10/11 Novembre 2022
Notre périple montagnard nous mène aujourd'hui jusqu'au col de Falzarego que domine le Pic Lagazuoi. Un lieu chargé d'histoire ayant été le théâtre de la guerre des montagnes entre les troupes italiennes et austro-hongroises pendant la Première Guerre Mondiale, et dont nous découvrirons les vestiges tout au long de cette singulière excursion : tranchées, galeries, baraquements, etc.
Nous passerons la nuit au pied de l'imposant Lagazuoi, face à l'incroyable panorama que nous offre encore une fois la chaîne des Dolomites. Le temps est au beau fixe, le ciel est clair, et nous offre la nuit venue une voie lactée qu'il nous semble pouvoir effleurer du bout du doigt, ou plutôt du gant ! Car à 2100 mètres d'altitude les nuits sont aussi très très fraîches! Au petit matin, nous comptons tout de même 7 degrés de différence entre l'extérieur (-2°C) et l'intérieur du fourgon (+5C°). Vite un bon thé chaud et en route pour un nouveau sommet !
La première partie de l'ascension s'effectue tranquillement par les pistes de ski, puis le sentier se fait de plus en plus raide et étroit, zigzagant sur un bon dénivelé, jusqu'à rejoindre les contreforts de la montagne. À partir d'ici, il faudra emprunter un petit sentier à flanc de falaise, assez impressionnant, mais souvent équipé d'un câble de sécurité.
Cet étroit chemin de cabri mène nos pas jusqu'aux vestiges d'une ancienne base italienne littéralement agrippée, ou plutôt imbriquée à la roche. Il n'est pas évident de tout discerner dans un premier temps, mais peu à peu nous apparait comme un mini village troglodyte de fortune.
Puis nous rejoignons le bâtiment des officiers, tel un nichoir perché sur la falaise.
À partir de là, plus aucune possibilité de continuer l'ascension par l'extérieur. Les parois sont à pic, aucun tracé ne continue, il faudrait un équipement d'escalade de pro (et le niveau qui va avec !) pour rejoindre le sommet qui se trouve à plus de 300 mètres au dessus de nos têtes. Une seule solution s'offre à nous : le tunnel. À ce moment là de l'histoire, nous sommes loin d'imaginer ce qui nous attend : plus d'un kilomètre de galeries obscures composées de 737 marches pour passer de 2417 à 2723m d'altitude !
Ce gigantesque dédale souterrain fut creusé par les militaires italiens tandis que les autrichiens construisaient des positions dans les zones supérieures de la paroi rocheuse. C'est assez émouvant de fouler aujourd'hui le sol qu'autrefois de jeunes soldats ont eux même dessiné et creusé de leurs mains. De les imaginer aux différents postes, dans leur vie quotidienne, et surtout dans ce tunnel, tellement long et obscur...
Très rapidement, le tunnel est plongé dans l'obscurité. Il faut s'éclairer à la frontale. La galerie devient très pentue et des planches de bois délimitent de hautes marches irrégulières (parfois plus hautes que le genou), rendant la montée très rude. Heureusement, nous sommes équipés de bâtons qui nous aident à nous hisser d'une marche à l'autre.
Le câble quand à lui, nous sera très utile à la descente que nous préfèrerons effectuer à l'envers, comme en rappel, reposant ainsi nous genoux endoloris.
Parfois nous rencontrons une petite percée sur l'extérieur (poste de tir ou d'observation) qui nous remonte un peu le moral avant de s'engouffrer de nouveau dans l'obscurité de cet escalier qui nous parait sans fin.
Dans le ventre de la montagne... Quelle étrange expérience de se sentir comme engloutis au sein même de la roche et de son silence... Introspection. Gravir chacune de ces marches ... Procession. Chercher à remonter à la surface, vers l'air, la lumière, la vie... Méditation.
Mais enfin une petite porte en bois s'ouvre à flanc de montagne, et nous voilà presque arrivés au sommet!
C'est épuisés, affamés et heureux que nous atteignons enfin le pic Lagazuoi à 2835m. Nous ne trainerons pas trop longtemps à cette altitude, juste le temps de grignoter notre super taboulé du randonneur pour reprendre des forces (on te partage notre recette ici ) et c'est reparti pour la descente !
Nous n'avons pas vraiment envie de retourner dans la galerie intra-rocheuse et préférant les boucles aux aller-retour, nous décidons d'entamer la descente par la face ouest...
Nous avons dû arriver au deuxième petit virage en partant du haut sur la vue ci-dessus... et avons prudemment décidé de rebrousser chemin! Peut-être aurions-nous continué à la belle saison sur un terrain sec, visible et stable. Mais en cette période, cette face est déjà recouverte de neige et la difficulté de cette descente - en temps normal déjà périlleuse - en est décuplée. Nous avons donc sagement retrouvé notre tunnel et ses 737 marches, à reculons cette fois-ci !
Les dernières lueurs du jour déclinent lentement derrière les majestueuses Dolomites, qui une fois de plus nous ont comblés. MERCI.