Découverte du Japon impérial à travers ses capitales: Tokyo, Kyoto et Nara
Octobre 2019
10 jours
Partager ce carnet de voyage
1

Nous sommes repartis pour une nouvelle aventure. Cette fois l’origine du projet ,c’est la Coupe du Monde de Rugby et l'envie de deux copains de Bangkok, Pierre et Nenad, d’aller assister à Yokohama au match France-Angleterre le 12 Octobre.


Nous avons donc décidé d’en profiter pour visiter les capitales impériales : Tokyo, Kyoto et Nara.

Après un vol tranquille nous arrivons de bon matin par un grand soleil à Tokyo. Pourtant nous avons appris que la météo était très défavorable pour le weekend tant attendu avec l’approche d’un typhon qui paraît sérieux. Du coup ce soir, il est question de déplacer le match (où ?) ou de le jouer à huis clos, ce qui bien sûr ne satisfait pas nos aficionados.

En attendant il fait très beau, une belle journée automnale douce dont nous profitons pleinement (un bon 10 km à pied) pour faire un tour du côté de la Tour de Tokyo, qui ressemble vaguement à la Tour Eiffel (et sans chauvinisme la nôtre est bien plus belle) le temple bouddhiste Shojoji, et le grand parc de Hama-rikyu, ancien parc du palais des shoguns. Dans ces deux beaux sites, ce qui frappe c’est la sérénité, le calme alors que nous sommes en plein cœur de Tokyo. Bien que 9,3 millions d’habitants s’y croisent toute la journée, tout se passe dans une ambiance presque feutrée, très civile, très calme même si les gens se déplacent vite, et sans agressivité. Et tout est d’une parfaite propreté : pas un papier ne traîne, encore moins une cigarette totalement bannie sauf dans quelques petits endroits. Tous les espaces verts sont impeccablement entretenus, aucune poubelle publique ne déborde. Et cerise sur le gâteau, la gentillesse des gens qui cherchent à vous aider dès qu’ils vous sentent perdus. Bref un premier contact très plaisant

Au sanctuaire shinto le plus surprenant c’est un espace réservé aux divinités gardiennes d’enfants, dédiées à la sécurité de la croissance des enfants mais aussi un mémorial aux enfants mort-nés ou aux fausses couches. Pour protéger et garder chaudes leurs mains, ils portent un bonnet rouge et un bavoir rouge, et sont accompagnés d’un petit moulin à vent, dédié à la divinité gardienne de l’image des enfants. A l’entrée du site un cèdre majestueux fut planté par le Général américain Grant, alors 18e président des Etats-Unis, en 1879.

Le jardin de Hama-rikyu fut construit par les shoguns de la lignée Tokugawa : c’était le jardin de la maison de plage des shoguns. A l’époque Meiji, quand les empereurs reprirent le pouvoir, elle devint le deuxième palais impérial. Mais le grand séisme de Kanto dans les années 1930 puis la seconde guerre mondiale firent disparaître la résidence. Il ne subsiste que les jardins avec un étang d’eau de mer. Il est classé site historique depuis 1952. De nombreuses essences d’arbres le composent. Les érables commencent à peine à virer au rouge : la meilleure période est fin octobre-début novembre. Un pin tricentenaire date de la fondation du jardin.

Nous terminons la journée par une balade dans le quartier de Ginza, les Champs Elysées de Tokyo. Toutes les grandes marques internationales du luxe sont présentes mais c’est devenu banal de nos jours. Beaucoup de ruelles secondaires plus typiques avec des petits restaurants dont celui qui nous accueille pour quelques sashimis, poissons grillés et riz blanc arrosés d’un thé vert. Il est temps d’aller dormir après une nuit dans l’avion et une journée bien remplie.

2

Nous n’avons pas de chance : les matchs de la Coupe du Monde de Rugby qui devaient se dérouler ce weekend sont annulés en raison de l’approche d’un typhon très puissant. Donc nous n’irons pas à Yokohama. Le temps a d'ailleurs changé : la pluie tombe sur Tokyo depuis la fin de l’après-midi et le typhon est attendu en fin de journée demain ou samedi matin.

Craignant une impossibilité de se déplacer ce weekend, nous avons décidé de faire notre visite au Musée National de Tokyo qui promettait d’être intéressant, en particulier pour les expositions d’art japonais. Créé dans les années 1930, il comprend des œuvres japonaises, asiatiques d’un peu partout, européennes aussi avec une prédilection des Japonais pour les impressionnistes et surtout Monet comme on pouvait s’en douter. Disons-le tout de suite : ce musée est certes intéressant, bien présenté avec des explications en anglais bien faites mais ça n’a pas été le coup de cœur du Musée de Taipeh que nous avons visité en mars dernier. En plus il reste difficile de faire des photos même sans flash. Pourtant une très belle exposition d’art bouddhique japonais du XIIe -XIIIe siècle nous a permis de voir de très belles statues en bois, souvent à taille humaine ou plus grande faites dans une pièce de bois unique.

Nous nous sommes concentrés sur les salles d’art japonais depuis les débuts du pays jusqu’à nos jours. On retrouve deux thèmes classiques dans les peintures, soit sur papier soit sur tissu que sont, la nature avec des paysages montagneux avec une rivière ou les fleurs et les portraits. Les Japonais ont l’habitude de changer les peintures sur soie qu’ils déroulent et accrochent au mur à chaque saison pour les harmoniser à la période de l’année.


Le travail de la laque existe partout en Asie , au Japon également avec quelques belles pièces présentées.

Je me suis intéressée de plus près aux armures de samouraïs en pensant à mon Matthieu préféré.

Mais bien sûr l'art du kimono est typiquement japonais et quelques très belles pièces sont exposées.

La calligraphie est un art aussi important pour les Japonais que pour les Chinois.

Le bouddhisme japonais s'est développé, venant de Chine, au 6e siècle. C'est une évolution du bouddhisme chinois, le Mahayana, qui a développé de nombreuses sectes, dont le zen qui est la plus connue en Occident. La majeure partie des pièces présentées ne peuvent pas être photographiées mais en voici quelques-unes tout de même.


3

Le temps étant pluvieux certes mais encore calme, nous avons rendu une visite au marché aux poissons de Tsukiji près du port de Tokyo, là où tout le poisson arrive, est préparé et vendu. Une institution à Tokyo, qui doit déménager d’ici la fin de l’année pour aller un peu plus loin en raison des préparatifs des Jeux Olympiques en 2020 ici à Tokyo. On y trouve toutes sortes de poissons, crustacés tous plus frais les uns que les autres et les ruelles avoisinantes sont remplies de boutiques qui vendent tout ce qui peut aller avec pour les cuisiner et par extension tout ce qu’on peut manger y compris de la viande et des fruits. Nombre de petits restaurants préparent des grillades devant vous que vous mangez debout. Très touristique, vous y entendez toutes les langues.

Puis nous nous sommes rendus dans un lieu symbolique pour les Japonais, le sanctuaire shinto Yasukuni Jinja. Créé en 1869 par l’empereur Meiji, il est dédié à la mémoire de tous les soldats ou civils ayant combattu pour le pays, entre 1867 et 1951. Il est censé accueillir les âmes réelles des morts, en tant que kami (esprits). Par tradition tout acte mauvais commis par le défunt lui est pardonné à son entrée dans le sanctuaire. Les prêtres ont une totale liberté pour choisir qui ils admettent. La consécration est permanente et irréversible. Et c’est, chaque année, l’objet de polémiques avec les voisins chinois, taïwanais et coréens car y sont enterrés et honorés les chefs militaires de la deuxième guerre mondiale qui furent condamnés comme criminels de guerre par le Tribunal International pour l’Extrême-Orient. Qui plus est, dans l’enceinte de ce sanctuaire figure un musée de l’histoire du Japon de l’ère Meiji à nos jours, le musée Yushukan, où l’histoire est présentée sous un axe nettement nationaliste. Ses voisins accusent le Japon de révisionnisme. Sans vouloir trancher dans ce conflit, l’histoire est écrite par les vainqueurs et malheur aux vaincus ! Devant le musée 3 statues, d'un chien, d'un cheval et d'un pigeon voyageur rendent hommage aux animaux sacrifiés pour les guerres.

Nos plans de voyage étant déjà bien perturbés par le typhon qui devrait nous toucher demain, Pierre en profite pour attraper un syndrome grippal. Notre journée s’achève donc tôt au lit.

4

Le lendemain du passage du typhon, que nous avons très peu ressenti dans le quartier de Shimbashi où nous étions à Tokyo, nous repartons nous promener par un grand soleil. C’est un weekend férié au Japon donc assez peu de monde dans les rues. Nous sommes étonnés de ne même pas trouver de feuilles mortes jonchant le sol après cette tempête. Ambiance toujours aussi clean et feutrée. On dirait que les arbres n’ont pas osé laisser tomber leurs feuilles.

Le métro ( pas facile d’en comprendre le fonctionnement) nous amène dans le quartier de Shibuya, l’un des plus animés de la ville avec son carrefour célèbre pour ses passages piétons qui traversent le carrefour en diagonale et où à chaque feu vert des milliers de gens se croisent sans heurt.

Ce carrefour est aussi connu pour la statue du chien Hashiko devant la gare de Shibuya. C’est la mascotte porte-chance des Tokyoïtes. Tout part d’une histoire vraie. Dans les dernières années 1920, un professeur de chimie prenait tous les matins son train à la gare de Shibuya pour aller travailler. Son chien Hashiko l’accompagnait à la gare, rentrait à la maison et venait rechercher son maître le soir. Mais un jour son maître mourut brutalement d’une attaque cérébrale. Le chien est resté pendant les 10 ans qu’il a vécus après la mort de son maître devant la gare à l’attendre. Il fut pris en pitié par des gens qui le voyaient là et nourri. A sa mort il fut enterré aux côtés de son maître et on lui éleva une statue vite devenue symbole de fidélité. On vient se faire des serments ou plus prosaïquement se prendre en photo devant la statue.


Après une balade dans ces rues très animées, nous gagnons un haut lieu de l’histoire de Tokyo, le sanctuaire shinto dédié à l’empereur Meiji, qui reprit le pouvoir aux shoguns et dirigea l’ouverture du pays entre 1859 et 1914. En chemin nous tombons sur un groupe de Japonais nostalgiques des années 60 qui, en costume d’époque, dansent sur des airs de rock de ces années-là.

Le sanctuaire est situé, comme toujours ici, dans un grand parc aux arbres majestueux. Ce sanctuaire construit dans les années 1920 renferme les tombes de l’empereur et de son épouse. Comme tous les temples shinto, il est très dépouillé, aucune divinité et les photos ne sont pas autorisées. Des Tokyoïtes en tenue traditionnelle viennent présenter leur respect. Juste avant d’arriver au sanctuaire, des deux côtés de l’allée centrale sont exposés, d’un côté une cinquantaine de barils de saké et de l’autre une trentaine de tonneaux des meilleurs crus de vins de Bourgogne. Ils furent offerts par les vignerons bourguignons en respect à l’empereur du Japon. Et croyez-moi c’est des bons ! Je pense ou plutôt j’ose espérer, que le vin a été bu car les conditions de garde à cet endroit en plein air laissent à désirer. Quant aux barils de saké c’est la même chose les meilleurs crus furent offerts pour l’empereur. L'empereur est plutôt bien accompagné dans l'au-delà !!

Pierre étant encore fatigué, nous rentrons pour une pause car la soirée promet d’être animée. On a perdu le match France-Angleterre à Yokohama à cause du typhon mais, ce soir, est retransmis à la télé le match Japon-Ecosse. Et il y a un pub irlandais près de notre hôtel. Et l’ambiance fut électrique : beaucoup d’Européens venus pour la Coupe du Monde et de jeunes Japonais dont quelques-uns déjà bien arrosés avant le début du match qui, selon les spécialistes, a tenu ses promesses. Les Japonais ont battu les Ecossais qui paraissaient, aux yeux de la néophyte que je suis, un peu brouillon dans leur jeu.

Cette soirée cloture notre séjour à Tokyo. Demain direction Kyoto. Nos amis ont repris le chemin de Bangkok.

5

Nous sommes partis hier de Tokyo par le Shinkansen, le TGV local qui nous a amenés en 3h30 d’un voyage confortable à Kyoto, à 500 km de Tokyo. Pierre s’est amusé des salutations du contrôleur qui, chaque fois qu’il traversait notre wagon, à la sortie, s’inclinait respectueusement devant les voyageurs.

Ce matin nous commençons à explorer la ville avec une jeune française, Clara, qui vit depuis 7 ans à Kyoto, mariée à un moine zen bouddhiste. Oui, oui, on peut être moine zen et être marié. Les moines zen vivent chez eux comme les laïques. Son activité essentielle a trait aux cérémonies organisées par les familles pour leurs défunts. Il peut aussi diriger la méditation de laïques qui viennent le solliciter.

Kyoto fut capitale du Japon presque sans interruption du VIIIe siècle au milieu du XIXe. Elle est restée capitale religieuse (plus de 2000 temples) et la gardienne du style de vie traditionnel japonais. Si Tokyo est une ville très moderne et très verticale, Kyoto est une ville traditionnelle horizontale. Très peu de hauts bâtiments. Elle eut la chance d’être épargnée par les bombardements américains de la 2e guerre mondiale donc renferme de nombreux bâtiments en bois dont beaucoup remontent au XIIIe siècle, sont entièrement en bois et pourtant toujours présents. Elle compte 17 sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco. C’est à Nara (première capitale distante de 45km) puis Kyoto que le bouddhisme Zen fut introduit de Chine et s’est épanoui au Japon pour devenir l’un des principaux courants du bouddhisme japonais. C’est aussi la capitale culturelle qui fut à l’origine, par le Zen, du développement de la cérémonie du thé ou de l’arrangement floral. C’est ici encore qu’on trouve des écoles de formation de geishas, des femmes instruites dans tous les arts et destinées à divertir les hommes venus se détendre dans les maisons de thé. Mais contrairement à ce qu’on croit souvent en occident, ce ne sont nullement des prostituées. Celles-ci existent aussi mais ne sont pas dans les mêmes lieux.

Notre première visite est pour le temple Sanjusangendo (temple des 33 baies), un grand temple bouddhiste datant du XIIe siècle consacré au boddhisattva de la compassion, Avalokiteshvara, figure essentielle du bouddhisme Mahayana, c’est-à-dire le bouddhisme qui s’est développé en Extrême-Orient à partir des routes de la soie. En Chine le boddhisattva prend une forme féminine sous le nom de Kwan Yin qui devient au Japon Kannon. Le bâtiment principal tout en bois (un bois local très dur imputrescible et qui résiste aux insectes) a une longueur de 125 mètres et une largeur de 17 mètres.

L’intérieur compte un déambulatoire avec une salle centrale dans laquelle s’alignent 1032 statues debout de Kannon, en bois couvertes à la feuille d’or, créées par des sculpteurs différents et une statue principale assise beaucoup plus grande toujours de Kannon. Elle est représentée avec mille bras et 11 têtes. Devant les Kannon se placent les 28 gardiens de Kannon, toutes des figures dérivées des dieux hindouistes où on retrouve Garuda qui, ici s’appelle Karura, représenté toujours en homme-aigle mais différemment de celui qu’on voit communément en Thaïlande. L'éclectisme de cette religion se retrouve encore dans une forme adaptée japonaise du dieu du zoroastrisme persan, Ahura Mazda, qui apparaît ici cerné d'une auréole de flammes.


A l’origine le temple était peint de couleurs vives, aujourd’hui disparues. Ce temple était aussi un centre d’entrainement des samouraïs au tir à l’arc. Des concours étaient organisés où ils devaient tirer le plus de flèches en 1 heure dans une cible placée à 120 mètres, c’est-à-dire que le tireur se plaçait à une extrémité du bâtiment et la cible était placée à l’autre bout. Cette tradition persiste dans une cérémonie de passage rituelle des filles à l’âge adulte à 20 ans. Elles doivent tirer à l’arc mais seulement à 60 mètres, ce qui n’est déjà pas si mal. Le temple a servi à plusieurs reprises de décor pour des films de samouraïs.

En sortant de notre temple nous trouvons au détour d’une ruelle un petit sanctuaire shinto peint de ce vermillon qui vient du Chine. Devant ce sanctuaire, une paire de lions de pierre, gardiens que l’on connait bien en Thaïlande mais là encore sous une forme différente. Ici le lion de droite a la bouche ouverte pour représenter la première lettre de l’alphabet , le A, et celui de gauche a la bouche fermée pour symboliser la dernière lettre de l’alphabet , le om. Les plaquettes votives, petites plaques de bois où l’on écrit son souhait, sont incinérées lors de cérémonies.

Dans les rues de Kyoto il n’est pas rare de croiser des élégantes en kimonos. Il ne faut pas confondre celles qui le font par goût des geishas dont le costume est complété d’une coiffure très sophistiquée qu’elles gardent plusieurs jours (elles dorment la nuque posée par un oreiller de bois) et elles portent toujours une ombrelle.

Notre deuxième visite est pour le plus vieux des temples zen de la ville, le Kennin-ji, le principal de la branche Rinzai du bouddhisme Zen . Construit au XIIIe siècle, il fait partie des cinq grands temples de la ville. Il est réputé pour ses magnifiques peintures intérieures décoratives et ses jardins zen typiques. L’architecture sophistiquée des toits montre la maîtrise des charpentiers qui savaient répartir le poids très lourd des doubles tuiles par des systèmes de chevrons.

Les peintures murales et sur paravents sont les œuvres d’artistes variés dont certains contemporains. Le paravent sur fond doré de l’époque d’Edo (XVIIe siècle) est une représentation des Dieux du Vent et du Tonnerre.

Dans le bâtiment central, outre la statue principale de Bouddha, c’est le plafond qui retient l’attention : une gigantesque peinture (11,4m sur 15,7m) réalisée en 2002 pour fêter les 800 ans du temple par un artiste contemporain. Elle s’intitule Dragons jumeaux. Réalisée totalement à l’encre sur papier épais, l’artiste a mis deux ans pour la réaliser, dans le gymnase d’une école.

La promenade entre les pavillons permet de découvrir les jardins : on peut s’asseoir partout et profiter de la beauté des jardins sous tous les angles.

Le grand jardin sec karesensui Daioen

Le jardin carré où le carré représente le monde terrestre, le triangle l’homme en méditation et le cercle

la vacuité ou le détachement de tout.

Le jardin humide de mousses

Sortant de cet endroit paisible, nous traversons dans le quartier touristique de Gion une ruelle de maisons de geishas qu’on repère à une petite plaquette posée à droite de la porte d’entrée et qui indique le nom de l’hôtesse.

Retraversant la rivière Kamogawa au confluent formé par la Kamo à gauche et la Takano à droite, on aperçoit au bord de la rivière l’aménagement des berges en promenade et le passage à gué de la rivière par des grosses pierres posées.

Il est l’heure d’aller déguster quelques ramen ou udon, les fameuses nouilles japonaises avec du bouillon , des légumes ou de la viande.

6

La journée s’annonçant radieuse, nous décidons d’une escapade pour découvrir la toute première capitale impériale japonaise, Nara, située à une quarantaine de kms au sud de Kyoto. Les trains sont vraiment bien organisés et en un trajet de 40mn, nous sommes à pied d’œuvre.

Nara devint capitale impériale au début du VIIIe siècle, au moment où le bouddhisme commença à se diffuser au Japon, venant de Chine. Jusqu’alors le Japon était shintoïste, religion basée sur le culte de la nature avec de nombreuses divinités dédiées aux éléments de la nature. Les shintoïstes changeaient de capitale à la mort de chaque empereur. Avec l’arrivée du bouddhisme, l’empereur fait bâtir une capitale qui restera pour chaque empereur. Mais le destin de Nara en tant que capitale sera bref : 75 ans après sa fondation, après que l’impératrice de l’époque fut séduite par un moine bouddhiste qui faillit prendre le pouvoir, l’empereur décida prudemment d’éloigner le clergé de la cour. Il établit alors à la fin du VIIIe siècle la nouvelle capitale à Kyoto où elle restera jusqu’à la restauration du pouvoir Meiji au milieu du XIXe siècle.

Nara a gardé une aura de capitale religieuse et compte encore aujourd’hui de très nombreux temples, bouddhistes et shintoïstes, plusieurs classés au Patrimoine Mondial de l'Unesco. Car si 95% des Japonais se disent athées, ça ne les empêche nullement de se rendre dans les temples bouddhistes et shintoïstes pour solliciter toutes les aides possible (ça ne mange pas de pain !). Ils sont, comme tous les Asiatiques, très superstitieux. Une semaine ne serait pas de trop pour visiter la plupart (pas tous) des temples de Nara. Disposant d’une journée, nous nous contentons des « must ».

Le premier et le plus imposant est le temple Todai-ji, temple bouddhiste fondé en 728 et classé au patrimoine Mondial de l’Unesco. C’est le plus grand bâtiment entièrement en bois du monde.

Pourtant il fut réduit d’un tiers au XVIIIe siècle lors de sa reconstruction après un incendie.

Il est l’écrin d’une des plus grandes statues bouddhiques du monde, le Daibutsu-den, statue de 16 m de haut d’un Bouddha Vairocana (en bouddhisme tantrique, c’est le premier de tous les Bouddhas qui se sont succédés) coulé en bronze et qui était couvert d’or : 437 tonnes de bronze ! Il est flanqué de deux Boddhisattvas importants, à sa gauche Avalokiteshvara, appelé Kannon au Japon, le boddhisattva de la compassion et à sa droite, Manjushri, le boddhisattva de la grande sagesse. Des gardiens des quatre directions les veillent. Pour les historiens la construction de ce temple fut décidée par l’empereur Shomu, pour enrayer une épidémie de variole, fléau récurrent dans la région. L’art bouddhique de cette époque est encore très proche de l’art chinois de Chang-An (aujourd’hui Xi’an), la capitale chinoise de l’époque, qui lui-même porte encore trace du premier art bouddhique du Gandhara (au Pakistan actuellement et où est né le bouddhisme mahayana qui a diffusé en Chine par les routes de la soie)

Notre deuxième visite concerne le plus grand sanctuaire shintoïste de Nara situé dans le même très grand parc au cœur de Nara que le précédent. Je ne vous ai pas encore parlé de la curiosité de ce parc : environ 1200 daims y vivent en liberté. Considérés comme des messagers des dieux à l’époque prébouddhique, ils bénéficient d’un statut de trésor national, déambulant parmi les touristes en quête de quelques friandises. Et ils sont très gourmands. L’un d’eux, que je caressais, a donné un grand coup de dents dans le plan de la ville que j’avais à la main !

Le sanctuaire Kasuga Taisha se trouve un peu en hauteur à l’est du parc. Construit également au VIIIe siècle, cet immense sanctuaire se situe dans une partie très boisée du parc. Ses allées sont ponctuées de centaines de lanternes, allumées lors de la fête des lanternes de Mantoro qui a lieu en février et en août. Chaque matin les prêtres chantent le Chohai dans la salle des cérémonies, une prière pour la protection et la paix de la nature et pour le peuple japonais.

En redescendant nous nous arrêtons au musée de Nara où une belle exposition sur l’art bouddhique de Nara nous permet de faire le point sur le sujet. Malheureusement impossible de photographier.

Nous terminons la journée avec un coup d’œil au temple bouddhiste Kofuku-ji, qui fut la vedette d’une exposition au Musée Guimet à Paris en ce début d’année. Avec notamment la présence du trésor de ce temple, le boddhisattva Jiso Botatsu, qui n’est pas visible ici à Nara.

Également présentés à Guimet les deux Rikishis, gardiens de l’entrée des temples. Comme les lions du sanctuaire shintoïste d’hier à Kyoto, le premier personnage , Agyô, a la bouche ouverte sur un A tandis que son alter ego, Ungyô, a la bouche fermée sur un Om. Même signification d’un tout, de l’alpha à l’oméga.

Notre train nous ramène à Kyoto en fin de journée. La tour de Kyoto, illuminée, nous accueille.

7

Aujourd’hui un coup de fatigue nous a fait démarrer tard. Nous nous sommes concentrés sur trois temples :

Le premier a joué un rôle historique important : le Higashi Hongan-ji (ji signifie temple)

Ce très grand temple de L’Est fut fondé en 1602 par le fameux shogun Tokugawa Ieyasu ( celui qui établit le pouvoir des shoguns sur celui de l’empereur) dans une tentative d’affaiblir le pouvoir de la très puissante école bouddhique Jodo Shin-shu : on appelle ça diviser pour mieux régner et c’est vieux comme le monde. C’est maintenant le temple le plus important de la branche Otani de l’école Jodo Shin-shu. Un peu compliqué mais ça explique la multitude de sectes bouddhiques ( une 50 aine) au Japon. Car les relations entre politique et écoles bouddhiques ont toujours été très fortes.

Il comporte deux bâtiments principaux, le premier dédié au Bouddha Amithaba, le principal du bouddhisme de la Terre Pure qu’on retrouve dans toute la tradition Mahayaniste et le deuxième, plus grand, dédié au fondateur de cette branche. Les deux vastes bâtiments en bois sont composés d’une vaste salle pour les fidèles et au fond l’autel avec la statue principale derrière des portes à claire-voie, qu’on peut ouvrir. L’architecture des charpentes est toujours la même, très élégante en même temps qu’efficace.

Le deuxième site visité est le Kinkaku-ji, le Pavillon d’or, une attraction touristique très connue au Japon et on s’en rend compte dès l’arrivée ! Initialement il s’agissait de la villa du troisième shogun Ashikaga, construite en 1397. Après sa mort son fils la fit transformer en temple à la mémoire de son père et couvrir de feuilles d’or. Située au bord d’un étang, le bâtiment scintillant se reflète dans l’eau.L’écrin de ce joli pavillon est un jardin arboré comme seuls les Japonais savent en faire.

Le troisième site nous offre un dépaysement total : c’est un temple ou plutôt un ensemble de temples zen ( il y en a 24) appelé Daitoku-ji. Seuls quelques-uns sont ouverts à la visite et vous permettent de changer de monde. Un silence total en plein cœur de la ville, des jardins savamment orchestrés où chaque élément a une signification particulière et invitant à la méditation. Un vrai bonheur !

8

En cette dernière journée pluvieuse à Kyoto, nous nous rendons sur trois autres sites importants. Nous ne visiterons pas tout : il faudrait une bonne semaine pour visiter tous les sites qui en valent la peine.

D’abord nous nous rendons au Heian Jingu, un sanctuaire shinto parmi les plus importants.

En 1895, la construction d'une reproduction partielle du palais Heian de Heian-kyo (ancienne Kyoto) est décidée à l'occasion du 1100e anniversaire de la création de la ville. L'exposition industrielle (exposition destinée à montrer le développement des cultures japonaises et étrangères), dont cette réplique devait être le principal monument, s'est tenue à Kyoto cette année-là. Cependant, faute de pouvoir acquérir suffisamment de terrain là où se tenait auparavant le palais Heian, le bâtiment a été construit dans un autre quartier à une échelle de 5/8 de l'original. Après l'exposition, le bâtiment a été conservé comme sanctuaire à la mémoire du cinquantième empereur, Kanmu, qui occupait le trône du Chrysanthème lorsque Heian-kyo est devenue la capitale. En 1940, l'empereur Komei, dernier empereur à résider à Kyoto, est ajouté à la liste des dédicataires du sanctuaire. L'architecture du palais principal reflète le style et les caractéristiques du palais impérial de Kyoto, c'est-à-dire le style des XIe et XIIe siècles (fin de l'époque de Heian).

Nous nous rendons ensuite à un autre sanctuaire shinto, le pendant du Pavillon d’or visité hier, le Pavillon d’argent. C’est exactement la même histoire que le Pavillon d’or. C’est la villa d’un shogun qui fut transformée par son fils après sa mort en sanctuaire shinto et qui devait être recouverte d’argent mais ce ne fut pas fait. C’est la même villa que le Pavillon d’or mais sans son aspect scintillant, ce qui ne la dessert pas car je la trouve plutôt plus belle au naturel. Là encore elle est cachée dans un jardin arboré magnifiquement entretenu et dont les couleurs d’automne commencent à sortir.

Notre dernière visite est pour le sanctuaire shinto Shimogamo-jinja. C'est un des plus anciens sanctuaires shinto du Japon et un des dix-sept monuments historiques de l'ancienne Kyoto, désigné patrimoine mondial de l'UNESCO. Le sanctuaire bénéficie de la protection impériale au début de l'époque de Heian. Une structure de sanctuaire est érigée en 678 sous le règne de l'empereur Tenmu et devient le principal bâtiment au cours du règne de l'empereur Kanmu quand il déménage la capitale de Nara à Heian-kyo. Il est situé au fond d’un grand parc , vestige de la forêt primitive qui occupait les lieux avant.

Ainsi s’achève notre découverte des capitales impériales japonaises. Si nous avons vu le Japon moderne très international à Tokyo, nous avons pu mesurer la distance avec la vie traditionnelle japonaise encore bien vivante à Kyoto. Les Tokyoïtes vivent en majorité dans des grands immeubles modernes et adoptent souvent un mode de vie internationalisé. A Kyoto il reste encore des maisons traditionnelles en bois : les machiya, maisons toutes en longueur avec une façade très étroite (vestige de l’époque où les impôts étaient fonction de la largeur de la façade sur rue) qui comportent trois parties : celle qui s’ouvre sur la rue est pour le public et c’est souvent des échoppes, l’intermédiaire est l’habitation des propriétaires avec la pièce de jour et à l’arrière de la maison ou à l’étage la (les) pièce(s) privées où la famille dort. A l’arrière de la maison un indispensable petit jardin. Accolées les unes aux autres, elles formaient des groupes homogènes d'une quarantaine d'unités familiales appelées chō. C’est encore le mode d’habitation des geishas. Ce type d’habitat tend pourtant à disparaître, beaucoup de machiyas étant détruites pour construire de petits immeubles. Car à Kyoto on ne construit pas très haut. Mais la rénovation de machiya devient une des activités des ateliers d'architecture, qui les adaptent à un mode de vie plus moderne.