Nous sommes partis hier de Tokyo par le Shinkansen, le TGV local qui nous a amenés en 3h30 d’un voyage confortable à Kyoto, à 500 km de Tokyo. Pierre s’est amusé des salutations du contrôleur qui, chaque fois qu’il traversait notre wagon, à la sortie, s’inclinait respectueusement devant les voyageurs.
Ce matin nous commençons à explorer la ville avec une jeune française, Clara, qui vit depuis 7 ans à Kyoto, mariée à un moine zen bouddhiste. Oui, oui, on peut être moine zen et être marié. Les moines zen vivent chez eux comme les laïques. Son activité essentielle a trait aux cérémonies organisées par les familles pour leurs défunts. Il peut aussi diriger la méditation de laïques qui viennent le solliciter.
Kyoto fut capitale du Japon presque sans interruption du VIIIe siècle au milieu du XIXe. Elle est restée capitale religieuse (plus de 2000 temples) et la gardienne du style de vie traditionnel japonais. Si Tokyo est une ville très moderne et très verticale, Kyoto est une ville traditionnelle horizontale. Très peu de hauts bâtiments. Elle eut la chance d’être épargnée par les bombardements américains de la 2e guerre mondiale donc renferme de nombreux bâtiments en bois dont beaucoup remontent au XIIIe siècle, sont entièrement en bois et pourtant toujours présents. Elle compte 17 sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco. C’est à Nara (première capitale distante de 45km) puis Kyoto que le bouddhisme Zen fut introduit de Chine et s’est épanoui au Japon pour devenir l’un des principaux courants du bouddhisme japonais. C’est aussi la capitale culturelle qui fut à l’origine, par le Zen, du développement de la cérémonie du thé ou de l’arrangement floral. C’est ici encore qu’on trouve des écoles de formation de geishas, des femmes instruites dans tous les arts et destinées à divertir les hommes venus se détendre dans les maisons de thé. Mais contrairement à ce qu’on croit souvent en occident, ce ne sont nullement des prostituées. Celles-ci existent aussi mais ne sont pas dans les mêmes lieux.
Notre première visite est pour le temple Sanjusangendo (temple des 33 baies), un grand temple bouddhiste datant du XIIe siècle consacré au boddhisattva de la compassion, Avalokiteshvara, figure essentielle du bouddhisme Mahayana, c’est-à-dire le bouddhisme qui s’est développé en Extrême-Orient à partir des routes de la soie. En Chine le boddhisattva prend une forme féminine sous le nom de Kwan Yin qui devient au Japon Kannon. Le bâtiment principal tout en bois (un bois local très dur imputrescible et qui résiste aux insectes) a une longueur de 125 mètres et une largeur de 17 mètres.
L’intérieur compte un déambulatoire avec une salle centrale dans laquelle s’alignent 1032 statues debout de Kannon, en bois couvertes à la feuille d’or, créées par des sculpteurs différents et une statue principale assise beaucoup plus grande toujours de Kannon. Elle est représentée avec mille bras et 11 têtes. Devant les Kannon se placent les 28 gardiens de Kannon, toutes des figures dérivées des dieux hindouistes où on retrouve Garuda qui, ici s’appelle Karura, représenté toujours en homme-aigle mais différemment de celui qu’on voit communément en Thaïlande. L'éclectisme de cette religion se retrouve encore dans une forme adaptée japonaise du dieu du zoroastrisme persan, Ahura Mazda, qui apparaît ici cerné d'une auréole de flammes.
A l’origine le temple était peint de couleurs vives, aujourd’hui disparues. Ce temple était aussi un centre d’entrainement des samouraïs au tir à l’arc. Des concours étaient organisés où ils devaient tirer le plus de flèches en 1 heure dans une cible placée à 120 mètres, c’est-à-dire que le tireur se plaçait à une extrémité du bâtiment et la cible était placée à l’autre bout. Cette tradition persiste dans une cérémonie de passage rituelle des filles à l’âge adulte à 20 ans. Elles doivent tirer à l’arc mais seulement à 60 mètres, ce qui n’est déjà pas si mal. Le temple a servi à plusieurs reprises de décor pour des films de samouraïs.
En sortant de notre temple nous trouvons au détour d’une ruelle un petit sanctuaire shinto peint de ce vermillon qui vient du Chine. Devant ce sanctuaire, une paire de lions de pierre, gardiens que l’on connait bien en Thaïlande mais là encore sous une forme différente. Ici le lion de droite a la bouche ouverte pour représenter la première lettre de l’alphabet , le A, et celui de gauche a la bouche fermée pour symboliser la dernière lettre de l’alphabet , le om. Les plaquettes votives, petites plaques de bois où l’on écrit son souhait, sont incinérées lors de cérémonies.
Dans les rues de Kyoto il n’est pas rare de croiser des élégantes en kimonos. Il ne faut pas confondre celles qui le font par goût des geishas dont le costume est complété d’une coiffure très sophistiquée qu’elles gardent plusieurs jours (elles dorment la nuque posée par un oreiller de bois) et elles portent toujours une ombrelle.
Notre deuxième visite est pour le plus vieux des temples zen de la ville, le Kennin-ji, le principal de la branche Rinzai du bouddhisme Zen . Construit au XIIIe siècle, il fait partie des cinq grands temples de la ville. Il est réputé pour ses magnifiques peintures intérieures décoratives et ses jardins zen typiques. L’architecture sophistiquée des toits montre la maîtrise des charpentiers qui savaient répartir le poids très lourd des doubles tuiles par des systèmes de chevrons.
Les peintures murales et sur paravents sont les œuvres d’artistes variés dont certains contemporains. Le paravent sur fond doré de l’époque d’Edo (XVIIe siècle) est une représentation des Dieux du Vent et du Tonnerre.
Dans le bâtiment central, outre la statue principale de Bouddha, c’est le plafond qui retient l’attention : une gigantesque peinture (11,4m sur 15,7m) réalisée en 2002 pour fêter les 800 ans du temple par un artiste contemporain. Elle s’intitule Dragons jumeaux. Réalisée totalement à l’encre sur papier épais, l’artiste a mis deux ans pour la réaliser, dans le gymnase d’une école.
La promenade entre les pavillons permet de découvrir les jardins : on peut s’asseoir partout et profiter de la beauté des jardins sous tous les angles.
Le grand jardin sec karesensui Daioen
Le jardin carré où le carré représente le monde terrestre, le triangle l’homme en méditation et le cercle
la vacuité ou le détachement de tout.
Le jardin humide de mousses
Sortant de cet endroit paisible, nous traversons dans le quartier touristique de Gion une ruelle de maisons de geishas qu’on repère à une petite plaquette posée à droite de la porte d’entrée et qui indique le nom de l’hôtesse.
Retraversant la rivière Kamogawa au confluent formé par la Kamo à gauche et la Takano à droite, on aperçoit au bord de la rivière l’aménagement des berges en promenade et le passage à gué de la rivière par des grosses pierres posées.
Il est l’heure d’aller déguster quelques ramen ou udon, les fameuses nouilles japonaises avec du bouillon , des légumes ou de la viande.