Notre deuxième visite ce jour est pour l'hôtel de la Marine sur la place de la Concorde. Monument emblématique de la place de la Concorde, l’Hôtel de la Marine est un superbe ensemble architectural créé au XVIIIe siècle par Ange-Jacques Gabriel, Premier architecte du Roi. Il abrita jusqu’en 1798 le Garde-Meuble de la Couronne avant de devenir, pendant plus de deux cents ans, le siège du ministère de la Marine. Il est ouvert à la visite et vient d'être rénové.
La place Louis XV, actuelle place de la Concorde, doit sa création à la volonté de la Ville de Paris d’édifier une statue à la gloire du roi Louis XV en 1748.Pour mettre en valeur cette statue équestre commandée à Edmé Bouchardon, l’idée d’une place à la gloire du roi, sur le modèle de la place Vendôme et de la place des Vosges, fait son chemin. Après de nombreuses hésitations, le roi Louis XV donne un emplacement qui lui appartient à l’ouest de la ville, aux abords du jardin des Tuileries.
Un concours d’architecture est alors lancé pour l’aménagement de cette place. Dix-neuf propositions sont déposées mais aucune ne satisfait le roi. Il en est de même du second concours organisé.Après cinq ans de débats, c’est Ange-Jacques Gabriel, Premier architecte du Roi, qui effectue une synthèse des différents projets pour créer les plans définitifs de la future place Louis XV.
La statue du roi sera au centre d’une place formée de jardins en fossés secs bordés de balustrades. La sculpture du monarque le représente à la romaine, c’est à dire chevauchant sans selle et sans étriers. Au sud de la place, la Seine, au nord, deux palais jumeaux aux façades classiques monumentales de part et d’autre de la rue Royale, à l’ouest, la place s’ouvre sur les Champs-Elysées et le cour de la reine.
À la chute de la monarchie, cette place « Louis XV » réalisée à la gloire du roi changera de nom pour devenir « place de la Révolution » puis « place de la Concorde » à partir de 1795.
Après l’édification des plans et le lancement des travaux d’aménagement de la place, il est temps de trouver une affectation pour les deux palais situés au nord de la place.C’est en 1765 que l’on décide d’installer le Garde-Meuble royal, institution en charge du mobilier du roi, dans le palais le plus à l’est (entre l’actuelle rue Royale et la rue Saint-Florentin), le futur Hôtel de la Marine. Censé, dans un premier temps, n’occuper qu’une partie du bâtiment, le Garde-Meuble finit par investir l’entièreté du lieu en 1767.Pierre-Elisabeth de Fontanieu, intendant à la tête du Garde-Meuble, en profite pour faire aménager l’Hôtel pour répondre pleinement aux besoins de son administration : lieux de stockage, ateliers, appartements de fonction, galeries d'exposition, lieu de vie également avec sa chapelle…
Durant près de vingt-cinq ans, le Garde-Meuble et son intendant, Pierre-Elisabeth de Fontanieu puis Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray, vont occuper le palais.
Ancêtre du Mobilier national, cette institution était en charge de l’aménagement des résidences royales et de l’entretien de leur mobilier : Versailles, mais également Compiègne, Fontainebleau, Marly, Choisy, Trianon, Rambouillet, Saint-Germain-en-Laye et Montreuil.L’institution est chargée du choix, de l’achat et de l’entretien du mobilier du roi, allant du lit à la simple chaise. Elle est également en charge de la conservation des collections royales d’armes et d’armures, d’étoffes et de tentures, de vases de pierres dures, de bronzes et enfin des diamants de la Couronne, mais aussi des batteries de cuisine et du linge de maison !
La Révolution française, qui éclate en 1789, change à jamais l’histoire de ce palais de la place Louis XV. Symbole de l’administration et du faste royal, les jours du Garde-Meuble sont comptés.
Deux événements marquent l’histoire du lieu :
- le 13 juillet 1789, les révolutionnaires s’emparent des armes exposées dans la salle d’armes. Le lendemain, ils iront chercher des munitions à… la Bastille.La petite histoire raconte que les premiers tirs contre la Bastille ont été tirés par des canons montés sur des affûts damasquinés en argent offerts par le roi du Siam à Louis XIV en 1684, pris la veille dans les collections royales du Garde-Meuble.
- le 16 septembre 1792, le vol des bijoux de la Couronne a lieu à l'Hôtel de la Marine. Dans la nuit, une quarantaine de personnes entrent dans le salon où sont exposés les bijoux, et dérobent un butin de près de 30 millions de francs.
Dès le début de la Révolution, le roi Louis XVI quitte Versailles pour Paris.Toutes les administrations de l’État présentes à Versailles doivent donc regagner la capitale.Mais un obstacle de taille se dresse : où les installer à Paris ? Le ministère de la Marine, avec à sa tête le comte de La Luzerne et Jean-Baptiste Berthier, s’installe dans le palais abritant le Garde-Meuble en 1789.
Dans un premier temps, la Marine occupe des espaces au deuxième étage et à l’ouest du premier étage. Il lui faudra moins de 10 ans avant de pouvoir occuper le bâtiment dans son ensemble. C’est le début de deux siècles de présence de cette administration dans ce palais (exactement 226 ans) qui portera désormais le nom d’Hôtel de la Marine. Ce n’est qu’en 2015 que le ministère de la Marine quitte le bâtiment.
Et que devient le Garde-Meuble ?
Symbole de l’Ancien Régime, l’institution est dans un premier temps purement et simplement supprimée lors de la Révolution. Une partie des meubles et objets d’art est alors vendue aux enchères ou brûlée, notamment pour en récupérer les métaux précieux. En 1800, elle est recréée sous le nom de Garde-Meuble des Consuls. Elle deviendra ensuite Mobilier impérial pour devenir finalement Mobilier national en 1870. Le Mobilier national est toujours en charge des meubles des différentes institutions nationales telles que l’Elysée.
Du bureau du chef d’État-Major à la galerie des grandes préfectures de Marine françaises, la Marine va remodeler le lieu en fonction de ses besoins : division des espaces pour augmenter la taille des bureaux, aménagements liés aux évolutions technologiques des XIXe et XXe siècles (électricité, téléphone, ascenseurs…) mais aussi décors comme les portraits des grands marins de la Marine royale.
Au départ de la Marine, la gestion du bâtiment est donnée au Centre des monuments nationaux.Une restauration de grande ampleur est entreprise pour ouvrir le monument au public et rendre aux appartements des intendants du Garde-Meuble royal leur faste du XVIIIe siècle.
Une architecture caractéristique du XVIIIe siècle français: la façade du monument marque d’abord par sa parfaite maîtrise de la symétrie selon les normes classiques définies par l’Académie royale d’architecture.
L’Hôtel de la Marine, ainsi que son pendant occidental qui accueille aujourd’hui l’hôtel de Crillon, l’Automobile Club de France et l’hôtel de Coislin, affirme le penchant français pour la rigueur, le tracé géométrique et le goût du XVIIIe siècle pour l’Antiquité.
Les appartements de l’intendant
À la tête du Garde-Meuble royal, on trouve un intendant. Officier de la Maison du Roi, il est logé sur place, dans des appartements luxueux, représentatifs de sa fonction.
Aménagés dès 1765 par Pierre Elisabeth de Fontanieu, les appartements de l’intendant sont remodelés à partir de 1786 par Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray. Ils sont un exemple de l’appartement idéal, tel qu’il était perçu à la fin du siècle des Lumières, disposant a minima d’une antichambre, d’une chambre et d’un cabinet.
Les appartements de l’intendant sont situés à l’est, au premier étage, « l’étage noble », donnant actuellement sur la place de la Concorde et la rue Saint-Florentin.Transformés au fil de années en fonction des occupants des lieux, ils comprennent aujourd’hui :
● Au nord, les appartements de Thierry de Ville d’Avray : une antichambre, une chambre, le cabinet d’audience et le cabinet des bains.
● Au sud, la chambre de Madame Thierry de Ville d’Avray.
● Les deux appartements sont reliés entre eux par les pièces de réception : salon et salle à manger.
● Sur cour, la chambre de Pierre Elisabeth de Fontanieu ainsi que le cabinet des glaces et le cabinet doré installés par l’intendant.
Les pièces de réception
La vie de la société aristocratique du XVIIIe siècle se développe autour des réceptions données dans toutes les bonnes maisons.La maîtresse de maison tient salon, accueille le tout Paris et les intellectuels. Recevoir est un art dont la disposition des pièces des appartements ainsi que le luxe des pièces de réception est la preuve.
La circulation entre les différents appartements d’un hôtel particulier du XVIIIe siècle se fait sur un axe vertical, ce qui donne un rôle central à l’escalier monumental qui dessert l’ensemble du bâtiment.
En plus des appartements, l’escalier permet également d’accéder aux galeries d'exposition du lieu qui se trouvent au premier étage sur la façade donnant sur la place de la Concorde : salle d'armes, galerie des grands meubles (étoffes et tentures), salle des Bijoux, galerie des Bronzes.
À l’origine, ces pièces servaient à présenter les collections royales aux visiteurs français et étrangers. Elles avaient vocation à montrer l’excellence des arts décoratifs à la française et la puissance de la monarchie. Ces espaces ont été convertis au XIXe siècle en salons d’apparats par la Marine.
La grande galerie fût scindée en deux et accueillit de nombreuses réceptions fastueuses tout au long des XIXe et XXe siècles. Des bals pour les sacres de Napoléon et Charles X se déroulèrent en ces lieux.
Ces pièces sont celles qui ont gardé le plus de traces du passage de la Marine dans le bâtiment. On retrouve, par exemple, dans le salon d’honneur des décors fastueux liés à la Marine, mais également dans l’ancienne salle d'armes du Garde-Meuble royal transformée en salle à manger d’honneur ou dans le salon diplomatique.
- La décoration des salons d'honneur et de réception, réalisée à partir de 1843, marque l’appropriation des lieux par la Marine. Sur les murs des portraits d’amiraux de l’Ancien Régime : Tourville, vice-amiral de Louis XIV, Jean Bart, corsaire issu d’une famille de marins renommés, Duguay-Trouin corsaire malouin au quatre-vingts combats et abordages et Duquesne, lieutenant-général des armées navales de Louis XIV.
- Toujours conservé aujourd'hui, le bureau du chef d’Etat-major de la Marine est le symbole de l’installation de la Marine dans le bâtiment. Pendant plus de deux siècles, c’est entre ses murs qu’ont été prises les plus grandes décisions de la Marine française, quels que soient les époques et les régimes politiques. Si les murs pouvaient parler...
La Collection Al Thani
Cette collection rassemble des oeuvres d'art allant de l'Antiquité jusqu'à l'époque moderne, dans un large éventail de cultures et de civilisations. Toutes attestent de la créativité des sociétés humaines et de leur capacité à dompter la matière pour donner forme, sens et finalité à un objet. Cette exposition présente une sélection des trésors de la collection.
Reflétant l'étendue de la collection, les sept chefs-d'oeuvre de la première salle illustrent des points culminants de l'activité artistique dans différentes cultures. Issus de quatre continents, couvrant près de six millénaires, ils ont en commun la sensibilité de leur exécution, le soin accordé au choix de leurs matériaux et leur valeur symbolique. Par leur diversité d'origine et de forme, ces pièces rassemblées sont des fenêtres sur les valeurs et les croyances de quelques grandes civilisations.
Visages à travers les âges
Très tôt dans l'histoire, l'homme tenta de fixer sa propre image. Exécutés dans divers matériaux, les objets présentés montrent une diversité de visages, issus d'époques et de régions multiples, reflétant des identités culturelles et spirituelles. Des portraits d'individus spécifiques cotoient des figures génériques, idéalisées, ou encore des dieux anthropomorphes.
Miroir de la personnalité, des émotions, des croyances, la représentation du visage fut essentielle pour dépeindre la condition humaine à travers les âges. Par-delà la différence des cultures, nous pouvons trouver des points communs et une affinité avec ces visages qui nous relient avec des temps, des lieux et des civilisations éloignés.
Chefs-d'oeuvre des Arts de l'Islam
La troisième salle de l'exposition st consacrée aux Arts de l'Islam. Au VIIe siècle, en Arabie, émerge une nouvelle religion, l'Islam. La rapidité et l'étendue de sa diffusion, de la Chine à l'Andalousie, en passant par l'Inde, le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, constitue un phénomène inédit dans l'histoire. Dans son sillage, se développe peu à peu une culture visuelle à la fois singulière et extraordinairement plurielle. En dialogue constant avec les traditions esthétiques des régions où elle s'est implantée, comme avec celles du monde qui l'entoure, cette culture florissante, loin d'être figée, n'a cessé de se renouveler.
Les oeuvres présentées reflètent toute la richesse et la diversité de ce que l'on appelle désormais les Arts de l'Islam : relevant du religieux comme du séculier, elles couvrent une période historique s'étendant sur près de 1000 ans, et embrassent des domaines artistiques aussi variés que les arts du livre, le textile, le métal, la céramique ou la joaillerie.
Trésors anciens
L'opulence des matériaux présentés évoque un Trésor antique dans lequel un roi, un noble, un temple ou une communauté gardait ses richesses en lieu sûr. Ces Trésors étaient principalement constitués des impôts collectés, des trophées de guerre et des cadeaux de mariage dynastiques. Aux joyaux et autres objets précieux s'ajoutaient des textiles et des armures. Leurs fonds étaient souvent inventoriés et détaillés dans des documents d'époque.
L'or et l'argent étaient les deux métaux les plus prisés de l'Antiquité, pour leur ductilité et la qualité de leur poli. Souvent issus de la fonte de monnaies, ils étaient réutilisés pour la joaillerie, la vaisselle et d'autres éléments de décor pouvant être exposés. Des inscriptions et des preuves de remploi montrent que ces objets circulaient sur plusieurs générations. Les pierres fines étaient encore plus estimées que ces métaux, et les oeuvres qui en naissaient étaient, même dans l'Antiquité, beaucoup plus rares.