Notre exploration se poursuit par le sud du pays, le long de la péninsule malaise dans la province de Nakhon Si Thammarat: rencontre des populations locales au mode de vie traditionnel.
Octobre 2020
7 jours
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En ces temps troublés où l’avion n’a plus bonne presse, nous avons décidé de commencer ce voyage en prenant plus conscience de la distance à parcourir, 780 km, en privilégiant le train. Et s’il est rare qu’on s’attarde sur un aéroport sinon pour en louer le côté pratique ou non, prenons le temps de visiter la gare centrale de Bangkok, la gare de Hua Lamphong, qui est elle-même une partie de l’histoire de cette ville. En effet on la doit, comme beaucoup de choses à Bangkok au grand roi que fut Rama V ou le roi Chulalongkorn dont le long règne s’étend de 1868 à 1910. Très influencé par l’Occident, en particulier l’Angleterre où son père l’envoya faire des études supérieures, il fut le roi qui fit entrer le Siam dans l’aire moderne, dans une période dominée par la présence coloniale anglaise à l’ouest en Birmanie et française à l’est au Laos, Cambodge et Vietnam. Il importa les premières voitures d’Angleterre, raison pour laquelle dans ce pays, fier de n’avoir jamais été colonisé, on roule à l’anglaise et c’est le seul pays d’Asie du Sud-Est ainsi. Il fit percer les premières rues à Bangkok, où on ne circulait qu’en barques sur les canaux et les premières routes autour de la ville. Il développa aussi un moyen de transport moderne pour l’époque : le train. Quand le roi décida de la construction d’une grande gare en 1893 , il choisit un terrain à l’extérieur de la ville , juste derrière le quartier chinois, cœur historique de la ville situé au sud de la cité royale. On a peine à imaginer la gare dans la campagne aujourd’hui ! Les travaux ne débutèrent qu’en 1910 pour s’achever 6 ans plus tard. La toute première ligne construite en 1916 reliait Bangkok à l’ancienne capitale détruite, Ayutthaya, soit 90 km. Hua Lamphong est aujourd’hui le point de départ de toutes les lignes allant dans toutes les directions. Le train fut l’élément capital dans les années 1920 du désenclavement de la région nord, dont Chiang Mai était la capitale, région qui jusque-là n’était accessible que par voie d’eau en une dizaine de jours. Le train permit de s’y rendre en quelques heures.

La gare a été construite dans un style néo-Renaissance italienne, avec des toits en bois décorés et des vitraux s’inspirant fortement de la Hauptbahnhof de Francfort en Allemagne. La façade du bâtiment a été conçue par un architecte italien qui a réalisé d’autres bâtiments dans la ville, dont la grande salle du trône au palais royal. Il y a 14 quais et 26 guichets pour une gare qui accueille plus de 130 trains et 60 000 passagers par jour en moyenne. On y retrouve l’ambiance des grandes gares parisiennes.

Cependant ses jours sont comptés car sa situation en plein cœur de la ville aujourd’hui pose problème. En 2021 ouvrira une toute nouvelle immense gare (la plus grande gare de l’ASEAN) construite avec l’aide des … Chinois, la gare de Bang Sue près du grand marché de Chatuchak, au nord de la ville avec le développement de lignes à grande vitesse dont une en construction se dirigeant plein nord vers le Laos et …la Chine. Hua Lamphong sera alors désaffectée et il est question d’en faire un musée.

Nous partons en train couchette de nuit : départ de Bangkok à 19h30 pour une arrivée prévue à 11h du matin à Nakhon Si Thammarat.

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Après un voyage sans encombre et même agréable nous arrivons à notre destination : Nakhon Si Thammarat.

Nous sommes ici dans l’une des régions les plus anciennement peuplées du pays. Nakhon Si Thammarat (dont le nom en sanscrit Nagara Sri Dharmaraja signifie La cité du roi vertueux) est une ville de la région Sud de la Thaïlande située dans l'est de la péninsule Malaise, au sud de l'isthme de Kra. Elle était le centre de l’ancien royaume de Tambralinga. Au XVIe siècle, les marchands européens la connaissaient sous le nom de Ligor (?). Son histoire est bien relatée au musée national de la ville.

Cette région est peuplée depuis la préhistoire: les preuves archéologiques les plus anciennes de la présence de l'homme remontent ici à 3500 ans avant notre ère.Pierres taillées, pointes de flèches puis plus tard poteries tripodes, vases, ustensiles de cuisine ou bijoux furent découverts dans plusieurs sites de la région. Les tambours de pluie en bronze sont présents ici comme dans toute la Thaïlande et toute l'Asie du Sud-Est.

Dans la partie méridionale de l'isthme de Kra, plus particulièrement autour de la baie de Bandon sur sa côte orientale, l'existence de plaines littorales a permis le développement d'une population qui, dès peut-être le IIIe siècle apr. J.-C., s'organise en une cité-État, le Pan-Pan, nom que lui donnent les chroniques chinoises. Toutefois, les vestiges les plus anciens qu'on y ait trouvés datent tout au plus du début du Ve siècle. Ils révèlent la présence de l'hindouisme, shivaïsme aussi bien que vishnouisme, prédominant jusqu'au IXe siècle.

Culte shivaïste; lingams, Danse cosmique de Shiva, Ganesh et Déesse Uma, épouse de Shiva

Culte vishnouiste

Au IXe siècle, deux sites témoignent de l'importance d'un commerce international dans la région : Laem Pho sur la côte orientale de l'isthme, et Ko Kho Khao sur la côte occidentale. Ils montrent que la partie méridionale de l'isthme de Kra, avec d'autres sites côtiers de la péninsule, font partie d'un réseau d'échanges internationaux avec l'archipel indonésien, la Chine, l'Inde et le Moyen-Orient. L'État le plus important de la région est Srivijaya (située à l'emplacement de la ville actuelle de Palembang dans l'île de Sumatra).

Au VIIe siècle, le royaume de Srivijaya, au centre duquel se trouvait notre royaume, était le siège d'une véritable université bouddhique dont l’influence s’étendait de l’Inde à la Chine. L’influence bouddhiste persista à Java en particulier jusqu’au Xe siècle et vint alors l’Islam qui l'anéantit comme il l’avait fait en Inde dans une poussée souvent marquée par un fanatisme destructeur. Durant la période de Srivijaya, du milieu du VIIe siècle au XIIIe siècle de notre ère, le bouddhiisme se répandit le long de la péninsule sous l'influence notamment des marchands venus du Bengale qui pratiquaient le bouddhisme mahayana (qui s'est répandu en Extrême-Orient). La poussée islamique ne s'imposa pas dans la région de Nakhon Si Thammarat qui est toujours restée majoritairement bouddhiste et un haut-lieu du bouddhisme dans le sud du pays. Les écoles d'art de cette région ont été influencées par les écoles Chola du sud de l'Inde.


Le bouddhisme theravada, aujourd'hui très majoritaire en Thaïlande, ne s'est imposé qu'au XIIe-XIIIe siècle venant du Sri Lanka où la pratique en avait été conservée. L'art bouddhiste qui s'impose vient surtout de l'école de Sukhothaï au XIVe siècle et de l'art mône largement influencé par l'art indien avant lui.


L’ancien royaume de Tambralinga sous l'influence de Srivijaya est reconnu par les érudits être Nagara Sri Dharmaraja déjà connu des chroniques chinoises. À la fin du XIIe siècle, Tambralinga se détacha de Srivijaya dont l’empire perdait en puissance. À son apogée, entre le XIIIe siècle et le début du XIVe siècle, Tambralinga a occupé la majeure partie de la péninsule malaise et est devenu l'un des États dominants de l'Asie du Sud-Est. À la fin du XIVe siècle, Tambralinga entre dans l'histoire du Siam comme le royaume de Nagara Sri Dharmaraja. Le royaume fut vassal du roi de Lopburi avant que le pouvoir central ne se déplace à Ayutthaya. Nakhon Si Thammarat sera dans toute l’histoire d’Ayutthaya un état vassal respectueux de ses engagements et considéré par le roi d’Ayutthaya comme pratiquement son égal. Il enverra à plusieurs reprises d’importantes troupes et navires pour aider Ayutthaya dans les guerres l’opposant aux Birmans. Après la chute d’Ayutthaya, la cité connut une brève période d’indépendance de deux ans avant d’être reprise par le roi Taksin. À la fin du XIXe siècle, la principauté de Nakhon Si Thammarat est finalement intégrée dans le royaume de Siam, dont elle devient la capitale provinciale de la région sud.

C’est entre les XVIIe et XIXe siècles que la ville connaîtra sa plus grande prospérité sous le règne de la même famille royale Sithammasokrat. Le souvenir en est toujours vivace marqué par la présence de la statue de plusieurs d’entre eux dans la ville.

Sa situation géographique en fait une station de commerce importante et un haut lieu de la foi bouddhiste. Aujourd'hui c'est une paisible ville de 100 000 habitants dans une province d'environ 1,6 millions d'habitants.

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De son passé Nakhon Si Thammarat, comme beaucoup d’autres villes du pays, ne gardent que peu de souvenirs. La ville, dans son ensemble, offre le même spectacle de maisons bétonnées de mauvaise facture, qui ont remplacé les maisons traditionnelles en panneaux de bois chevillés pour les plus aisées et en bambou tressé pour les plus pauvres. On peut encore apercevoir de telles maisons dans les villages mais elles sont en voie de disparition. Traditionnellement sur pilotis pour se protéger de l’humidité et des bêtes sauvages (il ne reste plus de tigres dans ces montagnes), aujourd’hui les maisons en parpaing sont construites au sol et subissent fréquemment des inondations.

Nakhon Si Thammarat, malgré la présence d'une population musulmane importante, reste un centre bouddhique de référence et comporte beaucoup de temples bouddhiques dont le plus ancien et le plus célèbre, le Wat Phra Mahathat. Temple royal de première classe, le Wat Phra Mahathat est le temple bouddhiste le plus important de Nakhon Si Thammarat et du sud de la Thaïlande.Construit au moment de la fondation de la ville, il contient comme relique une dent de Bouddha. Le roi de l'époque avait construit une petite pagode pour l'enchâsser en 291 de notre ère. Plus tard un nouveau temple fut construit.

Reconnaissable grâce à son grand chedi blanc de 78 mètres de haut, entouré de 173 chedis plus petits, il figure sur les pièces de 25 satangs, les centimes thaïlandais. c'est dire son importance. Au pied du chedi se trouve une galerie carrée, appelée Wihan Tap Kaset, décorée de nombreuses statues de Bouddha où les fidèles viennent en nombre se recueillir.

Autour de la base du grand stupa de style sri lankais, on retrouve les habituels avant-corps d'éléphants qui sont ici objet de vénération comme les statues du Bouddha et sur lesquels les fidèles collent des petites feuilles d'or.

Presque en face du Wat Mahathat se trouve une belle maison ancienne en teck qui fut la propriété de descendants de la famille royale de Nakhon Si Thammarat: c'est Ban Than Khun Ratthawut Wichan. Construite il y a 108 ans elle est représentative du style des maisons du sud appellées pan yha. Rectangulaire avec deux pièces symétriques en demi-lune entourant une petite loggia, elle est réalisée totalement en teck, tout étant chevillé sans clou ni vis et démontable comme toutes les maisons anciennes du pays. Ces maisons, sur un soubassement en pierre, sont conçues pour assurer une circulation d'air sous la maison et à l'intérieur par une claire-voie en haut des parois pour laisser circuler l'air et s'évacuer l'air chaud. Nul besoin de climatisation dans ces maisons.

Un artiste local, Khun Suchat, est connu pour ses créations de marionnettes de théâtre d'ombres Nang Talung. Il possède aussi une jolie collection de marionnettes anciennes.

Tout comme sa cousine la marionnette dont ils partagent la même structure (le castelet), le théâtre d'ombres a des origines très anciennes. La tradition fait de l'Inde ou de la Chine son lieu de naissance (la fameuse « ombre chinoise »). C'est de là qu'à la faveur des grandes migrations il aurait gagné le Moyen-Orient pour ensuite arriver en Europe. Utilisé d'abord à des fins religieuses (évoquer l'âme des morts) et d'exorcisme, il est rapidement devenu une forme séduisante de spectacle populaire, mettant en scène aussi bien de grands poèmes épiques comme le Ramakien ici en Thaïlande que des satires politiques ou grivoises, comme le célèbre Karagöz de Turquie.

Depuis la période d'Ayutthaya (1350-1767) se sont créés quatre styles différents de théâtre dans le pays: le Khon et le Lakhon avec des acteurs costumés et deux théâtres de marionnettes, le Nang Talung et le Nang yai. Le Nang Yai est un théâtre d'ombres populaire du centre de la Thaïlande, où de grandes marionnettes sont projetées sur un écran blanc et manipulées par des acteurs cachés en dessous de l'écran. Leurs mouvements sont à l'origine des danses dans les théâtres Khon et Lakhon.

Proche du Nang Yai, mais situé dans le sud du pays, le Nang Talung, possède des marionnettes plus petites, dont certaines parties du corps sont mobiles (jambes, bras, bouche...). Les manipulateurs, acteurs et chanteurs, cachés du public, donnent par leurs chants et leur talent d'acteur, aux représentations un tempo saisissant.

La réalisation de ces marionnettes commence par l'utilisation de vélin translucide et raidi que l'on découpe selon la forme du personnage et que l'on colorie ensuite. Les différents éléments sont associés avec du fil et le tout monté sur une tige d'osier maintenue avec du fil.

Nous nous rendons au Pilier fondateur de la ville. C'est une tradition très ancienne qui consiste à consacrer un grand pilier qui représente le centre de la cité et auquel les habitants viennent rendre hommage. Ici il est situé dans un petit sanctuaire entouré de quatre petites chapelles avec des statues de Bouddha aux quatre coins du carré de l'enceinte. Le plier est surmonté d'une représentation de Brahma, le dieu hindouiste qui peut voir dans toutes les directions.

Après la chute d'Ayutthaya en 1767, Nakhon Si Thammarat ne resta indépendante que deux ans puis fut reconquise par le roi Taksin qui restaura le pouvoir thaï et installa la capitale à Bangkok. Une légende veut que ses cendres soient conservées ici dans un petit sanctuaire. Pourquoi ici ? La communauté d'origine chinoise a toujours été importante ici et Taksin était de père chinois. Est-ce vrai ?

Enfin un petit coup d'oeil aux restes de la muraille d'enceinte de l'époque médiévale qui, comme partout dans le pays, est en briques surélevée de créneaux.

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Après nous être intéressés au passé et aux vieilles pierres à Nakhon Si Thammarat, nous partons découvrir les paysages de la région. Comme toute la péninsule, cette région est centrée par une chaine montagneuse, le massif de Khao Luang, qui fait partie de la chaine du Tenasserim, dont le point culminant s’élève à 1835m. Nous avions prévu une balade dans le parc et étape dans un village de montagne prisé des Thaïs pour sa fraicheur et son bon air. Mais c’était sans compter sur la mousson qui n’est pas terminée. Cette région est arrosée 8 mois sur 12. Et le temps n’a pas été avec nous : des trombes d’eau. Nous avons tout de même fait une balade à pied et notre auberge où nous avons passé la nuit était sympa. Jamais entendu autant de crapauds et grenouilles coasser ! Un vrai concert ! Ce parc de 570 km2 est connu pour ses chutes d’eau (pas étonnant !), ses orchidées luxuriantes et ses nombreuses espèces d’oiseaux.

Redescendant vers la plaine côtière du golfe de Thaïlande nous allons au sud dans la province voisine de Phattalung à la découverte d’un écosystème unique, le lac Thalé Noi (dont le nom en thaï signifie petite mer). Il est situé au nord du plus grand lac de Thaïlande, le lac Songhkla qui est divisé en deux parties.

Le lac Thalé Noi mesure 5km de large et 6km de long et abrite la plus grande réserve ornithologique du pays avec 180 espèces d’oiseaux répertoriés. Certains y vivent toute l’année et d’autres, migrateurs, y sont de passage de novembre à avril sur leur route qui les mène en Indonésie et Australie. La flore aquatique est spectaculaire : lotus, nénuphars, roseaux, fougères aquatiques flottantes composent des tapis flottants de couleur à la surface du lac et les bateaux passent au milieu. Moment magique bien que nous ne soyons pas à la période optimale de floraison des lotus qui se situe en début d'année pendant la saison plus sèche.

Au milieu du lac un petit sanctuaire est dédié à une divinité protectrice. Un vieux vélo permet d’actionner une pompe à eau.

Un grand pont de 6 km de long traverse le lac ce qui permet d’observer la vie sur le lac, notamment les buffles d’eau.

Ce lac aurait sans doute enchanté Claude Monet 
Le pont enjambant le lac 
Le petit sanctuaire et le vélo 

Au bord du lac se trouve un petit village d'artisans qui font divers objets en vannerie en tressant des roseaux récoltés sur les bords du lac puis séchés et aplatis. Ils peuvent ensuite être utilisés naturels ou teints pour réaliser de nombreux objets allant du sac à main, aux corbeilles, nattes de sol et jusqu'aux chapeaux. Un beau travail et l'occasion d'admirer la dextérité des femmes qui tressent ces roseaux. La reine mère Sirikit protège cet artisanat comme tant d'autres et en a fait plusieurs fois la promotion en arborant des sacs réalisés ici.

Sur le lac Songhkla on peut admirer une forme de pèche originale : de grands filets sont tendus sur un cadre en croix en bambou qui est relié à un ingénieux système de balancier qui permet de descendre et remonter le filet auquel on associe une lampe pour pécher la nuit. 5000 familles vivent de cette pèche autour du lac ce qui pose un problème vis-à-vis d’une espèce de dauphin qui vit dans le lac, le dauphin du Mékong, qui est en voie d’extinction par manque de nourriture.

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Pour notre dernier jour nous partons à la rencontre des dauphins roses du golfe de Thïlande. A l'extrémité nord de la province, près de la plage encore préservée de Khanom vivent des colonies de dauphins roses. Il existe deux espèces de dauphins roses, l'une vit en Amazonie et l'autre dans cette région du golfe de Thaïlande et entre Hong Kong et Macao. Inutile de préciser qu'ils ne sont pas faciles à voir car ile ne vous cherchent pas, bien au contraire. Donc il faut un peu de patience pour en apercevoir souvent une partie seulement quand ils respirent à la surface. Mais la balade le long de cette côte découpée avec des roches plissées est belle en elle-même.

Pour terminer notre voyage nous rendons visite à de petits exploitants d'une plantation d'hévéas. L'hévéa c'est l'arbre à caoutchouc. Son origine est lointaine puisqu'il vient d'Amazonie où les Indiens, de tout temps, utilisent le latex pour faire des chaussures ou des balles et pour imperméabiliser des tissus. Le mot d'origine désignant le caoutchouc est en langue quechua: cao (arbre)-tchu (qui pleure). Les Européens le découvrirent avec Christophe Colomb mais ce n'est qu'au XVIIIe siècle qu'un scientifique français étudie la plante et les propriétés du caoutchouc naturel. Au début de la révolution industrielle en Angleterre fin XVIIIe, on commence vraiment à s'y intéresser, notamment pour faire des gommes à effacer l'encre. En France au début du XIXe siècle une usine produit des bandes élastiques pour jarretières et bretelles. Au milieu du XIXe siècle en Angleterre est mis au point le procédé de vulcanisation par Charles Goodyear puis celui de la chambre à air. Mais la demande excède bientôt la production amazonienne et un anglais Alexander Wickham réussit le plus beau rapt botanique de l'histoire en rapportant 74000 graines d'hévéa brésilien à Londres au jardin botanique. Très vite ces graines sont introduites à Ceylan et Singapour où on se met à produire d'autres graines. Puis les plantations apparaissent dans toute l'Asie du Sud-Est. La culture de l'hévéa prit un grand essor à partir de 1910. Pour la petite histoire c'est Alexandre Yersin, le découvreur du bacille de la peste, qui planta les premiers hévéas au Vietnam en 1899. Dès 1903 les frères Michelin lui achètent ses productions. Très vite les plantations d'hévéas se multiplièrent dans toute l'Asie du Sud-Est au point qu'aujourd'hui l'Asie est la principale région productrice de caoutchouc naturel : 95% de la production mondiale soit environ 10 millions de tonnes.

Premier pays producteur depuis 1991, la Thaïlande est aussi le premier exportateur. En Thaïlande l'exploitation des hévéas est une affaire familiale: 95% des plantations ont une superficie inférieure à 8ha. Il faut compter 6 ans après la plantation pour commencer à récolter le latex et au bout de 20 à 25 ans il faut couper l'arbre qui n'est plus assez productif. Le bois est utilisé pour construire maisons ou meubles. La vente à l'abattage est une source importante de revenu pour les planteurs. Depuis plusieurs années le cours du latex s'effondre: le prix de vente est passé de 2€ la livre en 2011 à 0,6€ en 2016. Les autorités veulent aussi réduire la superficie cultivée de plus de 60.000 hectares par an d'ici à 2022.

Le latex n'est pas la sève nourricière de l'arbre mais une substance qui participe aux éléments de défense de l'arbre. Lors d'une blessure de l'écorce le latex s'écoule comme du lait et au bout d'un moment coagule et ainsi protège la blessure. C'est un peu le même processus que la coagulation du sang sur une blessure de la peau. La récolte de latex se fait en saison des pluies par une incision à 40° sur environ la moitié de la circonférence de l'arbre faite acec u couteau spécial puis on fixe une petite gouttière métallique en bas de l'incision pour récolter le latex dans une coupelle fixée à l'arbre. Au bout de quelques heures l'écoulement s'arrête. Le latex peut être soit gardé liquide en lui ajoutant un peu d'ammoniac ou au contraire sous forme de pâte coagulée qui est aplatie avec une presse et mise à sécher. La famille que nous rencontrons, comme beaucoup d'autres, vit maintenant difficilement de l'exploitation de ses hévéas et pensent prochainement les remplacer par des arbres à durians.

Notre voyage s'achève par une journée de farniente sur la plage de Khanom, encore peu exploitée par le tourisme.