Phetchaburi est une des villes les plus anciennes de Thaïlande: fondée au VIIe siècle, avant la présence des Thaïs, elle a toujours joué un rôle important dans l'histoire du pays.
Septembre 2020
5 jours
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Phetchaburi est une charmante ville d'environ 30 000 habitants, avec une longue histoire. Elle est située à 130 km au sud-ouest de Bangkok et 25 km du bord du golfe de Thaïlande, au début de l'isthme de Kra, cette mince bande de terre, centrée par la chaine montagneuse du Tenasserim, qui relie la Thaïlande continentale à la Malaisie. Cette région de l'isthme de Kra est peuplée de très longue date et a toujours joué un rôle commercial stratégique entre l'Inde et l'Extrême-Orient. Depuis plus de deux mille ans les hommes rêvent d'y percer un canal pour raccourcir la voie maritime entre l'Inde et la Chine et surtout éviter le détroit de Malacca, repaire de brigands depuis toujours. Le projet est encore d'actualité aujourd'hui.

Fondée dès le VIIe siècle par les Môns, qui établirent la première civilisation dans le bassin du Chao Phraya, Phetchaburi, familièrement Pethburi pour les Thaïs, servit longtemps de poste important sur la route commerciale entre l'Inde et la Chine, dès l'époque mône puis après la prise de pouvoir par les Khmers au XIe siècle et par les Thaïs au XIIIe. Elle fit partie du premier royaume thaï de Sukhothaï puis du royaume d'Ayutthaya. Elle fut aussi une place forte importante de défense de la capitale lors des guerres avec la Birmanie aux XVIe et XVIIIe siècles . Depuis l'avènement de la dynastie royale actuelle en 1782 et de déplacement de la capitale à Bangkok, elle est devenue une ville de villégiature très prisée pour la douceur de son climat, surtout au XIXe siècle lorsque deux rois, Rama IV puis son fils Rama V, s'y firent bâtir des palais d'été qu'ils n'occupèrent guère ni l'un ni l'autre. Appelée Cité du Diamant, elle tire ce nom d'une légende selon laquelle on ramassait, jadis, des pierres précieuses dans la rivière Phetchaburi, image d'une réalité prospère sans doute.

Le roi Rama IV (1851-1868) souhaitait pouvoir s'adonner à un de ses passe-temps favoris, l'astronomie, raison qui le fit choisir d'établir son palais estival en haut d'une colline d'une centaine de mètres, la Maha Samana, qui domine la ville: c'est le Phra Nakhon Khiri que les habitants de la ville appellent le Khao Wang c'est à dire "la cité céleste de la montagne" . Cette colline comporte trois crêtes sur lesquelles sont bâties les trois parties du domaine royal.

Sur la crête occidentale se trouvent les appartements royaux et le petit observatoire privé du roi.

La crête centrale est dominée par un grand chedi de style sri-lankais enchâssant une relique du Bouddha.

Sur la crête orientale enfin se trouve le temple du domaine, le Wat Phra Kheo Noi, reproduction en réduction de celui du palais royal de Bangkok. Le roi Rama IV était un bouddhiste fervent qui fut moine 10 ans avant de prendre le pouvoir. L'architecture de cet ensemble, qui date de 1860, est composite faite d'éléments occidentaux, thaïs et chinois, notamment au niveau des toitures, reflet de l'éclectisme du roi.

Demain nous continuerons par le palais du roi Rama V.

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Le roi Rama IV n'est pas le seul souverain thaï à avoir apprécié la douceur du climat de Phetchaburi. Son fils et successeur, le roi Chulalongkorn ou Rama V s'y est fait construire également un palais une cinquantaine d'années après son père. Si celui de son père reflétait son éclectisme, celui du roi Chulalongkorn reflète sa passion pour l'architecture occidentale et son goût pour les dernières technologies de son temps. Contrairement à celui de son père, il ne domine pas la ville mais s'y intègre totalement. Construit en style néo-classique baroque, il fut réalisé par un architecte allemand, qui s'inspira du palais d'été du Kaiser Guillaume II. Ce bâtiment assez élégant dénote cependant dans le paysage de cette petite ville encore très traditionnelle aujourd'hui.

L'intérieur est décoré de style baroque original.

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Comme dans toutes les villes et villages thaïs, les temples structurent la vie quotidienne des habitants. Cette ville ayant un très long passé, il y a beaucoup de temples. Cependant de la première période mône il ne reste pas de vestiges alors que d'autres villes en ont conservé. La présence khmère a laissé par contre plusieurs traces, notamment au Wat Kampheng Laen qui comporte les vestiges de 5 prangs, ces tours en forme d'épis de maïs caractéristiques de l'architecture khmère datant probablement du XIVe siècle: construites en maçonnerie de latérite (blocs de pierre volcanique) recouvertes de stuc c'est à dire de plâtre, aujourd'hui presque disparu. Ces tours sont des sanctuaires contenant des statues du Bouddha.

Les temples les plus anciens encore debout datent du XVIIIe siècle. Le plus ancien, construit vers 1740, est le Wat Ko Kéo Suttharam, qui comporte de belles peintures murales à fresques qui ont été peu restaurées. Les frontons sont originaux, faits de stuc, richement décorés.

Une particularité architecturale qu'on retrouve beaucoup ici et que je n'avais jamais vue ailleurs dans le pays, c'est la présence en bordure des toits ou au faîte de ceux-ci de kinaris, ces divinités mi-humaines mi-animales qui peuplent le panthéon des divinités thaïes. C'est le cas notamment au Wat Mahathat, le temple principal de la ville qui comporte cinq majestueux prangs blancs, directement inspirés de l'architecture khmère.


L'intérieur du viharn (chapelle principale) comporte des peintures murales classiques du début du XIXe siècle avec 3 rangées de divinités tournées vers le Bouddha représentant les différents niveaux célestes et entre les portes et les fenêtres des scènes des vies antérieures du Bouddha. Au dessus de la porte principale se trouve classiquement la scène de la victoire du Bouddha sur les forces du mal, juste avant d'accéder à l'illumination.


Proche du précédent, le Wat Plubphlachai montre la maîtrise des artisans locaux dans l'art des décors de stuc: ici c'est une véritable dentelle.

La chapelle réservée aux moines est un bel exemple de l'architecture de bois.

Phetchaburi est une petite bourgade tranquille, de nos jours où il est encore possible de voir les gens vivre de manière traditionnelle. Il persiste de nombreuses maisons en bois, pas souvent en bon état et pas toujours faciles à voir, cachées derrière de hautes palissades. Plusieurs d'entre elles ont été décorées de motifs amusants : street art local.

Ainsi s'achève cette petite escapade à Phetchaburi. Rendez-vous dans un mois pour une plus longue balade.