Un téléphérique au dessus de la jungle, qui l'aurait cru ?!
C'est pourtant ben vrai m'sieurs dames !
Dhandevi et Yujina ont entendu mon cri de détresse quant au besoin urgent de nature. "Amenons-la au grand air !" Se sont-elles dit. Et C'est ce qu'elles ont fait.
Après une bonne nuit et un délicieux "sweat-tea !", nous voilà dans le bus, Dhandevi et moi, direction : Chandragiri !
Chandragiri est une sorte de station de ski sans neige et sans ski. "Quel est donc le point commun ?" Me direz-vous ?
C'est une place en haut d'un des sommets surplombant Kathmandu desservie par... Un téléphérique.
Pour s'y rendre il y a un changement de bus et la route est pénible mais me voilà plus joyeuse à l'idée de quitter un peu la ville.
Le bus nous dépose au pied de la montagne et il nous faut marcher quelques kms en dénivelé pour rejoindre la première station. Dhandevi marche lentement mais sûrement et chaque pause est ponctuée d'un large sourire et d'un signe d'essoufflement.
En haut nous retrouvons Yujina, venue en taxi-scooter.
Le prix du ticket est 2 fois plus cher qu'annoncé sur internet et donc 3 fois plus cher que pour les locaux. Mais maintenant que nous sommes là... Ils ont la bonne méthode de marketing. C'est gonflé mais la preuve que ça fonctionne..!
La dernière fois que je suis montée dans un oeuf ça devait être à l'âge de 12 ans, dans la drôme, avec mon frangin et mon père pour les sports d'hivers. Pour dire, ça datait un peu...
Nous montons avec une famille japonnaise new-yorkaise accompagnée de leur guide. Les photos comme les discussions vont bon train et comme dans l'avion, je scotche mon frond sur la vitre arrondie. En bas c'est la jungle et Yujina m'affirme que parfois, des jaguars passent dans le sillon dégagé juste en dessus de nous. Raison de plus pour encastrer mon visage dans la paroie transparente, ce qui fait beaucoup rire nos camarades japonais.
En haut la vue est dingue. Au dessus du nuage de pollution de Kathmandu, la chaine de l'Himalaya... On la distingue exceptionnellement clairement derrière des sommets verdoyant.
Et, grâce à une pancarte, nous identifions l'Everest ! Qui n'a d'ailleurs pas l'air beaucoup plus haute que les autres mais jamais je n'aurais cru apercevoir un jour le toit du monde... C'est bête, ça pourrait être n'importe quelle montagne, on la voit mille fois mieux en tapant son nom sur internet et on ne fait que la distinguer mais c'est comme apercevoir l'aileron d'un requin au loin... Les sens vibrent en direct, sans écran, sans photo, juste les sens.
Il n'y a pas foule mais il y a du monde quand même. Le temple qui est au sommet (et oui, au Népal il y a TOUJOURS un temple) est l'un de ceux qui accueille le plus de sacrifices en son sein... Temple hindou donc... Vous l'aurez deviné...
Les quelques stands de bouffe autour sentent la viande grillée à pleins nez et cela finit par me faire fuir.
Ujina est excitée, elle sait qu'il y a des chevaux par ici et elle voulait m'en faire la surprise. Nous descendons un route goudronnée entourée de jeux d'enfants et, là bas, derrière un arbre.... Un... poney...
Je comprends alors que les chevaux annoncés sont de pauvres poneys passant leurs journées sellés et attachés en attendant des cavaliers ponctuels plus ou moins adaptés à leur musculature... Lorsque je m'approche, le premier poney ouvre sa bouche dents en avant, oreilles plaquées sur la nuque et je suis reconnaissante que la longueur de sa longe l'ai coupé dans son élan... Je reste à cette distance et j'observe..
C'est un mustang, me dit gonflé de fierté le propriétaire de ces trois pauvres bêtes.
Le poney me regarde avec un oeil blanc (expression que l'on utilise pour un cheval auquel on voit le blanc de l'oeil, signe de peur et/ou d'agressivité). J'approche doucement la main à hauteur de naseaux et, comme les babines d'un chien, ses lèvres se contractent, prêt à chiquer.
Je m'approche alors de son confrère gris qui, à moins de deux mètres, se jette en avant toutes dents dehors. Celui là n'est pas attaché à un arbre mais à un pieux et c'est une corde qui lui ficelle salement le canon et les tendons...
Pas la peine d'aller voir l'autre... Ils n'aiment pas l'Homme..
La gars me donne leurs âges et leurs noms. Il y tient et ça se voit. Il en est même fier. Il s'en approche à l'aide de tapes sur la tête lorsque les dents sont trop près mais ses poneys le connaissent et se laissent manipuler. Les sabots sont longs, trop longs et les petits fers qui les chaussent n'en couvrent que la moitié. Là aussi, il est fier de me dire que tous les mois il les changent. Il demande alors mon métier à Yujina et me demande de voir des photos des miens... Évidement... Ce fut un petit choc. Hermès doit faire 3 fois leur taille et 5 fois leur poids.
Cet homme est sympa, il aime ses chevaux et ceux ci le tolèrent. Mais je ne vois que des ombres associant l'homme au travail et à la souffrance. Ils sont agressifs car ne pouvant fuir, l'attaque reste leur seul défense...
Ma première pensée fut : C'est de l'ignorance qui engendre de la maltraitance. Il y aurait un travail de sensibilisation à la relation animale/humain à faire ici.
Mais est-elle légitime ou est-ce la conviction occidentale de détenir la vérité ? La question me reste sans réponse..
Partout les enfants se trémoussent devant leurs téléphones. Je pense d'abord aux selfies mais non, c'est pire... tiktok. Les népalais en sont dingues et lorsque j'y fais attention, il n'y a finalement pas que les enfants. Partout les gens se mettent en scène. Dhandevi en rigole et elle m'apprend à en rire aussi.
Nous trouvons un coin d'ombre pour manger, marchons encore une fois autour de la place et faisons le plein de cette vue fantastique avant de rentrer afin de la garder aussi longtemps que possible en nous.
Sur la route du retour nous descendons du bus pour nous arrêter aux halles (enfin, ce qu'en france appellerions des halles). Un immense hangar sous lequel sont exposés des milliers de légumes. Je comprends qu'il se passe quelque chose samedi au Dharma center et qu'il faut du stock de légumes. Et en effet, après marchandages et sourires nous repartons avec plus de sacs qu'on ne pouvait en porter. Ne pouvant ni marchander, ni aider dans les achats, je récupère le plus de sacs possible pour alléger mes deux camarades négociantes. Cela fait beaucoup rire les népalais de voir une touriste servir de sherpa à des compatriotes !
Ne trouvant pas de taxi, un driver scooter s'arrête à notre hauteur. Dhandevi, Yujina et lui entrent dans une discution animée. J'en comprends alors la teneur lorsque tous trois chargent le pauvre scooter de tous les sacs en les attanchant dangereusement où que possible et que Dhandevi enffourche le destrier derrière son conducteur. Devant cette scène, je suis restée estomaquée et je n'ai pas eu le reflexe de prendre une photo mais je vous promets que le chargement constitué de vulguères sacs plastiques pleins à craquer de légumes fixés je ne sais comment sur un vieux scoot déglingué valait le coup d'oeil !! Pour nous, ce sera le bus !
En rentrant Sherab m'appelle et m'explique la journée de samedi. C'est une grande fête pour les bouddhistes, il y aura beaucoup de monde au Dharma center. Je mets donc de côté mon projet d'assister à la crémation... Tant pis, c'est que ça ne devait pas être ma place. Et vu le nombre de légumes que ce pauvre scooter a porté, il y aura sans doute besoin de mains en plus pour les éplucher et les couper !
Le samedi donc levée 5h au Dharma center, première visite à 6h et à 7h plusieurs femmes viennent chanter avec Dhandevi. Dans mon coin j'observe, j'écoute et je médite.
Ca y est, 8h la cuisine est lancée et nous nous occupons du sort des légumes dans une ambiance chouette, joyeuse et conviviale.
Boustifaille pour tous : Dal Bath !
Les parents discutent et rient, les enfants jouent et la journée passe.
Le lendemain, nous irons nous balader dans le village voisin à la découverte de petit artisants locaux.
Dimanche soir : Grand jour !
Je rentre sur Kathmandu préparer la chambre car ce soir Françoise fera ses premiers pas sur la terre Népalaise !!
Je me fais un pur kif en appelant un taxi moto avec ma super application locale qui rend la vie beaucoup plus simple.
(Il suffit de faire le choix entre voiture et moto, notre position est géolocalisée, le prix est conseillé et en 5 min le chauffeur qui a été le plus rapide à accepté la course débarque au portail ! Du luxe !)
C'est donc à moto que je pars chercher Françoise. La ville se prépare pour la fête des lumières qui aura lieu le weekend prochain et elle se vêt déja de ses guirlandes lumineuses.
Mon bikeur tente de communiquer avec moi à travers le casque... C'est audacieux !!
Je ne comprends absolument rien à sa première question et répons au hasard : "From France !..." .... Ouf, coup de chance, ma réponse correspondait bien à sa question !
Voilà Françoise, un sac grand comme elle sur le dos et un sourire tout pareil. Notre premier voyage ensemble, on en parlait depuis toutes ces années sans connaître la destination. Voilà qu'elle me rejoint pour un petit mois de partage !!
Sa première nuit fut à Kathmandu mais surprise par la suite !! Après avoir échangé avec Dhandevi, un ami de Sherab, Penba, nous a proposé une chambre dans son monastère à Pharping, petit village en dessous de la jungle.
En route donc pour Pharping accompagnées de Dhandevi et Parisha (soeur ainée de yujina). Nous arrivons dans un tout petit village entouré de culture, de montagne et de jungle. Tout en haut de la rue principale, le monastère.
Nous avons tout juste le temps de déposer nos affaires dans une très confortable chambre, de luncher avec notre hôte et Dhandevi nous emmène faire le tour des temples et monastères du coin.
Et que c'est bon de s'éloigner de la ville. Tout est magnifique. Les maisons colorées au milieu des terrasses cultivées, des fleurs partout, tout autant de sourire et de saluts.... Différents temples construits sur le flanc des falaises et au sommet de très nombreuses marches et plus loin au dessus de l'autre vallée, on ne pouvait pas le manquer : Un immense padmasambhava.
Dans l'histoire bouddhiste, Padmasambhava (appelé également Guru Rinpoche) a introduit le bouddhisme au Tibet. Il est le guru de la compassion.
Je comprends alors que les temples dans lesqels nous venions de passer étaient des lieux qui lui étaient familier puisqu'il y a atteint l'Eveil. Waw, quel pélerinage sans même en avoir conscience..!!
Nous voilà donc à visiter le sanctuaire de cette immense statue au regard tourné vers la vallée. Grâce à Dhandevi nous entrons également dans deux monastère remarquables dont l'un me laisse encore admirative par ces couleurs, ces peintures et la paix qui y règne. Comme le Shechen monastery mais... En pleine nature !
Le soir arrive et il est temps pour Françoise et moi de laisser rentrer nos amies à Kathmandu et nous de grimper vers notre monastère, lieu d'accueil pour quelques jours.
Nous découvrons plus d'enfants que d'adulte, plus de moineaux que de moines et ils sont tous aussi curieux et joyeux les uns que les autres. C'est "la récré" et certains jouent au foot, d'autres au cricket et encore d'autres au badminton.
La cloche sonne pour le diner à 18H30 et même si nous n'avons absolument pas faim, nous descendons avec eux. Un bol dans les mains, nous voilà propulsées avec cette joyeuse jeunesse dans la salle à manger. Une soupe de pattes bouillonnante dans un chaudron nous est servie et nous attendons avec amusement la fin de leur chanson rituelle pour commencer à manger. Ils sont loin d'être timides, ils sont plutôt très à l'aise et même les plus petits de 6/7 ans engagent la conversation en anglais.
J'ai toujours voulu connaître la forme d'éducation que l'on donne à ces enfants. Je connais peu de moines (enfin maintenant un peu plus) mais je voulais savoir comment sont-ils devenus ces adultes admirables, sages, d'une extrême bienveillance avec un sens de l'humour sans faille et joyeuse.
Je ne sais pas comment fonctionne la hiérarchie mais la relation entre tous est tendre et très fraternelle. Ils ont énormément de liberté dans quelque chose qui est pourtant bien cadré.
Encore maintenant, les monastères sont pour certaines familles le seul moyen pour les enfants d'accéder à une éducation.
J'apprends par l'un des aînés qu'ils ont des cours de maths, sciences, anglais, philosophie, népalais, tibétain, sociologie et histoire au sens large. Et lorsque l'on parle avec des petits bouts de 9 ans qui ne sont pas loin de mon nieau d'anglais (en sachant qu'ils parlent encore mieux le tibétain), il y a de quoi être en admiration devant un tel système éducatif. Tout cela en développant en eux l'altruisme, la bienveillance, la générosité, l'amour universel et jamais dans une coure d'école je n'ai vu autant de respect et de joie.
La moquerie n'existe pas, ni violence, ni jalousie.... Tu m'étonnes qu'ils deviennent de tels adultes ensuite...!! Pourquoi n'arrive-t-on pas à cela chez nous ?! Pourquoi ne jure-t-on que par la compétition, le gain, le profit, la reconnaissance, la gloire...?
Après une nuit pleine d'étoiles dans les rêves et un petit dej copieux, nous décidons, Françoise et moi, de partir à l'aventure !! J'ai repéré une clairière sur google map. Il nous faut monter au temple d'hier puis continuer à suivre la crête...
Mais cela s'avère plus facile à dire qu'à faire ! Nous avons suivi les drapeaux en montant un escalier sans fin qui nous a amené dans un magnifique jardin où un kiosque attendait sa rénovation. Une piste en terre montait plus encore et nous l'avons suivi.
Françoise m'avait dit qu'elle n'aimait pas le dénivelé. Je savais dans quelle direction il nous fallait aller mais je ne savais ni quel dénivelé il y avait, ni quel type de chemin nous allions rencontrer. La montée ne finissait pas, le chemin devenait de plus en plus étroit et nous enfonçait dans la jungle mais Françoise n'a rien lâché !
La nature est luxuriante et malgré l'effort, elle est source d'émerveillement à chaque instant.
Nous arrivons enfin à ce qui me semblait être une piste sur la carte mais s'est avéré être un escalier. Mais cette foi-ci, il nous fallait le descendre ! youpi !!
Des centaines et des centaines de marches pour descendre la montagne. Je ne sais comment il est possible d'amener tant de pierres pour un escalier planqué au milieu de la jungle et qui plus est, incroyablement bien entretenu.
Nous croisons nombre de femmes avec machette et autres outils pour couper le bois. Pourquoi montent-elles si haut pour du bois ..? Moi qui pensais me servir de mon tracteur pour ramener ce que j'ai coupé dans le champs d'Hermès à mes boxes (100m au plus long), alors que ces femmes montent des centaines de marches le bois sur le dos...
Nous arrivons dans le village en contrebas et regagnons la route qui nous amènera à Pharping où nous mangerons des momos dans un restaurant et découvrirons une boisson lactée à la banane des plus fameuse après une belle marche ! (Dju, j'espère que tu l'as goûté celle-ci !)
Ce soir, après le diner de pattes avec les petits moines, Penba nous invite à assister au "débat". Le débat est une pratique dont j'avais beaucoup entendu parlé et à laquelle je rêvais d'assister.
Je n'en connaissais que des images de moines tapant dans leurs mains dans un débat vif et les descriptifs que m'en avait fait Matthieu Ricard.
Le principe du débat c'est de dépasser la souffrance, l'origine de la souffrance, par la logique que les moines trouvent dans les textes hindous, les sutras, les mantras et les commentaires. Elle dure en moyenne quatre heures par jour au sein des monastères : deux heures le matin et deux heures le soir.
Deux interlocuteurs se font face : Le défendeur d’une thèse, est assis. Le challengeur se tient debout face à lui. Pour débuter le débat, le Challengeur se rapproche et s’arrête à quelques pas du défendeur, il fait un léger claquement de main et prononce une formule consacrée: « Dhih ! ». Après moulte arguments que nous ne saurions comprendre, il est rejoint par d'autres, sans doute sensibles à son discours et les voilà tous dans une chorégraphie des plus étonnantes.
Ils s'amusent, ils se donnent à fond et même si nous ne comprenons pas un seul mot, ils arrivent à nous captiver.
A côté de nous les petits sont sages et réagissent par un seul et même cri quand le moment est approprié. Françoise s'amuse d'un tout petit qui lutte contre le sommeil. 2h de débat, dehors, sous les étoiles...
Leur professeur est là, charismatique, calme, et bienveillant. Lorsqu'il parle, tous l'écoutent avec la plus grande attention, même les plus petits. Ca ne les empêchant pas de faire des blagues et de rire, au contraire. Il fait le tour des petits avec sa lampe de poche et les envoie chercher bonnets et gants dans leur chambre si ils ne les ont pas amené.
Il semble être une figure paternelle autant que le grand frère. Il ne prononce que quelques mots, ne nous a jeté un coup d'oeil que pour nous inviter à nous asseoir mais, alors que nous tremblions de froid, deux bols nous ont été apportés et nous avons été servis (deuxième diner..!) en même temps que le reste de l'assemblée. Un coussin fut amené à Françoise et à la toute fin, un jeune moine a été chargé de nous accompagner à notre batiment (à 30m) pour nous éviter de croiser les chiens...
Je suis chaque jour plus émerveillée de découvrir à quel point ces valeurs et cette éducation sont complètes, profondes et sincères. Mais également heureuse et soulagée au fond de moi de découvrir que ceci n'est ni une façade, ni du folklore. Il n'y a pas eu, pour l'instant, un seul mot ou un seul geste qui sortait de cet idéal de pensée, de conduite, d'Etre.
Le tout est de s'en imprégner au maximum mais 2 mois c'est bien court pour laisser réflexes et mentalité occidentale de côté.
La question n'est pas de renier qui l'on est ni d'où l'on vient mais de tenter de devenir un meilleur être humain en suivant la corde vibrante de ses aspirations.
Merci pour vos messages, merci pour vos commentaires. Ils m'accompagnent avec joie. Vous êtes dans mes pensées et c'est un bonheur de pouvoir partager.
Merci encore mille fois aux différents gardiens de ma maison, et de ma tribu. Merci à tous les contributeurs de ce cadeau des 30ans. Il n'y a pas de plus beaux cadeaux qu'un voyage, des rencontres, des sourires et du partage...
Je ne vous remercierai jamais assez de m'avoir permis ceci.
Namaste
☀️🌈🙏🏽Prenez grand soin de vous 🌷