1er - 5 Octobre 2023
Notre itinéraire. Passage de frontière ---> Taftan
Nous nous réveillons dans l'enceinte du Sanctuaire de l'Iman Reza, car hier soir, la police n'a pas voulu que l'on dorme sur les abords de Mirjaveh, dernière ville avant la frontière. C'est un véritable caravansérail moderne : dortoirs avec frigos, 120 douches, autant de WC, de l'eau potable, distribution de thé et de pain le matin, le tout derrière de hautes grilles gardées de toutes parts... Au moins 200 personnes ont dû dormir là cette nuit, mais à 9h il n'y a plus un chat. On décide de profiter de ce temps calme, l'occasion de prendre une vraie douche, laver un peu de linge à la main et de travailler sur l'ordi.
Le sanctuaire de l'Iman Reza, entre Mirjaveh et la frontière.On prend tellement notre temps qu'on arrive à la frontière côte Iran à 15h30, ce qui est un peu tard ! On se faufile au milieu des camions, on fait contrôler le C.D.P. (carnet de passage) et enregistrer nos passeports. On passe ensuite au poste de douane où nous sommes pris en charge par Hamid, alias "The king of Taftan border", qui s'occupe des overlanders. Arriver à la fermeture était un risque à prendre, mais on ne le regrette pas car il n'y a plus personne à la douane et toutes les formalités sont vite expédiées (enregistrement des papiers, prises d'empreintes digitales et rétiniennes) car tout le monde a envie de fermer boutique ! À 16h15 on est sortis, et on se faufile de nouveau entre les camions pour aller côté Pakistan.
On fait la connaissance de 4 voyageurs à moto avec qui on partagera l'escorte : Tania, Marco et leur chien Spike du Luxembourg sur la route depuis 15 mois, Serge de Suisse et Hanne du Danemark partis depuis 2 mois de leurs pays respectifs.
Taftan border / 1er repas (bien fatigués !) avec nos co-voyageurs.On sort du dernier check point pakistanais à la nuit tombée (il faut dire qu'on a perdu 1h30 de décalage horaire entre les 2 pays). On arrive vers 21h au premier poste de police de Taftan pour faire enregistrer nos papiers et quelques tasses de tchaï plus tard, on repart vers un autre poste sécurisé où nous passerons la nuit (il est 22h30). On retrouve ici un couple d'allemands sur le chemin retour, ainsi que Simon qui fait la route en sac à dos depuis la Pologne et qui fera partie de la même escorte que nous.
Jour 1 : Taftan ---> Dalbandin
C'est parti pour 4 jours de route sous escorte !Les Levies (prononcer "léviz") arrivent à 9h, ils nous escorteront pour notre traversée du Balouchistan. Ce joli petit nom (m'évoquant les lignes d'un jean bien coupé !) est celui de la gendarmerie paramilitaire pakistanaise chargée de notre sécurité pour les jours à venir.
Levies.Nous suivons une interminable ligne droite au milieu d'étendues désertiques, où l'on croise quelques dromadaires et bâtiments abandonnés. On sent qu'un nouveau chapitre de notre voyage est en train de s'écrire... l'aventure commence réellement !
Deux heures plus tard, nous n'avons parcouru que 135 km ! Les haltes aux check-points nous prennent aussi pas mal de temps : tout se fait à l'ancienne, toujours les mêmes questions, les formulaires interminables à remplir à la main à même le sol, les photos avec les Levies devant nos véhicules, etc.
Check point de Nok Kundi, au milieu du désert.Le plein d'essence au Balouchistan se fait au bidon, ça dure une plombe et on devient vite l'attraction principale !
Les rares villages que nous traversons sont très pauvres et semblent ne vendre que du carburant et des pneus de rechange. Les quelques magasins de fortune s'organisent sous des tentes faites de bric et de broc en bord de route.
Station service, magasins-épiceries.17h30 - Arrivée au poste de police de Dalbandin qui est aussi la prison de la ville. L'attente dans la cour est pesante, sous les regards curieux des détenus derrière leurs barreaux, à quelques mètres de nous... Une bonne heure plus tard, nous partons à la guest house où nous sommes reçus comme des rois par Abdul, le chef de la police, absolument adorable. Ici il y a tout pour se sentir bien : une cuisine à disposition et un grand jardin au calme où nous avons partagé notre dîner autour de belles discussions sur le monde, l'humain, la politique, la religion, dans une grande ouverture d'esprit.
Notre guest house à Dalbandin.Jour 2 : Dalbandin ---> Quetta
Départ à 9h30. Chaque matin, les sourires et les salutations des commerçants nous transmettent de bonnes énergies !
Aujourd'hui, la route est moins monotone que l'interminable ligne droite d'hier. Nous sommes heureux de partager cette expérience en compagnie de nos nouveaux amis motards avec qui nous nous entendons si bien !
Les paysages sont plus variés, ponctués de quelques petits villages. Dans ce désert montagneux, sans eau courante ni électricité, la précarité dans laquelle vit ce peuple nous bouleverse, d'autant plus que nous savons que leurs hivers sont aussi froids et enneigés que leurs étés sont caniculaires... Si nous n'étions pas motorisés, on pourrait se croire des centaines d'années en arrière.
Toute la journée, on s'arrête à peu près chaque demi-heure au milieu de nulle part pour changer de Levies, et on ne fait aucune vraie pause...
Photo 2 : le désert est balayé de toutes parts de mini tornades.Mais chaque personne croisée nous salue et nous offre son sourire ! Cela compense la fatigue que nous commençons à ressentir.
18h45, on arrive aux abords de Quetta, la nuit est tombée. On espère arriver bientôt, tout le monde est très fatigué par cette journée aux arrêts incessants. Et c'est là que ça commence à se corser ! Nous voilà arrivés dans une fourmilière anarchique de camions, voitures, tuc-tucs, 2 roues, piétons charrettes à ânes, troupeau de vaches..... il en arrive de toutes parts dans un capharnaüm de klaxons.
Arrivée de nuit à Quetta. On va encore changer 4 fois de Levies dans Quetta avant de rejoindre le poste de police, que l'on atteint enfin à 20h30... Le temps de faire enregistrer nos passeports et visas, il est 21h quand on se pose au camion. Nous sommes partis il y a 11h30 !
Jour 3 : Quetta ---> Zhob
Nous avons dormi sur un terrain vague dans la zone policière sécurisée de Quetta, après avoir été séparés de nos amis co-voyageurs qui ont été contraints d'aller dormir à l'hôtel. Au réveil nous ne sommes pas seuls : notre présence a éveillé la curiosité les enfants du quartier !
C'est l'occasion d'une petite séance photo qui intrigue et amuse beaucoup !
Aujourd'hui nous avons plusieurs missions : obtenir notre N.O.C., changer nos derniers euros en roupies pakistanaises, nous acheter une carte SIM et faire le plein de diesel. Départ 9h30 avec une escorte de Levies, dont les sourires et la gentillesse nous font vite oublier qu'ils ont tous une mitraillette en bandoulière.
Mais au fait, le N.O.C., qu'est-ce que c'est ? C'est le "certificat de non objection" qui t'autorise à continuer ton voyage au Pakistan après Quetta. Mais attention, il y a un itinéraire bien particulier à suivre (on a pas compris pourquoi mais il change d'un voyageur à l'autre) et si tes escortes n'empruntent pas le bon itinéraire, on te demandera de faire demi tour pour prendre la route imposée sur ton N.O.C.
Bureau du N.O.C. Roupies et SIM en poche, nous rentrons vers midi au poste de police présenter notre N.O.C., et ils nous annoncent qu'on peut y aller. Une heure plus tard, on part sous escorte. Notre dernière priorité avant de quitter Quetta, faire le plein de diesel en payant par carte. Après une heure de recherche, 4 changements d'escorte et 5 stations services, nous en trouvons enfin une qui accepte ce mode de paiement.
Dans les rues de Quetta.Vers 14h, c'est bon on peut enfin reprendre route ! On se demande si on va retrouver nos amis de voyage... mais non, ils sont toujours bloqués à l'hôtel. Tout l'après-midi nous changeons d'escorte à peu près toutes les 1/2 heures et on les perd au moins 3 fois ! Parfois ils sont en 4x4, parfois en moto 125 et on roule alors à 60 km/h...
Gardes aux check points. 18h, arrivée à Qila Saifula. Nous sommes très fatigués et demandons pour passer la nuit au poste de police. Mais le chef des Levies ne l'entend pas de la sorte et préfère qu'on roule jusqu'à Zhob, à 150 km... Mais 15 km plus loin, on nous arrête car l'autre chef préfère qu'on revienne à Qila car il fait nuit. Résultat, on passe 1h assis par terre devant le check-point au bord de la route à boire du thé avec les Levies en attendant que les chefs décident de notre sort. Finalement, à 19h30, on apprend qu'on doit rouler jusqu'a Zhob... Cette fois, notre escorte se résume à 1 Levies assis avec nous dans le camion. À 20h, il nous fait s'arrêter chez lui où les 60 membres de sa famille nous accueillent. Tchaï puis dîner. On a l'impression d'être à Versailles au dîner du roi, sauf que là c'est nous le roi, observés par 60 paires d'yeux ! Séance photos, remerciements, au-revoir, et c'est reparti jusqu'au prochain check point. Il reste encore 90 km jusqu'à Zhob...
On change encore 1, 2, 3, 4, 5 fois d'escorte avant d'arriver à 23h à destination. Le temps du contrôle des passeports, visas, et photos devant notre véhicule (preuve officielle qu'on est toujours vivants à cette étape du voyage, envoyée à chaque changement d'escorte aux chefs, qui transmettent au gouvernement), il est presque minuit.
Rouler de nuit t'éblouis autant par les pleins phares permanents, que par les camions clignotant de mille feux colorés tels des attractions de fêtes foraines ! Au milieu de tout ça, des voitures et 2 roues sans phares et des charrettes tirées par des ânes qu'on aperçoit qu'au dernier moment... dur dur...
Jour 4 : Zhob ---> Islamabad
Après quelques heures réparatrices d'un sommeil de plomb, nous voilà prêts pour notre 4e jour d'escorte. On repart en traversant les rues de Zhob (prononcer Job) où chacun commence sa journée, en tuk-tuk, 2 roues ou en charrette !
Parking de la guest house sécurisée sur lequel nous avons enfin pu dormir ! / Les rues Zhob au matin.La route est de plus en plus belle, sinueuse, escarpée, montagneuse et voilà enfin le dernier check point du Balouchistan ! Il est 11h45 et nous sommes libres !!! Nous aurons mis 3 jours et demi pour traverser cette région sous tension.
On pénètre dans la gorge de Dhana Sar... wouhaaaa... c'est magnifique !
Gorge de Dhana Sar.En sortant du canyon, éblouis par cette nature grandiose, nous avons repris le goût de la liberté et déjà oublié les Levies... et paf ! Nouveau check point, nouvelle escorte, en compagnie de 2 motards d'Oman... C'était trop beau pour être vrai...
Quelques kilomètres plus loin, embouteillage de camions... que se passe-t-il ? L'un d'eux est bloqué sur un passage très étroit dont une partie s'est écroulée. Seules les motos et voitures ont la place de passer, pour nous ce serait la chute assurée dans le lit de la rivière 10 mètres en contrebas...! Alors on attend patiemment, sous 43°C. Finalement le camion se fait tirer d'affaire par un autre poids lourd et nous pouvons enfin passer !
Un petit glissement de terrain, un camion bloqué, impossible d'avancer !À 16h, après ces 3 longues journées de conduite, Arnaud commence à être très fatigué. Nous voyons que nous arrivons bientôt dans une grande ville où il y a plusieurs postes de police. Nous demandons donc à l'escorte de nous y conduire pour y passer la nuit. 1 heure, 2 heures, 3 heures passent, chaque escorte se refile la patate chaude et nous mène en bateau... jusqu'à ce qu'on se retrouve sur l'autoroute, direction Islamabad !
Trop, c'est trop. Arnaud est épuisé, la nuit est tombée et il reste encore 3 heures de route... ça va pas le faire ! 30 km après l'entrée d'autoroute, on les stoppe à une station service pour leur expliquer que ça fait 3h qu'on demande de s'arrêter. À force d'insister, ils nous indiquent une station de police à 45 km, dans la province du Penjab. On verra si c'est encore une entourloupe...
À 20h, après quelques péripéties dans des ruelles trop étroites et barrées de fils électriques pendants, on trouve enfin les lieux. Personne ne leur a annoncé notre arrivée, ils se demandent pourquoi nous ne sommes pas sous escorte... tout est compliqué, nous sommes crevés et nous ne souhaitons que s'arrêter pour dormir. Impossible nous dit-on, trop dangereux, on doit repartir coûte que coûte. On nous fait de nouveau miroiter un lieu sûr à 1/2 heure d'ici où nous pourrons dormir.
Là, on est vraiment au bout de notre vie... (c'est le chef de la police qui prend la photo !)21h, on repart de nouveau escortés. Une heure plus tard, on s'impatiente : où est cet endroit bon sang ?! Vous l'aurez deviné, c'était encore de la poudre aux yeux, et nous sommes finalement bien condamnés à rouler jusqu'à Islamabad... on s'est vraiment sentis pris en otages...
À 1h du matin, après 16 heures de route, nous atteignons enfin le Rose & Jasmin Park, et nous nous effondrons au lit !