe de sargasses
Vérification du mouillage
Mouillage encombré de bateaux ventouses
On ne s'en lasse pas...
Mouillage à la Pointe du Bout

En plongeant pour vérifier l'ancre, je découvre avec stupeur que la chaine passe à proximité de l'épave délabrée d'un voilier, posée au fond par six mètres de profondeur. La coque éventrée, le gréement, le moteur, tout est là, pour le plus grand bonheur de trois magnifiques rascasses volantes qui y trouvent abri. Rétrospectivement, j'en ai quelques frissons ; si l'ancre était tombée au milieu de ce bric à brac, elle se serait probablement coincée. Depuis le Cap Vert, nous avons constaté nombre de ces vestiges abandonnés, témoins des tempêtes violentes et peut-être aussi de l'abandon pur et simple. On a aussi vu en parcourant cette zone de mouillage plusieurs bateaux à l'ancre dont l'état de saleté et de décrépitude du pont et du gréement laisse penser qu'ils sont quasiment à l'abandon.


14 juin 2024

De Pointe du Bout à Anse Chaudière

Courte et facile étape jusqu'à l'Anse Chaudière. Mouillage paisible et moins fréquenté que Grande Anse ; baignade PMT, douche au coucher de soleil, nous profitons à plein de la large provision d'eau douce.

Départ de la Pointe du Bout
De Pointe du Bout à Anse Chaudière
Anse Chaudière

Arrivés tôt au mouillage et bien abrités du vent, nous nous attelons au démêlage du code D (pas de photos, hélas). Lors de sa dernière utilisation, l'enroulement avait dégénéré en deux cocottes, que j'avais ferlées précipitamment et enfouies dans le sac. Il nous faut bien une heure pour en venir à bout. Le propre d'une double cocotte est que l'enroulement de l'une provoque le déroulement de l'autre et qu'entre les deux, la toile est coincée par elle-même. Il arrive que cela se décoince miraculeusement avec le vent, mais en général, c'est bien bloqué. A plat pont, nous arrivons à posément dérouler les immenses pans de toile autour du raidisseur central, qui est lui-même tire-bouchonné. Il arrive un moment où la toile coincée se trouve libérée soudainement par le dernière pli de sens inverse qui la bloquait. Alors c'est l'exultation à bord, tout devient clair, on hisse la voile à bloc, on déroule tout, on enroule tout proprement, c'est fini ! Les vacances reprennent.

15 juin 2024

De Anse Chaudière à marina Le Marin

Le retour au Marin se fait en quelques beaux bords de près, où Tusitala ne cesse de m'étonner par ses qualités de remontée au vent, pour peu qu'on prenne soin des réglages. Il y a sans doute un effet positif du gréement bien réglé lors de notre changement à Madère.

Départ de Anse Chaudière
Rocher du Diamant
Qui a vu le flotteur de casier ?
Approche vers la plage de Sainte-Anne

Arrivés dans le chenal de la marina, l'assistant du port nous guide jusqu'à notre place réservée. La Marina nous a attribué la même place que lors de notre précédent séjour ; juste à côté de Vitruve, le RM1050 de nos amis Damien, Fanny et Ananda.

Le Club Med de Sainte-Anne
Chenal du Cul de Sac du Marin

Ainsi se termine notre mois de vraies vacances, avec plein de souvenirs de mouillages magnifiques, de couchers de soleil, de balades tranquilles et sans chrono.

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15-24 juin 2024

Nous avons prévu plus d'une semaine pour effectuer tranquillement les opérations de mise en sécurité cyclonique. Il faut tout rincer à l'eau douce, tout sécher, tout dégréer, tout plier, tout ranger dans le bateau : les voiles, les tauds, la capote, les bouées ; hisser en tête et lover les drisses en pied de mât et les fagoter dans une bâche (pour minimiser le rayonnement UV sur les polyester) ; assurer les enrouleurs ; assurer le panneau solaire ; vérifier le moteur, remplir le réservoir à ras bord et rincer le circuit d'eau salée ; nouer les pare-battages par un bout sous la coque (pour éviter qu'ils s'envolent à l'horizontale en cas de très forts vents).

C'est la fin de la saison sèche, il pleut tous les jours et faire sécher les toiles avant de les plier est un jeu de cache-cache quotidien. Pour les deux derniers jours, nous avons prévu une location BnB, car l'intérieur du bateau est plein et inhabitable, surtout avec la chaleur ambiante. Nous apprécions particulièrement un peu de climatisation, qui permet de mieux dormir. Finalement arrive sans trop forcer le jour où tout est dégréé. Nos bagages sont prêts.

Capharnaüm était un bateau
BnB
Tusitala et son voisin Vitruve
Tusitala dégréé
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Paris

28 juillet 2024

Nous sommes heureux à la perspective de notre séjour en métropole. Revoir les enfants, les parents, les amis ; et Paris, ses rues et son swing qui nous manquent ; et aussi du bon pain. Tout ça.

Quelques jours après notre retour à domicile pétillent les notifications météo d'alertes du passage de l'ouragan Beryl. Ça fait peur. Il se trouve que sa trajectoire passe le 1er juillet à Grenade, pile là où nous avions initialement prévu de laisser le bateau pour le mettre à l'abri du risque cyclonique ! Nous y avions renoncé pour un bête problème de validité de passeport. Sur son passage, Beryl ravage des pauvres îles et les zones de mouillage. La Martinique reçoit beaucoup de vent et de pluies torrentielles, mais sans dégâts aux navires. Une de nos amies reste persuadée que notre bateau est sous la protection d'un ange gardien.


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Publié le 1er février 2025

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(Pour tous ceux qui veulent voir des images de navigation, mieux vaut sauter cette étape... Les prochaines pour bientôt, restez connectés)

Été, parents, enfants, JO, amis, Paris...

Notre foi vélique a résisté à une interruption de quatre mois et demi. Nommée "été" au-dessus des latitudes tropicales et "saison humide" en-dessous, cette saison est en général fuie par les navigateurs des Caraïbes. Nos voisins de ponton nous avaient précédés et reviendront bien après nous.

Notre été s'est nourri de retour aux liens familiaux à la fois au travers de l'aide que nous essayons humblement d'apporter à nos aînés et aussi par les moments affectueux et joyeux avec enfants et petits-enfants. Nous n'avons pas eu l'impression de beaucoup de temps libre, mais nous repartons avec la satisfaction d'avoir consacré un peu de temps à chacun.

Du temps à profiter de Paris aussi, déambuler la tête en l'air dans ses rues à l'architecture magnifique, goûter les richesses du marché, ses cinémas, et un peu de danse sur les quais de Seine. Que du bonheur !

Un peu de temps consacré aussi au montage de la vidéo de notre traversée Atlantique enfin publiée. Sept mois de délai, c'est bien trop ! Ainsi que la vidéo technique et pédagogique sur le régulateur d'allure.

Et un peu de travail créatif pour réaliser un logo numérique et quelques cartes de visite. Ces cartes permettent d'échanger rapidement nos coordonnées et celles du navire avec les navigateurs de rencontre.

Quelques achats pour le bateau aussi, bien moindres que les années précédentes, un signe certain de la maturité du bateau et son adéquation à notre projet. Ou peut-être un signe de notre adaptation au bateau, va savoir...

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12 novembre 2024

Nous atterrissons à Fort-de-France. Plusieurs bonnes surprises nous accueillent :

  • l'avion arrive en avance ;
  • la synchro est parfaite avec notre amie Fanny venue nous chercher à l'aéroport ;
  • l'intérieur du bateau est impeccablement sec ;
  • les batteries sont complètement chargées.

Nous retrouvons vite quelques bonnes habitudes telles que le chapeau et la chemise ou la robe longue protecteurs.

Nous apprenons que depuis les "évènements" sociaux en Martinique et Guadeloupe l'été dernier, on ne dit plus "la métropole", mais "l'hexagone".

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Réarmement

Réarmement, c'est le terme utilisé dans la Marine pour désigner les opérations visant à rendre un navire à nouveau opérationnel après une période d'entretien ou d'arrêt. Il ne s'agit pas forcément d'armes au sens militaire, mais de l'ensemble des équipements qui permettent de l'utiliser et cela inclut aussi l'équipage. Dans notre cas, l'opération consiste à faire passer un bateau complètement déplumé à l'état opérationnel navigable.

Suspendus et abrités pendant notre absence
Commence à ressembler à un voilier
Vérification du lashing et de l'angle de tire de la drisse
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Renouvellement des écoutes et palans

Un jour, en passant chez Le Ship (Caraïbes Marine), je tombe en extase devant un rouleau de cordage de 10mm. Je regarde la marque : Lancelin ; je frisonne de plaisir ; je caresse et malaxe sa gaine rouge vif : elle est douce et souple, promesse d'un grand plaisir à l'épisser. Je cède à ma pulsion et j'achète de quoi rénover les écoutes de génois, que les douze ans de service et une transat ont beaucoup usées. Trente-sept mètres quand même !

🛠Retour au bateau, je me lance illico dans la réalisation d'un œil épissé. C'est une sorte de quête personnelle de réaliser tout seul une épissure double tresse (âme et gaine). Je m'y frotte depuis trois ans, et pas seulement sur Tusitala, parfois aussi sur d'autres voiliers (salut les Mahina's !). Malgré la consultation de livres de matelotage les plus récents, et la visualisation quasi exhausitive des tutoriaux Youtube, je n'y suis jamais arrivé seul. Avec l'aide d'Olivier et son banc de traction à Madère, oui ; mais seul, jamais. Souvent, les tutoriaux vidéos éludent pudiquement la phase la plus difficile qui consiste à faire rentrer à la fin deux épaisseurs d'âme et deux épaisseurs de gaine dans une seule gaine, pour que plus rien n'apparaisse à l'extérieur. C'est toujours à cette étape que j'ai échoué.

Cette fois-ci, j'ai mis tous les atouts avec moi : cordage neuf, marque Lancelin et épissure selon la méthode proposée par Ino-Rope. Cette tentative, probablement la dixième, est la bonne. Après erreurs, frayeurs et sueurs, je finis par obtenir une, puis deux belles épissures, plus belles que dans mes rêves. Par souci scientifique, je tente à nouveau une épissure sur une vieille écoute, par la même méthode. Échec ! Impossible de faire rentrer l'âme dans le cordage. Le choix d'un cordage neuf et de marque adéquate est donc bien une condition nécessaire.

Nouvelle écoute prête à servir
Bosse du chariot d'écoute de génois

🛠Dans la foulée, je change aussi les vieux palans des chariots d'écoutes de génois et trinquette, en passant de 8mm à 6mm. Sans perdre le rythme, hop ! le vieux palan du chariot de GV passe aussi en 6mm. Bon, il faudra sans doute mettre des gants pour le manipuler, mais de toutes façons, c'est toujours préférable pour ménager la peau de ses doigts et conserver ses empreintes digitales. Il me devient évident que tous les réas des renvois de pont de ces chariots avaient été sélectionnés pour ce diamètre, et moi qui pestait depuis deux ans sur le mauvais coulissement de ces palans. Après ces changements, au bout de trois jours de matelotage, j'en suis à mon sixième œil épissé réussi.

🛠La noria continue : l'ancien palan de chariot de GV en diamètre 8mm va remplacer la bosse de la bordure de GV qui était encore en 12 mm.

🛠Et puis les palans des bastaques aussi avaient tendance à opposer de la résistance. Pourtant, ils sont déjà en 6mm depuis longtemps. Alors je profite du "Blue Friday" (25% de réduction) pour remplacer les deux poulies "violon" de diamètre 35mm par des plus larges de diamètre 50mm.

🛠J'avais aussi trouvé une fin de rouleau de drisses polyester en promotion en Guadeloupe. Je poursuis ma démarche votive de diminuer les diamètres et je remplace l'encombrant 12 mm par du 10 mm, largement suffisant sur un croiseur de la taille de Tusitala. Depuis que nous avons changé les bosses de ris à Madère, nous avons apprécié le plaisir que les manœuvres du gréement courant coulissent aisément. Nous ne supportons plus celles qui nous demandent une énergie musculaire indue.

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Eau, étanchéité, algues et mousses

Les pluies restent quotidiennes en cette mi-novembre. Cela permet de tamiser doucement le soleil qui menace de cuire notre épiderme, mais l'unique panneau solaire ne suffit plus à compenser notre consommation électrique. Comme nous entreprenons aussi des travaux et que le cockpit va être très encombré, nous renonçons à installer le panneau solaire amovible et avons recours au chargeur de quai. Les rivières se transforment en torrents, les mauvaises langues disent que la voiture de Gendarmerie s'est embourbée pendant l'alerte orange et le port prend une couleur boueuse qui sied à la bordure de la mangrove. On se croirait en Guyanne sur le Maroni.

Les trombes qui s'abattent sur le pont nous permettent de voir tout de même une goutte qui perle dans la cabine arrière sous le pied de l'arceau de bimini. Rien de grave, mais on ne va pas partir pour une nouvelle saison avec cette micro-fuite. Je démonte, nettoie, bourre les trous de silicone et remonte le tout. Même pour un petit travail d'étanchéité, il ne faut pas hésiter à prendre le temps de délimiter la zone par du ruban de masquage adhésif. Heureusement, il pleut encore beaucoup les jours suivants et on peut ainsi constater que le problème est réglé.

Liliane traque et chasse toute trace de champignon ou de mousse sur les toiles. Je fais de même avec les amorces d'oxydation sur les inox. Les trousses à outils et produits nettoyants sont de sortie.

Pied étanchéifié

Les panneaux occultants ont aussi des traces d'algues, on ne veut pas partir pour la nouvelle saison dans cet état. L'intérieur et les planchers en particulier ont droit aussi à un nettoyage en règle. C'est facile, mais ça prend un temps fou.

Panneaux occultants
 "Nettoyer, balayer, astiquer. Kaz la toujou penpan"
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Rénovation du Lazy Bag

19-27 novembre 2024

Chaque année, nous entreprenons une rénovation d'importance pour le bateau. L'an dernier c'était le gréement dormant, cette année ce sera le lazy-bag.

🛠Le lazy-bag est une toile fixée le long de la bôme ; elle vient recueillir la grand-voile quand on la descend et permet de la ferler proprement et surtout de l'abriter des UV. Les UV sont terribles pour dégrader le polyester du tissu et du fil de couture. Il est donc impératif d'enfermer autant que possible la voile quand on ne l'utilise plus. Cette discipline permet d'allonger la durée du vie des voiles, au détriment de celui-ci. Il a déjà quelques reprises de coutures, notamment celles que j'ai faites en 2023 à Sao Miguel. Après onze ans de service, il est cuit, comme on dit, et au sens propre.

C'est à notre ami, voyageur et maître-voilier Damien que nous confions le soin d'en réaliser un neuf, sur mesures. Il vient s'installer dans notre cockpit avec sa machine à coudre professionnelle, ses outils et son savoir-faire. Nous l'assistons autant que possible. C'est tout un travail minutieux de transformer une pièce de tissu rectangulaire, quelques sangles et du fil en un objet technique robuste. Nous cannibalisons l'ancienne toile pour en récupérer, à l'aide d'un "découd-vite" les renforts intérieurs en PVC, qui sont très bien conservés. Après un marquage soigneux du beau tissu gris foncé sur le ponton, couture après couture, zip après zip, apparaît le lazy-bag, muni de toutes les sanglettes permettant de le ferler, ainsi que quelques facilités de manœuvre. Après un dernier essai convaincant, nous pouvons le déclarer conforme à nos attentes.

Pendant que Damien coupe et coud, je remplace quelques rivets perdus sur le rail du lazy-bag pour accueillir le nouveau.


Mesures de l'ancien lazy-bag
Marquage précis
Découpe au fer chaud
Rivetage du rail
Découpe de la "chaussette" de mât
Atelier à bord

Le résultat final est magnifique. La couleur gris foncé se marie très bien avec le gris clair de la coque et des autres tauds. Et le lazy-bag se révèle très facile à utiliser.

Lazy-bag neuf
Lazy-bag neuf
Lazy-bag neuf

🛠Du coup, un lazy-bag neuf supporterait mal le coulissement difficile des lazy-jacks (ce sont les suspentes du lazy-bag). Trop de frottement sur le chemin des jacks, la faute à un passage assez laborieux dans un orifice du mât, solution que j'avais adoptée il y a deux ans pour éviter que les jacks restent le long du mât et claquent quand il y a du vent. Soit, ce point-là était résolu, mais au prix d'un maniement difficile. On ne peut pas tout avoir, je renonce donc au passage des bosses à l'intérieur du mât et je remplace ce dispositif par deux petites poulies volantes, tenues au mât par une petite boucle en Dyneema. Épisser la boucle est un matelotage rapide. Mais monter au mât est toujours une action à bien réfléchir. Je profite d'un matin ni trop pluvieux, ni trop venté, assez tôt en matinée pour éviter de me transformer en rôti. Finalement la montée-descente en auto-assurance se passe bien et le dispositif des deux poulies fonctionne du premier coup, et les lazy-jacks coulissent bien ; j'hésiterai moins, dorénavant, à retoucher au réglage de tension du lazy-bag.

🛠En parallèle aussi, j'ai démonté et apporté l'arceau inox du bimini à Caraïbes Métal, et avec l'aide de Damien, défini un nouveau cintrage (+7 centimètres en son milieu). L'arceau était trop "plat" ; comme la toile du bimini vient joindre celle de la capote par une fermeture-éclair, deux courbures différentes raccordées par une surface plane, c'est mathématique, ça fait des plis, à défaut d'élasticité de la toile. En donnant une courbure homothétique à celle de l'arceau de la capote, nous constatons dès le remontage que la toile du bimini est bien plus lisse. Évidemment cela fait une arche royale pour passer dessous, mon crâne n'effleure plus l'arceau. Le revers de la médaille est que la bôme au-dessus a moins de marge de circulation et que cela peut poser problème au virement de bord. Nous profitons d'un moment miraculeusement sans vent et sans pluie, juste après le passage d'un grain pour hisser la grand-voile et régler la balancine au plus juste. Nous verrons à l'usage en mer si l'arceau peut rester comme ça ou s'il faut recouper ses montants pour le faire descendre un peu et restaurer la marge sous la bôme.

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Révision du moteur

01-04 décembre 2024

Le carnet d'entretien est impitoyable, on y revient tous les ans. Comme je suis plutôt prudent, je séquence les opérations : vidange huile, vidange circuit de refroidissement, filtres à gasoil, circuit air.

🛠La vidange du circuit de refroidissement est l'occasion d'aller inspecter l'échangeur et le coude d'échappement (aussi nommé "pipe d'échappement"). Je démonte soigneusement tout ça, avec force photos-mémoire, dont nous épargnerons la publication intégrale au lecteur. Et bien c'est rassurant ; le circuit eau de mer de l'échangeur est un peu calaminé, assez normalement pour les onze ans de fonctionnement ; il a probablement été vidangé et nettoyé par l'ancien propriétaire. En revanche, le coude d'échappement est très encombré de suies grasses. Le diamètre de la sortie est réduit de moitié. Certains tentent de le nettoyer, mais la perspective qu'il puisse y avoir aussi une corrosion profonde du métal nous font prendre la décision d'acheter une pièce neuve.


Vidange huile moteur
Vidange du liquide de refroidissement
Faisceau de l'échangeur
Coude d'échappement
Coude d'échappement encrassé
Coude d'échappement et joints neufs
Équerre de support de connecteur électrique
Indispensable disqueuse
Équerre rectifiée pour passer la clé
Faisceau nettoyé
Faisceau nettoyé
Vase d'expansion nettoyé
Tout est remonté

Au démontage, je me suis arraché la peau des doigts pour dévisser le coude. Une équerre de fixation d'un connecteur électrique empêchait le passage des clés (plate, tube, cliquet, à œil, je les ai toutes essayées), ce qui pour moi dénote une conception médiocre des périphériques. C'est le travail du Bureau de Dessin de prévoir le passage des outils, y compris dans une cale étroite. Par curiosité, je suis allé voir un moteur neuf en exposition chez Caraïbes Marine : il n'a pas cette équerre. Elle figure pourtant dans le manuel atelier... Avant le remontage, je scie donc un bout de l'équerre pour faciliter le passage des outils. Heureusement que nous avons une disqueuse à bord, avec des disques professionnels, cadeaux de départ de l'ami Roland de Liliane. Cela prend donc moins d'une minute. Ce que voyant, le voisin s'empresse de me demander de lui scier un cadenas récalcitrant.

Après nettoyage du faisceau de l'échangeur, achat de la pipe neuve, remplissage des fluides propres, changement de la turbine à eau de mer et de tous les filtres, y compris le filtre à air, je remonte tout ça.

Les essais moteur sont bons, mais le moteur démarre poussivement. Il faudra améliorer ça. Plus tard... La Très-Sainte-to-do-list nous presse.

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Renfort du tableau arrière

🛠CP, résine époxy, ponçage, perçage ; de doux mots qui parlent aux propriétaires de bateaux. Je connais assez mal le travail de stratification et collage à l'époxy ; c'est encore Damien qui passe nous aider à renforcer la partie du tableau arrière qui soutient l'hydrogénérateur. Cela faisait longtemps que les efforts de plusieurs dizaines de kilos (~35 kg à 6 kt) sur les cinq millimètres du tableau arrière me souciaient. Avec une plaque de 15 mm de contre-plaqué, collé à l'époxy à l'intérieur du coffre, puis boulonné par les quatre vis de fixation de l'hydrogénérateur, je suis totalement rassuré. On coche une ligne de la liste !

Au passage, nous avons profité de cette évolution pour supprimer l'échelle de secours qui faisait une proéminence tubulaire en plastique à l'intérieur du coffre. Ce tube avait déjà été fissuré et recollé après nous avoir provoqué des entrées d'eau salée pendant longtemps. Bien qu'il soit maintenant étanche, le trou qu'il constituerait dans le tableau arrière en cas de casse me déplaît fortement. Je préfère donc qu'on le bouche à l'époxy. Je trouverai une solution pour installer l'échelle de secours complètement à l'extérieur, accessible depuis l'eau. L'échelle de bain peut déjà servir en ce sens.

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Le guindeau

🛠Il patiente bravement le moment de son entretien annuel. C'est maintenant : démontage du barbotin, nettoyage, dégraissage, désoxydation, graissage, remontage. Le doigt de sécurité, qui empêche le barbotin de se dérouler au mouillage, est lui-même tenu ouvert par une autre doigt lorsqu'on veut descendre l'ancre. Ce dernier, en plastique, est complètement fariné par les UV, sa vis de fixation tordue, une vis-goujon spéciale, que je n'ai pas trouvée dans le commerce. Evidemment, on ne trouve pas à l'acheter séparément dans les catalogues des distributeurs, il fait partie d'un kit de rénovation plus large et plus cher.

Je décide d'enlever les doigts de blocage en attendant de pouvoir l'acheter. Nos mouillages sont systématiquement sécurisés par la main de fer, que je trouve plus rassurante et qu'on utilisait déjà.

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Starlink Mini

Starlink a opportunément sorti une nouvelle antenne cet été. Je n'étais pas chaud pour installer les précédentes, fort gourmandes en énergie et nécessitant plusieurs boîtiers (routeur, alimentation, antenne). Le marketing de la Starlink Mini a tout compris : le routeur Wifi est incorporé à l'antenne, l'antenne a juste un fil d'alimentation en continu et elle n'a aucun dispositif mobile. Le tout s'installe en cinq minutes et démarre encore plus vite. La cible est le public itinérant, de type nomade. Il est explicitement dit dans les clauses que le service n'est pas prévu pour opérer en navigant, même s'il s'avère que cela fonctionne encore. C'est une clause de juristes, soit pour éviter qu'on puisse réclamer si ça ne fonctionne pas en navigation, soit pour être inattaquables si la concurrence se plaint des pollutions électromagnétiques de l'orbite (long story short).

Après avoir investigué le prix d'un abonnement Caraïbes chez Digicel, nous sommes donc revenus de Paris avec cette antenne et un abonnement mensuel 50GO à 40€.

Il se trouve que l'antenne requiert une tension d'alimentation entre 12 et 40 Volt à son entrée. En branchant la sortie des batteries (13V pour les batteries au Lithium) d'un côté du fil, il n'y a plus que 11,6V à l'entrée de l'antenne, car le fil fourni est assez fin et occasionne quelques pertes de tension. L'antenne ne démarre donc pas dans cette configuration. Nous utilisons provisoirement un petit convertisseur 12V/220V, et y connectons le boîtier d'alimentation Starlink 220V/DC. Cet empilement de convertisseurs est évidement absurde. J'ai vainement cherché au Marin, aussi bien chez les électriciens que les fournisseurs automobiles que les informaticiens, un convertisseur augmentateur de tension. Finalement je l'ai commandé sur Amazon : convertisseur 12/24V. En effet, ces convertisseurs sont destinés à l'automobile (matériels pour camions devant fonctionner sur une automobile) et ils sont donc produits en très grandes quantités. Il aurait été possible de trouver un convertisseur 12V/19V destiné aux ordinateurs. Le convertisseur retenu nous sera apporté par des amis qui viendront nous rendre visite plus tard. En attendant, ça fonctionne avec le montage shadok.

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🛠Ce qu'on vous a épargné :

+ L'inspection des tuyaux d'eau douce sous pression qui ne fournissaient pas le bon débit ;

+ La réparation du socle de la poubelle ;

+ La panne et le démontage de l'aspirateur rechargeable ;

+ Le nettoyage du store du panneau ouvrant de la cabine avant ;

+ Le nettoyage des bouts poisseux qui ont passé toute la saison des pluies sous la coque pour fixer les pare-battages, conformément aux recommandations des assureurs pour la saison cyclonique.

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Les rencontres

Chantal

Liliane tente de contacter une ancienne collègue de travail martiniquaise. Coup de chance, elle réside sur l'île en ce moment. L'occasion de passer un moment de détente avec elle et d'assister à un marché de Noël au Village de la Poterie aux Trois-Îlets, dans une ambiance très artistique et festive.

Chantal et Liliane

A cette occasion nous découvrons que sa fille est une graffeuse connue qui vit de ses peintures en Martinique.

Marion et Antoine sur Bord'Île

Lorsqu'un bateau nouveau vient s'amarrer au ponton sur une place attenante à la nôtre, il est d'usage d'aider aux amarres. Un jour arrive un voilier un peu désemparé, pas manœuvrant. Le zodiac de la marina est sur le plan d'eau pour l'assister. Je prends leur amarre pour les derniers mètres de marche arrière. Tout se finit bien. Le jeune Capitaine me dit : "Je n'avais plus de marche arrière et maintenant, je n'ai plus de marche avant".

Quelques minutes de discussion et d'investigation achèvent de convaincre l'équipage : le bateau n'a plus d'hélice. Probablement perdue dans le port. Cette mésaventure me rappelle celle de Vitruve l'an dernier. La recherche de l'hélice perdue dans le port s'avère impossible dans la très mauvaise visibilité.

Pendant plusieurs jours, nous faisons connaissance de ce couple charmant Marion et Antoine. Ils nous invitent un apéro sur leur bateau, un Folie Douce, acheté pour une aventure nautique programmée de quelques mois avant leur retour au travail. Ils repartent avant nous vers le Sud. Nous avons échangé nos coordonnées, avec promesses de retrouvailles. Sur la longue route des vagabonds nautiques.

Baluchon est arrivé au Marin
Soirée musicale au Marin
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Bouée couronne

J'ai longtemps résisté à l'achat d'une bouée couronne. Je trouve ça moche. La possession d'un "dispositif de repérage et d'assistance pour personne tombée à l'eau" est règlementaire et obligatoire. Nous avons une bouée couronne auto-gonflable dans un petit sac zippé fixé au balcon arrière. En cas de personne à la mer, il suffit de lancer la perche IOR, attachée à demeure à la dite-bouée couronne. Celle-ci se gonfle automatiquement au contact de la pression de l'eau, la perche reste verticale et son fanion orange se déploie. Même si le bateau s'éloigne, la procédure pour la personne tombée à l'eau consiste à se rapprocher de la perche, se cercler de la bouée couronne pour flotter (au cas où elle aurait "oublié" son gilet ce jour-là) et déployer totalement la perche pour rester visible. Une tête dans l'eau dépasse seulement de vingt centimètres et disparaît bien vite à la vue au milieu d'un modeste clapot, alors qu'un fanion flottant à deux mètres sera un excellent point de repère pour retrouver le naufragé. Tout cela répond donc bien aux deux critères : repérage et assistance.

Sauf que l'inspection du dispositif a montré que le zip du petit sac était figé dans le sel et la corrosion. Impossible de l'ouvrir rapidement. De plus, le percuteur et sa bouteille de CO2 comprimé sont obsolètes. Il faut donc restaurer tout ça. Réflexion, discussion avec Liliane. Pourquoi s'embêter avec un "machin" gonflable et technologique qui nous posera régulièrement le même souci. Dont acte, nous décidons de le remplacer par une bouée couronne en mousse.

Coup de chance, j'en trouve une près des poubelles, un peu défraîchie par les UV et une zébrure au cutter de l'enveloppe, mais néanmoins fonctionnelle : elle flotte, ce qui est règlementairement suffisant. Il est d'usage dans les marinas lorsqu'on jette un objet pouvant encore servir de le déposer sur un muret à côté des poubelles et pas dans les conteneurs. Je le récupère donc. Liliane fait la moue. Cela me permet au moins de faire des essais, mais nous finissons par en acheter une neuve, au grand soulagement de Liliane. La vieille est retournée à sa place près des poubelles, accompagnée de notre pipe d'échappement pleine de suie. Quelques jours plus tard, tout a disparu du muret.

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Hélice tripale

Depuis notre passage au chantier de Madère en 2023, je lorgnais vers les autres bateaux dotés d'une hélice tripale. Certains rêvent d'un gros bateau, moi je rêve plus accessible. J'ai fait beaucoup de recherches dans les catalogues et les forums pour déterminer si une hélice à pales repliables ou à mise en drapeau valait le surcoût. Les aventures de ceux qui ont perdu leur hélice m'ont convaincu qu'il fallait en avoir une de rechange à bord, car les prochaines îles visitées seront très démunies en matériels spécialisés. De plus, une hélice tripale est plus efficace qu'une bipale. C'est-à-dire que pour une énergie fournie par le moteur, l'avancement du bateau sera supérieur, ou pour un même avancement, on consommera moins de carburant. De plus, notre bipale actuelle présente quelques traces de corrosion anciennes, mineures certes. Tous ces arguments nous convainquent qu'il est nécessaire d'avoir une seconde hélice à bord.

Les repliables sont évidemment un degré de sophistication supplémentaire. Mais à un prix quatre fois supérieur. Et toujours un doute sur la solidité des pales mobiles, malgré les témoignages positifs des utilisateurs. Je rechigne à une telle dépense.

Je consulte donc le distributeur Volvo pour une tripale fixe, qui me propose une simulation avec leur logiciel. Il prend en compte les caractéristiques du moteur (vitesse maximale de rotation, rapport de réduction de la boîte), la masse totale en charge du bateau. La simulation conclut qu'il faudrait idéalement une 15X12LH. Le magasin a en stock une 16X11LH. Nous n'avons pas envie d'attendre une hypothétique livraison. J'achète donc celle qui est disponible immédiatement, avec le projet de la mettre en place au moment du carénage au sec à Grenade.

Carrément tripale !
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Essais et mouillages à Sainte-Anne

Arrive un jour où il faut bien se décider à prononcer la fin des travaux. C'est simple, il suffit de couper-coller les travaux non-faits dans une nouvelle liste pour plus tard.

Nous partons une première fois pour faire des essais en mer. Toutes les manœuvres fonctionnent. Même pas un ris passé de travers.

Nous passons deux nuits au mouillage à Sainte-Anne face à la magnifique plage du Club Med. Magnifique et bruyante : dès le matin, les sessions de ski nautique s'enchaînent à partir du même ponton que celui des Bronzés. La cadence est la même que le vols commerciaux à Charles-de-Gaulle : un toutes les deux minutes. Le circuit standard emprunte le chenal pour sortir, fait un demi-tour cinquante mètres à côté de notre bateau et repart vers le rivage. Cela s'arrête juste à l'heure du déjeuner et le soir pour laisser place à la musique d'animation qui sonorise toute la zone de mouillage jusqu'au milieu de la nuit.

C'est l'occasion de flâner dans les rues de Sainte-Anne et déjeuner au restaurant La Cour Créole, simple et de bon goût.

Mouillage de Sainte-Anne - beaucoup de bateaux
Sainte-Anne
Restaurant La Cour Créole
Mouillage de Sainte-Anne - face Club Med

Ensuite nous retournons au Marin. Quelques derniers achats : les pavillons de tous les pays que nous envisageons de traverser jusqu'à la Colombie et même le Panama ; un mètre de chaîne de 10mm en inox pour pouvoir cadenasser l'annexe dans les prochaines escales ; de la colle PU bi-composant parce que je sens que l'annexe va beaucoup servir ; du produit Nauticlean 04 et trente mètres de polyamide de 16mm (voir plus loin). Nous nous procurons aussi deux bidons de peinture anti-fouling, soit dix litres, un peu plus qu'il n'en faudrait théoriquement pour notre bateau. L'avis général des pontons est qu'il est plus difficile et plus cher de se le procurer dans les autres îles. Une longue discussion chez Clipper Ship permet de le sélectionner soigneusement. Dans l'idée de réparer aussi quelques défauts de surface du pont, nous achetons également du Grip (poudre antidérapante).

Une ultime session de machines à laver complète notre préparation. Avec la chaleur ambiante, il faut deux jeux de draps housse (et vous l'avez deviné, pas de couette en cette fin décembre !).

Avant le départ, nous avons l'habitude de nous offrir un restaurant. Ce jour-là, le Chef propose une excellente choucroute, typique de ce pays (la France). Je bondis sur l'occasion, certain de son extrême rareté dans les îles de l'arc caribéen. Cela amuse beaucoup Liliane.

Et surtout le plein de provisions, dans les modestes limites de notre réfrigérateur en sachant que les yaourts nature seront les derniers avant longtemps.

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South bound

19 décembre 2024

Ce jour est le jour du départ du ponton, celui de la clairance de sortie (en Français dans le texte) ; celui où l'on coupe le lien avec la borne d'eau courante et d'électricité ; où l'on complète le plein de gasoil, d'essence et de Butagaz au ponton carburant avant d'embouquer le chenal de sortie du Marin (attention, les Bretons, c'est vert à tribord en sortant hein !).

La sortie du territoire a été déclarée pour le dimanche qui suit. Cela nous laisse donc trois nuits au mouillage de Sainte-Anne avant de passer en terres anglophones pour une durée que nous ne cherchons pas à prédire.

🛠Au mouillage, je profite qu'une grosse partie de la chaîne est sortie du puits pour accéder à l'épissure entre le bout de la chaîne et le câblot de trente mètres. Un travail en prévision des futurs mouillages, qui seront profonds : le câblot actuel est trop gros. Lorsque l'épissure passe dans le guindeau, il fait parfois un bourrage et l'épissure s'effiloche. Je la défais, je remise le gros câblot (qui servira de remorque ou d'amarre) et j'épisse soigneusement dans les règles (18 rangs du torons dans l'épissure) le nouveau câblot de polyamide de 16mm à la chaîne. Ce diamètre est celui conseillé par Lewmar, fabricant du guindeau, en combinaison avec la chaîne de 10mm. Quand on lit les données des fabricants de ces cordages, on voit que le 16mm a une résistance de rupture de l'ordre de 5600kg ; pour une telle valeur de traction, on imagine bien que c'est le taquet ou le guideau qui s'arrachera avant que le cordage ne casse. Mais j'avais eu tendance à Roscoff à surdimensionner ce câblot en vertu de l'adage "trop fort n'a jamais manqué". C'est cette tendance que je combats maintenant pour tendre vers une sorte de sublime perfection. Plus concrètement, Liliane demande qu'on fasse un essai, d'autant plus que c'est elle qui se trouve à la manœuvre du mouillage. On procède à un essai de passage de l'épissure dans les deux sens et c'est beaucoup plus fluide dans le barbotin.

Épissure trois torons sur chaîne

Depuis notre départ du ponton, nous vivons en autonomie. L'eau et l'électricité sont des préoccupations quotidiennes, parfois antinomiques : soit nuages et eau, soit soleil et électricité. Les pluies encore fréquentes nous donnent l'occasion de récupérer de l'eau douce, que nous utilisons dans des bidons séparés de l'eau potable, pour nos douches.

On prend vite goût à Starlink Mini : c'est deux ampères !

Je n'avais pas installé l'hydrogénérateur au port, de peur de le cogner en manœuvrant près du ponton. Au mouillage, en prévision du départ, je le sors de la soute. Et là, je constate immédiatement que l'hélice est bloquée. Je me remémore que nos amis de Nana ont eu un défaut similaire sur le leur. L'alternateur est probablement engorgé de sel et de corrosion. Je me retiens de forcer sur l'axe ; même si j'arrivais à le débloquer, l'alternateur tournerait probablement à une faible vitesse et aurait de piètres performances. Il faudra traiter cette anomalie avec le fabricant, bien que l'appareil ne soit plus sous garantie. En attendant, se contenter de l'électricité produite par le panneau solaire et rester économe.

21 décembre 2024

Je sais que la coque a fleuri de nombreuses poussées d'algues et de petits coquillages. Je n'ai pas eu envie de plonger dans l'eau du port. Au mouillage, la veille du départ, il faut quand même aller améliorer la glisse. Mon niveau d'apnée est redevenu celui d'un urbain. Je peine à gratter les concrétions qui menacent de boucher les ouïes d'entrée d'eau du sail drive. Les produits anti-fouling européens sont conformes aux normes écologiques. Ils sont respectueux de l'environnement et n'empêchent plus ni les algues, ni les coquillages de s'y fixer. Tout comme les colles industrielles qui ne collent plus et les soudures qui ne soudent plus. J'ai commis la légèreté de plonger sans gants, en croyant pouvoir les arracher à la main. Après avoir écorché tous les doigts, je finis par aller prendre la brosse métallique, qui en vient à bout. Ensuite un petit coup de brosse à balai sur la ligne de flottaison qui est aussi chevelue qu'un post-soixante-huitard et enfin un petit coup pour libérer la roue à aubes du speedo qu'un rien suffit à bloquer.

Cette plongée m'a convaincu que le chantier de carénage prévu à Grenade est incontournable.

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Un dernier apéro avec Damien, Fanny et Ananda qui sont aussi au mouillage avec Vitruve. Eux partent vers le nord, puis sans doute vers Cuba. Nous nous promettons une prochaine rencontre au Rio Dulce au Guatemala "sans trop y croire, mais quand même pourquoi pas".


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