Carnet de voyage

Au pays des Pottoks

4 étapes
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Nous prenons la route pour le Pays Basques, tout ce que nous savons sur cette région, c'est que les Corses adorent les basques et nous, nous adorons les Corses.
Novembre 2023
6 semaines
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Nous roulons des kilomètres et longeons les Pyrénées, chaque coup d'oeil par la fenêtre me décroche un large sourire. Partiellement camouflées dans les nuages, ces montagnes me semblent majestueusement timides. Progressivement, l'horizon s'aplanit. Nous laissons les Hautes Pyrénées derrière nous pour entrer en Pyrénées Atlantiques, là elles se jettent dans l'océan. Le soleil se couche, illuminant de mille feux le Pays basques. Le paysage se part de teintes absolument incroyables. A toutes les personnes qui un jour m'ont dit "L'herbe n'est pas plus verte ailleurs", je peux enfin répondre assurément que si, elle peut l'être! Il existe bel et bien milles et une nuances de vert.

Après 7 heures de trajet, nous arrivons à destination. Accolé au village Saint Jean pied de Port, Lacarre est un hameau sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. L'idée ? Passer cinq semaines dans une ferme biologique qui élève des Pottoks, robuste poney endémique de la région.

 Le Célèbre village de Saint Jean, sur la route du pèlerinage 

C'est un soir de nouvelle lune, il fait "nuit noire" et nous ne trouvons pas notre hôte…. Nous sommes accueillie par Fred, qui ne nous donne pas énormément d'informations sur la ferme. Bon, on se sent comme un cheveu dans la soupe. Souvent en arrivant dans un nouvel endroit, j'ai envie de rebrousser chemin, revenir sur mes pas, come back dans ma zone de confort. Rationnellement parlant, c'est impossible, je viens de rouler 500 km, les refaire dans le sens inverse n'est pas en option. Je rassure mon mental, je suis fatiguée, sale et affamée, je referai le point sur mes envies de fuir une fois rassasiée, propre et reposée.

Dans la foulée, je rencontre les autres woofeurs, Clément, Marjo, Maria, Joachim et Patrice et enfin Jean-Claude, à qui appartient la ferme. On me présente la caravane, je vais pouvoir quitter mon humide Dacia pour quelques semaines, je suis ravie. Avant tout, j'astique ma nouvelle demeure de fond en comble ! Faut dire qu'un brin de toilette était sans refus, d'autant plus qu'à cette maisonnette une fenêtre est manquante. La journée est finie, elle m'a parue interminable !

 Grand nettoyage de la "maison courant d'air" ! 
Un petit tour du propriétaire, reconnaissance des lieux  

Heureusement, la tablée du soir me réchauffera le cœur, de belles personnes qui me couperont toutes envies de foutre le camp! Ouf, je suis rassurée. Je vais dormir détendue et excitée de pouvoir "être debout chez moi" (essayez de vous mettre sur vos jambes dans une Dokker) et de pouvoir dormir en biais ! Et oui, ma caravane est dotée d'un lit deux places ! Et ça, c'est une luxe incroyable !


Des tables et des couchés de soleil qui n'en finissent pas de finir.  

J'oubliais Marcelle ! De son côté, l'endroit a été validé dans la foulée. Une armée organisée de félins occupe son attention nuit et jour, de véritables gangsters ! Ajoutez à cela, Gégé un cochon braqueur de croquette et Coca - Cola, deux brebis maléfiques dont la mission de vie est de vous envoyer valser. Pour le Breton, il y a de quoi faire. Mais avant tout, il va falloir s'intégrer à la meute. Pas moins de 14 clébards quand tout le monde est réuni !

 Les copains de Marcelle... 
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Le soleil sort des montagnes basquaises, la lumière met de plus en plus de temps à arriver et c'est à la frontale que je m'active à faire couler des jarres de café.

Le véritable challenge ? L'armée de chats prête à tout pour un morceau d'Ossau-Iraty (ou mieux une tranche de jambon de Bayonne). Tellement bien organisée que j'enfermerais un chaton dans le frigo sans même m'en rendre compte ! Une chance pour lui, pour moi et pour le jambon, j'avais oublié la confiture. Mon esprit embrumé du matin lui aura épargné une froide mésaventure. Ceci dit, ces terroristes en herbe sèment la zizanie, volent tout sur leur passage et sont devenus les bourreaux de Marcelle. Elle les regarde faire leurs 400 coups du coin de l'œil sans bouger d'un poil.

Infiltrations de gangsters à l'aube

Après une semaine, je décide de déjeuner dans la caravane pour avoir la paix. J'adore cette sensation de maison, je la mets en valeur en brulant de l'encens sur un fond de country. Mon rituel du matin, confiture de figure sublimé par une tranche de fromage de brebis. Je me régale tout en entretenant ma glycémie. Le petit déj englouti, je saute sur mon vélo, objectif m'assurer que tout le monde à de quoi s'hydrater. Le cadre est exceptionnel, tout les matins je me rends compte de la beauté de la nature et ça comble mon cœur d'une joie immense.

Mes doux matins à la caravane 

Mes tâches seront multiples et diversifies, j'apprends énormément, j'aide à la construction d'une cloison (en faisant attention à mes doigts) , lisse des chapes de béton, refais des clôtures, peinturlure des panneaux pour les visiteurs. Ici, on a le temps de s'assoir mais jamais l'envie. Les après-midi, j'aide Angélique à donner des cours d'équitation, en contre partie je peux monter les pottoks. Mon rêve du moment, en adopter plusieurs, les débourrer à l'attelage et les faire tracter une caravane. Les belges riraient de l'idée, mais au Pays-Basque l'hypo mobilité à le vent en poupe ! L'idée n'est pas si saugrenue qu'elle n'y parait.

C'est sans doute ce qui me plait le plus à Lacarre, rien n'y est impossible. On passe des heures à discuter de projets plus loufoques les uns que les autres. Chaque problème à sa solution, et quand il sera question de mes infiltrations d'eau, ce problème que je traîne depuis des mois sera vite un lointain souvenir.

Jean-Claude tient à rendre la ferme la plus autonome possible. Il ne jette rien, il transforme, répare, réassemble, réinvente. C'est un monde que j'adore, bien loin des grande surfaces aux néons agressifs qui nous poussent malgré nous à consommer inlassablement. Il y a dans cette endroit une profonde bienveillance et surtout une absence totale de jugement. Nous ne sommes jamais trop ou pas assez, nous sommes ce que nous sommes et on nous accepte tel qu'on est.

Comment va Marcelle ? Elle s'émancipe ! Je suis devenue "La belge qui hurle après son chien". Quand elle choisi de dormir dehors avec la meute, je m'époumone du seuil de la caravane...sans succès ! J'aime croire qu'elle répond présente pour m'accompagner courir le matin, mais j'ai un doute au vu de l'intérêt qu'elle porte au petit déjeuner de Clément. (Toalo ventrèche ça ne laisse pas indifférent).

Balades matinales de Marcelle + Taloa en cours de préparation  

Finalement, chacun fait sa vie et tout le monde est heureux ! C'est devenu un "petit chien de ferme" qui se délecte de tout sauf de ses croquettes. En la regardant évoluer librement entourée de ses semblables, je comprends que sa place n'est pas en ville, la mienne non plus d'ailleurs.

 Les spectacles de fin de journée

J'oubliais, ça n'est pas chez Jean-Claude qu'on va mourir de faim ! Nous sommes littéralement dépassé par la prolifération de potirons, potimarrons et courges en tout genres. Elles sont devenues tellement volumineuse que même avec la brouette je peine à les récolter. Je repense, sourire aux lèvres, à mes plantations de butternuts en Belgique. Je les bichonnais tout l'été pour qu'elles s'offrent à dîner aux limaces, me laissant bredouille et dépitée. Quoi qu'il en soit, ici c'est l'opulence, on s'active à les ramasser dans la joie et la bonne humeur avec une horde de chevaux comme spectateurs.

Des courges en veux tu en voilà !  
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Les semaines passent, la vie est douce et les poneys se sentent pousser des ailes. Il se passe rarement une journée sans problèmes de clôtures. Nous devenons maître en réparation des failles et sachez qu'il faut avoir l'œil aguerrit !

- Les maîtres de l'évasion - 

Les Pottoks sont, pour moi, la version française du Shetland, tout deux sont inarrêtables. Nous passons des heures à chercher les troupeaux dans les montagnes. Souvent, nous enquêtons sur les évadés à pieds, lorsque le courage atteint ses limites, nous sautons dans le 4x4.

Lundi matin, 35 quadrupèdes manquaient à l'appel ! Essayez de récupérer une horde de poneys à pieds, vous verserez des larmes de rage avant même d'avoir passé une bride.

Pour la première fois de ma vie, je suis aux commandes d'un Rang Rover. Je conduis l'engin sur des pistes rocailleuses au couché du soleil ! J'ai l'impression d'être à la barre d'un petit voilier en mer agitée ! Je suis moi-même surprise des rebonds du véhicule, pensée pour l'équipe entassée dans le coffre qui ne voit rien venir. Notre stratégie ? "Le petit poucet". C'est à dire? Semer des grains par l'arrière du 4x4 et attirer ces chenapans vers leurs terres de pâtures. Simple et efficace !

Durant "l'opération évasion", je suis envahie par un sentiment de liberté grisant ! Il y a un petit côté "farwest" que j'adore, entourée de dizaines de "Petit Tonnerre", je ne voudrais être nulle par ailleurs. Le paysage est époustouflant, le soleil disparaît lentement dans une valse de lumière. Le vent caresse mon visage, les nuages galopent au dessus de ma tête, les poneys broutent l'herbe grasse de leur pâture, quel sentiment extraordinaire que de se sentir à la bonne place.

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En voyageant, on peut rapidement se rendre compte que, même si le chemin a de l'importance, ce qui le sublime ce sont les rencontres. Elles ne semblent jamais liées au hasard. Certaines personnes m'ont enseigné la patience, d'autre l'audace, mais chacune à leur échelle ont apporté une pierre à l'édifice de mon âme. Chez Jean-Claude, j'ai croisé des personnes bouleversantes, avec qui j'ai partagé des moments forts d'une richesse inestimable. Une grande table, du vin rouge et une poignée de personnes le cœur grand ouvert m'ont permis d'être la meilleure version de moi-même.

Quand les conditions sont propices, nous prenons les camions direction l'Océan. Hendaye, Saint-Jean de Luz, Hossegor, Biarritz, ne sont qu'a une heure de route. Marcelle et Moi embarquons dans Jumpy, le camion aménagé de Clément pour quelques week-end de squat sur la côte Ouest ! On quitte Lacarre, planche de Surf et combinaison sur le toit du camion. Un petit fond de Bob Marley et c'était la cerise sur le gâteau mais Clem a un penchant pour le Rap français… ça nous empêchera de sombrer dans le cliché !

Je pense avoir mangé la meilleure chocolatine de ma vie !  

Le Surf allie tout ce que j'aime, la puissance des éléments, la nature et le sport.

Pour Marcelle c'est le stress de me voir sur une planche et elle a sans doute raison ! 

Les couchés de soleil que l'on peut observer une fois "la barre de vague" passée sont absolument somptueux. Le soleil se reflète dans les gouttelettes en suspension ce qui donne un effet caléidoscope multicolore au paysage. Faut dire que ce spectacle magistral, il se mérite…

 En souvenir de nos soirées de novembre, lentilles curry coco et vin bordelais 

J'avoue, je minimisais l'effort en rétorquant joyeusement " je cours tous les matins, j'ai fait une partie du GR20,..." Disons qu'une fois à l'eau je ne disais plus grand chose ! Essayez de passer un mur de vagues qui vous repousse vers le bord inlassablement avec une puissance à vous faire tourner comme une toupie. Une demi-heure et trois tasses d'eau salée plus tard, c'est les bras en feu et le souffle court que j'arrive de l'autre côté. Clément m'y attend patiemment assis sur sa planche, le paysage est grandiose, le moment suspendu, il n'y a pas besoin de mot, le silence parle de lui-même.

 L'hymne de beauté du soir 

C'est pas tout ça, mais l'objectif est de revenir (vivante) sur la plage… Je m'imaginais debout sur ma planche, sourire aux lèvres, cheveux au vent. Pour clément, ça sera véritablement ça ! Pour moi, c'est sensiblement différent… Disons qu'il s'agira plutôt d'un match de boxe sous la surface. Je suis littéralement secouée comme un prunier par ces puissants rouleaux ! Il faut se détendre, se laisser porter par les flots, surtout ne pas paniquer…. et HOP on refait surface. J'avoue que ça m'aura refroidie, dans tous les sens du terme d'ailleurs ! N'oublions pas que nous sommes en novembre, le soleil est couché et nous dégoulinons d'eau salée ! Plus besoin de rouge à lèvre, mes lèvres presque pris une jolie couleur marbrée, on fonce au camion mettre le chauffage à fond.

Les week-end Surf deviendront un rituel, je m'assieds sur les plages en admirant ces performances impressionnantes. Pendant les sessions de clément, je balade Marcelle en Longboard avec vue sur l'océan, la vie est douce et le rythme est lent. On n'a pas besoin de grand chose, SAUF d'une douzaine d'huitres le dimanche midi !

Un verre de blanc, des crustacés, du soleil, un chien ! De quoi nager dans le bonheur sans mouiller un orteil ! J'ai conscience que ces moments ensemble valent de l'or, ils sont vrais, intenses et plein de joie.

Après plus d'un mois, c'est déjà le moment de plier bagages. J'ai le cœur lourd mais l'aventure continue. Les températures commencent à diminuer et la montagne prend des teintes orangées. Les grues cendrées prennent la route pour l'Espagne, d'immenses couloirs de migration déchirent le ciel. Elles parcourront 2500KM, dans une organisation presque militaire. Le ciel est partagé entre les migrateurs et les vautours, c'est un ballet magnifique à observer.

Cette étape du voyage aura marqué ma vie, j'y aurais vécu un nombre incalculable de moments de partage véritable, appris à être moi-même et j'aurais rarement autant ri ! Pour fêter la continuité, nous irons chercher une bonne bouteille d'Irouléguy et je confectionnerai des gaufres de ma ville natale ! (En faisant bien attention de bercer la pâte) Liège, bizarrement, je serai contente de la revoir.

Préparation des Gaufres liège dans mes plus belles chaussures !

J'adore les arrivées, je déteste les départs mais c'est le jeu du voyage… La soirée se termine sur la phrase culte de Patrice " Terminé, fin du bal"! Cette nuit la, je ne partagerai pas mon lit uniquement avec le chien, mais je ne le saurai que le lendemain (heureusement)…

Mon inspirante colocataire et hop on se remet à écrire