Sur les pas de Gengis Khan en Mongolie et Ningxia

En Mongolie-Intérieure et au Ningxia dans le nord de la Chine : nous partons à la rencontre des mongols et des premiers bouddhistes chinois convertis par les marchands indiens de la Route de la Soie
Juillet 2018
2 semaines
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Après un voyage sans histoire, à part quelques tracasseries policières et sécuritaires à l'aéroport de Pékin, nous sommes arrivés par un beau soleil et un fier 30 degrés à Hohhot, capitale de la province autonome de Mongolie-Intérieure, province appartenant à la Chine. En effet depuis le 17e siècle, la Mongolie est séparée en deux parties : l'une au nord qui constitue aujourd'hui la République indépendante de Mongolie, de capitale Oulan-Bator, ayant beaucoup souffert sous le joug communiste russe jusqu'au démantèlement de l'URSS, et l'autre méridionale qui a souffert de son côté sous le joug communiste chinois. Le résultat des purges des deux côtés est un génocide (on emploie ce mot pour moins que ce qui s'est passé ici) notamment des moines bouddhistes, appelés ici lamas car ils sont adeptes du bouddhisme tibétain qu'on appelle aussi lamaïsme dont le chef spirituel (sinon politique actuellement) est le 14ème Dalaï-Lama. En très grande majorité les temples ont été détruits et les trésors des monastères pillés. La Mongolie chinoise semble s'en sortir un peu moins mal que sa voisine car plusieurs temples ont été utilisés pendant la Révolution culturelle à des fins laïques: école, usine voire ferme à cochons ! Depuis Den Tsaoping dans les années 80 la répression a cessé et on a même aidé les moines qui étaient encore en vie à restaurer ou reconstruire leurs temples. On n'en est pas revenu au nombre initial de temples qui était de plusieurs dizaines de milliers avant les purges mais actuellement on compte aux environs de 300 temples actifs en Mongolie-Intérieure. La situation reste plus critique en Mongolie Extérieure.

Mais revenons à notre arrivée à Hohhot. D'abord Hohhot est une ville actuellement de près de 3 millions d'habitants. Longtemps laissée pour compte, la région connaît depuis les années 80 un regain d'intérêt de la part des autorités chinoises car son sous-sol est riche : charbon, et surtout terres rares font maintenant de cette région une vaste zone industrielle avec son cortège de pollution et de dégradation de l'environnement. Sachant cela nous nous attendions à trouver une ville à la triste mine. Et bien non ! Nous avons été surpris en bien par la modernité de la ville, ses infrastructures avec des routes parfaitement droites et en très bon état, de larges avenues plantées d'arbres où on a pensé à faire des contre-allées pour les cyclistes (de moins en moins nombreux), beaucoup de voitures luxueuses, des immeubles certes à l'allure un peu "communiste" mais pas vilains où on sent une volonté de faire quelque chose pas seulement utilitaire mais aussi beau.. bref une agréable surprise. Et un métro est en cours de construction.

Si nous sommes dans la capitale de Mongolie-Intérieure il faut un peu chercher pour trouver encore des mongols de souche : dilués dans une population chinoise han qu'on a fait immigrer massivement (et depuis longtemps : dès le 17e siècle) pour développer l'agriculture dans un premier temps et maintenant pour les besoins de l'industrie, les mongols ne représentent plus que 15% d'une population à 80% han, et quelques % d'autres ethnies. Pourtant la culture mongole reste présente avec toutes les enseignes en mongol et en chinois.

Les 6 caractères de gauche sont du mongol et le reste du chinois.

Mais de l'aveu de notre guide, une jeune mongole, les jeunes apprennent de moins en moins à lire et à écrire le mongol même s'ils le parlent. Notre première visite a été pour le musée national de Mongolie-Intérieure, à la fois musée écologique sur la faune et la flore de la région, musée historique où deux figures dominent : Gengis Khan bien sûr et l'un de ses descendants Altan Khan, fondateur de la ville au 16e siècle. Nous partirons demain à la découverte de sa ville, l'ancien quartier de Hohhot. Et enfin musée de l'aventure spatiale chinoise car c'est dans cette région que fut installée, en délogeant manu militari les nomades de leurs paturages, la station spatiale chinoise.

Le musée national

Pour terminer une journée bien remplie et un peu fourbus après une courte nuit dans l'avion, nous avons rendu visite à la plus vieille pagode encore debout dans cette région, à quelques kilomètres de la ville : la Pagode Wanbu-Huayanjing ou Pagode Blanche: elle faisait partie d'un monastère dans une capitale fondée fondée au 10e siècle par les Kitans, une tribu mongole. Elle est la seule survivante de cette période. Elle renfermait autrefois des textes bouddhiques aujourd'hui disparus mais elle n'en garde pas moins beaucoup de charme en particulier au soleil déclinant avec sa guirlande de drapeaux de prière de plusieurs couleurs en fonction du vœu qu'on fait et écrits en tibétain.

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Nous partons à la rencontre de l’histoire de la ville de Hohhot.

Mais auparavant nous rendons une visite à une vénérable dame célèbre dans la région, qui vécut, semble-t-il, au 1e siècle avant notre ère. A cette époque les Han sont maîtres en Chine. L’empereur des Xiongnu, clan nomade probablement cousin des Mongols et qu’on dit être les ancêtres des Huns, souhaite une alliance politique avec ceux-là et dans ce but demande une épouse à l’empereur de Chine. Celui-ci lui donne une de ses concubines, Wang Zhaojun, considérée comme une beauté de la Chine antique. Elle sera un fidèle soutien de son époux et à sa mort on lui édifie un mausolée sous la forme d’un tumulus. C’est ce tumulus qu’on visite aujourd’hui dans la banlieue de Hohhot où on n’a cependant pas trouvé de tombe. Mais la vie de cette femme a inspiré nombre d’écrivains et de cinéastes. On a fait de cette soi-disant tombe, un monument très chinois et très récent datant de quelques années seulement. Si dans les années 1990, on pouvait encore voir la steppe du haut du tumulus, maintenant c’est le nombre vertigineux des immeubles en construction en grande banlieue de Hohhot qu’on admire ! Si l’intérêt historique est bien caché, le site est néanmoins un parc où il est agréable de se promener malgré un temps orageux.

Dans l’histoire de Hohhot, un personnage s’impose : Altan Khan, descendant du clan de Gengis Khan. Son aïeul avait fédéré les différentes tribus mongoles en un puissant empire qui domina le monde au XIIIe siècle. Mais la division de l’empire en 4 royaumes pour chacun des fils de Gengis mena aux rivalités entre eux. Un des petits-fils de Gengis, Kubilaï, conquit l’empire du Milieu, alors la dynastie des Song, et fonda une nouvelle dynastie d’empereurs du Milieu, la dynastie Yuan qui régnera environ 200 ans. Mais au XVIe siècle, lorsqu’apparaît Altan, la dynastie Yuan a été renversée et les Mongols ont perdu leur puissance, repliés dans leur fief historique de Mongolie. Il est le chef d’un des clans mongols qui vivent dans cette région de Mongolie-intérieure. En conflit avec les chinois de la dynastie Ming, il gagnera des campagnes militaires contre eux et étendra son royaume de la frontière avec le Tibet au sud à la Grande Muraille au nord. Parallèlement il renoue les liens, distendus depuis la chute des Yuan, avec le clergé tibétain. Il invite à venir le rencontrer le dalaï-lama de l’époque, le 3e et c’est lui qui lui donne ce titre, dalaï signifiant en mongol océan (le dalaï-lama est un océan infini de connaissance). Il va ainsi promouvoir l’installation durable du bouddhisme tibétain en Mongolie. En 1581 il fonde un monastère fortifié entouré d’une petite ville : Kökeqota ou Hohhot est née. De ce passé glorieux subsistent quelques temples qui ont miraculeusement échappé aux destructions de XXe siècle.

Le Temple Dazhao ou Grand Temple de l'Evocation: le plus grand et le plus ancien temple du bouddhisme tibétain, celui fondé initialement par Altan Khan, dont la statue trône devant. Il fut complété plus tard par les Ming. Le communisme n'a pas éteint la ferveur des chinois et nombre de fidèles se pressent dans ce temple, un des plus célèbres de Mongolie-Intérieure. Au fil des cours intérieures dans lesquelles s'ouvrent les différents sanctuaires on s'initie au bouddhisme tibétain extrêmement compliqué comportant un nombre infini de divinités. On est gagné par la sérénité des lieux et l'élégance des pavillons aux toits recourbés et aux couleurs vives.


Le Temple Xilitu zhao, plus petit que le précédent date de la même époque. Xilitu signifie siège sacré en tibétain et zhao, temple en mongol. C’est un lieu important car résidence du 11e bouddha vivant (qui n’y demeure plus aujourd’hui). Ce temple reste actif pour les moines mongols et tibétains. Moins visité par les touristes il y règne un grand calme.

Le 3e grand temple de Hohhot date lui du XVIIIe siècle, monastère du bouddhisme tibéto-mongol également. Il subit malheureusement de grandes destructions pendant la Révolution culturelle ne laissant debout qu’une pagode inspirée du temple de Bodhgaya en Inde où le Bouddha Gautama atteint l’éveil. Le monastère fut reconstruit dans les années 1990 et un petit musée est installé à l’intérieur d’un des sanctuaires. Cette pagode est surmontée de cinq tours. En faisant le tour de la pagode on peut admirer les sculptures de divinités et de nombreux symboles bouddhiques. Des inscriptions en hindi, chinois, tibétain et mongol sont gravées sur le soubassement de la pagode.

Pour terminer cette journée très religieuse nous nous rendons dans la plus ancienne mosquée de la ville construite par des immigrants venus de Chine au XVIIIe siècle. C'est curieux de découvrir une mosquée de style chinois qui ressemble peu à ce qu'on a l'habitude de voir. Et surprise : il n'y a pas de mirhab dans la salle de prière .

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Journée en demi-teinte, déjà en raison de la météo : ciel bas, très nuageux et nombreuses averses, mais aussi par la déception de notre découverte. Bon, nous ne sommes pas naïfs : rencontre avec des familles nomades pour découvrir leur mode de vie, ça sonne très bien mais vu le faible nombre de mongols encore vivant dans cette région, on est sceptique.

Après deux heures de route sur un réseau routier impeccable dont il n'y a rien à redire, notre bus nous arrête en bord de route devant deux yourtes, un enclos avec des chevaux et un autre avec des quads. Tout ceci dans un coin de steppe certes mais planté d'éoliennes et d'un champ de panneaux solaires ! Le temps de comprendre que c'était là les soit-disant "familles typiques" que nous allions rencontrer, nous avons été pris d'un fou-rire au grand dam de notre petite guide qui pensait nous montrer quelque chose de super. Et finalement l'intérêt n'a pas été les familles "typiques" mais la conception du tourisme de masse à la chinoise. Derrière nos deux yourtes, un resort est installé avec des yourtes en béton pour touristes, grande salle de restaurant avec musique locale et spectacle de danses garanties locales le soir. Où sont donc les fiers cavaliers de la steppe qui ont fait trembler le monde ? Les Chinois ont compris très tôt (ça fait plusieurs siècles) que le principal danger des Mongols, c'était leur mobilité. Il fallait donc la contenir à tout prix en les forçant à la sédentarisation. C'est ainsi que, dès le XVIIe siècle, quand ils ont pris définitivement l'ascendant sur les Mongols, ils ont organisé une immigration massive de chinois Han venant des provinces voisines pour développer une agriculture et diluer peu à peu la population mongole avec des han. Et à notre époque c'est pour des raisons industrielles, le sous-sol de la région recelant des minerais rares très demandés dans l'industrie, qu'on continue à organiser massivement cette immigration. Le gouvernement chinois privatise les terrains qui sont ensuite clôturés empêchant toute nomadisation. Pékin a le projet de décentraliser son industrie polluante de la capitale vers la Mongolie-Intérieure. D'où ces gigantesques travaux de construction de logements qu'on voit à Hohhot. Les Chinois aiment les choses bien réglées où la fantaisie a peu de place : même le moindre petit village est fait de maisons toutes identiques et alignées au cordeau. Et les Mongols encore présents sont réduits au rang d'accompagnateurs de promenades à cheval pour touristes, essentiellement chinois. Tristesse !

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Je n’ai pas publié d’étape hier soir car la journée fut un bis repetita de la précédente : la steppe de Xilamuren est parsemée d’éoliennes, de champs de panneaux solaires, de lignes électriques et de dizaines de resorts bas de gamme avec yourtes authentiques en béton et spectacle folklorique pour un tourisme de masse chinois. Ne venez pas en Mongolie-Intérieure pour découvrir le mode de vie traditionnel et les coutumes des Mongols : tout a disparu ici sous la pression des Chinois.

Aujourd’hui par contre la journée fut intéressante avec deux sites majeurs de la région. Redescendant de la steppe de Xilamuren, à quelques kilomètres de Hohhot, dans ce qui est maintenant la banlieue, nous nous sommes arrêtés à un monastère qui fut très important, le monastère Wusutu. Fondé en 1606 d’architecture essentiellement mongole avec quelques ajouts chinois et tibétains, il est en fait composé de 5 monastères réunis ensemble, dont 2 plus importants. Des peintures murales de la dynastie Ming ornent les murs du principal temple. Ayant subi beaucoup de destructions pendant la Révolution culturelle, il a repris une activité monastique mais ne compte qu’une dizaine de moines. Les monastères ne sont pas tous en activité. Néanmoins on apprécie le calme et la sérénité des lieux.

Reprenant notre route vers le sud-ouest nous nous sommes arrêtés à mi-chemin dans un deuxième site important, le monastère Meidai. Fondé par Altan Khan au XVIIe siècle, il est exceptionnel car seul exemple à la fois de palais et de monastère. Initialement Altan Khan avait construit une ville fortifiée, ceinte de hautes murailles avec de puissantes tours d’angle, avec un palais royal. Il y résida une dizaine d’années avant de faire construire la ville de Hohhot où il s’installera par la suite. Il se convertit au bouddhisme tibétain alors qu’il réside encore à Meidai et décide d’y faire construire un temple. Lorsqu’il aura quitté la ville, les bâtiments désertés seront transformés en temples et résidences monastiques. Le temple principal renferme de belles peintures murales difficiles à voir en raison de l’obscurité presque complète qui règne dans le sanctuaire et du mauvais entretien des peintures. L’ensemble du site constitue un agréable parc planté de pins et de cyprès dans un cadre de montagnes très pittoresque.

Etape dans la ville d’Ordos qui ne présente que peu d’intérêt : ville industrielle composée d’usines, de cheminées qui crachent et de centaines d’immeubles bien alignés, comme Hohhot.

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La journée a commencé par une tempête. Si hier il faisait beau, une tempête de sable dans la nuit a déposé une fine couche de sable partout. En partant de l’hôtel le ciel était très menaçant mais il ne pleuvait pas. Nous avons d’abord été visiter le « mausolée » de Gengis Khan, à une soixantaine de kilomètres de Ordos. Je mets des guillemets car la dépouille de Gengis Khan, personne ne sait où elle se trouve. C’est lui-même qui avait demandé à ce que sa tombe ne soit connue de personne et que les acteurs de son enterrement soient exécutés pour ne rien révéler. Et ça a marché car on cherche encore de nos jours la tombe de Gengis Khan, mort au début du 14e siècle. Evidemment ça a frustré beaucoup de monde de ne pas pouvoir l’idolâtrer donc on a trouvé des substituts et pendant plusieurs siècles on a religieusement conservé ses objets personnels ou de sa famille qu’on a exposé dans un mausolée, itinérant puisque c’était des nomades, constitué de huit yourtes blanches. Ce n’est qu’en 1954 que le gouvernement chinois a récupéré les yourtes et en a fait un mausolée en dur et qui ne bouge plus. A l’intérieur où toute photo est interdite, des objets d’époque, les yourtes blanches et de grandes peintures racontant la vie de Gengis Khan. Le tout très chinois ! Les visiteurs chinois aiment se déguiser en mongols pour visiter le mausolée. On en voit même prier devant les yourtes !! De retour dans notre bus un déluge s’est mis à tomber, qui va durer une bonne partie de la journée.

Ensuite nous sommes allés visiter une station de tourisme dans le désert, au bord du désert de Gobi, en profitant d’une accalmie de la pluie. Et ça ressemble beaucoup à une station de ski. Nous exploitons la montagne, eux exploitent le désert. Un téléphérique emmène les visiteurs dans le désert et là différentes activités sont proposées : de la simple promenade à pied, aux inévitables quads, ou chameaux, ou petit train, ou gros camion ou luge…Enfin il y en a pour tous les goûts et ce n’est pas si mal fait. Il n’y a que des chinois mais il faut dire que depuis le début de notre séjour, à part un couple d’Européens à Hohhot, nous n’avons pas croisé d’autres étrangers. D’ailleurs nous sommes l’attraction partout où nous arrivons car ils n’ont manifestement pas souvent vu des étrangers chez eux et sont très curieux. Impossible de parler avec eux mais ils veulent tous des photos avec nous. Ils sont dans l’ensemble très accueillants et pas du tout agressifs.

L’arrivée à notre étape de Baotou, grande ville industrielle très polluée, fut compliquée par des inondations suite aux fortes pluies de la journée. Il nous a fallu deux heures pour faire quelques kilomètres de l’entrée de la ville à notre hôtel car les rues étaient impraticables. Il faut dire qu’il n’y a pas d’égouts dans les rues. Sinon Baotou ressemble à Hohhot ou Ordos : ville moderne avec des alignements infinis d’immeubles tous pareils et beaucoup de cheminées d’usines qui crachent un maximum. C’est une ville minière, charbon et surtout terres rares (capitale mondiale), industrie chimique aussi. Demain nous quitterons la Mongolie-Intérieure pour le Ningxia que nous rejoindrons en train.

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Cette dernière journée en Mongolie-Intérieure nous a fait découvrir un des joyaux de la province : le monastère de Wudang situé dans les montagnes au nord-ouest de Baotou. C’était une ville monastique comprenant l’université bouddhique la plus importante de la région. Le monastère est de pur style tibétain construit à partir des années 1740 et s’est poursuivi jusqu’au 19e siècle. Outre huit sanctuaires la ville comptait des bâtiments universitaires, des bibliothèques, des bâtiments pratiques pour la vie quotidienne (cuisines, réserves …) et les résidences des moines. S’étendant sur environ 2000 m2 la ville s’accroche à la montagne et la vue à l’arrivée permet de voir les toits des différents bâtiments étagés. C’est un endroit superbe pour s’initier au bouddhisme tibétain.


Revenant en début d’après-midi à Baotou notre dernière visite avant le départ fut pour le musée national de Baotou où de très intéressantes collections montre l’ancienneté de la ville : le site était déjà habité à l’âge de bronze et les Chinois ont été très tôt présents ici.

Nous sommes maintenant dans le train (ce n’est pas un rapide !) qui nous emmène de Baotou à Yinchuan au Ningxia. Arrivée prévue à 1 heure du matin. Nous sommes en première en train couchette. Très confortable. Les trains sont très bien organisés dans ce pays et les gens très serviables pour vous aider à trouver votre quai.

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Arrivés à près de deux heures du matin à Yinchuan -les trains sont très bien organisés dans ce pays- nous avons gagné rapidement notre hôtel. Et après une courte nuit nous partons à la découverte de la région. La région autonome du Ningxia a été constituée en 1958 pour abriter une minorité ethnique, les Hui, chinois musulmans descendants de marchands de la Route de la Soie. C’est la plus petite région de Chine, située dans la grande boucle du fleuve Jaune, qui traverse des plaines de loess qui lui donnent sa couleur jaune et enclavée entre au nord la Mongolie-Intérieure et au sud le Gansu. C’est une région habitée depuis très longtemps puisqu’elle abrite le plus vieux site archéologique de Chine que nous allons visiter. Yinchuan a été créée à l’époque de la dynastie des Han, au 1e siècle avant notre ère. Elle fut capitale de l’empire tangoute entre les 11e et 13e siècle avant de s’écrouler sous l’invasion des Mongols. Gengis Khan aurait été mortellement blessé dans une bataille à Yinchuan. C’est une région agricole fertile malgré un climat semi-désertique. Mais depuis l’époque des Han les chinois ont organisé un système d’irrigation intensive qui existe toujours et leur a permis de devenir un grenier pour tout le pays : plusieurs céréales, les primeurs, des fruits sont produits dans la région et Yinchuan est une importante place commerciale. C’est la capitale des baies de goji : je vous en dirai plus demain. L’industrie est présente mais moins importante. Pourtant de grands gisements de charbon sont exploités à 100 km au nord de Yinchuan. A Yinchuan même c’est une industrie pétrolière dont on voit les cheminées d’usines vers la sortie de la ville.

Yinchuan ressemble aux autres villes déjà croisées. Une partie ancienne historique assez petite et une immense ville moderne parfaitement organisée avec des immeubles bien alignés et pas vilains, de larges avenues avec des contre-allées pour les cyclistes, des parcs un peu partout. Le soir la ville est très bien éclairée, avenues, buildings, ponts, tout est illuminé et donne une belle impression. La ville compte aujourd’hui autour de 2 millions d’habitants.

En ayant quitté la Mongolie-Intérieure nous avons laissé derrière nous les monastères bouddhiques. Aujourd’hui nous allons à la découverte de la nature. Aux portes de la ville, un site écologique unique combinant lac et dunes de sable s’étend sur 80 km2. Situé sur un plateau à 1100 m d’altitude, le lac Shahu baigne dans un climat aride tempéré (température moyenne annuelle 8-9°). Les vents et les faibles précipitations expliquent la présence d’un désert. Ce plan d’eau est une niche pour les oiseaux migrateurs et de nombreuses espèces de poissons. Cependant la proximité de la ville et de ses usines ainsi que l’exploitation touristique qui est faite de ce site en menace l’équilibre. Nous rejoignons la partie de désert en bateau. Une station de loisirs un peu comme celle rencontrée il y a deux jours dénature complètement les dunes de sable. On comprend qu’il faille construire des parcs d’attraction pour une population de 1,6 milliard d’individus qui, pour beaucoup encore, ne sortent pas du pays mais ont accédé à un statut social leur permettant de prendre des vacances. Mais dans ce site écologique qu’il faudrait protéger c’est un peu dommage.

Dans l’après-midi nous allons visiter un peu plus loin le plus grand site archéologique de Chine, le site de Shui Dong Gou. La muraille de Chine passe sur ce site, partie datant de la dynastie Ming. La Grande Muraille n’est pas d’un seul tenant. Ce sont en fait des morceaux séparés sans forcément de liaison entre eux et qui fut construite en plusieurs étapes et plusieurs périodes. Au 13e siècle une base de défense militaire le long de la Grande Muraille a été construite ici pour se protéger des tribus mongoles. On ne retrouve pas la Muraille restaurée comme on peut la voir près de Pékin, mais néanmoins il en reste encore des vestiges. Mais la notoriété du site fut assurée en 1923 par deux paléontologues français, Teilhard de Chardin et Licent, qui mirent au jour de nombreux outils de pierre et des fossiles d’animaux datant de 30 000 ans soit de l’âge de pierre. Depuis leur découverte de nombreuses campagnes de fouilles ont permis de trouver bien d’autres outils et fossiles, faisant de ce site le premier site préhistorique en Chine. On parle de culture de Shui Dong Gou, les populations de cette époque étant des chasseurs-cueilleurs. Un petit musée explique ces découvertes. Les fouilles se poursuivent encore aujourd’hui. Enfin c’est un site naturel magnifique de falaises et de canyons, où sont d’ailleurs tournés des films type westerns. Le site est immense et nous finissons la journée fourbus en ayant explosé le compteur de pas (environ 9 km). Là encore on retrouve la pression touristique avec l’organisation d’activités de loisirs (ULM, descente accroché à un cable, balade dans le canyon en véhicule amphibie russe !) qui n’ont franchement pas leur place sur ce site. Mais business is business ! Il y a des stands de snacks, boissons et souvenirs à chaque endroit du site.


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La journée a été centrée sur la ville de Yinchuan dont le nom signifie rivière d’argent. Elle compte environ 1 million et demi d’habitants et c’est une très ancienne cité ou plutôt le site est occupé depuis la préhistoire. Située sur la rive est du fleuve Jaune, elle bénéficie d’un climat continental semi-aride. Région agricole fertile, on lui donne le nom de « maison des poissons et du riz ». Yinchuan existe depuis le 1e siècle avant JC. Après la chute de la dynastie Tang en 907, elle devient capitale de l’empire de Xia de l’Ouest et de ce fait connaît une immigration de chinois Han massive. Les marchands de la Route de la Soie vont apporté la religion musulmane adoptée par de nombreux Han de la région. Après la destruction de cet empire par les Mongols en 1227, elle perd son statut de capitale et devient préfecture du Ningxia. Elle ne redevient capitale de région qu’en 1928 lorsque la province du Ningxia est constituée. C’est un centre administratif et commercial. Autour de la ville l’irrigation des terres a permis de développer une agriculture florissante dès la dynastie Han soit au 2e siècle avant JC. C’est donc un marché pour les céréales et il y a plusieurs minoteries. Elle est aussi un centre important de production de laine venant des nombreux troupeaux de moutons de la région. Aujourd’hui c’est aussi un centre industriel avec des usines d’extraction de pétrole.

Yinchuan est à 1100 mètres d’altitude. Elle se compose de 3 zones : la vieille ville au centre qui concentre l’essentiel des curiosités, le quartier central commerçant et administratif et la zone périphérique à l’ouest résidentielle et industrielle. Je l’ai déjà dit, les quartiers récents très modernes sont remarquablement organisés : larges avenues, contre-allées pour tous les cyclistes et les triporteurs, nombreux parcs et avenues plantées d’arbres. La vieille ville est certes plus resserrée mais la même organisation y prévaut.

Nous avons commencé par le musée national très bien fait lui aussi. Plusieurs secteurs : les pétroglyphes préhistoriques que nous irons voir demain dans les montagnes Helan, l’histoire de l’empire Xi Xia, et enfin l’histoire plus récente de la Longue Marche de Mao dans la région.


Puis nous allons visiter une pagode bouddhique (ça nous manquait !) se dressant dans un temple, le Chengtian Si. Construite en 1050 elle était destinée à recevoir des reliques du Bouddha. C’est une tour octogonale de briques de 11 étages mesurant 64 mètres. De son sommet (après avoir gravi 198 marches d’escaliers étroits et raides) le regard embrasse largement la ville. La cour du temple, qui est en activité mais restreinte, est plantée de vieux arbres qui en font un havre de paix et de fraicheur.

Notre guide nous a emmenés dans un des meilleurs restaurants de la ville pour déjeuner, où nous avons dégusté un canard laqué à la mode pékinoise, c’est-à-dire découpé en fines lamelles qui sont mises avec des oignons à l’intérieur de petites crêpes qu’on roule et qu’on trempe dans une sauce caramélisée : un régal ! J’ai admiré la découpe du canard par le chef qui vous désosse la canard en à peine quelques minutes.

Après cela une visite rapide à deux tours proches : une tour du tambour qui servait à donner l’heure mais aussi pour les grandes cérémonies impériales et un peu plus loin le pavillon de l’Empereur de Jade, dédié au culte de celui-ci, l’une des plus importantes divinités du panthéon taoïste. Considéré comme le souverain du ciel, il était la divinité protectrice de la famille impériale. Construit sous la dynastie Ming, il fut détruit par un séisme au 18e siècle. Reconstruit il est le symbole du savoir-faire des artisans de la ville, c’est la seule structure en bois chevillé (sans un clou) qui existe encore à Yinchuan.

Nos pas nous ont mené ensuite vers la grande mosquée Nan Guan, l’une des plus grandes du Ningxia. La majorité de la population est chinoise musulmane sunnite, ce sont les Hui. Cette mosquée de style arabe peut accueillir 4000 fidèles. On ne peut pas dire qu’elle soit très belle. Un petit musée montre quelques objets intéressants comme le plus petit Coran au monde qui mesure 3 centimètres de hauteur. Une jolie maquette des lieux saints de la Mecque nous permet, nous qui ne pourrons jamais aller là-bas, de se faire une idée de site. C'est tout de même assez drôle de voir flotter le drapeau communiste chinois dans la cour de la mosquée !

Enfin pour terminer votre périple nous allons dans un grand parc dans lequel se situe un temple bouddhiste avec une grande pagode, la pagode Haibao ou pagode du Trésor de la mer. Elle est d’un style architectural original avec un plan en croix. Elle aussi comporte 11 étages et mesure 54 mètres mais nous ne monterons pas car elle est en restauration. Elle est le symbole de la ville. Le temple qui l’abrite est le siège de l’association du bouddhisme du Ningxia. Les cours intérieures sont là encore un havre de paix. Le parc dans lequel se trouve le temple est agrémenté d’un lac artificiel dont les rives sont plantées de saules. Une jolie promenade dans la ville.

De retour à l’hôtel nous allons faire un tour dans un grand hypermarché tout proche, pour nous rendre compte de ce que peuvent trouver les chinois. Et ils n’ont rien à nous envier. Leurs hypermarchés ressemblent comme deux gouttes d’eau aux nôtres avec nombre de produits étrangers alors que ceux-ci sont très peu présents ici. Il suffit de voir l’étonnement de nous voir des gens qu’on croise dans la rue pour comprendre qu’ils ne sont pas habitués à voir des étrangers chez eux.

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La journée nous a réservé des surprises et bousculé notre programme. Ce matin le ciel était chargé mais sec. Nous sommes donc partis pour visiter les deux sites importants autour de Yinchuan : la nécropole impériale des empereurs Xi Xia à une trentaine de kilomètres puis les pétroglyphes préhistoriques dans les montagnes Helan à une cinquantaine de kilomètres de la ville.

L’empire Xi Xia de l’Ouest, empire tangoute, a existé un peu moins de 200 ans du 11e au 13e siècle. C’était un des royaumes qui existaient sur ce territoire chinois où il n’y avait pas encore d’unité. Depuis la chute de la dynastie Han dont le premier empereur (celui de l’armée de terre cuite dans sa tombe) avait réalisé une unification des peuples de la région, les royaumes étaient de nouveau divisés et se faisaient régulièrement la guerre. Ainsi les Xi Xia furent un temps alliés des Mongols contre les chinois Han puis se retournèrent contre eux et bien mal leur en prit car les Mongols foncèrent sur l’empire Xi Xia et détruisirent totalement le royaume allant jusqu’à détruire les archives (bien dommage pour nous !) et bien sûr toute la population. Les Tangoutes étaient un peuple de la steppe comme les Mongols, c’est-à-dire des guerriers qui montaient à cheval et tiraient à l’arc. Ils étaient de fervents bouddhistes.

Dans les années 1970 les archéologues chinois ont fouillé un site d’une cinquantaine de kilomètres carrés s’avérant être la nécropole impériale des Xi Xia. Une dizaine de tombes pyramidales ont ainsi été découvertes dans lesquelles de nombreux objets ont été trouvés. Le site n’est pas entièrement ouvert à la visite, seules 3 tombes sont accessibles, les mieux conservées. Chaque tombe était constituée d’une enceinte murée rectangulaire avec quatre portes. La tombe était une pyramide à degrés recouverte de tuiles vernissées. On a trouvé des statues féminines carrées qui servaient de socles de colonne, caractéristique de ce site. Je vous ai déjà montré des pièces provenant de ce site hier au musée de Yinchuan mais je ne résiste pas à vous en montrer quelques autres.

En sortant de ce site, là encore bien organisé, notre guide nous apprit que les fortes pluies, qui tombent sur la région en ce moment, avaient provoqué un glissement de terrain emportant la route d’accès au site des pétroglyphes préhistoriques. Déception ! Nous décidons de compléter la visite de la ville mais sortant de notre déjeuner, le ciel nous tombe sur la tête sous la forme d’un violent orage. Du coup, décision prise de regagner l’hôtel ce qui s’avéra assez long car, comme à Baotou, il n’y a pas de système d’écoulement d’eau dans les rues qui se transforment vite en piscine. Et les chinois n’osent plus rouler donc gros bouchons. Demain nous quittons Yinchuan pour joindre Zhongwei à 200 kilomètres au sud-ouest.

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Aujourd’hui nous quittons Yinchuan pour descendre au sud-ouest vers Zhongwei. Nous allons traverser la région agricole de la province. Partis par le beau temps, nous sommes rattrapés par les conséquences des intempéries d’hier : le Fleuve Jaune est en crue et la croisière en bateau prévue est annulée. Elle devait nous amener sur un site bouddhique que nous pouvons heureusement rejoindre par route avec un détour. En chemin nous pouvons juger de l’importance de la crue : sorti par endroits de son lit, plusieurs ponts qui l’enjambent sont coupés car l’eau affleure le tablier du pont.


Nous parvenons près de Wuzhong au site culturel du canyon du Fleuve Jaune sans encombre. Le site est en fait constitué de 3 parties : le premier site est religieux (à la fois bouddhiste et taoïste) où se trouve 108 stupas disposés pyramidalement sur le flan d’une colline. On pense que le site date de la période mongole (13e – 14e s). En grande partie détruit, il a été restauré dans les années 1980. La signification des 108 stupas est incertaine mais probablement ferait référence aux 108 marches qu’il faut franchir pour se détacher des passions humaines et atteindre ainsi l’illumination et le nirvana. Les stupas sont de 4 formes possibles tous surmontés d’une ou deux perles. L’aménagement du site est grandiose, peut-être trop car il écrase un peu les stupas.

Le deuxième site est dédié à un personnage légendaire qui aurait vécu pendant la dynastie Han soit au 2e siècle avant JC. C’était un fonctionnaire qui lors d’une crue dévastatrice du Fleuve Jaune aida le peuple à se protéger des inondations en construisant des barrages. Il fut remercié en étant nommé empereur et c’est le premier empereur nommé au mérite. La révolution culturelle ayant détruit une grande partie de leur patrimoine, les Chinois le réinventent maintenant et les autorités ont créé à ce personnage un mémorial grandiose d’architecture de l’époque Han. Impressionnant ! Pas kitsch bien que récent, c’est un lieu assez unique à visiter. Il est composé d’une grande arche d’entrée, de deux tours de côté, l’une de la cloche et l’autre du tambour comme dans les temples, et d’un bâtiment principal à la gloire du roi Hu avec une statue dorée gigantesque et des peintures murales retraçant ses exploits.

Enfin le troisième site est plus d’attraction avec un petit musée consacré à l’aménagement du Fleuve Jaune au cours des âges, avec une glorification du parti à la fin. Les explications n’étant qu’en chinois, on n’a pas tout compris.

Poursuivant notre route, nous avons fait un arrêt à peu de distance de Zhongwei au temple Shikong situé au pied d’une montagne et caractérisé par de nombreux petits temples grottes creusées au flanc de la montagne. En partie en cours de restauration, la visite permet de voir 4 temples-grottes et un petit musée. Ces grottes ont été redécouvertes dans les années 1980 et on y a trouvé de nombreuses statues de moines ou de bouddhas en céramique.

Contents d’arriver à l’hôtel pour prendre une bonne douche car il a fait 34° cet après-midi et nous avons monté au total l’équivalent de 34 étages en marches d’escalier. On dormira bien ce soir !

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Aujourd’hui nous découvrons Zhongwei, « petite préfecture » de 1,5 millions d’habitants au centre-ouest de la province du Ningxia. Bien que la région soit peuplée depuis très longtemps (30 000 ans) la ville est assez récente avec de larges avenues plantées d’arbres comme on retrouve partout. Le centre-ville est néanmoins un peu plus original avec des boutiques aux devantures de style traditionnel chinois. La plus importante communauté (35%) sont des Hui musulmans. Les autres sont des Han, les Zhuang, les Miao, les Yao, les Mandchous, les Coréens et les Tibétains. C’est donc un lieu multi-culturel et multi-confessionnel avec des bouddhistes, des musulmans, des taoïstes, des confucianistes et même des chrétiens.

Elle est située au sud de la partie agricole de la province (qui occupe le nord et l’ouest) : le long de la route de Yinchuan hier nous avons traversé une campagne riche et bien organisée avec des champs de céréales (sorgho, maïs et riz), des champs de légumes, en pleine terre ou sous serre (tomates notamment) et des vergers (pommiers, poiriers, pruniers), et même des vignobles. Cette région produit des vins, en particulier des Cabernet-Sauvignon au nom souvent commençant par « Château » (en français). Notre jeune guide est une étudiante en œnologie qui vient de rentrer d’une année d’étude aux USA (Missouri). Elle doit nous faire vendredi, pour notre dernier jour, une dégustation. Cette région produit aussi un petit fruit très apprécié des Chinois, les baies de Goji, petites baies rouges pleines d'anti-oxydants qu'ils mangent séchées. Zhongwei est donc un centre agricole et commercial mais aussi touristique. Située aux portes du désert de Tengger (prolongement du désert de Gobi), elle possède sa station d’attractions touristiques dans le désert, de même type que celle rencontrée en Mongolie-Intérieure. Nous y avons passé la matinée. Ce qui nous a le plus marqué c’est l’organisation quasi militaire du site. La foule est canalisée sans cesse par un personnel souriant mais dirigiste et nombreux. C’est utile pour diriger les hordes de Chinois qui viennent sur ce site mais ça a un côté orwellien ! Du haut de la dune de Shapotou on a une très belle vue sur le Fleuve Jaune en pleine crue ces jours-ci. On peut voir aussi un morceau de la Grande Muraille qui passe à proximité. Et nous n'oublions pas de fêter nos 26 ans de mariage du haut de la dune !

Après le déjeuner dans un excellent restaurant du centre-ville – Zhongwei est réputée pour sa gastronomie- nous allons visiter le grand temple de la ville, le Gao Miao, qui mêle bouddhisme, taoïsme et confucianisme. Si on ne comprend pas toujours toutes les subtilités de ces rites, on apprécie l’architecture classique des bâtiments et leur décoration, avec un côté foisonnant.

En fin d’après-midi notre organisateur a voulu nous emmener dans une 3e steppe typique et ce fut le même fiasco sur les deux autres. Donc je n’en parlerai pas. Dommage et honteux de réduire la culture mongole à ces singeries débiles.


Demain nous descendons au sud de la province vers Guyuan.

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Partis de Zhongwei, nous descendons vers la préfecture du sud, Guyuan. En chemin nous apprécions la beauté de la campagne, toujours bien cultivée et avec de nombreux petits villages aux maisons plus traditionnelles que ce qu’on avait vu jusqu’ici. Chaque village a sa petite mosquée de style différent. Le sud de la province est réputé pour ses productions de pommes de terre et de céleri. Nous voyons beaucoup plus de paysans travaillant dans les champs que dans le nord mais très peu de mécanisation. Nous avons même vu des paysans moissonner à la serpe et faire des meules de paille très traditionnelles. Les habitants majoritairement musulmans n’ont pas de costume particulier. Simplement les hommes portent un calot blanc et les femmes une coiffe conique mauve qui leur couvre les cheveux ou parfois un voile léger. Ils ne sont pas habitués à voir des étrangers et manifestent beaucoup de curiosité à notre égard et sont très amicaux. Je ne sais pas combien on a fait de selfies avec des locaux depuis le début de ce voyage et nous n’avons croisé qu’un couple d’européens à Hohhot.


Notre premier arrêt du jour est pour visiter le site bouddhique des montagnes Xumi. Ce site était sur le trajet de l’ancienne route de la soie et existe depuis les 4e-5e siècles de notre ère. C’est un ensemble de grottes sculptées à flanc de montagne. Cette région est constituée de montagnes de grès rouge. Le bouddhisme est parvenu en Chine par la route de la soie et tout au long de son trajet on peut trouver des traces de passage de bouddhistes. Ici il s’agit d’environ 130 grottes creusées dans la montagne et qui servaient probablement d’abris aux moines. Certaines sont décorées de peintures murales ou de statues de bouddhas. La plus spectaculaire est un gigantesque bouddha de 20 mètres de haut,assis à l'européenne, qui domine le site. Un musée très intéressant retrace l’histoire de ces grottes et expose de très beaux objets qui y furent trouvés. Je ne vous dis pas combien de marches on a encore grimpé aujourd'hui ! Si je n'ai pas des cuisses de nymphe après ça, c'est à désespérer !!

Après notre visite nous décidons de manger sur place dans une petite échoppe tenue par une musulmane qui nous a préparé un plat de pâtes fraîches (faites devant nous) au mouton absolument délicieux.

Nous reprenons la route pour une visite à un parc géologique situé dans la même chaîne de montagnes. Très beaux paysages avec le contraste entre la verdure (beaucoup de conifères, nous sommes à 1800m d’altitude) et le grès rouge : d’ailleurs Xumi en chinois signifie « pierre de feu » en raison du rouge soutenu de la roche.

Notre étape est à Guyuan, préfecture du sud de la province du Ningxia. La ville existe depuis le 4e siècle de notre ère, étape de la route de la soie.

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C’est de Bangkok où nous venons de rentrer que je poste la dernière étape d’hier de notre voyage. Arrivés tard à notre hôtel, je n’ai pas eu le courage d’écrire hier soir.

Cette dernière étape nous ramenait de Guyuan à Yinchuan donc nous avons retraversé la province du Ningxia du sud au nord : 400 km seulement ! Avant de quitter Guyuan, qui n’offre que peu d’intérêt, nous nous sommes arrêtés au musée de la ville, qui, comme tous les musées rencontrés ici, est très bien organisé et très intéressant. Il expose des vestiges historiques des dynasties des Zhou occidentaux (1046 av. J.-C. - 771 av. J.-C.), des dynasties Qin (221 et 206 avant J.-C.) et des dynasties du Sud et du Nord: les Sui (581-618), les Tang (618-907), les Song (960-1279), les Liao (916-1125), les Jin (265-420), les Yuan (1271-1368 ), les dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911), donc une histoire complète de la Chine dans cette région. Les tombes des dynasties Zhou permettent de découvrir comment on enterrait les personnages importants ; ils étaient accompagnés de leurs serviteurs, conseillers, musiciens, danseuses, etc… sous forme de petites figurines en terre cuite colorée. Cette tradition se retrouve dans la fameuse armée en terre cuite, à taille humaine celle-là, découverte dans la tombe de l’empereur Qinshihuang.


Guyuan ayant été une importante étape sur la route de la soie, le musée montre aussi une belle collection d’art bouddhique primitif, où l’influence indienne est encore bien présente.

Reprenant notre route vers le nord nous faisons un arrêt à l’heure du déjeuner à Tongxin où nous dégustons un bon repas dans un restaurant hui traditionnel : plats de viande mijotés (mouton, bœuf) sont servis avec divers légumes et du riz. J’ai beaucoup apprécié la cuisine de cette province, pas trop épicée et avec beaucoup de saveurs. Nous rendons une visite à la plus ancienne mosquée de la ville, de pur style chinois, l’une des rares à avoir échappé à la folie destructrice des gardes rouges car elle leur servit de centre administratif. Elle est retournée au culte depuis les années 80. Cette mosquée est très élégante avec son architecture totalement chinoise et c’est amusant de voir des dragons sur les toits d’une mosquée. Son minaret original est en forme de pagode. Que ce soit dans les arts, l’architecture, le commerce ou l’éducation, les musulmans chinois (les Hui) ont généralement fait preuve d’un respect de l’ordre moral et éthique de la société confucéenne comme, avec la non-transgression de la hiérarchie paternaliste, l’interdiction de mariage entre cousins, respectée durant de nombreuses générations par la communauté musulmane. Les Han ont eux aussi de leur côté permis une telle intégration, culture fondée sur une pluralité de religion (Bouddhisme, Taoïsme, Christianisme). Les musulmans de la région ne portent pas vraiment de costume distinctif. J'ai déjà parlé de la coiffe des femmes. Quant aux hommes, le vendredi pour la grande prière, ils revêtent un long manteau bleu ciel, beaucoup plus élégant que les djellabah.

Notre dernier arrêt avant Yinchuan sera pour rendre visite à une petite communauté hui dans un bourg à une centaine de kilomètres de Yinchuan. Ces petites communautés vivent par familles dans des maisons communautaires où toutes les générations sont ensemble. Ils élèvent leurs bêtes et ont un petit potager à l’arrière de la maison. Les gens de cette région sont très accueillants et particulièrement curieux de rencontrer des européens même si le dialogue est impossible avec eux.

Ce beau voyage s’achève à Yinchuan où nous passons notre dernière nuit avant de rentrer.

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Ce voyage au cœur de la Chine profonde fut passionnant. Et nous sommes ravis d’avoir commencé notre découverte de la Chine par des provinces reculées, réputées peu touristiques plutôt que par les grandes villes, Pékin ou Shanghai. On a certainement touché plus la « vraie » Chine. Et on peut constater que, pour les Chinois, les étrangers restent une notion très abstraite car personne n’a cherché à savoir d’où on venait, seuls les selfies avec nous les intéressaient. Ils sont loin de tous sortir de Chine, ce n’est même encore qu’une minorité même si on les trouve déjà trop nombreux quand ils viennent chez nous. Hier à l’aéroport de Yinchuan (dont la partie vols domestiques occupe 75% de la superficie du terminal) nous avons vu un groupe de Chinois, qui partaient par le même vol que nous et dont c’était manifestement le premier voyage en avion, se précipiter à la police sans enregistrer leurs bagages. Les policiers ont du leur expliquer la marche à suivre. Et d’un autre côté c’est un pays très développé et en ce qui concerne les nouvelles technologies bien plus que nous. Internet est de bonne qualité absolument partout même dans les montagnes (on était à 2500 km de Pékin), la grande majorité des paiements, même dans les petites échoppes de rues, se font par le biais d’un smartphone dont ils sont tous équipés. Ils vous regardent comme des bêtes curieuses lorsque vous sortez des billets. J’ai même demandé au supermarché à Yinchuan si je pouvais payer en liquide. Par contre ils n’utilisent pas de cartes bancaires et il y a très peu de distributeurs de billets. Donc pour venir en Chine il est prudent de se munir d’argent (en dollars et en yuans).

Même si ces deux provinces que nous avons traversées sont connues pour leur pauvreté et leur retard sur le reste du pays, le développement des infrastructures routières et ferroviaires nous a surpris, les villes sont modernes, un peu trop peut-être toutes sur le même modèle, très bien organisées, propres avec un souci d’aménagement d’un cadre de vie agréable (beaucoup d’espaces verts, de jardins d’enfants, de parcours santé avec des machines d’entraînement, des vélos de location partout). Nos guides nous ont confirmé que le plan de développement et de désenclavement de la région datait d’une quinzaine d’années. Partout nous avons trouvé un souci d’éducation de la population à son histoire et c’est assez récent car sous le maoïsme c’était au contraire un gommage systématique de toute individualité historique ou ethnique : les musées modernes sont très bien organisés et nous y avons croisé nombre de groupes scolaires avec leur prof.

Les deux provinces sont différentes par leur nature (beaucoup plus belle et diversifiée au Ningxia qu’en Mongolie), par leur population (les Hui musulmans sont majoritaires dans le sud du Ningxia), et par leur étendue (le Ningxia est la plus petite province de Chine, environ 2 fois la Belgique, alors que la Mongolie-Intérieure est beaucoup plus étendue, environ 2 fois la France). Les deux constituaient une des parties les plus orientales de l’ancienne Route de la Soie et c’est pourquoi le bouddhisme est encore si influent dans les mentalités. On voit les gens revenir à la pratique religieuse qui est restée interdite jusqu’au début des années 80 et même des jeunes pratiquent. La révolution culturelle n’a pas détruit totalement le sentiment religieux et depuis une vingtaine d’années le gouvernement lui-même aide les communautés à rétablir leurs cultes. Il n’y a jamais eu dans le passé de volonté des Hans de faire disparaître d’autres cultes que le taoïsme ou le confucianisme. L’intégration des minorités s’est faite aussi grâce au respect des traditions de chacun. Seuls les maoïstes ont tenté d’effacer toute individualité ethnique. Cependant aujourd’hui encore il existe un contrôle du pouvoir central communiste sur les communautés religieuses : ainsi les imams ne sont nommés qu’avec l’approbation du parti communiste. Et dans tous les lieux de culte, qui doivent être enregistrés auprès des autorités, on trouve un drapeau communiste flottant dans la cour. En Chine, les politiques pratiquées à l'égard des nationalités ont des objectifs louables de protection, mais elles cachent toujours une stratégie de contrôle destinée à les intégrer de force dans la Grande Nation chinoise. Dans cette perspective, les autorités chinoises favorisent une approche de la religion, qui se conforme le plus possible au dogme communiste. Dans le Ningxia comme dans toute autre province, les enfants âgés de moins de 18 ans n'ont pas le droit de recevoir une instruction religieuse dans les écoles publiques. Cependant, il est possible de fonder des écoles confessionnelles privées. Ces écoles ne sont pas gratuites, mais certaines d'entre elles reçoivent des subventions importantes de la part des pays arabes. Cet enseignement confessionnel représente une solution à une certaine crise de l’enseignement public en Chine. Depuis la décentralisation administrative, l'éducation est devenue onéreuse pour les familles pauvres, surtout dans les zones rurales. Les jeunes abandonnent de plus en plus tôt leurs études, souvent même avant d'arriver au secondaire. Or, ces écoles confessionnelles servent, entre autres, à récupérer ces jeunes et à offrir gratuitement des études et un hébergement aux plus pauvres. Ces écoles privées ont acquis une importance considérable et certaines d'entre elles sont réputées pour la diversité de leur formation (garçons et filles) et la possibilité qu’elles offrent de poursuivre des études universitaires en Chine ou à l’étranger. Non seulement ces établissements d'enseignement privés sont tolérés par les autorités chinoises, mais ils sont même encouragés. Cela étant, les autorités chinoises se sont dotées de moyens de contrôle pour vérifier le contenu des matières enseignées dans les écoles confessionnelles.


Comme dans toute la Chine, la presse n'est pas davantage libre au Ningxia. Comme dans toutes les provinces chinoises et les autres régions autonomes, les stations de télévision et de radios demeurent d'importants outils de propagande pour les autorités chinoises. Ainsi, les discours des principaux dirigeants chinois sont régulièrement retransmis, généralement en chinois, afin de contrer les « activités contre-révolutionnaires » au nom de la « nécessaire dictature du prolétariat ». Les journalistes de la radio et de la télévision sont dans l'obligation d'appliquer la « politique de sinisation » tant culturelle que linguistique. La Région autonome hui du Ningxia n'a jamais été contrôlée par les Hui, mais par les autorités centrales de Pékin. Malgré les déclarations officielles, la Région autonome hui du Ningxia n'est jamais présentée comme musulmane, mais comme un territoire avec une minorité ethnique, les Hui.


La Mongolie-Intérieure nous a permis de découvrir le bouddhisme tantrique, pratiqué au Tibet et dans cette province, et dont le chef est le Dalaï-lama. Ce bouddhisme ordonne les enseignements des grandes écoles indiennes du bouddhisme « du grand véhicule » avec celui d’écoles hindouistes ou des pratiques chamaniques locales. Il en résulte un ensemble de rituels ésotériques foisonnants, souvent déconcertants, qui semblent étrangers au message bouddhiste du « petit véhicule » présent dans notre Asie du Sud-Est. C’est une religion très complexe qui ne pouvait pas convenir aux communistes puisque le religieux et le séculaire y sont intimement mêlés. C’est pourquoi on comprend que, même maintenant où la liberté de culte est rétablie, il est hors de question de laisser revenir au Tibet le Dalaï-lama pour les autorités chinoises. Elles contrôlent la pratique religieuse en promouvant un « Panchen-lama officiel », c’est-à-dire un numéro 2 dans la hiérarchie bouddhique lamaïste, désigné par le parti communiste chinois. Mais il est dépourvu de toute autorité politique. (NB : la 11eme réincarnation du Panchen-lama a été enlevée le 17 mai 1995 par les autorités communistes, 3 jours après sa nomination par le Dalaï-Lama, et personne ne l’a jamais revu depuis.)


Au Ningxia c’est le bouddhisme primitif, qui atteint en premier la Chine par les commerçants de la Route de la Soie dès les premiers siècles de notre ère, que nous avons rencontré. C’est toujours le « bouddhisme du grand véhicule », mais moins déroutant dans sa pratique et ses représentations, pour nous, familiers avec le « petit véhicule » pratiqué en Asie du Sud-Est. Les grottes des monts Xumi en sont le plus bel exemple. C’est pour nous une des plus belles découvertes de ce voyage alliant un décor naturel grandiose avec ses falaises de grès rouge et des statues gigantesques de Bouddha. L’approche des communautés musulmanes, très bien intégrées et qu’il est difficile de distinguer des autres, était aussi un élément intéressant au Ningxia et la mosquée de Tongxin est certainement un des plus beaux exemples de cette intégration.

Nous n’avons pas vu de pauvreté extrême nulle part, pas plus dans les villes que dans les campagnes. Aucun mendiant dans les villes (où sont-ils ?). La propreté des villes et de la campagne est respectée par tous : pas de détritus traînant dans les rues ou sur le bord des routes, des poubelles de tri partout. Ils ont manifestement un souci de protection de l’environnement plus important que ce qu’on croit chez nous. Oui il y a beaucoup de pollution surtout liée à l’industrie minière dans cette région mais partout en rase campagne il y a des éoliennes et des champs immenses de panneaux solaires. Dans les campagnes toutes les maisons sont équipées d’un petit panneau solaire sur le toit. Je ne prétends pas que tout soit parfait mais je les crois beaucoup plus conscients du problème que ce qu’on imagine chez nous, même s’ils n’adhèrent aux traités internationaux qu'avec parcimonie. Ont-ils tort ?


Vous l’avez compris, ce pays nous a séduit et nous y retournerons car il y a matière à découverte. N’hésitez pas à venir vous y aventurer : la population est très accueillante, les infrastructures hôtelières de bonne qualité (nous avions partout des hôtels classés 3 étoiles, aux normes tout à fait internationales sauf peut-être pour les petits-déjeuners tous chinois 100%). Une supérette n’étant jamais loin, nous achetions des yaourts et des petits pains (ils font de la bonne boulangerie) et prenions les pti dej dans notre chambre. Le seul point noir à déplorer c’est les toilettes publiques : uniquement à la turque (sauf celles pour handicapés, normales, que je privilégiais quand il y en avait) elles sont rarement propres. C’est mieux dans les centres commerciaux. Vous n’aurez pas besoin d’adaptateur électrique, leurs prises femelles (intelligentes) acceptant tout type de prise mâle. Le parc automobile nous a aussi surpris : pas une seule vieille voiture, des voitures en général de moyenne gamme neuves : chinoises, japonaises, coréennes, européennes (Peugeot, Citroën, peu de Renault, Mercedes, BMW, Porsche (oui, oui !), Land Rover, Maserati) des américaines (Ford, Bentley !!!). Et on est dans des provinces pauvres ! Une classe moyenne se développe depuis les années 80 et a probablement changé en profondeur la Chine. Je vais relire le livre d’Alain Peyrefitte car je crois que non seulement la Chine s’est bel et bien éveillée mais qu’elle est en train de prendre le pas sur nous. Ils n’ont rien à nous envier et nous ne comptons guère pour eux. A notre tour de nous réveiller !