Jeudi 24 novembre
De bon matin, nous avons rendez-vous au noviciat pour aller visiter un village Masaï. Nous prenons donc la route dans un minibus, avec la famille Guillaumin, sœur Marie-Agnès, et sœur Clara.
Quelques kilomètres plus loin, nous rejoignons un autre guide, qui nous accompagnera lui aussi, et qui a l'habitude de se rendre au village en question pour les évangéliser. Évidemment, c'est avec grande joie que nous sautons dans la benne du pick-up pour faire la route.
Quelques heures plus tard, après les jolis paysages, une pause pique-nique, et une rencontre avec un dik-dik, nous mettons pied à terre.
Beauté de ces hommes et de ces femmes qui vivent dans leur petit village, au milieu, dirions-nous, de nulle part. Vêtus de tuniques et de tissus aux couleurs toutes plus chaudes les unes que les autres, ils se détachent dans le paysage, égayent l'ensemble, tant par leur allure vestimentaire que par leur sourire, ou encore par leurs célèbres bijoux, suspendus aux lobes des oreilles ou autour du cou.
Mais cette beauté, c'est aussi le sourire de cette petite fille. Il y a quelques mois, elle jouait avec ses amis, là-bas. La ligne électrique, qui pourtant ne dessert pas le village, est tombée. Emmenée en urgence à l'hôpital, elle a été amputée d'un bras et d'une jambe. Elle claudique sur sa canne. Mais elle est radieuse.
L'accueil est chaleureux, tout le village se rassemble et rapidement nous avons droit à une visite guidée et à une explication des coutumes locales. Un guide traduit en anglais, et sœur Clara nous retraduit en français.
D'abord, entrer dans l'enceinte du village, réalisée en buisson épineux, pour le protéger des bêtes sauvages, hyènes et autres. D'ailleurs, c'est pour protéger le village que les hommes dorment à l'extérieur tandis que femmes et enfants dorment à l'intérieur.
Puis, à l'intérieur de l'enceinte, un autre enclos, réalisé de la même manière. Ils y mettent les chèvres. Leurs déjections sont ensuite récoltées et vendues. C'est un engrais très efficace.
Un autre enclos, plus grand celui-là, recueille les vaches. Ici, les déjections sont transformées avec un mélange de terre et d'eau, selon un procédé bien rodé, pour faire les murs des habitations. Celles-ci sont réalisées par les femmes, sur un treillis tressé en bois. D'apparence rustique, les maisons sont très bien aménagées à l'intérieure, propres, et tiennent facilement dix ans.
Nous allons ensuite à la porte du village, où un rituel précis codifie les circoncisions, ou encore l'ouverture et la fermeture de l'enclos, à la nuit tombée.Quelques-uns de ces rituels, superstitieux, sont abandonnés par les tribus chrétiennes, tout comme la polygamie, qui veut qu'une femme reste sédentaire avec tous les enfants du mari, pendant qu'il se déplace avec les troupeaux et ses autres femmes.
Entre deux explications, nous avons droit aux sourires accueillants, aux jeux des enfants, ou aux cabrioles des petits animaux, chiens, chats, ou chèvres. Ce sont ensuite quelques échanges de chants. Puis sœur Clara s'adresse à tout le village. En un petit quart d'heure, elle développe un cours de catéchisme, explique qui nous sommes, ce que nous faisons là, et l'intérêt que nous portons à leur culture. Et, à sa demande, c'est tout le village qui se met en file indienne, anciens, femmes et enfants, pour recevoir une médaille miraculeuse et une image de la Très Sainte Vierge. Ravis, tous arborent fièrement la céleste Mère, et se confient à elle. C'est encore sœur Clara qui prie pour tous, mais on sent bien dans leurs attitudes, dans leur signe de Croix, qu'ils adhèrent pleinement à cette démarche.
L'après-midi est déjà bien avancée. Nous distribuons de l'ugali, des pommes de terre et du sel. Il faut repartir. Nous, nous avions prévu nos sacs. Nous ne voulons pas rentrer mais prendre la route pour trois jours, et pousser un peu plus loin, à pied, vers les lacs qui sont au sud. Des lacs tièdes, avec des geyser. Des animaux sauvages, une région que nous voulons découvrir en prenant le temps, en nous immergeant au maximum dans la population locale. Mais nos guides ne l'entendent pas ainsi. C'est très dangereux nous disent-ils, et ils refusent de nous laisser partir : les bêtes sont féroces, nous sommes en pleine saison des pluies, et les rencontres que nous pourrions faire ne seraient pas toutes sympathiques.
Déçus, nous grimpons donc dans le pick-up. A nouveau, paysages formidable, lumière du soleil couchant, babouins en bord de route... Mais aussi la pluie qui s'emmêle. D'abord quelques gouttes. Puis elle insiste. Nous nous arrêtons chez l'habitant, en attendant que ça passe, repartons... et la pluie reprend, plus violente. Nous terminons à cinq dans la cabine du pick-up, la route est inondée, la nuit tombe... Mais le voyage est gai, et nous discutons joyeusement avec notre guide.
Notre chauffeur nous dépose finalement à Ngong. Quelques temps d'hésitation dans la rue : rentrons-nous au prieuré ? dormons-nous ici ? mais où ? prenons-nous la route comme prévu, dans une autre direction ? Mais rapidement, nous sommes accostés. Un jeune homme nous propose de nous montrer un restaurant. Nous suivons. Il rêve d'aller en France, veut faire le marathon de Paris. Il s'entraîne. Grâce à lui, nous dégotons aussi un petit hôtel. Rustique, mais pas cher. Ça fera l'affaire.
Au restaurant, nous avons un serveur congolais. Il parle donc français. Il est vraiment aux petits soins pour nous, allant même jusqu'à réciter le benedicite. Nous sympathisons. Excellent repas, sans oublier la petite boisson au gingembre pour terminer la soirée, notamment pour Marie qui n'est pas très en forme et qui a l'air de couver quelque chose...