Le ciel est nuageux sur Lisbonne quand nous nous levons. Nous allons prendre le petit-déjeuner vers 8h30. Nous partons en excursion à 9h50 vers Sintra. C’est une localité à une trentaine de km de Lisbonne où l’aristocratie aimait se mettre au frais, bénéficiant d’un climat un peu plus tempéré grâce à une petite chaîne de montagnes.
Du coup, on grimpe et on finit par rentrer dans les nuages et à même avoir un peu de pluie. Je voulais aller visiter le palais de Pena, qui surplombe Sintra. C’est un palais construit par Ferdinand II au XIXème siècle sur les restes d’un couvent, avec un jardin rempli d’espèces exotiques. Compte tenu du mauvais temps et du manque d’accessibilité du monoment, nous renonçons.
Je propose quand même à Lando de monter sur le château des Maures, tout proche. C’est une fortification militaire qui témoigne de la présence islamique dans la région et qui a probablement été construite entre les VIIIe et IXe siècles ; il a ensuite été agrandi après la Reconquista.
Surplombant la ville de Sintra, le château servait de poste de guet pour garantir la protection de Lisbonne et de ses environs. Il a été acquis par Ferdinand II qui l'a restauré en ruine médiévale romantique.
Le château a un plan irrégulier et est composé d'une double ceinture de remparts. Le mur intérieur offre une coursive et des remparts renforcés par cinq tours fortifiées. À l'intérieur, la citerne, alimentée par l'eau de pluie, et la Tour Royale sont les éléments les plus intéressants.
S’il faisait beau, du haut des remparts, on pourrait admirer un paysage jusqu’à la côte atlantique. Ce matin, on ne voit pas à plus de vingt mètres !
Nous rejoignons Virginie et Célia vers 11h30. Nous passons devant l’entrée du Palais de Pena.
Nous descendons dans la ville de Sintra. Les nuages sont montés et la vision est correcte au niveau de la ville. Nous nous garons peu après midi. Nous remontons toute la rue des boutiques pour aller déjeuner au restaurant Villa 6, que Célia a repéré dans le guide du Routard. Nous sommes surpris de la soupe du jour, du gaspacho, il est très bon. Ensuite Virginie mange une salade, et nous trois un steak avec un œuf sur le plat et des frites, qui arrivent un peu en retard.
Nous voulons aller visiter le palais de Sintra. Je me renseigne : il y a des escaliers partout et seules 2 ou 3 pièces sont accessibles. Du coup, Virginie renonce et s’installe dans la voiture pour lire.
Je fais la visite avec Lando et Célia. Le Palais national de Sintra est le symbole de la ville, ses deux cheminées coniques blanches hautes de 33 mètres lui donnent une silhouette tout à fait singulière.
Il s'agit en fait d'un ensemble de bâtiments qui ont été construits, ajoutés et adaptés au cours de nombreux siècles après la fondation de ce plus ancien palais du pays. Selon toute vraisemblance, le premier bâtiment a été construit vers le Xème ou XIème siècle lorsque Sintra était sous la domination maure. À la fin du Moyen Âge, le Palais de Sintra est au cœur d'un vaste territoire confié aux reines du Portugal tout en étant l'une des destinations préférées des monarques. L'abondance de la chasse dans la région, la fraîcheur du climat pendant les mois d'été et la nécessité de se réfugier pendant les périodes de peste dans la capitale ont contribué à faire du Palais de Sintra une destination régulière.
Pratiquement tous les rois et reines du Portugal ont passé du temps en résidence au Palais national de Sintra, ils ont souvent laissé derrière eux leurs propres marques ou souvenirs. Ainsi, au fil du temps, le palais a été façonné par différents styles influencés par les différentes tendances artistiques prévalant à chaque période, reflétées aujourd'hui dans les différents styles architecturaux avec le gothique et le manuélin particulièrement évidents. Le style mudéjar, symbiose entre l'art chrétien et l'art musulman, est également très présent, notamment dans les exubérantes finitions de carreaux hispano-mauresques. La configuration actuelle du bâtiment découle largement des campagnes de construction entreprises sous les règnes des rois Dinis, João I, Manuel I et João III.
Nous rentrons dans le palais par un escalier situé sous les arcades. Nous arrivons rapidement dans la section correspond au Palais Royal construit sous le règne de João I (1356-1433) et Philippa de Lancastre.
Cela commence par le Grand Hall, aujourd'hui connu sous le nom de Salle des cygnes, qui était ouvert à tous ceux qui entraient dans le palais. Jusqu'au XIXe siècle, c'est la salle qui réunissait la cour et le lieu des banquets, des concerts musicaux, des réceptions publiques, des cérémonies religieuses et même funéraires. Son nom dérive de la décoration sur les panneaux du plafond. Le cygne couronné était un emblème déployé par Henri IV d'Angleterre, son frère.
L'accès aux pièces suivantes devient progressivement plus sélectif, aboutissant aux Appartements du Roi ou de la Reine. Seuls certains membres de la haute noblesse, du clergé ou d'importants ambassadeurs étrangers y accédaient.
Vient ensuite la salle des pies, qui était la salle la plus souvent choisie pour les audiences royales. Les seuls meubles existants seraient ceux nécessaires pour démontrer la majesté du monarque : une estrade ou un tapis, une chaise et un auvent. Au XIXème siècle, les audiences royales perdirent de leur importance et cette salle commença à être utilisée pour les banquets. Son nom fait allusion à la peinture du plafond, considérée comme la plus ancienne du palais. La signification exacte des 136 pies reste inconnue. La rose qu'ils portent dans leurs griffes fait potentiellement référence à la maison anglaise de Lancaster à laquelle appartenait la reine. "Pour de bon" était le slogan de son mari, João I.
La Chambre Dorée est la troisième salle du Palais de João I et Philippa de Lancaster. Ici, le monarque recevait les personnes du statut social le plus élevé comme ce fut le cas avec la reine Catherine d'Autriche. Ils pourraient aussi dormir sur le lit ici, entourés de leurs serviteurs ou d'un membre de la famille plus proche, qui dormaient par terre. C'était l'utilisation donnée par le roi Sebastião à cette chambre. Aux XVème et XVIème siècles, la salle était finie en or mais cette décoration s'est perdue avec le temps. Au XIXème siècle, c'est devenu la salle à manger.
Après quelques escaliers, nous arrivons dans cet ensemble de pièces qui peut être identifié comme le Palais construit au XVIème siècle par le roi João III. Remaniées à diverses reprises et dépouillées de leur décoration d'origine, les cinq pièces qui composent cette partie du palais sont arrivées au XXIème siècle sans aucun souvenir associé.
La salle des galères, ou grande salle, est la première salle du palais construite par João III au XVIème siècle pour relier les chambres principales au sud avec l'aile nord-ouest du palais. La salle tire son nom des galères peintes au plafond qui arborent les drapeaux du Portugal, de l'Empire ottoman et des Pays-Bas. Cachées par un faux plafond au XIXème siècle, les peintures ont été retirées de l'obscurité au siècle suivant.
Nous repassons dans un autre bâtiment. La salle des armoiries représente l'expression maximale de l'idéal de la monarchie sous le roi Manuel I. En plaçant ses armoiries au centre de la coupole de cette salle, Manuel s'est projeté comme le centre et le sommet d'une société interdépendante très hiérarchisée. Son pouvoir dépendait du soutien de la noblesse et ils obtenaient du roi la distinction sociale qu'ils exigeaient pour leurs fonctions.
La noblesse est représentée par les armoiries des 72 principales familles. Les armoiries véhiculent l'identité des individus associés et offrent une forme claire de distinction sociale.
L'inscription qui parcourt la salle rappelle les souvenirs des services rendus par leurs ancêtres – « les services loyaux » – définissant l'identité et la position sociale de chaque famille. Quant au roi, il apparaît comme le juge suprême et chargé de garantir cet ordre. Les murs de cette salle ont été recouverts d’azulejos représentant des scènes de galanterie au XVIIIe siècle.
Nous pénétrons ensuite dans la partie la plus ancienne du palais, une structure fortifiée construite pour défendre les terres environnantes. Rénové à l'époque du roi Dinis et d'Isabelle d'Aragon (XIIIème siècle), ce palais était une démonstration de l’autorité des nobles devant le peuple. Cette autorité était celle de la reine, à qui le roi avait accordé les terres et la ville de Sintra. En tant que plus haute autorité, les reines maintenaient leurs chambres dans cette zone du Palais, car c’était la plus inaccessible de toutes.
Au XVIIème siècle, cette zone a eu un usage différent et est devenue la prison du roi Afonso VI, qui a été déposé par son frère. Le roi a vécu ici isolé et gardé par 300 soldats pendant neuf ans. Dans cette chambre, certains sols en céramique sont les plus anciens du palais (vers 1430-1440).
Nous accédons ensuite à la chapelle du château par l’étage. C’est une construction originale du règne du roi Dinis et d'Isabelle d'Aragon, au XIIIème siècle. Elle a été modifiée et agrandie sous le règne d'Afonso V. Le plafond mudéjar est l'un des mieux conservés du Portugal. La décoration murale a été restaurée au XXème siècle sur la base de fragments survivants qui avaient été trouvés. D’autres travaux de restauration sont en cours.
Nous descendons ensuite dans la partie du palais qui constitue son volume central et qui a été très touchée par le tremblement de terre de 1755. La salle Arabe a été reconstruite au XIXème siècle. A cette époque-là, l’eau et les tuiles étaient toutes deux vues comme des facettes du monde islamique. Immédiatement, et malgré l'absence de vestiges antérieurs à la période chrétienne, le palais est devenu un symbole de l'héritage mauresque dans la culture portugaise.
Au début du XXe siècle, l'actuelle salle du lit à baldaquin servait de salle à manger pour le personnel au service de la reine Maria Pia. Aujourd'hui, le lit à baldaquin du XVIIème siècle ayant appartenu aux ducs de Cadaval est exposé ici. Il est tapissé d’argenterie et a été rénové en 2016.
Jusqu'au XVème siècle, le partage des repas avec leurs sujets était l'une des fonctions fondamentales du roi, en tant qu’acte d’union, avec les fonctions de la justice et de la protection. Les banquets, bien qu'occasionnels, étaient parmi les événements de cour les plus importants. La cuisine monumentale du palais a été construite par le roi João I pour desservir l'ensemble du palais. Sa dimension s'explique par les centaines de personnes qui pouvaient composer la cour. L'échelle et la forme emblématiques des deux cheminées de 33 mètres sont devenues un point de repère de Sintra.
Nous pénétrons ensuite dans la salle manuéline. La section contenant cette salle et les chambres de la reine Maria Pia représentent trois réalités politiques distinctes. D’abord le Palais de Manuel Ier, construit au XVIe siècle, reflète le régime noble médiéval. Puis avec la mise en place d'une monarchie constitutionnelle en 1822, ces chambres ont été adaptées pour une famille royale qui n'était plus le centre de la prise de décision politique. L'utilisation est devenue plus domestique et plus proche des modèles actuels. Enfin, le régime dictatorial de l'Estado Novo (1933-1975) a effacé une partie de cette mémoire du XIXème siècle pour créer un environnement qui servait son propre programme idéologique.
La salle manuéline servait de grande salle à l'époque de Manuel I. L'espace a ensuite été divisé par des cloisons et a accueilli les chambres du roi Luís I. Dans les années 1930, la zone d'origine de la salle a été restaurée par des experts du patrimoine au service de la dictature. Il était même prévu de finir le plafond avec des peintures faisant allusion aux navigateurs et explorateurs portugais des XVème et XVIème siècles.
Nous nous engageons dans les appartements de la reine Maria Pia de Savoie, la dernière reine du Portugal à vivre dans ce palais. Ce sont les pièces les plus récemment rénovées et ouvertes à la visite. Nous traversions la galerie des couleurs, la chambre à coucher, la salle de toilette et le salon.
Nous descendons ensuite dans le patio central. Il permet de circuler dans les différentes sections du palais du roi João Ier et de la reine Philippa sans avoir à utiliser de passage intérieur. L'étage supérieur du palais, dont l'extérieur présente une peinture murale du XVIe siècle, est accessible directement par l'escalier en colimaçon. Au centre, on trouve une goulotte en forme de colonne torsadée datant du XVIème siècle.
Le point central de cet espace extérieur est la Grotte d'Eau, un recoin en retrait du soleil qui permet de profiter du calme du patio. Construite à la fin du XVème siècle ou au début du XVIème siècle, la grotte a été redécorée au XVIIIème siècle. Les plâtres du plafond sont attribués à l'atelier de Giovanni Grossi et présentent la Création du Monde (composition centrale), les Quatre Saisons (coins) et des thèmes mythologiques.
En sortant, nous allons rapidement voir le premier jardin du palais, le jardin Preta. C’est un bon point de vue sur les collines de Sintra et le centre historique. Le château des Maures est désormais visible. Récemment restauré, le jardin Preta tire son nom de la composition peinte d'une lessiveuse noire accompagnée d'un personnage masculin à la livrée rouge. Au centre de ce jardin se dresse une grande colonne torsadée manuéline qui, jusqu'au début du XXème siècle, occupait la place devant l'entrée de la cour du Palais, alors un espace fermé.
Nous prenons une glace aux Gelados Portuges. Chacun choisit un parfum : ananas, fruit de la passion ou fruits des bois. Nous rejoignons Virginie à la voiture vers 15h.
Il nous faut une bonne ½ heure pour retourner à l’hôtel à Lisbonne. Le soleil brille à nouveau. Nous passons le reste de l’après-midi et la soirée à l’hôtel. Je retourne chercher des pizzas et nous nous régalons à nouveau !