Une fois n’est pas coutume. C’est en France et plus précisément à Paris que nous jouons les touristes pour profiter des occasions culturelles offertes par la capitale.
Janvier 2022
3 jours
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Arrivés tôt par le TGV de Nîmes, nous commençons par un bon petit déjeuner au Train Bleu à la Gare de Lyon. Un classique toujours apprécié !

Après avoir déposé nos bagages à notre hôtel favori (Hôtel Beaubourg, rue Simon Le Franc, derrière le Centre Pompidou) nous filons à la Fondation Louis Vuitton pour voir la Collection Morozov. Cette expo est le deuxième volet consacré aux collections de mécènes russes du début du XXe siècle. Après la Collection Chtchoukine il y a cinq ans au même endroit, voici la Collection Morozov.

Comme Serguei Chtchoukine les frères Morozov sont des industriels fortunés philanthropes et amoureux de l'art de leur époque, essentiellement les Impressionnistes et Post-Impressionnistes. Nés en 1870 et 1871 ils sont issus d'une famille d'origine serve, fervente orthodoxe. Leur intérêt pour l'art d'alors sur la scène parisienne, leur volonté de créer une collection représentative des mouvements modernistes puis leur souhait de faire donation de leurs collections à la Galerie Trétiakov sont les points communs de leur action.

Durant leur adolescence ils fréquentent les peintres russes les plus influents de leur temps, bénéficient d'un apprentissage artistique et s'entourent de conseillers comme les peintres Konstantine Korovine ou Valentin Sérov. Dès la fin des années 1890 Mikhail Morozov entreprend de réunir une collection autour de Manet, Corot, Monet, Toulouse-Lautrec, Degas, Bonnard, Denis , Gauguin et Van Gogh, qu'il sera le premier à faire connaître en Russie. Il meurt prématurément en 1903 à 33 ans, laissant une collection déjà de 39 œuvres françaises et 44 russes. Son épouse en fera don, selon son vœu, à la Galerie Trétiakov en 1910.

Son frère Ivan reprend à son compte le projet de Mikhail de créer une collection exemplaire d'art moderne français. C'est en 1907, en découvrant Cézanne, qu'il s'engage vraiment dans l'art de collectionner. Il fait réaliser des décorations monumentales du Salon de Musique de son hôtel particulier moscovite par Maurice Denis et de l'escalier d'honneur par Pierre Bonnard.

Le 19 décembre 1918 paraît le décret de nationalisation des collections d'Ivan Morosov. Sa collection d'art français compte alors 240 œuvres et sa collection d'art russe commencée plus tôt 430. Fuyant Moscou puis Petrograd, il rejoint l'Europe et mourra en exil à Carlsbad en 1921 à 49 ans.

Les premiers tableaux d'art français, acquis au tout début du XXe siècle, révèlent l'acuité du regard des frères Morozov sur l'art moderne français.


C'est Mikhail Morozov qui découvre dès 1902 l'œuvre de Pierre Bonnard. A sa suite son frère Ivan acquiert 8 toiles de Bonnard entre 1905 et 1913. En 1910 il lui commande 5 panneaux monumentaux pour son hôtel particulier.

Fascinés par la vitalité du regard novateur des Impressionnistes, les frères Morozov acquièrent dès 1902 de nombreuses toiles de Sisley, Pissarro, Renoir et Monet. Leur collection fait écho au tumulte de la première exposition des Impressionnistes en 1874.Grands amateurs de paysages, ils en connaissent les difficultés vécues dans leurs années de formation. Leur collection comporte autant de peintres français que russes ou finlandais. Qu'il soit impressionniste, panthéiste, théosophique ou réaliste, le paysage occupe la première place dans leur collection d'art occidental et russe.

Les 2 premières toiles de Gauguin à entrer en Russie sont acquises par Mikhail Morozov en 1900-1901. Puis son frère achète 11 autres toiles entre 1907 et 1910. Elles portent sur la période tahitienne du peintre, excepté le Café d'Arles de 1888. Cette collection témoigne de la pérégrination culturelle et picturale de l'artiste.

Leur attrait pour les paysages les pousse à acquérir des toiles qui réinventent le genre. Qu'elles soient des écoles modernes occidentales ou russes, tous les styles sont là : nabis ou fauves (Bonnard, Derain, Vlaminck, Valtat, Marquet), expressionnistes (Van Gogh, Munch) incarnent la rupture avec les représentations académiques de la nature.


Les artistes russes avant-gardistes puisent aux sources des cultures visuelles slaves et orientales.

En 909 Ivan Morozov acquiert 2 portaits masculins de Cézanne. Il les montre à tous les artistes russes gravitant autour de lui. En 1910 une exposition à Moscou rassemble pour la première fois les mouvements russes cézanniste, primitiviste, expressionniste. Le mouvement cézanniste constitue un élément original de la révolution picturales entre 1910 et 1917 par les avant-gardistes russes. Il en ressort une peinture d'emblèmes s'approchant de l'art des affiches commerciales.

La collection d'Ivan Morozov compte peu de natures mortes. Il achète cependant 3 toiles de Cézanne qui en a peint 186, reprenant inlassablement son travail. Ilya Machkov s'inspire des compositions de Cézanne et ses compositions évoquent les épiceries du monde rural russe.

Durant des mois Vincent Van Gogh s'efforce de fuir l'asile psychiatrique où il s'est fait volontairement interné à Saint-Remy-de Provence en mai 1889. Il n'en sortira qu'un an plus tard, en mai 1890, pour trouver refuge auprès du Docteur Gachet à Auvers-sur-Oise où il se suicide 2 mois plus tard. Durant son séjour à Saint-Remy il peint "La Ronde des prisonniers", inspirée d'un dessin de Gustave Doré de 1874, "Newgate, La Cour d'exercice" montrant une file de prisonniers dans une prison de Londres.

"La Ronde des prisonniers" se réfère à l'enfermement qu'il subit alors et les personnages évoquent les aliénés qui l'entourent. Privé de modèles ou de possibilité de peindre dans la nature, il se tourne vers la copie de gravures que lui envoie son frère Théo. Par sa charge émotionnelle et symbolique ce tableau occupe une place à part dans les dernières œuvres du peintre. Morozov l'achète pour parachever sa collection de la période arlésienne de Van Gogh où culmine son art.

Ivan Morozov s'intéresse à Matisse dès 1907, particulièrement dix natures mortes, composées d'objets rares au coloris saturé, savamment mis en scène. La succession de ces toiles frappe par l'évolution rapide du style du peintre au tournant du siècle. Il lui commande deux toiles "Nature morte à la Danse" en 1909 et "Fruits et bronze" en 1910. En 1911 il lui commande le "Triptyque marocain", chef d'œuvre de cette période.

La collection Morozov consacre au genre du nu de nombreux dessins, peintures et sculptures. C'est très atypique dans la Russie tsariste très moraliste et dans une famille orthodoxe fervente. Le genre du nu renvoie aux codes, aux dogmes, à l'interdit. Démontrant un grand courage dans ses choix artistiques, Ivan Morozov porta un intérêt continu au genre du nu, que ce soit dans l'art occidental ou russe. Ainsi il acquiert un ensemble de nus du sculpteur russe Serguei Konenkov, baptisé le Rodin russe.

Ivan Morozov rencontre Maurice Denis en 1907 et lui commande un grand ensemble décoratif pour son Salon de musique. Denis propose le thème de "l'histoire de Psyché. Après une année passée à Rome à la Villa Farnésine où il revoit les décorations monumentales sur le thème de Psyché peintes par Raphael, il présente à Morozov en avril 1908 des esquisses de son projet. Exposé au Salon d'automne, le cycle de l'"Histoire de Psyché" déclenche une polémique entre modernistes et traditionnalistes. Morozov est très satisfait et considère les tableaux comme les perles de sa collection. Les toiles sont installées à Moscou fin 1908. Trouvant qu'il faut ajouter quelque chose dans le décor, Denis convainc Morozov de lui commander un ensemble de 8 panneaux complémentaires. Enfin Ivan Morozov le charge de superviser la commande à Aristide Maillol d'un groupe de 4 sculptures en bronze et de grands vases.

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Notre deuxième visite ce jour est pour l'hôtel de la Marine sur la place de la Concorde. Monument emblématique de la place de la Concorde, l’Hôtel de la Marine est un superbe ensemble architectural créé au XVIIIe siècle par Ange-Jacques Gabriel, Premier architecte du Roi. Il abrita jusqu’en 1798 le Garde-Meuble de la Couronne avant de devenir, pendant plus de deux cents ans, le siège du ministère de la Marine. Il est ouvert à la visite et vient d'être rénové.

La place Louis XV, actuelle place de la Concorde, doit sa création à la volonté de la Ville de Paris d’édifier une statue à la gloire du roi Louis XV en 1748.Pour mettre en valeur cette statue équestre commandée à Edmé Bouchardon, l’idée d’une place à la gloire du roi, sur le modèle de la place Vendôme et de la place des Vosges, fait son chemin. Après de nombreuses hésitations, le roi Louis XV donne un emplacement qui lui appartient à l’ouest de la ville, aux abords du jardin des Tuileries.

Un concours d’architecture est alors lancé pour l’aménagement de cette place. Dix-neuf propositions sont déposées mais aucune ne satisfait le roi. Il en est de même du second concours organisé.Après cinq ans de débats, c’est Ange-Jacques Gabriel, Premier architecte du Roi, qui effectue une synthèse des différents projets pour créer les plans définitifs de la future place Louis XV.

La statue du roi sera au centre d’une place formée de jardins en fossés secs bordés de balustrades. La sculpture du monarque le représente à la romaine, c’est à dire chevauchant sans selle et sans étriers. Au sud de la place, la Seine, au nord, deux palais jumeaux aux façades classiques monumentales de part et d’autre de la rue Royale, à l’ouest, la place s’ouvre sur les Champs-Elysées et le cour de la reine.

À la chute de la monarchie, cette place « Louis XV » réalisée à la gloire du roi changera de nom pour devenir « place de la Révolution » puis « place de la Concorde » à partir de 1795.

Après l’édification des plans et le lancement des travaux d’aménagement de la place, il est temps de trouver une affectation pour les deux palais situés au nord de la place.C’est en 1765 que l’on décide d’installer le Garde-Meuble royal, institution en charge du mobilier du roi, dans le palais le plus à l’est (entre l’actuelle rue Royale et la rue Saint-Florentin), le futur Hôtel de la Marine. Censé, dans un premier temps, n’occuper qu’une partie du bâtiment, le Garde-Meuble finit par investir l’entièreté du lieu en 1767.Pierre-Elisabeth de Fontanieu, intendant à la tête du Garde-Meuble, en profite pour faire aménager l’Hôtel pour répondre pleinement aux besoins de son administration : lieux de stockage, ateliers, appartements de fonction, galeries d'exposition, lieu de vie également avec sa chapelle…

Durant près de vingt-cinq ans, le Garde-Meuble et son intendant, Pierre-Elisabeth de Fontanieu puis Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray, vont occuper le palais.

Ancêtre du Mobilier national, cette institution était en charge de l’aménagement des résidences royales et de l’entretien de leur mobilier : Versailles, mais également Compiègne, Fontainebleau, Marly, Choisy, Trianon, Rambouillet, Saint-Germain-en-Laye et Montreuil.L’institution est chargée du choix, de l’achat et de l’entretien du mobilier du roi, allant du lit à la simple chaise. Elle est également en charge de la conservation des collections royales d’armes et d’armures, d’étoffes et de tentures, de vases de pierres dures, de bronzes et enfin des diamants de la Couronne, mais aussi des batteries de cuisine et du linge de maison !

La Révolution française, qui éclate en 1789, change à jamais l’histoire de ce palais de la place Louis XV. Symbole de l’administration et du faste royal, les jours du Garde-Meuble sont comptés.

Deux événements marquent l’histoire du lieu :

  • le 13 juillet 1789, les révolutionnaires s’emparent des armes exposées dans la salle d’armes. Le lendemain, ils iront chercher des munitions à… la Bastille.La petite histoire raconte que les premiers tirs contre la Bastille ont été tirés par des canons montés sur des affûts damasquinés en argent offerts par le roi du Siam à Louis XIV en 1684, pris la veille dans les collections royales du Garde-Meuble.
  • le 16 septembre 1792, le vol des bijoux de la Couronne a lieu à l'Hôtel de la Marine. Dans la nuit, une quarantaine de personnes entrent dans le salon où sont exposés les bijoux, et dérobent un butin de près de 30 millions de francs.

Dès le début de la Révolution, le roi Louis XVI quitte Versailles pour Paris.Toutes les administrations de l’État présentes à Versailles doivent donc regagner la capitale.Mais un obstacle de taille se dresse : où les installer à Paris ? Le ministère de la Marine, avec à sa tête le comte de La Luzerne et Jean-Baptiste Berthier, s’installe dans le palais abritant le Garde-Meuble en 1789.

Dans un premier temps, la Marine occupe des espaces au deuxième étage et à l’ouest du premier étage. Il lui faudra moins de 10 ans avant de pouvoir occuper le bâtiment dans son ensemble. C’est le début de deux siècles de présence de cette administration dans ce palais (exactement 226 ans) qui portera désormais le nom d’Hôtel de la Marine. Ce n’est qu’en 2015 que le ministère de la Marine quitte le bâtiment.

Et que devient le Garde-Meuble ?

Symbole de l’Ancien Régime, l’institution est dans un premier temps purement et simplement supprimée lors de la Révolution. Une partie des meubles et objets d’art est alors vendue aux enchères ou brûlée, notamment pour en récupérer les métaux précieux. En 1800, elle est recréée sous le nom de Garde-Meuble des Consuls. Elle deviendra ensuite Mobilier impérial pour devenir finalement Mobilier national en 1870. Le Mobilier national est toujours en charge des meubles des différentes institutions nationales telles que l’Elysée.

Du bureau du chef d’État-Major à la galerie des grandes préfectures de Marine françaises, la Marine va remodeler le lieu en fonction de ses besoins : division des espaces pour augmenter la taille des bureaux, aménagements liés aux évolutions technologiques des XIXe et XXe siècles (électricité, téléphone, ascenseurs…) mais aussi décors comme les portraits des grands marins de la Marine royale.

Au départ de la Marine, la gestion du bâtiment est donnée au Centre des monuments nationaux.Une restauration de grande ampleur est entreprise pour ouvrir le monument au public et rendre aux appartements des intendants du Garde-Meuble royal leur faste du XVIIIe siècle.

Une architecture caractéristique du XVIIIe siècle français: la façade du monument marque d’abord par sa parfaite maîtrise de la symétrie selon les normes classiques définies par l’Académie royale d’architecture.

L’Hôtel de la Marine, ainsi que son pendant occidental qui accueille aujourd’hui l’hôtel de Crillon, l’Automobile Club de France et l’hôtel de Coislin, affirme le penchant français pour la rigueur, le tracé géométrique et le goût du XVIIIe siècle pour l’Antiquité.

Les appartements de l’intendant

À la tête du Garde-Meuble royal, on trouve un intendant. Officier de la Maison du Roi, il est logé sur place, dans des appartements luxueux, représentatifs de sa fonction.

Aménagés dès 1765 par Pierre Elisabeth de Fontanieu, les appartements de l’intendant sont remodelés à partir de 1786 par Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray. Ils sont un exemple de l’appartement idéal, tel qu’il était perçu à la fin du siècle des Lumières, disposant a minima d’une antichambre, d’une chambre et d’un cabinet.

Les appartements de l’intendant sont situés à l’est, au premier étage, « l’étage noble », donnant actuellement sur la place de la Concorde et la rue Saint-Florentin.Transformés au fil de années en fonction des occupants des lieux, ils comprennent aujourd’hui :

● Au nord, les appartements de Thierry de Ville d’Avray : une antichambre, une chambre, le cabinet d’audience et le cabinet des bains.

● Au sud, la chambre de Madame Thierry de Ville d’Avray.


● Les deux appartements sont reliés entre eux par les pièces de réception : salon et salle à manger.

● Sur cour, la chambre de Pierre Elisabeth de Fontanieu ainsi que le cabinet des glaces et le cabinet doré installés par l’intendant.

Les pièces de réception

La vie de la société aristocratique du XVIIIe siècle se développe autour des réceptions données dans toutes les bonnes maisons.La maîtresse de maison tient salon, accueille le tout Paris et les intellectuels. Recevoir est un art dont la disposition des pièces des appartements ainsi que le luxe des pièces de réception est la preuve.

La circulation entre les différents appartements d’un hôtel particulier du XVIIIe siècle se fait sur un axe vertical, ce qui donne un rôle central à l’escalier monumental qui dessert l’ensemble du bâtiment.

En plus des appartements, l’escalier permet également d’accéder aux galeries d'exposition du lieu qui se trouvent au premier étage sur la façade donnant sur la place de la Concorde : salle d'armes, galerie des grands meubles (étoffes et tentures), salle des Bijoux, galerie des Bronzes.

À l’origine, ces pièces servaient à présenter les collections royales aux visiteurs français et étrangers. Elles avaient vocation à montrer l’excellence des arts décoratifs à la française et la puissance de la monarchie. Ces espaces ont été convertis au XIXe siècle en salons d’apparats par la Marine.

La grande galerie fût scindée en deux et accueillit de nombreuses réceptions fastueuses tout au long des XIXe et XXe siècles. Des bals pour les sacres de Napoléon et Charles X se déroulèrent en ces lieux.

Ces pièces sont celles qui ont gardé le plus de traces du passage de la Marine dans le bâtiment. On retrouve, par exemple, dans le salon d’honneur des décors fastueux liés à la Marine, mais également dans l’ancienne salle d'armes du Garde-Meuble royal transformée en salle à manger d’honneur ou dans le salon diplomatique.

  • La décoration des salons d'honneur et de réception, réalisée à partir de 1843, marque l’appropriation des lieux par la Marine. Sur les murs des portraits d’amiraux de l’Ancien Régime : Tourville, vice-amiral de Louis XIV, Jean Bart, corsaire issu d’une famille de marins renommés, Duguay-Trouin corsaire malouin au quatre-vingts combats et abordages et Duquesne, lieutenant-général des armées navales de Louis XIV.
  • Toujours conservé aujourd'hui, le bureau du chef d’Etat-major de la Marine est le symbole de l’installation de la Marine dans le bâtiment. Pendant plus de deux siècles, c’est entre ses murs qu’ont été prises les plus grandes décisions de la Marine française, quels que soient les époques et les régimes politiques. Si les murs pouvaient parler...

La Collection Al Thani

Cette collection rassemble des oeuvres d'art allant de l'Antiquité jusqu'à l'époque moderne, dans un large éventail de cultures et de civilisations. Toutes attestent de la créativité des sociétés humaines et de leur capacité à dompter la matière pour donner forme, sens et finalité à un objet. Cette exposition présente une sélection des trésors de la collection.

Reflétant l'étendue de la collection, les sept chefs-d'oeuvre de la première salle illustrent des points culminants de l'activité artistique dans différentes cultures. Issus de quatre continents, couvrant près de six millénaires, ils ont en commun la sensibilité de leur exécution, le soin accordé au choix de leurs matériaux et leur valeur symbolique. Par leur diversité d'origine et de forme, ces pièces rassemblées sont des fenêtres sur les valeurs et les croyances de quelques grandes civilisations.

Visages à travers les âges

Très tôt dans l'histoire, l'homme tenta de fixer sa propre image. Exécutés dans divers matériaux, les objets présentés montrent une diversité de visages, issus d'époques et de régions multiples, reflétant des identités culturelles et spirituelles. Des portraits d'individus spécifiques cotoient des figures génériques, idéalisées, ou encore des dieux anthropomorphes.

Miroir de la personnalité, des émotions, des croyances, la représentation du visage fut essentielle pour dépeindre la condition humaine à travers les âges. Par-delà la différence des cultures, nous pouvons trouver des points communs et une affinité avec ces visages qui nous relient avec des temps, des lieux et des civilisations éloignés.

Chefs-d'oeuvre des Arts de l'Islam

La troisième salle de l'exposition st consacrée aux Arts de l'Islam. Au VIIe siècle, en Arabie, émerge une nouvelle religion, l'Islam. La rapidité et l'étendue de sa diffusion, de la Chine à l'Andalousie, en passant par l'Inde, le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, constitue un phénomène inédit dans l'histoire. Dans son sillage, se développe peu à peu une culture visuelle à la fois singulière et extraordinairement plurielle. En dialogue constant avec les traditions esthétiques des régions où elle s'est implantée, comme avec celles du monde qui l'entoure, cette culture florissante, loin d'être figée, n'a cessé de se renouveler.

Les oeuvres présentées reflètent toute la richesse et la diversité de ce que l'on appelle désormais les Arts de l'Islam : relevant du religieux comme du séculier, elles couvrent une période historique s'étendant sur près de 1000 ans, et embrassent des domaines artistiques aussi variés que les arts du livre, le textile, le métal, la céramique ou la joaillerie.

Trésors anciens

L'opulence des matériaux présentés évoque un Trésor antique dans lequel un roi, un noble, un temple ou une communauté gardait ses richesses en lieu sûr. Ces Trésors étaient principalement constitués des impôts collectés, des trophées de guerre et des cadeaux de mariage dynastiques. Aux joyaux et autres objets précieux s'ajoutaient des textiles et des armures. Leurs fonds étaient souvent inventoriés et détaillés dans des documents d'époque.

L'or et l'argent étaient les deux métaux les plus prisés de l'Antiquité, pour leur ductilité et la qualité de leur poli. Souvent issus de la fonte de monnaies, ils étaient réutilisés pour la joaillerie, la vaisselle et d'autres éléments de décor pouvant être exposés. Des inscriptions et des preuves de remploi montrent que ces objets circulaient sur plusieurs générations. Les pierres fines étaient encore plus estimées que ces métaux, et les oeuvres qui en naissaient étaient, même dans l'Antiquité, beaucoup plus rares.

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Paris compte deux grands musées d'Art Asiatique: le musée Guimet et le musée Cernuschi. Tous les deux sont nés de la passion de leurs mécènes, grands industriels français, pour l'art asiatique.

Le musée Guimet est né du grand projet d’un industriel lyonnais, Émile Guimet (1836-1918), de créer un musée des religions de l’Égypte, de l’antiquité classique et des pays d’Asie. Des voyages en Égypte, en Grèce, puis un tour du monde en 1876, avec des étapes au Japon, en Chine et en Inde lui permirent de réunir d’importantes collections qu’il présenta à Lyon à partir de 1879. Il devait par la suite transférer ses collections dans un musée qu’il fit construire à Paris et qui fut inauguré en 1889. Du vivant même d’Emile Guimet cette institution se consacra de plus en plus à l’Asie, tout en conservant une section sur les religions de l’ancienne Égypte, à la suite des expéditions dans diverses régions de l’Extrême-Orient.

Les voyages de Louis Delaporte au Siam et au Cambodge avaient déjà permis de réunir une collection d’art khmer formant le noyau du musée Indochinois du Trocadéro, fondé dès 1882. À la fin du XIXe siècle, le musée du Louvre, de son côté, consacre une section aux arts d’Asie, principalement de Chine et du Japon, dans son département des objets d’arts, qui deviendra par la suite le département des arts asiatiques. Émile Guimet lui-même restreint de plus en plus la place accordée aux religions de l’antiquité pour présenter les objets rapportés de Corée par Charles Varat. Des séries d’iconographies religieuses sont retirées pour faire place en 1912 aux collections d’art tibétain que Jacques Bacot a réunies au cours de ses missions.

En 1927, le musée Guimet est rattaché à la Direction des musées de France et accueille d’importantes collections rapportées par les grandes expéditions en Asie centrale et en Chine, comme celles de Paul Pelliot ou d’Édouard Chavannes. Il reçoit aussi à partir de 1927 les œuvres originales du musée Indochinois du Trocadéro. Tout au long des années 20 et des années 30 arrivent également des riches dépôts de la Délégation Archéologique Française en Afghanistan. Le directeur du musée de l’époque, Joseph Hackin, qui dirige aussi les fouilles d’Afghanistan réalise de grands travaux dont la couverture de la cour centrale pour y présenter à partir de 1938 une partie des collections khmères. Le musée Guimet devient alors célèbre pour la richesse de ses collections dans le domaine du monde indianisé.

À partir de 1945 dans le cadre d’une vaste réorganisation des collections nationales, le musée Guimet envoie au Louvre ses pièces égyptiennes et reçoit en retour l’ensemble des œuvres du département des arts asiatiques du Louvre. Dès lors l’institution de la place d’Iéna devient l’un des tout premiers musées d’arts de l’Asie dans le monde.

Je vous présente ici une sélection des collections indienne, khmère et cham du musée.

Evolution de l'art indien bouddhique et hindouiste

La première école artistique bouddhique du Gandhara

C'est en Inde qu'est né le bouddhisme au VIe siècle avant notre ère et l'art indien bouddhique fut florissant du début de notre ère à la fin du 1e millénaire lorsque les invasions musulmanes mirent fin au bouddhisme dans ce pays. Apparu aux marges occidentales de l'empire d'Ashoka, dans l'actuel Pakistan, au Ie siècle avant notre ère, dans une région héllénisée depuis deux siècles par les conquètes d'Alexandre le Grand, l'état du Gandhara, qu'apparurent les premières représentations physiques du Bouddha qui , sans surprise, ont une plastique très influencée par l'art grec.

Parallèlement à la même époque plus au sud, dans l'état indien d'Uttar Pradesh dans la haute vallée du Gange, apparaît à Mathura une autre école artistique qui produit aussi des représentations physiques du Bouddha. Elles sont sculptées dans le grès rose de la région et ont une plastique beaucoup plus indienne.

Au IIe siècle de notre ère dans l'état d'Andhra Pradesh au sud-est du sous-continent indien, se développe une école artistique toute en finesse, l'école d'Amaravati. Elle influencera beaucoup les premières écoles d'Asie du Sud-Est.

Au Ve-VIe siècle un nouvel empire fédère une grande partie du continent indien, l'Empire Gupta qui donne naissance à une école artistique qualifiée d'âge d'or de la statuaire bouddhique en Inde.

A la simplicité monacale des statues de Bouddha s'opposent la richesse des parures des dieux hindouistes toujours vénérés.

La dernière grande école d'art bouddhique indien sera, vers les VIIIe-IXe siècles, les écoles Pala et Sena qui sont les héritières du style Gupta.

Au XIIe-XIIIe siècle, alors que le bouddhisme a disparu d'Inde, dans le sud du sous-continent une importance école artistique dite de Chola produit de très belles pièces raffinées qui influenceront beaucoup l'art hindouiste et bouddhique d'Asie du Sud-Est.

L'Art Khmer

Le musée possède une importante collection d'art khmer même si ce ne fut pas l'art de prédilection de Guimet qui lui préférait l'art japonais. Mais c'est dans la deuxième moitié de XIXe siècle, alors que Guimet mûrissait son projet, que furent découverts et étudiés les temples d'Angkor.

Le royaume khmer existe entre les VIIIe et XVe siècle, sa période d'âge d'or se situant aux XIIe-XIIIe siècles. La production artistique très variée, de pierre ou de métaux, a évolué au fil des siècles en conservant des constantes qui permettent de reconnaître une pièce khmère sans erreur. Outre la statuaire nombreuse, essentiellement hindouiste, car le royaume fut plus longtemps hindouiste que bouddhiste, l'architecture des temples est tout à fait originale et se reconnaît aussi très bien, en particulier les linteaux de porte richement décorés de bas-reliefs dont les thèmes sont toujours tirés de la mythologie hindouiste. Temples et sculptures sont en grès, pierre abondante de la région et facile à sculpter.

Les statues bouddhiques sont plus récentes, XIe XIIe siècle, période pendant laquelle le royaume suivit le bouddhisme Mahayana, venu de Chine. Il reste peu de statues bouddhiques khmères car une révolte des brahmanes hindouistes au XIIIe siècle a entraîné leur destruction presque totale.

Les linteaux de porte sont célèbres et ont été beaucoup pillés durant la guerre du Vietnam. Ils représentent toujours des scènes de la mythologie hindouiste ou pendant la période bouddhiste des scènes de la vie du bouddha. Ils sont toujours symétriques par rapport à une ligne verticale et s'articulent autour d'une guirlande. La scène centrale est au-dessous, au niveau ou au-dessus de la guirlande selon les époques.

L'Art du Champa, état hindouisé du centre du Vietnam

A la même période que le royaume khmer existait au centre du Vietnam actuel, dans la région de Hué et vers le sud un ensemble de petits royaumes hindouisés qu'on appelle Champa. Ses habitants étaient d'origine voisine des Khmers, austronésiens venus du sud. Tantôt ami, tantôt rival du royaume khmer le Champa disparaîtra par l'invasion des Viets à la même période que le royaume d'Angkor disparaît par l'invasion des thaïs, au XVe siècle.

L'art du Champa présente beaucoup de similitudes avec l'art khmer.

Le musée Guimet recèle encore bien des trésors d'autres pays en particulier le Japon que nous découvrirons lors d'une prochaine visite.

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Le musée des Arts de l'Asie de la ville de Paris est né de la volonté d4henri Cernuschi (1821-1896), son fondateur. Familier de Gambette, Zola, aussi bien que de Sarah Bernhardt ou Edmond de Goncourt, Cernuschi est une figure marquante du Paris intellectuel et artistique de la fin du XIXe siècle. Homme politique d'origine italienne aux engagements républicains, économiste er financier, Henri Cernuschi est aujourd'hui surtout connu à travers le musée qui porte son nom.

Au début des années 1870, Il découvre l'Asie, véritable but d'un voyage autour du monde entrepris en compagnie du critique d'art Théodore Duret. Il visite ainsi le Japon, la Chine puis Java, Singapour et Ceylan pour terminer par l'Inde. Ce voyage est à l'origine d'une des plus importantes collections européennes d'art asiatique réunie au XIXe siècle avec celle de Guimet.

De retour à Paris en 1873 il expose sa collection au palais de l'industrie. Fort de son succès, il fait construire près du parc Monceau, un hôtel particulier où il vit entouré de ses collections. Celui-ci et la collection sont légués à sa mort à la ville de Paris. Ouvert au public en 1898, le musée s'enrichit au cours de la première moitié du XXe siècle de pièces archéologiques provenant du Vietnam. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le musée s'est ouvert aux arts asiatiques modernes contemporains. Héritage de cent cinquante ans de découvertes, les collections du musée Cernuschi embrassent près de cinq millénaires.

Les pièces présentées sont essentiellement chinoises et permettent de retracer une histoire artistique de ce grand pays. La pièce maîtresse de la collection de Cernuschi est un vase you provenant de Chine, probablement de la province de Hunan. Il date de l'âge de bronze, de la dynastie Shang (entre -1500 et -1050). Il est destiné à contenir des boissons fermentées. Il est en bronze foncé et représente une tigresse tenant entre ses pattes de devant un enfant. Ce thème est lié à une légende du sud de la Chine relatant un enfant abandonné recueilli par une tigresse.

C'est durant cette dynastie Shang qu'on voit apparaître l'écriture chinoise à Anyang, capitale des Shang. Les textes décrivent un système politique centré sur un roi dont le pouvoir s'exerce à travers des lignées familiales. Le culte des ancêtres fait partie des pratiques religieuses importantes. Dans les tombes de cette période Shang on a trouvé de nombreux bronzes de belle facture.

La période Zhou fait suite à la période Shang, allant de -1050 à -256. C'est vers le milieu du XIe siècle av JC que fut renversée la dynastie Shang au profit de la dynastie Zhou qui établissent une lignée royale qui perdure près de huit siècles. Cependant leur pouvoir décline au profit des seigneurs féodaux au cours des périodes des Printemps et automnes (de 771 à 453 av JC) et des Royaumes Combattants (de 453 à 221 av JC). Les Zhou héritent du système politique et religieux des Shang en l'adaptant à l'évolution de leurs rapports avec l'aristocratie. Progressivement de nouvelles structures administratives et de nouvelles conceptions du pouvoir apparaissent, dont le taoïsme et le confucianisme. Bronzes et sculptures sur bois sont les productions majeures de cette époque.

La période des Royaumes Combattants voit la concentration des pouvoirs se cristalliser entre sept royaumes rivaux au cours du IIIe siècle av JC. L'un d'eux, l'état de Qin soumet un à un ses adversaires. La chute du dernier d'entre eux en 221 av JC permet l'unification du territoire et la fondation d'un premier empire, l'Empire Qin (221-206 av JC). Celui-ci rompt le système des fiefs et impose ses principes du légisme adopté un siècle plus tôt, basé sur un système de punitions et récompenses avec un encadrement très étroit de la population et la circulation rapide des décisions impériales. Les différents échelons administratifs sont mis au service d'une bureaucratie centralisée qui contrôle toute l'économie. Le Premier empereur mène une politique d'harmonisation de l'écriture, de la monnaie ou du système des poids et mesures. Cette politique contribue à unifier culturellement et politiquement la Chine.

La dynastie Qin ne survit guère au Premier Empereur : les guerres entrainent sa chute et la victoire de Liu Bang , fondateur de la dynastie Han (de 206 av JC à 220 ap JC) . L'empire Han recoupe à peu près l'empire Qin. Par les quatre siècles de sa longévité, son étendue et son rayonnement, l'empire des Han a souvent été comparé à l'empire romain, son contemporain. Il est suivi par une période de fragmentation liée à l'invasion de peuples venus du nord et d'Asie Centrale.

Sous les Han la prospérité repose en premier sur l'agriculture. Les premiers ouvrages d'agronomie apparaissent.

Après la chute des Han, en 220, leur territoire se morcelle. La période des Trois Royaumes est une période transitoire qui aboutit à une brève réunification sous la dynastie des Jin de l'Ouest (265-316). Le chaos du début du IVe siècle permet à des populations non Han de fonder de petits états éphémères au nord, tandis que le sud est dirigé par les Jin de l'Est. Entre 420 et 589 s'opère une nette division entre le nord, gouverné par des dynasties d'origine turque, et le sud resté aux mains des aristocrates Han. Néanmoins des phénomènes culturels de grande ampleur, comme la diffusion du bouddhisme, sont communs au nord et au sud du pays.

La brève dynastie Sui (581-618) qui réunifie la Chine du nord au sud, est à la fois l'héritière des dynasties du nord et annonce l'empire Tang (618-907). Point d'aboutissement des routes de la soie et modèle politique autant que culturel de toute l'Asie orientale, la capitale Chang'an est un creuset où se côtoient pèlerins bouddhistes, voyageurs arabes, marchands d'Asie Centrale et diplomates de tous horizons. La multiplicité des contacts avec des cultures étrangères, de la Perse au Japon, nourrissent la culture chinoise que ce soit la littérature, la pensée et l'artisanat de l'époque Tang. La Cour est l'un des lieux privilégiés de cette synthèse. La codification d'un art de vivre amène les amateurs éclairés à rechercher des produits de qualité (orfèvrerie, céramiques...). La mode est une des expressions du raffinement de la société Tang, qui porte une attention particulière à la représentation de la beauté féminine.

L'arrivée du bouddhisme par les routes de la soie a donné lieu à une architecture excavée d'origine indienne : grottes décorées, lieux de culte creusés à flanc de montagne. Les Wei du Nord (386-534) réalisent des grottes sculptées et peintes à Yungang et Longmen. Le bouddhisme connaît un âge d'or sous les Tang avec la constitution de grands domaines monastiques. Pourtant leur richesse (ils sont exemptés de taxes) entraîne une persécution anti-bouddhique en 845. Mais les écoles liées aux Terres pures et au bouddhisme chan gardent une grande influence dans la population.

Sous la dynastie des Song (960-1279) des penseurs confucianistes influents sont très marqués par le bouddhisme chan. Dans la population de nombreuses figures issues de diverses religions restent très vénérées et apportent une hybridation au bouddhisme. Le bouddhisme joue un rôle majeur à la Cour et cela reste vrai sous les dynasties suivantes, Yuan puis Ming. Le bouddhisme a une fonction politique pour le pouvoir impérial. D'une part il permet de la valoriser (l'empereur est un boddhisattva), d'autre part le soutien apporté au bouddhisme lamaïque apparaît comme un lien avec les populations du Tibet et des steppes. La généralisation du recrutement des fonctionnaires par examen sous les Song contribue au développement de l'éducation. La diffusion de livres imprimés permet des avancées scientifiques. Les moyens de transport profitent de ces progrès favorisant les échanges qui jouent un rôle essentiel dans la croissance des villes où apparaît une nouvelle forme de culture. La période Song est marquée par une pression militaire constante. Les armées mongoles conquièrent la Chine et fondent la dynastie Yuan en 1279. Khubilaï Khan installe sa nouvelle capitale au nord à Dadu qui deviendra Pékin.

Les mongols poursuivent la politique et les pratiques culturelles et religieuses de leurs prédécesseurs. Cette époque est marquée par une poussée vers le sud avec des raids menés contre le royaume de Pagan à la fin du XIIIe siècle et contre les Viets. La domination mongole, marquée par une politique mixte et une stricte hiérarchie ethnique, suscite des insurrections qui mettent fin à la dynastie Yuan en 1368. A partir du XVIe siècle les sculpteurs bouddhiques mêlent des influences népalo tibétaines à un style purement chinois.

Des périodes Song et Yuan nous sont parvenues également de belles céramiques, en particulier des céladons, céramiques à couverte vert clair qui ont été très prisées en Occident.

Après la chute des mongols de la dynastie Yuan, liée à des catastrophes naturelles et l'incurie croissante des dirigeants yuan, les Ming prennent le pouvoir: Zhu Yuanzhang, issu de la paysannerie pauvre, prend la tête d'une insurrection et, après plusieurs victoires, fonde la dynastie des Ming en 1368. Les premiers empereurs de cette dynastie réorganisent l'état, lancent de grands travaux et mettent en œuvre une diplomatie ambitieuse: Ils héritent de leurs prédécesseurs une connaissance étendue du continent eurasiatique et des voies maritimes. Ce savoir sert une politique de puissance et de prestige par le biais de grandes expéditions navales qui mettent la Chine en contact avec l'Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et le littoral d'Afrique de l'Est. Les Ming sont célèbres pour la beauté de leurs porcelaines blanc-bleu mondialement connues, mais aussi pour des œuvres de bronze très raffinées et de grandes œuvres littéraires.

La politique ambitieuse des Ming finit par provoquer des insurrections car très onéreuse. Ceci favorise la prise de pouvoir par leurs voisins mandchous, fondateurs de la dernière dynastie chinoise, les Qing en 1644. Pour affermir leur domination, les souverains mandchous s'appuient sur l'administration chinoise tout en imposant certaines de leurs coutumes, comme le port de la natte. Progressivement les élites chinoises prêtent leur concours à des empereurs mandchous qui s'approprient la culture chinoise. La Chine connaît au XVIIIe siècle une période de prospérité sans précédent. Le développement de l'agriculture, de l'industrie et du commerce en fait alors le pays le plus développé au monde. Mais au XIXe siècle une série de conflits ébranlent la stabilité de l'empire. La rébellion des Taiping à l'intérieur, la menace extérieure des puissances occidentales (Royaume Uni et France) entraînent une crise politique, économique et morale qui met fin au régime impérial pour faire place à une république en 1912.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les empereurs suscitent l'édition de vastes encyclopédies. Cette ambition de synthèse des savoirs se reflète dans la collection impériale, qui atteint son apogée. L'empereur Qianlong (1711-1799) se passionne pour l'antique et les créations de l'époque en témoignent. On voit aussi de remarquables perfectionnements techniques, parfois liés aux échanges avec l'Europe. Ces progrès concernent tous les domaines, de la métallurgie à la céramique, sans oublier la verrerie.

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L'hôtel Jacquemart-André

Edouard André naît le 13 décembre 1833 dans une famille de riches banquiers protestants originaire du Sud-Est de la France qui connût son apogée sous le Second Empire. A 18 ans, il entre à Saint-Cyr, dont il sort officier de l’un des régimes d’élite au service personnel de Napoléon III. Mais plus enclin aux fastes de la cour des Tuileries, il préfère démissionner. Il reprend en 1864 le siège de député de son père et décide alors de mener une vie très parisienne. En 1860, Edouard André débute sa collection avec de petites pièces d’orfèvrerie, de joaillerie, de céramique, des miniatures et des tapisseries. Il acquiert également des peintures des artistes de son époque tels que Delacroix, des peintres orientalistes et des paysagistes de l’école de Barbizon.

Dès 1860, Napoléon III a confié au préfet Haussmann la réalisation d’un vaste plan d’urbanisme qui modifie profondément la physionomie de Paris : des quartiers sont détruits et des axes rectilignes sont tracés de la périphérie vers le centre. Sur le boulevard Haussmann nouvellement tracé, Edouard André achète un terrain pour se faire bâtir un hôtel. La construction est confiée à Henri Parent. Ce dernier, écarté de la construction du nouvel Opéra au profit de son confrère Charles Garnier, va se surpasser dans la conception de cet hôtel. Henri Parent réalise, de 1869 à 1876, une vaste et belle construction très inspirée des modèles classiques par son plan parfaitement symétrique et par le décor de ses façades. La construction est en retrait de l'alignement des façades du boulevard haussmannien, créant ainsi une rupture qui attire l’attention. En 1876, l’inauguration de l’hôtel est un événement : les invités découvrent la rampe à double révolution de l’escalier, son équilibre improbable et la somptuosité des matériaux qui le composent. Ils saluent ce monument comme ils ont salué le foyer de l’Opéra que vient de construire Charles Garnier.

Édouard André décide de faire exécuter son portrait et fait alors appel à une jeune artiste déjà connue à la réputation de portraitiste à succès : Nélie Jacquemart. Nélie Jacquemart est née le 25 juillet 1841 dans une famille modeste et a suivi le parcours classique des jeunes artistes à cette époque : passage dans un atelier réputé, envois au Salon de sujets d’Histoire puis réception des premières commandes. Elle réalise l’un de ses premiers portraits en 1868, celui de la fille d’un grand éditeur parisien. En 1881, Edouard et Nélie se marient, un mariage de raison, conclu entre deux êtres très différents, lui protestant bonapartiste, elle catholique vivant dans un milieu royaliste. Leur union se révèle très réussie. Restés sans enfants, ils se consacrent entièrement à leur œuvre commune : leur collection d’œuvres d’art.

Edouard André s’éteint à l’âge de 60 ans, laissant sa femme désemparée. A cette disparition naturellement douloureuse, s’ajoute une situation qu’elle ne pouvait pas prévoir : un procès intenté par la famille de son mari pour récupérer sa fortune. Peu avant sa mort, Edouard fait rédiger un testament léguant l’ensemble de ses biens à sa femme. Accusée de détournement d’héritage, elle finit par remporter le procès.

Nélie décède le 15 mai 1912. L’hôtel particulier devient alors propriété de l’Institut de France, par un legs fait par sa propriétaire quelques mois plus tôt. Dans son testament, elle affirme son souci d’ouvrir les collections au plus large public pour enseigner à la foule des visiteurs. Elle demande à l’Institut de France, son légataire, de respecter ses aménagements. Le 8 décembre 1913, le musée est inauguré en grande pompe par le président de la République en personne, Raymond Poincaré. Le succès est immédiatement au rendez-vous. L'Institut de France organise tous les ans deux grandes expositions temporaires. Cette année il s'agit d'une exposition consacrée à Botticelli.

La visite de l'hôtel permet d'admirer ce bâtiment typiquement XIXe siècle avec de nombreux objets d'art, tableaux et tapisseries.

L'exposition temporaire Botticelli

Alessandro Filipepi, plus connu sous le nom de Sandro Botticelli (vers 1445-1510), est un des artistes les plus connus de la Renaissance italienne. Célébré pour son extraordinaire puissance de création, il développa une manière toute personnelle, aussi harmonieuse qu'audacieuse, qui rencontra un vif succès dans la Florence de la fin du XVe siècle. Sachant s'adapter aux attentes variées de sa clientèle, il fut un peintre et dessinateur de génie qui, en entrepreneur averti, sut alterner créations originales et uniques avec des compositions que pouvait décliner en série son atelier, selon une pratique typique du Quattrocento.

L'exposition présente Botticelli tel qu'il fut en son temps: un immense artiste autant qu'un designer de talent, en mettant à l'honneur le travail de l'atelier au service de la vision créatrice du maître, un atelier qui fut à la fois un laboratoire foisonnant d'idées et un lieu de formation et de transmission du savoir.

Botticelli s'est certainement formé tout d'abord chez un orfèvre auprès de qui il apprend le dessin avant d'intégrer vers 1460 l'atelier de Fillipo Lippi (1406-1469), l'un des grands peintres du Quattrocento. A ses côtés, le jeune Sandro acquiert la technique de la peinture de chevalet mais également celle de la fresque. L'œuvre de Fillipo étant surtout religieuse, le jeune Sandro peint des sujets de dévotion, particulièrement des Vierge à l'Enfant. Elève prodige, il acquiert rapidement une grande maîtrise des volumes et des couleurs. S'il assimile parfaitement les leçons de son maître, il déploie cependant une vision déjà très personnelle. C'est sans doute vers 1467 qu'il ouvre son propre atelier à Florence dans la maison paternelle. Il s'affranchit peu à peu de l'influence de Lippi pour développer un style tout personnel profitant de la leçon de ses contemporains tels qu'Andréa del Verrocchio. Il règne alors une grande effervescence artistique à Florence et les échanges entre ateliers sont nombreux. Botticelli élabore progressivement son style si caractéristique.

Outre les sujets de dévotion, une grande partie de la production de l'atelier de Botticelli est constituée de "peintures d'histoire", qui ornent traditionnellement les demeures patriciennes des Florentins. Leur mode d'exécution reflète la répartition des tâches entre le chef d'atelier, qui conçoit la composition des scènes, et ses collaborateurs, à qui il délègue l'application des couches picturales sur le support ou le report de son dessin préparatoire. Le plus doué et le plus célèbre de ses élèves est le fils de son ancien maître, Filipino Lippi, qu'il recueille peu après la mort de son père. Cette répartition des tâches n'exclut pas que le maître intervienne lui-même sur un panneau en cours de réalisation. Une autre pratique courante d'atelier est la copie, qui relève autant d'un exercice d'apprentissage que d'une stratégie commerciale. Certaines compositions, très appréciées du public, sont ainsi diffusées plus largement. Les conditions d'exécution des œuvres au sein d'un atelier au XVe siècle remettent en cause la notion d'œuvre originale telle que nous l'entendons aujourd'hui.

Depuis le début des années 1470 Botticelli déploie aussi son talent dans le domaine des arts appliqués, témoin de son intérêt pour une expression artistique variée. Le caractère linéaire du style de Botticelli, hérité de sa formation d'orfèvre, rend ses dessins particulièrement transposables dans des techniques diverses, ce qui lui permet de déployer ses talents à l'ensemble de la production artistique de son temps. S'il ne réalise pas lui-même les broderies, tapisseries et autres marqueteries dont il conçoit les modèles, il supervise parfois l'exécution qu'en font les artisans spécialisés. Pour différents supports Botticelli puise à un large répertoire de figures qu'il adapte en fonction des procédés utilisés. Pratique courante au sein des ateliers du Quattrocento, cette stratégie de duplication et de réutilisation des modèles nécessite un perpétuel effort d'innovation pour ne pas lasser. Botticelli y excelle grâce à une inventivité sans cesse renouvelée.

Botticelli et les Médicis : entrepreneur audacieux, Botticelli se distingue dès le début des années 1470 sur la scène artistique très compétitive de Florence. Son style lui attire rapidement les faveurs des Médicis, riche famille de banquiers dont l'apogée se situe à la période de Botticelli avec le gouvernement de Laurent le Magnifique (1469-1492). L'activité de portraitiste de Botticelli est connue à travers une dizaine de tableaux, les têtes peintes sur les murs de la Chapelle Sixtine et quelques effigies sur des panneaux à sujet sacré. Le plus célèbre est sans doute le portrait de Julien de Médicis.

L'intérêt de Botticelli pour la Divine Comédie de Dante (1265-1321) coïncide avec un enthousiasme renouvelé des humanistes proches des Médicis pour le poète. Botticelli est associé à deux entreprises importantes: l'impression de la première édition illustrée du poème, pour laquelle il aurait fourni plusieurs dessins, et un cycle inachevé de 92 dessins, dont la destination reste inconnue. Ces dessins révèlent les préoccupations intimes d'un artiste sensible à la culture de son temps.

Vénus, le mythe humaniste: à partir des années 1470 Botticelli vit une période de création intense qui durera plus de vingt ans et fera de lui un des plus grands artistes de son temps. Les grandes scènes mythologiques, comme La Naissance de Vénus, incarnent cette synthèse entre le mythe antique et la philosophie poétique des humanistes florentins. Fidèle à la tradition de réemploi de motifs, Botticelli reprend la figure centrale de Vénus pour en renouveler la représentation. Ainsi de nombreuses "belles femmes nues" de la main du maître ornaient les belles demeures florentines. Deux Vénus sont exposées ici , l'une de Berlin, représentante des Vénus dites pudiques, et l'autre de Turin plus simple probablement le fruit d'une collaboration de l'atelier. Cette production s'accompagne, dans les années 1480-1490, de "portraits allégoriques", en réalité des figures féminines évanescentes, comme en témoigne le portrait dit de la Belle Simonetta.

Botticelli illustrateur: outre le cycle de dessins consacrée à la Divine Comédie, Botticelli est aussi l'auteur d'un manuscrit réunissant Le Chansonnier et Les Triomphes de Pétrarque, qui permet de mieux connaître l'activité de dessinateur de l'artiste à un moment assez précoce de sa carrière. Il s'agit sans doute du premier exemple avéré d'un dessin composé de figures, exécuté sur parchemin et inspiré d'une source littéraire. L'application maladroite des pigments bleus et violets, qui occultent de nombreux détails, trahit une intervention ultérieure. Témoin du rayonnement de Botticelli, ce dessin a sans doute inspiré la composition d'un panneau de Jacopo del Sellaio, l'un de ses collaborateurs occasionnels, également présenté ici.

La peinture religieuse, du tondo au retable: les peintures rondes, appelées tondi, sont très en vogue dans la seconde moitié du XVe siècle à Florence. Botticelli excelle dans la maîtrise de ce format complexe, innovant dans le choix des compositions et les jeux de perspective. Ces tableaux ronds, qui se prêtent bien aux sujets religieux destinés à la sphère privée, témoignent aussi de certaines pratiques d'atelier. Pour répondre aux commandes qui se multiplient, Botticelli s'emploie à rationaliser sa production. Le recours aux livres de modèles et aux cartons préparatoires lui permet de déléguer à ses assistants l'exécution des tableaux tout en se réservant la conception seule, comme le montrent les variantes de La Vierge et Saint Jean-Baptiste adorant l'Enfant. C'est pourquoi on peut qualifier Botticelli de designer, en sens moderne du terme, puisque c'est l'invention, toujours renouvelée, qui est au cœur de l'œuvre.

Comme le tondo, le retable joue un rôle fondamental dans l'économie de l'atelier de Botticelli. Placé dans l'espace public d'une église ou une chapelle, il fait partie des commandes les plus prestigieuses qu'un artiste puisse recevoir. Par sa visibilité il assure la diffusion du style et des inventions du peintre. Le Couronnement de la Vierge, destiné à l'église de Volterra, réalisé par Botticelli et son équipe dans les années 1490, alors que l'artiste a atteint la pleine maturité de son art, en est un bon exemple.

La dernière manière: une esthétique savonarolienne ?

A la fin des années 1480 le pouvoir des Médicis est ébranlé par les sermons apocalyptiques du moine Savonarole et leur incidence violente sur la population florentine. Après la chute des Médicis, une nouvelle république s'installe en 1494. Savonarole occupe une place de plus en plus importante au sein de la vie publique jusqu'à sa condamnation à mort en 1498. La question de l'adhésion de Botticelli au mouvement savonarolien fait toujours débat. L'esprit créatif du peintre ne pouvait que réagir vivement aux visions prophétiques du moine. Les dernières années sont marquées par une emprise plus grande de l'atelier sur l'activité du maître qui, relativement âgé et affaibli, ne peut sans doute plus contribuer autant qu'il le voudrait à la réalisation de ses œuvres. Les variantes d'atelier tentent de perpétuer la vision originale de Botticelli sans réussir à en conserver toute la grâce. C'est dans ce contexte qu'après avoir incarné un art résolument "moderne", Botticelli tombe dans l'oubli, pour être finalement redécouvert au XIXe siècle, avec une fortune artistique qui ne s'est pas démentie depuis.