Un mois à la rencontre des Sœurs Missionnaires de Jésus et de Marie. Découvrir la Mission, le bidonville, l'école... au cœur d'une Afrique féérique aux contrastes permanents.
Novembre 2016
26 jours
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J-13

13 jours nous séparent du départ... le 3 novembre nous prendrons l'avion à Lyon !

Valise ou sac ? ce pull ? non... plutôt cette chemise. Et ça ? c'est autorisé en cabine ? Tu dis ? il fera combien au sommet du mont Kenya ? -10°C ! Ah... faut prévoir alors.

Bref, vous l'aurez compris, nous sommes dans les derniers préparatifs...

J1

Jeudi 3 novembre

Kenya... terre de rêve. Terre d'aventures. Les paysages sublimes d'Out of Africa, les "big five" (lion, léopard, buffle, rhinocéros, éléphant), les safaris, les guerriers MasaÏs. Une caricature des fantasmes et des rêves africains... dans les yeux des européens. Mais nous savons que le Kenya, c'est aussi l'un des pays les plus pauvres du monde. Des concentrations urbaines qui s'étalent en bidonville, où la misère règne. Qu'en est-il de tous ces clichés ? de toutes ces constructions, plus ou moins fondées, de notre imagination ? Nous le saurons bientôt. Encore dans l'avion, nous poserons le pied sur le sol africain dans 2h45... A nous cette aventure, pour un mois, aux côtés des Sœurs missionnaires de Jésus et Marie...Pour le moment, le hublot occupe l'attention : après avoir quitté Londres et survolé la manche, nous n'avons vu que les nuages d'Allemagne, mais nous avons ensuite pu apercevoir la Slovénie, la Croatie, l'Albanie... de quoi rêver aux prochaines destinations. Maintenant, c'est le désert égyptien, qui s'étale à perte de vue. De temps en temps, une route, toute droite, jusqu'à l'horizon. Quelques canaux. Des champs... circulaires, pour faciliter l'irrigation. Ilots verdoyants perdu dans une immensité de sable et de roche.

Côté anecdote, rappelons à tous les voyageurs en herbe qu'il est bon de vérifier, et re-vérifier sur place le hall d'embarquement. Partis de Lyon, nous sommes arrivés sans encombres à Londres. Nous avions une heure pour prendre une correspondance. Le billet nous indique "Porte 3". Nous filons donc à l'autre bout de l'aéroport... Arrivés sur place, il n'y pas grand monde... personne pour être exact. Renseignements pris auprès de l'hôtesse : Nairobi ? fourty-two ! Fourty-two... comme quarante-deux ?? Autrement dit, la dernière, à l'autre bout... Je ne sais plus très bien ce qu'à dit l'hôtesse, mais il y avait le mot running dans la phrase ! Ce fut effectivement un beau petit marathon, avec une pointe de stress. Un aéroport, c'est grand. Très grand. Mais parole de français, nous ne resterons pas bloqués sur une terre anglaise. Transpirants, haletants, nous apercevons la porte... pas d'avion devant... nous nous jetons sur l'hôtesse... pas de soucis ! il a quelques minutes de retard, il arrive. On a même dû attendre !

J2

Vendredi 4 novembre

Arrivés hier sans encombres. Le prieuré de la Fraternité est dans un quartier dans la périphérie immédiate de Nairobi. Une église, un bâtiment pour les abbés et le frère, et l'école en construction ! A quelques minutes à pied, après avoir traversé le bidonville, les sœurs sont dans une autre maison. Deux d'entre elles sont ici. Les autres sont au noviciat, un peu plus loin, à 1h30 . 1h30, cela veut dire qu'il faut marcher une vingtaine de minutes pour aller prendre le matatu, puis à nouveau vingt minutes de marche pour rejoindre Our Lady of Angels Noviciate. Matatu ? Un petit bus, ou un gros minibus, cela dépend. On en descend parfois pendant qu'il roule. Son itinéraire et ses arrêts sont théoriques. Il peut s'arrêter entre deux arrêts pour vous proposer de monter s'il vous voit marcher en bord de route. Il peut aussi modifier son itinéraire pour éviter les embouteillages. Et tant pis pour l'arrêt que vous aviez prévu ! A l'intérieur ? une déco qui oscille entre les paillettes, les couleurs flashy, et les portraits du Christ, accompagnés d'un slogan du type Who is Jesus ? ou encore May his force be with you. Comptez 20 KSH pour le trajet qui nous concerne.Mais nous ne connaissions pas encore ce joyau des transports kenyans.

Après le petit déjeuner au prieuré, nous allons retirer de l'argent pour la semaine. Pour limiter les taxes, nous retirons 40 000 KSH, soit environ 350 €. Suivent quelques courses. Pour nous dépanner pour aujourd'hui, nous allons au supermarché "pour les blancs", comme nous dit le frère. Celui où on passe au détecteur de métaux à l'entrée, avec une fouille. Enfin... ça c'est la théorie. Parce qu'avec nos sacs, qui contiennent notamment couteaux et toutes sortes de choses, il suffit de baragouiner un peu pour faire passer le sac hors du détecteur de métaux, et pour simplement le présenter sans vraiment détailler son contenu...Le seul souci, c'est que le supermarché pour blanc, il a aussi des prix de blancs. C'est même plus cher qu'en France ! On s'en tire pour 60 euros... ça commence bien l'Afrique ! Cela dit, nous verrons par la suite que nous ne sommes pas si mécontents d'en avoir profité et dépensé notre argent.Notons au passage que ce fut l'occasion de quelques découvertes culinaires, tel ce fromage à la mangue et au gingembre... Disons que c'est... original... non. En fait c'est vraiment mauvais !

Après déjeuner, nous filons donc pour l'aventure du matatu, sésame qui nous mènera jusqu'à celle qui nous a fait venir dans ce charmant pays : Agnès !Nous nous souviendrons du voyage... Pour vous la faire courte, ce matin, devant le distributeur, nous avons fourré tout notre argent dans une poche, en nous disant que nous diviserions tout ça et répartirions dans plusieurs poches loin des regards indiscrets. Ce que nous n'avons pas pris le temps de faire. Erreur de débutant me direz-vous. Vous l'avez deviné. Un matatu, c'est plutôt intime... disons qu'on est bien serrés les uns contre les autres. Alors bien sûr, malgré notre vigilance, il y en a un qui a été plus malin que nous et qui nous a fait les poches ! Voilà notre argent envolé, et avec lui une carte bancaire et une carte d'identité. Ce n'est que le soir que nous avons pu faire les démarches nécessaires pour faire opposition, via la connexion internet du prieuré. Pas si grave, mais toujours contrariant...

Quant au retour... et bien comme nous n'avions pas la monnaie pour payer notre cher autochtone, il s'est arrêté et nous a fait descendre ! Nous lui tendions pourtant un billet de 100 KSH alors que le tarif était de 80... mais apparemment, monsieur voulait quatre billets de 20 ! Tant pis pour lui, nous avons eu le temps de faire un bon tiers du voyage, gratuitement du coup. Le reste, nous le terminons à pied, ce qui nous permet de voir du pays. Nous rentrons à la nuit tombée, comprenez 19h. Mais tout cela en valait la peine ! nous avons pu profiter d'Agnès toute l'après-midi, nous promener avec la communauté, apercevoir un touraco et des ibis, admirer une végétation luxuriante, sans parler des lapins des sœurs... tous albinos ! Il paraît que la viande est meilleure.

Demain, nous devrions aller voir la tombe d'Edel Quinn, cette grande figure de la Légion de Marie. Nous assisterons dimanche à une harambee et la semaine prochaine nous nous lancerons véritablement dans les services au prieuré.

Leçons du jour : ne pas se balader avec tout son argent, encore moins dans une seule poche, ne jamais remettre ce que l'on peut faire tout de suite à plus tard, avoir de la monnaie quand on prend le matatu, et oublier le fromage à la mangue. Et la leçon à apprendre par cœur pour demain, le signe de croix en swahili. Ceux qui ne sauront pas le réciter le copieront cent fois ! kwa jina la baba na la mwana na la roho mtakatifu

J3

Samedi 5 novembre

Ce matin, "petite" promenade jusqu'à la tombe d'Edel Quinn. 15 minutes de marche aux dires de certains, 45 selon d'autres. 2 km selon la sœur. Nous marchons finalement une heure, certainement près de 5 km, puisque nous marchons à l'européenne... les kenyans doivent être plutôt autour des 2 km/h...

Edel Quinn ? une envoy de la Légion de Marie partie faire de l'apostolat en Afrique alors que les médecins ne lui donnaient que quelques mois à vivre. Sa tombe est dans un grand "complexe spirituel" (?) : églises, parcs, cimetière, résidence des Spiritains... Passant devant une église, nous avons l'agréable surprise d'y trouver une foule de bambins, tenues resplendissantes, sourire au lèvres. L'église est toute décorée. Il ne manque que la mariée ! Nous pourrons assister à une partie de la cérémonie en prenant le chemin du retour. Vous pourrez juger du folklore local en visionnant la vidéo à notre retour ! Certes, cela interpelle notre culture européenne, mais nous avons pu constater que malgré l'animation, les chants polyphoniques sont interprétés impeccablement, et que les danses sont faites d'une manière très digne et recueillie. Où est la limite entre l'adaptation à la culture locale et l'abus liturgique ?

Nous prenons ensuite la route du centre de Nairobi, pour découvrir la capitale. A pied, bien sûr, le matatu est trop cher ! Nous enchaînons donc, 1, 2, 3 km... nous orientant au jugé. Les plans ne sont pas très habituels ici... La faim se fait sentir...Divine Providence ! un étalage de fruits et légumes. Nous envisageons d'y faire quelques emplettes, bien décidés à négocier nos prix ! Quatre bananes... 40 KSh. 4 € pour quatre bananes ? hors de question. Nous passons donc au marchand d'à côté. Même discours. Tant pis. Nous verrons plus loin. Un kilomètre plus loin, même réponse. Décidément... Ce n'est qu'à la septième tentative que, vexant la vendeuse, nous nous apercevons soudain que nous nous trompons dans la conversion. 40 KSH, ce n'est pas 4 € mais 40 centimes... Bananes, épis de maïs grillés, cacahuètes, fruits locaux... nous en profitons !

Rassasiés, nous pouvons nous promener dans le centre, où nous découvrons un parc d'attraction, le parlement, la tombe du premier président, la cathédrale... assistés de deux kenyans frères et sœur avec qui nous avons sympathisé. L'échange culturel fonctionne à plein !Rentrés au prieuré, nous pouvons jouer quelques instants avec les enfants pendant que d'autres fond quelques courses dans le bidonville. Ce sera bien moins cher que le supermarché et nous aurons l'avantage de manger vraiment local. Et ma foi, ce n'est pas mauvais du tout !

J4

Dimanche 6 novembreMesse basse à 9h, servie impeccablement par les enfants de la mission, comme chaque jour de la semaine. Petit déjeuner rapide, et nous partons à Karen, au noviciat. Nous aurons la chance de voyager en voiture avec les sœurs, venues exceptionnellement distribuer quelques invitations pour les cérémonies du 21 novembre. Nous récitons le chapelet... en latin bien sûr, seule langue compréhensible par tous. Au noviciat, nous retrouvons Agnès. Sexte, puis le déjeuner préparé par les novices. Nous commençons par... une pomme. Nous remarquons aussi qu'à l'anglo-saxonne, le verre n'est pas au-dessus de la petite cuillère mais à sa droite. Le plat est plus habituel, poulet et riz. Mais il est excellent, avec quelques légumes que nous dévorons. Le dessert est attendu par tous. Bien sûr, on y trouve une gélatine... dont, à l'unanimité nous nous serions passés. Mais surtout, c'est un mélange de yaourt, vanille, mangue, avocat et cacahuètes. Un excellent mélange que nous aurons l'occasion de réadapter. Une recette philippine paraît-il.Nous profitons ensuite de la présence d'Agnès en allant nous promener à Garden Hills. Un sanctuaire catholique à une heure de marche du couvent. A l'entrée, il est bien signalé que ne sont admis que ceux qui viennent prier, et que le silence est de rigueur. Nous découvrons de petites chapelles, qui font aussi salles de cours. Un concept curieux... très... moderne ! moderniste même !Mais à côté de cela, un superbe Chemin de Croix qui n'a rien à envier à Lourdes. Une église avec de très belles statues. Et toute une série de stèles avec le Notre Père dans toutes les langues, que nous nous amusons bien sûr à lire et à comparer, notamment tous les dialectes africains. Il en existe quarante-cinq pour le seul Kenya !Enfin, la surprise est certainement la Empty tomb, à la fin du Chemin de Croix. Une petite chapelle. Devant, une pierre ronde avec la statue d'un ange. Et à l'intérieur, un tombeau, vide bien sûr, à l'intérieur duquel on peut descendre. Sur les murs de la chapelle, différents affichages sur le Saint-Suaire. Mais.. interdit de prendre des photos dans le sanctuaire ! vous n'en saurez pas plus !Cette fois, le retour se déroule sans encombres. Nous commençons à prendre nos habitudes.

J5

Lundi 7 novembreEnfin, nous commençons les services pour la Mission. L'un des objectifs de la semaine va être de faire faire des crèches aux enfants (en grandes vacances, ils viennent l'après-midi pour des activités) qui seront ensuite vendues au profit du prieuré.

Ce matin, c'est donc découpe du bois. Traçage du medium, découpe à la scie circulaire pour la crèche et à la scie sauteuse pour les personnages. L'après-midi, les enfants arrivent. Une bonne dizaine. Nous faisons vite connaissance. Nous serons les seuls à agrémenter l'après-midi de quelques chants. Les filles sont trop timides, et s'arrêtent dès que nous approchons, et les garçons préfèrent faire quelques pauses en allant jouer au ballon. Mais, en bons Cubs (louveteaux), ils ne quittent jamais leur sourire et nous pouvons admirer leur sens pratique : peinture des fonds des crèches et confection de chapelets avec deux américaines venues elles-aussi rendre visite aux sœurs. Désormais, nous aurons la joie d'être salués à chaque fois que nous traverserons le bidonville par les enfants que nous croisons. Les adultes aussi commencent à nous reconnaître. Et à coup de Habari, (bonjour en swahili), nous arrivons à nous intégrer !

Petite note sur le climat. Nous devrions être, au mois de novembre, à la petite saison des pluies. Mais pour l'instant, les matinées sont fraîches, le ciel couvert. Autour de 16-17°C. L'après-midi, la température monte entre 25 et 30 °C. Un soleil qui tape bien plus qu'il n'y paraît. Un air frais, qui rend les journées très agréables. A deux reprises, quelques gouttes de pluies, mais c'est vraiment anecdotique !

J6

Mardi 8 novembre

Nous commençons à prendre le rythme. Prime, messe à 6h45, méditation, petit-déjeuner. La matinée est consacrée aux crèches : peinture, collage, vernis... Repas rapide, nous achetons des cornets de frites, excellentes. Nous commençons à être connus dans le bidonville, où nous faisons toutes nos courses. Malgré ce qu'on pourrait croire, le bidonville est un lieu plein de vie, sympathique, souvent bien plus propre qu'il n'y paraît. Les gens ont peu, voir rien du tout. Mais semblent heureux. Nous devons rejoindre une sœur pour aller cet après-midi dans un hôpital d'enfants. Nous l'attendons un petit moment à un arrêt de bus. Les matatus défilent. Il y en a trois ou quatre en permanence. Les arrêts sont assez longs, pour les remplir au maximum. Un homme descend à l'arrivée, crie la destination. Il indique en même temps le tarif du trajet avec ses doigts. 20 ou 30 KSH généralement. C'est lui qui indique au chauffeur quand il faut partir, s'arrêter, en sifflant et tapant sur la carrosserie. Lui aussi qui fait le tour à l'intérieur pour faire payer les gens, gardant les billets bien pliés, enroulés autour de son index. A chaque arrêt, c'est tout un spectacle. Il saute, interpelle ceux qui attendent, les passants, ceux qui marchent dans la rue. Au milieu de cette agitation, des vendeurs proposent leurs produits : bonbons, cacahuètes...La population est très variée. Il n'y a pas que le bidonville. Beaucoup de Kenyans sont parfaitement habillés, à l'européenne, portable dernier cri, propres sur eux, sacoche de cuir sous le bras. Encore un contraste saisissant. A l'hôpital, guidés par la sœur, nous visitons successivement deux chambres. Une dizaine d'enfants par chambre, avec les parents. Puis nous nous installons dans un couloir, et les enfants viennent à nous. Un sourire brise souvent la glace avec ces petits qui viennent nous prendre la main. Echange de prénoms. Certains ne parlent pas anglais, mais on se comprend vite ! Les pathologies sont diverses. Très souvent, de la malnutrition, des infections, des problèmes d'hygiène. Un petit garçon aveugle. Un autre avec une infection de la peau. Des malformations diverses. Bulles de savon, ballons de baudruche, coloriages avec une représentation de l'Annonciation, nous passons quelques heures avec eux. Une goutte d'eau dans l'océan à vue d'homme, mais par ces contacts, les sœurs ont déjà fait baptiser plusieurs enfants, converti plusieurs familles. Un travail de longue haleine, mais qui paye. La visite se termine par un Salve à la chapelle de l'hôpital.

J7

Mercredi 9 novembre

Le matin, nous continuons quelques services au prieuré et nous profitons d'avoir un peu de temps pour quelques lessives, et autres tâches du quotidien.L'après-midi, nous prenons la route désormais bien connue du noviciat pour passer l'après-midi avec Agnès. Jeux dans le parc du noviciat, goûter...

En fin d'après-midi, nous sautons dans un autre matatu : ce soir c'est resto ! Cap en direction de l'aéroport. Changement de matatu sur l'autoroute (l'arrêt se fait sur une bretelle). Et enfin, nous parvenons à la destination rêvée : le Carnivore ! l'un des meilleurs restaurants du pays. Nous l'avons même trouvé dans un classement des dix meilleurs restaurants du monde... et ma foi, c'était à la hauteur ! Décor local... durant la soirée, petit à petit, chanteurs et danses. Mais surtout... un service impeccable et une cuisine... qui nous laisse sans voix. I love it ! Le principe est simple. Après un petit cocktail de bienvenue, nous dégustons une soupe "french onions". Excellente. Puis un petit plateau de salades diverses, avec une dizaine de sauces. On nous dépose de grandes assiettes brulantes, et le défilé commence... A côté, des grands grills avec des viandes toutes différentes. Les serveurs passent à la table avec leur grande broche et découpent directement dans l'assiette : poulet, porc, taureau, agneau, autruche... toutes sortes de viandes, impeccablement dorées, à volonté. Autant dire que nous nous sommes régalés. Ce fut aussi l'occasion de découvrir la bière locale. Ici, ce n'est pas une Gazelle, mais une Tusker, avec un éléphant. Repus, nous retirons le petit drapeau fiché sur la table. Cela signifie, pour les serveurs, que nous rendons les armes, et que nous avons terminé ! Nous achevons quand même par un petit dessert, pâtisseries ou glaces, avant de commander un taxi. Moins de 50 € par personne, nous ne sommes pas déçus !

J8

Jeudi 10 novembreC'est maintenant la routine. Travail sur les crèches le matin, petits tableaux avec la sainte famille, peinture, etc. Nous en profitons aussi pour avoir un entretien avec l'abbé Bély, le prieur, et lui poser mille questions sur la mission.L'après-midi, nous partons avec sœur Hélène et les deux américaines dans le bidonville. Grande tournée pour distribuer des sacs d'ugali (une sorte de polenta) dans quelques familles.L'occasion de pénétrer dans le cœur du bidonville, d'être invités à entrer dans les maisons. Souvent il n'y a qu'une seule pièce, très simple. Mais toujours très propre. Ils n'ont rien, mais sont fiers de nous montrer leur intérieur, de nous recevoir. Bien souvent, les enfants nous suivent et nous accompagnent.

J9

Vendredi 11 novembre

A 9h20 commence une messe de funérailles. Les abbés avaient dit à tout le monde d'arriver à 8h, anticipant le rythme kenyan... L'église est pleine. L'occasion pour nous d'entendre des cantiques en swahili, repris par tous les fidèles. Très beaux.

L'après-midi, nous partons cette fois avec sœur Irène de Jésus. Encore une distribution d'ugali, mais aussi de vêtements. Nous commençons à connaître tous les recoins du bidonville, dont le "standing" est très variable selon les bâtiments. C'est surtout l'occasion de visiter quelques familles que les sœurs connaissent, notamment Maiko. Il a un peu plus de deux ans ; sa mère est partie il y a longtemps déjà. Son frère, parti retrouver sa mère. Son père, alcoolique et violeur notoire, part travailler tous les jours à 8h jusqu'à 22h. L'enfant est laissé à la rue. "Il sert de ballon de football à tous les hommes du quartier" nous dit-on. Heureusement, une mère de la paroisse s'occupe souvent de lui durant la journée, grâce à l'intervention des sœur.Ici, bien souvent, les parents donnent aux enfants, même les plus petits, une dose d'alcool dès le matin. Ça leur coupe la faim.Aujourd'hui, nous trouvons Maiko amorphe, au lit. Lui qui est habituellement si agité. Nous craignons justement qu'il soit assommé par l'alcool. Renseignements pris, il semble que non. Nous décidons de le prendre avec nous pour aller voir Mama John et lui donner à manger. Il refuse toute nourriture. Petit à petit, après lui avoir donné à boire, il reprend de l'appétit... et s'agite de nouveau. Une nouvelle journée pour lui. Qu'en serait-il advenu si la sœur ne s'était pas inquiétée de lui aujourd'hui ?Mama John est une fidèle de la chapelle. A la messe tous les jours avec son mari. Junior et John, ses deux fils, sont à l'école et chez les louveteaux. John, le plus jeune, a six ans. Il lit parfaitement, porte le scapulaire, dit son chapelet tous les jours. Lui aussi, avec son frère, est à la messe chaque matin. Au prieuré, le Frère Rémi sait les solliciter pour servir la messe - parfois deux dans la journée - sonner la cloche, ou rendre toutes sortes de services.Chez Mama John, avec Maiko, nous sommes aussi avec deux autres enfants du bidonville. Treize - quatorze ans. Eux aussi affamés. La bienveillante mère de famille, bien que démunie, nous offre à tous une grande tasse de porridge au chocolat. Partout, la misère, le dénuement. Mais aussi, surtout, de grands sourires, une hospitalité généreuse. Des hommes qui travaillent à construire de nouveaux logements, en dur, plutôt que les abris en tôle ondulée.Deux jours forts en émotions qui s'achèvent. Difficiles à transcrire. Ce fut aussi l'occasion de constater que dans tout ce dénuement, la télévision est très souvent présente. Comme nous l'a expliqué l'abbé Bély, prieur, elle fait rêver les africains, leur présente le mode de vie européen, complètement idéalisé. Forcément, ils en rêvent, mais ils sont en même temps bien conscients qu'ils doivent conserver leur culture et leurs coutumes. Ils oscillent donc entre les deux, tiraillés entre ces deux aspirations.C'est finalement un peu le même enjeu identitaire que nous retrouvons dans nos banlieues. Nous le voyons simplement avec nos yeux d'européens...

J10

Samedi 12 novembre

Aujourd'hui, les enfants ont catéchisme, par groupe, toute l'après-midi. Nous nous occupons donc d'eux entre les cours et les faisons jouer.Nous fêtons avec quelques enfants l'anniversaire de Marie, grâce aux sœurs qui ont acheté un superbe gâteau... très kitch : en forme de cœur, avec tout plein de meringue rose !

Le soir, nous ramenons Maiko et raccompagnons les enfants chez eux, dans le bidonville. C'est l'occasion de faire encore la connaissance de nouvelles familles, d'entrer dans les maisons, de discuter, et même de se faire inviter à dîner, non sans avoir distribué quelques médailles miraculeuses.

J11

Dimanche 13 novembre

Nous emmenons le petit Maiko à l'hôpital pour quelques examens. Nous pouvons ainsi lui donner un traitement conseillé par le médecin.Après la messe dominicale, comme à l'accoutumée, nous pouvons déguster avec les paroissiens un thé kenyan (en fait un thé très dilué, avec beaucoup de lait...) avec une galette de chapati. Les chapati, c'est excellent. Le thé kenyan... nous nous abstiendrons de commenter !Nous profitons ensuite de l'après-midi pour préparer le grand départ : demain matin, direction le mont Kenya ! Il faut faire les sacs, et préparer le règlement pour le guide.C'est aussi l'occasion d'une balade avec les enfants et d'un entretien avec le Frère Rémy.


J12

Lundi 14 novembre

Le matin, notre guide vient nous chercher au prieuré à 7h. Il nous annonce qu'une personne se rajoutera à notre groupe. Nous sommes d'abord réticents, mais c'est finalement l'occasion de faire la connaissance de la sympathique Claire, durant le trajet qui occupe toute la matinée. 200 kilomètres en minibus Toyota nous amènent à Nanyuki, à l'Ouest du mont Kenya et nous font traverser la ligne de l'équateur. La route fut longue, mais elle fut l'occasion de contempler de nouveaux paysages, bien différents de ce que nous avons pu voir autour de Nairobi. L'occasion aussi de quelques haltes dans des boutiques à touristes ou encore de découvrir la conduite kenyane. Nous croyions que certaines originalités étaient réservées aux matatu. Nous pouvons constater qu'il est courant de passer dans le fossé pour éviter l'un des nombreux dos d'âne qui jonchent la route. Le midi, un petit restaurant nous permet de manger de l'ibis (pas mauvais) ou du tilapia (un poisson... au goût de vase...).

Arrivés en début d'après-midi, nous confions nos gros sacs aux huit porteurs. Ils ont en plus leur propre sac et tout le matériel commun. D'après nos calculs, et ce que nous pourrons vérifier par la suite, ça fait plus de 25 kilos par personne. Chacun y va de sa méthode, sous nos regards un peu crispés lorsqu'ils tirent sur nos sangles de sac à dos... une poche plastique par ci, un truc dans cette poche là, un sac à dos... fixé sur le sac à dos, un carton ou un bidon de jus de fruit à la main, et c'est parti ! Notons au passage qu'ils sont bien moins équipés que nous, comme celui-ci, qui marche en bottes de caoutchouc... Impressionnant. Pendant ce temps, quelques babouins investissent le jardin de la maison des gardes. Comme ça, c'est marrant, mais c'est plutôt agressif et dangereux comme bête...

Ca y est, enfin partis ! D'un pas allègre, nous arpentons une piste à la végétation luxuriante. La faune nous offre aussi quelques surprises, des oiseaux surtout : touraco, francolins de jackson et autres particularités locales...Comme nous commencions le chapelet, le cuisinier s'approche et nous interroge. Il est catholique... nous récitons donc une dizaine avec lui, en anglais bien sûr.

Après 2h30 de marche, nous arrivons au refuge à la nuit tombée. Oldmose. 3300 mètres. Toilette au ruisseau pour les plus courageux. Ce que nous nommerons désormais notre jacuzzi. Au clair de lune... ça c'est le grand luxe ! Puis notre premier repas préparé par nos guides. Nous sommes surpris. Ils portent toutes sortes de choses que nous aurions jugées inutiles : assiettes, sucriers, plats de services, petites serviettes en papier... même les cure-dents, qui seront inévitablement présents sur la table à tous les repas !Et enfin... dodo... la journée de demain sera longue.

J13

Mardi 15 Novembre

Réveil énergique et départ à 7h du matin, après un excellent et copieux petit déjeuner : thé, café, yaourt, céréales, omelettes, saucisses, fruits... ce sera désormais la norme de nos repas matinaux.Départ en chanson donc, de bonne humeur. La flore se dévoile à nous, grâce aux commentaires de nos guides. Les lobelias, notamment, sont exceptionnelles. Il y en a ici quatre variétés que nous découvrons une à une, selon les lieux et les altitudes. Nous pouvons aussi voir les traces d'un grand incendie qui a tout dévasté il y a juste un an, mais la végétation a vite repris ses droits.

Nous découvrons rapidement que les animaux sont très peu sauvages... les oiseaux s'approchent sans cesse à quelques centimètres de nous. Une souris même, s'approche, se laisse observer... jusqu'à s'approcher un peu trop et mordre le doigt de Claire ! la réaction lui vaudra de faire un vol mémorable... qui ne l'empêchera pas de ressortir de son trou quelques instants plus tard... Un peu plus loin, nous rencontrons un hyrax. Il se laisse approcher à quelques mètres. Des paysages, tout un environnement qui laissent à Jean-Raphaël tout le loisir d'user de ses talents de photographe. C'est grâce à lui que nous avons des clichés exceptionnels.

La journée est superbe, le ciel est bleu et le soleil éclatant. A la pause de midi, le repas est tout aussi remarquable que la veille. Pour la première fois, nous voyons le sommet du mont Kenya. Celui-ci se divise en trois pics : le Batian, qui culmine à 5199 mètres, est le de deuxième plus haut sommet d'Afrique, après le Kilimandjaro. A côté, le Nelion grimpe à 5188 mètres. Ce n'est que ce soir que nous verrons notre ultime destination : la pointe Lenana, 4985 mètres...

La marche se déroule, magnifique. Déjà les effets de l'altitude se font sentir. Nous sommes essoufflés, avec même nausées ou maux de têtes pour certains. La température baisse. Nous rejoignons la Mackinders Valley par laquelle nous montons jusqu'au Shiptons Camp, à 4200 mètres. Nos tentes sont déjà montées. Nouveau jacuzzi dans le ruisseau. Le froid est bien là. Le repas se déroule avec un poêle sous la table. Les bouillottes viendront agréablement chauffer le sac de couchage ce soir...

J14

Mercredi 16 Novembre

La nuit fut bonne. Fraîche, mais bonne. Sauf peut-être pour celle qui a laissé sa bouillotte fuir dans le sac de couchage. Blottis sous la tente, nous avons entendu les averses, les bourrasques de vent... et le matin, c'est un peu de glace que nous pouvons ramasser sur les toiles...Vite, après le bol d'air frais de rigueur, un coup d'œil sur la vallée embrumée et nous courrons au petit déjeuner. Programme de la journée : acclimatation ! Autrement dit, une petite journée, pour que nos corps aient le temps de s'acclimater à l'altitude. Il faut dire que les nausées et maux de têtes sont plutôt désagréables. Nous y sommes tous plus ou moins sujets. Ce que nous ressentons est normal, mais le mal des montagnes peut s'empirer et avoir de sérieuses conséquences. Il faut être prudent. Il s'agit donc ce matin de monter 370 mètres et de redescendre au même camp.

Mais avec la pluie qui ne cesse de tomber, nos guides nous indiquent que nous partirons un peu plus tard. Nous attendons donc... un café, deux café, un thé ou un chocolat pour changer. Un saute-mouton pour se réchauffer, et comme la pluie ne veut toujours pas cesser, nous sortons les dés... c'est fou comme cinq petits cubes numérotés peuvent occuper une matinée !

Ce n'est que dans l'après-midi que nous profitons d'une accalmie pour bondir dehors et improviser nous-mêmes une petite balade autour du camp. Surpris par notre entrain, les guides nous rappellent et nous proposent l'ascension prévue. Nous atteignons donc rapidement 4570 mètres, entre deux discussions philosophico-religieuses, ce qui est déjà un beau petit record pour tout le monde.

Le guide nous explique que l'un des deux hommes qui nous accompagne est l'un des meilleurs alpinistes du pays, capable de gravir le mont Kenya en un temps record. Mais le dernier club d'alpinisme a fermé : trop cher, pas assez de clients. Il est donc là, avec son matériel, et attend les candidats, condamné à de modestes ascensions comme la nôtre.

Au pied de la pointe Peter, la vallée d'Hausberg se dévoile à nous... deux lacs en contrebas, un rayon de soleil sur le versant, il n'en faut pas moins pour se poser et contempler en silence. Aucune envie de redescendre. Dieu que la Création est belle ! Et cette colonne du nuage qui s'avance, se fond dans une autre, change de texture... Deo gratias ! Mais déjà le soleil baisse, et la température avec lui. Le vent glacial nous rappelle à l'ordre.

Ce soir, il faut bien manger et se coucher tôt. Demain sera la grande journée. Celle qui doit être inoubliable ! Debout à 2 heures du matin, il faudra partir à 3 heures, et arriver au sommet pour le lever de l'astre solaire...

J15

Jeudi 17 novembre

2 heure... premier défi relevé ! nous sommes debouts ! Mais il fait froid... très froid... Frontale bien ajustée, nous nous hâtons sur les derniers préparatifs. Une boisson chaude. Il ne faut pas trop manger, sous peine d'être malade. Une couche, deux couches, trois couches, le manteau, le bonnet, les gants... " zut, faut enlever les gants pour refaire les lacets... tu veux pas me les faire ? " ; " attends je remets la frontale, j'y vois plus rien avec la capuche ! "

3 heure, c'est le grand départ. Nous sortons et... il neige... fallait-il venir ici, au cœur de l'Afrique, à quelques kilomètres de l'équateur, pour avoir de la neige ? Dans la nuit noire, notre colonne prend des allures féériques. Le guide en tête - même pas de gants, une main dans la poche, l'autre tenant le parapluie -, nous marchons à sa suite, dans les pas les uns des autres. La neige ne cesse de tomber et gèle sur nos capuches. Le sol crisse sous nos pas... silence... beauté de l'instant. Sentiment d'une aventure hors norme. Lutte incessante contre le froid, le mal des montagnes. Efforts pour trouver notre souffle. Nous n'y voyons pas encore grand chose, mais notre guide avance, confiant, discerne le chemin à emprunter, on ne sait comment. Pas après pas, le froid se fait plus rude, plus prenant. Il ne faut pas lui laisser le moindre interstice, sinon il s'engouffre dans les vêtements. Ne pas laisser non plus l'humidité percer nos manteaux, sous peine de perdre de précieuses calories. Et toujours cette altitude qui nous fait souffrir, ce souffle difficile à trouver.

" Si ma femme croit que je suis vivant, elle croit que je marche. Alors je marche." disons-nous avec Guynemer.

Ce sont maintenant de gros rochers qui se présentent. Il faut escalader sur la neige fraîche. Bien sûr, pas de crampons ni de cordes. Les heures passent. Nous montons sans cesse. Les lampes sont de moins en moins nécessaires, mais le temps ne se lève pas. Enfin, elle se dévoile à nous : la pointe Lenana. Il doit être près de 6h30, comme prévu. Un dernier effort. Lutter encore contre le froid, trouver un peu de souffle. Une échelle de fer plantée dans la roche, et il est à nous. Le sommet, 4985 mètres, est vaincu...

La performance est là. Elle a coûté. Mais nous y sommes arrivés. Des conditions exceptionnelles nous disent les guides. Performance, mais pas que. Lutte contre soi-même, conscience de l'isolement, méditation durant ces heures de marche... c'est une expérience unique que nous vivons à cet instant. Le temps d'une photo, et il faut redescendre, le froid est trop prenant, d'autant que nous commençons à être un peu mouillés. Nous aurons eu le charme de la neige ; le soleil, lui, s'abstient. Nous aurions du avoir un superbe panorama, voir le Kilimandjaro... Rien de plus à voir que le brouillard. Qu'importe. Heureux, nous prenons le chemin de la descente. Elle n'est pas plus facile. Le froid est toujours là. La fatigue pèse. Il faut bien assurer chaque pas et éviter de glisser. C'est interminable. Nous ne rêvons que d'une chose : le refuge qui nous attend. Nous mettre au chaud, nous sécher, boire chaud ! Peut-être même aurons-nous un feu dans la cheminée...

Nous descendons de moins en moins rapidement. Le terrain est plus plat, mais la neige fond. Ce sont des flaques d'eau, voir des ruisseaux dans lesquels nous marchons. Tout le monde est silencieux. L'impatience de la halte. Le temps paraît interminable. Soudain, le toit du refuge ! Victoire ! Colomb n'a pas dû être si heureux lorsqu'il aperçu la terre ! Mais... Colomb a-t-il eu des désillusions ? Parce que plus nous nous approchons et plus nous nous décomposons... c'est une misérable cabane, toute petite. Ouverte au vent, des fuites dans le toit. Une trentaine de personnes s'y entassent. Nous arrivons tout juste à rentrer. Certains sacs restent dehors. Il nous faudra attendre pour arriver au bonheur suprême : s'asseoir ! Dans ce fouillis d'européens qui se posent, d'africains qui chauffent qui une omelette, qui un thé, qui une saucisse, nos vaillants cuisiniers parviennent à s'occuper de nous, et nous servent un petit déjeuner copieux. Entre deux manteaux qui dégoulinent, malgré la déception, nous reprenons nos forces.

Retrouvons le sourire ! quittons cet endroit humide et froid, en marche ! A midi nous serons mieux ! Longue marche à travers Georges Valley. Nous descendons progressivement. La végétation revient. Une petite clairière pour ce midi... aucun abri, tout juste un petit arbre sans feuilles... et la pluie qui ne cesse pas. Nous improvisons un abri avec nos ponchos et bâches. C'est très élémentaire. Nous insistons auprès de nos guides pour manger rapidement et écourter la halte. Nous avons hâte d'être à ce soir.

Nous reprenons la route de Chogoria. La pluie cesse. Le soleil même apparaît, et avec lui nos chants résonnent à nouveaux. Quelques odes à la pluie avaient bien ponctuées la matinée, mais il faut bien avouer que nous n'étions pas très convaincus. La végétation se fait de plus en plus dense et nous apercevons buffles et antilopes. Enfin, nous arrivons. Meru Mont Kenya Bandas ! un ensemble de petits chalets, comme dans un camping, la tranquillité en plus. Un parc où se promènent toutes sortes de bêtes sauvages la nuit. Un panorama superbe. Une douche, des lits, des cheminées... le Paradis !

Nous respirons. Heureux, nous profitons de notre soirée. Douches, discussions, jeux de balle, et même une séance d'aïkishintaiso, qui fera bien rire nos protecteurs kenyans. Puis le repas, plus copieux et plus cérémonieux que d'habitude, au coin de la cheminée. Dernière soirée... nous savourons, malgré la fatigue. Au fil des jours, nous avons appris à apprécier nos guides, souvent nous avons discuté, plaisanté malgré la difficulté de communiquer en anglais. Ils nous avaient promis pour ce soir de venir nous chanter quelques tubes locaux... mais il se fait tard. Tant pis. Nous sommes à 2950 mètres. Aujourd'hui, nous sommes montés de 785 mètres et descendus de 2035 mètres... Près de 12 heures de marche. Epuisés. Heureux.

J16

Vendredi 18 novembre

Réveil. Dans le parc devant notre porte, une quinzaine d'antilopes sont là. Doucement, sans bruit, nous progressons à travers une végétation dense... ce matin, dès 6h, nos guides nous ont emmenés faire un petit tour pour voir quelques animaux. Antilopes, buffles... un héron... mais nous n'aurons pas droit aux girafes, éléphants ou autres espèces plus impressionnantes. Il faut dire aussi que celui qui nous accompagne n'a pas l'air excessivement motivé par l'affaire...

Après le petit déjeuner au camp, il est temps de mettre fin à cette aventure. Les bagages sont chargés sur le Defender. Photos souvenirs. Encore quelques échanges avec ceux qui nous accompagnés durant ces quelques jours. Distribution du pourboire d'usage, et nous prenons la route. Route... c'est un bien grand mot. Nous avons une grosse heure de route sur une piste pour le moins accidentée avant de sortir du parc national. Nous reprendrons ensuite à Meru le minibus que nous avions à l'aller. Toujours des paysages fantastiques. Partout, des cultures. Nous sommes en pays kikuyu, l'ethnie dominante. Ce sont des agriculteurs, travailleurs. La moindre parcelle de terre, jusqu'au sommet de chaque colline, est cultivée. Le plus souvent, du café ou du thé.

A notre demande, nous effectuons un détour pour passer à Nyeri. Là se trouve la tombe de Baden-Powell et de sa femme. En uniforme, bien sûr, nous y débarquons plein d'entrain. Nous en repartirons un peu déçus. Un vague local avec une permanence qui vient nous ouvrir le cimetière. Nous avons de la chance d'être en uniforme, sinon nous aurions payé. Si la tombe en elle-même est jolie, sobre, elle est délimitée avec un petit enclos de bois violet et blanc (les couleurs du scoutisme mondial) qui n'est pas du meilleur effet. Surtout, l'ensemble du cimetière n'est pas du tout entretenu. Dommage.

Ce n'est qu'à la nuit tombée que nous rentrerons au prieuré de Nairobi. Echange de coordonnées avec Claire, adieux avec celle dont nous avons bien apprécié la compagnie durant ce périple. Retour "chez soi". L'impression d'être partis depuis une éternité. Il faudra maintenant faire les lessives, sécher quelques affaires... pour l'heure, nous ne boudons pas nos lits. Un peu de repos ne fera pas de mal !

J17

Samedi 19 novembre

La journée est calme. Nous en profitons pour nous reposer et remettre nos affaire en ordre.

C'est samedi, les enfants ont donc catéchisme une partie de l'après-midi. Nous jouons avec eux et commençons à nettoyer et décorer la chapelle pour les prises d'habit de lundi.

J18

Dimanche 20 novembre

La matinée est bien sûr occupée par la Sainte Messe, où nous nous extasions encore en écoutant les chants en swahili. Déjà l'assistance a changé de couleur ! les suisses-allemands sont venus nombreux pour la prise d'habit. L'après-midi, à nouveau ménage de la chapelle, et décoration avec des fleurs et de grands voiles.

Pendant ce temps, monsieur l'abbé Bély fait visiter le chantier de l'école aux nombreux prêtres venus pour l'occasion, essentiellement du district d'Afrique.

Le labeur achevé, nous allons avec quelques enfants - les habitués - jouer dans un parc pas très loin. Juste à côté de la mosquée... ce seront les rares musulmans / femmes voilées que nous verrons.

Les jeux vont bon train, et c'est épuisés mais détendus que nous rentrons au prieuré avec Jeffrey, Margareth, Patrice, John, Junior, Joseph, Kelvin, Juliana et Baracka...

J19

Lundi 21 novembre

C'est le grand jour des cérémonies ! Toutes les sœurs sont là. On s'apprête, on s'affole en sacristie. Le Frère Rémy mène avec talent une répétition de service de messe multilingue, en allemand, français et anglais... Il faut ensuite préparer la crédence, faire les dernières mises au point et apporter les ultimes corrections au cérémonial.

Une demi-heure avant, il y a encore des doutes sur le prêtre qui recevra les engagements !

La cérémonie, naturellement, est superbe... et comme à l'accoutumée, les familles sont suspendues aux lèvres du célébrant qui annonce à chacune le nom de religion qu'elle portera désormais toute sa vie. L'émotion est bien sûr intense, pour ses jeunes femmes qui après un an de postulat s'engagent enfin - d'abord temporairement - à vivre les vœux de religion (pauvreté, chasteté, obéissance) chez les Sœurs Missionnaires de Jésus et de Marie. L'ordre fraîchement créé se développe vite, et donne l'opportunité à ces jeunes vocations de se donner pleinement à la prière et à l'apostolat dans ce cadre si particulier que sont les missions. Il n'existe pour le moment qu'au Kenya, mais déjà certaines rêvent des autres pays d'Afrique, voir d'Amérique ou d'Asie... Au milieu de la messe, nous assistons donc aux différentes étapes de la cérémonie : bénédiction et remise des voiles, scapulaires et cierge, mais aussi des chapelets et des croix pectorales.

Notre chère Agnès devient donc, ce n'est pas très original, sœur Marie-Agnès ! Avec elle, quatre autres postulantes prennent l'habit, venues de France, de Suisse et d'Ouganda. Aussitôt après, Sœur Marie-Josephine, nigériane, prononce ses premiers vœux et passe à son doigt l'anneau qui affirme désormais aux yeux de tous qu'elle est épouse du Christ.

La cérémonie terminée, tout le monde discute et se réjouit, bien sûr. Mais il faut partir au noviciat, où se déroule la grande réception... plutôt que d'attendre de pouvoir monter dans une voiture, solution assez incertaine, nous choisissons de prendre le matatu, comme à notre habitude. C'était sans compter les "petites" averses qui nous accompagnent sur les deux fois vingt minutes de marche que nous avons... il faut ici remercier les sœurs qui nous ont prêté deux parapluies... mais nous arrivons quand même légèrement humides... Il faut noter qu'entre temps, nous avons été assez chanceux puisque le matatu a calé tout juste dans le dernier rond-point avant notre arrêt. Oui... il a calé... et n'a pas redémarré. Tout le monde est donc descendu au milieu de la route pour aller trouver un autre bus...

Mais nous sommes à l'heure ! une grande tente est dressée, avec traiteur, et notre table nous appelle ! Le repas est fameux. Les gâteaux, apportés en grande pompe par les sœurs, sont... tout à fait conformes à ce qui se fait habituellement ici... de la couleur et du sucre ! Dommage, le gâteau au chocolat qui se trouve sous la décoration est excellent.

Puis les sœurs, les familles, les dames du prieuré enchaînent quelques chants... quelques chants scouts, quelques Ave Maria, ou jolis polyphonies... mais aussi des choses plus locales ! comme ces quelques interprétations des sœurs, sous la direction de sœur Clara - la maîtresse des novices, gabonaise - et de son tam-tam, parfois relayée par le non moins local abbé Balou, venu lui aussi du Gabon pour l'occasion.

Mais déjà la journée se termine... il faut rentrer... en taxi cette fois, merci Jean-Raphaël !

J20

Mardi 22 novembre

Nous revenons à Karen pour voir Agnès. C'est aussi l'occasion d'avoir des entretiens avec Sœur Nicolas de Jésus, la toute nouvelle supérieure du noviciat, et Sœur Clara, la dynamique maîtresse des novices.

J21

Mercredi 23 novembre

Il faut bien se l'avouer, même si cela ne nous enchante pas... il faudra bientôt rentrer en France. Pensons donc aux souvenirs : journée shopping ! Mais nous devons aussi aller voir Agnès. Nous profitons donc d'aller au noviciat pour nous arrêter à Karen. D'abord au Nakumat, sorte de supermarché que l'on trouve partout ici. L'occasion aussi de quelques courses puisque nous projetons de partir à pied les trois jours suivants, avec un bagage minimal, pour un petit périple à travers le pays.

A la sortie du Nakumat, séance négociation et marchandage sur un petit marché : objets en bois, assiettes peintes, kikoï... Ah ! pardon. Traduction pour les non-initiés : un kikoï, c'est tout simplement une sorte de châle, souvent très coloré. C'est local. Clémence, qui en a un depuis le début du séjour (un ancien cadeau d'Agnès) ne jure que par lui : le froid, la pluie, le soleil, il résiste à tout !Puis, changement de style... nous passons au Hub de Karen. Comprenez un grand centre commercial... pour blancs. Des marques de luxe, des belles boutiques, des restaurants... nous bavons devant les vitrines plus que nous achetons...

Mais vite, il ne faut pas louper notre rendez-vous avec Agnès...

Retour au prieuré. Il s'agit maintenant d'aller dans Nairobi. Il y a encore des cadeaux à trouver ! Nous décidons d'y aller en boda-boda. Ah ! le boda boda... il y en a dans la rue juste devant l'église. Depuis le début nous voulons essayer... Pour quelques centaines de shillings, il vous emmène où vous voulez, en moto... mais rien ne garantit d'arriver entiers ! C'est pourtant plein d'enthousiasme que nous grimpons sur les bolides - des 250 cc - tous mieux décorés les uns que les autres, non sans avoir passé notre gilet jaune et enfilé notre casque. C'est partiiii.... et... non. C'est pas parti. On commence par un petit arrêt à la station service pour faire le plein.Cette fois, c'est bon. Nous roulons, à fond bien sûr. Impossible de lister le nombre d'infractions que nous commettons : remontées de files à vive allure en klaxonnant... et en espérant que celui qui en fait autant en face se range pour nous laisser passer, feux rouges totalement ignorés, coups de freins à quelques centimètres des voitures, terre-plein central ou trottoir pour éviter les embouteillages... bref, c'est épique mais... ça nous plaît ! nous en redemandons ! Le seul hic, c'est que suite à un quiproquo, le conducteur de Clémence ne la dépose pas au même endroit que nous... il faudra une heure pour finir par se retrouver...

Du coup, il est déjà tard et les boutiques ferment. Et bien sûr, la ciel nous gratifie d'une bonne saucée. Nous nous mettons donc en quête d'un restaurant. Nous avons choisi de nous faire plaisir ce soir... Mais... flûte ! on a oublié ! les deux kenyans que nous avions rencontrés la semaine précédente nous avaient donné des adresses de bons restaurants pas chers et locaux, mais... par mail. Nous partons donc en quête d'un endroit où nous pourrions consulter nos mails. Après plusieurs tentatives infructueuses, nous finissons par réussir à nous expliquer dans une boutique de téléphonie. La vendeuse est bienveillante et retarde la fermeture pour nous. Nous notons rapidement les adresses sur un carnet. Il faut maintenant trouver où c'est !Nous trouvons quelques indications sur notre plan, errons dans les rues, demandons notre route. Certains nous disent que le restaurant en question est excellent, d'autres que la viande n'y est pas fraîche... et nous montrent un autre restaurant... après mille détours, nous finissons par trouver l'adresse indiquée : un kebab turc... ravis... et l'heure qui avance, et la pluie qui mouille... nous atterrissons finalement dans un restaurant à l'allure plutôt luxueuse... un restaurant italien...

N'empêche que le dîner, tout comme le service, furent excellents !

J22

Jeudi 24 novembre

De bon matin, nous avons rendez-vous au noviciat pour aller visiter un village Masaï. Nous prenons donc la route dans un minibus, avec la famille Guillaumin, sœur Marie-Agnès, et sœur Clara.

Quelques kilomètres plus loin, nous rejoignons un autre guide, qui nous accompagnera lui aussi, et qui a l'habitude de se rendre au village en question pour les évangéliser. Évidemment, c'est avec grande joie que nous sautons dans la benne du pick-up pour faire la route.

Quelques heures plus tard, après les jolis paysages, une pause pique-nique, et une rencontre avec un dik-dik, nous mettons pied à terre.

Beauté de ces hommes et de ces femmes qui vivent dans leur petit village, au milieu, dirions-nous, de nulle part. Vêtus de tuniques et de tissus aux couleurs toutes plus chaudes les unes que les autres, ils se détachent dans le paysage, égayent l'ensemble, tant par leur allure vestimentaire que par leur sourire, ou encore par leurs célèbres bijoux, suspendus aux lobes des oreilles ou autour du cou.

Mais cette beauté, c'est aussi le sourire de cette petite fille. Il y a quelques mois, elle jouait avec ses amis, là-bas. La ligne électrique, qui pourtant ne dessert pas le village, est tombée. Emmenée en urgence à l'hôpital, elle a été amputée d'un bras et d'une jambe. Elle claudique sur sa canne. Mais elle est radieuse.

L'accueil est chaleureux, tout le village se rassemble et rapidement nous avons droit à une visite guidée et à une explication des coutumes locales. Un guide traduit en anglais, et sœur Clara nous retraduit en français.

D'abord, entrer dans l'enceinte du village, réalisée en buisson épineux, pour le protéger des bêtes sauvages, hyènes et autres. D'ailleurs, c'est pour protéger le village que les hommes dorment à l'extérieur tandis que femmes et enfants dorment à l'intérieur.

Puis, à l'intérieur de l'enceinte, un autre enclos, réalisé de la même manière. Ils y mettent les chèvres. Leurs déjections sont ensuite récoltées et vendues. C'est un engrais très efficace.

Un autre enclos, plus grand celui-là, recueille les vaches. Ici, les déjections sont transformées avec un mélange de terre et d'eau, selon un procédé bien rodé, pour faire les murs des habitations. Celles-ci sont réalisées par les femmes, sur un treillis tressé en bois. D'apparence rustique, les maisons sont très bien aménagées à l'intérieure, propres, et tiennent facilement dix ans.

Nous allons ensuite à la porte du village, où un rituel précis codifie les circoncisions, ou encore l'ouverture et la fermeture de l'enclos, à la nuit tombée.Quelques-uns de ces rituels, superstitieux, sont abandonnés par les tribus chrétiennes, tout comme la polygamie, qui veut qu'une femme reste sédentaire avec tous les enfants du mari, pendant qu'il se déplace avec les troupeaux et ses autres femmes.

Entre deux explications, nous avons droit aux sourires accueillants, aux jeux des enfants, ou aux cabrioles des petits animaux, chiens, chats, ou chèvres. Ce sont ensuite quelques échanges de chants. Puis sœur Clara s'adresse à tout le village. En un petit quart d'heure, elle développe un cours de catéchisme, explique qui nous sommes, ce que nous faisons là, et l'intérêt que nous portons à leur culture. Et, à sa demande, c'est tout le village qui se met en file indienne, anciens, femmes et enfants, pour recevoir une médaille miraculeuse et une image de la Très Sainte Vierge. Ravis, tous arborent fièrement la céleste Mère, et se confient à elle. C'est encore sœur Clara qui prie pour tous, mais on sent bien dans leurs attitudes, dans leur signe de Croix, qu'ils adhèrent pleinement à cette démarche.


L'après-midi est déjà bien avancée. Nous distribuons de l'ugali, des pommes de terre et du sel. Il faut repartir. Nous, nous avions prévu nos sacs. Nous ne voulons pas rentrer mais prendre la route pour trois jours, et pousser un peu plus loin, à pied, vers les lacs qui sont au sud. Des lacs tièdes, avec des geyser. Des animaux sauvages, une région que nous voulons découvrir en prenant le temps, en nous immergeant au maximum dans la population locale. Mais nos guides ne l'entendent pas ainsi. C'est très dangereux nous disent-ils, et ils refusent de nous laisser partir : les bêtes sont féroces, nous sommes en pleine saison des pluies, et les rencontres que nous pourrions faire ne seraient pas toutes sympathiques.

Déçus, nous grimpons donc dans le pick-up. A nouveau, paysages formidable, lumière du soleil couchant, babouins en bord de route... Mais aussi la pluie qui s'emmêle. D'abord quelques gouttes. Puis elle insiste. Nous nous arrêtons chez l'habitant, en attendant que ça passe, repartons... et la pluie reprend, plus violente. Nous terminons à cinq dans la cabine du pick-up, la route est inondée, la nuit tombe... Mais le voyage est gai, et nous discutons joyeusement avec notre guide.

Notre chauffeur nous dépose finalement à Ngong. Quelques temps d'hésitation dans la rue : rentrons-nous au prieuré ? dormons-nous ici ? mais où ? prenons-nous la route comme prévu, dans une autre direction ? Mais rapidement, nous sommes accostés. Un jeune homme nous propose de nous montrer un restaurant. Nous suivons. Il rêve d'aller en France, veut faire le marathon de Paris. Il s'entraîne. Grâce à lui, nous dégotons aussi un petit hôtel. Rustique, mais pas cher. Ça fera l'affaire.

Au restaurant, nous avons un serveur congolais. Il parle donc français. Il est vraiment aux petits soins pour nous, allant même jusqu'à réciter le benedicite. Nous sympathisons. Excellent repas, sans oublier la petite boisson au gingembre pour terminer la soirée, notamment pour Marie qui n'est pas très en forme et qui a l'air de couver quelque chose...

J23

Vendredi 25 novembre

Réveil alerte... sauf pour Marie, qui a été malade toute la nuit. Et encore ce matin, c'est pas la grande forme.

Nous retournons à notre petit restaurant pour prendre le petit-déjeuner, où notre serveur tiendra à prendre une photo avec nous.

Le projet est de rentrer sur Niarobi, pour ensuite nous diriger vers le lac Naïvasha, plus au nord. Ce n'est pas aussi bien que ce que nous avions prévu, mais ce sera une belle expédition quand même. Nous trouvons donc ce que nous appellerions en France une "gare routière" et montons dans le premier bus à destination de Nairobi. Nous le choisissons grand, pour que Marie ait plus de place et puisse se reposer. L'habitude ici est de ne partir que lorsque le bus est rempli. Nous attendons donc patiemment, non sans remarquer que le moteur tourne, qu'il est sur sa réserve d'essence, et qu'il est sur un terrain boueux et en montée... quinze minutes, trente... et ce qui devait arriver arriva. Alors que le car est tout juste plein, au bout d'une heure d'attente, on nous annonce qu'il ne partira pas et qu'il faut en prendre un autre !

Arrivés à Nairobi. Marie n'est vraiment pas bien. Hors de question de partir cet après-midi. Elle restera se reposer, pendant que nous irons acheter quelques souvenirs. Mais son état ne s'améliore pas, malgré les traitements que nous lui avons administrés. Sur le conseil des sœurs, nous voici donc à 19h en train d'appeler un taxi. Direction l'hôpital.

L'avantage, c'est que Delphine et Marie le connaissent déjà, pour y avoir amené Maïko. Il n'y a personne et nous sommes pris en charge tout de suite... à la kenyane. Mais le boulot est bien fait, sous l'œil expert de Delphine. Une prise de sang, deux perfusions. Echange avec le médecin, un peu compliqué du fait de notre anglais approximatif et de son français inexistant. Analyse de sang... et nous repartons deux heures plus tard, non sans avoir remarqué que la télévision de la salle d'attente diffusait une lecture de la Bible et que le médecin, entre deux patients, regardait un match de foot sur son téléphone... quand il n'est pas en train de jouer à tester les compétences professionnelles de Delphine. Bilan : infection du sang, antibiotiques pendant cinq jours.

Retour en taxi, avec une malade qui ne tient pas debout...

J25

Samedi 26 novembre

Marie reste au lit. Nous, nous partons au marché Masaï, dans le centre. Une sorte de marché couvert, où chacun a sa boutique, vendant souvent la même chose que le voisin. Du bel artisanat : objets en bois, en pierre, kikoï et tissus divers, bijoux... le royaume de la négociation ! Nous nous en donnons à cœur joie, même si l'anglais complique un peu les choses. Mais il est des domaines pour lesquels on se comprend facilement. Bluff, stratégie, persévérance, patience... il faut s'accrocher, mais c'est fructueux ! Pour exemple, cette girafe en bois annoncée à 40 euros, nous l'aurons à 6...

Pour rentrer au prieuré, un aimable musulman nous indique où prendre le bus. Il s'aperçoit vite que nous ne comprenons rien à ce qu'il nous raconte. Il n'hésite donc pas à nous y emmener, sous une pluie diluvienne. C'est bien sûr à l'opposé de sa direction, et il y a bien dix bonnes minutes de marche ! Un bel exemple de l'hospitalité kenyane...

Le retour est donc humide. Entre notre arrêt de bus et le prieuré, il faut marcher, avec tous nos cabas, qu'il ne faut pas mouiller... L'eau recouvre toute la route... Lorsque d'un coup, l'un de nous disparait sous l'eau... il ne reste que les bras qui tiennent les souvenirs hors d'atteinte ! et aussitôt après, une autre qui disparaît ! Passé la surprise, nous réalisons qu'il s'agit du fossé de bord de route... tout bêtement... était totalement recouvert par l'eau. Trente mètres plus tard, rebelote. Il faut donc imaginer l'état dans lequel nous arrivons. Après deux bains habillés, sous la pluie, pieds nus (les sandales sont restées au fond)... Tout ce qu'il faut pour apprécier la douche et un bon repas chaud !

J26

Dimanche 27 novembre

Premier dimanche de l'Avent... au soleil !

L'après-midi, nous poursuivons les achats de la veille. Ultimes marchandages, puisque notre budget est limité. A la demande d'un commerçant, nous échangeons nos montres. C'est d'ailleurs chez celui-ci que nous fouinons tous les objets de sa boutique. Nous y dégotons un sifflet qui nous plaît. Nous lui présentons et lui demandons combien il le vend. Les confusions linguistiques aidant, il nous sort une pièce pour nous l'acheter, persuadé que nous l'avons sorti de notre sac et que nous voulons lui vendre ! Il faut imaginer la réaction de ses collègues d'à côté lorsque le quiproquo a été levé...

Retour au prieuré. Marie va mieux, même si elle est encore fatiguée. C'est notre dernière soirée au Kenya... en tous cas pour ce voyage ci. L'émotion est là. Aucune envie de repartir. Nous célébrons tout de même cette dernière soirée par un repas amélioré. La pièce est décorée, nous sortons les belles tenues, et nous avons fait quelques courses inattendues. Nous assouvirons ce soir là des envies... de français : manger un croissant !

J26

Lundi 28 novembre

Lever mélancolique... c'est notre dernier jour ici... mais nous n'avons pas le temps de déprimer !

Il faut aller au noviciat, faire nos adieux à sœur Marie-Agnès. Ultimes échanges. Emotion. Nous promettons de revenir pour ses vœux, dans deux ans.

Mais vite, il ne faut pas traîner. Les sœurs de Nairobi, qui nous logeaient, déménagent et s'installent dans le nouveau bâtiment du prieuré. Il faut aller démonter les meubles, nettoyer, et transporter tout ça dans le pick-up avec le Frère.

Il faut aussi faire nos sacs... comment fait-on rentrer une corne de koudou d'1,20 mètre, dans un sac de 90 centimètres ???

Tout juste le temps d'avaler un morceau, et nous filons dans le bidon ville. Tournée d'adieux, où nous en profitons pour inviter quelques privilégiés, une douzaine de gamins avec qui nous avons été particulièrement proches. Nous leur avons organisé un petit goûter au prieuré.

Instants d'exception que ces au-revoir avec les enfants. De ces instants qui ne se transcrivent pas. Au-revoir, car ils ne cessent de nous demander quand nous reviendrons. Bientôt, nous l'espérons. I pray for you nous lance le petit John.

Les enfants partis, derniers ajustements sur les sacs. La corne est rentrée. Il a fallu l'emballer du sac de couchage, coiffer le sac d'un grand sac poubelle, emballer le tout avec du scotch... mais c'est bon. Ultime toilette, pour anticiper la nuit dans l'avion, sachant qu'il n'y a plus d'eau aux robinets du prieuré depuis deux jours.Remerciements aux abbés et aux sœurs, et nous appelons un Uber. Nous ne sommes pas particulièrement en avance. Naturellement, lorsque celui-ci arrive, il s'aperçoit que son coffre est trop petit pour charger les bagages. Il appelle un de ses amis. Vingt minutes. Il n'a pas l'air pressé pour charger les sacs. Ce sont ensuite les embouteillages. Une heure pour faire ce que nous faisons habituellement en quinze minutes à pied. Et l'heure tourne. Et notre œil qui guette... il est lui aussi sur sa réserve d'essence ! ça ne loupe pas... on s'arrête à la station ! mais contre toute attente, ce n'est pas pour faire le plein... juste pour faire la pression des pneus ! Il n'y a pas que la pression des pneus qui augmente...

Enfin, arrivés à l'aéroport ! Tout juste passés la porte, nous posons nos sacs sur un tapis roulant. Un vigile nous arrête : Il y a une corne dans le sac là ? C'est interdit ! Ouvrez le sac...

Il faut donc dé-scotcher, tout défaire, en s'organisant pour pouvoir le refaire après, vider tout le sac dans le hall de l'aéroport... et enfin sortir la corne. Nous argumentons... elle est vieille... le vendeur nous a dit que c'était bon... le garde refuse, s'obstine, nous laisse, reviens... et l'heure qui tourne. Ultime négociation... Ok, ça passe, mais je veux un cadeau ! L'anecdote nous coûtera un billet de dix euros... en espérant que ça passe aussi en France...

Enfin... installés dans l'avion. Il est 23 heures. Les paupières sont lourdes...

J27

Mardi 29 novembre

10h30. Arrivés à Lyon. Choc thermique... passer de 30°C à -1... Et s'il n'y avait que ça... il faut revenir à la vie européenne... nous mettrons quelques jours à nous y faire... à perdre certains réflexes, comme de parler anglais dans les magasins...

Un bilan de ce séjour ? il y aurait tant à dire... et il faut peut être simplement accepter qu'il y a des choses qui ne se disent pas... ne s'expriment pas.

Mais nous pouvons tout de même conclure avec cette petite liste que nous avions faite en début de séjour, et que nous avons complétée tout au long du mois... cochant au fur et à mesure chacun des items... Des expériences dont certaines étaient quotidiennes et qui nous semblent aujourd'hui totalement banales. D'autres... qui restent des souvenirs uniques ! Nous vous les livrons. Les voici, nos expériences de vie :


Se tromper à l'aéroport

Marcher pendant des heures dans la mauvaise direction

Demander sa route à un passant

Prendre le matatu

Se faire jeter d'un matatu

Prendre un boda-boda


Etre malade

Se faire bouffer par les moustiques

Aller à l'hôpital

Faire une hypothermie


S'habiller local

Passer quelques jours en immersion totale - ça c'est un échec ! pour la prochaine fois...

Manger dans l'un des meilleurs restaurants du pays

Manger dans un restaurant du bidonville - échec aussi... pas eu l'occasion

Faire les courses dans le bidonville

Trouver des asticots dans la nourriture

Manger des plats bizarres


Se faire voler

Déjouer une arnaque

Se déshabiller dans la rue

Se tromper dans les conversions shilling - euros

Négocier le prix de quelque chose

Faire du troc

Entretenir la corruption

Vendre un objet de sa propre boutique à un commerçant


Traverser le bidonville de nuit

Aller dans le bidonville du bidonville

Traverser le bidonville en saluant tout le monde

Traverser l'autoroute à pied


Mélanger l'anglais et le français en parlant entre nous

Parler anglais au chien, par réflexe

Dire habituellement bonjour, merci, au-revoir en swahili

Voir des bêtes sauvages - la réussite est partielle. Il nous a manqué un certain nombre de grands animaux

Voir un dik-dik

Monter à plus de 4900 mètres d'altitude

Se faire agresser par une bête sauvage

Faire une bataille de boules de neige en Afrique

Se lever à 2h du matin

Faire de l'aïkishintaiso après 10 heures de marche

Voir le lever du soleil et le Kilimandjaro au sommet du mont Kenya - Echec ! nous n'avons vu que le brouillard...

Jouer avec les enfants du prieuré

Visiter un hôpital

Rendre service aux sœurs

Assister à la prise d'habit

Tenir le blog à jour - nous avons tenu une semaine... pour le reste, il n'y avait plus de connexion Internet !


Chanter un chant scout dans la rue

Se faire applaudir pour un chant

Apprendre un chant en swahili

Enseigner des mots de français à des autochtones

Se faire passer pour une star de la musique


Distribuer des médailles miraculeuses

Enseigner le catéchisme à 4000 m d'altitude

Prier avec un guide

Evangéliser un village Masaï

Visiter la tombe d'Edel Quinn

Visiter la tombe de Baden-Powell


Mais finalement... le meilleur défi que nous pourrions nous lancer, ce serait tout simplement... de revenir !