À propos

Nous c'est Mel & Arnaud, alias Tous Azimuts. À bord de notre fourgon Totoro, nous sillonnons les routes de la France à l'Asie, à la rencontre des beautés du monde & de nous même.

L’Iran d’ouest en est

* Km 19 912 - Km 24 707 * Paysages montagneux grandioses, étendues désertiques lunaires, villages modelés d'ocre, villes-oasis aux palais de mosaïques ... et le peuple le plus accueillant du monde !
Du 2 septembre au 1er octobre 2023
30 jours
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2 - 5 septembre 2023 (11 - 14 Shahrivar 1402 dans le calendrier persan)

Passage de frontière Arménie-Iran

Après notre journée de péripéties entre la pompe à essence et le garage pour les 4 heures de vidange, nous avons rejoint hier soir des amis rencontrés à Sevan : Natacha et Nathan, alias « Les Overlandais » et Romi, Cédric et leurs 3 enfants, alias « Minute Papillon Family ».

Ce matin, c’est notre dernier réveil en Arménie et c’est parti pour de nouvelles aventures ! Les quelques kilomètres qui nous séparent de la frontière iranienne nous mettent déjà dans le bain : le paysage est de plus en plus rocailleux, les massifs plus imposants...

 De l’autre côté de la rivière qui serpente à gauche de la route, c’est l’Iran !

Le passage de la dixième frontière de notre voyage se déroule sans aucun souci. Arrivés à 10h30 côté arménien, nous ressortons à 12h30 côté iranien. Deux heures, c'est en moyenne le temps que ça nous prend à chaque frontière depuis l'entrée en Turquie. Et on aurait pu aller plus vite si nous n'avions pas dû aller payer une amende de 10€ pour excès de vitesse en Arménie (il nous semblait bien qu'on s'était fait flasher !... ). Mais peu importe, ça y est nous sommes en Iran !!!

 Passage de frontière avec Minute Papillon Family.

Les paysages lunaires que nous traversons nous laissent sans voix. Nous nous sentons tout petits au milieu de ces étendues montagneuses et sentons une grande émotion nous envahir. En cet instant, nous prenons conscience de l’ampleur de ce que nous sommes en train de vivre et du nombre de kilomètres parcourus ces 11 derniers mois : 20 000 !

TABRIZ

L’étape incontournable de tout overlander arrivant en Iran : Tabriz. Nous devons remplir ici plusieurs missions nécessaires à la poursuite de notre périple :

1 - Faire du change (aucune carte bancaire étrangère n’est acceptée en Iran). Est c'est dans la rue que ça se passe !

2 - Acheter une carte SIM (et si tu veux utiliser WhatsApp ou surfer sur les réseaux sociaux, il faudra installer plusieurs VPN avant de trouver le bon !)

3 - Assurer le véhicule. Même si la plupart des assurances françaises, comme la notre, nous couvre en Iran, il est fortement recommandé de souscrire une assurance locale; car en cas d’accident on sera immédiatement pris en charge. Dans le cas contraire, nous devrions avancer les frais sans être sûrs d’être un jour remboursés !

Tabriz est une immense ville bruyante au trafic aussi fou que dense. En tant que piéton, gare à toi, car personne ne se soucie de toi ! Ça nous rappelle un peu Istanbul …

Le bazar de Tabriz

Nos missions Change-SIM-Assurance accomplies, nous partons à la découverte du bazar de Tabriz, classé Patrimoine mondial de l'UNESCO. Figurez vous que c'est l'un des plus anciens bazars du Moyen-Orient (XIIIe siècle) et avec une superficie de 75 hectares, c'est l'un des plus grands bazars couverts du monde !

 Le soir, les boutiques une fois fermées et le calme retrouvé, on profite d'une toute autre ambiance dans le bazar !

À l'intérieur du bazar, c'est un dédale de ruelles organisées par domaine de métiers et types d'articles vendus. On y trouve absolument de tout, il y a un monde fou, et il est vraiment facile de s'y perdre !

Heureusement, certaines rues donnent sur les places ouvertes des anciens caravansérails où il fait bon s'éloigner de la foule et respirer à l'air libre...

Ici, les herboristes font sécher feuilles et fleurs au soleil, les porteurs s'accordent un moment de répit, et les chats cherchent un peu de fraîcheur.

La mosquée bleue (Jahân Shâh)

Avez-vous remarqué la particularité de cette mosquée ? Elle n’a pas de minarets ! Mais ce n'est pas dû à la fantaisie d'un architecte... Construite en 1465, cette mosquée fut gravement endommagée en 1779 lors d'un tremblement de terre, et les deux hauts et minces minarets qui s'élevaient à l'ouest ne furent jamais reconstruits.

Surnommée "la turquoise de l'Islam", nous nous attendions vraiment à découvrir un monument qui nous subjugue de ses couleurs azurs... Malheureusement aujourd'hui, les sublimes carreaux incrustés de motifs détaillés qui recouvraient les murs intérieurs et extérieurs, sont en grande partie tombés, laissant place à la brique nue.

Mes recherches m'ont appris que seul l'iwan (le hall d'entrée) avec un mur et sa base avaient survécu au tremblement de terre. Pendant près de 200 ans, elle est restée en ruine et fut victime de nombreux pillages (la porte d'entrée principale et la plupart des pierres de marbre). Il a fallu attendre 1973 pour que les travaux de reconstruction commencent sous la supervision du ministère iranien de la Culture. Les rénovations semblent encore en cours...

Pour ces 2 nuits citadines, nous avons pu élire domicile sur un parking avec toilettes et eau à disposition. Il faut savoir que les iraniens adorent camper et il est très fréquent de voir des tentes en plein centre ville, sur les parkings, dans les parcs ou même parfois sur les trottoirs... Au bout d'un mois, on s'en étonne encore !

Sur ce parking nous et nos amis français sommes l'attraction n°1 : tout le monde vient nous saluer, discuter, nous offrir des fruits, des légumes, des friandises, du pain... ça n'arrête pas, et ça ne fait que commencer (mais ça, on ne le sait pas encore !)...

Kandovan

Comme d'habitude, nous nous fatiguons rapidement de la ville et nous partons tous ensemble pour Kandovan, un petit village troglodyte aux airs cappadociens de la province de l'Azerbaïdjan oriental.

Même si certaines recherches archéologiques estiment même l'âge des habitations à 7 000 ans, Kandovan fut fondé au XIIIe siècle par les familles fuyant l'invasion des Mongols vers les pentes rocheuses du mont Sahand. Les réfugiés se sont installés sur ces nouvelles terres en sculptant à la main des maisons à flanc de montagne qui constituent aujourd'hui le seul village troglodyte habité du monde.

Les habitants n'hésitent pas à nous accueillir dans leurs maisons où l'on peut acheter du miel, du thé, et de l'artisanat local. On prend alors conscience combien l'habitat a été bien pensé, avec ses murs de 2 mètres d'épaisseur qui isolent de la fournaise estivale et gardent à l'intérieur la chaleur du feu et des bêtes pendant les rudes hivers iraniens.

C'est ici que nous vivons notre dernier bivouac avec Les Overlandais et la Minute Papillon Family... Après une petite séance photo bien sympa, chacun reprend la route à son rythme... Nous espérons que nos chemins se croiseront de nouveau ! Bonne continuation les copains !!!

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6 - 7 septembre

Nous voici arrivés à Kashan, la première des grandes oasis situées sur la route reliant Tabriz à Kerman, au beau milieu des déserts iraniens... et c'est un vrai coup de coeur pour nous ! C'est fascinant de se dire que cette oasis est habitée depuis la fin du VIe millénaire avant notre ère...

Ici, l'atmosphère, les couleurs, l'architecture, la lumière, tout a des saveurs d'ailleurs, pour nous petits occidentaux, même voyageurs...

 Les jolies ruelles de Kashan.

La ville est construite selon la structure traditionnelle typiquement iranienne : ruelles étroites et aérées montées de briques d’adobe recouvertes de torchis aux couleurs ocres.

 Murs de briques d’adobe recouvertes de torchis.

Nous y découvrons un yakhchal, une grande fosse enfouie sous terre et recouverte d'une sorte d'igloo de boue et de paille. C'est l'ancien système de réfrigération iranien qui permet de stocker la glace en hiver et de la conserver pour l'été. Le yakhchal sert aussi pour stocker la nourriture pendant les périodes de fortes chaleurs. Le système est utilisé depuis des milliers d’années, bien avant le 6e siècles avant notre ère, et on en trouve encore partout dans le pays.

Yakhchal.

Le bazar

Le bazar de Kashan est l'un des marchés les plus spectaculaires d'Iran, un lieu où l'on a eu la chance de toucher au véritable style de vie des Iraniens : occupés mais détendus, désordonnés à première vue mais finalement très organisés.

Caravansérail Aminoddole

Le bazar de Kashan a été construit sous la dynastie Seldjoukide aux Xe et XIe siècles. Il se compose de deux rues principales et de nombreuses petites ruelles, de plusieurs mosquées, de bains publics (devenus pour la plupart des salons de thé) et de caravansérails. Le plus beau d'entre eux est sans aucun doute le caravansérail Aminoddole, avec son magnifique dôme, bassin et puits d'air.

Le toit est d’un style totalement différent, constitué de dômes de sable protégeant de la chaleur du soleil. Une autre caractéristique remarquable des lieux est le réseau de canaux d'eau qui alimentent les bassins et les fontaines rafraichissant l'air à l'intérieur.

Comme dans tout bazar, on trouve de tout : du vêtement à l'outillage, des chinoiseries au plus somptueux artisanat local traditionnel, des fruits frais et secs, des graines et des épices en veux-tu en voilà ! Pour mon plus grand bonheur, l'une des spécialités de Kashan est la distillerie d'eau de rose (ce n'est pas pour rien qu'on la surnomme la ville des roses) ; c'est ma peau qui va être contente !

Maison des Boroudjerdi

À Kashan, plusieurs maisons-palais historiques peuvent se visiter, mais leur droit d'entrée étant payant (pour les étrangers), il faut choisir. Notre dévolu se jette un peu par hasard de nos déambulations sur la maison des Boroudjerdi et on ne regrette vraiment pas !

La demeure fut construite entre 1875 et 1892 pour la femme du riche marchand Haji Mehdi Boroudjerdi, comme cadeau de noces. La construction prit quand même 18 ans et nécessita le travail de 150 ouvriers !

La maison des Boroudjerdi est considérée comme un véritable chef-d'œuvre de l'architecture résidentielle persane traditionnelle. Organisées autour d'une cour rectangulaire, ses pièces sont recouvertes des peintures du peintre royal Kamal-ol-molk.

Peintures de Kamal-ol-molk.

Outre les peintures, le travail des bas reliefs est somptueux...

La demeure possède trois badgirs (tours à vent) hautes de 40 mètres qui aident à rafraîchir la maison les jours de chaleur. Les sous-sols sont eux-aussi conçus en ce sens, avec leurs nombreuses aérations percées dans les murs.

 Les sous-sol.

Nous quittons cette visite l'imaginaire comblé d'histoires et des étoiles plein les yeux. Mais à seulement quelques mètres de là nous attend une autre merveille architecturale...


Hammam d'Amir Ahmad

Le hammam du sultan Amir Ahmad, également connu sous le nom de bains Qasemi, date du XVIe siècle mais fut en grande partie détruit lors du tremblement de terre qui frappa la région en 1778. Il fut ensuite reconstruit sous la dynastie qadjare. Il s'agit d'un bain public iranien traditionnel qui par le passé fut utilisé par la population locale et les voyageurs.

Couvrant une surface de 1 000 m2, le hammam comprend deux espaces distincts : le sarbīneh (vestiaire) et le garmkhāneh (bains à vapeur). Le sarbīneh est une grande salle octogonale avec un bassin octogonal en son centre.

 Le sarbīneh, salle des vestiaires.

L'intérieur du hammam est richement décoré de carreaux de céramique turquoises et or, ainsi que de stucs, de fresques et de miroirs. L'ensemble dégage une ambiance relaxante, calme et méditative évocatrice d'une culture raffinée et d'un art de vivre.

Pour les Perses, aller au hammam consistait à prendre soin de toutes les parties du corps, y compris les cheveux et la peau, en effectuant des massages, des lavages et même des phlébotomies (incisions des veines) !

Le khazineh, la dernière grande salle des bains, et en dernière photo une plus petite salle.

Outre les 2 grandes salles principales, le complexe inclue un espace de rasage, un autre pour les phlébotomies, coffre fort, réservoir d'eau chaude, lavoir pour les serviettes, et même une salle de prière où les visiteurs peuvent prier 5 fois par jour ! Le toit du hammam est constitué de plusieurs dômes recouverts de verre pour laisser entrer la lumière naturelle. Tout est pensé dans les moindres détails ; encore un chef d'oeuvre d'esthétisme et de savoir-faire qui nous épate !

Le réservoir d'eau chaude et le plan du hammam. 

Mosquée Agha Bozorg

Nous ne pouvions pas quitter Kashan sans visiter sa célèbre mosquée. Construite à la fin du XVIIIe siècle, cette mosquée fut la première à bousculer des années de conception traditionnelle en construisant une structure unitaire à plusieurs niveaux : au-dessus la mosquée et en sous-sol l'école coranique (jusqu'alors indépendante du lieu de culte).

Bien qu'elle ne soit plus dédiée au culte, il a fallu que je vêtisse le traditionnel djilbab pour avoir le droit de la visiter (ça tombe bien j'avais un peu froid sous ces 40°C !)...

La mosquée comprend deux grands badgir, ces tours permettant d'aspirer de l'air frais dans le bâtiment comme une ventilation naturelle. Sous les porches se trouvent des rangées de salles qui servent encore de salles de classe théologiques. Au centre, une élégante cour dotée d'une fontaine et de 4 autres jardins vise à rafraîchir l'air provenant des badgir. En plus d'être belle, on reste bluffés par l'ingéniosité architecturale de cette structure !

Vous l'avez compris, ce petit séjour à Kashan fut un ravissement pour nos yeux, et nous avons particulièrement apprécié le calme et la sérénité qui se dégagent de la somptueuse cité des roses.

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8 - 9 septembre

Aujourd'hui on vous emmène découvrir un superbe petit village de montagne où le temps semble s'être arrêté : Abyaneh. Mais avant de retrouver les images cartes-postales et les récits de voyage qui font rêver, laissez moi vous dévoiler une partie de l'envers du décor :

Faire le plein en Iran... toute une aventure !

Avec une superficie de 1 648 000 km2 (soit 3 fois la France) dont la moitié est recouverte de déserts, l'Iran est un pays où l'on roule beaucoup, beaucoup entre chaque étape. La question du carburant revient donc très souvent... et c'est loin d'être évident ici quand on carbure au diesel comme nous. Car en République Islamique d'Iran, seuls les camions roulent au gasoil et les pompes sont strictement réservées aux chauffeurs routiers qui possèdent une carte qui leur donne le droit de faire le plein.

Alors comment fait-on ?

Et bien on s'arme de notre plus beau sourire, de notre traducteur Google et de beaucoup de patience, pour gentiment demander aux routiers de nous dépanner de quelques dizaines de litres... En général, ça marche plutôt bien et on nous offre 30 ou 40 L d'un coup ! Parfois, on tombe sur des personnes qui en profitent pour se faire quelques bénéfices (te faire payer 8,5€ au lieu de 0,4€ pour 55 litres... grrrr), mais cela reste quand même plus que raisonnable pour nous français ! Car pour info, le litre de diesel est à 300 Rials, ce qui équivaut à 0,005€ !!!

Vous l'avez compris, nous passons énormément de temps dans les stations services iraniennes, qui sont un peu devenues un décor quotidien et familier pour nous ! Heureusement, les paysages que nous parcourons entre chacune d'elles en valent vraiment la peine !

8 - 9 septembre

Abyaneh

Au bout d'un canyon d'une vingtaine de kilomètres, niché à 2 100m d'altitude sur les pentes du mont Karkas, Abyaneh est un petit village pittoresque aux maisons de couleur ocre. Fruit de plusieurs siècles d’aménagement pour habiter, irriguer et exploiter cette zone montagneuse et naturellement aride, le village illustre à merveille les facultés d'adaptation de l’homme à l’hostilité du milieu naturel.

Abyaneh.

La disposition, l’allure et la texture des habitations répondent aux diverses contraintes du milieu. Construites en briques de terre séchée recouvertes de torchis, les maisons sont volontairement contigües, ce qui crée de l'ombre dans les ruelles et abrite les habitants des rayons de soleil, tout en exploitant au maximum un espace restreint.

Lorsque l’on arpente les rues d’Abyaneh, c'est un peu comme si nous voyagions 2000 ans en arrière ; certains disent de ce village qu’il est « un escalier vers le passé » et on le confirme ! Sans les quelques fils électriques et la vieille voiture verte trouvée sur nos pas, aucun autre indice de temporalité ne peut nous aiguiller ...

 ill. 3 : Entrée vers l'une des nombreuses citernes d'eau souterraines.

Les habitations sont plutôt exigües et le concept de pièce unique destinée à plusieurs fonctions est encore largement répandu, faisant office de cuisine, salle à manger et chambre. Au XXIe siècle, les habitant d'Abyaneh continuent de vivre une vie simple et modeste, à l’écart de la civilisation moderne. L'agriculture est leur principale source de subsistance, ainsi que, tourisme oblige, l'artisanat.

Nous nous étonnons de la taille des portes aux dimensions lilliputiennes.

Si le confort est spartiate, on ne lésine cependant pas sur les motifs décoratifs qui ornent parfois les portes et les porches des habitations ! Quel plaisir de se perdre dans ces ruelles sinueuses et étroites à la découverte de ces petits trésors cachés ...

Quelques belles portes d'Abyaneh.

L'hospitalité iranienne

Arrivés de nuit à Abyaneh, nous nous installons sur ce vaste terrain, non loin du petit village ancien. Peu après, les propriétaires de la maison en surplomb nous accueillent avec une corbeille de fruits frais et nous invitent à dormir chez eux ! Nous déclinons gentiment l'invitation, mais promettons de venir leur rendre visite le lendemain.

De nuit, nous pensions être garés au milieu de nulle part, et n'avions pas remarqué cette grande maison juste au dessus.

Au petit matin, un jeune motard arrive à notre porte et se présente : c'est le fils des voisins qui, à la demande de ses parents, vient de faire plus de 300 km depuis Teheran pour nous rencontrer et nous guider toute la matinée à travers le village ! On se sent plutôt confus, d'autant plus qu'il a dû partir à l'aube pour effectuer ces 4 heures de route rien que pour nous... Après la visite, nous sommes biens sûr invités à la table familiale pour déjeuner, et repartons les bras chargés de cadeaux. S'en devient gênant tant de générosité, mais ça les rend tellement heureux, et c'est si mal vu de refuser... Alors on se confond en remerciements. D'ailleurs on a appris trois façons de dire merci (et ce n'est à mon sens pas encore assez !) : Mersi, Mamnoun, Sepaas.

Salade de Chiraz, riz au safran, yaourt à la menthe, Torshi et sabzi (mélange de légumes marinés au vinaigre).

On a crevé !

Nous repartons donc comblés d'Abyaneh, tant par la découverte du village que par la gentillesse et l'accueil de cette famille. Ce soir, nous avons envie de nature sauvage, de calme et de silence et partons suivre une piste à-travers les montagnes à la recherche du spot idéal pour la nuit...

... Jusqu'a ce que Totoro se prenne une grosse pierre pointue dans la roue, et pffffffffffffffff.... à plat, crevé à 2 endroits !

Évidemment, nous n'avons toujours pas de roue de secours (ça fait un an qu'on en parle pourtant !) et nous sommes vraiment au milieu de nulle part... À part un berger transportant une brebis à moto, il n'y a pas âme qui vive à des dizaines de kilomètres à la ronde ! Mais bon, profitons pour l'heure de cette magnifique lumière du soir et de la beauté des paysages; on s'occupera des soucis demain !

PS : J'écris ces lignes le 30 septembre de Zahedan, à une centaine de kilomètres de la frontière pakistanaise. Une escorte part lundi matin pour Quetta; nous allons donc passer la frontière demain après-midi afin d'être prêts à partir le lendemain tôt. Il nous faudra attendre d'être arrivés à Quetta pour acheter notre carte SIM pakistanaise. Il y a 635 km, ce qui correspond à environ 9h de route, mais nous ne savons pas encore en combien de jours on les fera, car tout dépend du rythme et de l'organisation de l'escorte. Tout ça pour vous dire de ne pas vous inquiéter si nous ne donnons pas de nouvelle ces quelques prochains jours. Nous vous tiendrons informés dès que possible !

D'ici là, portez vous bien, on vous envoie mille sourires du coeur, et encore merci pour vos gentils messages sur le blog, qui me motivent à poursuivre cette écriture !

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10 - 13 septembre

Après notre crevaison sur les pistes d'Abyaneh, nous rejoignons sur 5 roues la belle Isfahan, mégalopole de deux millions d’habitants plantée au milieu du désert. Notre priorité, changer de pneus ! Car ils n'ont beau avoir que 20 000 km, le cumul des routes et pistes défoncées des 3 derniers pays et les fortes températures ont terriblement fragilisé la gomme qui se boursouffle et se fissure de tous côtés... Ce n'est donc pas 1 mais 6 pneus que nous devons trouver, mission difficile dans ce pays qui ne possède quasiment pas de fourgon sur son parc automobile, et donc pas notre modèle. C'est finalement grâce à l'aide précieuse de Saman que nous rechaussons Totoro de neuf pour un prix défiant toute concurrence. Saman, c'est le papa de l'adorable famille que nous avions rencontrée sur le parking de Tabriz et qui nous accueille généreusement pendant notre petit séjour ici. Il s'est vraiment plié en 4 pour nous aider et nous l'en remercions de nouveau !

Une fois la mission pneus accomplie, nous voilà prêts à découvrir les richesses culturelles et la beauté orientale de l'ancienne capitale de l'empire perse.

Capitale mondiale de l'artisanat d'art

Les bazars en Iran, on ne s'en lasse pas ! Celui d'Isfahan est immense et nous nous réjouissons à arpenter ses allées aux ambiances si différentes les unes des autres.

Surtout quand elles sont remplies de savoir-faire... Car ici, nous trouvons les artisans les plus spécialisés du pays dans 167 disciplines différentes, dont le tissage de tapis, la ferronnerie, le travail du bois, la céramique, la peinture et les marqueteries de toutes sortes.

On apprend que plus de 70 000 artisans professionnels travaillent à Isfahan, et que plus d'un tiers de la production mondiale d'artisanat est réalisée ici, ce qui lui vaut d'être désignée par l'Unesco comme une des capitales mondiales de l'artisanat d'art.

 Nous sommes particulièrement impressionnés par le ciseleur de métaux...

Nous avons la chance d'assister à l'impression d'un ghalamkar et en avons appris les différentes étapes de réalisation.

Le ghalamkar est un type d'impression textile typiquement persan, réalisé avec des tampons de bois sculpté à la main, représentant différents motifs : arabesques, végétaux, animaux, etc. Une fois l'impression réalisée et les détails repris au pinceau, les tissus sont étuvés afin de stabiliser leurs dessins. Ils sont ensuite amenés à la rivière pour être immergés dans une grande quantité d'eau courante. Les tissus sont ensuite empilés dans de grands récipients en cuivre contenant des stabilisants et sont enfin bouillis puis séchés.

Réalisation d'un Galamkar. 

Cette technique, mise au point au XVIe siècle pour répondre à la forte demande en textiles persans, n'a jamais cessé depuis. Si les pigments naturels (comme le safran pour le jaune ou le lapis lazuli pour le bleu) sont de plus en plus remplacés par des colorants chimiques nettement moins onéreux, les heures de travail et la qualité du savoir-faire justifient amplement le prix... à la hauteur de la rareté du produit.

La place Naghsh-e Jahan

Avec ses 9 hectares, c'est la deuxième plus grande place du monde ! Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1979, son architecture magistrale témoigne de la puissance de la dynastie des Safavides, régnant sur le pays entre le XVIe et le XVIIIe siècle. La place de l’Imam, comme on la nomme aussi, abrite deux mosquées, le palais Ali Qapu et l’une des portes d’entrée du grand bazar ; l'ensemble relié par une série d’arcades à deux étages, décorée de petits carreaux de faïence peints.

La mosquée du Cheikh Lotfallah

Construite entre 1598 et 1619, c'est la première mosquée érigée à Isfahan. Son architecture est absolument unique, consistant en une seule salle de prière sous dôme à laquelle on accède par un long couloir. Elle ne possède ni cour ni minaret, inutiles puisque seule la famille royale avait accès à cette mosquée. Son autre nom est "l'oratoire du roi", et il semble qu'elle ait réellement servi d'oratoire pour le souverain plutôt que de lieu de prière.

Le décor de cette petite mosquée est fait d'onyx jaune et de céramique émaillée. À l'extérieur, le bleu domine avec des ajouts de vert, jaune, rouge et turquoise, tandis qu'à l'intérieur, en s'élevant vers le dôme, la palette tire vers l'or, chose unique à cette période. Les décorations de la coupole sont sublimées par l'utilisation de la lumière venant de l'extérieur ; bien plus, les rayons du soleil reflétés sur la coupole tracent la queue d'un paon, l'emblème royal perse. Quelle ingéniosité pour contourner l'interdit de toute figuration d'un être vivant exigé dans les mosquées !

Le palais Ali Qapu

En face de la mosquée trône Ali Qapu (« la haute porte »), un palais de cinq étages construit au XVIIe siècle. Passés les halls de réception et une série d’escaliers en colimaçon, nous accédons à la terrasse du palais qui offre une vue imprenable sur la place.

Le voyageur et écrivain français Jean Chardin témoigne en ces mots d'une réception à laquelle il a assisté en 1672 depuis cette terrasse : « le monarque et ses invités assistaient à des jeux de polo, des démonstrations de tir et des combats d'animaux sauvages; tout en buvant des rafraîchissements. Des courses de chevaux avaient aussi lieu sur la place. » Ça nous met bien dans l'ambiance !

Ce n'est que finesse et beauté partout où nos yeux se posent : les portes et fenêtres sont délicatement ouvragées et les plafonds de bois, tous décorés de marqueteries.

Les murs du palais sont richement décorés de motifs floraux et d'oiseaux, entrelacés d'arabesques; ainsi que de quelques représentations humaines.

Ces délicates peintures murales sont l'oeuvre de Reza Abbasi, le peintre de la cour de Shah Abbas Ier, et de ses élèves.

Le pont Si-o-se Pol

Si-o-se Pol est l'un des onze ponts d'Isfahan. Celui-ci se démarque par sa structure à double niveau qu’il est possible d’arpenter à pied, en haut comme en bas.

Mais rien ne vous paraît étrange ? Et oui, pas une goutte d'eau dans le lit de la rivière et cette foi-ci, ce n'est pas la faute du réchauffement climatique... Située à une altitude de 1575 mètres, Isfahan était une riche oasis alimentée par les eaux abondantes descendues des monts Zagros qui formaient la rivière Zayandeh Rud. En 1970, l’édification d’un grand barrage en amont de l’oasis a régulé l’alimentation en eau de la cité, asséchant de façon quasi permanente la rivière et l'ensemble des cours d'eau de la ville. Au cours de nos discussions, les habitants nous ont très clairement fait ressentir leur mécontentement face à cette décision politique...

C'est indéniable, Isfahan est une étape incontournable de tout voyage en Iran ; dévoilant à chaque coin de rue ses jardins, palais, mosquées et autres curiosités. La belle cité perse est néanmoins un peu trop immense et surpeuplée à notre goût, et c'est donc avec joie que nous découvrons la dernière surprise que nous réservent nos amis...

Le désert de Khara

Pour notre dernier soir tous ensemble, nos hôtes nous emmènent dormir dans le désert de Khara. Situé à une centaine de kilomètres d'Isfahan, ses dunes de sable s'étendent sur plus de 40 km du nord au sud. Nous arrivons de nuit et passons une soirée plutôt venteuse au coin du feu. Au menu ce soir, ratatouille de légumes cuits sur les braises et écrasés au pilon de bois, un délice !

 Saman, notre chef cuisinier du désert.

Et le lendemain matin à l'aube, c'est un émerveillement : après une dizaines de minutes à grimper au sommet d'une dune, la vision de cette étendue a des airs de déjà vu. C'est en effet une image très cliché que nous voyons à travers les photos de voyageurs et les documentaires, mais malgré cela, il est impossible de rester insensible au spectacle. Le temps se fige et nous assistons à des variations de couleurs au fur-et-à-mesure que le soleil pointe ses premiers rayons sur ces vagues de sable. De la poésie qui dure près d'une heure pendant laquelle les ombres dansent sur le sol et les bleus passent du violet, au rose et à l'orange.

Une fois remis de nos émotions, nous partageons un dernier petit déjeuner en famille...

... Avant de se dire au revoir et mersi, mamnoun, sepaas, pour ces merveilleux moments partagés et votre accueil si chaleureux !

De gauche à droite : César le chien, Saman, Mehri, Razi, et leurs adorables filles Setayesh et Sofia.
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Yazd

13 - 14 Septembre

Comme l'aurait dit Marco Polo, nous voici arrivés dans « la ville noble de Yazd », à l'intersection des historiques routes commerciales de l'Asie centrale et de l'Inde. Connue 3000 ans av. J.-C. sous le nom de "Yasatis" ou "Issatis", Yazd est l'une des plus anciennes villes du monde (après Ur, en Mésopotamie).

Complexe Amir Chaghmagh : 1 place, 1 mosquée, 1 bazar, 1 caravansérail, 1 bain public, 1 puits d'eau froide... et 1 confiserie !

Construite à 1 200 mètres d'altitude sur une plaine sablonneuse et aride, le climat y est complètement désertique. Pour palier au manque d'eau, la ville est reliée à la montagne voisine Shīr Kūh par un réseau de qanats : un ensemble de puits verticaux raccordés à une galerie de drainage, qui achemine l'eau vers des citernes. Pour les populations de régions arides ou semi-arides, un qanat constitue une source d'eau constante et régulière quelle que soit la saison.

ill.1 : Le mausolée de Roknedin - ill.2 : Escalier menant à un qanat.

L'Iran est le seul pays dans lequel les week-ends sont les jeudi et vendredi. Contrairement à nos habitudes occidentales, ce sont de vrais jours saints et fériés : la quasi totalité des monuments et commerces sont fermés, et c'est donc rues désertes et portes closes que nous découvrons Yazd. Nous qui aimons le calme, ce n'est pas pour nous déplaire et pour les photos c'est top !

La magie des rues désertes de la vieille ville. 

Mais pour les visites, c'est raté !... Seule la mosquée est ouverte et pour cause, Masjid-e-Jāmeh signifie "mosquée du vendredi" ! Datant du XIIIe s., elle se distingue par ses minarets de 48 mètres (les plus hauts d'Iran), ses belles mosaïques de faïence bleue et sa longue cour à arcades. Pour avoir le droit d'y pénétrer, je dois de nouveau m'accoutrer...

Masjid-e-Jāmeh.

Par chance, nous trouvons un café-restaurant ouvert, tenu dans une maison traditionnelle perse, ce qui nous permet d'en apprécier l'architecture délicate. L'ensemble s'organise autour d'un bassin (howz) et d'une cour arborée de figuiers, vigne et grenadiers. Le patio, encerclé de ses hauts murs, garde la fraicheur tout en protégeant des regards et des agressions extérieures (humaines ou climatiques, telles que les tempêtes de sable).

La maison traditionnelle persane est orientée dans l'axe de La Mecque et est divisée en trois parties : le biruni (zone ouverte utilisée pour les loisirs et les invités), l'andaruni (zone couverte réservée au maître et aux membres de sa famille) et le khadame (partie habitable et chambres des domestiques). Dans le birouni, nous sommes particulièrement impressionnés par la fastueuse salle des miroirs ouverte sur le patio. C'est la salle de réception des invités, chaque maison de maître en en possède une.

ill. 2-3 : La salle des miroirs.

Quelques volées d'escaliers plus haut, nous accédons aux terrasses offrant une vue imprenable sur les toits de la ville, si calme que le temps semble suspendu. Il faut dire aussi que c'est l'heure de la sieste et la chaleur lénifiante de l’après-midi ne manque pas de nous le rappeler. Mais sur notre parking en plein soleil, Totoro doit à-présent atteindre les 40°C, et nous sommes condamnés à attendre la nuit tombée pour envisager une petite sieste... C'est l'inconvénient de voyager en fourgon en Iran à cette saison !

Sur les toits de Yazd. 


Un an après...

Le 16 septembre approche. Triste anniversaire sur lequel je ne m'étendrai pas dans cet article pour ne pas risquer de me faire refuser mon prochain visa iranien... Nous décidons d'éviter les grandes villes ces prochains jours et les éventuels soulèvements qui pourraient s'y tenir à cette occasion. Nous programmons alors de visiter Persépolis; malheureusement, pour des raisons de sécurité, le site est fermé jusqu'à lundi. Nous avons donc 2 jours devant nous.

Nous prenons la direction de Marvdasht, une petite ville située entre Persépolis et Chiraz. Notre objectif : trouver un lieu climatisé avec Wifi pour avancer sur le blog et publier quelques nouvelles sur les réseaux sociaux. Après avoir tourné au hasard des rues, nous repérons un endroit et entrons... Quel accueil !

Mohammad souhaite absolument nous offrir à déjeuner. Il nous fait asseoir, part chez lui et revient 10 minutes plus tard les bras chargés de plats. C'est un festin ! Il insiste ensuite pour qu'on le suive chez lui rencontrer sa belle famille. Après un rafraichissement, une chambre pour faire la sieste nous est offerte, et au réveil, on part tous manger une glace puis nous sommes de nouveau invités à partager leur dîner !

1er déjeuné offert au café - Mohammad et sa belle famille

Le lendemain rebelotte : Tante Zhara, sa fille et sa nièce nous emmènent au bazar, glace à midi, déjeuner à 14h, sieste, pique-nique au parc avec toute la famille et les amis en soirée. Le surlendemain, malgré les invitations des autres membres de la famille, il faut bien qu'on s'en aille... (sinon, je pense honnêtement qu'on y serait encore !).

 En pleine négociation de graines ! / Matinée shopping avec tante Zhara et les filles.

En Iran, c'est très difficile de dire non, car un refus peut être mal perçu. Selon un proverbe persan, « l'invité est l'ami de Dieu » et tout est mis en oeuvre pour qu'on se sente accueillis comme des rois. C'est le cas, mais c'en est presque trop parfois ! Depuis que nous voyageons, nous avons toujours une réserve de jolies boites de gâteaux et de chocolats à offrir aux personnes que nous rencontrons. Mais depuis l'Iran, nous sommes si souvent invités que nous devons faire le plein de cadeaux à offrir en retour quasiment chaque jour !

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Persépolis, les vestiges d'un empire

18 septembre

Aujourd'hui, je vous propose une petite séance d'histoire à l'occasion de notre visite de Persépolis, la principale capitale de l'Empire achéménide. Les Achéménides étaient une dynastie de rois qui ont fondé et dirigé le premier des empires perses à régner sur une grande partie du Moyen-Orient durant le 1er millénaire av. J.-C. S'étendant sur 7,5 millions de km2 et comptant 5 capitales (Babylone, Persépolis, Suse, Pasargades et Ecbatane), c'est l'un des plus grands empires de l'Antiquité.

Carte de l'Empire achéménide
Maquette de Persépolis

Persépolis fait partie d’un vaste programme de constructions monumentales visant à asseoir la légitimité du pouvoir royal et à montrer la grandeur de son règne. Son édification commence en 521 av. J.-C. sous Darius Ier et se poursuit pendant plus de deux siècles, jusqu’à la conquête de l'Empire et la destruction partielle de la cité par Alexandre le Grand.

Vue est de la Porte de toutes les nations (Porte de Xerxès)

Reposant sur une terrasse de 450 m sur 300, et 14 m de haut, Persépolis est un vaste complexe de palais aux fonctions protocolaires, rituelles et administratives : audience, appartements royaux, harem, salle du trésor, garnison, etc. Tout autour s’organisent les tombes royales, des autels et jardins.

Son entrée s'effectue par l'imposante Porte de toutes les nations, ou Porte de Xerxès, gardée à l'ouest par deux taureaux de 5,5 m de haut, et à l'est par une paire d'hommes-taureaux ailés, ou lammasus. Chaque entrée était fermée par une porte de bois à deux battants ornées de métaux précieux.

Apadana (salle d’audience de Darius)
Chapiteau de colonne, griffons (allée des processions) - Persépolis
Tachara (palais de Darius)

Les historiens ont longtemps pensé que Persépolis ne servait qu’aux cérémonies du nouvel an perse, durant lesquelles le roi recevait les présents des nations assujetties de l’empire. On sait aujourd’hui que la cité était occupée en permanence et tenait un rôle administratif et politique central, grâce aux nombreuses archives écrites sur des tablettes d’argile découvertes dans les bâtiments du trésor.

Procession royale (dans le Hadish, ou Palais de Xerxès)

À l'est du Palais des cent colonnes se dresse le Kuh-e Rahmat (en persan : « le mont de la Miséricorde »), dans la paroi duquel sont creusées les sépultures royales qui surplombent le site.

Palais des Cent-Colonnes (salle du Trône)
Sépulture d'Artaxerxès III
Faravahar

Chaque sépulcre est entouré de sculptures à colonnades représentant des façades de palais, surplombées de gravures. On y retrouve le Faravahar, l’un des symboles préislamiques les plus connus d’Iran. Malgré sa nature traditionnellement religieuse (représentation du dieu Ahura Mazda), il est aujourd'hui devenu un symbole laïc et culturel. Le Faravahar est une représentation du Fravashi, ou esprit personnel. Il symbolise les principes de base de la religion zaroastrienne : les bonnes pensées (pendār-e nik), les bonnes paroles (goftār-e nik) et les bonnes actions (kerdār-e nik). Durant notre séjour en Iran, nous avons à de multiples reprises entendu mentionner ces principes qui semblent accompagner et guider le quotidien des iraniens.

Vue sur Persépolis depuis le Kuh-e-Rahmat

Le clou de la visite est probablement l’escalier est, remarquablement préservé, dont les bas reliefs illustrent l’arrivée des délégations provenant de vingt-trois nations assujetties, alternativement conduites par des guides perses et mèdes, menant le délégué de tête par la main.

L'escalier est

Ce défilé présente près de 250 personnages et 40 animaux. Les caractères ethniques sont méticuleusement reportés, et les détails sont ouvragés avec finesse. La distribution par registres en rangs définis et la raideur des sujets répondent aux impératifs fixés par le roi : mise en valeur de l’ordre et de la rigueur !

L’escalier comporte de multiples symboles de fertilité (arbres, graines, germes et fleurs de grenade), tandis que le lion dévorant un taureau symbolise Norouz, le renouveau du nouvel an (le 21 mars dans le calendrier persan), et donc le début de l’activité agricole après l’hiver. Deux autres motifs prédominent dans l'ornementation de Persépolis : la fleur de lotus, symbole de paix et d’amitié, et le cyprès, symbole d’immortalité. Selon une légende persane, ce serait le premier arbre à avoir pousser au paradis.

La fleur de lotus, symbole de paix et d’amitié
le Le lion dévorant un taureau symbolise Norouz
Inscriptions cunéiformes
Le cyprès, symbole d'immortalité

Malgré ces nombreux symboles protecteurs, son faste et sa monumentalité, Persépolis ne dispose pas de solides défenses. En 331 av. J.-C., on fait porter à Alexandre le Grand, dont l’armée approche, une lettre de reddition l’invitant à se rendre à Persépolis en vainqueur. La chute de Persépolis est suivie du massacre de ses habitants et du sac de ses richesses. À l’issue d’une journée de beuverie en l’honneur de la victoire, Persépolis est incendiée sur ordre du roi aviné. Les écrits anciens mentionnent les regrets exprimés plus tard par un Alexandre honteux de son geste.

La destruction de Persépolis marque la fin du symbole de la puissance achéménide. Le premier empire perse disparaît complètement avec la mort de Darius III, dernier empereur de sa dynastie.


Shiraz, cité des poètes

19-20 Septembre

Shiraz ne manque pas de surnoms : ville des roses, des rossignols, des jardins et des poètes, c'est une étape incontournable de tout voyage en Iran. Ses nombreux qualificatifs nous donnent un avant-goût de l’atmosphère magique qui règne dans la ville...

Malheureusement, en cette fin du mois de septembre, la chaleur y est encore accablante et nous ne profiterons finalement pas de la ville autant que nous aurions pu le faire au printemps.

Pour les végétariens que nous sommes devenus, le choix au restaurant devient très restreint. On a heureusement découvert le kashke bademjan, une sorte de purée d'aubergines crémeuse qui accompagne merveilleusement bien le traditionnel riz basmati au safran. Malgré la chaleur, nous goûtons aussi quelques soupes. Ici, la soupe ash-e jo (sans poulet) à l'orge et au yaourt, dans laquelle on adore tremper notre lavash. Pour accompagner tout ça, rien de mieux qu'un doogh, une boisson salée à base de yaourt de brebis fermenté.

Visite du mausolée de Shah Cheragh

Tristement connu pour l'attaque terroriste revendiqué par l'État islamique qui s'y teint le 26 octobre 2022, tuant 15 personnes, c'est l'un des sanctuaires et lieux de pèlerinage les plus importants d'Iran.

 Shah Cheragh.

Dès le portique menant vers la vaste cour, nous sommes subjugués. Partout où se pose notre regard, ce n'est que beauté, finesse et savoir-faire : mosaïques colorées, stucs, marbre ouvragé, panneaux d'argent martelés, etc.

Mais en pénétrant à l'intérieur de la sépulture, c'est une explosion de lumières et de scintillements ! J'ai omis de vous dire que les hommes pénètrent par la grande porte dorée, tandis que les femmes par la petite porte "de service" à droite. À l'intérieur, les espaces sont également séparés par des paravents.

Les 2 portes d'entrées : hommes à gauche, femme à droite

Le "côté femmes" n'occupe qu'une infime partie du mausolée, et c'est donc Arnaud qui témoigne de ce qui se passe derrière, côté hommes : des plafonds d'or et de miroirs sur lesquels se reflètent la lumière des lustres de cristal et du soleil à travers les vitraux polychromes... On peut dire que ça brille de mille feux !

Finalement, nous profitons davantage de Shiraz à la nuit tombée, une fois que la chaleur se dissipe un peu. À la lueur des échoppes, les rues s'animent des Shirazis qui aiment se balader en famille ou entre amis, dans une ambiance joviale et légère. C'est ici que nous dégustons notre première glace au safran... Hummmmmmm !!!!

En ces 2 journées caniculaires passées ici, nous n'avons qu'une infime idée des richesses et beautés de Shiraz. Une seconde visite s'impose donc au printemps, pour prendre le temps de vagabonder au grée de ses rues et jardins parfumés de fleurs d’oranger fraichement écloses (je vous avais bien dit que c'était la ville des poètes...!).

Citadelle Karim Khan
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20 - 24 Septembre

Voilà bientôt 3 semaines que la chaleur nous accable et c'est pourquoi nous décidons sur un coup de tête de changer notre itinéraire pour aller prendre l'air sur les plages du golfe persique (on aurait mieux fait de consulter la météo avant !) ... En attendant, les 300 km de paysages montagneux que nous traversons pour rejoindre la côte sont absolument somptueux.

Nous arrivons à Bushehr en fin d'après-midi, juste à temps pour contempler le soleil disparaitre à l'horizon. Ça, c'est la jolie carte postale. Mais en réalité, en sortant de la cabine climatisée de Totoro, une chape de plomb s'abat sur nous : il fait 40°C avec un taux d'hygrométrie avoisinant les 80% ...

Heureusement, nous sommes gracieusement accueillis dans l'appartement sur-climatisé de Farshid, dont nous avons trouvé le contact sur l'application iOverlanders. Farshid accueille des voyageurs du monde entier depuis une dizaine d'années et grâce à lui, on devient boulangers le temps d'une matinée ; enfin juste pour la photo ! Notre hôte nous avait en fait invités au petit déjeuner dans sa boulangerie pour goûter ses excellents produits maison.

Nous avons aussi passé pas mal de temps (surtout à boire des cafés et manger des glaces !) avec Kiawna & Fatemeh, les adorables et inséparables amies-collègues de Fashid. Notre après-midi plage restera à jamais gravé dans ma mémoire : sous 45°C, avec un taux d'hygro inconcevable, dans une eau à minimum 30°C et évidemment toute habillée ...

Malgré les bons moments passés tous ensemble, il faut bien quitter Bushehr, car on a encore tant de route à parcourir et la validité de notre visa se raccourci de jour en jour ! On reprend donc la route vers l'est en longeant le Golfe Persique.

Et là, on se retrouve dans un immense désert aux allures de grand canyon américain et de Cappadoce turque, dont les roches sculptées par les éléments forment de fascinantes villes imaginaires.

Ces décors naturels fantasmagoriques dignes de Dune, Mad Max ou autres Star Wars, sont dus à l'érosion hydrique et éolienne qui façonne lentement depuis 20 000 ans ce que l'on appelle ici des "kaluts".

En cette fin du mois de septembre, le climat redevient agréable pour les locaux ; pour nous c'est juste insupportable... Écrasés sous 52°C, autant te dire qu'on a pas fait long feu dehors et vite oublié l'idée d'une promenade photographique au milieu des kaluts ! Mais ce passage à Bushehr et la découverte de son désert nous a mis l'eau à la bouche et convaincus d'y revenir en hiver, lorsqu'il y fait une agréable moyenne de 25°C.

Pour rejoindre Bandar Abbas et retrouver la route pour Kerman, notre destination initiale, il nous faut remonter le golfe persique sur pas moins de 750 km. Les distances sont longues en Iran... très longues ! Les kaluts qui rythment de leur poésie les paysages désertiques font peu à peu place aux cheminées des raffineries.

Nous comptons les kilomètres et les heures qui nous séparent encore des températures décentes que nous ne retrouverons qu'une fois dépassées les montagnes qui séparent la côte de Kerman. Les journées nous épuisent et les nuits entre 35 et 38°C nous empêchent de récupérer... Cette petite escapade caniculaire fut une première pour chacun de nous, jamais de notre vie nous n'avions eu aussi chaud. Elle nous aura aussi servi de leçon : toujours consulter la météo avant de faire un crochet de 1500 km !!!

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25 - 28 Septembre

Kerman

Le Grand Bazar

Vous l'avez bien compris depuis la Turquie, on adore se perdre dans les allées labyrinthiques des bazars orientaux, s'envelopper de fragrances épicées, s'émerveiller de l'artisanat local, s'imprégner de l'ambiance de la vie quotidienne ...

En s'étendant sur plus d'un kilomètre de long, le Grand Bazar de Kerman est le plus important du pays après celui de Tabriz. Mais celui-ci nous a particulièrement charmé par son architecture, ses places arborées, ses galeries d'arcades, ses petits bassins, l'ensemble créant un parcours agréable et aéré.

Sa construction a débuté au VIIIe siècle et chacune de ses parties manifeste d'une époque différente de l'art et de l'architecture iranienne. Pour cela, mieux vaut lever la tête, les plafonds sont de véritables oeuvres d'art, dans un état de conservation époustouflant !

Les bains Ganj Ali Khan

Dans l'une des allées d'arcades du bazar, une coupole bordée de marbre attire particulièrement notre attention. Représentant des rois en chasse, une caravane de chameaux et une multitude d'animaux, la beauté des peintures qui la recouvrent éveille notre curiosité et on ne peut s'empêcher de pénétrer à l'intérieur...

Et nous voici arrivés aux bains Ganj Ali Khan ! Construits en 1631 dans le style architectural d’Isfahan, ce bâtiment est une merveille témoignant du savoir-faire ancestral perse des maîtres peintres, carreleurs et sculpteurs.

Transformé en musée anthropologique, on y trouve quelques statues de cire conçues à l'université des Beaux-Arts de Téhéran, mettant en scène différentes castes de la population dans leurs habits traditionnels.

Hormis ces deux monuments emblématiques de la ville, nous n'en verrons pas davantage, la fatigue des derniers jours ayant eu raison de nous !

Bam

Bam avant 2003.

Bam, 25 Décembre 2003 : toute la journée, poules, chèvres et moutons hurlent sans raison apparente dans les enclos du village. Le lendemain à 5 heures du matin, par une nuit noire et un froid glacial, les villageois sont réveillés par une terrible secousse. Bam est victime d’un tremblement de terre d'une amplitude de 6,5 sur l’échelle de Richter, causant la mort de plus de 30 000 personnes et détruisant 90% de ses habitations et sa citadelle. En dix secondes, la plus ancienne et la plus vaste cité du monde construite en pisé est anéantie...

 Bam après le tremblement de terre (photos d'archives).

Vingt ans plus tard, grâce à l'aide financière et scientifique de plusieurs pays et au plan de reconstruction complet mené par l'UNESCO, tout est fait pour sauver et rénover la cité millénaire de Bam, l'un des plus grands trésors historiques d'Iran.

Construite entre les VIe et IVe siècles avant J.-C., la cité fut autrefois un important relais de poste de la Route des Épices et l'une des branches de la Route de la Soie. Elle affronta à maintes reprises les assauts des envahisseurs et devint, durant le haut Moyen-Âge, un grand centre de production de vêtements de soie et de coton.

Aujourd'hui, Bam est réputée pour son exportation d'agrumes et de dattes et les rares voyageurs de passage aiment se perdent dans les dédales de ses ruelles abandonnées et son immense citadelle en terre crue.

Aujourd'hui, tandis que la ville fortifiée et la citadelle retrouvent peu à peu leur splendeur passée, une partie du centre urbain est encore en ruines. Au crépuscule, nous errons au milieu des pierres où nous devinons ici et là des maisons, des places, un bazar, une mosquée, un caravansérail, des bains publics…

C'est emprunts d'une certaine mélancolie que nous quittons Bam, en réflexion sur l'impermanence des choses et la fugacité de nos vies...

Ne vous inquiétez pas pour nos petits coeurs, même profondément touchés, ils ont plus de ressource qu'il n'y paraît. Nous les gonflons de nouveau d'une cargaison de bonnes vibrations pour reprendre la route direction la prochaine frontière de notre voyage : le Pakistan !


Notre bilan après 30 jours en Iran :

Nous n'avons cessé de vous le répéter, l'Iran est aussi spectaculaire pour ses paysages que touchant par l'accueil, la générosité et la bienveillance de son peuple.

Au delà de nous émouvoir, ces rencontres sont une véritable leçon d'humanité et d'ouverture totale à l'étranger. Nous sommes bien loin de la méfiance naturelle et de l'égocentrisme de nos sociétés occidentales.

Nous sommes absolument tombés sous le charme persan et aurons grand plaisir à revenir sur ces terres pour prendre le temps de les découvrir davantage. Et puis on a promis à tant de personnes de revenir les voir... Alors à bientôt !


PS : À l'heure où je clos ce carnet iranien au son de la prière du matin, nous sommes le 24 octobre, stationnés dans un garage automobile à Lahore, Pakistan. Nous avons trouvé un bon mécanicien de confiance et profitons de son expertise pour réviser notre bon gros Totoro avant de passer en Inde. Même si nous sommes un peu fatigués (bruit, foule, circulation anarchique, pollution ... et ça n'est apparement qu'un échantillon de ce que nous allons vivre en Inde), tout va bien ! On vous embrasse bien fort et à très vite pour les prochains articles à venir dans notre nouveau carnet de voyage : "Traversée du Pakistan en van".

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