En ce samedi 23 mars, pluvieux et frisquet (16°), surtout pour nous habitués aux chaleurs tropicales de Bangkok, nous débarquons à Taipei pour une courte escapade. Première impression : un pays bien organisé, des habitants souriants et sympathiques. Nous logeons dans l'hôtel le plus chinois de la ville, le Grand Hôtel. Dès notre installation, il faut trouver de quoi couvrir mon pauvre Pierre, parti en petit polo estival et sans vêtement chaud: une boutique de vêtements chinois de l'hôtel fera l'affaire. Voilà Pierre transformé en mandarin.
Après une bonne nuit, départ vers le Musée National du Palais de Taipei, le but premier de notre voyage. Pourquoi cet intérêt ? Parce-qu'il renferme une grande partie des collections d'art chinois depuis le début de la Chine, et ça ne date pas d'hier, jusqu'à la dernière dynastie régnante du début du XXe siècle, collections qui appartenaient initialement à la Cité Interdite de Pékin. Comment sont-elles arrivées ici ? C'est une aventure rocambolesque qui commence en 1937 quand, devant l'avance des Japonais qui ont envahi la Mandchourie, le général Tchang Kai Tchek décide de déplacer les collections de la Cité Interdite pour qu'elles ne puisssent pas tomber aux mains des envahisseurs: 3 convois qui suivront des chemins et des destinations différentes vers le centre et le sud de la Chine. Près de 650 000 pièces, petites ou grandes, réparties dans des milliers de caisses vont se promener pendant plus de deux ans avant d'arriver à leurs lieux de cachette. Elles y resteront jusqu'en 1948 où, cette fois, devant l'avancée des communistes chinois et craignant que ceux-ci ne les détruisent (version officielle), Tchang Kai Tchek leur fait prendre la mer en direction de Taïwan, qui devient la République de Chine (non communiste) dont il est président. On construit un musée pour accueillir ces pièces dans les années 1950 : c'est le Musée du Palais de Taipei. Depuis, un bras de fer oppose les deux Chine, les communistes souhaitant bien sûr récupérer les collections.
Toutes les pièces ne peuvent bien sûr pas être exposées en même temps. D'autant qu'aux collections de Pékin sont venues s'ajouter d'autres pièces provenant de dons, d'autres musées ou d'achats du musée. Au total un fond de 700 000 pièces dont 1% est exposé en une fois, une rotation de 3 mois permettant de changer les collections présentées. Déjà 1% ça fait 7000 pièces ! De quoi en prendre plein les mirettes ! Il y a tout de même un fond permanent dans les pièces présentées, les pièces maîtresses demeurant toujours là. Aujourd'hui nous avons pu voir des collections d'art bouddhique, de céramiques, de bronzes, de jades et de peintures. Même s'il y a beaucoup de monde, le musée est bien organisé et on a pu voir à peu près correctement les pièces qu'on voulait voir. Mais les groupes de touristes chinois ici comme au Grand Palais à Bangkok sont infernaux.
L'art bouddhique tout d'abord nous a permis d'admirer quelques belles pièces du bouddhisme tibétain, très pratiqué en Chine comme on l'avait vu l'an dernier en Mongolie-Intérieure.
L'art de la poterie est une longue expérience en Chine : dès le Néolithique aux environs du 6e millénaire avant notre ère, on commence à fabriquer des poteries en terre cuite et à polir des outils en jade (comme des haches), qui a l'avantage d'être une pierre extrêmement dure quasi indestructible. La maitrise de ces deux techniques ne cessera de passionner les artisans chinois qui vont acquérir une expertise sans rival dans ces deux domaines. Dès 5000 à 6000 ans avant notre ère il existait en Chine des fours de poterie qui montaient en hautes températures permettant de cuire des pièces à couverte blanche et noire. Il y a 4000 ans on faisait des poteries noires ajourées très fines appelées "coquilles d'oeuf".Les Chinois ont inventé toutes les techniques de céramiques et de porcelaines qui restent encore aujourd'hui parmi les plus belles du monde. Les empereurs chinois ont tous été collectionneurs de belles pièces de leurs époques et la collection du musée est très riche de toutes les dynasties. Les porcelaines les plus connues sont sans doute les porcelaines à motif bleu de la dynastie des Ming.
Les émaux sont aussi une spécialité des artisans chinois et on peut admirer de très beux cloisonnés.
L'art du bronze dès le 2e millénaire avant notre ère s'est aussi développé en Chine, très utilisé dans les objets quotidiens.
Le jade est certainement resté une spécialité chinoise. Employé tant comme outil que pour faire des bijoux ou créer des tablettes gravées de textes rituels, c'est le matériau le plus noble pour les Chinois, avant l'or qu'ils ne dédaignent pourtant pas.
Terminant la journée par l'exposition de peintures, nous n'y avons pas consacré beaucoup de temps, étant fatigués. Néanmoins quelques belles pièces ont retenu notre attention. Les peintures chinoises traditionnelles sont des aquarelles ou des lavis à l'encre, souvent avec des textes calligraphiés.
Demain la météo semble un peu meilleure. Nous allons tenter une visite de la ville.