Notre dernière étape à Moscou sera pour la galerie Tretiakov, le plus vaste musée de peinture russe. Si vous y allez, prenez une visite guidée car il est difficile de s’y retrouver seul et les audioguides ne sont pas très bons. Notre guide, Maria, nous a permis de comprendre l’évolution de la peinture russe et d’avoir quelques noms en repère pour les différentes époques.
D’abord qui était Tretiakov ? Il étaient 2 frères, Pavel et Sergueï, héritiers d’une famille aisée de l’industrie textile, et qui vécurent au XIXe siècle. Pavel s’intéresse très tôt à la peinture et surtout à l’art russe alors que son frère Sergueï s’intéresse à l’art étranger. A eux deux ils vont progressivement constituer une fantastique collection. A leurs morts leurs collections constitueront le fond des deux musées principaux de Moscou : la galerie Trétiakov installée dans la maison familiale qui sera vite agrandie puis dans un deuxième bâtiment récent qui abrite l’art du XXe siècle à nos jours pour les collections de Pavel et le musée Pouchkine qui abrite les collections de Sergueï. Les 2 galeries Trétiakov comportent quelques 130 000 œuvres.
Je vous propose une balade dans la galerie historique, la maison familiale, qui concerne l’art russe du XIe siècle à la fin du XIXe siècle.
Si Pavel Tretiakov réunit quelques spécimens d’art russe ancien, ce sont des collectionneurs privés qui ont permis de rassembler la belle collection d’icônes présentée.
Les œuvres les plus anciennes sont des XIe-XIIe siècles et viennent de Kiev (mosaïque de Saint Demetrius de Thessalonique et fresque murale représentant Saint-Nicolas).
Au XIIe siècle apparait l’école de Novgorod avec la célèbre Vierge de Vladimir ( ou Vierge de la Tendresse), maintes fois copiée et L’Annonciation d’Oustioug. Ces 2 icônes furent probablement réalisées par des artistes byzantins.
A partir du XIVe siècle on voit apparaitre des isographes (peintres d’icônes) russes. Les plus connus sont Théophane le Grec, venu de Constantinople pour s’établir en Russie et Andreï Roublev, moine russe qui fut probablement son élève.
Theophane le Grec: Vierge du Don et Dormition de la ViergeRoublev: Le Christ en majesté entouré de Saint Michel, la Vierge, Saint Jean-Baptiste et l’Archange GabrielRoublev: La Trinité L’école de Pskov au XVe siècle produit aussi de belles pièces comme Le Miracle de l’icône de Notre-Dame du Signe, véritable BD relatant la bataille entre Novgorod et Sousdal et la victoire des premiers grâce à l’icône.
Au cours des XVIe-XVIIe siècles le style des icônes évolue avec des isographes tels que Dionissi et les artistes de l’école Stroganov (Simon Ouchakov, Nikita Pavlovets)
A partir du XVIIIe siècle la peinture cesse d’être uniquement religieuse. Jusque là les artistes ne pouvaient pas peindre dehors. Suite aux bouleversements sociétaux décidés par Pierre le Grand nait la peinture profane en Russie avec un premier représentant, Ivan Nikitine (1680-1742) formé en Italie:
Des artistes étrangers étaient aussi invités à la cour russe comme le français Louis Caravaque:
La peinture de genre historique apparaît à son tour dans la peinture russe avec Anton Lossenko:
Les adieux d’Hector à AndromaqueLa peinture de paysages n'apparaît qu’à la fin du XVIIIe siècle avec Fiodor Alexeïev qui peint des paysages urbains et Semion Chtchedrine qui réalise des paysages idéalisés.
AlexeïevChtchedrine Le romantisme se déploie à partir de la fin du XVIIIe avec Orest Kiprenski qui réalise le « Portrait du poète Alexandre Pouchkine » en 1827.
Pouchkine Autoportrait Karl Brioullov, célèbre pour ses grandes toiles historiques (Derniers jours de Pompéi) réalise aussi de beaux portraits.
De cette époque un peintre sort de l’ombre avec un tableau qu’il mit plus de 20 ans à réaliser et qui mesure 5,40m sur 7,50m: Alexandre Ivanov avec «L’Apparition du Christ au peuple » pour laquelle il réalisa plus de 600 études préliminaires.
Dans la première moitié du XIXe siècle apparait le mouvement réaliste avec Vladimir Tropinine, ancien serf affranchi vers la fin de sa vie et qui fit surtout des commandes pour son maître.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle les peintres réalisent des scènes critiquant la société: c’est le coeur de la collection de Pavel Tretiakov qui appréciait beaucoup les peintres de son temps. Ainsi Pavel Fedotov avec « Le colonel fait sa demande » rappelle les dessins de Daumier.
Vassili Poukirev peint « L’Union mal assortie » dénonçant le mariage arrangé d’une toute jeune fille avec un vieux barbon
Vassili Perov aborde les problèmes sociaux avec les « Apprentis portant de l’eau » ou « La procession de Pâques » où on voit les prêtres totalement ivres ayant du mal à tenir debout
Mais cette deuxième moitié du XIXe voit aussi l’essor du paysage typiquement russe par des peintres influencés par l’école de Barbizon comme Fiodor Vassiliev avec un beau « Sous-bois »,
Ivan Chichkine et ses forêts ,
Ivan Aïvazovski, amoureux de la mer, avec ses nombreuses marines,
ou Alexei Bogolioubov spécialisé dans les vues panoramiques de Saint-Petersbourg.
Le souffle lyrique des grandes épopées russes anime Viktor Vasnetsov
Vassili Verechtchaguine se spécialise à la fois dans les scènes de bataille et dans l’orientalisme
L’Apothéose de la guerre Ilia Repine est le peintre emblématique de la fin du XIXe. Réaliste, il aborda tous les genres avec succès. Ami de plusieurs écrivains ou musiciens, il en fit les portraits
La procession religieuse Ivan le Terrible et son fils qu’il a assassiné Moussorvski Tourgueniev Enfin l’impressionnisme commence à influencer les peintres russes en cette fin de XIXe siècle avec Nicolaï Ghe,
Le Christ et Pilate Léon Tolstoï avec également Vassili Polenov
Cour à Moscou Et enfin Issac Levitan, ami de Tchekov.
Au tournant du XXe siècle Mikhaïl Vroubel s’affirme comme le peintre de l’Art nouveau avec de grandes peintures décoratives exécutées pour des hôtels particuliers moscovites, comme celui de l’hôtel Métropole, « La princesse lointaine »
Une autre visite des galeries Tretiakov s’imposera pour explorer la peinture moderne russe.