20 - 30 juillet
Rapide passage à Erevan pour notre mission visas iraniens. Grâce à Tap Persia, l'agence par laquelle nous sommes passés, tout s'est déroulé pour le mieux, et nous voilà visas iraniens en poche !
Fondée en 782 avant J.-C., Erevan figure parmi l’une des plus vielles cités du monde. Pourtant, elle ne possède pas réellement de centre historique et ne nous a pas vraiment charmés. Succession de blocs d'immeubles de l'ère soviétique, grandes avenues encombrées et bruyantes, l'ensemble sous un nuage de pollution en pleine canicule... Voilà le souvenir (très subjectif) que nous en gardons !
La Cascade d'Erevan vue de la place Tamanyan. Mentionnons cependant la place Tamanyan, bordée de jolies terrasses de cafés fleuries et ornée de sculptures contemporaines. Ici trône la célèbre Cascade d'Erevan, composée de 572 marches, de jardins en terrasse et de fontaines sculptées. L'édifice abrite depuis 2009 un centre d’art contemporain.
Les températures avoisinant les 40°C, nous décidons de ne pas prolonger d'avantage notre exploration de la capitale pour aller nous mettre au frais... Direction le mont Aragats !
Sur le mont Aragats
Le mont Aragats est un volcan éteint dont le sommet, à 4 095 mètres d'altitude, est le point culminant de l'Arménie. Pourtant, si l'on pose cette question à un arménien, il ne sera pas de cet avis et affirmera que son pays culmine à 5 165 m, du haut du mont Ararat... Alors vrai ou faux ?
Cet ancien volcan situé à la frontière entre la Turquie et l’Arménie - et qui selon les écrits, aurait accueillit l’Arche de Noé après le Déluge - fut longtemps source de discorde entre les 2 pays. La Turquie se l'est finalement totalement approprié, menaçant les arméniens de retirer Ararat de leurs armoiries, sous prétexte qu’il ne se situe pas sur leur territoire. Ce à quoi l’Arménie a répondu : « la lune se trouve t-elle en Turquie ?… alors pourquoi est-elle sur votre drapeau ? » !
Sur les pentes du mont Aragats.C'est donc du plus haut sommet officiel Arménien, l'Aragats, que nous contemplons au loin, coiffé de ses neiges éternelles, son plus haut sommet de coeur, l'Ararat.
Au bout de la route qui nous mène sur l'Aragat, nous faisons halte sur les rives du paisible petit lac Kari aux eaux turquoises, principalement alimenté par la fonte des neiges. Mais à cette altitude, nous ne pensons même pas à la baignade !
Vue sur le mont Ararat - Le lac Kari.Sur les pentes de l'Aragats, nous croisons les campements d'été des bergers Yezidis, ces tribus nomades qui arpentent les terres du Caucase du sud depuis le XIIe siècle.
Le yézidisme, minorité religieuse kurde, découle du dualisme spirituel selon lequel le monde est créé grâce aux forces de la lumière et de la nuit. Le soleil (force divine, Dieu-Soleil) est vénéré autant que le feu, source de vie sur terre.
Le peuple yézidi compte près d’un million de personnes dispersées entre le nord de l’Iraq, l’est de la Turquie et la Syrie ; quelques uns se trouvent au nord de l’Iran et près de 200 000 en Arménie, Géorgie et Russie.
Victime de nombreuses persécutions et répressions au fil des siècles, cette communauté n’a cessé de se déplacer à-travers le Moyen-Orient et le Caucase. Séparée de ses congénères et coupée de son contexte culturel, elle a néanmoins réussi à conserver sa langue maternelle : le kurmanjî, parlé par plus de la moitié des kurdes.
Les conditions de vie des Yézidis d’Arménie sont loin d’être idylliques. Depuis les années 1990, la politique de privatisation des terres a considérablement appauvrit les paysans, ce qui a provoqué un nouvel exode rural. Les bergers yézidis ont perdu une grande partie de leurs troupeaux ovins alors qu’ils étaient les seuls à assurer et à maintenir les traditions de la transhumance en Arménie.
C'est donc avec beaucoup d'émotion et de respect que nous observons ces derniers bergers nomades d'Arménie, héritiers d'une tradition séculaire.
Le télescope radio-optique d'Orgov
En redescendant des hauteurs d'Aragats, nous faisons halte à Orgov, petite commune rurale qui abrite une curiosité scientifique, vestige de l'ère soviétique : ROT54. Ce télescope radio-optique, également connu sous le nom de radiotélescope à miroir Herouni, fut construit entre 1975 et 1985 et actif entre 1986 et 1990 avant d'être interrompu. Il a de nouveau fonctionné jusqu'à son arrêt en 2012.
Parmi les observations les plus conséquentes de la fin des années 1980, une explosion de la géante rouge (l'étoile jumelle de la constellation des Gémeaux) a été enregistrée. De nombreux articles ont été publiés dans des revues scientifiques en URSS et à l'étranger à ce sujet.
Aujourd'hui, en graissant la patte du gardien, nous pouvons observer les anciennes installations extérieures, et pénétrer dans les immeubles d'habitation du personnel scientifique.
Malheureusement pour nous, les postes de contrôle, dignes des meilleurs James Bond, sont depuis peu inaccessibles. D'après ce que nous avons compris, des équipes sont en train de tout démonter en vue de tourner un film. Je me permet de vous publier tout de même quelques images de ce qui n'est plus, provenant d'autres auteurs, car l'esthétique en vaut vraiment la peine !
Non sans quelque déception de n'avoir pu découvrir les salles de contrôle, nous redescendons au village. Orgov est traversé par une jolie rivière bordée de nombreuses tables de pique-nique. Nous sommes dimanche, il fait chaud, et bien évidemment, tout le village occupe les rives. Il est 15h et nous peinons à trouver un endroit où nous installer. Jusqu'à ce qu'on arrive au bout d'un chemin, où du haut d'une terrasse, un groupe nous fait de grands gestes et nous invite à les rejoindre...
Vous l'avez deviné, c'est reparti pour une après-midi de repas bien arrosé ! Heureusement que nous n'avions pas encore déjeuné !
Les incroyables tablées dominicales !Une rencontre mémorable : Poncho, l'homme qui voulait vivre sa vie
Nous poursuivons notre route jusqu'à trouver en bordure de rivière un paisible petit oasis de sérénité, au pied du Monastère Hartavan Astvatsnkal, littéralement "Dieu-Réceptif".
Un joli petit coin bucolique ...Sourire aux lèvres, pieds nus, vêtu d'un short et d'un chapeau, un homme vient à notre rencontre et se présente sous le nom de Poncho, c’est comme ça que tous le monde l’appelle ici...
Poncho, c'est Vahagn Simonyan... Clown dans sa jeunesse, musicien, chanteur, acteur, il n'a cessé de parcourir le monde en tant qu'artiste. En 2013, au festival international du film de Beijing, il obtient même la récompense du meilleur second rôle pour le film "If only everyone".
Il y a 3 ans, à 60 ans, Poncho décide de tout quitter pour revenir sur les terres de son grand-père et d'y construire une hutte en bois et en paille. Ici, il vit de peu, le lever et le coucher du soleil rythment sa vie, au plus proche de la nature. Les collines s'offrent à la cueillette d'herbes médicinales et de baies comestibles, la rivière lui procure du poisson et le lave. Les villageois et autres admirateurs touchés par son histoire lui apportent régulièrement des provisions. Pour se déplacer, il a bricolé un drôle de side-car, en assemblant le moteur d'un motoculteur à une boite de vitesse de moto. Ce qui en fait probablement l'unique deux roues fonctionnant au diesel !
En nous contant sa vie, Poncho nous a offert de longues et belles discussions riches d'enseignements. Car aujourd'hui, il se sent riche de toutes les beautés que la nature lui apporte, remercie chaque jour d'être en Vie et Libre. Heureux et libre de vivre la vie qu'il a choisi.
Merci Poncho pour ta générosité, ton grand coeur et tous ces beaux moments partagés !
Avec Poncho, devant sa hutte en paille et son side-car diesel. Gyumri
Nous voilà à l'extrémité nord-ouest du pays, à quelques kilomètres seulement de la Turquie, dans 2e ville d'Arménie après la capitale : Gyumri.
Sa vieille ville, Kumaïri, avec ses centaines d'édifices datant des XVIIIe et XIXe siècles, est l'un des seuls endroits du pays où il est possible de visiter une ville arménienne typique de cette époque ; car c'est l'une des rares zones à avoir résisté aux deux derniers grands séismes.
Le plus récent et le plus marquant est celui de 1988, d'une magnitude de 6,9 sur l'échelle de Richter, dont les secousses ont détruit 60 % des bâtiments de la ville. À l'échelle du pays, il a provoqué la mort de 30 000 à 100 000 personnes (les chiffres varient énormément selon les différentes sources...), et laissé 530 000 personnes sans-abri.
Contraste entre le Gyumri du XVIIIe s. et les abris de fortune devenus résidences permanentes.En effet, les quartiers plus modernes construits sous l'ère soviétique, ont dû être entièrement reconstruits. Cependant, à cause de la lenteur des travaux et du manque d'argent, le principal problème des habitants de Gyumri reste toujours la pénurie de logement et certaines personnes vivent encore aujourd'hui dans des abris de fortune. Nous ne pouvons nous empêcher alors d'avoir une pensée émue pour les récentes victimes turques dont le calvaire risque de durer de nombreuses années ...
Les jolies portes style Art Nouveau de la vieille ville.Dans les années 1850, une église arménienne catholique et une église grecque orthodoxe furent construites au centre de Gyumri. Les fidèles de l'Église apostolique arménienne, qui constituaient la majorité de la population de la ville, se sentirent insultés et décidèrent de construire une nouvelle église juste entre les deux autres, plus grande et plus imposante : l'église du Saint-Sauveur.
L'église du Saint-Sauveur. En 1988, elle fut gravement endommagée lors du tremblement de terre et fit l'objet d'un processus de rénovation complet depuis 2002 jusqu'à il y a peu. Aujourd'hui, de nombreuses familles arméniennes viennent ici en pèlerinage se recueillir sur le monument aux morts érigé sur le parvis de l'église.
Gyumri nous a autant séduits par le charme des rues pavées de sa vieille ville, que touchés par son histoire tragique dont elle garde aujourd'hui encore les traces douloureuses. Personnellement, c'est la ville arménienne dans laquelle nous avons eu le plus plaisir à déambuler.
Elle respire à la fois un renouveau - démographique, culturel et artistique - mais reste aussi profondément ancrée dans son histoire ... Bref, une étape agréable et intéressante à ne pas manquer lors d'un séjour en Arménie !
Les petites échoppes typiques en Arménie... Au centre la boulangerie, à droite la pharmacie attenante au bureau de tabac. En cette fin du mois de juillet, nous reprenons tranquillement la route en direction du lac Sevan où nous avons bientôt rendez-vous avec des copains voyageurs à l'occasion du Sevan Music Festival.
Nous ne nous lassons pas de découvrir cette Arménie rurale, sauvage et hors du temps...
Au beau milieu de la campagne se dresse ici ou là ce type d'immeuble, que l'on croirait abandonné, mais qui ne l'est jamais vraiment tout à fait...
Il n'est pas rare de trouver au sommet des poteaux électriques des nids de cigognes, et chaque soir de se reposer dans des paysages bucoliques comme celui-ci.
Partout à flanc de collines sont garés d'anciens bus reconvertis en... ruches !
Et bien sûr, des monastères, encore et toujours !...
Un bus-ruche - Monastère de Marmashen