Salaam ! Une fois n'est pas coutume, c'est sans Gonzales et Ciraptor que nous entamons cette seconde étape iranienne. En ce 18 juin 2019, nous quittons le bord de la mer Caspienne et mettons le cap plein sud à bord d'un autocar. Sans sacoche à traîner et les têtes rafraîchies d'air conditionné, nous profitons de la magnifique route en direction de Tehran. Nous traversons la chaîne de montagnes "Alborz" et longeons notamment la retenue d'eau "Amir Kabir".
Cela pourrait sentir les vacances. Cela pourrait seulement... car si certains passent le bac en ce moment (courage à eux !), nous avons nous aussi un examen de taille à passer dans la capitale iranienne. Et plus précisément, ici !
L'ambassade du Turkménistan est crainte de tous les cyclotouristes en direction de l'est. Sa moindre évocation hérisse les poils et donne des sueurs froides (même sous 35 degrés). Elle remplie à elle seule des forums entiers d'échanges de voyageurs sur internet.
50% : c'est le nombre qui circule pour évaluer la probabilité d'obtenir le "visa de transit" turkmène tant convoité. Ce visa permet simplement de traverser le pays sans avoir pour objectif principal de le visiter. Il est généralement limité à 5 jours. Pour tout autre visa, notamment "touristique", il est nécessaire de recourir à une agence de voyage pour obtenir une lettre d'invitation. Le prix est bien sûr beaucoup plus important et les cyclotouristes se tournent donc tous vers le visa de transit. Dernière subtilité de taille : le visa de transit ne peut se demander que depuis un pays frontalier (histoire de bien vous stopper au dernier moment...).
Après l'Iran, le Turkménistan est une étape obligatoire pour qui souhaite rejoindre la haute route du Pamir et éviter l'Afghanistan (c'est-à-dire quasiment tout le monde). Un refus et c'est le voyage qui s'arrête. Ou s'il ne s'arrête pas, sa progression en est fortement compromise. Quelques solutions existent (un retour en arrière pour passer par le nord, un vol permettant d'enjamber ce pays,...) mais y penser pourrait nous porter la poisse.
Attention, les prochains paragraphes risquent de vous ennuyer profondément. Pour les moins combatifs, se rendre directement à la fin de l'avertissement (en italique).
Porte documents sous le bras, nous nous rendons donc à la section visa de cette ambassade tant redoutée. Des cyclotouristes sont déjà là à vérifier la taille des photos d'identité, la présence de la lettre de demande de visa et les copies couleur des passeports.
Mince, l'affichage à l'entrée montre une lettre type renseignant la ville d'entrée et de sortie du territoire turkmène. Nous n'avons pas intégré ces informations dans notre lettre. Titi court donc dans le bureau de banque le plus proche pour trouver une feuille A4, afin de réécrire la lettre.
Mince, l'affichage à l'entrée indique également que le formulaire officiel de demande de visa a changé le mois dernier (et l'ambassade n'en délivre pas, ce serait trop simple). Par chance, un généreux motard invite Titi a monter derrière lui pour le déposer au "copy shop" le plus proche, à 2km. L'homme ramène même Titi avec ses deux formulaires fraîchement imprimés, sans rien demander. Il nous quitte en nous souhaitons bonne chance.
Mince, le formulaire imprimé n'est finalement pas le bon. Il correspond à une demande de visa touristique et non de transit. Titi repart donc au pas de course au "copy shop" pour imprimer le formulaire "transit visa". Il revient, tout fier de tenir entre les mains les précieuses feuilles volantes qu'il a tenté de préserver de la sueur de ses mains, à courir sous 35 degrés.
Mince, un couple de voyageurs porto-irlandais est gêné de nous apprendre que le formulaire doit être rempli en ligne. Les données intégrées permettent en effet de générer un "QR code" que les services turkmènes pourront scanner. Remplir le formulaire à la main anéantirait toutes nos chances d'obtenir le visa.
Mince, l'ambassade ferme dans 10 minutes. Nous sommes bons pour trouver un ordinateur dans l'après-midi, remplir le formulaire en ligne, l'imprimer, et revenir demain matin...
Mince, remplir le formulaire en ligne suppose d'avoir le logiciel qui va bien pour éviter que les dates ne se changent en chiffres farsi et pour permettre la génération du "QR code". Heureusement, une famille belge voyageant en camion depuis la Belgique jusqu'à la Mongolie nous prête son ordinateur. Le père de famille connecte l'engin à son téléphone par wifi et nous voici sur le site de l'ambassade à remplir le formulaire. Nous enregistrons les fichiers en format pdf pour éviter les modifications intempestives, et retournons une troisième fois au "copy shop" pour imprimer le tout.
Mince, revenir à l'ambassade le lendemain implique de changer notre horaire d'autocar, prévu dès 9h en direction d'Esfahān. Titi traverse donc tout Tehran en métro pour rejoindre la gare routière et modifier notre billet. Pendant ce temps, Coco réécrit la lettre accompagnant notre demande de visa, sur informatique, histoire de mettre toutes les chances de notre côté.
Mince, la journée est finie et nous n'avons rien visité de Tehran...
Fin de l'avertissement
Tout juste avons nous le temps de rencontrer Amin, le frère de Shahrzad, dans un café qu'il nous a indiqué. Situé dans le quartier étudiant de Tehran, cet endroit ne manque pas de cachet avec sa grande bibliothèque, son haut plafond supportant un lustre imposant et son ambiance d'after work rythmée par une musique électro.
Ce lieu pourrait tout aussi bien être londonien, parisien ou new-yorkais. Les éclats de rires vont bon train et les garçons et les filles se mélangent naturellement. La mixité ne pose aucun problème et nous sommes quelque part rassurés sur ce point.
Amin porte un sourire qui ne le quitte pas. Cet étudiant en informatique respire l'intelligence et la simplicité. Il espère suivre son master en Allemagne si sa demande est acceptée. Cela fait un an qu'il travaille sur son visa. Il nous conseille sur les lieux de Tehran à visiter. Nous espérons suivre ses recommandations lors de notre second passage dans la capitale, d'ici une semaine.
Une fois notre dossier (enfin complet !) déposé à l'ambassade le lendemain matin, nous prenons l'autocar en direction d'Esfahān. En arrivant dans cette ville du centre de l'Iran, nous rencontrons deux iraniennes de notre âge qui doivent elles aussi passer un examen... de compréhension orale en français ! L'examen a lieu demain. Les deux amies, prénommées Kiana et Mahtab, ont loué un appartement et nous invitent à le partager pendant notre séjour, avec une grande simplicité.
Nous passons notre soirée en leur compagnie, sur l'impressionnante place Naqsh-e Jahan (l'une des plus grandes places du monde avec ses 512m de long et 163m de large).
Kiana et Mahtab apprennent le français depuis un an et demi. Elles espèrent vivre une expérience québécoise pour six mois, à condition que leur dossier soit accepté. Cela passe par la réussite à leur examen. Ces deux jeunes femmes nous touchent par leur complicité de longue date qui les rend attachantes. Elles nous expriment leurs envies d'ailleurs. En Iran, les femmes ne sont pas libres de jouer de la musique ou de danser dans la rue, d'assister à des rencontres sportives dans les stades, ou même de réserver la moindre chambre d'hôtel avant d'être mariées. "Bientôt, prendre l'air nous sera interdit", nous glissent-t-elles avec le sourire. Cette remarque en dit long sur leur état d'esprit, et sur leur soif d'émancipation et d'indépendance.
Le suspens est de courte durée. Nos colocatrices obtiennent un B2 à leur test de compréhension, synonyme de succès. Reste à préparer l'expression orale dans un mois. Mais l'heure est désormais à la décompression en visitant Esfahān !
Esfahān regorge d'attraits touristiques. Elle fut décrétée capitale de l'Iran par le Shah (signifie "roi") Abbas 1, à la fin du 16ème siècle. Ce titre lui conféra de nombreuses attentions comme la construction de mosquées ou de palais qui font d'elle une cité historique à l'authenticité remarquable. Voyez plutôt en images...
Esfahān abrite également un quartier arménien (quartier "Jolfa"). Le Shah Abbas a en effet fait déplacer de nombreuses familles chrétiennes arméniennes afin de développer le commerce dans sa nouvelle capitale en 1600. Ces marchands et artistes étaient réputés et on leur laissa la liberté de culte, d'où la construction d'une cathédrale et d'églises dans cette zone.
Nous ne nous lassons pas de traverser la place Naqsh-e Jahan. Le soir venu, ce lieu central est pris d'assaut par les habitants qui occupent ses espaces verts et ses larges allées.
Les interminables arcades entourant la place font la part belle au travail du cuivre, du bois et du tissu.
La vaisselle, les bijoux, les nappes et autres éléments de décoration sont ainsi fabriqués et exposés sur place.
Nous sommes invités par un marchand de tapis qui souhaite nous présenter ses plus belles pièces. Nous l'informons que nous ne souhaitons pas acheter, mais il insiste en évoquant le "simple plaisir des yeux". Nous voilà donc entre les mains de ce commerçant qui nous déplie des dizaines de tapis. Dans un excellent français, il nous explique leur provenance, leur matière, la signification de leurs dessins,... Nous buvons ses paroles comme nous buvons le thé qu'il nous offre. Il nous convainc presque de casser notre tirelire pour faire livrer un tapis nomade en soie rouge dans notre appartement (que nous n'avons pas). Nous repartons les mains vides, mais avec sa carte de visite en poche et de nouvelles connaissances sur les tapis iraniens !
Dans les méandres du bazar, nous tombons également sur un collectionneur de monnaies. Sa vitrine présente des pièces et des billets en provenance des quatre coins du monde, et de toutes les époques. Nous portons notre attention sur deux billets iraniens, relativement récents.
Le premier billet date d'avant la révolution iranienne de 1979. Le second est postérieur à cet événement, et voit le Shah Mohammad Reza recouvert d'un vulgaire dessin. Entre ces deux billets, l'Iran a basculé de la monarchie à la république islamique, et le Shah n'est plus.
Difficile pour nous d'y voir clair sur l'Histoire récente de l'Iran. C'est en échangeant avec de nombreux locaux que nous nous faisons notre propre idée des faits, qui n'engagent que nous... Plus que pour les autres pays déjà traversés, nous nous interrogeons en effet sur le pourquoi de cette révolution qui mit fin à une époque pourtant considérée par les iraniens comme plus heureuse, plus prospère et plus libre qu'aujourd'hui.
Avertissement : nouveau risque d'endormissement
Avant la révolution, l'Iran était un allié privilégié des États-Unis (les choses ont bien changé...). Les puissances occidentales voyaient l'Iran comme un pays stratégique du Moyen-Orient. Pour son pétrole, bien sûr, mais aussi pour sa position géographique qui en faisait le premier rempart du communisme soviétique. L'Iran exportait même son or noir en Israël quand les autres pays de la région, notamment arabes, ne reconnaissaient pas l'Etat juif (l'Iran reviendra sur la reconnaissance d'Israël après la révolution).
Malgré la bonne situation économique du pays, l'élan révolutionnaire prit le dessus pour mettre fin à un régime monarchique qui n'était plus dans l'air du temps. Ce régime était d'autre part jugé trop lent aux yeux d'étudiants en quête de réformes sociales. Les religieux conservateurs, eux, le trouvaient à l'inverse trop progressiste. À l'époque, la société iranienne était en effet laïque et ouverte sur le monde. Elle laissait aux femmes la possibilité de s'émanciper, de travailler et de s'habiller comme bon leur semblait. Ayant pour modèle Atatürk, le Shah interdit même le port du voile. Les deux camps reprochaient au Shah sa proximité avec les puissances occidentales, qui nuisait selon eux aux intérêts nationaux. Ils critiquaient également les répressions violentes et répétitives de la police du Shah (la SAVAK) contre toute forme d'opposition.
Ce courant révolutionnaire gagna progressivement toutes les couches de la société iranienne (classes moyennes et populaires, milieux intellectuels, étudiants...), et fut encouragé par les communistes.
Le plus étrange est que les pays occidentaux, et notamment la France, n'ont pas semblé s'opposer au renversement du Shah, alors qu'il était jusqu'alors leur allié. Probablement que la responsabilité de ce dernier dans l'augmentation du prix du pétrole (dans les années 70) explique ce changement de comportement, tout comme la crainte de voir l'Iran devenir une (trop) grande puissance sur l'échiquier mondial. Nous apprenons ainsi que le leader religieux de l'opposition, Khomeini, fut accueilli en France juste avant les événements de 1979. Giscard-d'Estaing était alors au pouvoir et venait de réunir les dirigeants américain, britannique et allemand (RFA) aux caraïbes pour convenir ensemble que "le temps du Shah est fini".
Sentant la révolution inéluctable et pour contrer l'URSS qui avançait ses pions, la France a donc jugé préférable de lâcher le Shah pour favoriser l'intronisation d'un religieux à sa place. Nous comprenons maintenant pourquoi certains iraniens nous rappellent que la France a joué un rôle déterminant en faveur de l'instauration de la République Islamique.
En marge des manifestations de 1979, cinquante-six diplomates et civils américains furent retenus en otage par des étudiants iraniens dans l'ambassade des États-Unis de Tehran. Cet épisode dura 444 jours et marqua le début du conflit récurrent opposant les États-Unis à l'Iran. Ce dernier fut nourri par d'autres faits marquants comme la guerre avec l'Irak (années 80) et les tensions sur le nucléaire iranien (notamment la sortie récente des États-Unis de l'accord, sur décision de Trump). À l'instant où nous écrivons ces lignes, les tensions ont d'ailleurs repris de plus belles...
La République Islamique fut créée dès 1979 suite à un référendum. De l'avis des iraniens que nous avons rencontrés, les libertés individuelles s'en sont retrouvées progressivement amoindries, et notamment celles des femmes. La politique menée actuellement en Iran se veut conservatrice et guidée par une vision traditionaliste de la religion musulmane chiite. Le leader suprême (actuellement, l'ayatollah Khamenei) détient les quasi pleins pouvoirs au détriment du président de la République, beaucoup plus soumis aux critiques.
Il serait malvenu de porter un quelconque jugement sur le système politique iranien. Il est simplement très différent du nôtre et nos quelques semaines passés ici ne nous permettent pas d'en maîtriser les subtilités. Notre style de vie français nous fait simplement ressentir les contraintes qui pèsent sur les iraniens et auxquelles nous ne sommes pas habitués.
Lorsque nous nous sentons suffisamment en confiance pour aborder le sujet avec des hommes, leur réponse est très intéressante. Ils ont conscience de ces contraintes, en particulier celles imposées aux femmes. Certains les approuvent, d'autres les condamnent. Une troisième catégorie d'hommes apporte une réponse plus nuancée. Ils connaissent les interdits mais ils se plaisent à jouer avec les règles. Par exemple, l'alcool est prohibé mais il est de notoriété publique que l'on peut s'en procurer et que chacun en consomme chez lui... Un autre iranien nous raconte qu'il organise souvent des virées avec ses amis sur les plages désertes du sud du pays, afin de s'affranchir de l'interdiction, pour les femmes, de se baigner en maillot de bain en compagnie d'hommes.
Nos interlocuteurs nous font part de ces combines, qu'ils usent certes avec précaution mais pas sans plaisir et saveur particulière. Être heureux en Iran implique ainsi d'en connaître les codes, de peser ses actes par rapport aux interdits et d'en mesurer les risques. Comme le disent de nombreux locaux, "l'Iran est un magnifique pays". Ils marquent une pause et ajoutent... "où tout est interdit mais où tout est possible".
Fin de l'avertissement
Passée cette parenthèse historique et politique, nous ouvrons notre chapitre gastronomie ! Esfahān est marquée par l'aubergine que nous dégustons à toutes les sauces. Nous découvrons ainsi le "Halim bademjoun" et le "Kashck bademjoun". L'aubergine est également mise à l'honneur dans la ratatouille que nous préparons à nos hôtes.
Comme tous les habitants, nous savourons les soirées en profitant d'une baisse des températures. Le vendredi soir (jour férié en Iran) est particulièrement animé aux abords du pont Si-o-Seh Pol. Les enfants courent dans les pataugeoires naturelles, en contrebas d'escaliers bondés de monde. Nous faisons de même.
Les rives du Zayandeh sont recouvertes de nappes de pique-nique. En bons champions de la discipline (il font concurrence à nos amis turcs), les iraniens partagent de nombreux plats et s'affèrent autour des grillades au parfum estival.
Nous sommes justement le 21 juin. L'été débute ce soir et l'animation nocturne nous rappelle notre traditionnelle fête de la musique. Des concerts de chants traditionnels s'improvisent. Ils trouvent échos sous le pont et rythment le mouvement des silhouettes sur les murs. Nous sommes en Iran : quelques hommes chantent et osent des pas de danse pendant que certaines femmes tapent simplement des mains. L'ambiance est à la fête au milieu des jeux d'ombre et de lumière. Elle marque de belle manière l'entrée dans la nouvelle saison.
Nous ne restons que 3 jours à Esfahān. Nous avons pourtant l'impression d'en avoir passé le double tant ce séjour fut riche en découvertes et en rencontres. Les visites, et surtout notre parfaite entente avec Kiana et Mahtab, marqueront à coup sûr notre voyage. Nous n'oublierons pas les moments conviviaux passés avec ces deux femmes que nous espérons revoir et que nous comptons déjà parmi nos amies. Nous leur souhaitons de concrétiser leur rêve québécois.
Notre parenthèse touristique se poursuit et nous conduit le lendemain à Shiraz, plus au sud encore. Notre trajet nous fait traverser des paysages désertiques.
Nous arrivons à Shiraz en début de soirée et pouvons admirer la magnifique mosquée Shah Cheragh, qui signifie "Roi de la lumière". Digne d'un palais des mille et une nuits de l'extérieur, la mosquée tire surtout son nom des mosaïques de miroirs illuminant son intérieur. Coco doit se vêtir d'une nouvelle tenue pour l'occasion, qui lui va à merveille !
S'il est préférable de visiter cette mosquée de nuit pour profiter du spectacle lumineux, il nous est conseillé d'entrer dans la mosquée Nassir-ol-Molk au petit matin. Les rayons du soleil, aux environ de 8h, percent en effet les vitraux de la salle de prière et couchent au sol le reflet de leurs couleurs vives. Malheureusement, nos envies de grâces matinées nous ont probablement fait manquer les meilleures instants...
À l'extérieur, les mosaïques aux teintes rose donnent au bâtiment le surnom de "Pink mosque".
Shiraz est l'une des trois capitales culturelles et artistiques de l'Iran, avec Esfahān et Tehran. Comme ses deux soeurs, elle fut un moment désignée capitale de la Perse (pendant la dynastie Zand de 1750 à 1794) avant que les Qajars déplacent la capitale à Tehran. Elle abrite donc elle aussi de nombreux jardins et palais. Dans l'un de ces derniers, nous faisons la connaissance d'un musicien émérite qui nous présente quelques instruments traditionnels.
Notre passage à Shiraz est également motivé par la proximité des sites de Nécropolis et Persépolis, pour lesquels nous prenons l'attache d'un guide.
Nécropolis ("Naqš-e Rostam" en persan) contient quatre tombes de rois achéménides. L'empire achéménide fut le premier empire perse, de 559 av-JC à 330 av-JC. On trouve également des bas reliefs sassanides. Les sassanides sont issus de la dynastie du même nom qui régna sur l'Iran à partir de 224 et jusqu'à l'invasion arabe en 651.
Persépolis ("Takht-e Jamshid" en persan, signifie le "trône de Jamshid") était une capitale de l’empire perse achéménide. Son édification débuta en 521 av. J.-C. sur ordre de Darius 1er. Elle fait partie d’un vaste programme de constructions monumentales visant à souligner l’unité et la diversité de l’empire perse achéménide, à asseoir la légitimité du pouvoir royal et à montrer la grandeur de son règne.
La construction de Persépolis se poursuivi pendant plus de deux siècles, jusqu’à la conquête de l'empire et la destruction partielle de la cité par Alexandre le Grand en 331 av. J.-C.
De nombreux bas-reliefs sculptés sur les escaliers et portes des palais représentent la diversité des peuples composant l’empire.
Aux abords du site de Persépolis, notre guide Mohammad attire notre attention sur de nombreuses armatures blanches plantées au sol. En octobre 1971, elles soutenaient les tentes qui ont abrité plusieurs dizaines de têtes couronnées, présidents et chefs de gouvernement du globe. Dans le cadre du 2500ème anniversaire de la fondation de l'empire perse, le Shah Mohammad Reza Pahlavi a en effet vu les choses en grand en conviant tout ce beau monde à des cérémonies fastueuses.
Les festivités de Persépolis furent très vite critiquées pour leur coût exorbitant et leur côté mondain, contrastant beaucoup avec l'autoritarisme du régime iranien. Elles ont participé à la monté du courant révolutionnaire qui renversa le Shah huit ans plus tard.
Nous quittons le lendemain Shiraz pour la ville de Yazd. Plantée au beau milieu du désert, cette cité mérite le détour rien que pour la route qui la dessert.
Selon l'Unesco, Yazd serait l'une des plus anciennes villes du monde, connue en 3000 av-JC. À notre arrivée, nous grimpons les escaliers menant à la terrasse de notre guest house pour profiter d'une belle vue sur les toits. Nous nous impregnons de l'atmosphère silencieuse qui règne encore en cette fin d'après-midi brûlante.
Une fois la nuit tombée, nous nous perdons dans les ruelles délimitées par les murs en terre crue. Nous goûtons à l'animation retrouvée, dans un climat convivial et très familial (en Iran, les femmes sont certes voilées mais sortent tout autant que les hommes le soir dans la rue). Les magnifiques mosquées Jam et Amir Chaghmagh (inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco) dominent cette ville que nous sentons très accueillante et pour laquelle nous avons rapidement un coup de coeur. Nous comprenons maintenant pourquoi les gens nous la conseillaient.
Nous visitons le lendemain le temple d'Ateshkadeh (ou "temple du feu"). Ce lieu de culte témoigne de la prédominance de la religion zoroastrisme sur le plateau iranien avant la conquête arabo-musulmane. Une petite communauté zoroastrienne est toujours présente à Yazd. Le temple du feu contenait un feu traditionnel qui a été maintenu allumé par des prêtres zoroastriens sans interruption pendant plus de 1100ans.
Le zoroastrisme serait la plus ancienne religion monothéiste encore pratiquée. Yazd en est le berceau et la capitale.
Une mauvaise nouvelle nous oblige à écourter notre séjour à Yazd. L'agence parisienne que nous avons missionnée pour notre demande de visa chinois nous informe par mail que notre dossier n'est finalement pas complet. Le formulaire aurait changé il y a peu... D'autre part, l'agence se dit très pessimiste sur nos chances d'obtenir un visa de plus de 30 jours (essayez de traverser la Chine à vélo en moins de 30 jours, on vous souhaite bon courage...). Enfin, le prochain rendez-vous que l'agence peut solliciter auprès de l'ambassade de Chine à Paris, pour le traitement de notre dossier, ne pourra pas se tenir avant mi-juillet. Bien cordialement !
Adieu donc nos projets d'escapade au bord des lacs salés et dans les dunes du désert... Nous rentrons précipitamment à Tehran par un train de nuit, dans le but de déposer en catastrophe une demande à l'ambassade de Chine de la capitale iranienne, le lendemain matin (l'ambassade n'est ouverte que 3 jours par semaine en matinée). La pression monte car aucun pays d'Asie centrale ne délivre de visa chinois. C'est donc notre unique chance. Nous ignorons d'autre part combien de temps cette demande nous retiendra ici.
Nous vous passons les détails de nos dernières heures passées à Yazd, largement gâchées par l'obligation de réécrire intégralement notre programme en Chine, avec preuves de réservations d'hôtels pour chaque journée passée. Dans la même lignée que le visa turkmène, le visa chinois c'est du costaud !
Avec ces histoires de visa, nous sentons que l'étau se resserre et prenons conscience que notre rêve de voyage ne tient qu'à un fil... ou plutôt qu'à des foutus tampons sur un passeport ! Nous ne cédons par pour autant au découragement et profitons pleinement de ces quelques jours à Tehran.
Nous sommes accueillis dans la famille de Shahrzad pendant 6 jours. Nous retrouvons ainsi Minoo et Amin, et faisons la connaissance de Reza, le papa. Leur maison se situe à Karaj, à quelques kilomètres de Tehran. Cette ville collée aux montagnes du nord occupe la banlieue de Tehran, mais n'en demeure pas moins la 4ème ville du pays en nombre d'habitants.
À Karaj, nous commençons par ne rien faire. Nous enchainons les siestes de 2 heures, jouons au backgammon, regardons les matchs de volley-ball à la télévision (la France a battu l'Iran, soit dit en passant...) et prenons 3 kilos à savourer les plats concoctés par Minoo. Nos exploits sportifs se limitent à quelques matchs de ping-pong et une ballade dans les montagnes voisines.
Depuis Karaj, nous empruntons le réseau de transport de la capitale et connaissons désormais par coeur son plan de métro pour y passer de nombreuses heures, entre visites d'ambassades et excursions touristiques. Aux heures de pointe, Coco privilégie les wagons réservés aux femmes. Ils la préservent des regards indiscrets que portent certains iraniens sur les femmes, surtout lorsqu'elles sont jeunes et européennes. Mais attention aux généralités. La plupart des hommes sont très respectueux des femmes et se lèvent immédiatement pour laisser leur place à Coco. Les réflexions des femmes sont finalement plus dures, comme quand l'une d'elles fit remarquer à Coco que sa longue chemise lui arrivant sous les fesses était trop courte. Un manteau lui couvrant l'intégralité des jambes serait plus approprié... Et c'est bien un homme qui rassura tout de suite Coco en lui disant de ne pas faire attention à ces remarques désobligeantes.
Dans l'ensemble, les iraniens font preuve d'une grande courtoisie à l'égard des touristes. Probablement beaucoup plus que nous le faisons en France. Leurs regards sont parfois déstabilisant de curiosité, mais ils laissent souvent place à un sourire et à des questionnements fréquents sur notre provenance. Ils sont friands de connaître les villes que nous avons visitées en Iran, et nous demandent notre préférée. Le métro est un lieu privilégié d'échanges et de rencontres, et nous en faisons l'expérience à Tehran.
Nous nous promenons dans l'immense parc du complexe historique Saadabad. Situé au nord de la ville, ce lieu permet la visite de nombreux musées dans un cadre champêtre, loin du tumulte urbain.
Nous découvrons ainsi le dernier palais habité par le Shah. Juste devant le palais, la statue érigée en l'honneur de sa Majesté montre que la révolution est passée par là...
Dans le même complexe Saadabad, nous admirons les tenues traditionnelles portées pendant ces longues années de Monarchie (exposées dans le musée des costumes royaux). Pour l'anecdote "people", la troisième et dernière épouse du Shah, la reine (puis impératrice) Farah Diba, portait une robe signée Christian Dior pour son mariage. En exil depuis la révolution de 1979, elle partage actuellement sa vie entre l'Égypte, les États-Unis... et la France ! Après avoir fait tomber le Shah, la France accueille donc son épouse. La diplomatie réserve parfois des suprises...
En plus des musées, nous trouvons à Tehran de nombreuses curiosités tels que des poussins multicolores, des pains défiant les lois de la pesanteur, des conducteurs de moto de moins de 4 ans et un membre de l'équipe d'Iran de taekwondo.
Côté culinaire, nous sommes bien obligés de goûter les incontournables vermicelles glacés appelés "faloodeh" et le surprenant "halim" : une sorte de bouillie épaisse composée de blé, de viande (le plus souvent de l'agneau), de beurre fondu, de cannelle et de sucre. Ce dernier plat sucré/salé fait le bonheur des iraniens pendant leur petit déjeuner. Autant vous dire qu'il est loin d'être à notre goût, et Titi met quadruple dose de sucre pour en venir à bout.
Nos hôtes nous réconcilient de suite avec les spécialités iraniennes en nous invitant dans le meilleur restaurant de la ville. Situé sur les hauteurs, au bord de la rivière Karaj, l'endroit est pris d'assaut par les locaux une fois la nuit tombée. Nous dégustons les meilleurs kebabs que nous avons goûtés jusqu'à présent (ce n'est pas peu dire !) au beau milieu d'un décor fôrestier.
Nous fêtons ce soir nos 5 mois de voyage. Bien plus encore, nous trinquons à la réussite d'Amin qui vient d'apprendre que son projet d'étude à été accepté par son université. Enfin, nous honorons comme il se doit le début de retraite de Reza. Les pieds nus sur le tapis qui nous sert de table, nous savourons simplement ces moments. Comme toujours, cette belle famille refusera que nous déboursions le moindre centime. "Vous êtes nos hôtes, ce serait une offense de vous voir payer". Désarmés par tant de gentillesse et de générosité, nous nous promettons de les recevoir dignement en France si les vents les mènent plus tard chez nous. Nous le souhaitons fortement, nous les invitons, ils sourient... "peut-être, Inch'Allah"...
Ainsi s'achève cette étape "Iran centre et sud". En deux semaines, nous avons pu découvrir quelques unes des merveilles de l'Iran, et notamment ses villes historiques. Nous avons surtout été comblés par les rencontres avec Kiana, Mahtab et la famille de Shahrzad. En revanche, voyager sans nos vélos ne nous réussit pas. Nous écrivons beaucoup trop... Promis, la prochaine étape sera plus courte.
Demain, l'ambiance sera toute autre. Nous saurons si le Turkménistan et la Chine nous ouvrent les bras de leurs visas... En cas de refus, nous rebrousserons probablement chemin, vers l'ouest. Le voyage prendra une autre forme, ou s'arrêtera... on verra... Dans le cas contraire, nous roulerons cool vers l'est !!!
Ils ont égayé notre route. Encore merci à :
Kiana et Mahtab pour la simplicité avec laquelle elles nous ont invités à partager leur séjour à Esfahān. Nous avons fait la connaissance de deux jeunes femmes pleines de vie et espérons sincèrement les revoir. D'ici là, nous croisons les doigts pour que leur demande d'études au Québec soit acceptée.
Au vendeur de tapis d'Esfahān. Il nous a délivré un cours théorique d'une heure sur leur fabrication, et nous a même offert du thé. Nous n'avons rien acheté... Mais qui sait ? À notre retour en France, nous pourrions passer commande...
Héloïse pour avoir accepté de partager son guide à Persépolis. La matinée en sa compagnie fut très agréable. Héloïse voyageait seule en Iran. Très attirée par ce pays, elle prévoit d'y revenir et d'apprendre le farsi. Nous espérons que la fin de son séjour est à la hauteur de ses attentes.
Thibault, rencontré trop brièvement à Shiraz, pour sa gentillesse et les discussions intéressantes que nous avons eu avec lui. Il rentrait en France le lendemain. Pourquoi pas se revoir à Lyon où il réside ?
Minoo, Reza et Amin pour toute l'énergie qu'ils ont dépensé à rendre notre séjour agréable à Karaj. Nous avons été comblés par toutes leurs attentions et les nombreux services qu'ils nous ont rendu. Nous avons rencontré une famille formidable, très attachante, et il n'est pas question de ne pas les revoir...
Toutes les personnes qui nous ont aidés dans nos demandes de visa :
- le motard qui permit à Titi de gagner de précieuses minutes dans ses aller-retour au copy shop de Tehran
- le couple belge et ses trois enfants, rencontrés sur le perron de l'ambassade du Turkménistan. Ils nous ont sauvés la mise en nous permettant de remplir le formulaire en ligne grâce à leur ordinateur.
- le couple porto-irlandais pour leurs conseils avisés. En cas de succès, nous espérons les remercier autrement que par téléphone, en les rencontrant pourquoi pas sur la route si nos chemins de cyclotouristes se croisent.
Ils nous ont spontanément offert à manger et à boire. Merci :
- au jeune iranien pour le gâteau offert pendant notre attente à la gare routière de Tehran
- à l'iranien plus âgé, pour les bonbons délicatement offerts dans le métro