Le voyage à dos d'roues de Titi & Coco
Du 31 janvier 2019 au 23 mars 2020
418 jours
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KM
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Qui ?

Timothée, clermontois, 32 ans, athlète de haut niveau en reconversion cyclotouristique

Jongleur passionné, beat boxeur amateur et incollable au Trivial Poursuit dans la catégorie "capitales du monde", Timothée est altruiste par nature. Il a quelques kilomètres de course à pied dans les jambes, et suivra Coralie jusqu'au bout du monde. Il sait faire rire, car s'il ne maitrise pas les langues étrangères, il traduit ses blagues à l'international. Apprenti photographe, il aura la lourde responsabilité de la qualité des clichés, à condition que son étourderie ne le conduise à faire tomber l'appareil...

Qualités : ne ronfle pas, puissance de pédalage

Défauts : coûte cher en nourriture, accro aux siestes

Missions : ambiance musicale, photos / vidéos, réparation vélos (c'est pas gagné...)

Coralie, ponote, 30 ans, poisson ascendant cycliste, coureuse du 3ème décan

Nantaise d'origine et de cœur breton, Coralie est utopiste par nature. Elle a roulé sa bosse dans de nombreuses contrées et suivra Timothée jusqu'au bout du monde. La tête dans les nuages, elle garde malgré tout les pieds sur Terre. Son pragmatisme et sa force de caractère seront précieux, tout comme son sens de l'orientation. De quoi rattraper les gaffes du Titi...

Qualités : polyglotte, endurance de pédalage

Défauts : hyperactive, accro au chocolat

Missions : boussole, séduction des garde-frontières, guide touristique

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Pourquoi ?

Pour quelles raisons avons-nous décidé de voyager autour du Monde à 2 roues ?

Titi : « En courant ça nous aurait pris le double de temps ! Plus sérieusement, après plus de 15 ans de compétition, je souhaite délaisser la rigueur de l'entraînement pour prendre le temps de voyager ; avec le luxe de partager cette aventure avec ma Coco. Cette parenthèse nous permettra également de rejoindre mon frère et sa petite famille qui habitent au Laos »

Coco : « Depuis 10 ans, après un aperçu de la vallée des Incas et de l’Altiplano, je rêvais de descendre le Mékong en bateau… S’y rendre à vélo est pour moi extrêmement excitant tellement cette aventure humaine me dépasse ! Le vélo est le meilleur moyen d'avancer tout en prenant le temps. 30 ans, c’est comme un appel au voyage ! »

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Mais pourquoi vraiment ?...

C’est une grande question !

Nous souhaitons tous deux goûter à une certaine liberté du quotidien, prendre le temps de découvrir les cultures et coutumes des pays traversés, rencontrer leurs habitants, ressentir l'hospitalité et la générosité sous différents visages, et partager notre amour autour de nous (rien que ça !). L’objet du voyage n’est ni un défi purement physique (même s'il y participe), ni un test de survie à la Koh-Lanta (espérons-le !). Il découle simplement d'un rêve d'évasion que nous nourrissons depuis plusieurs mois.

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Comment ?

A vélo pardi ! Nous vous épargnons ici la liste détaillée de notre matériel, marques de vêtements, ustensiles,... D'autres blogs de voyageurs le font très bien, merci à eux en passant ! En bref donc :

  • Nos vélos sont taillés pour l'itinérance de longue durée (cadre en acier, porte-bagages avant et arrière).
  • Nous apportons une tente pour bivouaquer avec le matériel nécessaire (bons duvets, réchaud multi-combustible, filtre à eau,...).
  • Nous comptons également sur l'hospitalité des gens que nous rencontrerons (nuits plus confortables, découverte de la nourriture locale, échange et partage avec les habitants, économies non négligeables,...).
  • Nous misons sur la légèreté numérique (pas de tablette ni d'ordinateur) et l'autonomie énergétique. Le téléphone portable, l'appareil photo et la mini-caméra seront alimentés via une batterie externe que nous rechargerons à l'aide de panneaux solaires (dépliables). Un E-werk chargeur dynamo-moyeu nous amènera également un complément d'électricité, à la force des mollets ! Mais nous ne cracherons pas non plus sur les prises électriques sur notre trajet...
  • Pour communiquer, nous utiliserons bien sûr nos compétences linguistiques (quelques peu limitées dans certains pays...), les gestes, notre compagnon de route "G'palémo" et les belles fiches pays préparées par Coralie (vocabulaire de base, formules de politesse, culture / traditions / comportements à adopter, chiffres, monnaie,...).
  • Pour nous orienter, nous mettons une bonne partie de nos espoirs dans l'application GPS "MAPS.ME" (consultable sans connexion internet). Nous prévoyons également d'emporter quelques cartes routières (y'a que ça de vrai !). Certaines d'entre elles pourront d'ailleurs nous être transmises par nos proches qui nous rejoindront sur quelques tronçons du trajet.
  • Nous prévoyons un budget de 20€ par jour (pour 2), avec un peu de marge pour les tuiles mécaniques, les visas, les billets pour traversée la mer Caspienne,...
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Par où ?

Cap à l'Est au départ de Royat (à côté de Clermont-Ferrand) ! Ci-dessous notre itinéraire prévu. Vous apprécierez les talents artistiques de Timothée, avec un tracé moche sur une carte...moche...

Sachant que "l'imprévu arrivera" (dixit nos amis Robert et Pierre, 2 aventuriers cyclistes auvergnats, merci à eux pour leurs conseils !), nous l'adapterons en fonction de nos péripéties, de notre santé/fatigue, de nos envies,... Il sera peut-être raccourci, voire rallongé si l'appel du voyage nous pousse à des coups de pédales supplémentaires. De plus, nous nous autoriserons quelques trajets en train, bus, camions (...) pour abréger nos souffrances ou éviter certains environnements hostiles ! Enfin, nous privilégierons la traversée de la mer Caspienne en bateau (malgré l'insistance de Coralie pour l'effectuer à la nage).

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Quand ?

Le choix se porte aux alentours du 1er février 2019. Pourquoi sous la neige auvergnate nous demanderez-vous ? Simplement pour bénéficier d’un climat plus clément à partir de la Turquie rejointe en Avril et suivre le rythme des saisons tout au long du voyage.

Date d'arrivée : ??? 😀

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Notre projet relayé à l'international 👍

Nous voilà partis ! Le 31 janvier 2019, nous donnons nos premiers coups de pédale.

Départ de Royat

Il est temps de prendre la route. Car à force de vous bassiner avec notre projet de voyage, la concrétisation devenait pressante. Nous sommes heureux d'avoir pris le temps de dire au-revoir à nos proches. Cela nous a valu un programme bien chargé ces dernières semaines, mais c'était pour nous essentiel. Nous quittons les personnes que nous aimons, et nous ne pouvions prendre la route sans leur rendre visite. Plus largement, nous tenons a vous remercier pour tous vos messages de soutien, vos questions, vos conseils, et même vos inquiétudes... Nous partons le coeur léger, plein d'énergie et d'amour que vous nous avez communiqué.

Pendant ces premiers jours, nous sommes tout simplement hyper excités ! Et en même temps un peu apeurés par notre programme qui nous paraît gigantesque et un brin inaccessible... Sans parler de tous les problèmes qui pourraient nous arriver (santé, sécurité, pépins mécaniques,...). Mais le goût de l'aventure est évidemment plus fort et nous pousse à parcourir ces premières bornes sans trop d'arrières pensées, avec un sourire non dissimulé. A vrai dire, nous ne réalisons pas vraiment ce que nous sommes en train d'entamer...

Nous traversons les départements du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire, nos terrains de jeux habituels.

Vue sur l'agglomération Clermontoise depuis Opme (Romagnat)

Nous longeons ainsi l'Allier et prenons de l'altitude sur les pentes altiligériennes...

Traversée de la Haute-Loire

Les conditions climatiques nous font pourtant re-découvrir ces paysages que nous croyions familiers, sous quelques bons centimètres d'une neige qui n'a cessé de tomber à partir du Puy-en-Velay et jusqu'à Saint-Etienne (une étape mémorable le 2 février !!)

Étape Le Puy-en-Velay / Saint-Etienne le long de la Loire : il pleut des galettes pour la chandeleur

Le froid, l'humidité, les routes glissantes,... que du bonheur ! De quoi tester notre motivation. Nous survivons à cet épisode hivernal, en frayant Gonzales (vélo de Titi, "speedy Gonzales") et Ciraptor (vélo de Coco, "vélo ciraptor", pardon pour ce jeu de mots pitoyable...) dans les traces des voitures comme seul moyen d'adhérence.

Arrivée à Saint-Etienne

En même temps, avec un départ fin janvier, il fallait bien s'y attendre... Titi nous honore d'une belle glissade. Il peut alors constater que les sacoches, outre leur poids, ont au moins l'avantage d'amortir les chutes latérales. Pour Coco, beaucoup plus à l'aise en descente, c'est plutôt l'inconfort des orteils frigorifiés qu'il faut surmonter. Autre découverte agréable, la gélure de nos pignons, avec deux vitesses disponibles sur dix ! De quoi nous faire pédaler dans la semoule, comme si les flocons ne suffisaient pas...

Les choses s'améliorent lors de notre 4ème étape en direction de Vienne, où nous commencons à longer le Rhône par la "Via Rhôna".

Le long de la Via Rhôna pendant 3 jours.

Nous traversons ainsi Valence puis Avignon avec un beau ciel bleu et le vent dans le dos. Dans la vallée du Rhône, le vent a en effet toute son importance, et le mistral est avec nous !

Arrivée à Avignon

Avant d'aller plus loin, permettez-nous d'honorer une petite pause pique-nique, un moment de la journée toujours attendu et apprécié... Le vélo, ça creuse !

Sandwich beurre salé / jambon cru

Nous quittons le Rhône à Avignon pour rallier Cavaillon, porte d'entrée du Luberon. Nous traversons de beaux villages tels que Lauris, Lourmarin et Ansouis.

Lourmarin

La végétation ne fait plus de doute : nous sommes dans le sud !

Champs de lavande. Dès février, début de la floraison !

Pour notre 8ème étape, nous découvrons la basse vallée de la Durance et le village de Jouques où nous passons la nuit.

Jouques

Nous mettons ensuite le cap sur Nice pour nos deux dernières journées de route en France. Nous pouvons constater que si les Varois n'excellent pas en rugby (du moins pas autant que les montferrandais...), ils jouissent d'un fort beau département. Et qu'on se le dise, le Var n'est pas plat ! Nous nous régalons dans les descentes, pour en baver dans les montées...

Traversée du Var

Notre 10ème étape nous fait rejoindre la mer Méditerranée. Nous la longeons depuis Saint-Raphaël jusqu'à Nice. La côte d'Azur ne nous apporte pas de grande surprise avec son bord de mer urbanisé, parfois très joli, parfois surfait. En revanche, la portion jusqu'à Théoule-sur-mer, surnommée "la corniche d'or", nous laisse admiratifs. Avec un grand soleil, nous découvrons ce paysage de falaises ocres plongeant dans la mer. Un régal...

La corniche d'or

Nous apercevons même au loin la chaîne des Alpes, avec ses sommets enneigés. Entre mer et montagnes, les Alpes-Maritimes portent bien leur nom...

Traversée des Alpes-Maritimes

Coralie joue les stars au pied des marches de Cannes, et nous arrivons à Nice après 120km d'une journée autant éprouvante que magnifique !

Coralie Leclerq, actrice française en devenir

Nous profitons d'une journée de repos à Nice pour recharger les batteries (au sens propre comme au figuré), en déambulant dans la ville et en dégustant des Pissaladières et des Pans bagnats.

Nice

A l'heure où nous finissons de rédiger cette étape, nous souffrons devant la télévision en assistant à l'humiliation du XV de France contre nos chers amis anglais. Nouvelle défaite dans le tournoi des VI nations et 44 pions dans la besace à Twickenham, il est vraiment temps de quitter la France... Nous rejoignons demain l'Italie ! Avec la banane et les mollets tout neufs, ça roule cool !!!

Au revoir Nice, au revoir la France ! 
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Petit coup d'oeil sur le compteur : 922km


Ils ont égayé notre route ! Encore merci à...

· Christian et Pierre pour leur présence à notre départ.

· Camille et ses bières artisanales ultra fraîches.

· Nos amis ponots Cécile, Marion, Thibaut, Jean et Zoé pour la "crique party".

· Nos supporters triathlètes du Puy, Lise et Jacques, ainsi que Pierre-Emmanuel, qui ont défié la neige et la grippe pour nous encourager sur la route.

· Paupau (et ses drôles de dames) pour ses radiateurs chauds, son apéro dînatoire gargantuesque, et les cadeaux de la team Raou qui nous ont beaucoup touchés.

· Pierre-Marie, Marie et Nounet (la famille !!) pour le gratin de pâtes et l'agréable soirée Viennoise.

· Josiane, Colette et Valentine pour leur accueil chaleureux : Gonzales et Ciraptor ont apprécié les pommes Ardechoises.

· François pour son rhum arrangé, sa poésie et son sens de l'accueil en laissant gagner Titi au super Cluedo.

· Aux deux cyclotouristes que nous avons croisés à Avignon.

· Nos warmshowers et amis Cécile, Xavier, Bastien et Joaquim.

· Au café villageois de Lauris, qui nous a accueilli chaleureusement hors de ses horaires d'ouverture. Longue vie à ce café associatif dont nous sommes désormais les membres !

· Manon, Sylvain et Pavel pour leur nid douillet au coeur de la forêt.

· Aux cousins de Titi pour la maison aux Canebières, avec les draps propres et le frigo rempli qui vont avec.

· Raphaëlle, Thibaut et Coline pour le week-end Niçois aux petits oignons...

Buongiorno ! Nous voilà expatriés en terre italienne ! Le 11 février 2019 marque un nouveau départ dans notre aventure. Pas d'amis pour nous héberger, une langue à apprivoiser, des villes et itinéraires inconnus,... bref, le début du vrai dépaysement, nous n'allons pas nous plaindre !

Surtout que d'emblée, les italiens mettent les petits plats dans les grands pour nous accueillir. À peine la frontière passée à Ventimiglia (dont on nous dit que le port à été racheté par Monaco pour y installer ses yachts), nous profitons en effet d'une piste cyclable de rêve : large, bien asphaltée, longeant le bord de mer et d'une longueur de 23km.

La fameuse piste cyclable au départ d'Ospedaletti

Même les tunnels sont privatisés "vélo", avec en prime des panneaux relatant les exploits sportifs du cyclisme italien. De quoi parfaire notre culture sportive transalpine. Nous honorons d'ailleurs comme il se doit cette belle piste en y fêtant nos 1000km !

Tunnel cyclo-culturel, un concept très appréciable

Ce tronçon traverse la ville de San Remo, éminemment connue pour sa classique "Milan - San Remo". Rien d'étonnant donc à voir de tels aménagements ici.

L'engouement de cette région pour la "petite reine" se ressent fortement. On y trouve des vélos à louer ou pour décorer les bars, et une grande affiche à San Lorenzo nous apprend que l'édition 2015 du Giro (Tour d'Italie) y a pris son départ.

La part belle à la "petite reine" !

Les coups de pédales suivants ne sont que pur plaisir, avec un soleil qui nous regonfle en vitamine D et des décors de cartes postales à n'en plus finir.

Comme dans un rêve...

Nous ne nous lassons pas de pédaler au bord d'une eau bleu azur, et les kilomètres s'enchaînent sans effort. Les pauses pique-nique a proximité des plages ne font pas exception : un vrai bonheur !

Titi et Coco au bord de l'eau...

Plusieurs villages typiques retiennent notre attention sur la route, avec à chaque fois la même admiration pour ces façades colorées qui transpirent le soleil et la Méditerranée. Nous ne sommes pas encore aux Cinque Terre mais certains d'entre eux valent déjà le coup d'oeil.

Villages de la région "Liguria"

Les montagnes en toile de fond nous rappellent que les Alpes ne sont pas très loin, et il suffit de lever la tête pour imaginer les quelques belles randonnées qui s'offriraient à nous.

Les Alpes ne sont pas loin...

Nous rencontrons un petit problème mécanique au soir de notre deuxième étape italienne. Le retard pris pour réparer Ciraptor nous oblige à rallier Genova (Gênes) à la tombée de la nuit, avec pour récompense une belle vue sur l'activité portuaire...

Coucher de soleil sur le port de Genova

Le lendemain, nous prenons de la hauteur en quittant le bord de mer à partir de Sestri Levante. Les 615 mètres de dénivelé nous donnent un avant goût de l'intérieur des terres, plus sauvage et d'une verdure étonnante.

L'arrière pays de la Liguria

Pendant l'ascension du "passo (col) del bracco", nous nous amusons des panneaux qui jonchent la route. Ces derniers nous informent d'un risque de neige, et de l'obligation de disposer de pneus neige (ou de chaînes dans le coffre de sa voiture) en période hivernale. Les conditions estivales dans lesquelles nous arpentons ce col au mois de février tranchent nettement avec ces consignes de sécurité. Les panneaux indiquant les risques d'incendies et d'éboullements nous étonnent déjà moins... Pour continuer sur notre chapitre "panneaux", sachez que contrairement à la France, l'Italie utilise les panneaux vert pour les autoroutes et les bleu pour les routes principales. A vélo, il faut donc être vigilant, au risque de s'embarquer sur une bretelle d'autoroute...

La signalisation italienne

Ce tronçon menant à La Spezia est en tout cas une belle surprise, avec des paysages magnifiques et une route très peu empruntée par nos amis automobilistes jusqu'au col.

Ascension du Passo del Bracco

Arrivés à la Spezia avec un jour d'avance sur notre programme, nous décidons de passer les 48 prochaines heures dans cette région des Cinque Terre, afin d'y visiter ses célèbres villages le premier jour et de randonner entre Levanto et Monterosso le second.

Cinque Terre

Pour le jour de la Saint-Valentin, il y a pire comme décor...

Ça roucoule...

Sur les hauteurs, nous découvrons une activité viticole. Une sorte de rail aérien traversant les vignes attire notre curiosité. Est-il fait pour permettre aux grappes de raisins fraîchement cueillies de descendre au village ? Est-ce un système d'irrigation ? Nous ne tardons pas à découvrir qu'il s'agit tout simplement d'un moyen de transport pour les agriculteurs, positionnés dans des chariots fixés au rail et accédant ainsi plus facilement aux parcelles.

Activité viticole sur les hauteurs de Manarola

Nous achevons ces jours de repos (ou plutôt "sans vélo"...) par une ballade sur le port de La Spezia et un bon restaurant offert par les parents de Titi (avec qui nous avons partagé ces deux belles journées).

Ciao La Spezia !

Nous quittons la région "Liguria" le lendemain pour rejoindre la "Toscana". Hormis le beau village de Lerici, le bord de mer s'apparente à une station balnéaire sans fin. Les hôtels, restaurants et boutiques bordent une route ultra droite. Droite ? Pas comme la Tour de Pise figurez vous !

Qu'est ce qu'on rigole bien à la Torre di Pisa !

Après cet intermède photographique quelque peu ridicule (et finalement très peu original compte tenu des centaines de touristes rivalisant d'imagination pour créer les meilleurs effets d'optique), nous retenons que Pisa est une ville certes touristique mais pas pour le moins jolie et agréable. Elle abrite de belles ruelles et des bars où l'on peut boire du café à la hauteur de la réputation italienne. Nous découvrons également qu'elle est traversée par le fleuve Arno qui offre de belles perspectives sur les ponts que nous traversons.

Pisa

Nous entamons ensuite notre traversée de l'Italie du nord, en commençant par suivre notre pote Arno jusqu'à Firenze (Florence), capitale de la Toscana.

Coco et son pote Arno

Nous nous réservons une journée de repos afin de visiter la ville, à travers notre regard naïf et notre manque incontestable de toute culture digne d'un touriste à Firenze. Ceci étant dit, on a trouvé Firenze très jolie ! (c'est déjà une belle analyse artistique non ?!)

Firenze

Nous poursuivons notre avancée en direction de Bologna, en passant par le Passo del Giogo (882m).

Ascension du Passo del Giogo

Nous quittons bientôt la Toscana pour rejoindre la Région "Emilia-Romagna". Les paysages sauvages sont magnifiques dans la Valle del Santerno.

Valle del Santerno

Le hasard de notre itinéraire nous fait découvrir la ville de Castel del Rio. Marco et sa famille, nos hôtes du soir, nous font visiter la ville et nous racontent son histoire, fortement liée à la seconde guerre mondiale du fait de sa situation géographique, à proximité de la ligne Gothique (ligne de fortifications allemandes qui fut percée en 1944 par les Alliés). Nous visitons le musée de la guerre et admirons le pont qui surplombe la rivière Santerno (si nous avons bien compris, ce pont est un des seuls de la région à n'avoir pas été détruit pendant la guerre).

Castel del Rio

Notre courte étape du lendemain nous permet d'arriver à Bologna pendant la pause méridienne. Nous lézardons au soleil, sur la Piazza Maggiore, en goûtant la Mortadella locale fraîchement achetée dans une charcuterie / traiteur que nous ont conseillés les florentins Naima et Gianluca. Accompagnée de Parmigiano dans du pain baigné d'huile d'olive, ça passe tout seul ! Comme dirait un collègue de Titi qui se reconnaîtra, "le gras, c'est la vie !"... Si l'on ajoute le cioccolate calda que nous avons testé en guise de dessert, vous comprendrez que le vélo ça creuse, mais que l'étape italienne ne nous fait pas perdre de poids pour autant...

Sans transition, nous apprenons que Bologna abrite la plus ancienne université d'Europe, d'où son surnom "la Dotta" (la savante). Elle grouille d'étudiants et semble très dynamique. Nombre de ses façades sont en pierres cuites, de couleur rouge, d'où son surnom "la Rossa" (la rouge). Cette couleur n'est d'ailleurs pas sans rappeler son histoire communiste. Enfin, on y mange visiblement bien (voir paragraphe précédent...), d'où son surnom "la Grassa" (la grasse). Ça fait beaucoup de surnoms !

Nous déambulons ainsi dans Bologna, animée par quelques groupes de musique bien sympathiques. Les rues sont bordées d'arcades interminables sous lesquelles les piétons jouissent d'un grand espace pour se déplacer. Les "portiques" de Bologna représenteraient en effet entre 40 et 50km de distance cumulée (selon les sources) dans le centre historique de la ville. De quoi organiser un marathon à l'abris de la pluie, se dit Titi !

Difficile également d'échapper aux deux tours jumelles Asinelli et Garisenda. Plus discrète mais néanmoins remarquable, la basilique Santo Stefano, aussi appelée "le sette chiese" (les sept églises), vaut le détour.

Bologna

Enfin, notre hôte Stefano nous explique qu'il réside à Bologne un bel esprit collectif. En ce qui concerne le vélo par exemple, nous découvrons un gonfleur pour les pneus en libre accès dans le centre ville, ainsi que la station de vélo la "dynamo" où l'on peut aisément réparer sa bicyclette.

"Dynamo", la velostazione di Bologna

Dans la série des villes investies pour la cause du vélo, nous ne pouvions manquer Ferrara, située entre Bologna et Padova. Capitale italienne de la bicyclette, elle est le centre d'un important réseau de pistes cyclables. Son relief de plaine s'y prête bien, ça aide...

Nous ne sommes en tout cas pas déçus par cette ville de taille moyenne, faite de constructions en briques rouge visiblement répandues dans la région. Si la façade de la cathédrale est malheureusement en rénovation lors de notre passage, nous nous consolons largement en contemplant l'imposant "Castel Estense" et en empruntons à vélo la pittoresque ruelle voûtée "Via delle Volte".

Ferrara

Nous circulons enfin sur l'incontournable piste longeant les remparts (ou ce qu'il en reste). Ces derniers encerclent le vieux centre-ville et sont prétexte à une belle ballade de 9km pour en faire le tour.

Large piste longeant les remparts de Ferrara. Coco, mets ton casque !

La petite sieste au pied des arbres jonchant cette piste est très appréciable, tout comme le coucher de soleil qui nous accompagne sur les derniers kilomètres de notre étape.

Derniers kilomètres au coucher du soleil

Et le titre de la pause pique-nique de l'étape "Italie" est attribué à ???... Monselice ! En effet, la découverte de ce petit kiosque au coeur d'un parc arboré nous fait sans hésiter sortir les victuailles du sac !

Buon appetito !

A la suite de ce repas, nous profitons une nouvelle fois d'une belle piste cyclable, longeant cette fois-ci le canal "Battaglia". De quoi parcourir les 20 derniers kilomètres jusqu'à Padova en toute tranquillité.

Approche de Padova le long du canal Battaglia

Nous n'avions pas prévu initialement de nous arrêter à Padova. La possibilité d'être hébergés chez Marco et ses colocataires nous a décidé à faire halte dans cette ville qui, disons le clairement, reste un petit coup de coeur pour nous. Encore une fois, ce ne sont que des sensations de cyclistes de passage, non initiés à l'histoire des villes qu'ils traversent et forcément obligés de visiter rapidement les lieux. Mais nous sommes tout de suite séduits par le caractère aéré de cette cité comportant de nombreux aménagements pour les vélos (vous allez dire qu'on ne pense qu'à ça...). Les places et monuments sont tout simplement magnifiques, et il y règne une ambiance à la fois animée et apaisante.

Difficile donc de sélectionner les photos prises lors de notre passage à Padova. En voici quelques unes.

Padova

Nous avions à coeur de prendre un café dans le célèbre "Caffè Pedrocchi", connu pour avoir été le théâtre, en 1848, des émeutes étudiantes qui furent le point de départ de la révolte contre les autrichiens. Il a accueilli aussi de nombreux intellectuels et écrivains, et était ouvert de jour comme de nuit (d'où son surnom "le café sans porte"). Merci Wikipedia pour ces précisions !...

Coco devant le Caffè Peddrocchi

Le prestige a malheureusement un coût, et nous nous rabbatons sur un bistrot plus abordable pour notre portefeuille... mais pas pour le moins riche d'un choix de cafés gourmands plutôt alléchants ! (Comme c'est souvent le cas en Italie)

La cerise sur le café pour Titi

Nous assistons à un petit regroupement de défenseurs de la lutte contre le réchauffement climatique à Padova. Des manifestations sont ainsi organisées chaque vendredi, dans le cadre du mouvement "Friday for futur" lancé par la jeune suédoise Greta Thunberg (nous avons pris connaissance de ce mouvement à Pisa, ignorants que nous sommes...). Une manifestation plus importante est visiblement prévue le 15 mars.

"Friday for future" pour la justice climatique !

Nous prenons le lendemain nos quartiers à proximité de Venezia, dans une magnifique caravane qui nous sert de nid douillet pendant 2 nuits. Grazié millé Adriano !

Bienvenu chez Titi, Coco et leurs enfants Gonzales et Ciraptor, 30170 Venezia

En visitant Venezia en pleine période de carnaval, et qui plus est un dimanche, nous mettons toutes les chances de notre côté pour être tranquilles... Nous ne sommes pas déçus, les touristes sont au rendez-vous ! Nous profitons malgré la cohue d'une belle journée à nous faufiler dans les ruelles, sans véritable circuit pré-établi. Et nous succombons largement au charme de cette ville atypique. Venezia tient toutes ses promesses !

Venezia

Nous décidons d'accrocher la caravane sur le dos de Gonzales. Cela nous permettra de bénéficier d'un abris spacieux et fonctionnel pour la suite de notre voyage. Mais au bout de quelques centaines de mètres et malgré la puissance de pédalage de Titi, Gonzales "tire un peu la gueule" et nous abandonnons cette idée pourtant excellente.

Nous achevons donc notre étape italienne sans caravane, par deux journées dans les plaines des régions "Veneto" et "Friuli - Venezia Giulia". Nous profitons une nouvelle fois d'aménagements cyclables qui auront été une des agréables surprises de notre passage en Italie du nord (on insiste, la France a certainement à apprendre de ce point de vue là...).

Au nord, nous apercevons au loin les Alpes, que nous avons lâchement évités (hiver oblige...) et que nous quittons définitivement. Mais nous ne regrettons en rien ce détour tant nous avons apprécié le trajet depuis notre départ.

Ciao les Alpes

Au coeur de la plaine, nous faisons connaissance avec quelques cours d'eau et traversons notamment le fleuve Isonzo qui nous surprend par sa belle couleur bleu turquoise.

Titi et Coco toujours au bord de l'eau

Enfin, nous rejoignons au sud la mer Adriatique que nous longerons les prochaines semaines. Celle-ci nous accueille à merveille au moment de rejoindre Trieste, en nous faisant l'honneur d'un début de coucher de soleil de toute beauté.

Approche de Trieste

Au moment de rédiger les dernières lignes de cette étape italienne, nous résidons à Trieste. Enclavée entre la mer et la Slovénie, cette ville moyenne (200 milliers d'habitants tout de même) n'est devenue entièrement italienne qu'en 1977 (après avoir été un territoire "libre" sous contrôle de l'ONU à partir de 1947).

Notre formidable hôte du soir, Romain (un français installé ici depuis 5 ans), nous explique que la ville à longtemps été le principal débouché méditerranéen du Saint-Empire romain germanique puis de l'Empire austro-hongrois avant son rattachement à l'Italie. Sa position au carrefour des influences latine/italienne, germanique/autrichienne et slave/slovène, ont forgé ici une culture et des traditions très particulières par rapport au reste de l'Italie. L'architecture de style tantôt vénitien, tantôt austro-hongrois, témoigne de cette diversité culturelle.

Nous visitons donc "la plus grande ville italienne inconnue des étrangers" (comme aime l'analyser Romain) dans une ambiance nocturne et printanière. La Piazza dell'Unita d'Italia serait la plus grande place européenne donnant sur une mer. Nous goûtons au Spritz local, à une dernière pizza (pour la route...) et à une double boule de glace à un prix défiant toute concurrence. De quoi nous donner des forces pour s'attaquer au relief bien corsé de cette ville et y admirer son théâtre romain et sa cathédrale perchée sur les hauteurs. Nous croisons au passage James Joyce, célèbre écrivain Irlandais, qui a vécu à Trieste.

Trieste

Jusqu'au bout, l'Italie nous aura séduits par l'accueil chaleureux de ses habitants et la beauté des villes et paysages que nous avons traversés. La "botte" a placé la barre très haute en ce début de voyage. Forts de ces belles rencontres et découvertes, nous nous projetons vers la suite avec un appétit décuplé. Ça roule cool !!!

Ciao Italia !
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Petit coup d'oeil sur le compteur : 2046km


Ils ont égayé notre route. Merci encore à...

· Aux parents de Titi pour le très agréable séjour en leur compagnie dans la magnifique région des Cinque Terre.

· Clelia, Luca, Bianca et Hirmet pour leur accueil et la lutte contre le réchauffement climatique au son d'un opéra italien.

· Naima, Gianluca et leurs amis pour un séjour florentin tout en découvertes culinaires, photographiques et touristiques. Nous nous sommes sentis chez nous, une très belle rencontre.

· Stefania, Marco et Carlo pour nous avoir fait découvrir la ville de Castel del Rio en parfaits VIP. Le repas typique (crostini con pesto al genovese, ravioli,...) et le logement carrément luxueux nous ont comblés. Et longue route au "Bici Castel del Rio" !

· Anna et Stefano pour la visite de Bologne à vélo, l'excellent vin de Verona "création édition limitée 2009" et le récit de leur voyage à vélo au Kirghizstan. Nous avons déjà envie d'y être...

· La serveuse du bar d'Occhiobello pour nous avoir offert quatre pâtisseries. Par simple générosité ou par pitié pour notre dégaine de fin de journée ? Qu'importe, cela nous a touché.

· Lorenzo pour ses conseils avisés, sa connaissance de la région et de l'Italie en général, et pour des échanges passionnants sur les voyages à vélo autour d'une bonne pizza napolitaine !

· Marco et ses deux acolytes Frederico et Chamara pour la dégustation de Pizzoccheri, de chocolat artisanal sicilien et de limoncello maison. Le tout dans un esprit de colocation à discuter rugby, politique et constellations. Une bien belle soirée.

· Adriano pour son hospitalité, sa gentillesse, sa curiosité sur notre voyage et la mise à disposition de sa caravane pour deux jours inoubliables à Venezia. Bon courage Adriano pour tes différents périples cyclotouristiques à venir, et peut-être à bientôt pour visiter l'île Burano en ta compagnie ! Et "bravissimo" à Giosue pour l'excellent café !

· A Romain pour son accueil chaleureux, son enthousiasme contagieux quand il s'agit d'évoquer Trieste et ses précieux conseils pour la suite de notre voyage en Croatie. Une très bonne soirée en sa compagnie. Romain, avec ta maîtrise de quatre langues et vu le nombre de cyclistes qui te sollicitent via warmshower, tu peux te reconvertir aisément en guide touristique !

Dobar dan ! Nous voilà en Croatie depuis ce 27 février 2019. Et c'est désormais officiel, nous ne comprenons plus rien ! Nous commencions à nous habituer aux sonorités italiennes, à l'accentuation de l'avant-dernière syllabe, et nos "grazié" devenaient quasi-automatiques. Et voilà qu'il faut prononcer les C "tss" et les J "y". Et encore, on vous la fait courte, c'est-à-dire sans les accents qui mettent un sacré bazar dans tout ça...

Mais par contre, quelle entrée en matière ! Quelle journée ! Certes le beau temps y est pour beaucoup, donnant toujours plus d'éclat aux choses. Nous vivons en effet la journée la plus ensoleillée et surtout la plus chaude depuis notre départ (au-dessus des 20 degrés). Du coup, Coco enlève les couches et arbore fièrement son cuissard "Le Puy-en-Velay Triathlon" (un peu de pub ne fait pas de mal...).

Coco sort le grand jeu

Mais surtout, la piste cyclable que nous a conseillée notre hôte Romain est un régal. Elle n'est d'ailleurs pas sans rappeler notre entrée en Italie. C'est sur une ancienne voie ferrée que nous frayons Gonzales et Ciraptor sur la douce pente qui nous éloigne de Trieste. Nous enchainons les tunnels cyclables et profitons d'une belle vue sur la vallée formant un canyon sur notre droite. À coup sûr, la journée ne pourrait pas mieux commencer...

La piste cyclable au départ de Trieste

Nous passons en l'espace de 20 km les frontières slovène puis croate. Trois pays traversés à vélo en une demi-journée, c'est suffisamment rare pour le souligner.

Passage des frontières slovène puis croate

La suite n'est autre qu'une succession de routes secondaires offrant des paysages sublimes et une tranquillité à faire envier tous les cyclotouristes du monde. Et on pèse nos mots, preuves en images !

Là, ça roule vraiment trop cool !!!

Le problème avec ce type de journée, c'est qu'elle vous oblige à vous arrêter toutes les 30 secondes pour contempler le paysage ou prendre une photo. Et une fois de plus, nous entrons dans Rijeka à la tombée de la nuit. La mer Adriatique nous réserve toutefois un bel accueil...

Arrivée dans Rijeka

Le seul souvenir photographique que gardera Titi de Rijeka concerne son stade au coucher du soleil. Il faut savoir que Titi voue une sorte d'admiration pour les stades, qu'ils soient champêtres, urbains,... et ce surtout lorsqu'ils sont dotés d'une piste d'athlétisme. Titi justifie son cliché par l'originalité de voir un stade collé à la mer, et vous fait partager sa passion par cette photo dont vous jugerez vous-même l'intérêt...

Stade de Rijeka

Nous quittons sûrement trop tôt Rijeka, 3ème ville du pays en terme de nombre d'habitants, et dont on apprend qu'elle sera la capitale européenne de la culture en 2020. Mais c'est pour mieux découvrir l'île de Krk ! Le hasard nous conduit à nous faufiler derrière le bus du club de football local pour sortir de la ville. Et nous découvrons plus loin le village enclavé de Bakar.

En quittant Rijeka

Nous rejoignons l'île de Krk au moyen d'un pont (gratuit pour les vélos !). Il s'agit là de notre première excursion hors du continent, et nous prenons le temps d'admirer le paysage dès notre arrivée sur l'île.

Instant de contemplation sur l'île de Krk

Une piste cyclable nous fait longer la route principale en direction de la ville de Krk. Les zigzags formés par endroits sont surprenants...

Sujet au mal des transports, s'abstenir !

Bien évidemment, nous suivons les recommandations routières (panneaux ci-dessous) et prenons garde aux autres vélos, aux chevreuils, au vent et surtout aux avions qui manquent part deux fois de nous déséquilibrer. C'est sans compter la dextérité de Gonzales et Ciraptor.

Dans ce chapitre panneaux, précisons que les croates utilisent la couleur jaune pour leurs indications. Si bien qu'en bons français, nous prenons d'abord ces panneaux pour des déviations... Toujours en travaux ces croates !

Les indications routières croates

Nous gagnons la ville de Krk en début d'après-midi. Cette ville de bord de mer s'avère bien agréable, et plutôt tranquille à cette époque. Mais on nous dit qu'elle grouille de touristes l'été venu.

Ville de Krk

Nous traversons ensuite l'île d'ouest en est, et la beauté des paysages nous saute aux yeux. La végétation, faite de champs d'oliviers, de conifères et de forêts de chênes au sortir de l'hiver, donne des couleurs mêlant les teintes de vert et de brun. La présence de nombreuses pierres par endroit vient magnifier le tout. Rajoutez à cela un faible trafic routier et un ciel dégagé, et vous obtenez une après-midi cyclotouristique parfaite !

La traversée de l'île de Krk d'ouest en est

Nous arrivons comblés chez nos hôtes du soir, Tamara et Borna. Ils habitent Vrbnik, une jolie petite ville que nous découvrons plus amplement la nuit tombée, au hasard de festivités "carnavalesques" organisées ce soir-là. Nous suivons ainsi le cortège d'habitants plus ou moins déguisés, au son d'une fanfare bien sympathique ! Il paraît que la fête a duré, mais nous étions bien trop fatigués pour en témoigner.

Une belle soirée à Vrbnik

Nous franchissons de nouveau le pont le lendemain, tout heureux d'avoir pu découvrir l'île de Krk et quelques-uns de ses habitants très accueillants.

Pont reliant l'île de Krk au continent

Sous un ciel plus nuageux qu'à l'habitude, nous longeons la côte en direction du sud, avec pour objectif de rejoindre Zadar pour la fin de semaine. Ce trajet nous offre de beaux paysages, avec la présence remarquable de cerisiers en fleurs. La basse saison nous permet d'autre part de bénéficier d'un flux de voitures largement supportable. Car sur ce tronçon, pas de piste cyclable.

Cap au sud le long de la côte !

Nous passons par Senj et décidons de nous y arrêter, sur les conseils de Borna et pour ne pas subir l'averse annoncée en fin d'après-midi. On s'y amuse comme des p'tits fous en redescendant le chemin qui mène au château surplombant la ville.

Senj

Au moment d'arrêter notre itinéraire croate, nous avions hésité entre longer la côte ou tenter l'aventure dans les terres. En décidant finalement d'emprunter la route du bord de mer, nous pensons avoir fait le bon choix... car la journée suivante est un vrai régal. Bien asphaltée et toujours aussi calme côté circulation (à confirmer juillet-août...), cette route taillée dans la roche des montagnes du "Velebit" offre de magnifiques points de vue sur la mer Adriatique. Entre mer et montagnes, les kilomètres passent facilement. Avec toujours nos cerisiers qui nous accompagnent sur le bord de la route !

La côte croate (suite, à partir de Senj)

La vue sur les îles nous donnent envie d'en découvrir une nouvelle. Nous bifurquons donc sur notre droite pour rejoindre Prizna, d'où part un ferry qui permet de rejoindre l'île de Pag en une quinzaine de minutes.

A bord du ferry pour rejoindre l'île de Pag

C'est le désert cette île ! Nous pédalons dans un paysage lunaire, fait de pierres blanches et de... rien d'autre !

Titi et Coco sur la lune

Nous pourrions croire à une blague ou à un mirage en découvrant ce panneau (nous indiquant un supermarché), tant l'île semble désertée de toute présence humaine.

Promesse d'un supermarché improbable

Le centre de l'île est déjà plus vert, et permet d'admirer les montagnes du Velebit au loin. Grandiose...

Vue sur les montagnes du Velebit au loin

L'île ne manque pas de pierres et les parcelles de terre sont toutes délimitées par des murets formant au loin des lignes qui nous avaient interpellés depuis le continent. La présence de nombreux moutons nous laisse deviner une activité d'élevage importante, notamment pour confectionner du fromage de brebis vendu sur l'île. En entrant dans une fromagerie, nous découvrons que le produit phare est le fromage "Paški sir".

Production et vente de "Paški sir"

Nous poursuivons notre traversée de l'île. Nous réalisons notre chance d'être là, à pédaler sur une route magnifique, en découvrant cette île dont le nom nous était complètement inconnu il y a encore quelques heures.

On en profite un max !

La route nous mène à Pag où nous nous arrêtons boire un verre. Nous en profitons également pour faire le plein d'eau en vue du bivouac à venir (faut bien se laver et faire bouillir la marmite !).

Pag

La recherche d'un coin tranquille pour bivouaquer nous fait longer des marais salants. On produirait donc également du sel sur Pag.

Marais salants

Nous trouvons à nous faufiler entre les bambous qui bordent la route pour y installer notre nid à l'abri des regards. Une bien belle journée s'achève... à condition de ne pas être réveillés en pleine nuit par des moutons !

Présentation de notre appartement du soir

La matinée suivante, nous achevons notre court passage sur l'île de Pag, qui n'aura duré que 24 heures mais dont nous ne regrettons pas le détour. Nous nous délectons des derniers kilomètres sur ce petit bout de terre qui nous aura surpris par son aspect sauvage et bien préservé. L'ambiance ne doit sûrement pas être la même l'été venu, surtout sur cette île où il paraît que la vie nocturne bat son plein. Mais dans l'ensemble, nous imaginions les îles croates beaucoup plus urbanisées du fait de leur attrait touristique. Une belle page de notre voyage, sans aucun doute !

Derniers kilomètres sur l'île de Pag

Nous laissons définitivement les montagnes du Velebit dernière nous et gagnons Zadar dans la journée, en empruntant une partie de "l'eurovélo 8", itinéraire cyclotouristique européen longeant la méditerranée. Nous devrions d'ailleurs revoir ce type de panneau dans les prochains jours.

L'eurovélo 8 passe par là !

L'arrivée à Zadar en début d'après-midi nous paraît propice à une bonne sieste. Coco a visiblement voulu immortaliser cet instant, à l'insu de Titi. Nous nous balladons ensuite dans la ville, le long des ruines romaines aux abords de l'église Saint-Donat.

Sieste et visite de Zadar

Nous assistons surtout au dernier jour du carnaval de Zadar ! Voici en images quelques belles parades costumées.

Le défilé du carnaval de Zadar

Nous avons un petit coup de coeur pour le bus de supporters croates, remémorant la fièvre qui a envahi le pays lors de la coupe du monde de football 2018 (victoire française oblige...). Même Emmanuel Macron a fait le déplacement. Seul détail qui nous chiffonne un peu, la coupe du monde est dans les mains de la Présidente croate Kolinda Grabar-Kitarovic. Ils n'ont pas dû bien comprendre l'issue du mondial.

On est les champions !

Nous n'assistons pas à l'élection de la meilleure troupe et ne pouvons donc vous en donner le résultat. Coco est trop occupée à bosser la suite de l'itinéraire et à dessiner sur son carnet de voyage. Titi se contente de ne rien faire. C'est ça la répartition des tâches dans une équipe de choc.

Ça bosse dur... pour certains !

La journée se termine en beauté, entre coucher de soleil et fête de clôture du carnaval.

Fin de journée à Zadar

Nous attribuons sans hésiter le titre de la pause pique-nique de l'étape croate à la journée suivante. Entre Zadar et Vodice, il fait bon faire une pause. Inutile d'en rajouter, la photo parle d'elle même...

Miam miam au bord de l'eau

Pour la petite anecdote, nous passons ce même jour juste à côté d'une île en forme de coeur, dont la photo sur le panneau nous rappelle celle de la couverture du livre "la Terre vue du ciel" de Yann Arthus-Bertrand. Titi prend donc ce beau cliché, tout content de lui, pour se rendre finalement compte le soir venu que ce n'est pas du tout le même site naturel. Le célèbre cliché du photographe représente le coeur de Voh en Nouvelle-Calédonie... rien à voir avec l'île "Ljubavi". Vexé, Titi jure que nous irons voir le vrai "coeur de Voh". Pour cela, il reste encore quelques tours de pédales à effectuer et une petite pichenette par la voie des airs pour se rendre à l'autre bout du monde... Mais qui sait, la meilleure amie de Coco réside en Nouvelle-Calédonie. Cela fait donc deux excellentes raisons de s'y rendre !

L'île "Ljubavi", le faux coeur de Voh

Nous finissons notre journée dans le très cosy appartement de Damir. Pas de doute, nous sommes bien en Croatie !

Une bonne douche chaude avec des serviettes croates, c'est le pied !

La Croatie comptent huit parcs nationaux, dont peut-être le plus célèbre "Plitvice" et ses lacs sublimes. Si ce dernier était un peu trop éloigné de notre plan de route, nous décidons de faire un crochet au parc "Krka" qui, nous dit on, vaut le détour. Nous quittons donc la côte aux abords de Sibenik pour rejoindre Lozovac, et admirons les belles cascades du Parc.

Visite du Parc Krka

Nous découvrons aussi les vestiges des activités d'autrefois à Krka, comme le lieu où était lavé le linge ou le moulage du blé. Une centrale hydraulique à même été construite, avec un début de fonctionnement daté en 1895. La ville de Sibenik a donc pu jouir de l'énergie électrique bien avant beaucoup d'autres villes en Europe.

Activités d'autrefois à Krka

Bon... c'est pas tout de faire les touristes mais le ciel est menaçant et nous prévoyons de bivouaquer ce soir, on ne doit donc pas traîner pour planter la tente... et oui, il ne fait pas toujours beau en Croatie !

Cherchons dodo au calme près de Krka, si possible sans pluie

Une fois n'est pas coutume, nous privilégions le lendemain un itinéraire à l'intérieur des terres. Une route secondaire nous semble en effet appropriée pour relier le parc national de Krka à Split. C'est donc au calme, et au travers de paysages arides et vallonnés que nous passons notre journée. Nous nous approchons progressivement du massif montagneux du Mosor, signe que notre destination n'est pas loin.

L'aridité de l'intérieur des terres

Nous gagnons ainsi la deuxieme ville croate la plus peuplée en début d'après-midi. Ce qui nous laisse le temps de nous ballader dans le palais de Dioclétien et d'admirer la cathédrale Saint-Domnius, entre autres découvertes touristiques et plaisirs gustatifs !

Split

Les massifs du Mosor puis du Biokovo sont nos compagnons de route de la journée du lendemain. Leurs falaises imposantes dominent ce tronçon reliant Split à la ville de Ploče, située 120 kilomètres plus loin sur la côte. Les villages traversés et la végétation plus luxuriante que la veille rendent les paysages magnifiques. Les plages inoccupées en cette saison nous donneraient presque envie de nous baigner dans cet mer d'un bleu très attirant... Nous avons d'ailleurs parfois l'impression que la route nous y plonge directement !

Direction Ploče !

Comme c'est le cas souvent depuis notre arrivée en Croatie, nous apercevons des peintures sur le bord de la route. Une partie d'entre elles évoque la guerre d'indépendance croate, et met notamment en avant son armée et quelques uns de ses héros. Le conflit reste encore récent (début des années 90) et revient régulièrement dans les propos des locaux avec qui nous conversons. Nous quittons ce pays dans quelques jours et peut-être avons nous le regret de ne pas avoir osé creuser un peu plus le sujet avec eux.

Peintures sur la guerre d'indépendance croate

Bien que conséquente, cette étape de 120 kilomètres ne nous aurait pas posé trop de problème sans un petit détail... Le vent ! En effet, nous devons lutter contre un vent à décorner Gonzales et Ciraptor, en provenance du sud-est (c'est-à-dire notre direction). La propension de ce drapeau à vouloir s'extirper de son mât vous permet de vous faire une idée de la problématique...

Le prochain virage à droite va faire très mal...

Nous arrivons tard et crevés à Ploče... Mais en profitant de quelques très beaux points de vue ! Et rassurez-vous, Gonzales et Ciraptor ont droit à double ration le soir venu pour récompenser leurs efforts. D'autant plus qu'une nouvelle grosse journée, toujours venteuse, les attend.

A l'approche de Ploče

Nous quittons en effet Ploče le lendemain pour rallier Dubrovnik dans la journée, soit 95 kilomètres à parcourir.

Départ de Ploče

Pourquoi ces deux journées marathon nous diriez vous ? Et bien pour arriver à Dubrovnik avant la journée pluvieuse qui s'annonce demain, et pour profiter de 24 heures de repos dans cette ville dont on nous a dit le plus grand bien.

Nous commencons par traverser le canal de Neretva. Des parcelles de terre s'étendent à perte de vue et témoignent d'une activité agricole importante. Il faut prendre de la hauteur sur le flanc des collines dominant cette vallée pour mieux s'en rendre compte.

Activité agricole dans la vallée de Neretva

Quelques kilomètres plus loin, nous montrons deux fois nos passeports. Une fois pour entrer en Bosnie-Herzégovine, une fois pour entrer à nouveau en Croatie ! Et oui, la Croatie est coupée en deux du fait de l'interruption de sa côte au profit du pays voisin, et ce sur une vingtaine de kilomètres. Cette région bosniaque enclavée est appelée "corridor de Neum". Après recherches, cette particularité remonterait à l’année 1699. La République de Raguse (l’ancienne Dubrovnik) décide alors de se séparer de Neum, au profit de la Bosnie, sous occupation ottomane, pour se protéger de l’expansion de sa rivale, Venise.

Petite excursion en Bosnie-Herzégovine

Pour la petite histoire, nous nous étions étonnés d'avoir dû montrer nos passeports en passant une barrière douanière entre la Slovénie et la Croatie. Nous avons depuis appris que la Croatie est certes un pays membre de l'Union Européenne, mais qu'elle ne fait pas partie de l'espace Schengen (du moins pas encore). Précisons également que les croates n'utilisent pas l'euro comme monnaie mais le Kuna croate. Le Monténégro, que nous découvrirons demain, n'est pas membre de l'UE mais l'utilise. Si si c'est possible ! C'est également le cas du Kosovo, état indépendant reconnu par beaucoup de pays (dont la France) mais pas tous et notamment pas par l'ONU. Bref, tout ça pour vous dire que c'est compliqué...

Parenthèse géopolitique fermée, nous longeons toujours notre côte croate. Nous nous demandons combien d'îles avons nous aperçu ces derniers jours, tant elles semblent encore nombreuses aujourd'hui à l'horizon. La Croatie en compterait près de 700...

Et nous apercevons le pont Franjo-Tuđman qui marque l'entrée dans Dubrovnik. Enfin !

Destination Dubrovnik

Nous visitons donc le lendemain Dubrovnik, ville au combien séduisante par ses remparts renfermant de nombreuses églises, palais, et ruelles dans lesquelles il fait bon se perdre. Malgré le temps effectivement maussade voir pluvieux par moments, nous profitons pleinement de cette cité qui nous surprend par son histoire et sa beauté à chaque coin de rue. Nous avons même un peu honte de n'avoir pas entendu plus parler de ce lieu que nous conseillons à tous les voyageurs. Bien que touchée par les bombardements en 1991 (par les forces serbes et monténégrines), Dubrovnik à fait l'objet de tous les efforts de la Croatie mais aussi d'autres pays de la communauté internationale pour se reconstruire.

Dubrovnik

Un vrai coup de coeur pour nous. Surtout du haut des remparts !

Dubrovnik vue d'en haut

Les amateurs de "Game of Thrones" savent sûrement que les remparts, les rues pavés et la vue sur la mer ont servi de décor à cette série médiévale-fantastique, pour représenter notamment "Port-Real", la capitale fictive des sept Royaumes.

Titi aux côtés de Tyrion Lannister

Enfin, Dubrovnik nous aura permis de déguster les spécialités locales à base de produits de la mer, de se reposer et de faire une bonne lessive !

Une vraie journée de repos...

Nous avons particulièrement apprécié notre traversée de la Croatie qui nous était jusqu'alors parfaitement inconnue. Nombreux sont les croates qui nous ont interpellés pour savoir d'où nous venions, et nous poser des tas de questions sur notre voyage. Sans compter les automobilistes qui nous ont encouragés par leurs klaxons. Nous garderons en souvenirs l'accueil chaleureux de leurs habitants et les magnifiques paysages de montagne et de mer (et d'îles !) qui ont fait notre bonheur. Ça roule cool !!!

Bok Hrvatska !
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Petit coup d'oeil sur le compteur : 2814km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Tamara et Borna pour leur accueil simple et chaleureux, la soirée carnaval, le miel de cerisier et les échanges passionnants autour du voyage et de nos pays respectifs.

· Adriana pour son accueil très enthousiaste, sa soupe au chou maison, l'épisode plutôt trippant de la série Black mirror et les petites attentions gustatives au moment de partir.

· Damir pour la mise à disposition de son appartement, la bière du soir, le café matinal sur les pas des courses d'ânes, la découverte des "Burek" au fromage, l'essence de son bateau pour notre réchaud et les souvenirs peints de ses propres mains d'artiste.

· Nellie Tan et George Lee, nos deux sympathiques et curieux singapouriens rencontrés par hasard à Split.

· Alejandra et Julian pour nous avoir offert une douche et une nuit au chaud. Dommage que nous n'ayons pas eu le temps de faire plus ample connaissance.

Dobro jutro ! Nous voilà au Monténégro en ce 10 mars 2019 ! Nous avons hâte de découvrir ce pays. D'une part parce que nous n'en connaissons pas grand chose... et d'autre part parce que nous n'y resterons que 48 heures. Nous ouvrons donc grand nos yeux et nos oreilles dès notre entrée sur le territoire, pour ne pas en perdre une miette.

Entrée au Monténégro

Notre curiosité principale de ce court séjour porte sur les bouches de Kotor ("Boka Kotorska" en Serbe / Monténégrin). Nous les approchons depuis Dubrovnik via une vallée qui nous laisse déjà entrevoir de belles montagnes.

Vallée conduisant aux bouches de Kotor

Nous recollons à la mer et découvrons la ville de Herceg Novi.

Herceg Novi et ses alentours

Nous arrivons ensuite dans les "Boka Kotorska" tant attendues, qui forment 4 golfes surplombés de hautes montagnes à pic. Le soleil de fin d'après-midi arrive à s'immiscer entre les sommets. Ses rayons nous apportent donc suffisamment de lumière pour admirer le spectacle.

Le long de la baie en direction de Kotor

Notre journée se termine à Kotor, ville fortifiée située à l'extrémité est de la baie.

Kotor et ses fortifications, de nuit

L'appel des remparts est trop fort et nous décidons le lendemain à l'aube de nous y attaquer. Précisons que pour nous l'aube c'est 7h... et que le soleil est levé depuis longtemps à cette heure-là (nous sommes désormais bien à l'est de notre chère France, et sans décalage horaire). Pierre-Paul et Victor, deux cyclotouristes français rencontrés la veille, nous ont conseillés ce plan "remparts". "La porte est ouverte, c'est visiblement gratuit", nous ont ils dit.

Une porte entrouverte nous accueille effectivement aux pieds des escaliers de pierres. Elle cache un tourniquet hors d'usage et une table sur laquelle une pancarte indique grossièrement "8€". Personne en vue... Nous passons. Un homme déboule de nul part et nous montre du doigt le panneau, énervé. Nous lui demandons pardon et nous apprêtons à faire demi-tour, gênés d'avoir ignoré "volontairement" l'écriteau. Dommage pour la visite, mais nous ne souhaitons pas payer 16€. L'homme perçoit notre déception et nous fait signe de passer, d'un geste sec, l'air désabusé. Nous attendons d'être sûrs de bien comprendre. Il réitère son geste, nous sommant de nous engager rapidement. Nous obéissons, sidérés et un brin amusés par ce changement brutal de comportement. Naturellement, nous le remercions vivement au passage, d'un "Hvala" que nous maîtrisons désormais à la perfection (même mot utilisé qu'en Croatie).

Pourquoi vous conter cette histoire somme toute assez banale ? Et bien parce que la suite est savoureuse. En redescendant une petite heure plus tard, nous recroisons l'homme qui, avec un grand sourire, nous demande si nous avons apprécié la visite. D'un geste élégant, il offre un bouquet de fleurs fraîchement cueillies à Coralie et nous laisse pour vaquer à ses occupations de "garde-remparts".

Coco, la séductrice de Kotor, et son bouquet de fleurs

La conclusion de cette histoire est triple. La première, c'est que le monténégrin est généreux et galant. La deuxième, c'est que Coco surpasse sa mission de séduction des garde-frontières (voir notre étape 1) pour l'étendre avec succès aux "garde-remparts". La troisième, c'est que le bouquet de fleurs est resté à Kotor, mais qu'il égaie désormais la table sur laquelle nous avons petit-déjeuné.

À part ça, sur les remparts, c'était très joli !

Vue des remparts de Kotor

Les rues de Kotor valent également le coup d'être empruntées, et nous le faisons avec plaisir.

Kotor

Compte tenu des prévisions météo et de la couleur du ciel, nous nous attendons à une suite mouillée. C'est en effet sous un épais couvercle nuageux que nous pédalons toute la journée. Cette chape nous épargne toutefois les averses promises, déversant simplement quelques gouttes à notre départ de Kotor et juste après notre arrivée à Ulcinj. Nous nous estimons donc chanceux, mais ce temps ne nous permet toutefois pas d'apprécier les paysages à leur juste valeur. En effet, nous ne pouvons qu'imaginer les montagnes environnantes, probablement sublimes, et nous nous consolons donc en portant nos regards sur le bord de mer.

Le long de la côte, de Kotor à Ulcinj

Avant d'atteindre Ulcinj, nous passons par la ville de Bar, qui honnêtement ne nous éblouit pas plus que ça (disons le clairement, les villes traversées sont moins attrayantes que les massifs montagneux les entourant). Sa cathédrale "Saint-Jovan-Vladimir", bien repérable de loin, attire tout de même notre attention.

Cathedrale "Saint-Jovan-Vladimir" à Bar

Nous apprenons quelques kilomètres plus tard, au détour d'un rond-point, que le Monténégro organisera la 18ème édition des Jeux des petits États européens (JPEE). Cette compétition, dont nous ignorions l'existence, réunira neuf pays comptant moins d'un million d'habitants : Albanie, Chypre, Islande, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Monaco, Monténégro et Saint Marin.

JPEE 2019, le compte à rebours est lancé : J-78 !

A la veille de quitter le Monténégro, nous regrettons que les deux personnes qui avaient accepté de nous héberger à Kotor puis Ulcinj ne nous aient finalement plus donné de nouvelle le soir venu. Il aurait été intéressant d'échanger avec eux. À défaut, nous avons donc traversé ce pays en vase clos "Titi Coco", sans véritable discussion avec les habitants.

Depuis notre départ, nous avons passé la moitié de nos nuits chez l'habitant, en activant "warmshower" (spécifique aux cyclistes) et couchsurfing (plus large). Outre les économies non négligeables que cela permet, recourir à ses réseaux sociaux nous fait surtout découvrir les pays un peu plus de l'intérieur. C'est donc un petit rendez-vous manqué avec les monténégrins.

Nous passons l'autre moitié de nos nuits sous tente (bivouac ou camping) ou en airbnb / hotels abordables (entre 20€ et 30€ la nuit pour le moment).

Avant de quitter Ulcinj le lendemain, nous prenons le temps de visiter sa vieille ville et admirons la vue qui nous est offerte au petit matin, depuis notre chambre (il y a pire...) ! Adieu la mer Adriatique !

Vieille ville d'Ulcinj et vue sur la mer Adriatique

Notre passage au Monténégro fut court, mais associé à une très belle découverte de Kotor et de ses bouches. Nous avons également retrouvé chez nos amis monténégrins les klaxons et autres exclamations d'encouragement, les regards bienveillants et curieux, les clins d'oeil complices et amicaux, et leur reconnaissance amusée de nous entendre essayer de parler leur langue. Nous reviendrons sans doute, peut-être avec des chaussures de randonnée, car c'est à notre sens un bon moyen de découvrir les joyaux de la "Montagne Noire" des balkans.

Nous fêtons nos 3000 kilomètres juste avant la frontière albane, et des montagnes enneigées nous attendent au loin... belles, mais un peu inquiétantes... la suite au prochain épisode. Pour l'instant, ça roule cool !!!

Doviđenja Crna Gora !
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Petit coup d'oeil sur le compteur : 2987km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Diana et Leonardo, les cyclotouristes colombiers croisés à la frontière, pour leurs sourires, leurs conseils et leur amour du voyage communicatif (2 ans déjà qu'ils sont sur les routes d'Amérique du sud et d'Europe !)

· Pierre-Paul et Victor, les cyclotouristes français croisés à Kotor, pour leur fraîcheur et les échanges en français qui font du bien. On va sans doute se recroiser dans les prochains jours, bonne route à eux !

· Le "garde-remparts" de Kotor, pour sa gentillesse et son romantisme.

Mirëdita ! Le 12 mars 2019, nous entrons en Albanie ! Littéralement, "pays des aigles", d'où le drapeau ci-dessous. Nous nous étonnons d'ailleurs de voir le drapeau européen flotter à côté de ce dernier, et ce plusieurs fois sur notre trajet. La candidature albanaise pour intégrer l'UE y est sûrement pour quelque chose.

Drapeau albanais à la frontière

Une fois n'est pas coutume, notre première journée s'avère assez peu enthousiasmante. Notre impression née au Monténégro se confirme ici dans les villages ruraux traversés. Détritus, chiens errants, habitations sommaires, inachevées voire insalubres,... cette partie de l'Albanie est la plus pauvre, et cela se ressent. Attention aux préjugés hâtifs, attendons de voir... mais nous vous livrons notre sentiment tel que nous l'éprouvons, à chaud.

Nous croisons des écoliers qui nous tapent dans la main et nous demandent en bon anglais d'où l'on vient. Nous ignorons s'ils ont l'habitude de voir des cyclotouristes comme nous, mais ça fait chaud au coeur. Les gens sont curieux, les regards sont bienveillants, et cela est agréable.

La route que nous empruntons pour rallier Lezhë ne l'est en revanche pas du tout. Toute droite, très passante et avec un vent de côté très vigoureux, c'est pas l'extase... Quelques beaux panoramas montagneux au loin relèvent un peu l'intérêt de cette journée.

L'appel des montagnes albanaises...

Nous arrivons à Lezhë dans l'après-midi, contents d'en avoir fini.

Arrivée à Lezhë

Nous passons la soirée au calme, autour d'une bonne pizza et d'une salade grecque (et oui on se rapproche...) dans un restaurant que l'on nous a recommandé. Au calme... jusqu'à 20h35, heure à laquelle une quarantaine d'albanais débarque pour assister à la diffusion TV de l'affiche footballistique du soir : Juventus / Athletico Madrid. L'ambiance monte d'un cran, les esprits s'échauffent, nous passons une soirée finalement animée et plutôt sympathique ! Coco est l'unique femme de l'assemblée, et probablement une des seules à comprendre les commentaires en espagnol. Côté terrain, Ronaldo renverse ce soir-là l'Athletico à lui tout seul.

Nous quittons Lezhë le lendemain sous un beau soleil, en direction de Tiranë (la capitale du pays). Coco nous trouve une petite route secondaire dont elle a le secret, et nous découvrons la campagne albanaise en toute tranquillité. Nous traversons des villages. Nous sommes interpellés sans cesse par des "Hello" amicaux. Nous répondons par des "Mirëdita", et cela amuse les locaux. Nous nous sentons adoptés par les albanais. Et la route est belle...

En direction de Tiranë

Nous gagnons Tiranë dans l'après-midi, après de nombreux efforts demandés à Gonzales et Ciraptor pour nous frayer un chemin dans la circulation quelque peu anarchique... Nous posons devant le grand parc de la ville.

Arrivée à Tiranë

Il aura fallu attendre l'Albanie pour nous arrêter dans une capitale européenne. Après avoir déposé nos sacoches chez notre hôte Serdar (qui a gentiment quitté son travail temporairement pour nous accueillir), nous honorons donc cette ville d'une visite plus approfondie à vélo, avant la tombée de la nuit.

Tiranë

Le hasard a voulu que notre passage ici coïncide avec la "Dita e Verës" (fête de l'été), célébrée dans tout le pays chaque 14 mars (demain) en vue de l'arrivée des beaux jours et du printemps. La ville est donc décorée pour l'occasion.

Tiranë aux couleurs du printemps nouveau

Nous admirons ci et là quelques belles oeuvres d'art, dans les parcs, sur les façades,... Tiranë est inspirée !

L'art au coeur de Tiranë

Au moment de la visite, nous ne nous doutons pas que notre hôte insomniaque Serdar nous fera revenir dans ce coeur de ville à la nuit tombée, pour nous faire découvrir les bars cachés aux ambiances feutrées et "jazzy". Une bien belle soirée à enchaîner les verres de vin rouge et de Rika... pour revenir à la maison pas très frais mais comblés par les discussions au combien enrichissantes avec ce turc d'Ankara, ingénieur en génie civil et expatrié depuis 2 ans à Tiranë pour y construire des autoroutes.

Le dîner et le petit déjeuner en compagnie de Serdar sont autant raffinés que copieux, et nous quittons Tiranë avec l'énergie nécessaire pour les 10 prochains jours !

Petit déjeuner copieux made in "Chef Serdar"

Nous mettons le cap sur Elbasan, où il paraît que la fête de l'été bat particulièrement son plein. En effet, c'est dans cette ville que la "Dita e Verës" a vu le jour. Cette tradition fut ensuite étendue au reste du pays. Un 14 mars, nous ne pouvions pas mieux tomber pour rejoindre Elbasan et c'est avec enthousiasme que nous empruntons une route dont Coco a de nouveau le secret : une magnifique 4 voies ! Gonzales et Ciraptor se régalent et font "péter" le compteur avec un bon 55km/h en plein tunnel, sans forcer !

Loin des itinéraires bucoliques, mais à fond les ballons !

Nous parcourons en un rien de temps les 42km du jour et arrivons à Elbasan juste avant la pluie (la chance nous sourit une fois de plus, pour combien de temps ?...). Nous sommes accueillis dans un petit bâtiment aménagé pour l'accueil de voyageurs "backpackers", et rejoignons ensuite le centre-ville.

Petite déception : nous ne trouvons qu'une sorte de marché aux puces et des attractions de fête foraine. La foule est là mais semble se disperser, et la grande estrade est en train d'être démontée... Aurions-nous loupé la fête en arrivant à 13h ? Visiblement oui... Bon... On se console comme on peut avec une assiette bien garnie et des "Ballokume" en guise de dessert (biscuits typiques de la ville d'Elbasan).

Rassurez-vous, cette assiette est pour 2...

Vous allez dire qu'on ne parle que de nourriture... mais dans un voyage comme le nôtre, "quoi manger ?" et "où dormir ?" sans se ruiner sont des préoccupations essentielles. Et la découverte de la gastronomie locale fait partie des curiosités qu'il ne faut pas éluder !

Pour compléter ce chapitre, évoquons les bars albanais ! Nous sommes séduits par leur ambiance, leur dynamisme, leur décoration toujours soignée et "tendance". Nous passons beaucoup de temps dans les bars depuis notre départ pour écrire, peindre, alimenter ce blog, profiter du Wi-Fi,... et nous trouvons en Albanie d'excellents endroits pour cela. La jeunesse y est nombreuse, les gens semblent heureux et ces lieux tranchent souvent avec les bâtiments moins reluisant qui les entourent. La musique est toujours trop forte, mais elle fait partie intégrante de cette ferveur pour les moments de fête et de détente, à toute heure du jour et de la nuit.

Bar d'Elbasan

La journée du lendemain n'était pas prévue dans notre itinéraire initial. C'est en effet lors d'un comité bilatéral "titicoco", dans un bar de Zadar (Croatie), que nous avons décidé de stopper notre descente vers le sud à Elbasan pour mettre le cap à l'est. La raison ? Aller voir ce qui se cache derriere ce rond bleu sur notre carte routière, appelé "lac d'Ohrid" (du nom de la principale ville qui le borde). Cette étendue d'eau est au carrefour de l'Albanie, de la Macédoine et de la Grèce. Il s'agit du lac le plus profond des Balkans, et l'un des plus vieux du monde avec la Titicaca et le Baïkal. Les albanais que nous avons sondé à son sujet sont unanimes sur l'intérêt d'y faire un tour. Donc cap à l'est !

Nous commençons par longer le fleuve "Shkumbin", au creux d'une magnifique vallée et sous un beau soleil.

En remontant le fleuve "Shkumbin"

Sur notre trajet, nous croisons des ruches et une voie ferrée aérienne plutôt impressionnante.

Points d'intérêt sur la route

Nous croisons également de nombreuses stations de lavage pour les voitures. Les albanais prennent soin de leur auto et l'activité doit être lucrative vu l'abondance de ce type de service au bord des routes, même dans les coins les plus reculés.

Enfin, nous nous étonnons de voir que la longueur de tous les ponts (même les plus petits) est indiquée au mètre près. Cette curiosité nous était déjà apparue au Monténégro. Preuves en image pour notre chapitre "panneaux" !

L'importance donnée à la longueur des ponts en Albanie

Nous pousuivons notre route qui s'élève sérieusement... Nous mettons tout à gauche (les cyclistes comprendrons) et serrons les dents pendant la montée. Nous prenons toutefois le temps d'admirer le paysage.

Côte à 10%, ça se sent !

Notre récompense ne tarde pas à venir, avec une vue splendide sur le lac d'Ohrid. Et dire que nous aurions pu rater ça...

Vue sur le lac d'Ohrid

Nous ne manquons pas une miette de la descente qui nous réserve à chaque virage un panorama à couper le souffle. Une fois au bord du lac, nous trouvons une belle petite chapelle à proximité de laquelle nous posons les vélos, pour honorer la pause pique-nique de cette étape albanaise !

Pause pique-nique au bord du lac

Le ciel se couvre et nous apercevons au loin Pogradec, notre destination du soir.

Approche de Pogradec

Nous passons la soirée dans cette ville au bord de mer soigné, et dotée d'une vue très agréable sur les sommets enneigés. La nuit à venir sera la dernière en Albanie.

Pogradec

Nous prenons la direction de la Grèce le lendemain, en profitant d'un joli lever de soleil et d'une route très agréable jusqu'à Bilisht, dernière ville avant la frontière. Là encore, l'endroit est grandiose. Définitivement, l'Albanie nous aura conquis !

Derniers kilomètres en Albanie

Au moment de publier cette étape, nous relisons nos premières lignes retraçant notre entrée en Albanie. Elles n'étaient pas flatteuses puisque relevant les signes de la pauvreté de ce pays dont nous ignorions tout.

Quelques jours plus tard, la pauvreté n'a pas disparu. Mais nous avons bien d'autres images en tête concernant cette destination peu touristique mais au combien belle et attachante. Nous retenons de ce séjour une agréable soirée dans la capitale Tiranë, des montagnes majestueuses et deux journées mémorables aux abords du lac d'Ohrid. Nous avons également ressenti une certaine complicité avec les albanais rencontrés sur la route, qui ne nous attendaient pas là. Les enfants, surtout, nous auront touchés par leurs francs sourires et leurs infatigables "Hello".

Comme le suggère cette peinture sur une façade d'immeuble à Tiranë, nous voyons désormais l'Albanie différemment. Elle nous aura ouvert l'esprit.

Plus que jamais, après l'Albanie, ça roule cool !!!

Mirupafshim Shqipëri !
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Petit coup d'oeil sur le compteur : 3274km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Serdar pour nous avoir plongé dans l'ambiance nocturne de Tiranë et nous avoir fait découvrir sa passion pour la musique et la gastronomie "albano-turque" dont nous avons bien profité ! Nous avons hâte de découvrir la Turquie après cette belle rencontre.

· Eduart pour nous avoir réservé une place au chaud dans son auberge de backpackers, et ce malgré son absence (et gratuitement). Merci également à sa maman Fatima qui nous a accueillis sur place, et aux trois voyageurs allemands et canadien rencontrés ce soir-là.

Kaliméra ! Nous voilà en Grèce depuis ce 16 mars 2019 ! Nous avons perdu du temps à convaincre le contrôleur de nos passeports que nous venions bien de France à vélo, mais c'est bon, nous y sommes.

Τιμόθεος et Κοραλία en Grèce !

Côté météo, pas grand chose de nouveau depuis notre sortie du territoire albanais quelques minutes plus tôt. Un grand soleil et des paysages qui donneraient presque envie de pédaler...

Premiers kilomètres en Grèce

Quelques changements toutefois à intégrer tout de suite dans notre chapitre "panneaux". D'une part, l'alphabet grec donne un peu plus de charme à notre trajet, mais ça nous nous y attendions. D'autre part, il se pourrait que des ours traînent dans le coin, et ça c'était pas vraiment au programme (d'autant plus que nous prévoyons de bivouaquer).

Les messages codés et les ours nous accueillent chaleureusement

Forts d'une formation suivie pour faire face aux agressions de toutes sortes (la fuite, une valeur sûre), nous passons outre ce dernier panneau et recherchons un lieu approprié pour planter la tente à proximité du village fantôme d'Ανταρτικό (Antartiko).

C'est toujours du sport le bivouac

Par chance, l'unique bâtisse donnant signe de vie est un bar/restaurant qui nous sauve la mise pour manger un bout et remplir nos gourdes. Sans lui, nous aurions été obligés de porter l'étape du jour à plus de 100km au total, et Titi aurait à coup sûr jeté son vélo sur le premier ours venu. Pour la petite histoire, Titi a dû faire 10km "bonus" au petit matin pour aller chercher deux gourdes oubliées à Pogradec...

Au réveil, nous nous racontons nos rêves respectifs. Non pas que ce soit particulièrement notre habitude, mais parce qu'ils nous apparaissent clairs et suffisamment ridicules pour être évoqués. Coco a rêvé d'une station de ski traversée à vélo, Titi d'une sélection en équipe de France de tennis pour le point décisif en finale de coupe Davis (vous jugerez vous même quel rêve est le plus réaliste et/ou ridicule des deux).

Nous nous étonnons de voir une fine couche de gel sur la tente. Le compteur indique 1 degré à 8h, la nuit fut certainement plus froide encore.

Nous enlevons pourtant les couches de vêtements au fur et à mesure des kilomètres. La route grimpe, et la température aussi : 20 degrés à 10h, la journée s'annonce finalement chaude.

Au départ d'Αntartiko

Nous apercevons ci et là quelques amoncellements de flocons, puis des monticules un peu plus imposants de la même poudre blanche, et c'est finalement dans un paysage totalement enneigé que nous poursuivons notre montée, jusqu'à... une station de ski ! Rêve prémonitoire de Coco ! C'est sans doute ça l'instinct féminin... En même temps, en partant d'Antartiko, on pouvait s'attendre à un épisode neigeux, et le nom de ce village prend désormais tout son sens.

De plus en plus de neige... et du ski sur les hauteurs d'Antartiko !

C'est donc tout schuss et en tee-shirt que nous arpentons les derniers lacets du col, dans cet improbable ambiance de sports d'hiver (musique de la station de ski incluse).

Tout schuss !!!

A voir le rêve de Coco se réaliser, Titi contacte Sébastien Grosjean pour l'informer de son impossibilité de jouer la finale, du fait qu'il est actuellement en velo-ski en Grèce. Nous espérons que le sélectionneur ne lui en tiendra pas rigueur pour les prochaines échéances sportives de l'équipe de France.

La suite de la journée ? Une descente de 20km pour rejoindre la première "vraie" ville grecque : Φλώρινα. Vous ne nous en voudrez pas de privilégier à l'avenir l'alphabet latin, donc "Flórina" ! Cette ville grouille de monde dans les cafés à notre arrivée. On est dimanche, et les gens sont de sortie. L'impression donnée est très agréable.

Un dimanche à Flórina

Le compteur indique 30 degrés à l'ombre. Ça correspond déjà plus à notre idée de la Grèce... De quoi se prélasser en terrasse et entamer des ateliers "peinture" pour Coco et "entretien mécanique" pour Titi (si ça c'est pas cliché comme scène... pour toute réclamation féministe, voir avec notre agent).

Chacun son activité sous la chaleur de Flórina

À la différence de Coco qui fait des débuts prometteurs en aquarelle, ne croyez pas que Titi soit un mécanicien hors pair. Au contraire, ce n'est pas trop sa tasse de thé. C'est pourquoi il mise consciencieusement sur la prévention. En assurant régulièrement le serrage de chaque vis et l'entretien de la transmission, il espère retarder le prochain pépin... qui viendra inévitablement, mais le plus tard possible !

Nous laissons dernière nous Flórina et ses sommets enneigées pour continuer notre traversée du nord de la Grèce. Les paysages nous rappellent progressivement notre chère et belle Auvergne...

Comme un petit air d'Auvergne

Nous découvrons successivement les lacs Petron et Vegoritida, depuis des routes secondaires bien entretenues et très au calme. C'est un véritable bonheur d'emprunter un tel itinéraire, sous un soleil radieux.

Vue sur les lacs Petron et Vegoritida

C'est entre ces deux lacs, en amont du village de Kella, que le cours de notre journée bascule. Nous entendons sur notre droite des petits gémissements. Nous ralentissons pour nous retourner. Les cris perdurent et nous font baisser les yeux au sol. Deux chiots abandonnés sur le bord de la route sont en train d'agoniser, enfermés dans un sac plastique. Nous les libérons et constatons leur extrême faiblesse. Ils n'ont à coup sûr pas plus de quelques jours et cherchent de l'air, leur petite langue rose pendante.

Nous les transportons dans ce qui nous sert de bassine pour se laver en bivouac, en espérant trouver de l'aide auprès des habitants de Kella. Nos sollicitations sont vaines. Personne ne souhaite recueillir les deux chiots que nous vous présentons ici, photographiés pendant la pause pique-nique. Le premier s'appelle Kella, du nom de la ville où nous les avons trouvés. Le second Edessa, du nom de celle qu'il nous faut à tout prix rejoindre pour trouver une solution à ces deux orphelins.

Kella (museau noir, aventutier) et Edessa (museau clair, plus "plan plan")

Pas de temps à perdre, direction Edessa, avec nos deux protégés dans le sac / bassine. Notre mission : 42km à parcourir pour les sauver. Le marathon de la survie...

Transport en toute urgence à Edessa

Nous arrivons à Edessa ! Un pharmacien bienveillant accepte de contacter un vétérinaire, qui nous donne exceptionnellement rendez-vous dans deux heures. Deux heures pour maintenir en vie les deux chiots qui crient famine et tremblent de tout leur corps. Les minutes sont longues à la terrasse d'un café.

Courage les ptits gars !

Le vétérinaire et son assistant sont navrés. Il n'y a pas grand chose à faire pour ces petites bêtes souffrant d'hypothermie, tentent ils de nous dire, un peu gênés compte tenu de nos efforts pour les amener jusqu'à eux. Nous comprenons surtout qu'ils n'ont pas de solution de garde... (ou pas de volonté pour cela) et que les laisser entre leurs mains revient à les faire piquer. Ni une ni deux, nous sortons avec les deux chiots sous le bras et achetons de quoi les nourrir comme on peut.

Nous ne le savons pas encore, mais c'est le début d'une longue aventure avec Kella et Edessa. Nous n'avons pour l'instant d'autre choix que de tenter de les transporter avec nous, et probablement jusqu'au 11 avril (date à laquelle nos parents nous rejoignent à Istanbul). Pour les ramener en France ? Ça semble imposible... Mais après tout pourquoi pas ? Affaire à suivre...

C'est donc à quatre que nous poursuivons notre périple. Cette histoire nous aura retardés, et c'est dans le premier champs de cerisiers venu que nous plantons la tente à la tombée du jour. Vous apprécierez tout de même le décor de notre aménagement de fortune, ça pourrait être pire.

Sous les cerisiers au coucher du soleil

Les agriculteurs grecs sont susceptibles de travailler tôt. Nous abandonnons donc nos cerisiers dès 7h le lendemain pour éviter les embettements éventuels. C'est la contrainte du bivouac, et en même temps ce qui en fait son charme. Dormir dans des coins improbables dans l'illégalité (certes "relative" mais tout de même) suppose une prise de risque qu'il nous faut mesurer et assumer. Le petit déjeuner qui suit n'en est que plus appréciable après 20km parcourus à jeun.

Petit déjeuner bien mérité

Une journée de transition nous attend. Dans le langage "titicoco", "transition" signifie "trajet moche et sans intérêt particulier". Tout ça pour vous dire que nous n'avons d'autre objectif aujourd'hui que de rallier Thessaloniki, la deuxième ville du pays, et la mer Égée par la même occasion. Nous y restons deux nuits pour visiter, nous reposer et faire la connaissance de Sumeyye qui nous accueille très gentiment chez elle.

Thessaloniki

Nous profitons d'une visite guidée par Geórgios, un jeune Thessalonicien passionné par cette ville. Nous apprenons qu'une grande partie de cette dernière à été détruite par un incendie en 1917. Nous prenons également conscience de sa riche histoire : romaine, bizantine et ottomane (notamment à travers les vestiges visibles à Ana Poli, la ville haute). Geórgios nous fait l'honneur d'un petit air de Rebetiko joué au mpouzouki (dans le square portant le nom du compositeur Tsitsani), et nous achevons la visite au pied des remparts pour y admirer la vue. Une bien belle journée...

Fin de visite en musique sur les hauteurs de la ville

La journée du lendemain nous fait longer les lacs Koróneia et Vólvi. Le soleil est encore au rendez-vous et la petite route que nous ont conseillés Danis et Athanasia, nos hôtes du soir, s'avère particulièrement agréable.

Le long des lacs Koróneia et Vólvi

Quand l'estomac se fait entendre, nous traversons un champs d'oliviers pour se retrouver au bord du lac. A coup sûr, le titre de la pause pique-nique de l'étape grecque est pour aujourd'hui !

Pause pique-nique au bord du lac Vólvi

La journée suivante, nous poursuivons notre avancée vers l'est en retrouvant la mer Égée. Entre mer et montagnes, c'est parfois presque sur la plage que nous pédalons entre Stavros à Kavala.

Le long de la mer Égée

Comme nous l'avaient prédit Danis et Athanasia, la ville de Kavala est une belle découverte. Nous passons la soirée au coeur de la vieille ville.

Kavala

Depuis quelques jours, l'île de Thásos nous fait de l'oeil sur notre carte routière. Surlignée en jaune et vert, la route suivant les 90km de côtes promet visiblement d'être belle. Sa facilité d'accès depuis un ferry au départ de Kavala finit par nous convaincre. Visiter la Grèce sans découvrir l'une de ses inombrables îles aurait d'autre part eu un goût d'inachevé. Cap sur l'île de Thásos, à 8km de Kavala !

Cap sur l'île de Thásos

Le moins que l'on puisse dire est que nous ne regrettons pas notre choix. Nous passons une excellente journée à pédaler dans un décor paradisiaque. Avis aux cyclotouristes ! L'île de Thásos fin mars, nous recommandons !

Île de Thásos

Le point d'orgue de cette escapade hors du continent est sans aucun doute notre découverte du lagon de Giola. Un bijou naturel dont nous profitons comme il se doit, en nous y baignant ! Bon... soyons honnêtes, la trempette aura duré 30 secondes tout au plus...

Trempette (très) rafraîchissante à Giola

Un tel moment se mérite, et la remontée de Gonzales et Ciraptor jusqu'à la route est plutôt sportive.

Le kilomètre vertical de Giola

L'est de l'île est plus montagneux, et nous oblige à appuyer davantage sur les pédales. Mais là encore, les paysages sont magnifiques.

L'est de l'île de Thásos

Passée la nuit sous tente, Coco la "GPS women" nous emmène découvrir le reste de la côte à travers les chemins. Un choix judicieux qui nous permet d'accéder aux plages, probablement les plus belles que nous ayons vues jusqu'à présent.

Chemin côtier et ses plages

Notre ami Titouan nous fait savoir en direct de Nantes que Citroën proposait des modèles de voiture couleur "bleu thasos". À voir la couleur de l'eau, on peut comprendre... Merci Titouan !

Les "Porto Vathy" et "Marble" Beach attirent notre attention. Elles se situent à proximité d'une carrière d'exploitation du marbre que nous traversons. Des blocs de marbre sont utilisés pour y planter les parasols durant la saison estivale. De quoi s'amuser un peu...

L'exploitation du marbre sur l'île de Thásos

Outre le tourisme et l'exportation du marbre, l'île vit aussi de la culture des olives. Et si les oliviers sont monnaie courante depuis quelques semaines, ceux d'ici nous frappent par leur taille et leur tronc imposant. Après le champs de cerisiers, vous pouvez donc imaginer où nous avons dormi...

Les oliviers majestueux de l'île de Thásos

Retour sur le continent en direction de Xanthi, ville à proximité de laquelle nous traversons la rivière Nestos. Au-delà des montagnes en arrière plan, la Bulgarie n'est pas loin. Les bulgares sont d'ailleurs nombreux à rejoindre la côte grecque à la belle saison pour y passer leurs vacances.

Traversée de la rivière Nestos

Et nous terminons cette journée en beauté, à Porto Lagos. Cette ville est située entre le Lac Vistonida et la mer Égée.

Fin de journée à Porto Lagos

Nous prenons le lendemain la direction de Komotiní. Cette route nous fait passer devant le joli monastère de Saint-Nikolaos (accessible par un pont).

Route en direction de Komotiní

Nous l'ignorions, mais ce 25 mars est le jour de la fête de l'Annonciation en Grèce. On y célèbre la révolution grecque de 1821. C'est donc un jour férié dans tout le pays, et la ville de Komotiní est en émulation.

25 mars, jour de fête nationale en Grèce

Pour nous ce sera plutôt une après-midi studieuse pour peaufiner l'itinéraire à venir, décider d'une stratégie d'obtention de certains visas et se poser la question de l'achat d'une carte SIM ou d'un forfait d'accès à internet en Turquie. Un peu moins solennel et plus pragmatique comme programme...

Nous faisons d'ailleurs un peu "tâches" dans ce paysage de fête nationale. Notre accoutrement de cyclistes voyageurs et le chargement de Gonzales et Ciraptor captent les regards des locaux. Leur curiosité s'accompagne toutefois de gestes amicaux et serviables, pour nous aider par exemple à acheminer les vélos vers l'arrière terrasse de notre bar de "travail".

"Nous n'faisons pourtant de tort à personne, en écoutant pas le clairon qui sonne..."

Notre dernière journée en Grèce nous fait rejoindre la ville d'Alexandroúpoli. Outre les quelques beaux paysages traversés, nous vous proposons de méditer sur ce dernier panneau. Une dernière leçon d'alphabet grec au moment de quitter le pays !

À votre alphabet ! Interrogation écrite...

La traversée du nord de la Grèce ne nous aura bien sûr pas permis d'en explorer tous les joyaux, et il faudra sans doute revenir pour découvrir le sud. Mais la Grèce nous aura tant donné... : la douceur de son climat, la beauté de ses moyennes montagnes du côté de Flórina, l'histoire au combien riche de Thessaloniki, la splendeur de l'île de Thásos,... Plus encore, nous partons d'ici comblés par de belles rencontres humaines. Les grecs nous ont accueillis les bras ouverts, et c'est le coeur serré que nous passons demain la frontière turque.

Nous sommes cependant sensibles au discours quelque peu désabusé des grecs que nous avons rencontrés. La crise économique grecque n'en n'a pas que le nom et se fait concrètement ressentir chez eux. Ils ont l'impression d'être trop taxés (remboursement de la dette oblige), n'ont pas confiance en leurs politiques et déplorent les manques de moyens dans tous les secteurs (notamment les services publics). Nombreux sont les jeunes qui envisagent leur avenir professionnel à l'étranger.

Pour ne pas conclure sur cette note pessimiste, passons à la petite blagounette de ce carnet de voyage ! Il ne vous a pas échappé que la publication de l'étape date du 1er avril. Un poisson s'est glissé dans les lignes de notre récit, et nous vous devons de rétablir une vérité au sujet de nos deux compagnons de route Kella et Edessa. Sensible à notre désarroi et sur les conseils de son assistant, le vétérinaire a finalement passé quelques coups de fil dont nous n'avons pipé mots. À notre grand bonheur, il nous a ensuite tendu son téléphone avec un sourire complice, pour que nous échangions en anglais avec Marie-Elena, la nouvelle mère adoptive des deux petits. Kella et Edessa sont donc en vie. Ils sont restés à Edessa et vivront heureux avec beaucoup d'enfants. Fin de l'histoire... et il n'y aura pas d'adoption de chiots pour nous !

Τα λεμε Ελλάδα

Nous passons demain la frontière turque, porte du Moyen-Orient et du continent asiatique. Cela nous fait rêver, cela nous inquiète, cela nous donne le tournis... Mais l'heure est avant tout au bilan de notre page européenne.

Ces 4000km de route furent un pur bonheur. Hormis notre troisième jour mémorable entre Le Puy-en-Velay et Saint-Etienne, le temps à été particulièrement clément. Pas une goutte de pluie à supporter sur nos vélos en deux mois... Pas de gros pépin mécanique non plus, avec une seule crevaison à déclarer pour Ciraptor qui a eu du mal à quitter Cécile et Xavier du côté de Cavaillon. Dans l'ensemble, nous ne regrettons pas notre choix d'itinéraire, avec cette impression de découvrir des points d'intérêt quasi quotidiennement. Enfin, nous avons plaisir à avancer tous les deux. Le voyage n'est pas un long fleuve tranquille et la fatigue nous gagnent parfois, exacerbant notre potentiel "irritabilité". Mais partager ce voyage en couple nous apparaît comme une chance inouïe, et un moyen de s'entraider dans les moments difficiles.

Forts de ce bilan positif, nous continuons notre trajet en pensant à vous : amis, familles, collègues,... qui nous encouragez de multiples manières. Grâce à vous, ça roule cool !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 4033km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Artemis pour sa spontanéité et pour nous avoir initiés à la musique grecque, en nous jouant notamment du Tsouras.

· Le pharmacien de Flórina, passionné de vélo, pour nous avoir posé des tas de questions sur notre voyage, et pour nous avoir offert un gel hypercalorique en cas de "coup de pompe".

· Marie-Elena pour avoir adopté les deux chiots. Elle fut contactée par le vétérinaire et son assistant (alors même que le cabinet était normalement fermé), eux-mêmes contactés par le pharmacien d'Edessa (sensible à notre détresse). Merci à tout ce petit monde. Une belle histoire de notre voyage.

· Sumeyye pour sa confiance, et pour nous avoir partagé ses connaissances dans de nombreux domaines et sur plusieurs pays (notamment son amour pour la Chine). Les discussions furent profondes, passionnées et passionnantes... Et merci pour la découverte des "bougatsa" à la crème !

· Geórgios pour la visite riche en anecdotes de Thessaloniki, dans un anglais audible et suffisamment articulé. Très appréciable...

· Danis et Athanasia pour ce que l'on peut espérer de mieux après une longue journée de vélo : une douche chaude, une bière, un bon repas, un lit confortable, bref du confort... Merci aussi pour nos échanges sur les voyages, sur nos pays respectifs, et tous les autres sujets que nous avons abordés comme si nous nous connaissions depuis un moment. Enfin, merci d'avoir regonflé nos pneus... et bon anniversaire !

· Nana, la cyclotouriste danoise partie seule de Chine pour rallier son pays à la force de ses mollets. Nous l'avons croisée avec son papa, venu l'accompagner deux semaines. Une sacrée rencontre sur la route... et plein de bons tuyaux pour nous !

· Anthi pour son hospitalité aussi simple que généreuse, qui l'a conduite à nous laisser son lit pour dormir sur un couchage d'appoint à nos pieds... Merci aussi de nous avoir aidés à récupérer l'antivol oublié le matin même à Porto Lagos.

· Simeon pour l'agréable soirée passée en sa compagnie autour d'une bonne omelette. Cet étudiant en médecine nous a accueilli chaleureusement, comme il le fait avec beaucoup d'autres voyageurs de passage entre la Grèce et la Turquie. Nous avons parlé médecine, politique, philosophie et spiritualité. Simeon, si ta demande de stage est acceptée à Clermont-Ferrand, fais nous signe !

· La touchante vieille dame rencontrée à Phères pour nous avoir offert à manger en nous voyant pique-niquer en face de chez elle. Juste avant de franchir la frontière turque, c'est un beau cadeau d'au revoir...

Merhaba ! Nous voilà en Turquie depuis ce 27 mars 2019 ! Les voyageurs à vélo que nous avons sondés au moment de préparer notre itinéraire nous l'ont affirmé : la Turquie doit être traversée, et nous devons prendre notre temps. C'est donc notre projet : profiter de ce grand pays ("grand" à tous points de vue) en lui consacrant deux mois de notre voyage.

À la frontière turque

Après quatre "points de contrôle" qui n'en n'ont que le nom pour nous (aucune fouille contrairement aux camions), nous quittons définitivement l'Union Européenne.

Mais pas encore "l'Europe géographique". En effet, une dernière halte sur le vieux continent nous fait découvrir la ville de Keşan. Notre hôte Gökcan nous y réserve un "accueil turc" digne de ce nom. En une soirée, Gökcan nous donne de nombreux conseils sur notre itinéraire, une leçon de turc pour en maîtriser les mots incontournables et active même ses réseaux pour nous dégoter une solution d'hébergement pour le lendemain soir. En passant, il nous offre notre premier kebab, du çay ("thé" turc) et nous fait découvrir le "peynir helvası" (dessert local).

De quoi nous mettre dans le bain turc (Titi est assez fier de celle-là...) et faire sauter le verrou de notre appréhension qui nous habite toujours au moment de changer de pays.

"Teşekkür ederim" (merci) Gökcan

Notre itinéraire initial nous aurait fait prendre le lendemain la direction d'Istanbul. Mais nos parents nous y rejoignent seulement le 11 avril. Compte tenu de notre avance d'une dizaine de jours sur notre programme, nous préférons entamer la découverte de la côte ouest. Le réseau "d'otokar", ultra-developpé en Turquie, nous permettra de remonter à Istanbul d'où que nous soyons.

Notre objectif du jour est donc de rejoindre Çanakkale, et par la même occasion l'Asie ! Après 120km parcourus entre les mers Égée et Marmara, nous empruntons le ferry qui nous fait changer de continent.

Au revoir l'Europe

Avec un vent dans le dos très appréciable (vive le wind-bike !), c'est vers le sud que nous mettons le cap au départ de Çanakkale, après avoir fait la rencontre de trois de ses étudiants aussi gentils qu'attentionnés.

Au départ de Çanakkale

La route nous fait passer par la ville de Troia (Troie), célèbre pour ses batailles et ses légendes. Nous y rencontrons Achille, Homère, Hector, Hélène, Pâris, etc...

Achille, Coco, Homère, Titi, Hector

Nous oublions de vous dire que le cheval de Troie est resté à Çanakkale... Pour la petite histoire, ce cheval à été confectionné pour le film "Troie" (2004), puis offert à la ville. Désolés, les photos nocturnes ne sont pas encore la spécialité de Titi...

Cheval de Troie à Çanakkale

En direction de Behram, c'est dans un paysage d'une verdure étonnante que nous pédalons. Serdar, notre ami turc rencontré à Tirana, nous avait recommandé cet endroit. Nous y sommes !

Petite pensée pour Serdar sur la route de Behram

La journée suivante est une veille d'élections municipales. Dans toutes les villes traversées, les candidats (et candidates) se montrent sous leurs plus beaux visages sur des affiches immenses (comme ici à Avcılar). Les drapeaux turcs sont de sortie, et les défilés de voitures se succèdent (aux couleurs de leur candidat de coeur).

Demain, ça vote !

D'après les personnes rencontrées depuis notre arrivée, les élections locales en Turquie seraient souvent utilisées pour conforter ou contester le gouvernement en place (comme c'est parfois le cas en France...). Le Président Erdogan suivrait donc de près les résultats des candidats appartenant à sa famille politique (le parti "AKP"). À la tête d'un pays en pleine tempête économique (décrochage violent de la livre turque), il fait du scrutin un plébiscite sur sa personne. L'enjeu politique est donc perceptible ici, dans une Turquie marquée par les manifestations citoyennes fortement réprimées (2013) et par la tentative de coup d'Etat (2016, lui aussi fortement réprimé...).

Passée cette parenthèse politico-économique, nous continuons notre descente vers le sud en longeant la côte. Nous découvrons les villes d'Ayvalik (et son port de pêche) et de Dikili.

Ayvalik et Dikili

Nous empruntons les routes secondaires aux paysages verdoyants et fleuris. Un vrai bonheur.

C'est le printemps !

Seul le vent vient perturber nos journées et oblige Gonzales et Ciraptor à quelques tours d'équilibristes sur la route. Depuis maintenant quatre jours, il nous accompagne en provenance du nord, de l'est, du nord-est,... Il et parfois même tourbillonnant et commence à nous rendre fou. Sans parler des nuits où nous nous voyons décoller avec la tente.

Pas étonnant de voir des éoliennes garnir le paysage et tourner à plein régime. Nous passons d'ailleurs à côté d'un dépôt d'éoliennes. Petite pensée pour Ben, notre ami ponot qui répare les éoliennes et les photographie si bien. Ben, si la Turquie te tente, il y a probablement du boulot pour toi ici !

La Turquie investit dans l'éolien

Nous traversons le lendemain la ville d'Aliağa qui nous séduit par sa piste cyclable de bord de mer (estampillée Eurovélo 8), la première depuis notre arrivée en Turquie. L'aménagement cyclable se poursuit au coeur de cette cité qui nous paraît dynamique, sportive, très propre et en pleine expension (à en voir les nombreux immeubles neufs ou en construction). We love Aliağa !

Aliağa

Malgré les conseils de Berk rencontré à Çanakkale, nous envisageons de rallier Izmir en vélo... pour finalement revenir à la raison 15km plus loin et suivre ses recommandations de prendre le train. Moralité : toujours écouter les locaux au lieu de jouer les téméraires... Le trafic (en particulier les camions aux klaxons assourdissants qui vous frôlent à pleine vitesse) rend la route trop dangereuse. Nous tenons à nos vies et profitons d'un train entre Menemen et Izmir pour parcourir les 35 derniers kilomètres sur les rails. Coco en profite pour faire quelques étirements...

En attendant le train

Nous prenons nos quartiers à Izmir pour deux nuits. Titi se fait rafraîchir la tête par un barbier. Il était temps, car après deux mois de "laisser aller", la barbe mettait à mal son aérodynamisme sur le vélo. Voyez plutôt, ça lui redonne même le sourire ! Mais ça ne lui enlève pas pour autant son beau coup de soleil sur le nez.

Titi new look

Le barbier nous offre le thé et le journal, dans lequel nous apprenons que le parti d'Erdogan est en passe de perdre les municipales dans les 3 grandes villes d'Izmir, Ankara et Istanbul. Pourquoi "en passe" ? Car si pour les 2 premières les résultats sont relativement nets, ceux d'Istanbul le sont beaucoup moins (les 2 candidats ont revendiqué leur victoire, et l'heure est au recompte des voix). Mais le candidat de l'opposition tient visiblement la corde et devrait l'emporter.

C'est en tout cas au coeur de cette riche actualité politique que nous visitons Izmir.

Nous regrettons que la tour de l'horloge soit en rénovation, mais nous nous consolons en explorant le dédale du grand bazar, le bord de mer et les hauteurs de la ville.

Izmir

Sans oublier nos découvertes gustatives du jour : le boza (boisson fermentée à base de céréales) et les Gözleme (grandes galettes fines à la garniture diverse et variée).

Miam miam à Izmir

Nous profitons d'un beau coucher de soleil, et notre promenade nocturne nous fait passer devant la statue de Mustafa Kemal (plus connu sous le nom de "Atatürk" = "père des turcs").

Ballade nocturne à Izmir

Nous croisons le portrait d'Atatürk partout : sur les immeubles, drapeaux, tee-shirts, collés à l'arrière des voitures,... Bien que le nom d'Atatürk ne nous soit pas inconnu, nous sentons qu'il est urgent de nous mettre à niveau... et décidons de visiter le lendemain le musée qui lui est consacré à Izmir (d'autres villes ont également leur musée "Atatürk").

Nous retenons en bref qu'Atatürk est à la fois le héros de la guerre d'indépendance et l'ancien chef d'Etat réformateur (1er Président de la République), à la vision moderne et laïque. Mort en 1938, "le chef éternel" reste de loin la personnalité la plus respectée et adulée du pays. Chaque 10 novembre à 9h05, les turcs observent d'ailleurs une minute de silence pour honorer sa mémoire, à la date et l'heure exactes de son décès. Qu'ils marchent, conduisent, courent après leur métro ou fassent affaire, ils s'immobilisent pour se souvenir. Seuls les sons des sirènes et des klaxons retentissent, le tout sur fond de drapeaux en berne. Ça doit être quelque chose...

En quittant Izmir le lendemain matin, nous découvrons sur notre gauche une immense sculpture du visage d'Atatürk. De quoi en rajouter une couche...

Sculpture du visage d'Atatürk à Izmir

La côte de la mer Égée est toujours aussi belle en direction d'Efes (Éphèse). Elle nous surprend même par ses couleurs printanières, avec une végétation luxuriante se développant dans les sols marécageux du parc "Gebekirse Gölü".

Belles couleurs dans le parc Gebekirse Gölü

Nous ne voyons pas passer les 75km de route et arrivons suffisamment tôt pour visiter la cité antique.

Efes

Quand nous ne nous amusons pas dans les ruines, nous apprenons qu'Efes date de 1000 ans av-JC, et qu'elle fut l'une des villes les plus puissantes de l'époque romaine. Placée sous la protection d’Artémis, elle connut son apogée en tant que capitale de la province romaine d’Asie mineure. Elle devait notamment sa puissance à son port, l’un des plus importants de la mer Égée. Puis, selon les historiens, cette cité aurait été progressivement abandonnée et définitivement désertée au VIIème siècle. Voilà pour nos devoirs de vacances...

Le lendemain, nous nous rajoutons quelques devoirs de classe, cette fois-ci, en allant visiter l'école primaire dans laquelle enseigne notre hôte Ayhan. Ce dernier a insisté pour que nous rencontrions ses élèves, et nous sommes accueillis à bras ouverts par toute l'équipe d'encadrement. Nous sommes un peu l'attraction et les enfants sont intrigués par nos vélos chargés de bagages. Nous vivons un excellent moment d'échanges avec eux.

Élèves de l'école primaire d'Ortaklar (près de Söke)

Coco s'est d'ailleurs faite une copine, et nous quittons l'école avec un sac de noix offertes par sa maman.

Coco et sa copine de classe (à gauche en rose)

Ayhan partage sa passion pour le vélo avec quelques amis de la région. L'un d'eux, Hasan, souhaite également nous rencontrer. Il vient spécialement de Kuşadasi pour prendre le thé avec nous et nous accompagner sur les derniers kilomètres de notre journée. Ayhan, de son côté, nous donne une bonne leçon de nettoyage de vélo et nous offre le gîte et le couvert. Une très belle rencontre que celle de ces deux "fondus" de vélo, aussi attachants que dévoués et généreux.

De très bons moments en compagnie d'Ayhan et Hasan

Ayhan et Hasan nous font de nouveau prendre conscience de notre chance de pouvoir concrétiser notre rêve de long voyage à deux roues. À travers leur curiosité, nous ressentons leur désir de mettre les voiles, mais ils avancent des problématiques financières et d'obtention de visas en tant que turcs. En effet, tout quitter pour voyager demande certes un peu de courage lorsqu'on est français, mais c'est sûrement plus facile que pour de nombreux autres citoyens dans le monde.

C'est donc avec cette responsabilité de "privilégiés" que nous nous promettons d'une part de leur donner de nos nouvelles pour les remercier, et d'autre part de ne pas perdre une miette des beaux moments qui nous sont offerts.

Revigorés par leur toilettage, nous n'arrêtons plus Gonzales et Ciraptor au départ de Söke. Ils nous transportent jusqu'à Milas en passant par le lac "Bafa".

De Söke à Milas

Puis ils mettent le cap sur Bodrum, en longeant la somptueuse côte. Vu la beauté du site, il n'est d'ailleurs pas étonnant d'y voir fleurir quelques hôtels de luxe. Nous atteignons ainsi la pointe sud-ouest de la Turquie (ou quasiment) après 155km parcourus aujourd'hui. Une magnifique étape sur le dos de Gonzales et Ciraptor !... que nous avons un peu poussés dans leurs retranchements pour profiter des lieux avant deux jours de mauvais temps annoncé.

De Milas à Bodrum

Le terme "mauvais temps" est un moindre mal pour décrire les conditions dans lesquelles nous rallions Ören, le lendemain. Nous empruntons une route désertée par les voitures, et prenons de la hauteur en suivant un chemin fôrestier. La pluie ne cesse de sévir. Pour l'instant, nous avons le sourire (désolés pour la goutte de pluie sur l'objectif...).

Ça pleut !!!

Les choses se gâtent quand nous quittons la forêt pour rejoindre notre destination par la grande route. À découverts, nous prenons de face de grandes rafales de vent et devons supporter la pluie battante, et même "fouettante" par moment (telle de la petite grêle). Nous nous vantions d'avoir évité la pluie jusqu'à présent, et bien nous sommes servis aujourd'hui ! Côté moral, inutile de vous dire qu'on en a plein les bottes (et plein les chaussures, d'eau !!!). En arrivant à Ören, notre dégaine détrempée attire l'oeil d'un gérant de pension. Très attentionné, il a l'habitude d'accueillir des cyclistes de passage. Nous passons la nuit dans son établissement, à faire sécher nos affaires...

Pendant notre petit déjeuner du lendemain, la chaîne CNN turque passe en boucle des images de bureaux de vote à Istanbul, où l'on recompte toujours les voix... un sacré bazar cette élection ! Nous verrons ça de plus près, dans 48 heures. Et effet, notre séjour stambouliote approche à grands pas !

Mais il reste à rallier Muğla. Nous le faisons sous un ciel menacant mais sans pluie, et par une route de montagne qui nous donne un avant-goût de l'intérieur des terres turques : tout sauf plat ! Avec pas moins de 1150m de dénivelé positif sur un tronçon d'une vingtaine de kilomètres, les spécialistes approuveront sûrement notre choix de classer ce col en première catégorie (on se laisse un peu de marge pour le "hors catégorie"...).

Ça monte en direction de Muğla

Coco a le sourire au moment d'atteindre le point culminant de cette journée. Une belle performance pour le maillot vert !

Le maillot vert en haut du col 1ère catagorie

Nous arrivons à Muğla dans l'après-midi.

Arrivée à Muğla !

Gülden, Haşim et leurs deux enfants nous accueillent chaleureusement, autour d'un repas délicieux... et copieux ! Nos estomacs se rappelleront à coup sûr du "künefe" (fait maison) servi au dessert : excellent !

Comme à la maison chez Gülden et Haşim

Nous avons convenu avec cette famille qu'elle garde nos vélos pendant notre escapade touristique à Istanbul. Gonzales et Ciraptor sont entre de bonnes mains, et c'est sans nos deux compagnons de route que nous prenons "l'otokar" le lendemain matin. La parenthèse qui s'ouvre a comme un air de vacances... dans nos vacances !

En tant que vacanciers, une halte à Pamukkale s'impose. À 3 heures de route au nord de Muğla, ce site à la roche calcaire est pour le moins singulier et dépaysant. Nous arpentons le "château de coton" (signification de "Pamukkale" en turc) pieds nus et nous nous baignons dans les piscines naturelles d'eau chaude.

"Ça baigne" à Pamukkale !

Outre ce paysage extaordinaire, Pamukkale abrite les vestiges de la cité antique d'Heriapolis. Fondée au IIème siecle av-JC, cette cité se développa grâce à l’exploitation des sources thermales. La beauté du site nous saisit et nous en admirons tous les recoins. Les "vacances" commencent bien...

Heriapolis

La suite se passe dans un autre otokar, et de nuit. Le petit écran du siège de devant ne propose que des films en turc ; le voyage sera long...

Notre arrivée à Istanbul le 9 avril au matin (48h avant nos proches) nous permet de gérer les demandes de visa pour la suite de notre périple. Et oui... fini le voyage "free visa" ! C'est désormais le casse tête pour Titi et Coco, au rythme des démarches administratives et des déplacements dans les différents consulats (aux horaires d'ouverture variables et capricieux...). Il faut montrer "patte blanche" pour obtenir les précieux sésames nous ouvrant les portes des destinations à venir.

Nous profitons ensuite pleinement de la ville pendant une semaine, en commençant par les retrouvailles avec nos parents dans un café.

La famille !

Nous visitons les sites touristiques "incontournables".

Sites touristiques d'Istanbul

Nous nous cultivons "un peu" dans les musées d'archéologie, d'art islamique et de la mosaïque. Nous visitons également la "citerne basilique" (et ses mythes... photo ci-dessous de la Médusa) qui alimentait autrefois en eau tout Constantinople.

Un peu de culture ne fait pas de mal

Nous goûtons à l'ambiance d'Istanbul au hasard de nos déambulations dans le grand bazar, le marché aux épices, le parc Gühlane et les rues pavées.

Découverte du labyrinthe stambouliote et de ses curiosités

Nous assistons à la retransmission du derby endiablé opposant Fenerbahçe et Galatasaray (match nul 1-1), en goûtant au narguilé. Ce jour de match est marqué par les regroupements de supporters qui entonnent des chants à la gloire de leur équipe. Le rattachement de coeur à l'un des trois clubs historiques d'Istanbul (il faut rajouter le Besiktas) est perçu comme une véritable identité, qui dépasse largement les limites du simple rectangle vert. Créées entre 1903 et 1907, ces trois institutions sportives se partagent chaque année le titre au rythme des confrontations passionnées. Le football ici, c'est du sérieux... On ne plaisante pas avec ça.

Jour de derby !

Nous faisons le plein de calories en dégustant des baklavas, loukoums turcs et autres pâtisseries aguicheuses. Notre coup de coeur culinaire reste toutefois le künefe (photo ci-dessous), un dessert découvert à Muğla, fait de fromage fondu entre deux couches de cheveux d'ange revenus au beurre. L'ensemble est grillé au four des deux côtés et servi chaud dans un sirop, souvent saupoudré de pistaches (merci internet pour la description de ce plat, nous n'aurions pas fait mieux...). Côté boisson, nous apprécions particulièrement le salep (boisson chaude à l'extrait d'orchidée).

Une alimentation légère et équilibrée pendant notre séjour

Nous embarquons sur les ferrys pour accéder à la corne d'or et naviguer sur le Bosphore. Nous bénéficions ainsi d'une vue imprenable sur les côtes.

Istanbul en bateau

Nous poussons même notre navigation sur la mer Marmara pour y découvrir les Îles des princes. En bon touristes, nous parcourons une bonne partie de l'île Büyükada en calèche. Dépourvu de voitures, ce bout de terre fait en effet la part belle à ce moyen de transport.

Titi et Coco en calèche

Enfin, nous admirons les lumières d'Istanbul une fois la nuit tombée.

Istanbul by night

Le jour de notre départ d'Istanbul, l'opposant Ekrem Imamoglu est proclamé maire de la ville ; et ce malgré les tentatives menées par Erdogan pour invalider l'élection (il demandait un nouveau vote). Cela marque la fin de cet embroglio politique qui aura duré près de 3 semaines.

Nous finalisons la rédaction de cette étape "Turquie, mers Égée et Marmara" dans le car qui nous ramène à Muğla. Suite à notre séjour stambouliote, plusieurs sentiments nous habitent. Nous sommes évidemment tristes de ne plus voir nos proches pendant un bon bout de temps, et la reprise de notre rythme de nomades va être dure (on se réhabitue vite au confort...). Pour autant, notre soif de voyage reste intacte et il nous tarde d'avancer de nouveau. Nous avons hâte de découvrir la suite du programme turc, en compagnie de Gonzales et Ciraptor qui nous attendent avec impatience pour de nouveau "rouler cool" !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 4973km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Gökcan pour ses nombreux conseils, son rapide cours de turc et pour nous avoir trouvé une solution d'hébergement à Çanakkale. Merci aussi aussi pour le kebab, le çay et le peynir helvası !

· Hilal, Burak et Berk pour l'agréable soirée à Çanakkale, à découvrir la ville et à discuter sport, histoire et gastronomie. Une bien belle rencontre que celle de ces trois étudiants aux petits soins avec nous. Ils auraient souhaité nous accompagner le lendemain sur 25km, mais l'importance du vent ce jour-là en a décidé autrement. Bonne chance à tous les trois pour vos examens de fin d'année, en espérant vous voir devenir professeurs d'anglais !

· Ayhan pour nous avoir ouvert les portes de sa salle de classe, pour avoir remis nos vélos à neuf et pour l'excellent repas partagé avec lui. Merci Ayhan pour ton accueil et ton enthousiasme qui nous ont touchés.

· Haşan pour nous avoir ouvert la route jusqu'à Söke, pour avoir ausculter nos vélos et pour ses conseils avisés sur notre itinéraire à venir. Nous avons suivi ses conseils, et nous ne le regrettons pas !

· Gülden, Haşim, Çağan et Rüzgar pour avoir gardé Gonzales et Ciraptor pendant près de deux semaines, et pour nous avoir accueillis dans leur maison avec une simplicité et une générosité désarmante.

· Nos parents pour nous avoir accompagnés pendant notre semaine touristique à Istanbul. Merci pour leur aide logistique qui leur a valu d'allourdir leurs bagages de cartes routières, d'un filtre à eau, de chaînes de vélo, de sardines pour la tente, de gâteaux bretons, de Saint-Nectaire, de chocolats et de documents administratifs nécessaires à l'obtention de visas. Merci enfin pour leur soutien et leur compréhension relative à nos envies d'évasion (pas forcément faciles à accepter pour eux...).

Merhaba ! Nous revoilà à Muğla en ce 19 avril 2019. Nous sommes à la veille d'un nouveau départ après 12 jours sans kilomètres au compteur. Il est donc temps de reprendre la route... Pour repartir dans de bonnes conditions, nous commençons par changer la chaîne de Gonzales dans le magasin de vélo de Muğla. Nous sommes accueillis comme des rois par son gérant, Şerkan, qui nous change ça "vite fait bien fait" (gratuitement), nous offre le thé et le café, et nous conseille sur notre itinéraire à venir en Turquie. C'est simple, Şerkan en a parcouru toutes les routes principales : il sait donc de quoi il parle. Cette belle rencontre se doit d'être immortalisée en photo. Titi échange son tour de cou pour se mettre aux couleurs turques.

Belle rencontre au magasin "Pedalla" de Muğla

Nous passons ensuite chercher Rüzgar à l'école. Et oui, nous avons été vite adoptés à Muğla. On joue les nounous !

Coco à la sortie des classes

Le lendemain, c'est la reprise ! Nous sommes enthousiastes à l'idée de pédaler à nouveau. Nous le sommes autant que Coco quand elle attend depuis 1h au consulat d'Ouzbékistan à Istanbul.

Coco a la patate !

Les premiers kilomètres sont donc à l'image des panneaux "stop". Il faut remettre en route la machine.

Les panneaux "stop" très encourageants

Nous reprenons tranquillement notre rythme sur une des fameuses 2 x 2 voies, très répendues en Turquie et bien entretenues. Ces routes peuvent paraître dangereuses mais leur large bande d'arrêt d'urgence constitue une belle piste cyclable pour nous. La vitesse est limitée à 90km/h et nous nous sentons relativement en sécurité.

Le réseau 2 x 2 voies très développé en Turquie

Nous ne pouvons évoquer les routes turques sans vous parler des nombreuses voitures de police qui guettent les infractions.

22 !

Bon... En réalité, la police turque fait de nombreuses économies en ressources humaines. Nous nous sommes faits avoir la première fois...

La police veille 24h/24

La curiosité de ce réseau routier, c'est aussi ses fermetures qui bloquent le trafic. Manque de pot pour nous, ça tombe aujourd'hui, à cause d'un convoi exceptionnel de barrières de sécurité.

Patience, blocage en cours...

Ce petit contre-temps nous permet d'admirer la vue plongeante sur la mer Méditerranée. Il y a pire comme lieu pour patienter...

Retrouvailles avec la Méditerranée

Une fois la route débloquée, nous entamons une longue descente qui nous fait passer la barre des 5000km ! Les beaux paysages en direction d'Ortaca sont dignes de ce seuil symbolique enfin atteint. Ils nous font même oublier que cette journée est une reprise... Les 93km passent finalement rapidement : le voyage reprend son cours !

Paysages en direction d'Ortaca

Le lendemain, nous renouons un court instant avec la Méditerranée. À l'approche de Fethiye, nous bénéficions d'une magnifique vue sur les îles.

Vue sur les îles turques

Mais c'est surtout les hauts sommets enneigés qui nous accompagnent au loin.

Ça grimpe au loin !

Cette journée est également rythmée par de belles rencontres avec nos amies les bêtes.

Aujourd'hui c'est 30 millions d'amis !

Nous quittons la route principale en direction de Saklikent. Nous longeons les falaises qui forment plus loin un canyon de 18km de long, d'où coule la rivière "Dargaz Çayi". Nous arrivons suffisamment tôt pour visiter ce site plutôt impressionnant.

Saklikent et son grand canyon !

Déception tout de même... La ballade ne dure finalement que deux minutes, car seuls les 200 premiers mètres du canyon sont accessibles sans équipement.

Nous nous consolons en profitant du camping à proximité. Par rapport au bivouac, le camping veut surtout dire "douche chaude" ! Et ça ça n'a pas de prix... Nous repérons d'autre part un petit restaurant au bord de l'eau, dont le concept "tables sur pilotis" (avec hamacs et canapés à même le sol) nous séduit. Nous y passons la soirée à manger des gözlemes...

The place to be à Saklikent, de jour comme de nuit !

Nous longeons le lendemain matin la rivière "Dargaz Çayi", dans une ambiance champêtre très agréable et sur une route peu empruntée.

La route pour nous tous seuls au départ de Saklikent !

Nous croisons le premier véritable marché de fruits et légumes depuis notre arrivée en Turquie. Nous en profitons pour faire le plein de vivres. À voir les inombrables serres recouvrir la ville de Kinik quelques kilomètres plus loin, nous comprenons d'où viennent ces produits... Et c'est en prenant de la hauteur que nous constatons que toute la vallée s'est spécialisée dans la culture des fruits et légumes.

Des serres à perte de vue dans la vallée

Notre vue se dégage de nouveau sur la Méditerranée, au prix d'un effort important pour venir à bout d'une montée plutôt coriace. La beauté du panorama se prête parfaitement à une pause pique-nique. Nous goûtons nos premiers melons de l'année !

Ça sent l'été !

Alors que nous nous apprêtons à repartir, trois jeunes turcs entament leur pique-nique et nous invitent à le partager. Nous leur expliquons comme nous pouvons que nous venons de terminer. Mais comme d'habitude depuis notre arrivée en Turquie, il est impossible de décliner devant autant d'insistance. Nous trinquons donc ensemble !

Cette scène, nous la vivons très souvent. Les gens nous offrent le thé ou nous apportent de quoi manger. Il n'est pas rare que l'on nous amène un repas complet, et ce de manière très simple, sans détour. L'hospitalité en Turquie n'est pas un moindre mot, elle se traduit en actes concrets de générosité.

Dans ces situations, nous remercions et honorons leurs offrandes. Nous avons ainsi appris à recevoir, ce qui n'est pas si facile que ça dans notre culture...

Énième preuve de générosité des turcs à notre égard

Nous longeons la mer jusqu'au soir, à commencer par la descente sur Kalkan, une magnifique ville qui jouit d'une vue imprenable sur la Méditerranée.

Kalkan, ville de rêve !

Les kilomètres qui suivent justifient à eux seuls notre choix de descendre sur la côte sud turque (longer la mer Noire au nord eut été plus court). En effet, il aurait été dommage de manquer cette route paradisiaque. La côte "Turquoise" porte bien son nom !

La côte sud nous séduit déjà

Nous arrivons à Kaş en fin d'après-midi, et posons la tente dans un camping plutôt insolite : une sorte de grande terrasse ombragée avec vue sur mer. Nous avons même notre plage privative.

Campement original à Kaş

Nous profitons de notre soirée en visitant la ville et son port. De nombreux drapeaux turcs flottent au-dessus de la place principale. Nous n'y prêtons pas d'attention particulière tant l'affichage des couleurs nationales est monnaie courante ici. Nous apprendrons plus tard que ce décor marque la préparation de la fête nationale, qui a lieu tous les 23 avril (c'est-à-dire demain). Pourquoi le 23 avril ? Car c'est la date à laquelle fut inaugurée la première assemblée nationale turque en 1920, après la constitution du gouvernement préparant la guerre d'indépendance. C'est donc la souveraineté nationale que commémorent les turcs chaque année à cette période.

Kaş

Encore tout ignorants de cette histoire nationale, nous contemplons la tombée de la nuit depuis notre tente...

Bien belle soirée à Kaş

Le lendemain, la route s'élève dans la matinée, et ce n'est qu'après 2 heures d'efforts que nous retrouvons la mer en dominant les grandes plages de sable fin.

Plages de sable fin en direction de Demre

Nous traversons des villes où retentit l'hymne national (c'est ce qui nous mettra la puce à l'oreille avant de nous renseigner sur ce jour particulier). L'une de ces manifestations se déroule dans une école et réunit beaucoup d'enfants. Il faut savoir qu'en plus de fêter la Nation, la Turquie célèbre ses enfants aujourd'hui. C'est d'ailleurs peut-être le cas ailleurs puisque l'Unesco a reconnu la "fête des enfants" en 1979 comme étant le jour de tous les enfants du monde.

C'est donc en ces moments de double célébration que nous nous arrêtons à Beymelek pour une pause pique-nique au bord de l'eau (un peu moins solennel comme programme...).

Loin des trompettes et clairons, le meilleur moment de la journée !

À la sortie de la ville, nous découvrons un lagon enfermant les eaux turquoises de la Méditerranée.

À la sortie de Beymelek

La suite est une succession de criques aussi belles les unes que les autres...

Il n'y a qu'à choisir pour piquer une tête...

Nous terminons cette belle journée à Finike, avec vue sur les montagnes enneigées.

Arrivée à Finike

48km suffiront à nous faire rejoindre Olympos le lendemain, toujours avec le beau temps et par une route boisée laissant entrevoir la mer par instants.

La côte et sa verdure en direction d'Olympos

Nous visitons le site antique d'Olympos qui, s'il ne séduit pas autant qu'Efes ou Heriapolis, fait valoir quelques beaux arguments du fait de sa proximité de la plage. Falaises, verdure, plage à perte de vue : nous profitons des grands espaces pendant cet après-midi sans vélo !

Olympos

Olympos, c'est aussi le lieu de passage des baroudeurs, roots, hippies,... Les pensions pour voyageurs jonchent la route principale menant à la plage. Nous passons la nuit dans l'une d'entre elles, perchés dans un bungalow. Outre la simple pension, l'établissement propose des activités de pleine nature telles que l'escalade, le parapente, le canoë-kayak et la plongée sous-marine. Petite pensée pour notre chef Raou qui se reconnaîtra... Ce lieu lui plairait à coup sûr et serait propice à rassembler la tribu !

La "Kadir pansyon" d'Olympos

Comme chaque jour depuis notre départ de Muğla, la matinée du lendemain commence par une jolie grimpette. Et comme toujours, les tentations sont fortes pour prétexter une pause... Voici en images les 3 petits plaisirs proposés sur le bord des routes en Turquie (ou dû moins dans cette région).

La première, ce sont bien sûr les Gözlemes, ces galettes cuites sur une sorte de grand bilig incurvé. Pour ceux qui ne savent pas ce qu'est un "bilig" : se reporter à un dictionnaire breton.

La cuisson des Gözlemes

La deuxième, c'est naturellement le traditionnel thé turc ("çay"). Deux carafes, parfois positionnées l'une sur l'autre, sont chauffées. L'une contient le thé, hyper-infusé, et l'autre l'eau pour diluer le tout. Tout est histoire de dosage... et de nombre de demi-sucres à plonger dedans. Une seule constante : la couleur rouge du breuvage.

Le thé servi très chaud

La troisième, ce sont les fruits pressés. Ici des oranges et des citrons, mais ce peut être aussi des grenades.

Le pressage des fruits

Nous ne craquons pas cette fois-ci devant ces trois tentations, tant le petit déjeuner de la "Kadir pansyon" fut copieux. Une fois la côte gravie, nous mettons le cap sur Antalya en récupérant la route principale. Sur notre droite, de brèves apparitions maritimes nous dévoilent quelques beaux paysages côtiers.

Le bord de mer sur notre droite

Sur notre gauche et devant nous, ce sont les montagnes rocheuses qui se dressent.

Les paysages montagneux en direction d'Antalya

Lors de nos 36h à Antalya, Murat (notre hôte warmshower) nous prend sous son aile à la manière d'un guide touristique attentionné. Outre l'hébergement et toutes les commodités d'usage (lessive, repas, lit confortable, douche chaude,...), il nous fait visiter la ville de nuit, de jour, à pied, en vélo. Il s'offusque de nos tentatives de payer le moindre "çay" et prend toutes nos dépenses en charge : les taxis, restaurants,... Surtout, Murat prend le temps de discuter avec nous pendant de longues heures, sur la Turquie et sur d'autres sujets, et il nous fait découvrir ses bonnes adresses pour y déguster des "pide" (sortes de pizzas en forme de barque), des pâtisseries au tahin (les turcs en sont très friands) et une énorme planche fromage / charcuterie accompagnée de son vin rouge... Nous repartons même avec un pique-nique dans le sac et des plantes à infuser pour nos prochaines soirée de bivouac. Enfin, Murat nous remplace derrière l'appareil photo pour immortaliser lui-même nos bons moments passés ici. Voici donc quelques-uns de ses clichés (copyright Murat !).

Antalya avec "baba Murat" (papa Murat)

Gonzales et Ciraptor ne sont pas en reste et bénéficient également de toute l'attention de "Baba Murat".

Lavage et rinçage de Gonzales et Ciraptor

Nous avons l'impression de nous répéter en évoquant ces moments de rencontres avec nos hôtes. Mais ils constituent pour nous de vrais sas de décompression. Dans les coulisses de ce carnet de voyage, nous passons volontairement sur tous les services que nous rendent les personnes qui nous accueillent. Murat nous a par exemple dégoter une bombe de peinture anti-rouille pour nos porte-bagages, il nous a réparé notre poche à eau et nous a imprimé de chez lui des documents administratifs que la France nous réclament quand elle se rappelle à nous. Sans ces rencontres, le voyage ne serait pas le même. Il perdrait naturellement de son intérêt, mais serait également beaucoup plus difficile tant l'aide de nos hôtes est précieuse.

Nous sommes parfois déstabilisés de recevoir autant sans pouvoir donner en retour. Lorsque l'on met sur le tapis cette gêne, ceux qui nous accueillent balayent la discussion d'un revers de main, en répondant souvent : "pas de problème, ce n'est rien, nous savons de quoi vous avez besoin". Cette empathie nous surprend à chaque fois, et l'élan de générosité qui en découle nous touche profondément.

Nous avons lu de nombreux témoignages de voyageurs avant de partir. Ils faisaient part de ce sens de l'accueil. Mais le vivre est évidemment plus fort.

Sans transiton, les deux journées de vélo après Antalya ne sont pas particulièrement enthousiasmantes. La D400, sur laquelle nous roulons depuis Muğla, est très empruntée sur ce tronçon et présente des paysages urbanisés sans véritable intérêt. Les hôtels 5 étoiles bordent la route à partir d'Alanya, et leur style "tape à l'oeil" peine à se confondre dans une certaine harmonie. Si nous ajoutons à cela les deux mauvaises nuits passées à cause des nuisances sonores (boîte de nuit "pop turque" en plein air et chiens ne cessant d'aboyer...), cela donne de la fatigue...

Un autre élément vient perturber notre idylle : la chaleur ! Et oui... le sud de la Turquie fin avril, ça commence à "cogner". La proximité de la mer nous permet néanmoins de profiter de bains réguliers dans la Méditerranée, et nous n'allons pas nous plaindre de ces sensations estivales.

Trempettes à Gazipaşa et Anamur

Nous découvrons la culture intensive des bananes permise par ce climat. Les grappes sont suspendues le long de la route qui nous fait passer de la région d'Antalya à celle de Mersin.

La culture de la banane entre Antalya et Mersin

A l'approche d'Anamur, la route s'élève et nous éloigne du tumulte des villes. Les efforts sont plus rudes mais ils sont largement récompensés par les beaux paysages qui s'offrent à nous.

Des paysages plus sauvages à l'approche d'Anamur

Mais c'est entre Anamur et Yeşilovacik que nous vivons la journée la plus éprouvante de cette étape "Turquie Mer Méditerranée". Sous la chaleur d'un soleil toujours au beau fixe, nous enchainons les côtes avec des pentes à 15% sur certaines portions. Nos quelques moments de lucidité nous font admirer la prouesse d'avoir construit cette route sinueuse à flanc de falaises. Le spectacle est grandiose...

La route plus que vallonnée entre Anamur et Yeşilovacik

Après une journée comme celle-ci, nous apprécions pleinement notre bivouac au cadre reposant. L'indéfectible hospitalité turque nous vaudra même une nouvelle invitation à dîner.

Soirée de récupération à Yeşilovacik

Nous mettons le lendemain le cap en direction de Mersin. Nous traversons des paysages de plaine offrant de beaux tableaux, riches en couleurs jaune et verte. Comparé à l'étape de montagnes d'hier, ce 1er mai tout plat nous paraît presque chômé ! Nous ne trouvons pas de muguet vendu sur le bord de la route, mais une multitude de barquettes de fraises au rouge aguicheur et au parfum envoûtant.

1er mai tranquille en direction de Mersin

Nous profitons surtout de nos dernières incursions côtières près de la Méditerranée. Nous longeons en effet cette mer depuis la France, et lui tournerons bientôt le dos.

Derniers kilomètres le long de la Méditerranée

Après une dernière nuit à Erdemli, nous atteignons Mersin. Pour la petite histoire, Titi a participé aux Jeux Méditerranéens en 2013 dans cette ville. Il se souvient de chaleurs caniculaires au début de l'été. Nous nous contentons donc de la grisaille qui nous accompagne ce matin.

Vous apprécierez la pose tranquille du chien au premier plan. En Turquie, on nous promettait l'enfer avec des chiens particulièrement agressifs envers les cyclistes. Pour l'instant, nos amis turcs à quatre pattes sont des plus cordiaux (beaucoup plus qu'en Grèce ou en Albanie notamment). Mais nous nous tenons sur nos gardes...

Mersin

Nous ne faisons que traverser Mersin pour retrouver finalement le soleil à Tarsus ("Tarse" en français) quelques minutes plus tard. Des musiciens animent les rues aux sons d'instruments qui nous sont parfaitement inconnus. Les hommes turcs tapent le carton ou jouent une partie de rami turc ou de backgammon. Le muezzin appelle à la prière du haut du minaret de la mosquée "Ulu" (sur laquelle a été érigée une tour horloge).

Musique, jeux et prière à Tarsus

Nous achevons ainsi la rédaction de cette étape "Turquie Mer Méditerranée", au rythme de la vie turque dont nous apprenons les codes et apprivoisons les traditions. Nos dernières lignes s'écrivent d'ailleurs autour du traditionnel Adana kebab. "Adana", du nom de la ville voisine, réputée pour la qualité de ce plat typique et incontournable. Et oui, le kebab n'est pas qu'un vulgaire sandwich !

Dégustation d'un vrai bon kebab !

Au revoir la D400, au revoir la côte sud turque, et surtout au revoir la Méditerranée !

Au revoir la Méditerranée

Mais comme vous pouvez le voir sur la photo, nous avons déjà la tête ailleurs... tournée vers la suite du programme qui s'annonce riche en découvertes ! Demain, ça "roulera cool" vers le nord !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 5960km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Şerkan pour son enthousiasme et son accueil chaleureux au sein de son magasin de vélo. Longue vie à "Pedalla" !

· Aux trois jeunes turc rencontrés sur les hauteurs de Kalkan, pour leur invitation à partager leur pique-nique. Dans le même esprit, nous tenons a remercier toutes ces personnes qui nous ont spontanément offert à boire et à manger :

- le jeune homme et sa famille, ainsi que le chauffeur routier, près d'Avsallar

- la famille, ainsi que les mystérieux dépositaires d'oranges sur nos sacoches pendant la sieste, à Gazipaşa

- le vendeur de bananes, la petite famille, le jeune serveur et le vieil homme de la station service, près d'Anamur

- le couple à Yeşilovacik


· Nicole et Jeremy John, deux cyclotouristes rencontrés à Finike, pour leur passion communicative du voyage et leurs nombreux conseils (ils venaient respectivement de Thaïlande et d'Inde à vélo).

· Murat pour nous avoir consacré tout son temps et toute son énergie pendant 36h. Son accueil et sa générosité nous ont grandement touchés.

Merhaba ! Nous voilà partis à l'assaut de l'intérieur des terres turques en ce 3 mai 2019 ! Nous mettons le cap au nord et laissons la ville de Tarsus derrière nous, par une belle route de campagne.

La campagne sur les hauteurs de Tarsus

Le programme de notre journée doit nous faire passer un col à 1370m d'altitude, situé entre Gülek et Pozantı. Mais la météo ne nous laisse pas cette chance et nous arrête net après 45km parcourus. L'orage gronde au loin et de lourdes gouttes de pluie s'abattent soudainement sur nous. Nous nous jetons sous le premier abris venu : une sorte de kiosque pourvu d'un banc circulaire. Cet endroit nous permet d'attendre l'acalmie en position assise et parfaitement au sec. Ça pourrait être largement pire...

Consultation de la météo sous le kiosque

Notre lieu de replis se situe dans une propriété occupée par la direction générale des forêts (comme l'ONF en France, pensons nous). En turc, cette institution se nomme "Orman Genel Müdürlüğü", soit le sigle "OGM" : quel meilleur nom pour préserver l'environnement ! À defaut de pouvoir pédaler, nous nous délectons au moins de cette petite blague facile.

Deux agents d'OGM nous invitent à boire le thé. Leur directeur nous rejoint plus tard (au centre sur la photo). Dehors, la grêle sévit désormais...

Pendant la tempête, belle rencontre avec une partie de l'équipe d'OGM

Nous sortons les jeux ! Petite pensée pour les collègues de Coco et pour nos amis ponots qui nous les ont offerts. Facilement transportables, ils nous font souvent passer le temps... mais pas forcément nos tempéraments de compétiteurs qui nourrissent immanquablement de belles empoignades.

Malheureusement, la barrière de la langue ne nous permet pas de convier nos hôtes à nos parties de crapette, yams et concept (ce dernier jeu étant coopératif, ça calme un peu les choses entre nous...).

En pleine partie de "concept"

Abdullah, le gardien des lieux, habite une maison à quelques encablures d'ici. Il devance notre préoccupation relative à notre lieu de bivouac. Compte tenu de la ténacité des averses et de l'heure qui avance, il nous invite à dormir ici. Son chef n'en saura rien, nous fait-il comprendre en posant le doigt sur sa bouche en guise de "chut"... Plus tard, nous croyons saisir qu'il a tout de même appelé sa hiérarchie.

Nous nous retrouvons donc à faire cuire nos pâtes dans la cuisine de cette administration. Nous refaisons le monde avec Abdullah autour du thé. Nous lui présentons notre itinéraire et lui montrons des photos des volcans d'Auvergne. Lui nous parle de sa vie ici, de sa préférence pour ce lieu paisible éloigné de la ville, du bon air et de sa joie d'être bientôt grand-père.

Présentation de notre itinéraire à Abdullah

Une fois l'heure tardive, nous nous endormons sur le tapis de la salle de prière...

Nous n'aurons parcouru que 45km aujourd'hui, mais nous nous en fichons éperdument. La bonté dont ont fait preuve tous les agents que nous avons croisés, jusqu'à la confiance qui nous est faite de dormir ici, valent assurément tous les kilomètres du monde.

Et puis, rien ne sert de courir, il faut partir à point ! Notre attente ici nous permet de bénéficier de conditions favorables le lendemain. Nous atteignons Gülek et le col de Kandilsırtı dans la matinée, avec une vue dégagée sur les sommets enneigés du massif des Taurus ("Toros Dağlari").

Ascension du col de Kandilsırtı

Nous traversons des villages colorés, dont la plupart des bâtissent sont recouvertes d'un toit en tôle rouge. Cette couleur tranche avec les teintes fôrestieres et donne davantage de perspectives aux paysages. Seules les mosquées sont coiffées d'un vert pomme tout aussi remarquable de loin.

Les beaux villages en direction de Pozantı

La descente sur Pozantı est des plus belles, dans cet environnement à la verdure foisonnante et dominé par les montagnes rocheuses.

Descente sur Posantı

Une fois Pozantı passée, nous remontons la rivière Kırkgeçit en longeant sur notre gauche la voie de chemin de fer, et en délaissant sur notre droite la route principale et ses tunnels plutôt anxiogènes à vélo. Nous admirons les reliefs abruptes qui surplombent la vallée.

Remontée de la rivière Kırkgeçit

En prenant un peu de hauteur, l'atmosphère est encore plus sauvage. La route serpente entre les blocs rocheux.

Ascension entre les blocs rocheux

Nous retrouvons ensuite sur notre gauche les montagnes enneigées du massif des Taurus, que nous avons contournées. Avec un tel panorama, les kilomètres s'enfilent comme des perles.

Retrouvailles avec les sommets des Taurus sur notre gauche

Plus loin, les paysages se rappellent à notre belle Auvergne (désolés mais quand on aime une région, on a tendance à la voir un peu partout...). Les lignes d'horizon sont plus douces, interrompues ci et là par des crêtes aux dents rocheuses

L'Auvergne turque

Nous atteignons le col de Çaykavak (1600m) sans difficulté, par une route à faible pente et délaissée par les nombreux camions (ils nous ont abandonnés pour suivre la direction d'Ankara).

Ascension du col de Çaykavak

Notre journée prend fin dans la plaine qui mène à Niğde. Nous trouvons un petit coin pour poser la tente à Bahçeli, et nous nous endormons le sourire aux lèvres, riches d'une multitude d'images en tête.

Fin de journée en direction de Niğde

La journée suivante devait être une formalité : une centaine de bornes sans grand dénivelé, avec vent dans le dos. Elle l'aurait sans doute été sans un pneu rapidement à plat. Nous attribuons ce problème à une épine coriace récoltée dans les hautes herbes de notre lieu de bivouac. Égalisation de Gonzales à une crevaison partout !

Surtout, elle l'aurait certainement été sans le premier gros plantage d'itinéraire de notre voyage. Nous avons tout bonnement loupé la bifurcation qui nous aurait mis sur la route de Nevşehir. Coco limite la casse en trouvant des raccourcis en forme de trous de souris.

Passage sous une voie ferrée. Ça passe large !

Nous nous en tirons avec seulement 25km supplémentaires. Nous coupons à travers les champs de pommes de terre et d'oignons, et nous découvrons de belles routes secondaires au milieu de nul part (entrecoupées de quelques villages authentiques sans afflux touristiques). L'imprévu a parfois du bon : la tranquillité !

Le désert turc

Nous retrouvons notre bonne D765 en direction de Nevşevic, pour finalement l'abandonner au profit de la ville de Uçhisar, par laquelle nous entrons dans le "Parc national de Göreme et sites rupestres de Cappadoce". Autrement dit, nous arrivons en Cappadoce (Kapadokya) !

Uçhisar et sa citadelle sur son éperon rocheux

Nous plongeons ensuite sur Göreme, située au coeur de cette région historique et emblématique de la Turquie. Étape incontournable de notre itinéraire, la Cappadoce mérite que l'on y consacre du temps. Nous nous arrêtons donc deux jours et trois nuits dans cette ville aux reliefs troglodytiques caractéristiques.

Göreme (et Uçhisar en arrière-plan)

Le lundi 6 mai marque le début du ramadan. Nous ignorons encore si nos relations avec les turcs observant le jeûne en seront modifiées (les invitations à prendre le thé sur le bord de la route seront sans doute plus rares). En effet, la présence importante de touristes étrangers rend le site de Göreme et ses alentours peu révélateur de ce changement éventuel. Un commerçant maniant magnifiquement le français (pour l'avoir appris à l'école étant jeune... respect !) nous confie qu'il est fatigué de cette première journée de jeûne.

Les heures de lever et de coucher du soleil ne sont pas uniquement guettés par les musulmans pratiquants. Les voyageurs de passage se hâtent aux extrémités du jour et de la nuit pour contempler les lueurs qu'on nous promet exquises du haut de la colline du "sunset view". Nous nous prenons au jeu et arpentons donc les sommets de Göreme dès 5h30.

Le résultat photographique nous semble assez médiocre, et il n'est sans doute pas à la hauteur du courage qu'il nous a fallut pour couper notre sommeil. Le voici tout de même en image, histoire de ne pas s'être levés pour rien !

Levé de soleil du haut de la "sunset view"

Nous déplorons également l'absence des fameuses montgolfières qui s'élèvent traditionnellement au petit jour (la faute à un vent capricieux, nous dit-on).

Outre ces déconvenues de touristes exigeants, l'atmosphère ressentie du haut de cette colline centrale est tout simplement magique au moment où le soleil sort de terre. Et passées quelques minutes, la vallée de l'amour (Görkündere vadısı) se dévoile à la lumière de ses rayons.

La vallée de l'amour au petit matin

Nous passons nos deux jours à nous perdre dans les différentes vallées (vallée rose, vallée rouge, vallée de Zemi,...) de la Cappadoce. Nous frayons notre chemin entre les cheminées de fée qui font tout le charme de ces paysages ô combien singuliers.

La Cappadoce et ses cheminées de fée

Les occasions ne manquent pas de visiter l'intérieur de ces curiosités géologiques, autrefois (et parfois même encore) habitées.

Petit jeu de cache cache dans un pigeonnier, au frais !

La présence de nombreuses fresques nous rappelle (ou plutôt nous apprend, dans notre cas...) que les communautés monastiques byzantines ont aménagé des couvents et des églises dans ces cônes rocheux. Certaines de ces décorations intérieures sont étonnement bien préservées malgré leur ancienneté. Le musée de plein air de Göreme compte de nombreux vestiges de cette vie souterraine (églises, mais aussi réfectoires, cuisines, réserves,...). L'interdiction de photographier les intérieurs ne nous permet pas d'illustrer nos propos. Voici toutefois l'église El Nazar et une habitation près de Paşabaği, vues de l'extérieur.

Église et habitation troglodytiques

Le rythme effréné de nos découvertes touristiques ouvre inexorablement notre appétit. C'est ainsi que nous mettons à l'honneur :

- les "mantıs", véritable spécialité régionale (ravioles fourrées à la viande, recouvertes de yaourt, de sauce tomate, d'ail et de menthe / persil)

- les "Içli köfte", plat typique du Moyen-Orient (boulettes de boulgour farcies à la viande hachée et aux oignons)

Comme vous pouvez le constater depuis notre arrivée, les mets turcs font la part belle à la viande et laissent peu de place à d'éventuelles velléités végétariennes...

Mantis et Içli köfte à notre programme culinaire

C'est donc en tous points rassasiés que nous quittons cet univers hors du temps qu'est la Cappadoce.

Le temps "politique" nous rattrape pourtant. Le haut conseil électoral annule l'élection d'Istanbul. Les réclamations du parti AKP, qui dénoncent des irrégularités dans certains bureaux de vote, sont entendues. Le Président Erdogan se félicite de cette décision. Un nouveau scrutin est prévu le 23 juin. Le feuilleton stambouliote continue !

Fin du flash politique. Nous prenons la direction de Kayseri et traversons la ville d'Avanos, reconnue pour son savoir-faire en matière de poterie.

Poteries en céramique made in Avanos

Nous avons la bonne surprise de retrouver Dara quelques heures plus tard à l'entrée de Kayseri. Ce cyclotouriste anglais de 26 ans, rencontré à Göreme, projette lui aussi de rallier Singapour. Il est parti de Londres en même temps que nous et il se pourrait que nos chemins se croisent de nouveau à l'avenir.

C'est en tout cas une très belle rencontre que celle de ce jeune voyageur à l'humour anglais aiguisé. Dara évoque par exemple ses problèmes d'addiction dans chacun des pays qu'il a traversé ("pâtisseries problem" en France, "coffee and ice cream problem" en Italie, "helvas problem" en Grèce,...). Il n'en demeure pas moins humble et nous confie sa hantise des chiens qui lui ont mené la vie dure en Grèce, son appréhension de bivouaquer seul et son indécision quant à la suite de son itinéraire. Paradoxalement, il est attiré par l'est turc et hésite à s'aventurer dans la région frontalière de la Syrie, avec tous les dangers sécuritaires que comporte cette dernière (nous n'y mettrons en aucun cas les pieds...). Ce sont donc des visions, des préoccupations et des peurs différentes qui se croisent à la lueurs de nos discussions. Naturellement, nous partageons malgré tout les mêmes ressentis sur de nombreux points : la sensation de liberté que procure le voyage, la magie des rencontres, la beauté des paysages qui s'offrent à nous,...

Le pragmatisme "so british" de Dara le conduit à utiliser les applications météo "hyper sophistiquées" et le réseau méconnu des "teachers hôtel" turcs au rapport qualité / prix intéressant. Il nous partage ces bons tuyaux avec une grande simplicité.

Enfin, Dara nous fait mesurer toute la complexité de l'itinérance en solo. La solitude ne permet pas de partager ses joies et de bénéficier de soutien immédiat dans les moments difficiles. Nous percevons toutefois dans son discours que le voyageur seul est potentiellement plus ouvert à la rencontre, et que sa vulnérabilité rend l'intensité de l'aventure probablement plus forte encore. C'est une expérience différente, davantage forgée dans l'introspection et l'analyse de ses propres sentiments. Il est très intéressant d'échanger avec des globe-trotters solitaires comme Dara pour s'en rendre compte.

Pour tout cela, merci Dara. Et bonne route !

Thank you Dara !

À l'image de notre rencontre avec Dara, de nombreuses informations sont échangées via les réseaux sociaux entre les cyclistes provenant des tous les horizons mais dont les trajectoires convergent vers l'Asie du sud-est. Les problématiques de visas, les postes frontières, les astuces et points de réparation de vélo, les routes à privilégier et les lieux de bivouac conseillés sont autant de sujets qui fusent sur la toile et qui nous apportent des informations fraîches et précieuses.

Certains diront que ce type de communication nuit au charme de l'imprévu, d'autres que le voyage est assez dur en lui-même pour se passer de ces bons plans. Nous faisons partie de la deuxième catégorie ! Merci donc à tous les rêveurs à vélo que nous rencontrons "cybernétiquement" et qui mettent actuellement le cap à l'est. Courage les amis, on va y arriver !

Cette parenthèse "solidarité cycliste" fermée, nous déambulons dans Kayseri. La montagne n'est pas bien loin et donne un caractère majestueux à ce lieu qui nous ouvre les portes du coeur de la Turquie. Nous dégustons une çorba (soupe turque) dans un restaurant dépeuplé en ce début d'après-midi (du fait du ramadan) et passons la soirée en compagnie de Dara et d'Ali, un sympathique turc de 18 ans à la maturité suprenante.

Kayseri

Les 3 jours suivants, nous traversons le centre de la Turquie par ses plateaux de moyennes montagnes. Nous relions ainsi Kayzeri à Tokat dans d'excellentes conditions : au calme et sous des températures idéales à vélo. Les paysages sauvages se succèdent et rendent la route très agréable.

Les quelques voitures et camions qui nous doublent usent généreusement de leur klaxons d'encouragements, probablement surpris de voir deux voyageurs emprunter cet itinéraire assez méconnu des cyclistes. Bien que très sympathiques, ces coups de poing sonores nous sortent parfois de notre méditation vagabonde et nous causent des sursauts dont nous nous passerions bien... Mais l'intention de ces conducteurs est bonne et nous leur répondons volontiers d'un signe de la main. Nous n'avons pour l'instant pas à nous plaindre de notre cohabitation avec les véhicules motorisés ; espérons que ça dure...

La moyenne montagne au centre de la Turquie

Notre passage dans cet endroit reculé de la Turquie nous fait surtout vivre l'expérience de regards plus étonnés qu'à l'habitude à notre encontre. Les touristes se font assurément rares à Şarkişla et Yıldızeli. Mais passés ces premiers instants, nous sommes accueillis avec une attention toute particulière qui nous va droit au coeur.

Nos repas pris le soir dans des petits restaurants feutrés de ces deux villes resteront de bons souvenirs. Une fois le soleil couché, les turcs se regroupent autour des tables garnies de plats copieux. L'ambiance reste pieuse et familiale en ce mois de ramadan. Les voix sont discrètes et ténues. Nous nous plaisons à partager ces moments authentiques dans cette Turquie très croyante. Au sortir de notre séjour touristique en Cappadoce, le contraste est saisissant.

Une fois n'est pas coutume, nous goûtons à Yıldızeli une spécialité végétarienne : le Menemen (du nom de la ville située au nord d'Izmir, que nous avons traversée). Ce plat à base d'oeufs, de poivrons, de tomates et d'oignons mérite amplement nos chaudes recommandations !

Le Menemen

En outre, notre soirée à Yıldızeli sera marquée par l'excellente nouvelle de la victoire de Clermont en Challenge Européen. Le hasard du calendrier veut que ce succès sportif retentissant (en toute objectivité...) intervienne le 100ème jour de notre voyage. Les jaunards sont donc à la hauteur de ce cap symbolique. En route vers le bouclier désormais !

Notre objectif à nous, un peu plus terre à mer (elle est facile celle-là...), reste de rejoindre la mer Noire. Nous quittons nos plateaux par une descente qui nous fait perdre 1000m d'altitude. Du col de Çamlıbel (1650m), nous fonçons ainsi sur Tokat (620m) en perçant la vallée sous un ciel menaçant.

Descente sur Tokat

En arrivant à Tokat et avant que la pluie ne s'y installe durablement, nous avons tout juste le temps de lever la tête et d'admirer les cimes rocheuses dominant la ville.

Arrivée à Tokat

Nous visitons plus amplement cette cité de taille moyenne, le soir venu ainsi que pendant la journée du lendemain. Nous longeons la rivière Yeşilırmak qui la traverse et admirons sa tour horloge. La vue imprenable depuis son château accroché aux falaises vaut également le détour.

Tokat

Nous garderons un très bon souvenir de notre passage Tokat, et ce d'autant plus que nous avons une nouvelle fois profité de la solidarité cycliste. Mahmut, que nous avons contacté via le réseau warmshower, n'était pas disponible pour nous accueillir chez lui. Il a donc fait le nécessaire pour que nous soyons hébergés gratuitement dans une pension tenue par son ami Oktay. Un peu gênant comme situation, mais une telle offre ne se refuse pas... Nous avons été très touchés par l'accueil de l'ensemble des employés de la "Doğa pansiyon". Nous avons d'autre part fait la connaissance dans cet établissement de trois professeurs d'université camerounais (francophones), venus dans le cadre d'un échange Erasmus avec l'Université d'Ankara.

Ambiance conviviale à la "Doğa pansiyon"

À en croire notre carte routière, le départ de Tokat doit normalement nous emmener vers de belles contrées fôrestieres au nord, avant de nous faire basculer vers la mer Noire. Les premiers kilomètres vérifient rapidement cette prédiction, et nous atteignons Niksar en ne voyant que du vert. La côte finale de la journée pour atteindre le camping municipal n'échappe pas à la règle. C'est dur mais que c'est beau !

La vie en vert en direction de Niksar !

Les 900m de dénivelé de cette ascension nous laissent largement le temps d'admirer le paysage. Les troupeaux de vaches et de moutons s'immobilisent à notre approche, comme pour profiter du spectacle que revêt le passage de deux cyclistes chargés comme des mules. Puis ils reprennent leurs occupations de ruminants, probablement ennuyés par la lenteur de notre déplacement... C'en est presque un peu vexant... Nous gagnons cependant les encouragements de leur bergers (et bergères) !

Une bergère compatissante !

L'arrivée au camping récompense nos efforts. Et si nous n'avons pas été heureux pour l'instant dans nos choix de campings turcs, celui-ci nous donne entière satisfaction. Douche chaude, électricité, Wi-Fi, table de pique-nique et belle pelouse pour planter la tente : que demander de mieux ! Surtout pour 20 livres turques (environ 3€)...

Enfin un bon camping turc !

Nous poursuivons le lendemain notre ballade bucolique à travers les arbres, et bénéficions de beaux points de vue sur les parties hautes de notre parcours vallonné.

Belle ballade en forêt

Nous entamons enfin notre descente vers la mer dans l'après-midi. Avec plus de 20kg de bagages sur le vélo, les quelques pentes raides demandent de la vigilance, surtout que l'asphalte n'est pas des plus uniformes sur ce tronçon. Gonzales et Ciraptor s'en tirent comme des chefs, et nous arrivons sans encombre au point final de notre étape "Turquie, centre" : la ville d'Ünye, et surtout le bord de la mer Noire !

Titi et Coco au bord de la mer Noire

La traversée de la Turquie du sud au nord nous aura réservés bien des surprises, et tellement de belles rencontres. Nous peinons d'autre part à réaliser que nous avons atteint la mer Noire. Bien que notre voyage soit long et que nous lorgnons des destinations plus lointaines encore, nous ne savons pas de quoi demain sera fait et savourons pleinement ces instants révélant les kilomètres déjà accomplis. L'heure est donc à la satisfaction d'être ici, tout simplement. Demain sera un autre jour, certainement à rouler cool !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 6770km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Toute l'équipe de la direction générale des forêts, près de Gülek, pour nous avoir accueillis dans leurs locaux lorsque l'orage et la grêle sévissaient. Et Abdullah pour nous avoir permis d'y dormir...

· L'homme qui nous a invité à dormir chez lui à Pozantı. Nous avons exceptionnellement décliné son offre car un arrêt ici n'était pas pertinent. Peut-être un rendez-vous manqué... Mais la brève rencontre et cet élan de générosité furent très appréciables.

· Dara, le cyclotouriste anglais rencontré à Göreme puis retrouvé à Kayseri, pour nos nombreux échanges relatifs à nos voyages respectifs et les excellents moments passés ensemble. Rendez-vous à Singapour dans quelques mois !

· Mehmet, le gardien de l'Église El Nazar (en Cappadoce) pour ses massages express délivrés autour d'un thé à la pomme.

· Les nombreux conducteurs qui nous ont transportés en "stop" en Cappadoce.

· Ali, l'étudiant turc rencontré à Kayseri, pour la bonne soirée passée en sa compagnie. Nous lui souhaitons le meilleur pour ses examens et la concrétisation de son projet d'étude à l'étranger.

· Mahmut pour nous avoir fait héberger gratuitement à la "Doğa pansiyon".

· Oktay et toute l'équipe de la "Doğa pansiyon", pour nous avoir accueillis comme des rois.


Ils nous ont spontanément offert à manger et à boire. Merci à :

- l'homme sur le bord de la route près de Gülek

- les deux gérants de station service, le gérant du restaurant et son fils, et la famille nombreuse entre Gülek et Bahçeli

- le vendeur de fruits pressés à Göreme

- le restaurateur près d'Ünye

Merhaba ! Après avoir slalomé dans la partie ouest turque, il est temps de mettre le cap à l'est toute ! Nous commençons ainsi à longer la mer Noire en ce 15 mai 2019. Le soleil est au rendez-vous au départ d'Ünye. La piste cyclable aussi !

Départ d'Ünye

Nous atteignons rapidement la ville de Fatsa, à partir de laquelle la majorité des véhicules s'engouffre dans un tunnel afin d'éviter les serpentins du bord de mer. Nous jouissons donc d'un faible trafic en direction d'Ordu. Cette petite route côtière dépeuplée de pots d'échappement est une aubaine. Et dans un si joli décor, nous n'aurions pris ce tunnel pour rien au monde.

La côte entre Fatsa et Ordu

Depuis les plages de sable fin, nous apercevons une épaisse couche de nuages délicatement posée sur la mer. La masse blanche semble incapable de décoller de l'horizon. Elle empiéte même sur la terre et nous plonge par moments dans une étrange opacité de coton.

Curiosités nuageuses

La mer de nuages gagne progressivement du terrain et couvre entièrement la ville d'Ordu en fin d'après-midi. Un téléphérique nous extirpe de la nappe blanche et permet de le constater vu d'en haut. Nous bénéficions également d'un beau panorama sur l'intérieur des terres, avec ses montagnes vertes elles-aussi engluées dans la brume.

Ordu sous les nuages

À Ordu, nous croisons une maison qui marche sur la tête.

Ne pas retourner votre écran

Nos études supérieures en "sciences et techniques des activités physiques et sportives" (STAPS) nous permettent d'expliquer ce phénomène de renversement. En approchant de l'hémisphère sud, les lois de la pesanteur sont évidemment modifiées et nul doute que nous trouverons d'autres maisons retournées à l'avenir.

Nous établissons cette brillante théorie tard dans la nuit, à la sortie d'un café familial pour lequel nous avons eu un coup de coeur. La bonne musique, l'ambiance relaxante et les pâtisseries au tahin faites maison sont excellentes pour les esprits créatifs et scientifiques.

Café convivial au coeur d'Ordu

Le lendemain, le phénomène climatique décrit précédemment demeure et ne laisse entrevoir que les dessous du couvercle nuageux.

Les villes côtières plongées dans le blanc

La visibilité se dégage progressivement. Les maisons nous dévoilent alors leur rose pastel (couleur très utilisée sur les façades de ce bord de mer).

Les maisons rose en direction de Tirebolu

Les tunnels se multiplient sur notre trajet. Ils percent les montagnes recouvertes d'une forêt toujours aussi luxuriante.

4ème tunnel du jour, sous la forêt vierge

Malheureusement pour nous pauvres cyclistes, ils nous plongent dans un bocal dans lequel les simples voitures sonnent comme des camions, et les camions comme des avions. Nos feux avant et arrière ne suffisent pas à apaiser notre anxiété dans ces moments d'ombre, et nous gaietons impatiemment le retour à la lumière.

Entre ces tunnels éparses, nous profitons tout de même des quelques belles plages à la vue paradisiaque.

Moments de répit entre les tunnels

Nous gagnons dans l'après-midi la ville de Tirebolu. Nous installons nos quartiers dans le "teachers hôtel" de la ville (du réseau "öğretmenevi", de son nom turc). Depuis notre rencontre avec Dara, c'est le 6ème établissement de ce type que nous fréquentons en Turquie. Ceci pour le plus grand plaisir de notre portefeuille et pour un confort plus que correct. À ce propos, petite pensée pour les collègues de Titi qui nous ont offert (entre autre) une enveloppe destinée à financer ces précieux lieux de repos.

L'unique problème de ces hôtels est le mensonge que nous devons délibérément délivrer à notre arrivée, pour préciser notre situation familiale. En effet, il faut être mariés pour demander une chambre double. Nous sommes donc mariés ! Désolés de ne pas vous avoir envoyé de faire-part.

Passé ce désagréable moment, surtout vis-à-vis de gérants très accueillants, nous profitons du bord de mer de Tirebolu. Nous mangeons le soir des "pide" de la taille d'une baguette de pain, et goûtons une pâte à tartiner aux noisettes lors de notre petit déjeuner. La région que nous traversons est en effet spécialisée dans la récolte des noisettes ("fındık" en turc). La Turquie concentre 70% de la production mondiale de ce fruit à coque, la plaçant ainsi dans une situation de quasi monopole.

Tirebolu et sa gastronomie légère

Nos recherches permettent de glaner quelques informations moins reluisantes sur la production de noisettes en Turquie. Ses 600 000 exploitations bénéficient certes d'un climat favorable, mais également d'une règlementation plutôt laxiste : le Code du travail turc ne s'applique pas aux entreprises agricoles de moins de 50 employés. L'été, des dizaines de milliers de travailleurs saisonniers proposent leurs services. En première ligne, quelques 200 000 réfugiés syriens (sur environ 3 millions en Turquie) travaillent sur ces exploitations. Nous prenons notamment connaissance d'un article du "Point", daté d'il y a 15 jours, accusant Ferrero (Nutella) d'exploiter les réfugiés, parfois mineurs, pour récolter les noisettes contre des salaires de misère (sans parler des conditions et horaires de travail). Notre pot n'était certes pas du Nutella, mais son contenant a désormais un goût un peu amer...

La ville de Trabzon est la dernière grande ville turque sur notre itinéraire. Comme c'est le cas ici pour toutes les zones urbaines, l'altitude ("rakim") et le nombre d'habitants ("nüfus") sont précisés à l'entrée (pour Trabzon : 10m d'altitude et 318 000 habitants). Nous retiendrons que c'est en franchissant ce panneau, après presque 2 mois passés en Turquie, que Titi réalise que "nüfus" ne veut pas dire "code postal"... Une véritable révélation pour lui, un bon fou rire moqueur pour Coco.

Trabzon : la révélation

Passée cette petite anecdote, la ville de Trabzon mérite d'être visitée. Nous stoppons donc notre avancée pendant 24h pour arpenter les dédales de cette cité construite sur les pentes des montagnes côtières. Nous trouvons de nombreux drapeaux turcs pour fêter le centenaire du début de la guerre d'indépendance, en mai 1919. Atatürk est ainsi honoré, lui qui mena les troupes à la victoire quelques années plus tard. Des concerts sont notamment organisés pendant ce mois de mai.

Trabzon

L'ancienne église byzantine Sainte-Sophie de Trébizonde, un moment transformée en mosquée puis convertie en musée, vaut le coup d'oeil.

Église Sainte-Sophie de Trébizonde

Nous regrettons cependant que l'axe routier principal ne donne que trop peu d'accès à la mer pour les piétons. C'est une constante le long de la mer Noire : les plages sont finalement assez rares et les villes se voient séparées du rivage à cause d'infrastructures routières. La côte perd ainsi de son intérêt, et Trabzon en est un parfait exemple.

Une partie du bord de mer à Trabzon

Après la noisette, c'est dans la région du thé que nous poursuivons notre route en direction de la frontière géorgienne. Nous en découvrons les nombreuses cultures sur notre droite.

Culture du thé en direction de Rize

Avec pas moins de 2,5kg de thé consommés par habitant et par an, la Turquie est une inconditionnelle de ce produit qui remplaça progressivement le café à partir du début du 20ème siècle. Atatürk, soucieux de préserver l'autonomie de son pays, poussa pour son expension du fait du climat favorable à sa culture en terres turques (contrairement au café qui devait être importé).

La ville de Rize est au centre de cette gigantesque production régionale qui fournit tout le pays. C'est dans cette capitale du thé que nous passons notre soirée, dans le "salon" (préféré au mot "café", contexte oblige...) tenu par Mustafa. Ce commerçant, passionné de vélo, accueille de nombreux voyageurs en leur proposant de loger à l'étage de son établissement. Nous rompons le jeûne en sa compagnie, autour d'un repas copieux.

Repas de ramadan au "Salon Serender"

À la nuit tombée, le Salon Serender est littéralement pris d'assaut par les joueurs. Si certains se divertissent aux cartes, c'est de loin le rami qui est le plus plébiscité par ces hommes. Eh oui, le jeu est une affaire masculine ici...

Le rami, jeu numéro 1 de la soirée

Cette soirée se déroule donc dans un climat convivial, au son des jetons qui s'entrechoquent et des cuillères heurtant les verres de thé. Mustafa sert le breuvage à un rythme effréné, multipliant les allers-retours derrière son comptoir. Seule l'affiche footballistique du soir sort par intermittences les protagonistes de leur concentration. En ce 19 mai, journée officielle de la Jeunesse et des Sports, Galatasaray s'empare en effet du titre de champion de Turquie en s'imposant 2-1 face à Başakşehir.

Galatasaray champion

Passé minuit, nous nous endormons pendant que le thé continue d'accompagner les parties endiablées. Nous avons nous même consommé une dizaine de "çay", sans pour autant que cela nuise à notre sommeil.

Le lendemain, Mustafa est bien présent, comme il nous l'a promis. Les yeux cernés, il tient à immortaliser notre départ matinal. Il sollicite à la hâte le commerçant d'en face qui s'improvise photographe.

Départ du Salon Serender

Notre dernière journée de vélo en Turquie nous fait rencontrer quelques cyclotouristes nourrissant eux aussi des rêves d'évasion vers l'est. Parmi eux, il y a Dietrich, un allemand. Il projette d'aller en Iran puis de revenir chez lui en Allemagne. Sa boucle lui fera repasser en Turquie mais par la côte sud. Son paquetage arrière pèse 50 kg, nous assure-t-il. Dietrich nous pose 1000 questions sur notre itinéraire. Il se rend curieux de notre âge et nous souhaite bon vent, en précisant qu'il ira probablement beaucoup moins vite que nous. Certes... Mais si nous pouvions avoir la même forme à 61ans...

Rencontre avec Dietrich

Pendant nos échanges avec Dietrich, deux bolides nous doublent à une vitesse plus que respectable. Quelques kilomètres plus loin, nous retrouvons les deux ovnis en train de réparer une crevaison. Yanez et Giacomo ont déjà parcouru 4000km en seulement un mois. Ils tirent chacun une remorque construite de leurs propres mains, recouverte de panneaux solaires leur servant à recharger leur batterie. Tout s'explique : l'assistance électrique est le secret de leur rythme soutenu. Nous nous étonnons de voir des skis dépasser de leur chargement. Ces deux italiens nous expliquent alors leur souhait de chausser les spatules pour gravir et descendre les pentes des montagnes qu'ils trouveront sur leur route. Évidemment, ce genre d'énergumènes intrigue et nous nous plaisons à partager un çay avec eux à Hopa, notre destination du jour. Yanez est professeur de ski et souhaite fêter ses 40 ans à Samarcande (Ouzbékistan). Giacomo est photographe et se demande si ces remorques sont une bonne idée, tant elles ne sont pas pratiques pour se garer, éviter les obstacles,... L'ironie qu'ils manient et la malice que l'on peut lire dans leurs yeux font plaisir à voir. Ils nous font surtout prendre conscience que nous ne sommes pas fous. Ou alors, d'autres le sont plus que nous...

Rencontre avec Yanez et Giacomo

C'est sur cette note de fraîcheur italienne que s'achève notre étape "Turquie, mer Noire". Nous en rédigeons les dernières lignes à la tombée de la nuit, dans cette paisible ville d'Hopa dominée par les minarets de ses mosquées. Le muezzin vient d'annoncer la fin du jeûne journalier. Autour, les montagnes trônent majestueusement, et la mer se fait calme. Cet environnement turc de bord de mer commençait à nous être familier, et nous en profitons d'autant plus que nous quittons ce pays demain.

Hopa

S'il n'y a pas lieu de comparer nos destinations, tant chacune d'entre elles regorgent de beautés et de rencontres, nous ne pouvons ignorer le poids du temps. Passer deux mois dans un pays, c'est évidemment plus marquant que de le traverser en 48h...

La Turquie nous marquera donc à jamais. L'hospitalité turque, que nous avons plusieurs fois mise en avant dans nos récits, n'est pas un mythe. Nous garderons en mémoire l'accueil et la générosité hors du commun de ce peuple fier de son identité, de son histoire récente qui l'a conduit vers l'indépendance, et de l'héritage que leur a confié leur père : Atatürk.

Atatürk et le drapeau turc

Nous avons été désarmés par la simplicité avec laquelle les turcs nous ont hébergés, conseillés ou partagé leur repas. Ce sens de l'accueil, de l'ouverture à l'autre, se symbolise aisément par les nombreuses invitations à boire le thé, à n'importe quelle heure et jusque dans les coins les plus reculés. Qu'est ce qu'on en aura bu de ce çay...

Le çay comme lien social

Enfin, nous repartons de Turquie avec des trésors plein les yeux. L'incontournable Istanbul, la somptueuse côte turquoise, l'inimitable Cappadoce et les verdoyantes montagnes du nord nous ont comblées par leur beauté singulière et authentique.

Bref, en Turquie, ça a vraiment "roulé cool" !!!

Hoşça kal Türkye
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Petit coup d'oeil sur le compteur : 7210km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Mustafa pour nous avoir ouvert les portes du Salon Serender, et pour nous avoir fait vivre une authentique soirée au rythme des parties de rami. Nous nous souviendrons surtout du thé coulant à flots, et de son accueil chaleureux dans la capitale du çay. Longue vie au Salon Serender !

· Les cyclotouristes Dietrich, Yanez et Giacomo pour nous avoir apporté un vent de fraîcheur lors de notre dernière journée en Turquie. Cela fait du bien de partager nos conditions de voyageurs au long cours. Merci donc pour ces échanges, et bonne continuation dans la suite de vos périples.

Gamardschoba ! Nous voici en Géorgie en cette belle matinée du 21 mai 2019. À peine la frontière franchie, Coco est déjà adoptée par un géorgien qui veut absolument se faire photographier avec elle. Cela promet...

Le drapeau aux cinq croix flotte désormais au-dessus de nous, symbole de ce petit pays qu'il nous tarde de découvrir. D'autre part, la présence d'une église marque le changement de religion dominante par rapport à la Turquie. Le christianisme (orthodoxe) est ici religion d'État. Elle compte plus de 80% de fidèles.

Coco et son 1er fan géorgien, à la frontière

Après l'alphabet grec, nous nous frottons dès notre arrivée à l'alphabet géorgien. Heureusement, la traduction en écriture latine est de mise, comme sur ce panneau d'entrée dans Batumi.

Premier contact avec l'alphabet géorgien

Batumi se caractérise par son agréable bord de mer et son architecture moderne (presque futuriste). Sous une chaleur estivale, le cadre est apaisant, les pistes cyclables nombreuses et les pelouses propices à une bonne sieste sous les arbres !

Batumi

Les constructions "tape à l'oeil" et les quelques beaux hôtels de cette station balnéaire tranchent avec les habitations dans lesquelles vit la majorité des habitants. Nous sommes accueillis chez Tate, une géorgienne de 26 ans. Elle vit dans un humble quartier où les gens se parlent et où les portes sont ouvertes. Il est impossible d'aider Tate qui tient à nous préparer le repas seule. Elle revient souriante avec des pommes de terre sautées. Nous n'en n'avons pas mangé d'aussi bonnes depuis longtemps... Nous trinquons au vin produit par son grand-père, et entamons de nombreuses discussions autour de la Georgie, de la France, et d'autres sujets qui rendent cette soirée passionnante.

Le lendemain, il pleut, il pleut, il pleut... dans la vallée où coule la rivière Acharistskali. Nous passons deux longues heures à attendre sous un abris de bus.

Patience forcée sous l'abris de bus

Nous étions prévenus. Notre fiche pays "Géorgie" la plaçait en première place des choses que nous n'aimerions sans doute pas ici. "Elle", ce n'est pas la pluie mais l'insistance des géorgiens à nous faire boire leur alcool fort local, appelé "Tchatcha". La victime ? Titi. Le bourreau ? Mamuka. Ce géorgien, sorti d'un bus faisant la navette jusqu'à Batumi, aura assuré notre baptême d'alcoolémie. Car même Coco en aura bu une gorgée. Compte tenu de la carrure du bonhomme, il aurait été inconscient de refuser, sous peine de le vexer... et glou et glou et glou...

L'hospitalité à la manière Mamuka

Notre abris de bus attire visiblement les rencontres, même les plus improbables. Un couple de nantais (ville chère à Coco) débarque quelques minutes plus tard, recouvert de capes de pluie. Leur voyage va durer un an. Il a faillit ne pas débuter car leurs vélos ont pris feu à l'aéroport de Madrid... Et après 3 mois passés sur de nouvelles montures en Colombie, les voici en vadrouille en Géorgie. Quatre trimestres, entrecoupés de retours en France, leurs feront également visiter le Tadjikistan et la Birmanie.

Des nantais en Géorgie !

Le temps se dégage progressivement pendant que nous remontons la vallée en direction de Khulo.

Vallée de l'Acharistskali

Nous terminons notre journée à Shuakhevi, dans une guest house très appréciable. Les trois générations d'une même famille vivent ici sous le même toit et proposent des chambres à l'étage. Roma, le chef de famille, est policier. Il travaille dans les parages mais aussi parfois à Batumi (notamment l'été, du fait de l'afflux touristique sur la côte). En parallèle de son métier, il aime plus que tout recevoir des gens, échanger avec eux et leur partager ses productions locales. Il nous offre du vin dont il loue la qualité et l'authenticité. Garanti bio, il serait à la hauteur des 9 000 ans d'histoire commune entre la Georgie et la viticulture. Ce pays en serait même le berceau, nous glisse-t-il fièrement. Outre l'excellent vin et le pain chaud sorti du four, de nombreux fruits et légumes sont cultivés par toute la famille. Nous goûtons par exemple un jus de raisin, un jus de coing et de la confiture de fraise "made in Roma's House".

La "Roma's House" prend soin de nous !

La pluie nous impose une journée de repos à Shuakhevi, mais nous ne le regrettons aucunement. Elle nous permet de converser avec Roma et de rencontrer Wolfhard, un cyclotouriste munichois avec qui nous partageons le logement. Surtout, cette journée maussade nous donne le droit de ne rien faire : chose que nous avons du mal à accepter de par nos tempéraments un peu trop fougueux... La fatigue commence à se faire sentir, c'est indéniable et finalement assez logique après presque 4 mois de voyage. C'est donc une journée "off" plus que bénéfique, que nous utilisons pour décrypter le programme de nos chers candidats à l'élection européenne de dimanche (devoir citoyen oblige !).

Le lendemain, nous ambitionnons de passer le col Goderdzi (2025m). Nous poursuivons ainsi notre remontée de la vallée jusqu'à Khulo, sous un beau soleil matinal.

La vallée verte en direction de Khulo

Les choses se compliquent ensuite, du fait de la route qui n'en est plus une. Les 30 derniers kilomètres d'ascension se font sur une piste d'abord roulante, puis boueuse, puis cabossée de toute part. C'est parti pour une ascension tout-terrain ! Les vaches nous accompagnent pendant cette montée qui nous ouvre les portes des monts du sud Caucase.

Ascension du col Goderdzi

Le ciel s'assombrit et la pluie nous rattrape même à 3km du sommet. Ça sent pas bon du tout... Nous enfilons les vêtements imperméables et atteignons le col en priant pour qu'aucun orage ne gâche la suite du programme. Premier passage du voyage au-dessus des 2000m !

Au sommet du col Goderdzi

Nous rencontrons deux cyclotouristes slovaques venant de l'autre versant. Par miracle, ils ramènent avec eux le beau temps. La descente nous offre des paysages magnifiques.

Descente du col

Nos amis slovaques nous ont alertés sur la traversée d'une rivière un peu coriace... En effet, nous n'y échapperons pas. Les pieds dans la "flotte", et en route Gonzales et Ciraptor !

Bain de pieds revigorants

Après 50km de VTT qui auront soumis à rude épreuve nos deux compagnons de route (et leur chargement), l'asphalte nous apparaît comme une bénédiction.

Retour de la bonne route comme on les aime !

La fin de journée nous fait rejoindre la ville d'Akhaltsikhé. Nous avons parcouru 100km pour apercevoir enfin son château fort au loin. Nous visitons l'intérieur de cette forteresse imposante, une fois la nuit tombée. Bien rénovée et pouvant manquer "d'authenticité", ce lieu en accès libre demeure très agréable malgré tout et donne du cachet à cette cité.

Akhaltsikhé et sa forteresse

Une telle journée nous donne évidemment carte blanche pour refaire le plein d'énergie. Nous nous attaquons donc à 3 spécialités géorgiennes que sont les "khachapuri" (sorte de pizza, pâte chaude garnie de fromage et d'oeuf), les "pelmeni" (pâte fine cuite farcie de viande hachée) et les "soko kecze" (champignons au four garnis de fromage).

Découvertes de spécialités géorgiennes

Nous roulons le lendemain le long de la rivière Koura. Nous sommes conquis par la beauté des moyennes montagnes qui dominent cette vallée. Nous ne nous lassons pas de cette verdure, omniprésente depuis notre arrivée en Géorgie.

Vallée de la rivière Koura

Nous bifurquons ensuite sur notre droite, toujours le long de cette rivière au fort débit. Il n'est pas question de manquer les vestiges du village troglodytique de Vardzia. Même après notre passage en Cappadoce, ce site vaut vraiment le détour pour son authenticité et sa préservation de qualité. Le village compte pas moins de 3000 grottes pouvant accueillir 5000 personnes à l'époque. Impressionnant...

Ancien village troglodytique de Vardzia

Les nombreuses habitations et galeries souterraines constituent un véritable labyrinthe dans lequel il fait bon se perdre. L'église présente de belles fresques, que nous ne pouvons photographier.

Titi et Coco en exploration à Vardzia

Nous passons la soirée à Khertvisi, petite ville dominée par son château que nous prenons le temps de découvrir en fin d'après-midi.

Château de Khvertisi

Les soirées se suivent et se ressemblent autour d'un bon repas. Outre le savoureux poisson, nous testons cette fois les "khinkali" (gros raviolis en forme d'aumônière, farcis de porc et de boeuf hachés). Cette spécialité locale incontournable est servie dans tous les restaurants. Nous l'ajoutons donc à notre tableau de chasse géorgien !

Dégustation de khinkali

Nous quittons le lendemain Khertvisi, ainsi que notre ami allemand Wolfhard que nous avons retrouvé avec grand plaisir la veille au soir. Nous lui souhaitons bonne route jusqu'à Samarcande. Lui se repose aujourd'hui et attend le bus pour se rendre à Vardzia.

Bis bald Wolfhard

Le gentil chien sur la photo ne représente pas l'ensemble de ses amis à quatre pattes qui rôdent dans le coin. Certains sont beaucoup plus agressifs et l'un d'eux a la brillante idée de mordre dans la sacoche arrière gauche de Coco. Mieux vaut cela qu'une morsure au mollet, mais tout de même... Nous craignons pour l'étanchéité du bagage, que nous réparons comme nous pouvons d'un bout de chatterton.

Passé ce regrettable incident, nous quittons la vallée de la Koura pour celle de la rivière Paravani. Les paysages sont tout aussi sublimes. C'est un régal de pédaler dans cet environnement sauvage. C'est encore vert, c'est encore des montagnes, mais que c'est beau !

Vallée de la Paravani

Les géorgiens sont imaginatifs lorsqu'il s'agit de recycler les wagons de train usagers. L'un d'eux permet de relier les deux rives du cours d'eau, aux risques et périls des plus téméraires...

Pont original sur la Paravani

Nous avons pris rendez-vous à Akhalkalaki, à la mi-journée. Cette ville est littéralement coupée en deux par la rivière et offre une belle vue sur les montagnes.

Akhalkalaki

Avec qui ce rendez-vous ? Et bien avec notre anglais préfèré Dara ! Nos chemins s'étaient séparés il y a près de trois semaines à Kayzeri (au centre de la Turquie). Dara s'est depuis payé les montagnes de l'est turc et n'a passé la frontière géorgienne qu'aujourd'hui. De notre côté, nous avions pris plein nord pour longer la mer Noire et consacrer plus de temps à la Géorgie. Deux choix d'itinéraire donc, mais la même joie de se retrouver pour partager un petit (ou grand ?) bout de route ensemble. Nous formons donc désormais un trio au sein duquel l'anglais s'impose comme langue officielle. Ça va pas être simple, surtout pour Titi, mais quoi de plus efficace que l'immersion totale dans une langue pour progresser ?!

Le nouveau trio de choc !

Ces retrouvailles coïncident avec la fête nationale géorgienne, commémorant l'indépendance du pays proclamée le 26 mai 1918, pour seulement 3 ans, avant que la domination russe ne reprenne le dessus jusqu'à la dislocation de l'URSS en 1991. Sans être des spécialistes de la géopolitique locale, les tensions subsistant avec les russes au nord du pays démontrent que tout n'est pas encore terminé avec leur voisin... Étrangement, nous avons croisé plusieurs russes depuis notre arrivée. Aussi "détestés" soient-ils (comme nous le font comprendre les géorgiens), ils ne sont pas pour autant banis du territoire et semblent cordialement reçus.

C'est maintenant une habitude pour nous de nous retrouver en pleine effervescence nationale sans en connaître la cause dans un premier temps... En ce dimanche, nous découvrons ainsi avec suprise de nombreux drapeaux et des militaires décontractés qui aident les enfants à monter sur des chars. La musique bat son plein et certains habitants sont vêtus d'habits traditionnels pour l'occasion.

Fête nationale géorgienne à Akhalkalaki

Nous poursuivons notre route jusqu'à Ninotsminda. Située à 1900m d'altitude, cette ville connaît des températures pouvant atteindre les -30 degrés l'hiver. Nous nous réjouissons donc d'y passer en cette saison. Nous faisons la connaissance de Sarah et Julien, deux backpackers montpellierains voyageant depuis six mois. Ils projettent de rejoindre Tokyo dans un, deux ans... Ils verront bien... Nous échangeons sur nos voyages respectifs dans la cuisine commune d'une guest house très confortable.

Plein d'énergie, nous repartons le lendemain vers les hauts plateaux géorgiens et leurs lacs d'altitude, dont celui du Paravani (2073m). Les paysages sont grandioses et la route est bonne. Nous profitons pleinement des grands espaces !

Les hauts plateaux géorgiens et leurs lacs

Nous nous arrêtons à la sortie de Poka pour rencontrer les soeurs du couvent Saint-Nino. Réputées pour leur production de fromage et de miel (entre autre), elles nous présentent un étalage gourmand. Nous les quittons avec deux pots de miel dans les sacoches. Ils ne feront pas long feu.

Couvent de Saint-Nino et ses productions

Plus loin, nous acceptons l'invitation d'un géorgien à boire le café et le thé. Ce berger de 52 ans est en fait arménien, comme la grande majorité des personnes occupant cette région. Sa femme tient le café et s'active derrière le comptoir. L'homme nous demande notre âge et nous reproche de ne pas avoir d'enfants. Lui en a quatre. Il prie Dieu pour vivre encore 10 ans. Naturellement, l'invitation à boire le tchatcha ne se fait pas attendre. Coco croit pouvoir s'en sortir en avançant qu'elle préfère le vin. Erreur élémentaire ! Ni une ni deux, nous sommes obligés de trinquer en cette fin de matinée. Le vin fait maison ne se refuse pas, et nous insistons vivement pour éviter d'être réservis. L'homme nous offre une chambre pour nous reposer si nous le souhaitons. Nous refusons poliment et partons sans payer. Les boissons sont offertes, nous explique-t-il. Nous croisons en sortant un enfant jouant avec des poissons, une bouteille d'eau à la main. Il fait la fierté de son grand-père. Une bien belle petite famille près du lac Paravani...

Belle rencontre sur le bord du lac Paravani

La route nous fait perdre 1000m d'altitude jusqu'à Sakdrioni. La qualité du bitume nous permet d'appuyer plus qu'a l'habitude sur les pédales, et c'est même "à fond les ballons" que nous engageons Gonzales et Ciraptor dans les lacets de cette magnifique descente.

Belle descente menant à Sakdrioni

Nous reprenons de la hauteur pour planter la tente à la sortie de Tsalka, au bord du "Dashbashi canyon". La vue est impressionnante du haut de notre campement. Coco joue seule les exploratrices dans les profondeurs du gouffre et revient avec de belles photos de la cascade et de l'église posée sur la falaise.

Dashbashi canyon

Notre traversée des plateaux géorgiens se poursuit le lendemain, au rythme des nombreux troupeaux que nous croisons. Les vaches et les moutons sont encadrés par des "cow-boys", à cheval. Intrigués de nous voir emprunter cette route à vélo, ils nous suivent du regard aussi longtemps qu'ils le peuvent. Ils répondent tous à nos gestes amicaux de la main et nous pouvons même déceler un sourire sur leur visage. Les voir "se dérider" l'espace d'un instant est toujours un moment agréable, et nous nous contentons de ces lointains et respectueux échanges.

Les nombreux troupeaux et leurs bergers à cheval

De nouvelles montagnes vertes se dressent autour de nous. Les églises se succèdent et témoignent d'un important patrimoine religieux en Géorgie. Nous regrettons juste de ne pouvoir en visiter certaines, parfois les plus remarquables, du fait de détours non négligeables à vélo.

Du vert et des églises

Nous avalons les dernières pentes de cette route vallonnée, en direction de Tbilisi. À 15km de la capitale géorgienne, nous pouvons enfin crier victoire car le plus dur et fait. S'en suit une longue descente plongeant sur la ville.

Approche de Tbilisi

Nous partons à l'assaut de la forteresse Narikala le soir venu, offrant une vue imprenable sur Tbilisi.

Du haut de la forteresse Narikala

Tbilisi est une ville charmante, à taille humaine, singulière par son architecture à la fois moderne (nous l'avions également constaté à Batumi) et traditionnelle (nombreuses maisons colorées dotées de balcons en bois). Elle nous séduit par son atmosphère décontractée, estivale et accueillante. Nous nous étonnons même de la présence d'une cascade en plein centre-ville. Petite visite en images...

Tbilisi

Nous avons le même ressenti que lors de notre passage dans la capitale albanaise (Tiranë). Nous constatons en effet un décalage fort entre la vie simple et parfois rude que semblent endurer les géorgiens des campagnes, et celle beaucoup plus moderne des habitants d'ici. Et comme à Tiranë, la culture, l'art et la musique sont omniprésents.

Art, culture et musique à tous les coins de rue

Nous n'oublions pas notre traditionnel chapitre "gastronomie", et attribuons nos lauriers aux "badrijani". Il s'agit de roulés d'aubergines farcies, agrémentés de graines de grenade. Fin, léger, délicieux : ce plat se mange sans faim !

Notre étape "Géorgie" s'achève une fois la nuit tombée. Nous prenons le funiculaire et admirons la vue du haut de la colline sur laquelle trône l'antenne de télévision.

Tbilisi by night

Fatigués de cette journée riche en découvertes touristiques, nous trouvons malgré tout l'énergie de goûter à l'ambiance nocturne de "la Fabrika". Cette ancienne usine de couture soviétique, située dans la vieille ville, regorge de bars "tendances" et de jeunes parlant toutes les langues. Il est minuit, en milieu de semaine, et la capitale n'est pas prête de s'endormir.

Nous oui, car nous repartons demain sur les routes. Nous quittons ce "petit pays", grand par son histoire, son patrimoine et ses traditions. Les géorgiens n'ont peut-être pas la chaleur naturelle des turcs (quoique certains...) mais une fois la discussion engagée, le verrou saute et c'est un véritable flot de questions et de générosité qui se déverse sur vous, sans concession ni détour. Leur insistance en est même presque gênante par moment. Enfin, nous avons tout simplement adoré les paysages verdoyants et montagneux, sans oublier la surprenante ville de Tbilisi que nous quittons presque avec regrets. Ce pays mérite amplement d'être visité, probablement plus que nous ne l'avons fait en nous limitant au sud. Mais nous ne pouvons tout faire et tout voir, il faut faire des choix.

Après notre inoubliable séjour turc, la barre était haute pour la Géorgie. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle a largement relevé le défi en l'espace de 9 jours seulement, et qu'elle nous aura fait rouler cool !!!

Kargad brdzandebodet Sakartvelo !
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Petit coup d'oeil sur le compteur : 7700km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

Gaëlle, qui se reconnaîtra si elle lit ce blog, pour les informations détaillées sur la Georgie. Nous lui devons notre itinéraire et les bonnes adresses à Tbilisi.

Tate pour son accueil en toute simplicité, son sourire et son délicieux repas accompagné d'un vin familial. Nous avons apprécié nous imisser dans son univers doux et artistique. Nous espérons que son envie berlinoise se concrétisera.

Mamuka pour son enthousiasme et sa manière à lui de nous accueillir. Outre le tchatcha (sur lequel nous avons insisté), il nous a offert des barres chocolatées.

La dame de Shuakhevi pour nous avoir invités à boire le thé, et pour avoir contacté notre hôte Roma.

Roma pour toutes les attentions à notre égard dans sa guest house. Nous n'oublierons pas le temps qu'il a également pris à nous raconter sa Géorgie.

La dame de l'épicerie en haut du col Goderdzi pour nous avoir permis de pique-niquer dans son local et pour nous avoir offert des biscuits.

Wolfhard pour avoir partagé avec lui notre logement dans un climat convivial et décontracté. Un très bon moment que celui passé avec ce scientifique spécialiste des fourmis, aussi humble que cultivé et passionné de voyage. Nous lui souhaitons bon vent jusqu'à Samarcande.

Le berger qui nous a offert du café, du thé et du vin au bord du lac Paravani. Nous avons aimé ce personnage entier, dont l'insistance à nous faire boire de l'alcool nous a fait rire. Elle témoignait d'une réelle envie de partager ce moment avec nous. Il aurait tout donné pour nous garder avec lui et son attachement à sa famille était très touchant. Nous lui souhaitons d'atteindre les 62 ans, et bien plus encore.

Sarah et Julien pour le repas convivial partagé avec eux dans la guest house de Ninotsminda. Nos anecdotes échangées sur nos voyages étaient très plaisantes. Nous leur souhaitons une belle suite d'aventure.

Le sympathique azerbaïdjanais pour nous avoir offert des fraises lors de notre dernier pique-nique en terres géorgiennes.

Tous les cyclotouristes que nous avons rencontrés :

- le couple franco-allemand habitant en Suisse : une courte mais très belle rencontre dans l'ascension du col Goderdzi, dans un français qui fait toujours du bien...

- le deux potes slovaques, aussi délurés que bienveillants et curieux de notre itinéraire

- Phil, l'anglais avec qui nous avons passé notre première soirée à Tbilisi. Il connaissait déjà Dara pour avoir pris le ferry en Italie avec lui. Une heureuse coïncidence de le retrouver et un très bon moment partagé. Nous lui souhaitons d'éviter les chiens qu'il appréhende au plus haut point, et d'éviter les chats qui se font les griffes sur sa toile de tente (comme cela lui est déjà arrivé...)

Barev ! Une fois n'est pas coutume, c'est en trio que nous passons la frontière arménienne en ce 30 mai 2019. Dara, notre anglais de poche, nous accompagne toujours.

Le trio entre en Arménie

Rouge, bleu, orange : telles seront nos couleurs pour les prochains jours !

Découverte du drapeau arménien

Vous qui suivez quotidiennement notre blog (nous n'en doutons pas !), vous vous demandez certainement pourquoi cette étape ne s'intitule pas "Azerbaïdjan" ? Le tracé initial de notre itinéraire nous faisait en effet poursuivre à l'est pour rejoindre Bakou, afin de traverser la mer Caspienne en bateau. C'était sans compter l'avis de nombreux cyclotouristes croisés sur la route... "Notre plus beau souvenir ? L'Iran ! Il faut y aller !"

Cette question nous a travaillés quelques semaines. Iran ou pas ? Nous avons lancé notre demande de visa depuis la Grèce, au cas où... et l'avons récupéré à Istanbul. Nous nous nous sommes informés sur la situation géopolitique actuelle. La petite montée de tension entre les USA et l'Iran dernièrement ne semble pas s'emballer plus que ça. Enfin, nous avons lu de nombreux témoignages qui ont déconstruit petit à petit nos préjugés probablement hâtifs sur ce pays. Nous irons donc en Iran sous la chaleur des mois de juin - juillet, et tant pis pour le détour que représente le contournement de la mer Caspienne en son sud. Nous gardons précieusement notre joker "transport en commun" pour plus tard...

Si la décision de bouleverser nos plans a été prise de manière commune, elle appartenait particulièrement à Coco qui devra pédaler vêtue de la tête au pied sous de probables grosses chaleurs. La condition féminine iranienne lui imposera d'autre part une mise en retrait qu'il lui faudra supporter. D'autres conseils sur l'Iran nous sont gentiment délivrés par un couple polonais croisé en ce début d'étape arménienne. Ces deux voyageurs roulent depuis neuf ans ! Nous nous sentons "petits" devant eux. Ils rentrent enfin au bercail et seront en Pologne d'ici quelques mois. L'impressionnante longévité de leur aventure n'a pas entamé leur enthousiasme, et c'est avec beaucoup de bienveillance qu'ils nous parlent de l'Iran et de ses codes qu'il est important de connaître. Ces deux globe-trotters ont traversé le continent africain, mais aussi la Syrie, le Pakistan,... Leurs conseils sont donc précieux et nous font relativiser notre appréhension à l'approche de pays supposés "peu sûrs". Avant de se quitter, ils nous confient établir des statistiques sur les cyclotouristes qu'ils rencontrent, et ce depuis leur départ. D'après leurs chiffres, les français sont les plus nombreux à prendre la route !

Un grand coup de chapeau à ces deux courageux polonais. Bonne fin de périple à eux !

Deux polonais sur la route depuis neuf ans !

Deux trajets s'offraient à nous pour atteindre l'Iran depuis la Georgie : l'Arménie ou l'Azerbaïdjan. Notre curiosité s'est posée sur le premier. À quoi peut bien ressembler ce pays enclavé, fait de montagnes et de lacs, fâché avec ses voisins turcs (à l'ouest) et azerbaïdjanais (à l'est) ? Notre ami Laurent a fini de nous convaincre. Les arméniens seraient "les plus gentils du monde" selon lui. Rien que ça... on y va !

Une fois la frontière passée, nous prenons la direction de Vanadzor en longeant la rivière Debed. Dans la continuité de ce que nous avons vu en Géorgie, les paysages ne nous déçoivent pas.

Dans la vallée de la rivière Debed

Des fraises et des cerises sont exposées de part et d'autre de notre passage, et les gens nous sourient. L'atmosphère est apaisante. Seule difficulté : la route laisse parfois place à de la piste percée de nids de poules et garnie de cailloux qu'ils nous faut éviter. Les nombreux travaux nous obligent à nous arrêter par moment. Les responsables de la circulation en profitent pour nous questionner sur les raisons de notre présence ici.

Échanges sur un chantier

Nous vivons une scène similaire à l'approche de Yerevan (capitale du pays). Des arméniens nous demandent de stopper notre avancée pour pouvoir discuter. C'est toujours un plaisir de partager notre aventure avec les locaux, particulièrement ici. Et cela donne de belles photos de famille sur le bord des routes !

Belle rencontre en direction de Yerevan

Nous mettons trois jours pour rallier Yerevan depuis la frontière. Passée la ville de Vanadzor, nous découvrons de nouveaux plateaux d'altitude après ceux de Géorgie. Ceux-ci nous font passer un col à 2155m d'altitude, dans des décors de carte postale.

Les hauts plateaux arméniens

Nous apercevons au loin le mont Aragats, volcan culminant à 4095m.

Vue sur le Mont Aragats

Nous entrons dans Yerevan à la suite d'une longue descente qui nous fait tout juste descendre sous les 1000m d'altitude. La chaleur se fait sentir, heureusement compensée par un vent rafaichissant. Notre visite de la ville se limite aux quelques grandes artères et à ses belles places et jardins que nous trouvons animés en ce beau week-end.

Place de la République à Yerevan

Nous consacrons davantage notre temps à visiter "Tsitsernakaberd" : nom donné au mémorial du génocide arménien. Créé en 1967, il immortalise la mémoire d'un million et demi d'arméniens tués par le gouvernement turc ottoman pendant la première guerre mondiale. Nous n'ignorions pas ce massacre, mais la visite du musée nous permet d'en saisir plus précisément les étapes, les lieux, les faits et les protagonistes impliqués (directement ou indirectement). Cent ans après, l'Arménie porte encore les stigmates de ce terrible épisode de l'Histoire. Au nombre édifiant de victimes s'ajoutent également les conséquences matérielles, économiques et sociales découlant de ces longues années de persécution. Elles se ressentent encore aujourd'hui. Enfin, la Turquie refuse de reconnaître le terme de "génocide", ce qui amplifie l'humiliation perçue par ce peuple en quête de reconnaissance et de soutien.

Mémorial du génocide arménien

Le mémorial à été édifié sur une colline surplombant la ville, d'où nous pouvons admirer le Mont Ararat et ses 5137m d'altitude. Comme un mauvais symbole, le point culminant turc domine la capitale arménienne... La frontière sépare en effet Yerevan du volcan recouvert de neiges éternelles.

Yerevan dominé par le Mont Ararat

Pour parler de choses beaucoup plus légères, notre week-end à Yerevan nous fait découvrir sa vie nocturne. Nous ne manquons pas la finale de la Champions League opposant deux clubs anglais (Dara nous le fait remarquer...), retransmise dans un pub du centre-ville. Nous testons également quelques spécialités locales dans un restaurant animé par un groupe de musique traditionnelle arménienne. Nous sommes notamment conquis par le surprenant "vanakhash" (plat chaud à base de yaourt, de boeuf, de lentilles et de pain lavash croustillant). Un délice...

Soirée sympathique dans un restaurant arménien

Titi aura marqué Yerevan d'une performance dont il a le secret. En l'espace de 48h, il réussit l'exploit d'égarer le porte-monnaie contenant la cagnotte commune pour les prochains jours et de laisser sa carte bancaire se faire avaler par un distibuteur automatique. Ces prouesses viennent compléter ses précédents coups d'éclats consistant à oublier l'antivol en Grèce et le support de l'appareil photo à la frontière géorgienne. Ce palmarès déjà bien rempli témoigne de la forme olympique qu'il tient en ce moment. Coco ne fait pas le poids, même si ses efforts en la matière restent louables et prometteurs. À son actif, une gourde de vélo laissée en Turquie et une perte totale de mémoire au moment de taper son code de carte bancaire pour retirer de l'argent.

Dara nous sauva la mise par deux fois, en usant de son parfait anglais pour contacter la banque gestionnaire du distributeur et en avançant les frais du fait de l'amnésie de Coco. Il semble toutefois totalement dépassé par notre virtuosité à faire n'importe quoi. En vous contant ces péripéties, nous espérons conjurer définitivement le sort !

Nous quittons la capitale pour les eaux bleues du lac Sevan. Nous rejoignons ainsi la ville du même nom par la route principale. Cette journée nous confirme que les arméniens (tous comme les géorgiens) ne manque pas de confiance en eux derrière un volant. Téléphone à la main, absence de ceinture, enfants sur les genoux, dépassements par la droite (...) : autant de constats navrants qui font des routes du caucases un endroit peu fréquentable à deux roues. L'aller-retour de Titi a Yerevan (pour récupérer sa carte bancaire) nous apprend que le sentiment d'insécurité est encore supérieur sur quatre roues. C'est simple, les arméniens doublent... et regardent après ! L'absence de visibilité ne les gènes aucunement et les priorités de passage se règlent à grands coups de klaxons.

Nous arrivons sains et saufs à Sevan en fin d'après-midi.

Ville de Sevan

Cette ville est malheureusement à l'image de celles que nous avons l'habitude de traverser. Les barres d'immeuble se confondent, tout de béton vêtues. Les gens y vivent simplement, pour ne pas dire pauvrement. Plus qu'ailleurs, ils nous demandent comment nous trouvons leur pays. Nous répondons un peu gênés que nous aimons, même si nous pensons intérieurement que l'intérêt des montagnes arméniennes dépasse largement celui des villes, et que nos yeux de français ont peine à se projeter dans une vie urbaine qui pourrait être belle ici.

Le lac Sevan, perché à 1900m d'altitude, nous réserve en revanche une matinée très agréable le lendemain. Nous le longeons en direction du sud.

Lac Sevan

Nous croisons sur notre route de nombreux vendeurs de poissons séchés et de beaux monastères, dont celui de Hayravank.

Monastère d'Hayravank

Enfin, nous nous attaquons à notre difficulté du jour : l'ascension du col de Selim (2410m). Trois jeunes arméniens nous tiennent compagnie à la sortie Martuni.

Le peloton !

Nous renouons avec les paysages verts et montagneux. Nous grimpons sous une chaleur de plomb malgré l'altitude, mais cela n'entame en rien notre joie d'être entourés de si beaux paysages.

Ascension du col de Selim

Nous battons notre record d'altitude, et savourons notre arrivée au sommet.

Arrivée au sommet

Nous rencontrons un couple très sympathique et goûtons à leurs produits "faits maison". Ils viennent ici quotidiennement et nous étonnent par leur maîtrise de la langue française.

Ravitaillement en haut du col !

Nous faisons également la connaissance de James, un voyageur gallois qui bourlingue depuis trois ans (à vélo, à pied,...). Nous nous sentons bien ici. Quel meilleur lieu pour planter la tente ? Et assister au lever de soleil le lendemain ?!

Belle nuit au col de Selim

Nous levons notre campement au moment où nos producteurs, fidèles au poste, commencent à installer leurs étalages. S'en suit une magnifique descente de 30km jusqu'à Yeghegnadzor.

Descente en direction de Yeghegnadzor

Nous trouvons à Yeghegnadzor un petit coin de paradis fait de cabanes dans les arbres et de balancelles. Nous en profitons pour nous reposer l'après-midi.

On se la coule douce au "crossway campsite"

Nous rendons visite dans la soirée à des producteurs d'un vin local dont on nous dit le plus grand bien. Vin rouge, vin blanc, fromages en guise d'accompagnement... Tout y passe ! Nous repartons même avec une petite bouteille histoire d'embellir notre repas.

Dégustation de vin à Yeghegnadzor

Autant dire que nous repartons le lendemain revigorés et plein d'entrain. Pour couronner le tout, les paysages rocheux au départ de Yeghegnadzor sont tout simplement sublimes.

Montagnes rocheuses au départ de Yeghegnadzor

La route n'en fini pas de monter et les montagnes se verdissent. Nous passons un nouveau col à 2340m d'altitude. Nous en prenons plein les yeux, et plein les jambes aussi...

Ça monte dur...

De même que le col de Selim qui abritait autrefois les voyageurs pour la nuit (dans le "caravanserail" construit légèrement en aval), ce col est placé sur une des mythiques "routes de la soie" (silk road). Le panneau nous l'indique et nous fait basculer dans cet univers des routes historiques par lesquelles le commerce transitait vers l'est. La "silk road" n'était pour nous qu'un mythe, nous y sommes désormais.

La route de la soie arménienne

La descente nous fait plonger vers le lac Spandaryan, près duquel nous pique-niquons au soleil.

Pause pique-nique avec vue sur le lac Spandaryan

Nous longeons le lac dans l'après-midi et rencontrons un couple allemand qui arrive d'Iran à bord d'une sorte de camping-car tout terrain. Ils descendent spontanément de leur véhicule pour échanger, nous offrent un verre de soda bien frais et nous conseillent sur l'itinéraire des jours à venir.

Belle rencontre au bord du lac Spandaryan

Les paysages sont magnifiques en direction de Sisian. La vallée offre de belles perspectives, mais aussi quelques rencontres impromptues avec nos amies les bêtes.

Dans la vallée en direction de Sisian

A l'approche de Sisian, la lumière de fin d'après-midi vient sublimer les reliefs qui se dressent devant nous. Nous bifurquons sur notre droite, quelques hectomètres avant la ville. Nous roulons désormais sur un chemin nous menant à la cascade de Shaki que nous souhaitons admirer.

En direction de la cascade de Shaki

Nous tombons sur un groupe de quatre arméniens qui partagent un repas en contrebas de la route, au bord de la rivière Bazarçay. Nous sommes invités à manger en plein milieu d'après-midi... et à enchaîner les verres de vodka ! Coco s'en tire bien, sa condition féminine l'autorisant visiblement à refuser les verres d'alcool. Trois d'entre eux sont chauffeurs de taxi, le quatrième travaille à l'aéroport de Sisian. Une belle osmose se dégage de ce groupe de joyeux lurons. Nous cernons rapidement le caractère de chacun. Leur complicité, visiblement de longue date, fait plaisir à voir. Nous passons trois bonnes heures avec eux.

Bon moment partagé le long de la rivière Bazarçay

Les quatre hommes nous conseillent de bivouaquer ici. Ils se proposent spontanément pour fixer l'armature de la tente, planter une sardine, accrocher le double toit,... Chacun aide comme il peut. Une fois la tâche terminée, leur curiosité se pose sur les photos de nos proches collées au cadre de nos vélos. Parents, frères et soeurs, cousins, amis... Nous exliquons qui sont ces gens qui nous accompagnent quotidiennement depuis notre départ, dans nos têtes et sur nos montures. Eux se confient aussi. Ils nous parlent de leurs enfants, dont l'un d'eux nous rejoint d'ailleurs quelques minutes plus tard. Enfin, ils nous accompagnent gentiment au pied de la cascade. Nous ne nous attendions pas à de telles chutes d'eau. La cascade serait la plus haute d'Arménie (18m). Ce petit détour valait le coup et nous offre une bonne douche revigorante avant de retrouver notre campement.

Cascade de Shaki

Nous poursuivons notre route vers le sud et trouvons des militaires sur notre gauche. Des tanks orientent même leurs canons vers l'est. Assurément, nous ne sommes pas loin de la frontière azerbaïdjanaise.

Un petit point géopolitique s'impose... L'Azerbaïdjan est coupée en deux. Un de ses territoires se trouve enclavé en Arménie : il s'agit de la république autonome de Nakhitchevan. A l'inverse, l'Arménie compte également un de ses territoires enclavé en Azerbaïdjan : il s'agit de la région du Haut-Karabagh. À la différence du premier, le Haut-Karabagh (qui s'est auto-proclamé indépendant en 1991) n'est reconnu par aucun État membre de l'ONU. Nous ignorons si la présence militaire témoigne des tensions existantes concernant ce territoire, mais nous savons en tout cas que les relations ne sont pas au beau fixe entre les deux pays.

Les soldats arméniens scrutent notre passage et répondent à nos "Barev" avec un léger sourire. Certains nous accostent au niveau d'une station service, curieux de notre présence et amusés par notre chargement. Nous immortalisons ce moment militaire !

Rencontre avec des soldats arméniens

Nous prenons la direction du village de Tatev, très connu pour son monastère. Une telle visite se mérite, au prix d'une montée infernale de 6km à 10% de moyenne (600m de dénivelé). Nous regrettons presque de ne pas avoir posé les vélos dans une cabine du téléphérique qui mène directement au but. Pour l'anecdote, ce téléphérique serait le plus long du monde.

Mais les gouttes de sueurs ne sont pas versées pour rien. Tatev, son monastère et ses montagnes environnantes tiennent toutes leurs promesses.

Tatev, son monastère et ses panoramas

La rose rouge accrochée au cheveux de Coco (sur la photo) à été offerte par un bien sympathique papy de 82 ans. Sa fille tient une guest house à Tatev, dans laquelle nous passons la nuit. La maman vit là aussi, et aide à la confection des repas. Ils cultivent de nombreux légumes et cuisinent eux-mêmes le fameux "lavash" (fine galette moelleuse faite de farine, de sel et d'eau). Nous assistons aux différentes étapes de sa préparation, et en assurons même la dernière : la dégustation.

Préparation du lavash

En plus de le rendre jaloux en offrant des fleurs à Coco, le papy achève Titi aux échecs le soir venu. Titi aurait pu deviner que le passé soviétique du bonhomme lui confère une certaine maîtrise de ce jeu pour lequel les russes excellent. L'ancien métier du vainqueur était d'ailleurs professeur de russe. La poignée de mains n'en est pas moins franche et amicale.

Échec et mat

Nous quittons Tatev le lendemain en admirant une dernière fois son monastère surplombant la vallée. Malgré les quelques travaux de rénovation, il n'est jamais aussi beau que vu d'en haut. Ce lieu est décidément incontournable pour qui visite le sud de l'Arménie.

Monastère de Tatev vu d'en haut

Coco nous a concocté un beau parcours tout-terrain pour rallier la ville de Kapan. Nous empruntons un chemin carossable à travers la montagne. Quelques passages techniques nous demandent de la concentration, mais c'est bel et bien à des vacances que ressemble cette journée. Les voitures se font rares et les paysages sont dignes des belles randonnées pédestres.

À travers la montagne en direction de Kapan

Passée la ville de Kapan, nous nous dirigeons vers Karjaran. D'impressionnantes barres rocheuses semblent percer les nuages de plus en plus menaçants.

Montagnes rocheuses en direction de Karjaran

La pluie nous embête en cette fin de journée et nous arrivons à destination bien décidés à liquider nos derniers drams arméniens dans un hôtel, douche chaude et bonne literie comprises ! Il s'agit de notre dernière nuit dans ce pays. Dara ressort de l'établissement la tête basse. L'hôtel est complet, c'est le seul dans le coin et il pleut... Avant de déplier la tente, nous envoyons Coco quémander à nouveau à la réception, ne serait-ce qu'un bout de pièce au sec pour étendre nos matelas... Elle ressort avec une chambre à la clé, qui s'est miraclement libérée ! Que ferions nous sans notre Coco ?!

Nous quittons Karjaran le lendemain et prenons rapidement de la hauteur.

Karjaran

Le temps s'est dégagé dans la nuit et nous roulons dans des conditions idéales pour admirer la vallée et sa route empruntée la veille depuis Kapan.

Belle vue sur la vallée

Nous n'en finissons pas de grimper et atteignons enfin notre dernier col arménien : le col de Meghri. Culminant à 2535m d'altitude, il nous fait battre à nouveau notre record de hauteur.

Ascension du col de Meghri

Du col de Meghri, nous dévalons les 40km d'une très belle descente longeant la rivière Meghri, pour arriver à la ville de... Meghri !

Nous achevons ainsi la rédaction de cette étape "Arménie" à quelques kilomètres de la frontière iranienne. En seulement 10 jours, l'Arménie nous aura appris les détails de sa triste Histoire, l'hospitalité de ses habitants et la beauté de ses paysages. Parmi ces derniers, nous retenons surtout les montagnes : souvent vertes, parfois plus arides, parfois tachées de névés. Elles nous auront donné du fil à retordre et nous ne comptons plus les cols de plus de 2000m à notre palmarès arménien. En ce sens, l'Arménie aura été une épreuve physique. Mais cette épreuve fut tellement belle, et tellement riche en découvertes et en rencontres, qu'on en redemanderait presque... Nous la quittons par la grande porte, la tête encore posée sur le mémorable col de Meghri.

Du haut de ce col, la vue est splendide. Elle représente bien ce que nous pensons désormais de l'Arménie : un pays magnifique !

Tsetessoutioun Hayastan

La ville de Meghri est arménienne, mais ses montagnes et sa végétation tranchent avec le reste du pays. Nous sommes déjà en Iran d'une certaine manière. Une autre culture et d'autres rencontres nous y attendent. L'Iran nous attire et nous fait peur. Ce pays nous obsède depuis que nous avons décidé de le traverser. Nous y roulerons cool dans quelques minutes !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 8460km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

· Au couple d'allemands pour s'être très gentiment arrêté sur le bord de la route. Ils sont venus spontanément vers nous et nous ont offert un verre de soda bien frais.

· Aux quatre arméniens de Sisian pour leur générosité, leur aide, leurs sourires. Ils nous ont fait découvrir la cascade de Shaki, mais bien plus encore : l'hospitalité façon arménienne !

· À tous les cyclotouristes que nous avons croisés :

- le couple de polonais avec lequel nous avons longuement échangé. Ils nous ont apporté de nombreux conseils et leur enthousiasme fut contagieux. Après neuf ans de voyage, nous leur souhaitons un bon retour en Pologne.

- le couple de biélorusses qui s'essaye au vélo pendant deux semaine en terres arméniennes et géorgiennes.

- Anna et Lucas, le couple de suisses en provenance d'Afrique. Nous leur souhaitons le meilleur pour la suite de leur voyage en Asie, en train car Anna est enceinte de quatre mois. Le bébé naîtra en Malaisie. Bienvenue à lui par avance !

- le couple de belges rencontré près de Tatev. Ils effectuent une boucle au départ d'Autriche et reviennent d'Iran. Merci à eux pour leurs informations fraîches.

Abbasabad

Iran nord-ouest

Salaam Aleykum ! En ce dimanche 9 juin 2019, nous passons la frontière iranienne après l'avoir longée pendant une dizaine de kilomètres depuis Meghri (Arménie).

Erreur ! Selon le calendrier islamique, nous sommes le 19 du 3ème mois de l'année 1398. Ce calendrier a pour départ l’année dit de l’hégire où le prophète Mohammad a du émigrer de La Mecque vers Médine en 622 ap JC.

Et pour être tout à fait précis, nous n'avons pas 2h, ni 3h de décalage horaire avec la France, mais 2h30. Les iraniens sont pointilleux.

Avant et après le poste frontière

Le contraste est saisissant par rapport à nos derniers jours arméniens. Les paysages sont arides, les montagnes rocheuses et l'air chaud. Le poste frontière nous ouvre la porte d'un univers désertique. Dès les premiers kilomètres, nous roulons dans un monde nouveau. Aucun de nous trois n'avait déjà côtoyé un tel environnement, et nous nous émerveillons de ce qui nous entoure.

Premiers kilomètres en Iran

Les voitures se font rares, mais nos premiers contacts avec les automobilistes sont des plus cordiaux. Les véhicules s'écartent et les gens nous sourient. Contrairement à nos expériences des pays précédents, les conducteurs usent de klaxons plus discrets. Nous recevons davantage d'appels de phare, des signes de la main et des "hello" enthousiastes.

Nous souffrons en revanche de la chaleur. Pas l'ombre d'une ombre à l'horizon. Le soleil est au zénith et le peu de vent ne suffit pas à rafraîchir les organismes. Nous nous jetons sous le premier arbre pour y installer notre pique-nique et ne manquons pas les occasions de remplir nos gourdes grâce aux rares points d'eau sur notre parcours.

Notre journée se termine au beau milieu de ce "no man's Land". Le soleil déverse ses derniers rayons sur les collines. Nous l'admirons se coucher avant de profiter d'un ciel garni d'étoiles. Notre aventure iranienne ne pouvait mieux commencer...

Parfait lieu de bivouac pour notre première nuit iranienne

Nous poursuivons le lendemain notre traversée de cette région "Azerbaïdjan orientale". Plus que le perse (ou "farsi"), les gens parlent ici l'azéri. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils vivent dans un cadre grandiose. Nous en profitons pleinement en prenant la direction de Kharvana au petit matin.

En direction de Kharvana

Notre préoccupation du moment reste de nous procurer de l'argent. Du fait de sanctions internationales (et plus fortement des États-Unis), l'Iran doit faire face à des embargos d'ordre commercial, économique, mais également financier. Nous ne maîtrisons pas toutes les subtilités de ce contexte géopolitique qui reste probablement lié à la question du nucléaire iranien. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il nous est impossible de retirer de l'argent dans un distributeur. Nous avions prévu cette problématique et sommes entrés en Iran en possession de liquidités. Reste à ne pas nous faire avoir par les agences de change pratiquant des taux peu avantageux (à la frontière notamment).

Nous optons donc pour le marché noir et trouvons à Kharvana de quoi échanger quelques euros. 1 euro vaut environ 150000 rials. En troquant 20 euros, nous nous retrouvons donc les poches pleines de liasses de 50000 rials pour un total de près de 3 millions. En Iran, on se sent vite très riche !

Plus sérieusement, nous apprenons que l'euro valait seulement 5000 rials il y a tout juste 2 ans. C'est dire la dégringolade de la monnaie iranienne ces derniers mois.

Millionnaires !!!

Nous rencontrons Yasser, un jeune professeur d'histoire qui nous guide dans une boulangerie familiale de la ville. Nous y achetons nos premiers pains sortis du four.

Titi s'improvise boulanger

Yasser dégote auprès d'un de ses amis quelques légumes, nous interroge sur notre voyage et nous demande sans détour ce que nous pensons et savons de l'Iran. Vaste question... Très vite, nous saisissons l'importance pour les iraniens de déconstruire les idées noires véhiculées à l'extérieur de cette république islamique. L'Iran n'est pas fermé, c'est un pays accueillant et l'on y vit bien, peut-on lire entre les lignes de son discours.

Pour l'heure, les iraniens se montrent d'une grande gentillesse. Ils nous proposent sans cesse de l'aide et portent un intérêt certain à notre périple. La question, pour eux, n'est pas de savoir si nous avons besoin d'aide, mais "comment nous l'apporter". La nuance est importante, et c'est toujours en ces termes qu'ils nous questionnent.

Nous en faisons de nouveau l'expérience en direction de Varzeqan. Les paysages montagneux sont toujours aussi beaux et la route s'élève progressivement. Nous nous croyons dans un western.

En direction de Varzeqan

Compte tenu de la chaleur, notre réponse aux nombreuses sollicitations ne se fait pas attendre, et c'est de l'eau que nous demandons. Les arrêts sont très fréquents du fait de ces rencontres. Nous prenons le temps, et c'est très bien comme ça.

Belles rencontres en direction de Varzeqan

Nous sommes accueillis à Varzeqan par un couple d'une soixantaine d'années. La maison ne dispose que de deux pièces, mais la plus importante est vaste et remplie de fraîcheur. Fatigués de notre journée, nous nous y sentons bien et profitons de ne plus avoir chaud. Des tapis recouvrent le sol intégralement et nous sommes invités à boire le thé, assis par-terre, en suçant les morceaux de sucre préalablement trempés dans le breuvage bouillant. Nos interlocuteurs ne parlent pas anglais. Hormis les rares mots d'usage que nous avons appris, notre possibilité d'échange verbal en est réduit au néant. Les signes sont donc de mise pour se comprendre. Le couple semble vivre dans une parfaite harmonie. Nous ne savons rien d'eux mais leur bonheur se lit sur leurs visages. Nous ne prenons pas de photos qui pourraient troubler l'authenticité de cette rencontre.

Un grain de sable vient pourtant perturber la quiétude ambiante de ce cocon. Sortis pour acheter de quoi dîner, nous sommes interpellés dans la rue par deux policiers qui souhaitent voir nos passeports. Surtout, leurs questions insistantes et leur propension à nous suivre de près laissent deviner qu'ils souhaitent connaître notre lieu d'hébergement. En Iran, héberger des étrangers serait illégal. Nous craignons donc pour nos hôtes qu'ils soient démasqués de leur hospitalité (un comble...). Nous parvenons à dissimuler notre lieu de replis en nous séparant : Coco court chercher les passeports pendant que Titi raconte sa vie aux policiers pour les faire patienter à l'entrée du quartier.

Plus tard, nous plantons la tente dans un champs à proximité, histoire de feindre le bivouac hors de la maison. Mais nos hôtes insistent : nous dormirons chez eux ce soir. Ils ne minimisent pas la situation mais n'en sont pas alarmés pour autant. Leur sérénité nous rassurent et l'interdit ne semble pas si interdit que cela... Compte tenu de l'activité importante des iraniens sur les réseaux d'hébergement "warmshower" et "couchsurfing", nous nous permettons en tout cas d'en douter. Nous sonderons plus tard de nombreux iraniens sur le sujet. Certains nous confirmeront que l'accueil d'étrangers n'est pas autorisé, d'autres qu'il est toléré à condition de prévenir la police 24h à l'avance, d'autres encore que cet acte n'est absolument pas répréhensible. Bref, difficile de s'y retrouver...

Nous replions la tente le lendemain. Elle n'aura abrité personne cette nuit. La filature policière ne semble être qu'un avertissement sans frais et nous reprenons la route en direction de Meshguin Shahr. La végétation prospère dans le creux de la vallée. Elle tranche avec les montagnes chauves qui la surplombe.

En direction de Meshguin Shahr

À Meshguin Shahr, nous faisons la connaissance de Farzin, un jeune professeur des écoles. Il se présente à nous comme une personne que l'on peut solliciter à tout moment en cas de besoin. Son envie d'échanger avec nous transpire dans son attitude et nous le convions volontiers à s'assoir à notre table, dans un petit restaurant du centre-ville. Nous profitons de son aide pour décrypter le menu...

Besoin d'aide au moment de choisir notre plat

Farzin nous informe que les garçons et les filles sont séparés à l'école, sauf si le nombre d'élèves ne le permet pas (auquel cas la mixité est permise). Il nous apprend les chiffres arabes utilisés en Iran (nous pensions naïvement qu'il n'existait pas d'autres chiffres arabes que les nôtres) et partage avec nous une coupe de glace dans un endroit qu'il connaît.

Farzin se dit déçu d'apprendre que nous partons dès le lendemain. Il aurait aimé nous faire découvrir les alentours. Notre rythme de nomades ne nous permet malheureusement pas de nous établir systématiquement plus d'une soirée dans chaque ville. Farzin nous aura en tout cas touchés par son hospitalité et sa disponibilité.

Avec Farzin, autour de coupes de glace

Notre progression vers l'est se poursuit le lendemain. Les champs de blé nous éblouissent de leur éclat. Ils sont au premier plan d'un beau panorama, avec en toile de fond le Mont Savalan et ses 4811m d'altitude.

Vue sur le Mont Savalan

Nous faisons halte à Ardabil, capitale de la province du même nom. Elle est la première ville moyenne que nous découvrons. Et qui de mieux qu'Amirali pour nous servir de guide dans cette cité qu'il connaît comme sa poche ?

Amirali aux petits soins avec nous

Nous commençons par l'ensemble du Khānegāh et du sanctuaire de Cheikh Safi al-Din (classé au patrimoine de l'Unesco). Cette visite s'est improvisée à la dernière minute et nous sommes d'autant plus supris par la beauté des lieux.

Ensemble du Khānegāh et du sanctuaire de Cheikh Safi al-Din

Nous déambulons ensuite dans le bazar où Amirali a ses entrées. Nous sommes invités à boire le thé et goûtons au poisson fumé. Les gens supposent étonnement que nous sommes ici pour supporter l'équipe de France de volley-ball qui affrontera l'Iran mercredi prochain à Ardabil. Nous n'en savions rien... Nous apprenons ainsi que l'Iran est une grande nation de volley-ball. Au moment d'écrire ces lignes, elle occupe la première place de la ligue des nations. Les iraniens nous expliquent que le sport roi en Iran reste malgré tout la lutte. Le rugby ? Ils connaissent pas.

Dans le bazar d'Ardabil

Enfin, nous dînons dans un endroit que nous n'aurions certainement pas fréquenté sans Amirali. Au détour d'une ruelle du centre-ville se cache en effet un lieu plébiscité par les hommes du quartier. Coco fait exception à la règle masculine du fait qu'elle nous accompagne, et que nous accompagnons Amirali. Les visages d'abord sondeurs se dérident progressivement pour laisser place à de la curiosité et les nombreuses questions qui vont avec. Définitivement et plus que dans n'importe quel pays déjà traversé, notre voyage intéresse les gens. Nous échangeons dans un climat chaleureux, au rythme des bouffées de narguilé, des gorgées de thé et des bouchées d'un plat typique : le dizi.

Belle soirée dans ce café / restaurant iranien

Le dizi se présente sous la forme d'un pot brûlant dans lequel baigne un mélange de viande de mouton, de pois chiches et de pommes de terre. L'huile et l'eau bouillantes sont d'abord extraites du pot pour donner une soupe largement parfumée. Nous la buvons en plongeant des morceaux de pain. La mixture restante est ensuite broyée avant d'être dégustée.

Découverte du dizi

Amirali, comme Farsin la veille, ne comprend pas que nous ne restions pas plus longtemps. Nous le remercions plutôt deux fois qu'une, conscients d'avoir profité pleinement de cette soirée grâce à lui.

Amirali a seulement 18 ans. Il nous a montré plusieurs photos de sa petite amie pendant la soirée. Compte tenu de son jeune âge, il ne pense pas encore au mariage mais l'histoire d'amour semble sérieuse. Il nous confie avant de partir que ce soir, au même moment probablement, un autre prétendant est entrain de demander la main de cette jeune fille à son père. Nous tombons des nues. Amirali, lui, espère. Suspendu à la décision du paternel, ce jeune iranien subit ainsi la loi de traditions qui perdurent.

Nous dévalons le lendemain toute la hauteur accumulée à la force de nos jambes depuis maintenant quatre jours. La descente est longue. Le changement de décor est frappant. Les montagnes sont désormais nappées de vert en direction d'Astara.

Descente en direction d'Astara

À l'approche d'Astara, nous traversons les cultures de riz permises par la moiteur ambiante. Le désert iranien est déjà bien loin.

Entrée dans Astara

À Astara, Raphaëlla et Tanja nous rejoignent dans la soirée. Ces deux suissesses sont parties de chez elles il y a huit mois. Elles appréhendent leur séjour en Iran et trouvent du réconfort à échanger avec Coco. Leur voile leur tient (trop) chaud, mais elles arborent un sourire gourmand. L'Iran les attire finalement plus qu'il ne leur fait peur.

Solidarité entre trois femmes nouvellement voilées

La place de le femme en Iran ne se limite bien sûr pas à la question du voile. Coco ne sert pas la main des hommes. Ces derniers s'adressent en premier lieu à Titi, et nous voyons bien que la société iranienne leur confère un rôle de chef de famille (au sens propre du terme). Pour autant, la majorité d'entre eux est loin d'être misogyne. Ils prennent en considération les propos de Coco, la questionne et la respecte, comme lors de cette discussion (voir photo) où elle explique l'étendue de notre trajet.

Nous constatons que notre mode de déplacement facilite le lien tissé entre elle et les hommes que nous croisons. Notre attirail de cyclotouristes attire la curiosité, provoque la rencontre et simplifie les premiers échanges. D'où venons nous ? Où allons-nous ? Combien de kilomètres avons-nous parcouru ? Ces questions sont souvent la porte d'entrée de discussions plus approfondies lors desquelles Coco s'exprime d'égal à égal.

Les hommes s'adressent à Coco

Coco doit malgré tout supporter les regards dans la rue. C'est simple : tout le monde la remarque, se retourne, épie ses moindres gestes. Plus que pour Dara et Titi, on commente son passage. Sur son vélo, elle en étonne plus d'un et en surprend plus d'une. Les femmes sont souvent les premières à la féliciter ou à lui adresser un sourire complice à travers la vitre du siège passager (ou depuis la banquette arrière). Cette empathie pour elle se ressent fortement, comme le jour où une iranienne enlève son voile dans un restaurant d'Astara en lui glissant d'un clin d'oeil qu'elle peut en faire autant ici.

Nous quittons Astara et sa belle étendue d'eau que nous admirons sur notre droite.

Étendue d'eau à Astara

Sur notre gauche, une étendue d'eau bien plus grande joue à cache-cache. La mer Caspienne se dévoile en effet par moment au-delà des rizières.

Rencontre avec la mer Caspienne.

Nous avançons ainsi entre mer et montagnes, à travers la verdure des champs et au rythme des villes qui se dressent sur notre passage. L'architecture des habitations est parfois surprenante.

Verdure et architecture sur le bord de la mer Caspienne

Nous nous arrêtons dans la ville d'Asalem. Sam et sa famille nous accueillent dans leur propriété. Trois maisons occupent le terrain. Elles abritent les parents de Sam et les familles de trois de ses soeurs. Tout ce petit monde vit là, entouré de rizières et à quelques hectomètres de la mer.

Sam est né dans la maison attenante à celle que nous occupons. Il est fier de vivre et d'élever son enfant dans cet environnement qui l'a vu grandir. Sa femme nous gâte de plats délicieux dégustés à même le sol, comme nous en avons l'habitude désormais. Nous goûtons par exemple au traditionnel ragoût iranien : le "Ghorme sabzi". En plus de Dara et nous, la nappe posée au sol supporte deux couverts supplémentaires pour Raphaëlla et Tanja. Les deux Bâloises ont en effet contacté le même hôte "warmshower" que nous (sans le savoir) et c'est avec grand plaisir que nous les retrouvons. David, un autre suisse de Zurich, nous rejoindra même le second soir, portant à six le nombre de cyclotouristes squatteurs...

Repas partagé chez Sam

Sam est professeur d'anglais, tout comme son épouse. Ils exercent dans l'école privée que Sam dirige et qui se situe dans la proche ville de Talesh. Nous acceptons leur proposition de rester une journée chez eux pour nous reposer et rencontrer leurs élèves. Ces derniers suivent les cours en soirée, en complément de leur scolarité classique. C'est aujourd'hui le jour des filles, demain ce seront les garçons qui travaillerons la langue de Shakespeare. Les échanges tournent autour de nos pays respectifs, des raisons de notre voyage et de leur motivation à apprendre l'anglais pour étudier voire même vivre à l'étranger. Nous les questionnons sur leurs passions, leurs envies, leurs goûts musicaux et cinématographiques. Nous sommes étonnés de les entendre aborder la question du voile, d'elles-mêmes. Elles comprennent la difficulté qu'ont les étrangères à le porter, surtout l'été et d'autant plus lors d'un effort physique à vélo. La majorité d'entre elles (pas toutes) exprime même clairement le manque de libertés individuelles, symbolisé notamment par le port de ce tissu qu'elles délaisseraient volontiers. Leur joie de vivre ne les empêche donc pas de rêver à des jours moins contraints.

Nous allons ainsi de classe en classe, pour échanger avec ces femmes mais aussi avec des plus jeunes filles. Ce temps de partage est pour nous un moment privilégié. Nous en sortons riches de nouvelles informations sur la vie de ces iraniennes, et touchés par l'accueil qui nous a été réservé.

Échanges avec les élèves de l'école d'anglais

Nous poursuivons notre avancée vers l'est, sans Dara que nous retrouverons probablement dans quelques semaines. La route est plate et n'a pas grand intérêt, si ce n'est de nous permettre d'enchaîner les bornes. Nous parcourons ainsi 170km en une journée, d'Asalem à Rudsar. La chaleur nous rend la tâche difficile. La température flirte avec les 35 degrés. S'ajoute à cela le taux d'humidité qui nous plonge dans une moiteur inconfortable. Ces conditions poussent peut-être davantage les iraniens à s'arrêter sur le bord de la route. Ils nous offrent souvent des fruits, et plus exceptionnellement du thé ou même des glaces, comme c'est le cas d'un commerçant qui stoppe son camion réfrigéré pour nous en faire cadeau. Nous apprécions évidemment ces gestes de générosité qui nous rendent la route plus facile.

Dégustation de glaces sur le bord de la route

Après de telles journées, nous sommes contents de poser nos sacoches dans des hôtels, au frais ! C'est le cas à Rudsar, que nous gagnons en fin d'après-midi. Le premier contact avec Mahdi le réceptionniste est délicat, comme toujours. Nos têtes d'européens font logiquement grimper le tarif (c'est le jeu...) et nous devons batailler pour le faire descendre sous les 12€ environ (budget contraint oblige). Passé ce moment de négociation, nous sommes reçus comme des princes. Mahdi est extrêmement enthousiaste à l'idée d'accueillir des étrangers pour travailler son anglais. Il se plie en quatre pour satisfaire nos demandes et en invente même pour prétexter devoir nous parler. Il nous offre du thé traditionnel de la province du Gilān et nous prend en photo avec lui, après avoir soigneusement préparé la scène et sa digne posture. Enfin, il nous fait cadeau d'une carte sur lequel il a écrit nos noms accompagnés d'un coeur, d'une caligraphie appliquée (nous en oublions les fautes d'orthographe).

Son comportement reflète bien celui des iraniens à notre égard. Leurs attentions nous semblent parfois excessives, irraisonnées. Elles nous gênent, mais nous ne pouvons les dissuader de nous gâter ainsi. Alors, comme toujours depuis le début de notre voyage, nous apprenons à recevoir, avec pour seul retour des remerciements appuyés.

Comme des stars à l'hôtel de Rudsar !

Nous avons choisi de traverser l'Iran par le nord, en longeant la mer Caspienne. Cet itinéraire nous évite le surplus de kilomètres sous une chaleur intenable. Nous tenons malgré tout à découvrir les belles promesses que semble offrir ce pays, plus au sud. Nous laissons ainsi Gonzales et Ciraptor à Abbasabad. Cette ville abrite la maison de vacances des parents de Shahrzad, une amie iranienne. Minoo, la maman, nous accueille très gentiment en compagnie de sa soeur Manijeh. Nous passons la nuit dans cette demeure familiale et trempons nos pieds dans la mer Caspienne au petit matin.

Ballade matinale sur la plage

Ainsi s'achève cette étape "Iran nord-ouest". Les pieds dans l'eau tiède et le dos tourné vers les montagnes, nous nous apprêtons à découvrir les joyaux de l'Iran sans nos vélos. Nous troquons ces derniers pour les autocars, qui continueront de nous faire rouler cool les prochains jours !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 9225km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

Yasser pour son aide et le temps qu'il nous a consacré à Kharvana

Au couple d'iraniens pour nous avoir hébergés à Varzeqan. Nous n'oublierons jamais leur hospitalité, et ce malgré la petite frayeur policière. Merci aussi au gamin à vélo qui nous a menés jusqu'à la maison par deux fois, sans rien dire aux forces de l'ordre.

Farzin pour l'agréable soirée passée en sa compagnie à Meshguin Shahr.

Amirali pour nous avoir servi de guide à Ardabil. Merci aussi à tous ses amis commerçants que nous avons croisés dans la soirée.

Aux cyclotouristes suisses Raphaëlla, Tanja et David. Nous avons passé de bons moments à échanger sur nos voyages respectifs. Nous leur souhaitons une bonne continuation dans leur aventure.

Sam et sa famille pour leur accueil à Asalem. Plus que l'hébergement et le couvert, cette halte nous aura permis de nous reposer et de rencontrer les élèves de l'école d'anglais à Talesh.

Mahdi le réceptionniste pour son accueil extrêmement attentionné à Rudsar.

Minoo et sa soeur Manijeh pour leur accueil chaleureux à Abbasabad. Nous nous sommes sentis chez nous et leur laissons Gonzales et Ciraptor en toute confiance.


Ils nous ont spontanément offert à manger et à boire. Merci :

- aux 3 iraniens qui se sont démenés pour nous alimenter en eau fraîche en direction de Varzeqan.

- à la petite famille pour leurs fruits

- aux deux hommes et leurs fils qui ont supplié Coco d'embarquer son vélo dans leur voiture pour la conduire jusqu'au col (en sportive orgueilleuse, elle a évidemment refusé)

- au conducteur de la camionnette réfrigérée pour ses glaces

- au gérant de l'aire de repos pour son thé

- au commerçant à Ardabil pour sa citronnade

- à Nabidi qui nous a offert des fruits en direction de Rudsar

- au jeune vendeur de vêtements pour ses deux bouteilles d'eau bien fraîches

- au producteur pour le kilo de thé gracieusement offert

Salaam ! Une fois n'est pas coutume, c'est sans Gonzales et Ciraptor que nous entamons cette seconde étape iranienne. En ce 18 juin 2019, nous quittons le bord de la mer Caspienne et mettons le cap plein sud à bord d'un autocar. Sans sacoche à traîner et les têtes rafraîchies d'air conditionné, nous profitons de la magnifique route en direction de Tehran. Nous traversons la chaîne de montagnes "Alborz" et longeons notamment la retenue d'eau "Amir Kabir".

Retenue d'eau "Amir Kabir" au coeur des montagnes Alborz

Cela pourrait sentir les vacances. Cela pourrait seulement... car si certains passent le bac en ce moment (courage à eux !), nous avons nous aussi un examen de taille à passer dans la capitale iranienne. Et plus précisément, ici !

Ambassade du Turkménistan à Tehran

L'ambassade du Turkménistan est crainte de tous les cyclotouristes en direction de l'est. Sa moindre évocation hérisse les poils et donne des sueurs froides (même sous 35 degrés). Elle remplie à elle seule des forums entiers d'échanges de voyageurs sur internet.

50% : c'est le nombre qui circule pour évaluer la probabilité d'obtenir le "visa de transit" turkmène tant convoité. Ce visa permet simplement de traverser le pays sans avoir pour objectif principal de le visiter. Il est généralement limité à 5 jours. Pour tout autre visa, notamment "touristique", il est nécessaire de recourir à une agence de voyage pour obtenir une lettre d'invitation. Le prix est bien sûr beaucoup plus important et les cyclotouristes se tournent donc tous vers le visa de transit. Dernière subtilité de taille : le visa de transit ne peut se demander que depuis un pays frontalier (histoire de bien vous stopper au dernier moment...).

Après l'Iran, le Turkménistan est une étape obligatoire pour qui souhaite rejoindre la haute route du Pamir et éviter l'Afghanistan (c'est-à-dire quasiment tout le monde). Un refus et c'est le voyage qui s'arrête. Ou s'il ne s'arrête pas, sa progression en est fortement compromise. Quelques solutions existent (un retour en arrière pour passer par le nord, un vol permettant d'enjamber ce pays,...) mais y penser pourrait nous porter la poisse.

Attention, les prochains paragraphes risquent de vous ennuyer profondément. Pour les moins combatifs, se rendre directement à la fin de l'avertissement (en italique).

Porte documents sous le bras, nous nous rendons donc à la section visa de cette ambassade tant redoutée. Des cyclotouristes sont déjà là à vérifier la taille des photos d'identité, la présence de la lettre de demande de visa et les copies couleur des passeports.

Mince, l'affichage à l'entrée montre une lettre type renseignant la ville d'entrée et de sortie du territoire turkmène. Nous n'avons pas intégré ces informations dans notre lettre. Titi court donc dans le bureau de banque le plus proche pour trouver une feuille A4, afin de réécrire la lettre.

Mince, l'affichage à l'entrée indique également que le formulaire officiel de demande de visa a changé le mois dernier (et l'ambassade n'en délivre pas, ce serait trop simple). Par chance, un généreux motard invite Titi a monter derrière lui pour le déposer au "copy shop" le plus proche, à 2km. L'homme ramène même Titi avec ses deux formulaires fraîchement imprimés, sans rien demander. Il nous quitte en nous souhaitons bonne chance.

Mince, le formulaire imprimé n'est finalement pas le bon. Il correspond à une demande de visa touristique et non de transit. Titi repart donc au pas de course au "copy shop" pour imprimer le formulaire "transit visa". Il revient, tout fier de tenir entre les mains les précieuses feuilles volantes qu'il a tenté de préserver de la sueur de ses mains, à courir sous 35 degrés.

Mince, un couple de voyageurs porto-irlandais est gêné de nous apprendre que le formulaire doit être rempli en ligne. Les données intégrées permettent en effet de générer un "QR code" que les services turkmènes pourront scanner. Remplir le formulaire à la main anéantirait toutes nos chances d'obtenir le visa.

Mince, l'ambassade ferme dans 10 minutes. Nous sommes bons pour trouver un ordinateur dans l'après-midi, remplir le formulaire en ligne, l'imprimer, et revenir demain matin...

Mince, remplir le formulaire en ligne suppose d'avoir le logiciel qui va bien pour éviter que les dates ne se changent en chiffres farsi et pour permettre la génération du "QR code". Heureusement, une famille belge voyageant en camion depuis la Belgique jusqu'à la Mongolie nous prête son ordinateur. Le père de famille connecte l'engin à son téléphone par wifi et nous voici sur le site de l'ambassade à remplir le formulaire. Nous enregistrons les fichiers en format pdf pour éviter les modifications intempestives, et retournons une troisième fois au "copy shop" pour imprimer le tout.

Mince, revenir à l'ambassade le lendemain implique de changer notre horaire d'autocar, prévu dès 9h en direction d'Esfahān. Titi traverse donc tout Tehran en métro pour rejoindre la gare routière et modifier notre billet. Pendant ce temps, Coco réécrit la lettre accompagnant notre demande de visa, sur informatique, histoire de mettre toutes les chances de notre côté.

Mince, la journée est finie et nous n'avons rien visité de Tehran...

Fin de l'avertissement

Tout juste avons nous le temps de rencontrer Amin, le frère de Shahrzad, dans un café qu'il nous a indiqué. Situé dans le quartier étudiant de Tehran, cet endroit ne manque pas de cachet avec sa grande bibliothèque, son haut plafond supportant un lustre imposant et son ambiance d'after work rythmée par une musique électro.

Le Lamiz coffee

Ce lieu pourrait tout aussi bien être londonien, parisien ou new-yorkais. Les éclats de rires vont bon train et les garçons et les filles se mélangent naturellement. La mixité ne pose aucun problème et nous sommes quelque part rassurés sur ce point.

Amin porte un sourire qui ne le quitte pas. Cet étudiant en informatique respire l'intelligence et la simplicité. Il espère suivre son master en Allemagne si sa demande est acceptée. Cela fait un an qu'il travaille sur son visa. Il nous conseille sur les lieux de Tehran à visiter. Nous espérons suivre ses recommandations lors de notre second passage dans la capitale, d'ici une semaine.

Belle rencontre avec Amin

Une fois notre dossier (enfin complet !) déposé à l'ambassade le lendemain matin, nous prenons l'autocar en direction d'Esfahān. En arrivant dans cette ville du centre de l'Iran, nous rencontrons deux iraniennes de notre âge qui doivent elles aussi passer un examen... de compréhension orale en français ! L'examen a lieu demain. Les deux amies, prénommées Kiana et Mahtab, ont loué un appartement et nous invitent à le partager pendant notre séjour, avec une grande simplicité.

Rencontre de Kiana et Mahtab à Esfahān

Nous passons notre soirée en leur compagnie, sur l'impressionnante place Naqsh-e Jahan (l'une des plus grandes places du monde avec ses 512m de long et 163m de large).

Place Naqsh-e Jahan

Kiana et Mahtab apprennent le français depuis un an et demi. Elles espèrent vivre une expérience québécoise pour six mois, à condition que leur dossier soit accepté. Cela passe par la réussite à leur examen. Ces deux jeunes femmes nous touchent par leur complicité de longue date qui les rend attachantes. Elles nous expriment leurs envies d'ailleurs. En Iran, les femmes ne sont pas libres de jouer de la musique ou de danser dans la rue, d'assister à des rencontres sportives dans les stades, ou même de réserver la moindre chambre d'hôtel avant d'être mariées. "Bientôt, prendre l'air nous sera interdit", nous glissent-t-elles avec le sourire. Cette remarque en dit long sur leur état d'esprit, et sur leur soif d'émancipation et d'indépendance.

Le suspens est de courte durée. Nos colocatrices obtiennent un B2 à leur test de compréhension, synonyme de succès. Reste à préparer l'expression orale dans un mois. Mais l'heure est désormais à la décompression en visitant Esfahān !

Visite d'Esfahān en mode "détente"

Esfahān regorge d'attraits touristiques. Elle fut décrétée capitale de l'Iran par le Shah (signifie "roi") Abbas 1, à la fin du 16ème siècle. Ce titre lui conféra de nombreuses attentions comme la construction de mosquées ou de palais qui font d'elle une cité historique à l'authenticité remarquable. Voyez plutôt en images...

Mosquées d'Esfahān
Palais d'Esfahān

Esfahān abrite également un quartier arménien (quartier "Jolfa"). Le Shah Abbas a en effet fait déplacer de nombreuses familles chrétiennes arméniennes afin de développer le commerce dans sa nouvelle capitale en 1600. Ces marchands et artistes étaient réputés et on leur laissa la liberté de culte, d'où la construction d'une cathédrale et d'églises dans cette zone.

Visite de la cathédrale Vank du quartier Jolfa

Nous ne nous lassons pas de traverser la place Naqsh-e Jahan. Le soir venu, ce lieu central est pris d'assaut par les habitants qui occupent ses espaces verts et ses larges allées.

La place Naqsh-e Jahan sous tous les angles

Les interminables arcades entourant la place font la part belle au travail du cuivre, du bois et du tissu.

Les artisans locaux en pleine action

La vaisselle, les bijoux, les nappes et autres éléments de décoration sont ainsi fabriqués et exposés sur place.

Une multitude d'objets en cuivre sous les arcades

Nous sommes invités par un marchand de tapis qui souhaite nous présenter ses plus belles pièces. Nous l'informons que nous ne souhaitons pas acheter, mais il insiste en évoquant le "simple plaisir des yeux". Nous voilà donc entre les mains de ce commerçant qui nous déplie des dizaines de tapis. Dans un excellent français, il nous explique leur provenance, leur matière, la signification de leurs dessins,... Nous buvons ses paroles comme nous buvons le thé qu'il nous offre. Il nous convainc presque de casser notre tirelire pour faire livrer un tapis nomade en soie rouge dans notre appartement (que nous n'avons pas). Nous repartons les mains vides, mais avec sa carte de visite en poche et de nouvelles connaissances sur les tapis iraniens !

Titi et Coco chez le marchand de tapis

Dans les méandres du bazar, nous tombons également sur un collectionneur de monnaies. Sa vitrine présente des pièces et des billets en provenance des quatre coins du monde, et de toutes les époques. Nous portons notre attention sur deux billets iraniens, relativement récents.

Curiosité chez le collectionneur de monnaie

Le premier billet date d'avant la révolution iranienne de 1979. Le second est postérieur à cet événement, et voit le Shah Mohammad Reza recouvert d'un vulgaire dessin. Entre ces deux billets, l'Iran a basculé de la monarchie à la république islamique, et le Shah n'est plus.

Difficile pour nous d'y voir clair sur l'Histoire récente de l'Iran. C'est en échangeant avec de nombreux locaux que nous nous faisons notre propre idée des faits, qui n'engagent que nous... Plus que pour les autres pays déjà traversés, nous nous interrogeons en effet sur le pourquoi de cette révolution qui mit fin à une époque pourtant considérée par les iraniens comme plus heureuse, plus prospère et plus libre qu'aujourd'hui.

Avertissement : nouveau risque d'endormissement

Avant la révolution, l'Iran était un allié privilégié des États-Unis (les choses ont bien changé...). Les puissances occidentales voyaient l'Iran comme un pays stratégique du Moyen-Orient. Pour son pétrole, bien sûr, mais aussi pour sa position géographique qui en faisait le premier rempart du communisme soviétique. L'Iran exportait même son or noir en Israël quand les autres pays de la région, notamment arabes, ne reconnaissaient pas l'Etat juif (l'Iran reviendra sur la reconnaissance d'Israël après la révolution).

Malgré la bonne situation économique du pays, l'élan révolutionnaire prit le dessus pour mettre fin à un régime monarchique qui n'était plus dans l'air du temps. Ce régime était d'autre part jugé trop lent aux yeux d'étudiants en quête de réformes sociales. Les religieux conservateurs, eux, le trouvaient à l'inverse trop progressiste. À l'époque, la société iranienne était en effet laïque et ouverte sur le monde. Elle laissait aux femmes la possibilité de s'émanciper, de travailler et de s'habiller comme bon leur semblait. Ayant pour modèle Atatürk, le Shah interdit même le port du voile. Les deux camps reprochaient au Shah sa proximité avec les puissances occidentales, qui nuisait selon eux aux intérêts nationaux. Ils critiquaient également les répressions violentes et répétitives de la police du Shah (la SAVAK) contre toute forme d'opposition.

Ce courant révolutionnaire gagna progressivement toutes les couches de la société iranienne (classes moyennes et populaires, milieux intellectuels, étudiants...), et fut encouragé par les communistes.

Le plus étrange est que les pays occidentaux, et notamment la France, n'ont pas semblé s'opposer au renversement du Shah, alors qu'il était jusqu'alors leur allié. Probablement que la responsabilité de ce dernier dans l'augmentation du prix du pétrole (dans les années 70) explique ce changement de comportement, tout comme la crainte de voir l'Iran devenir une (trop) grande puissance sur l'échiquier mondial. Nous apprenons ainsi que le leader religieux de l'opposition, Khomeini, fut accueilli en France juste avant les événements de 1979. Giscard-d'Estaing était alors au pouvoir et venait de réunir les dirigeants américain, britannique et allemand (RFA) aux caraïbes pour convenir ensemble que "le temps du Shah est fini".

Sentant la révolution inéluctable et pour contrer l'URSS qui avançait ses pions, la France a donc jugé préférable de lâcher le Shah pour favoriser l'intronisation d'un religieux à sa place. Nous comprenons maintenant pourquoi certains iraniens nous rappellent que la France a joué un rôle déterminant en faveur de l'instauration de la République Islamique.

En marge des manifestations de 1979, cinquante-six diplomates et civils américains furent retenus en otage par des étudiants iraniens dans l'ambassade des États-Unis de Tehran. Cet épisode dura 444 jours et marqua le début du conflit récurrent opposant les États-Unis à l'Iran. Ce dernier fut nourri par d'autres faits marquants comme la guerre avec l'Irak (années 80) et les tensions sur le nucléaire iranien (notamment la sortie récente des États-Unis de l'accord, sur décision de Trump). À l'instant où nous écrivons ces lignes, les tensions ont d'ailleurs repris de plus belles...

La République Islamique fut créée dès 1979 suite à un référendum. De l'avis des iraniens que nous avons rencontrés, les libertés individuelles s'en sont retrouvées progressivement amoindries, et notamment celles des femmes. La politique menée actuellement en Iran se veut conservatrice et guidée par une vision traditionaliste de la religion musulmane chiite. Le leader suprême (actuellement, l'ayatollah Khamenei) détient les quasi pleins pouvoirs au détriment du président de la République, beaucoup plus soumis aux critiques.

Il serait malvenu de porter un quelconque jugement sur le système politique iranien. Il est simplement très différent du nôtre et nos quelques semaines passés ici ne nous permettent pas d'en maîtriser les subtilités. Notre style de vie français nous fait simplement ressentir les contraintes qui pèsent sur les iraniens et auxquelles nous ne sommes pas habitués.

Lorsque nous nous sentons suffisamment en confiance pour aborder le sujet avec des hommes, leur réponse est très intéressante. Ils ont conscience de ces contraintes, en particulier celles imposées aux femmes. Certains les approuvent, d'autres les condamnent. Une troisième catégorie d'hommes apporte une réponse plus nuancée. Ils connaissent les interdits mais ils se plaisent à jouer avec les règles. Par exemple, l'alcool est prohibé mais il est de notoriété publique que l'on peut s'en procurer et que chacun en consomme chez lui... Un autre iranien nous raconte qu'il organise souvent des virées avec ses amis sur les plages désertes du sud du pays, afin de s'affranchir de l'interdiction, pour les femmes, de se baigner en maillot de bain en compagnie d'hommes.

Nos interlocuteurs nous font part de ces combines, qu'ils usent certes avec précaution mais pas sans plaisir et saveur particulière. Être heureux en Iran implique ainsi d'en connaître les codes, de peser ses actes par rapport aux interdits et d'en mesurer les risques. Comme le disent de nombreux locaux, "l'Iran est un magnifique pays". Ils marquent une pause et ajoutent... "où tout est interdit mais où tout est possible".

Fin de l'avertissement

Passée cette parenthèse historique et politique, nous ouvrons notre chapitre gastronomie ! Esfahān est marquée par l'aubergine que nous dégustons à toutes les sauces. Nous découvrons ainsi le "Halim bademjoun" et le "Kashck bademjoun". L'aubergine est également mise à l'honneur dans la ratatouille que nous préparons à nos hôtes.

L'aubergine au coeur de nos repas à Esfahān

Comme tous les habitants, nous savourons les soirées en profitant d'une baisse des températures. Le vendredi soir (jour férié en Iran) est particulièrement animé aux abords du pont Si-o-Seh Pol. Les enfants courent dans les pataugeoires naturelles, en contrebas d'escaliers bondés de monde. Nous faisons de même.

Un.vendredi soir sur le pont Si-o-Seh Pol

Les rives du Zayandeh sont recouvertes de nappes de pique-nique. En bons champions de la discipline (il font concurrence à nos amis turcs), les iraniens partagent de nombreux plats et s'affèrent autour des grillades au parfum estival.

Nous sommes justement le 21 juin. L'été débute ce soir et l'animation nocturne nous rappelle notre traditionnelle fête de la musique. Des concerts de chants traditionnels s'improvisent. Ils trouvent échos sous le pont et rythment le mouvement des silhouettes sur les murs. Nous sommes en Iran : quelques hommes chantent et osent des pas de danse pendant que certaines femmes tapent simplement des mains. L'ambiance est à la fête au milieu des jeux d'ombre et de lumière. Elle marque de belle manière l'entrée dans la nouvelle saison.

Ambiance festive sous le pont

Nous ne restons que 3 jours à Esfahān. Nous avons pourtant l'impression d'en avoir passé le double tant ce séjour fut riche en découvertes et en rencontres. Les visites, et surtout notre parfaite entente avec Kiana et Mahtab, marqueront à coup sûr notre voyage. Nous n'oublierons pas les moments conviviaux passés avec ces deux femmes que nous espérons revoir et que nous comptons déjà parmi nos amies. Nous leur souhaitons de concrétiser leur rêve québécois.

Une belle amitié née à Esfahān

Notre parenthèse touristique se poursuit et nous conduit le lendemain à Shiraz, plus au sud encore. Notre trajet nous fait traverser des paysages désertiques.

Entre Esfahān et Shiraz, depuis notre autocar

Nous arrivons à Shiraz en début de soirée et pouvons admirer la magnifique mosquée Shah Cheragh, qui signifie "Roi de la lumière". Digne d'un palais des mille et une nuits de l'extérieur, la mosquée tire surtout son nom des mosaïques de miroirs illuminant son intérieur. Coco doit se vêtir d'une nouvelle tenue pour l'occasion, qui lui va à merveille !

Visite de la mosquée Shah Cheragh

S'il est préférable de visiter cette mosquée de nuit pour profiter du spectacle lumineux, il nous est conseillé d'entrer dans la mosquée Nassir-ol-Molk au petit matin. Les rayons du soleil, aux environ de 8h, percent en effet les vitraux de la salle de prière et couchent au sol le reflet de leurs couleurs vives. Malheureusement, nos envies de grâces matinées nous ont probablement fait manquer les meilleures instants...

À l'extérieur, les mosaïques aux teintes rose donnent au bâtiment le surnom de "Pink mosque".

Mosquée Nassir-ol-Molk

Shiraz est l'une des trois capitales culturelles et artistiques de l'Iran, avec Esfahān et Tehran. Comme ses deux soeurs, elle fut un moment désignée capitale de la Perse (pendant la dynastie Zand de 1750 à 1794) avant que les Qajars déplacent la capitale à Tehran. Elle abrite donc elle aussi de nombreux jardins et palais. Dans l'un de ces derniers, nous faisons la connaissance d'un musicien émérite qui nous présente quelques instruments traditionnels.

Maison Narendjestan-e Ghavam et jardin d'Eram

Notre passage à Shiraz est également motivé par la proximité des sites de Nécropolis et Persépolis, pour lesquels nous prenons l'attache d'un guide.

Nécropolis ("Naqš-e Rostam" en persan) contient quatre tombes de rois achéménides. L'empire achéménide fut le premier empire perse, de 559 av-JC à 330 av-JC. On trouve également des bas reliefs sassanides. Les sassanides sont issus de la dynastie du même nom qui régna sur l'Iran à partir de 224 et jusqu'à l'invasion arabe en 651.

Nécropolis

Persépolis ("Takht-e Jamshid" en persan, signifie le "trône de Jamshid") était une capitale de l’empire perse achéménide. Son édification débuta en 521 av. J.-C. sur ordre de Darius 1er. Elle fait partie d’un vaste programme de constructions monumentales visant à souligner l’unité et la diversité de l’empire perse achéménide, à asseoir la légitimité du pouvoir royal et à montrer la grandeur de son règne.

La construction de Persépolis se poursuivi pendant plus de deux siècles, jusqu’à la conquête de l'empire et la destruction partielle de la cité par Alexandre le Grand en 331 av. J.-C.

Persépolis

De nombreux bas-reliefs sculptés sur les escaliers et portes des palais représentent la diversité des peuples composant l’empire.

Sculptures des différents peuples de l'empire

Aux abords du site de Persépolis, notre guide Mohammad attire notre attention sur de nombreuses armatures blanches plantées au sol. En octobre 1971, elles soutenaient les tentes qui ont abrité plusieurs dizaines de têtes couronnées, présidents et chefs de gouvernement du globe. Dans le cadre du 2500ème anniversaire de la fondation de l'empire perse, le Shah Mohammad Reza Pahlavi a en effet vu les choses en grand en conviant tout ce beau monde à des cérémonies fastueuses.

Les festivités de Persépolis furent très vite critiquées pour leur coût exorbitant et leur côté mondain, contrastant beaucoup avec l'autoritarisme du régime iranien. Elles ont participé à la monté du courant révolutionnaire qui renversa le Shah huit ans plus tard.

Nous quittons le lendemain Shiraz pour la ville de Yazd. Plantée au beau milieu du désert, cette cité mérite le détour rien que pour la route qui la dessert.

Entre Shiraz et Yazd

Selon l'Unesco, Yazd serait l'une des plus anciennes villes du monde, connue en 3000 av-JC. À notre arrivée, nous grimpons les escaliers menant à la terrasse de notre guest house pour profiter d'une belle vue sur les toits. Nous nous impregnons de l'atmosphère silencieuse qui règne encore en cette fin d'après-midi brûlante.

Vue sur les toits de Yazd

Une fois la nuit tombée, nous nous perdons dans les ruelles délimitées par les murs en terre crue. Nous goûtons à l'animation retrouvée, dans un climat convivial et très familial (en Iran, les femmes sont certes voilées mais sortent tout autant que les hommes le soir dans la rue). Les magnifiques mosquées Jam et Amir Chaghmagh (inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco) dominent cette ville que nous sentons très accueillante et pour laquelle nous avons rapidement un coup de coeur. Nous comprenons maintenant pourquoi les gens nous la conseillaient.

Yazd

Nous visitons le lendemain le temple d'Ateshkadeh (ou "temple du feu"). Ce lieu de culte témoigne de la prédominance de la religion zoroastrisme sur le plateau iranien avant la conquête arabo-musulmane. Une petite communauté zoroastrienne est toujours présente à Yazd. Le temple du feu contenait un feu traditionnel qui a été maintenu allumé par des prêtres zoroastriens sans interruption pendant plus de 1100ans.

Le zoroastrisme serait la plus ancienne religion monothéiste encore pratiquée. Yazd en est le berceau et la capitale.

Temple d'Ateshkadeh

Une mauvaise nouvelle nous oblige à écourter notre séjour à Yazd. L'agence parisienne que nous avons missionnée pour notre demande de visa chinois nous informe par mail que notre dossier n'est finalement pas complet. Le formulaire aurait changé il y a peu... D'autre part, l'agence se dit très pessimiste sur nos chances d'obtenir un visa de plus de 30 jours (essayez de traverser la Chine à vélo en moins de 30 jours, on vous souhaite bon courage...). Enfin, le prochain rendez-vous que l'agence peut solliciter auprès de l'ambassade de Chine à Paris, pour le traitement de notre dossier, ne pourra pas se tenir avant mi-juillet. Bien cordialement !

Adieu donc nos projets d'escapade au bord des lacs salés et dans les dunes du désert... Nous rentrons précipitamment à Tehran par un train de nuit, dans le but de déposer en catastrophe une demande à l'ambassade de Chine de la capitale iranienne, le lendemain matin (l'ambassade n'est ouverte que 3 jours par semaine en matinée). La pression monte car aucun pays d'Asie centrale ne délivre de visa chinois. C'est donc notre unique chance. Nous ignorons d'autre part combien de temps cette demande nous retiendra ici.

Nous vous passons les détails de nos dernières heures passées à Yazd, largement gâchées par l'obligation de réécrire intégralement notre programme en Chine, avec preuves de réservations d'hôtels pour chaque journée passée. Dans la même lignée que le visa turkmène, le visa chinois c'est du costaud !

Avec ces histoires de visa, nous sentons que l'étau se resserre et prenons conscience que notre rêve de voyage ne tient qu'à un fil... ou plutôt qu'à des foutus tampons sur un passeport ! Nous ne cédons par pour autant au découragement et profitons pleinement de ces quelques jours à Tehran.

Nous sommes accueillis dans la famille de Shahrzad pendant 6 jours. Nous retrouvons ainsi Minoo et Amin, et faisons la connaissance de Reza, le papa. Leur maison se situe à Karaj, à quelques kilomètres de Tehran. Cette ville collée aux montagnes du nord occupe la banlieue de Tehran, mais n'en demeure pas moins la 4ème ville du pays en nombre d'habitants.

À Karaj, nous commençons par ne rien faire. Nous enchainons les siestes de 2 heures, jouons au backgammon, regardons les matchs de volley-ball à la télévision (la France a battu l'Iran, soit dit en passant...) et prenons 3 kilos à savourer les plats concoctés par Minoo. Nos exploits sportifs se limitent à quelques matchs de ping-pong et une ballade dans les montagnes voisines.

À Karaj, c'est ballade et décompression !

Depuis Karaj, nous empruntons le réseau de transport de la capitale et connaissons désormais par coeur son plan de métro pour y passer de nombreuses heures, entre visites d'ambassades et excursions touristiques. Aux heures de pointe, Coco privilégie les wagons réservés aux femmes. Ils la préservent des regards indiscrets que portent certains iraniens sur les femmes, surtout lorsqu'elles sont jeunes et européennes. Mais attention aux généralités. La plupart des hommes sont très respectueux des femmes et se lèvent immédiatement pour laisser leur place à Coco. Les réflexions des femmes sont finalement plus dures, comme quand l'une d'elles fit remarquer à Coco que sa longue chemise lui arrivant sous les fesses était trop courte. Un manteau lui couvrant l'intégralité des jambes serait plus approprié... Et c'est bien un homme qui rassura tout de suite Coco en lui disant de ne pas faire attention à ces remarques désobligeantes.

Dans l'ensemble, les iraniens font preuve d'une grande courtoisie à l'égard des touristes. Probablement beaucoup plus que nous le faisons en France. Leurs regards sont parfois déstabilisant de curiosité, mais ils laissent souvent place à un sourire et à des questionnements fréquents sur notre provenance. Ils sont friands de connaître les villes que nous avons visitées en Iran, et nous demandent notre préférée. Le métro est un lieu privilégié d'échanges et de rencontres, et nous en faisons l'expérience à Tehran.

Nous nous promenons dans l'immense parc du complexe historique Saadabad. Situé au nord de la ville, ce lieu permet la visite de nombreux musées dans un cadre champêtre, loin du tumulte urbain.

Parc du complexe historique Saadabad

Nous découvrons ainsi le dernier palais habité par le Shah. Juste devant le palais, la statue érigée en l'honneur de sa Majesté montre que la révolution est passée par là...

Palais Saadabad

Dans le même complexe Saadabad, nous admirons les tenues traditionnelles portées pendant ces longues années de Monarchie (exposées dans le musée des costumes royaux). Pour l'anecdote "people", la troisième et dernière épouse du Shah, la reine (puis impératrice) Farah Diba, portait une robe signée Christian Dior pour son mariage. En exil depuis la révolution de 1979, elle partage actuellement sa vie entre l'Égypte, les États-Unis... et la France ! Après avoir fait tomber le Shah, la France accueille donc son épouse. La diplomatie réserve parfois des suprises...

Musée des costumes royaux

En plus des musées, nous trouvons à Tehran de nombreuses curiosités tels que des poussins multicolores, des pains défiant les lois de la pesanteur, des conducteurs de moto de moins de 4 ans et un membre de l'équipe d'Iran de taekwondo.

Curiosités de Tehran

Côté culinaire, nous sommes bien obligés de goûter les incontournables vermicelles glacés appelés "faloodeh" et le surprenant "halim" : une sorte de bouillie épaisse composée de blé, de viande (le plus souvent de l'agneau), de beurre fondu, de cannelle et de sucre. Ce dernier plat sucré/salé fait le bonheur des iraniens pendant leur petit déjeuner. Autant vous dire qu'il est loin d'être à notre goût, et Titi met quadruple dose de sucre pour en venir à bout.

Découvertes gustatives plus ou moins concluantes...

Nos hôtes nous réconcilient de suite avec les spécialités iraniennes en nous invitant dans le meilleur restaurant de la ville. Situé sur les hauteurs, au bord de la rivière Karaj, l'endroit est pris d'assaut par les locaux une fois la nuit tombée. Nous dégustons les meilleurs kebabs que nous avons goûtés jusqu'à présent (ce n'est pas peu dire !) au beau milieu d'un décor fôrestier.

Belle soirée à l'Orkideh restaurant

Nous fêtons ce soir nos 5 mois de voyage. Bien plus encore, nous trinquons à la réussite d'Amin qui vient d'apprendre que son projet d'étude à été accepté par son université. Enfin, nous honorons comme il se doit le début de retraite de Reza. Les pieds nus sur le tapis qui nous sert de table, nous savourons simplement ces moments. Comme toujours, cette belle famille refusera que nous déboursions le moindre centime. "Vous êtes nos hôtes, ce serait une offense de vous voir payer". Désarmés par tant de gentillesse et de générosité, nous nous promettons de les recevoir dignement en France si les vents les mènent plus tard chez nous. Nous le souhaitons fortement, nous les invitons, ils sourient... "peut-être, Inch'Allah"...

Ainsi s'achève cette étape "Iran centre et sud". En deux semaines, nous avons pu découvrir quelques unes des merveilles de l'Iran, et notamment ses villes historiques. Nous avons surtout été comblés par les rencontres avec Kiana, Mahtab et la famille de Shahrzad. En revanche, voyager sans nos vélos ne nous réussit pas. Nous écrivons beaucoup trop... Promis, la prochaine étape sera plus courte.

Demain, l'ambiance sera toute autre. Nous saurons si le Turkménistan et la Chine nous ouvrent les bras de leurs visas... En cas de refus, nous rebrousserons probablement chemin, vers l'ouest. Le voyage prendra une autre forme, ou s'arrêtera... on verra... Dans le cas contraire, nous roulerons cool vers l'est !!!

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Ils ont égayé notre route. Encore merci à :

Kiana et Mahtab pour la simplicité avec laquelle elles nous ont invités à partager leur séjour à Esfahān. Nous avons fait la connaissance de deux jeunes femmes pleines de vie et espérons sincèrement les revoir. D'ici là, nous croisons les doigts pour que leur demande d'études au Québec soit acceptée.

Au vendeur de tapis d'Esfahān. Il nous a délivré un cours théorique d'une heure sur leur fabrication, et nous a même offert du thé. Nous n'avons rien acheté... Mais qui sait ? À notre retour en France, nous pourrions passer commande...

Héloïse pour avoir accepté de partager son guide à Persépolis. La matinée en sa compagnie fut très agréable. Héloïse voyageait seule en Iran. Très attirée par ce pays, elle prévoit d'y revenir et d'apprendre le farsi. Nous espérons que la fin de son séjour est à la hauteur de ses attentes.

Thibault, rencontré trop brièvement à Shiraz, pour sa gentillesse et les discussions intéressantes que nous avons eu avec lui. Il rentrait en France le lendemain. Pourquoi pas se revoir à Lyon où il réside ?

Minoo, Reza et Amin pour toute l'énergie qu'ils ont dépensé à rendre notre séjour agréable à Karaj. Nous avons été comblés par toutes leurs attentions et les nombreux services qu'ils nous ont rendu. Nous avons rencontré une famille formidable, très attachante, et il n'est pas question de ne pas les revoir...

Toutes les personnes qui nous ont aidés dans nos demandes de visa :

- le motard qui permit à Titi de gagner de précieuses minutes dans ses aller-retour au copy shop de Tehran

- le couple belge et ses trois enfants, rencontrés sur le perron de l'ambassade du Turkménistan. Ils nous ont sauvés la mise en nous permettant de remplir le formulaire en ligne grâce à leur ordinateur.

- le couple porto-irlandais pour leurs conseils avisés. En cas de succès, nous espérons les remercier autrement que par téléphone, en les rencontrant pourquoi pas sur la route si nos chemins de cyclotouristes se croisent.


Ils nous ont spontanément offert à manger et à boire. Merci :

- au jeune iranien pour le gâteau offert pendant notre attente à la gare routière de Tehran

- à l'iranien plus âgé, pour les bonbons délicatement offerts dans le métro

Salaam ! Ce lundi 1er juillet 2019 marque probablement le début des vacances pour nombre d'entre vous en France. Nous concernant, il nous allège d'un poids : celui de l'attente et de l'incertitude quant à nos demandes de visas.

Fin du suspens, c'est dans la poche ! Le Turkménistan et la Chine nous ouvrent leurs portes ! Ouf... Nous savourons cet instant avec d'autres galériens comme nous...

Explosion de joie devant les ambassades turkmène et chinoise !

Nous retrouvons nos enfants Gonzales et Ciraptor au départ d'Abbasabad. Nous reprenons ainsi la route le coeur léger, mais pas sans quelques douleurs musculaires qui nous rappellent notre interruption sportive de 15 jours.

Les habitudes ne se perdent pas pour autant en Iran. Nous sommes rapidement interpellés par un ancien membre de l'équipe cycliste iranienne. L'homme a usé l'asphalte de nombreuses routes du monde, lors de compétions de haut niveau. Il est aujourd'hui responsable d'un club de cyclisme près de Chalus, davantage tourné vers le VTT et l'esprit de convivialité. Nous le croyons quand il nous dit que les montagnes du nord se prêtent parfaitement à de belles virées à deux roues.

Ce passionné de vélo propose de nous apporter son aide pour répondre à quel que besoin que ce soit. Sa maison n'est pas loin et il dispose de tout chez lui pour réparer un vélo, prendre une douche ou se reposer tout simplement. Il est à peine 10h et la pause serait bien précoce. Nous déclinons donc son invitation mais lui assurons de la joie que nous avons eu à échanger avec lui.

Rencontre avec une ancienne gloire du cyclisme iranien

Disons le clairement, le bord de la mer Caspienne est loin d'être l'itinéraire rêvé des cyclotouristes. Nous avions déjà ressenti cela à l'approche d'Abbasabad et cela se confirme à sa suite. L'importante circulation et l'aménagement peu enthousiasmant de la côte rendent la route ennuyeuse. Les kilomètres défilent de façon monotone et nous nous consolons avec les belles rencontres qui se présentent à nous.

La ville de Qaem Shar en est le premier parfait exemple. Elle nous offre une excellente soirée en compagnie de Parla. Cette jeune femme dynamique fut professeur de musculation, avant de travailler dans le milieu bancaire et de se reconvertir dans l'enseignement du turc (qu'elle maîtrise du fait des origines de sa maman). Parla est très fière d'avoir enfin réussi à travailler un an au même endroit. Ce premier anniversaire est donc l'occasion d'une fête ce soir, réunissant l'ensemble de ses collègues mais aussi son frère Parsa et ses parents. Nous sommes gênés d'occuper une bonne partie des sujets de conversation, mais n'en sommes pas moins intéressés de discuter avec tout ce beau monde. Nous apprenons par exemple que les jeunes femmes sont fêtées aujourd'hui en Iran, et que beaucoup d'iraniens apprennent le turc pour émigrer en Turquie. À défaut de pouvoir lorgner l'Europe ou les États-Unis, les iraniens se tournent en effet vers ce pays qui ne leur demande pas de visa. Nous prenons donc à nouveau conscience de la lourdeur de l'existence des jeunes iraniens qui sont bien décidés à quitter leur terre pour vivre des jours meilleurs à l'étranger.

Passé minuit, Parla nous propose de repartir avec ses parents et de dormir chez eux. Les invités entament tout juste une partie de jeu "Mafia" et n'ont pas l'intention de fermer l'oeil de la nuit... L'ambiance est très détendue. Les blagues fusent et les éclats de rire qui s'en suivent augmentent significativement le volume sonore. Dormir ici relèverait du miracle. Nous acceptons donc, raisonnablement décidés à accueillir un sommeil qui se fait déjà sentir. En partant, nous prenons le temps d'un petit souvenir photographique.

Soirée festive à Qaem Shar

Nous nous retrouvons le lendemain matin en compagnie des parents de Parla. Le papa connaît l'histoire de France par coeur et se plaît à nous parler en anglais. La maman, plus discrète, n'en ai pas moins intéressée par notre voyage et nous demande comment nos mamans le vivent. La confiance se gagne petit à petit, et nous voilà devant les albums photos de la famille en mangeant des pastèques juteuses. Nous admirons leurs photos de mariage, celles retraçant l'enfance de leurs trois bambins, et d'autres plus récentes datant de leur voyage en Asie du sud-est. La matinée passe vite et nous est très agréable.

Belle matinée avec les parents de Parla

La sonnette retentit. Parsa, le fiston, vient nous chercher comme convenu pour le shooting. Nous embarquons dans la voiture conduite par un de ses amis photographe et gagnons un jardin fait de décors exclusivement réservés à la prise de clichés ou vidéos (photos de mariage, clip musicaux,...). Pourquoi délaisser nos vélos ce matin pour cette séance photo ? Parce que Parsa nous l'a proposé et parce que cela nous amuse !

Parsa, du haut de ses 20ans (il en fait 25), a déjà roulé sa bosse en tant que modèle. Il a un book photos bien rempli et a tourné plusieurs publicités iraniennes qu'il s'amuse à nous montrer sur son smartphone. Avec sa bande, ils ont besoin de faire leurs preuves pour toucher les grandes enseignes et gagner des contrats. Nous leur permettons ainsi d'enrichir leur compte instagram de nouveaux clichés. De notre côté, nous avons nos photos de mariage ! (sans la cérémonie)

Shooting Titi et coco - Copyright Zara syudio

Parsa suit des études d'ingénieur en chimie. Il est désabusé par la situation économique de son pays. Il y a 3 ans, son portefeuille lui permettait d'envisager l'achat d'une voiture. Aujourd'hui, son pécule vaut le prix d'un smartphone. La faute à la dégringolade de la valeur du rial du fait de sanctions qui pèsent sur l'Iran. Le prix des produits importés, lui, ne baisse pas. Le coût de la vie en prend donc un sacré coup. Parsa rêverait de pouvoir vivre dignement dans son pays qu'il aime profondément. Il souhaiterait rester auprès de sa famille et n'est pas plus attiré que cela par les promesses occidentales. Pourtant, il envisage l'exil. Par nécessité. Surtout, il regrette que le peuple iranien paye au prix fort le contexte politique qui dure depuis des décennies.

Nous quittons Parla, Parsa et leurs parents sur cette note pessimiste partagée autour du traditionnel repas familial du vendredi. Malgré beaucoup de choses qui nous séparent, nous nous sentons proches de cette famille et avons bien du mal à partir.

Belle rencontre avec la famille de Parla et Parsa

Côté route, rien à signaler. Toujours notre double voie redondante... Heureusement que les iraniens égayent nos journées de leurs sourires et de leur enthousiasme. Certains nous prennent en photo depuis la banquette arrière de "machine" (nom donné par les iraniens à leur voiture). Dans ces situations, nous mettons un point d'honneur à effectuer de belles figures artistiques.

Belle note artistique donnée au couple cycliste français

D'autres nous accostent naturellement pour en savoir plus sur nous, comme ici en direction de Behshahr. Deux iraniennes se précipitent sur Coco pour l'inonder de questions.

Les questions fusent pour Coco

Nous arrivons à Rostamkola (près de Behshahr) à la tombée de la nuit. À peine le temps de prendre une douche chez Davood et sa petite famille que ces derniers nous emmènent au festival du kebab. Si si, ça existe ! 8000 personnes sont ainsi réunies autour de brochettes fumantes. L'ambiance est à la fête et chacun cherche une place pour suivre le spectacle présenté depuis la grande estrade.

Bienvenue au festival du kebab !

Surprise ! Davood a prévenu les organisateurs de notre venue ! Nous accordons une interview pour une chaîne de télévision, en baragouinant en anglais les quelques réponses qui nous viennent. Que pensez-vous de ce festival du kebab ? Comment en avez-vous entendu parler ? Comment trouvez-vous l'Iran ? Autant de questions pas évidentes à appréhender pour qui vient d'apprendre l'existence de l'événement quelques minutes plus tôt...

Coco, concentration maximale !

Seconde surprise ! On nous fait comprendre que nous montons sur l'estrade dans quelques minutes ! Nous voici donc projetés sur le devant de la scène pour évoquer notre voyage et tout le bien que l'on pense du kebab.

Titi la main sur le coeur !

En passant, l'animateur de la soirée nous fait répéter quelques mots en farsi, histoire de faire rire l'assemblée. C'est de bonne guerre... Nous jouons le jeu à fond sans trop comprendre ce qui nous arrive et fermons l'oeil à 2h du matin. Clap de fin, les stars étrangères du kebab sont rincées...

Nous poursuivons le lendemain notre tournée des familles iraniennes du côté de Gorgan. Arezoo n'accepte d'habitude que les femmes. Elle fait une exception pour Titi. En contrepartie, nous avons droit à l'interrogatoire du papa. Assis sur son fauteuil en face de nous, il lance rapidement les hostilités.

- Quelle est la nature de votre relation ?

- Nous sommes mariés, depuis l'an dernier (dans cette situation, le mensonge va de soi...)

- Bien, bien... Félicitations... et les enfants ?

- Ça vient, ça vient. En revenant de voyage, on s'y met direct, ne vous inquiétez pas...

- Fort bien... Que pensez-vous de l'Iran ?

- Très joli. Les gens sont vraiment chaleureux et accueillants, comme vous l'êtes vous-même.

- Merci, merci... Et Macron ? Vous en pensez quoi ?

- (aïe...). À l'international, pas trop mal. Au plan national, il pourrait faire mieux...

- En France, on dit que l'Iran est un pays de terroristes ?

- (aïe aïe aïe) Non, non... Rien de cela. En réalité, les français ne connaissent que trop peu votre pays. Tout juste entend-on parler des tensions avec les États-Unis. Et si certains font la navrante confusion entre Islam et terrorisme, ils ne représentent qu'une petite minorité.

- D'accord. Vous savez, l'Iran est un grand pays !

- Bien sûr. Nous n'en doutons pas... Son histoire, sa culture, ses traditions...

- Combien d'habitants en France ?

- (Ouf ! Les questions sensibles sont passées) Heu... 65 millions, quelque chose comme ça.

- Impossible, l'Iran en compte 90 millions et est beaucoup plus grande que la France. La population européenne ?

- (finalement c'est pas gagné...) Heu... disons 500 millions pour l'Union Européenne. Sûrement plus pour "l'Europe géographique".

- Quoi ! Plus que l'Iran ?! Impossible. L'Iran est un grand pays vous savez.

Arezoo nous vient en aide et confirme à son père l'exactitude de nos chiffres, les yeux rivés sur son smartphone et très amusée de sa réaction. Son sourire nous rassure. Le papa n'est pas bien méchant et la complicité se lit dans leurs regards échangés. Sur ce, le papa se lève et va bouder dans la cuisine. Nous comprendrons plus tard qu'il est juste allé se coucher. L'été, en Iran, on dort partout où il fait frais, et à toute heure du jour ou de la nuit. On supporte comme on peut la chaleur ambiante et toute sortie entre 10h et 18h est proscrite sous 40 degrés. La cuisine est visiblement la salle la plus propice à l'endormissement dans cet appartement.

Une fois la confiance paternelle gagnée, nous faisons plus ample connaissance avec Arezoo. Cette femme de 30ans a troqué les chaussures de futsal (football en salle, très répendu notamment pour les femmes en Iran) pour le tapis de yoga et sa philosophie. Forte de deux stages d'apprentissage passés en Inde, elle est maintenant titulaire de certificats lui permettant d'enseigner cette discipline pour laquelle elle s'est prise de passion il y a trois ans. Depuis, elle a tout changé, jusqu'à son mode de vie et son alimentation désormais végétarienne. Arezoo est l'unique enfant d'une fratrie de 4 à n'être pas mariée. "Je me sens différente de ma famille", nous confie-t-elle. Ses envies d'évasion lui font nourrir des rêves de voyage à l'autre bout du monde, en auto-stop et sac sur le dos. Pleine de vie, elle se montre très enthousiaste et nous promène sur les hauteurs de Gorgan, dans un café puis chez sa meilleure amie (elle aussi professeur de yoga).

Belle soirée à Gorgan

La nuit est de courte durée. Un ami d'Arezoo souhaite nous faire découvrir l'immense parc qui borde la ville, le lendemain matin. Nous y allons à vélo, tapis de yoga en bandoulière pour suivre une séance de yoga personnalisée en pleine forêt !

Ballade fôrestiere au petit matin

L'utilisation des réseaux "warmshower" et "couchsurfing" nous fait rencontrer des personnes ouvertes d'esprit, souvent portées vers le voyage et toujours curieuses de nouvelles aventures racontées par leurs invités de passage. Ces rencontres sont uniques et enrichissantes. Elles donnent du sens à notre voyage. Pour autant, nous avons conscience que nos hôtes ne reflètent peut-être pas l'état d'esprit de l'ensemble des iraniens. Les réseaux d'hébergement touchent en effet une tranche particulière de la population, déjà sensibilisée à l'accueil d'étrangers. Alors quand l'invitation vient de la rue, qui plus est par une famille "traditionnelle", nous sautons sur l'occasion !

C'est le cas entre Gorgan et Minudasht. Comme souvent, une voiture s'arrête. Pour un selfie ? Pour nous offrir de l'eau ou des fruits ? Non, pas cette fois. Masomeh (la maman) et Hadi (le papa) ont l'enthousiasme de ceux qui découvrent que l'on peut venir de loin à vélo. Ils nous supplient de dormir chez eux ce soir. Cela nous rajoute 15km mais une telle offre ne se refuse pas. Dans leurs bras, Zeinab (la petite fille) et Ali (le petit garçon) sont encore timides. Nous prenons ainsi rendez-vous pour ce soir, heureux de faire plus ample connaissance.

Masomeh et Hadi nous invitent

Arrivés à destination, nous découvrons notre lieu d'accueil qui est en fait la maison de la soeur d'Hadi, Zakieh, de son mari Hosain et de leur fille Zahra. Nous passons le seuil de la porte et sommes emportés par une abondance d'attentions et de générosité. Nous goûtons pour quatre et sommes progressivement adoptés par les deux jeunes enfants. Zeinab et Ali sont jumeaux. Ils ne manquent pas d'énergie et investissent le salon sans rater la moindre occasion de se faire remarquer. Difficile de résister à leurs petites bouilles craquantes...

Atelier dessin, avant que les 2 bambins ne s'attaquent au mur du salon...

Les quatre adultes se laissent volontairement dépassés par l'activité des jumeaux. Nous les trouvons très permissifs, comme la majorité des parents que nous côtoyons depuis notre départ. Nous réalisons en effet que les français suivent davantage de principes pour l'éducation de leur progéniture que leurs homologues étrangers.

Au milieu de cette cour de récréation, Hadi fait sa prière, tourné vers La Mecque et sous le regard bienveillant de Khamenei (leader suprême iranien) dont le portrait est soigneusement accroché au mur. Hadi est paysagiste. Sa femme Masomeh a suivi des études de tourisme et parle de ce fait très bien anglais. Elle ne travaille pas et s'occupe des enfants, comme beaucoup d'iraniennes (pas toutes). Ici, les hommes ont traditionnellement la charge d'entretenir financièrement leur épouse. Nous apprenons ainsi que la loi du "prix du sang" (diyya) oblige un individu qui aurait involontairement tué un homme à verser à sa famille le double du prix que s'il s'agissait d'une femme. De même, un fils hérite deux fois plus que sa soeur. Non pas qu'une femme soit moins importante aux yeux de Dieu, mais parce qu'il incombe aux hommes la responsabilité financière. D'autres différences sont à noter, comme la possibilité pour l'homme de demander le divorce quand le femme ne peut le faire que si son époux lui en donne le droit. Les jumeaux qui courent entre nos pattes ont tout partagé, jusqu'au ventre de leur mère. Encore bercés d'insouciance, ils ne se doutent pas que leurs destins se sépareront du fait qu'ils soient garçon et fille.

Masomeh nous explique que la religion musulmane considère la Mère comme sacrée. Elle semble se complaire dans ce rôle que Dieu a prévu pour elle. Nous la sentons très amoureuse de son mari, et la réciprocité ne fait pas de doute.

Guidée par les écritures du Coran, cette famille vit dans une parfaite harmonie. Elle nous invite même à lire le livre sacré, sans autre intention que de nous faire partager ce qui régit son existence et donne du sens à ses actes.

En marge de ces profondes discussions, nous profitons de la douceur de la soirée pour visiter la Tour Gonbad-e-Qabus, dans la ville du même nom. Mesurant 70m, elle serait la plus haute construite en briques.

Visite de la Tour Gonbad-e-Qabus

Nous sommes à présent dans une région proche de la frontière turkmène, et nos hôtes s'amusent à nous voir revêtir les vêtements traditionnels de ce pays qui nous attend dans quelques jours. Le ridicule ne tue pas, heureusement... Comme toujours, nous acceptons...

Titi et Coco déjà au Turkménistan !

Cette belle soirée se termine une coupe de glace à la main, sur fond de coucher de soleil. Nous le croyons tout du moins à cet instant... En réalité, la famille nous concoctera un dîner gargantuesque prolongeant notre éveil jusque tard dans la nuit. Les jumeaux reprendrons leurs tendres bêtises et les poursuivront même après que nous nous soyons endormis.

Glace et coucher de soleil près de la Tour Gonbad-e-Qabus

La ville de Minudasht se situe aux portes du parc national du Golestan, que nous traversons le lendemain matin. La "jungle", comme l'appelle les iraniens, nous comble d'une ombre enfin retrouvée. Nous profitons pleinement de la fraîcheur verte, comme le font de nombreux locaux aux pieds d'arbres gigantesques. Tout juste regrettons nous de ne pas croiser le Maître de ces lieux... Le léopard !

Traversée de la jungle du parc national du Golestan

La suite est plus aride, beaucoup plus chaude aussi, mais saisissante de beauté. Les paysages contrastent enfin avec ceux des jours passés. Les montagnes reprennent le dessus !

Montagnes en direction d'Ashkhaney

Nous rencontrons pour la première fois des cyclotouristes iraniens. Pas tout jeunes, mais la pédale encore puissante les papys ! Le Tour de France commence aujourd'hui, et les maillots jaunes sont de sortie en Iran !

Rencontre avec trois cyclotouristes iraniens

Nos amis ont tout prévu. Les thermos sont accrochés aux roues avant. De même, un partenaire de luxe les suit en voiture pour les alimenter en eau fraîche et en barres énergétiques. Ils nous invitent généreusement à profiter du convoi pour nous ravitailler. Les encouragements sont nombreux car les reliefs sont sans pitié sous 40 degrés. Les trois hommes ambitionnent de rallier Mashad dans trois jours quand nous en prévoyons cinq. Nous leur souhaitons d'atteindre leur objectif !

Une logistique bien huilée pour rallier Mashad

Sur la route de Mashad se dresse la jolie ville de Bojnurd. D'après Ali et sa soeur Farahnaz, nos hôtes du soir, cette cité est surnommée "le petit Paris". Nous nous promenons ensemble sur les hauteurs, au bord de bassins alimentés par l'eau des montagnes alentours. Nous posons ensuite devant l'immense tombeau du propriétaire de ce parc, dont la famille accepte le libre passage.

En compagnie d'Ali et Farahnaz, sur les hauteurs de Bojnurd

Ali et Farahnaz sont tous deux investis dans une ONG visant à faciliter l'intégration professionnelle d'iraniens atteints de sclérose en plaques. Ils interviennent ainsi bénévolement pour développer la fabrique de sacs en tissu cousus par ces personnes.

D'autre part, Ali a dernièrement défrayé la chronique en se baladant couvert de sacs plastique dans les rues de Bojnurd. Il souhaitait ainsi éveiller les consciences sur les conséquences environnementales de cette pollution. Nous constatons de notre côté qu'il est très difficile de faire comprendre aux commerçants que nos sacoches à vélo suffisent à transporter nos fruits et légumes, et que l'abondance de sacs plastique ne nous est pas nécessaire. La bataille est loin d'être gagnée pour Ali...

Ali et Farahnaz vivent au rez-de-chaussée d'un immeuble occupée par leur tante au 1er, et par leurs parents au second. Ali produit son propre jus de raisin (...) et son propre jus de malt/houblon (...). Il en fait profiter toute la famille, nous y compris. Il compte une multitude de plantes, se sert du bon café et écoute une musique qui tranche avec la pop iranienne. Impossible de ne pas se sentir bien dans cet immeuble familial qui fête ce soir les 28 ans de Farahnaz. Nous achetons un gâteau pour l'occasion.

"Tavalodet Mobarak" Farahnaz !

La maman est maquilleuse et trouve en Coco une formidable opportunité de décorer une poupée. Il aura fallut attendre l'Iran pour voir Coco le rouge aux lèvres...

Atelier maquillage improvisé

La route en direction de Mashhad nous offre des paysages jaunis par les champs de foin. Les camions transportent un nombre incalculable de bottes et manquent presque de se renverser sous l'effet d'un fort vent de côté. Nous avançons ainsi, au milieu de collines arides, comme brûlées par le soleil.

Les paysages jaunes en direction de Mashhad

C'est le long d'un de ces champs de paille que notre compteur nous fait stopper net notre route. 10000km !!!

10000km !!!

Gonzales et Ciraptor en sont tout retournés d'excitation. 10000km, ça se fête !

Ça roule cool... dans la paille !

Nous retrouvons d'autres cyclotouristes partis depuis Babolsar jusqu'à Mashhad. Cet itinéraire est visiblement très emprunté et revêt même un caractère de pèlerinage. Nous croisons de nombreux iraniens marchant sur le bord de la route en direction de la ville Sainte.

Les pèlerins en direction de Mashhad

À l'entrée de la ville, nous sommes à nouveau invités par une famille à dormir chez elle. Comme ça, spontanément, sur le bord de la route. C'est la routine iranienne...

Aazam et son mari Hosein font tout pour nous rendre la soirée agréable et reposante. Leurs deux fils Aresh et Alizera nous honorent même d'un duo musical. Pas un mot d'anglais échangé, mais de bonnes rigolades par mimes interposés !

Énième belle rencontre en Iran

Mashhad est la deuxième ville iranienne en nombre d'habitants. Elle est connue pour être un célèbre lieu de pèlerinage religieux qui se concentre autour du mausolée de l'Imam Reza. Chaque année, près de 20 millions de musulmans viennent prier sur la tombe du huitième successeur de Mohammed. L'Imam Reza est d’autant plus populaire qu’il est mort en martyre et qu'il est le seul à être enterré en Iran. Mashhad est donc le "coeur battant" du Chiisme, et le hasard du calendrier nous fait vivre cette ferveur à son apogée, c'est-à-dire le jour de l'anniversaire de l'Imam. Autant vous dire que nous ne sommes pas les seuls à rentrer dans le plus grand sanctuaire du monde. L'or véritable et les miroirs qui tapissent l'intérieur de cet immense complexe religieux rendent le site assez incroyable. Dommage que Titi se fasse interdire son appareil photo à l'entrée. Les nombreuses processions, chants et bousculades autour du tombeau témoignent d'un afflux de fidèles que nous n'avions pas anticipé. Mais l'expérience mérite d'être vécue.

En ce week-end du 14 juillet, nous sommes donc pèlerins au milieu des pèlerins. Recouverte d'un tshador, Coco tient une rose sacrée à la main que beaucoup de femmes lui envient et tentent de lui subtiliser.

Pèlerinage à Mashhad

Shahrzad et Florent (nos amis franco-iraniens) nous ont rejoint pour l'occasion. Partis de Paris la veille, ils entament leurs 3 semaines de vacances en Iran dans la famille de Shahrzad. Le long voyage en train depuis Tehran ne les a pas découragés et ils ramènent même dans leurs bagages toute la tribu. Nous retrouvons ainsi Reza, Minoo et Amin pour trois jours de découvertes touristiques (un peu) et de détente (beaucoup !).

Séjour 5 étoiles en compagnie de la famille de Shahrzad !

Restent deux jours pour rallier Sarakhs, une ville située à l'extrême nord-est du pays et qui constitue notre dernier point de chute avant la frontière turkmène. Nos deux derniers jours de vélos en Iran ressemblent aux deux premiers. Nous empruntons des routes désertiques sur fond de montagnes au teintes roses, brunes, et même noires parfois.

En direction de Sarakhs

Compte tenu de la chaleur insupportable à partir de 11h, nous privilégions les départs à l'aube. Au petit matin, il fait bon pédaler à la lumière d'un soleil rasant.

Agreables coups de pédale au petit matin

Notre aventure iranienne s'achève dans le hall rafraîchissant de l'hôtel Dosti de Sarakhs. Nous passons la soirée en compagnie de Sam et Andreas. Sam a partagé nos deux derniers jours sur la route. Ce géant belge hésite à prendre le train pour traverser le Turkménistan. Dans le cas inverse, nous devrions partager d'autres moments avec lui. Andreas, du haut de ses 60 ans, est un passionné de la bicyclette et compte atteindre Almaty (Kazakhstan) dans quelques semaines. Il a lâché son travail il y a 7 ans pour prendre davantage de temps pour lui. Depuis, il ne cesse de voyager à vélo et a perdu 20kg. Pour lui, ce sera le train. "Le désert sous 45 degrés, ce n'est plus de mon âge", nous lâche-t-il avec un franc sourire.

Dernière soirée iranienne, entre cyclistes

Cela nous fait du bien d'être ensemble et de partager nos expériences iraniennes, sans penser à ce qui nous attend demain : la fournaise turkmène...

Que dire de nos 40 jours passés en Iran, si ce n'est que ce pays nous aura étonnés. Par l'accueil et la générosité hors normes de ses habitants d'une part. Par la beauté de ses paysages montagneux et désertiques d'autre part. Enfin, par son histoire qui lui vaut d'abriter un patrimoine exceptionnel. Il faudrait revenir 100 fois pour en faire le tour. Les palais, mosquées et autres musées en font une destination touristique que nous recommandons vivement. L'histoire, c'est aussi cette révolution de 1979 et la naissance d'une république islamique que nous n'avons cessé d'essayer de comprendre pendant notre séjour. Le chiisme et le système politique iranien marchent main dans la main, pour le bonheur de certains et le malheur d'autres. Beaucoup de jeunes iraniens espèrent une vie meilleure à l'étranger. Les femmes, surtout, expriment le rêve de libertés retrouvées et nous espérons secrètement que les jeunes iraniennes puissent davantage s'émanciper.

Un bel avenir souhaité pour les jeunes iraniennes

La crise économique qui frappe le pays n'arrange pas les choses et touche ses habitants, désabusés et peu optimistes quant à une éventuelle amélioration à court terme. "Avec Trump, ce n'est pas possible", avancent-t-ils parfois. Comme souvent depuis notre départ, nous avons été charmés par ce pays qui nous a accueilli les bras ouverts, mais nous restons lucides et réalistes sur la vie rude qu'endurent les gens ici.

Assurément, nous avons découvert ce pays avec le prisme de nos yeux d'occidentaux. Par la lorgnette de nos regards teintés de subjectivité, nous avons été bousculés dans nos repères et nos valeurs. Mais plus que tout, nous avons été émerveillés par l'Iran.

Khoda Hafez Iran

Après l'Europe, nous refermons ce soir notre volet Moyen-Orient. La Turquie et l'Iran marqueront à coup sûr notre voyage. Nous y avons vécu tellement de belles rencontres... Entre ces deux pays incontournables s'est intercalée une savoureuse parenthèse dans le Caucase. Pour notre plus grand bonheur, nous avons ainsi découvert une partie de la Georgie et de l'Arménie. Nous ne regrettons pas cet itinéraire qui nous a fait vivre des expériences inoubliables.

Notre voyage à deux se poursuit ainsi, sans encombre. Nous prenons toujours autant de plaisir à le partager et envisageons l'avenir avec la même envie. Le cap des 10000km témoigne déjà d'un long chemin parcouru roue dans la roue, et nous ne comptons pas nous arrêter là.

Enfin, nous nous éloignons de vous mais vous êtes plus que jamais présents à nos côtés. C'est aussi ça le voyage au long court. Sur nos vélos, nous avons le temps de penser à vous ! Vous nous manquez...

Demain, le Turkménistan nous ouvrira les portes de l'Asie centrale et de ses pays en "stan". Pour vos devoirs de vacances, nous vous défions d'orthographier sans faute nos prochaines destinations qui nous ferons rouler cool !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 10 382km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à :

Au cycliste iranien pour son invitation à passer chez lui. Le temps n'était malheureusement pas à la pause mais nous avons apprécié les échanges avec cet ancien quartier faire de haut niveau. Nous souhaitons bonne continuation à son club.

Parla, Parsa et leurs parents pour les 24h passées à Qaem Shar. Nous garderons un excellent souvenir de la rencontre avec cette famille très attachante. Nous repartons en plus avec des clichés haute gamme !

Davood et sa famille pour leur hospitalité près de Behshahr. Nous leur devons de connaître l'incontournable festival du kebab !

Arezoo et sa famille pour nous avoir accueillis à Gorgan. Arezoo est le genre de personne qui ne s'oublie pas. Son énergie, sa passion pour le yoga et son mode de vie à contre-courant des aspirations iraniennes habituelles nous ont touchés. Nous espérons qu'elle trouve sa voie, et que son rêve de voyage en backpacker se concrétise. Merci également à Ali pour la ballade à vélo au petit matin.

Masomeh, Hadi et toute leur famille pour l'invitation spontanée à partager leur maison près de Minudasht. Nous nous sommes sentis chez nous et avons fait l'objet, comme souvent en Iran, de toutes les bonnes attentions. Nous avons apprécié les échanges autour de la religion. Ce sujet n'est pas toujours facile à aborder et nous en ressortons très enrichis.

Ali, Farahnaz et leur famille pour l'excellente soirée du côté du "petit Paris" (Bojnurd). Nous avons eu un coup de coeur pour ces deux jeunes gens cultivés et engagés dans le domaine associatif et environnemental.

Hosein, Aazam, Aresh et Alizera pour leur invitation spontanée à venir dormir chez eux à Mashhad. Leur méconnaissance de l'anglais ne les a pas freiné dans leur élan de générosité.

Florent ainsi que Shahrzad et sa famille pour l'agréable séjour à Mashhad. Quel plaisir d'avoir partagé ces 3 jours ensemble !

Sam pour nous avoir accompagné pendant nos deux derniers jours iraniens. Notre histoire commune n'est peut-être pas terminée.

Andreas pour l'agréable soirée passée en sa compagnie à Sarakhs. Nous lui souhaitons le meilleur jusqu'à Almaty.



Ils nous ont spontanément offert à manger et à boire (ou autre). Merci :

- au vendeur du supermarché

de Chalus pour les gaufrettes

- au jeune iranien rencontré au Lamiz Coffee de Noor pour la pâtisserie

- au cuisinier du fast food en direction de Minudasht pour les fruits

- au boulanger en direction de Qaem Shar pour l'eau fraîche

- à la famille en direction de Behshahr pour les photos et les madeleines

- à la femme rencontre dans un restaurant du parc du Golestan, pour la crème solaire indice 60 (elle s'inquiétait pour notre pauvre peau)

- à l'homme et ses deux filles pour l'invitation à dormir chez eux près de Behshahr

- au jeune iranien qui conduisait la voiture ravitaillement en direction de Mashhad

- au vieil homme qui nous a offert de la glace pour rafraîchir notre eau en direction de Mashhad

- au commerçant pour les sodas. Nous aurions pu prendre tout son magasin qu'il en aurait été heureux

- le jeune homme de la station service pour l'essence gratuite en direction de Mazdavand

- le restaurateur pour le pain, en direction de Mazdavand

- le restaurateur pour la limonade, la bouteille d'eau et l'invitation à dormir dans la salle de prière, à Mazdavand

Salam ! En ce 18 juillet 2019, nous passons la frontière turkmène. Il ne fallait pas se tromper de date. Notre visa de transit nous ouvre en effet les portes de ce premier pays d'Asie centrale pendant seulement 5 jours. Passé le 22 juillet, nous ne serons plus les bienvenus par les autorités et risquons quelques gros ennuis si nous ne respectons pas ce délai. C'est donc parti pour un contre-la-montre de 120 heures dans ce pays au drapeau vert (et à ses postes de contrôle assortis) !

Poste de contrôle turkmène

Le Turkménistan, pour nous, c'est avant tout ses conditions météo nous promettant l'enfer. 35 degrés dès 10h et 45 degrés voire plus entre midi et 18h. C'est le tarif au mois de juillet et particulièrement cette semaine qui s'annonce exceptionnellement chaude. Enfin, notre ami le vent s'invite inévitablement à la fête en provenance du nord - nord/est, c'est-à-dire notre exacte direction. Pas étonnant donc de voir la communauté cycliste se partager en deux groupes.

Les premiers choisissent le train, avec la volonté de traverser rapidement ce pays hostile à tout plaisir cyclotouristique. Dara, notre ami anglais, est de ceux-là, tout comme Andreas l'allemand qui met son vélo dans le premier véhicule à même de le transporter jusqu'à la gare de train la plus proche. Certains d'entre eux en profitent pour visiter le cratère de Darvaza et éventuellement Aşgabat, la capitale.

Les seconds s'obstinent, il n'y a pas d'autre mot. Vouloir traverser ce pays en 5 jours impose de parcourir environ 100km par jour dans des conditions extrêmes. Cela relève d'un orgueil que l'on peut juger mal placé, stupide, ou au contraire glorifiant. Nous ne l'expliquons pas. Nous faisons partie de ceux qui donnent du sens à cet orgueil qui veut que le voyage passe par l'inconfort de traversées plus ardues. Sam, le belge flamand, est avec nous. C'est donc à 3 que nous tentons l'aventure.

Naturellement, nous nous promettons de ne pas nous mettre en danger et envisageons le plan B "train". Mais en quittant les villes frontières de Sarakhs (côté Iran) puis de Sarahs (côté Turkménistan), nous avons bien l'idée d'en découdre...

Au départ de Sarahs

Dès le début, le contexte ne nous est pas favorable. Petit retour en arrière lors du passage de la frontière ce matin...

La frontière n'ouvre qu'à 8h.

Côté iranien, on nous assomme de questions sur notre séjour passé dans la république islamique. Qui avons-nous rencontré ? Avons-nous leurs coordonnées ? Où avons-nous dormi ? Pourquoi étions-nous en Iran ? Notre carte sim iranienne et notre appareil photo sont également passés à la moulinette de cette administration bien décidée à sonder nos intentions de voyageurs.

Côté turkmène, nous battons le record de contrôles de passeport. Une bonne vingtaine, peut-être plus, parfois par les mêmes agents. On ne sait jamais, les dates de nos visas collés sur nos passeports ont pu changer en l'espace de 2 minutes... Nous coopèrons évidemment mais sommes intérieurement très agacés par tout ce temps perdu. Car dehors, le thermomètre ne nous attend pas et nous sanctionnera bientôt de notre retard à l'allumage.

Résultat : il est déjà 10h30 quand nous partons à l'assaut du plat pays. Pas celui de Sam, le belge. Non, un autre. Bienvenue dans le no man's Land turkmène ! Au moins, pas besoin de GPS...

C'est tout droit et tout plat

Nous sommes rapidement confrontés à nos limites. Il fait trop chaud. Ce n'est pas un scoop, nous étions prévenus. Mais une fois lâchés dans ce four à ciel ouvert, nous en prenons réellement conscience. Le vent de face, en plus de freiner notre avancée, nous asséche la bouche. Plus que jamais, nous sommes dépendants de notre gestion de l'eau. Si nous ne manquons pas de gourdes en quantité, celles-ci montent en température. L'eau a le goût de plastique, elle est bouillante et ne nous rafraîchit aucunement. Enfin, la présence d'un animal complète ce tableau définitivement alarmiste. Pour survivre ici, il faut être doté d'une bosse et se passer d'hydratation pendant des heures...

Les dromadaires nous souhaitent la bienvenue

L'effort devient de plus en plus insupportable. Nous nous sentons tour à tour fébriles et multiplions les pauses pour manger un morceau et prévenir une éventuelle défaillance. Le risque de malaise ne peut être écarté dans ces conditions. Le soleil est au zenith et le compteur indique 50 degrés. Nous envisageons même d'arrêter une voiture pour nous acheminer vers la ville la plus proche si nous ne trouvons pas d'issue positive rapidement. C'est à ce moment critique qu'une station service sort de terre depuis l'horizon. Et ce n'est pas un mirage ! Nous rassemblons nos dernières forces pour l'atteindre et sommes sauvés par les deux pompistes qui nous servent abondamment en eau fraîche. L'ombre providentielle du bâtiment nous exempte d'autre part de l'insolation. Nous buvons, nous nous aspergeons, et nous re-buvons... Et nous disons merci. En turkmène, "Sawol" (pas certains de l'orthographe, nous l'écrivons "à l'oreille").

Sauvés par deux pompistes turkmènes

La suite n'est qu'une répétition de cette scène où la solidarité nous permet d'avancer. Les voitures s'arrêtent pour nous offrir de l'eau et un turkmène nous paye une gigantesque pastèque. De l'eau et du sucre, que demander de mieux ! Nous la dégustons sous l'arbre. Quel arbre ? Ben... le seul arbre à 30km à la ronde pardi !

Degustation d'une pastèque sous l'arbre

Nos premiers contacts avec les turkmènes sont forcément biaisés par notre détresse. Cette dernière nous oblige en effet à solliciter l'aide des gens plus qu'à l'accoutumé et pour un enjeu presque vital. Tous les 10km, nous brandissons bien haut nos gourdes dans l'espoir que le conducteur nous fasse cadeau d'un peu d'eau froide. L'aumône ne nous est pas agréable mais elle nous est indispensable. Et force est de constater que les turkmènes répondent présents. La quasi-totalité des voitures stoppent leur avancée. Et quand leurs passagers n'ont pas d'eau sur eux, ils se confondent en excuses et cela nous touche profondément (à défaut de nous hydrater). Grâce à toutes ces personnes, nous arrivons en vie jusqu'au bar restaurant de Meleje, après 80km parcourus. En mauvaise posture, certes, mais en vie...

Titi momentanément hors service

Après avoir englouti trois samosas à la viande, un plat de mantis (raviolis fourrés à la viande) et deux litres d'eau par tête, nous repartons en fin d'après-midi. Les organismes révèlent parfois des ressources insoupçonnées et nous nous sentons d'attaque pour gratter 17km supplémentaires avant la nuit. Nous empruntons ainsi un chemin carossable en direction de Mary. Les 30 degrés ambiants nous apparaissent d'une douceur salvatrice et la tombée du vent nous fait gagner quelques km/h. Le chemin est paisible et nous profitons d'un beau coucher de soleil.

Fin d'une journée interminable

Mauvaise nouvelle. Le chemin débouche sur un parking rempli de camions de routiers. Il y a bien un semblant de restaurant proposant des grillades, mais pas la moindre trace d'un hôtel pourtant mentionné sur notre GPS. Des gens nous invitent à poser la tente sur un terre-plein circulaire en béton. Nous croisons nos analyses. Le site est infesté de moustiques et le bruit de la circulation nous promet un sommeil difficile. Malgré l'obscurité déjà bien installée, nous décidons donc de poursuivre notre route jusqu'au prochain hôtel, à 34km. Nous fonçons ainsi sur la grande route menant à Deňizhan. La lune se lève au loin et nos phares nous donnent l'allure d'un petit train lumineux.

Nous sentons l'arrivée proche mais sommes arrêtés à un poste de contrôle. Deux policiers nous font comprendre qu'il fait nuit et que nous pouvons dormir ici, à 5 mètres de la double voie et sous les néons du bâtiment. Nous leur suggérons qu'une solution alternative nous serait préférable... Notre hôtel est à seulement 13km et nous leur serions très reconnaissants de nous laisser partir. L'un des deux passe un coup de fil, raccroche et nous informe qu'une voiture de police va nous escorter jusqu'à notre hôtel, pour notre sécurité. Rien que ça, une voiture de police pour nous... En attendant que leurs collègues arrivent, les deux hommes nous offrent de l'eau, des prunes et un melon. Chose étrange : une montagne de melons décore en effet l'entrée du poste. Elle est alimentée par les nombreux chauffeurs contrôlés. Nous n'allons pas jusqu'à croire que la corruption au melon soit la règle ici... mais cela nous fait bien rire en tout cas.

La voiture arrive. Le girophare est enclenché. La police turkmène nous accompagne patiemment jusqu'à notre lit.

Escorte policière pour notre sécurité

C'est enfin la (vraie) fin de cette journée interminable après 138 km au compteur. Nous décompressons autour d'un bon repas, et Sam est heureux comme un belge devant une bière.

Sam, le bonheur retrouvé

Le lendemain, départ 5h. Les heures de route avant 9h sont précieuses au Turkménistan. La chaleur ne sévit pas encore, ou du moins pas de toute sa puissance. Nous gagnons la ville de Mary assez facilement. Nous trouvons une banque et tentons de retirer de l'argent. Impossible, nous dit-on. Une carte visa française ne peut être utilisée qu'à Aşgabat. Cette banque ne permet pas non plus d'échanger nos euros gardés en réserve contre des manats (la monnaie locale). Nous n'avions pas anticipé ce problème. Au Turkménistan, on peut payer en manat ou en dollar US. Malgré la bonne volonté des agents bancaires qui nous trimbalent de bureau en bureau pour trouver une solution, nous n'obtenons pas nos manats. On nous oriente vers la "banque centrale". Titi s'y rend pendant que Coco lorgne un coin d'ombre pour garder les vélos.

Un responsable de la banque centrale, la soixantaine, bien propre sur lui, prend les choses en main. Il accompagne Titi dans une autre banque, monte dans le grand bureau ovale de son directeur, parlemente, argumente, et re-dirige Titi au rez-de-chaussée pour effectuer le change auprès d'un collaborateur. Ce dernier s'exécute mais ne parvient pas à ouvrir son logiciel de change euros / manats. Il téléphone, on lui donne 10 mots de passe. Il s'énerve, s'en va, revient, et ouvre enfin son logiciel. Il demande à Titi son passeport. Mince, passeport oublié. Titi fonce chercher le document resté dans une sacoche de vélo.

Sur le chemin du retour, une main s'agrippe à son bras. Le responsable de la banque centrale dévie sa trajectoire et l'emmène deux rues plus loin. "Très compliqué et pas intéressant l'échange de monnaie au Turkménistan. Beaucoup de problèmes". Sur ce, Titi comprend que le type a l'intention de faire appel au marché noir pour obtenir un taux de change plus intéressant. Un haut responsable bancaire traînant les ruelles pour le marché noir... la situation est pour le moins cocasse. Titi espère cependant voir juste dans les intentions du bonhomme et que ce dernier ne le mène pas dans un traquenard. L'homme tourne soudainement à droite et rentre avec assurance dans un bureau. À l'entrée, deux adolescents questionnent et rapportent l'objet de notre demande au grand boss derrière son bureau. Deux autres hommes, visiblement ses bras droits, lèvent les yeux vers nous, entre deux lattes de cigarette. Des liasses de billets sont disposés sur une table, contre le mur. Mais on est où là ? Dans le film le Parrain ? La scène en est presque caricaturale. Le responsable bancaire semble à l'aise et son attitude rassure Titi. L'affaire ne prend qu'une minute. Les hommes prennent les 90€ et tendent à Titi son paquet de cash en manats. Entre temps, ils ont pianoté sur la calculatrice pour que tout soit clair. 22 manats pour 1€. Le taux est en effet très avantageux. Celui officiel n'est que de 3,9 manats pour 1€, soit plus de 5 fois inférieur ! Le grand boss invite Titi à vérifier que le compte est bon. Titi fait confiance et ne compte pas. Les hommes apprécient et lui serrent une poignée de main appuyée. Titi ressort avec son guide. Ce dernier lui souhaite une bonne journée et s'éclipse pour rejoindre sa banque centrale.

Titi, tout fier d'avoir cassé la banque et d'avoir rencontré le Parrain, s'en va rapporter la bonne nouvelle à Coco. Il commence son monologue quand un homme sort de nul part et l'interrompt. "Police, service immigration, vos passeports s'il vous plaît" Aïe... Les passeports sont dans la pochette que tient Titi. La même qui contient une liasse de billets sans aucun document formel prouvant le change dans une agence officielle. Titi tente le tout pour le tout. "OK, pas de problème. Puis-je toutefois voir votre carte de police ?" L'homme est embarrassé. "Non, pas de carte. Pas sûr moi...". Titi rétorque : "pas de carte, pas de passeport, désolé". L'homme abdique, nous sourit courtoisement et nous quitte à la hâte. Il ne fait pas bon rester là... On s'en va !!!

À part ça, Mary, c'est joli. À condition d'apprécier les bâtiments modernes, légèrement "tape à l'oeil".

Mary

Le plus joli, à Mary et dans tout le Turkménistan, ce sont en fait les femmes qui s'y promènent. Fini l'Iran et sa pudeur vestimentaire. Ici, les femmes portent de belles et longues robes colorées qui épousent leurs sveltes silhouettes. Sam s'était renseigné... "Les Turkmènes, de très belles femmes... J'adore ce pays". S'il n'est pas obligatoire, le voile est porté par une bonne partie des femmes (le Turkménistan est à majorité musulmane). Souvent assorti à leur robe, elles l'utilisent comme un accessoire de mode vestimentaire. Pour le plaisir des yeux... Certaines portent même un petit couvre-chef sous leur voile. Il prolonge leur chevelure et donne à leur coiffe un volume qui grandit d'autant plus leur corps élancé.

Un détail peut cependant surprendre. Leur sourire laisse souvent apparaître des dents couleur or (c'est également le cas des hommes). Non pas que les turkmènes soient fâchés avec leur brosse à dent, mais ces dents qui scintillent de mille feux seraient une vieille tradition au Turkménistan, et plus généralement en Asie centrale. Elles constitueraient un signe extérieur de richesse et un sujet de fierté.

Le charme des femmes turkmènes

Enfin, à Mary, nous faisons connaissance avec le président turkmène. Son nom ? Gourbangouly Berdymoukhamedov. Nous l'appellerons " Super Berdy". Difficile de passer à côté de son portrait ou des statuts à son effigie. Cet homme a été réélu en 2017 avec plus de 97% des voix. Vous l'aurez compris, le Turkménistan est sous régime dictatorial.

Le grand jeu de Sam consiste à sélectionner les photos les plus ridicules (et largement truquées ou retouchées) de "Super Berdy", omniprésent et visiblement bourré de qualités. Nous ne comprenons vraiment pas pourquoi 3% de la population n'a pas voté pour lui.

Super Berdy, la grande classe

Notre coup de coeur porte sur la dernière photo mettant en scène "Super Berdy" en plein "moon walk" semi-latéral (désolé, vous devez tourner la tête mais ça en vaut la peine). Les grains de sable du désert n'entachent en rien son impeccable tenue blanche. L'attrait de "Super Berdy" pour le blanc l'aurait d'ailleurs conduit à imposer cette couleur à toutes les voitures d'Aşgabat. En toute simplicité... Nous ne croyons pas trop à cette légende, mais un couple de voyageurs français rencontré plus tard nous confirme les faits.

Super Berdy a également fait ériger son palais présidentiel estimé à 250 millions de dollars dans la capitale (même s'il est interdit de passer devant). Aşgabat figure elle-même au livre Guinness des records comme la ville contenant la plus grande concentration au monde de bâtiments en marbre blanc. La mégalomanie du bonhomme dépasse l'entendement...

Enfin, côté presse, les médias d'Etat ne manquent pas une occasion de rappeler à leurs concitoyens qu'ils vivent une "ère de bonheur suprême", officiellement et humblement instaurée pas Super Berdy en 2012. Le Turkménistan est classé 178ème sur 180 pays au classement de la liberté de la presse par Reporters sans frontières qui décrit un "trou noir de l'information".

Finalement, tout ça nous rend bien dubitatif et nous enlève notre sourire. Pauvre peuple turkmène...

Notre passage à Mary aura duré plus de temps que prévu, du fait de notre rencontre avec le Parrain turkmène. Sanction immédiate et nous voilà partis pour 30km sous 45 degrés. À l'arrivée, le repas (et surtout les boissons fraîches qui l'accompagnent) n'en est que plus savoureux.

Après l'effort, le réconfort

Nous n'allons pas rentrer dans les détails des deux journées qui suivent et qui se ressemblent (malheureusement...). Nous nous levons très tôt et roulons ainsi de jour comme de nuit.

Départ à 3h du matin de notre oasis hôtelière

Le vent est usant. Il ne cesse de freiner nos ardeurs en déversant ses chaudes rafales sur nos visages déjà brûlants. Nos sorties s'en trouvent logiquement rallongées et nous passons près de 8h par jour sur nos vélos. Et comme si cela ne suffisait pas, Gonzales et Ciraptor nous font quelques caprices. Le 4ème jour de notre aventure turkmène fut par exemple marqué par un soucis mécanique obligeant Titi a réparer son vélo pendant près d'une heure, de nuit, au beau milieu du désert. Nous subissons également quelques crevaisons, et ce malgré nos pneus de qualité taillés pour l'itinérance de longue durée. L'explosion de nombreux pneus de camions déversent sur la chaussée des petites tiges métalliques parfaites pour percer nos chambres à air.

Au Turkménistan, rien ne nous est simple finalement... Même le sommeil, qui devrait au contraire aller de soi après ces journées éprouvantes, est difficile à trouver. L'absence d'air conditionné (ou son disfonctionnement) nous plonge dans des nuits où la température ne descend pas en-dessous des 30 degrés. Nous prenons ainsi 5 à 6 douches froides par nuit. Les draps s'en retrouvent rafraîchis l'espace d'un instant et ces courts moments de répit nous permettent de ne pas perdre la tête. Car oui, avoir vraiment trop chaud a de quoi rendre fou. Ceux d'entre vous qui subissent la canicule en France (sans "clim" ni ventilateur) ne nous contrediront pas...

Ce tableau négatif n'enlève rien à l'atmosphère particulière et extrêmement envoûtante qui règne dans le désert. Les grandes lignes droites au milieu de rien nous saisissent par leurs côtés sauvage, irréel et inhospitalier. Nous vivons pleinement cette expérience de rouler vers un horizon plat, dans un complet silence que seul le vent vient perturber. Voyager de nuit nous apporte en plus la magie d'un ciel étoilé dépourvu de toute pollution lumineuse. Enfin, nous vivons des levers de soleil d'une pureté remarquable. Notre déplacement vers le nord-est nous fait ainsi assister au coloriage progressif du ciel, comme un phare sortant de terre et guidant notre progression.

Des levers de soleil inoubliables

Malgré la difficulté, nous ne regrettons pas cette expérience unique de se sentir petits dans une immensité de sable et de végétation aride, et de rouler avec l'impression de ne jamais avancer.

Seuls dans l'immensité

Après 4 jours de contre-la-montre, nous arrivons à Turkmenabat, la deuxième ville du pays. Les bâtiments modernes, probablement construits après l'époque soviétique, sont dans la continuité de ce que l'on a pu voir à Mary. Ils sont blancs, évidemment... Ils sont immenses et semblent paradoxalement vides de toute activité. La démesure et le calme plat : c'est ainsi que l'on peut décrire Turkmenabat. Naturellement, les 45 degrés ambiants n'encouragent pas les gens à sortir et la sensation doit être différente à d'autres saisons.

Turkmenabat

Turkmenabat se situe à seulement 30km de la frontière ouzbek. Nous achèverons notre traversée demain, lors de notre cinquième et dernier jour, et gagnerons ainsi notre pari. Inch'Allah...

L'heure est donc à la fête dans un bar / restaurant qui nous fait rencontrer une équipe de jeunes turkmènes bien sympathiques. Le gérant nous paye tournée sur tournée, on ne peut plus l'arrêter... Le patron, un homme de 70 ans, entre, nous salue, prend le micro et interprète quelques chansons turkmènes avec une application vocale toute particulière. Notre tour arrive, inévitablement... Nous poussons la chansonnette en français et notre accent les ravit. Sam, toujours dans les bons coups, est là pour photographier la scène à notre insu.

Belle soirée à Turkmenabat

Ainsi s'achève cette étape "Turkménistan". Ce pays ne nous aura pas épargné, c'est le moins que l'on puisse dire. Avec du recul, nous pensons maitenant que le traverser en 5 jours courant juillet relevait de l'irraisonable. Il nous aura profondément fatigué. Amis cyclotouristes, évitez la saison estivale si vous le pouvez ! Et tant qu'à faire, faites le en sens inverse. À 40km/h vent dans le dos, vous n'aurez qu'à freiner et 3 jours vous suffiront amplement !

Dans un sens, personne ne pourra dire que nous avons esquivé le Turkménistan. Nous l'avons pris en pleine face, à l'image de son vent qui rend fou. Il nous aura mis une bonne claque mais nous sommes restés debouts... enfin... plutôt assis à courber le dos mais sans jamais abandonner. À défaut d'avoir pris du plaisir, nous pouvons au moins être fiers de ça. C'est en tout cas comme ça que nous le ressentons ce soir.

Vivre cette expérience avec Sam nous aura rapproché de lui, inévitablement. Ce belge à l'esprit pragmatique, débrouillard et voyageur nous a d'autre part rendu de francs services. Il faut le voir négocier les tarifs d'hôtel du haut de son 1,90m... Et nous lui devons la réparation d'une de nos sacoches. Surtout, nous sommes heureux qu'il ait pu reprendre le vélo après une mauvaise expérience vécue en Iran. Atteint psychologiquement, il a dompté le désert turkmène pour repartir de l'avant.

C'est dans l'effort que les aventures humaines sont souvent les plus fortes, et ce fut le cas au Turkménistan. L'entraide fut de rigueur et les encouragements rythmaient nos kilomètres de labeurs. Les moments de convivialité qui clôturaient nos journées en étaient d'autant plus appréciables que nous les avions rêver depuis nos vélos. Nous garderons ainsi d'excellents souvenirs de ces précieux instants de repos et des rencontres impromptues avec les gens.

Demain, nous prendrons la route en direction de la frontière ouzbek. Nous emprunterons un pont enjambant la voie ferrée qui n'a cessé de nous faire de l'oeil pendant 500km. Nous n'avons pas pris le train. Pour le pire à certains moments, mais pour le meilleur à d'autres.

Le train finalement évité

Le Turkménistan sera bientôt derrière nous, et en toute honnêteté, nous le préférons ainsi... Nous n'avons pas roulé cool ici, pour la première fois depuis notre départ. Nous regardons maintenant devant pour de nouveau rouler cool en Ouzbékistan !!!

Sag boluň Turkménistan

Petit coup d'oeil au compteur : 10 858 km

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Ils ont égayé notre route. Encore merci à :

Aux nombreux ouzbeks qui nous ont offert de l'eau. Nous aurions sans doute abandonné sans eux, notamment le premier jour.

Aux pompistes des deux stations service, toujours le premier jour. Leur eau fraîche nous a fait le plus grand bien.

L'ouzbek qui nous a payé une pastèque au moment où nous en avions le plus besoin.

Aux deux policiers qui nous ont escortés jusqu'à notre lit, pour notre sécurité. Et aux deux autres, restés à leur poste rempli de melons, pour les avoir appelés à la rescousse. En passant, le melon était excellent...

À toute l'équipe du bar / restaurant de Turkmenabat pour son accueil et ses tournées générales. Elle souhaitait nous voir rester pour la soirée disco... mais notre manque de sommeil nous a fait décliner cette invitation.

Assalomu aleykum ! Nous voici ouzbeks en ce lundi 22 juillet 2019 ! Finies les contraintes de temps du visa de transit turkmène. Nous sommes désormais libres d'adopter le rythme qui nous convient, et de nous arrêter plus facilement lorsque l'envie nous en dit. C'est le cas à Olot, une ville qui se dresse rapidement sur notre chemin. Le marché bat son plein. Nous y échangeons notre monnaie, achetons du pain traditionnel et nous faisons rapidement des amis qui nous offrent des boissons et des fruits.

Bel accueil au marché d'Olot

Les jeunes, surtout, nous saluent en anglais. Cela les amuse d'entretenir une conversation dans la langue étrangère qu'ils apprennent à l'école. Et comme souvent, notre provenance nous conduit à parler football. Et oui... Nous n'y sommes pour rien mais le titre mondial des bleus l'an dernier n'est pas passé inaperçu, même en Ouzbékistan. Il nous offre un formidable terrain d'entrée pour créer le contact. Les noms de Pogba et Mbappe sont souvent égrenés en premier. Viennent ensuite Lloris et Griezmann. Même Zidane marque encore les esprits. C'est un mal ou un bien, tout dépend de l'amour que l'on porte pour le ballon rond, mais la France, à l'étranger, ce sont ses footballeurs avant tout.

La réciproque est délicate. Essayez de citer le nom d'un joueur ouzbek... Ils ne nous en tiennent pas rigueur. Pour eux le foot est en Europe. Ils supportent majoritairement les équipes anglaises et font une exception pour le Réal Madrid et la Juventus de Ronaldo.

Et puis Paris ! Même les plus jeunes la disent "beautiful" sans y avoir mis les pieds. "À la TV ! La tour Eiffel !" Ils miment le monument parisien, leurs bras tendus bien haut, et partent dans des grands éclats de rire.

Ça parle "foot" au marché d'Olot

Nous poursuivons notre avancée en direction de Buxoro (Boukhara en français) et sommes encore une fois touchés par la générosité ouzbek lorsqu'un agriculteur nous invite à descendre de vélo pour goûter le raisin de ses vignes. Il nous en offre deux belles grappes. Nous regagnons la route, l'homme passe un coup de fil à un ami et nous tend le téléphone. Pourquoi ? Parce que ce dernier parle anglais. Logique... C'est une scène courante depuis notre départ. Nous nous retrouvons à parler avec des inconnus simplement parce qu'ils maîtrisent la langue de Shakespeare. Ce coup-là, c'est Sam qui s'y colle. Cela donne parfois de belles conversations de sourds.

Sam découvre son interlocuteur

Nous approfondissons nos connaissances gastronomiques en goûtant à nouveau aux fameux samosas ("Somsa" en ouzbek). Nous les avions découverts au Turkménistan. Fourrés à la viande et aux oignons, ils sont partout dans les petits restaurants bordant la route et sont parfois cuits à même les parois d'un four traditionnel. Délicieux...

Le Somsa très présent en Ouzbékistan

Nous arrivons enfin à Buxoro. "Enfin", car le Turkménistan nous aura fatigués et que l'on compte bien y marquer un jour de repos. Sam, lui, repart dès demain. C'est donc la fin de notre aventure commune. Nous avons apprécié rouler avec lui et comme pour Dara, nos chemins se recroiserons peut-être dans un avenir proche.

Nous visitons donc Buxoro. Cette ville dotée d'une longue histoire était une étape importante sur la route de la soie reliant l'Orient et l'Occident, ainsi qu'un centre reconnu pour la théologie et la culture islamiques. Nous admirons ses mosquées et son très reconnaissable minaret Kalyan.

Buxoro

Nous rentrons également dans "l'Ark de Buxoro", immense forteresse située au coeur de cette cité médiévale.

Ark de Buxoro

L'art ouzbek nous séduit par ses peintures représentant la célèbre route de la soie. Les habitants et monuments des différents pays traversés sont ainsi peints à l'aquarelle sur des miniatures d'une grande finesse.

Nous faisons la connaissance d'une de ces artistes émérites. Saidova Madina parle un excellent français et nous dit connaître Besançon pour y avoir présenté ses oeuvres à plusieurs reprises, lors de son marché de Noël. Elle connaît également les environs de Bordeaux, Toulouse et Foix pour la même raison. À Paris ? Oui, aussi, mais c'est un peu plus dur. "Les gens n'ont pas le temps et ne s'arrêtent pas". Petit coup de publicité donc pour cette douce et talentueuse peintre de miniatures.

Rencontre avec Saidova, artiste de Buxoro

Nous déambulons ainsi dans des ruelles parfaitement apprêtées. Les murs en briques claires sont recouverts de tapis colorés. Sur la grande place ombragée, un chameau nous offre son dos le temps d'une photo au bord de l'eau. Plus loin, nous passons dire bonjour à Don Quichotte. Enfin, nous nous essayons aux instruments traditionnels ouzbeks, exposés sous les arcades de ce centre ville au charme certain. Il fait bon se balader dans Buxoro...

Tapis, sculptures et instruments de musique dans Buxoro

Après l'art et la musique, c'est le sport qui retient notre attention. Nous assistons à une démonstration de taekwondo réunissant les jeunes du club local. Le nombre de petits combattants est impressionnant. Le taekwondo ouzbek a de beaux jours devant lui...

Souplesse, agilité et rapidité sur la place de Buxoro

Nous quittons Buxoro pour prendre la direction d'une autre ville incontournable ouzbek : Samarqand. Nous ne perdons pas nos habitudes en nous levant très tôt pour profiter de la fraîcheur matinale. Nous prenons ainsi plaisir à user l'asphalte des routes secondaires. Certaines portions sont tortueuses et nous infligent des vibrations dignes des pavés d'un Paris-Roubaix. La lumière naissante dévoile des paysages aux teintes jaune et verte. Les troupeaux sont de sortie, tout comme les fruits déjà installés et prêts à la vente, sous de rudimentaires cabanes protégeant leurs propriétaires d'un soleil qui sévira bientôt. Nous sommes désormais loin de l'aridité turkmène. Nous devinons les sols marécageux et traversons des champs d'une franche verdure. Il fait chaud, mais la brise légère rend notre avancée agréable.

Entre Buxoro et Samarqand, au petit matin

Chose nouvelle : nous sommes sans cesse sifflés par les gens. Le genre de sifflement que l'on tentait de maîtriser au collège pour faire "cool", sans autre artifice qu'un parfait placement de la langue pour produire un son net audible à des hectomètres à la ronde. Ici, tout le monde l'utilise à tour de bras : les femmes, les hommes, les enfants, les vieillards. L'enjeu est de deviner d'où vient le signal sonore pour tourner la tête et accueillir le salut amical de son auteur. Parfois de l'autre côté de la rue, parfois à la fenêtre d'une maison, parfois au fond d'un champs de plusieurs hectares,... Au final, la rencontre, aussi lointaine et brève soit-elle, nous donne le sourire.

Autre chose nouvelle : nous ne croisons aucun poste de contrôle, contrairement au Turkménistan. La police est discrète, aimable, et nous ne montrons pas nos passeports. Nous nous sentons totalement libres de nos mouvements dans ce pays qui a dégelé ses relations internationales depuis peu, engagé des réformes économiques et sociales importantes et donné des signes démocratiques plutôt encourageants. Depuis 2016 et la fin du règne dictatorial de l'ancien Président, certains opposants au régime ont ainsi été libérés, les radios censurées ont pu émettre à nouveau et les représentants de l'organisation de défense des droits de l'homme "Human rights watch" ont été invités à revenir sur le territoire. La levée de l'obligation de visa pour entrer en Ouzbékistan, pour les membres de l'UE notamment, est d'autre part un signe d'ouverture guidé par la volonté des autorités de développer le tourisme. Enfin, la tenue du premier sommet des chefs d’État d’Asie centrale depuis quinze ans est à mettre au crédit du président ouzbek actuel, Chavkat Mirzioev. C’est grâce à ses efforts que ses voisins ont passé outre leurs griefs et leur défiance mutuelle pour se réunir en février 2018 dans la capitale kazakhe, Astana. Bref, en Ousbékistan, il y a du mieux depuis peu !

Près de 300km séparent Buxoro et Samarqand. Ce tronçon est très emprunté et l'animation ne manque pas sur le bord de la route principale, que nous empruntons par intermittences. Nous sommes surpris par le nombre important de vélos. La bicyclette est fortement plébiscitée par les locaux, pour notre plus grand plaisir. Il est toujours agréable de se saluer entre homologues cyclistes !

Le vélo a la cote entre Buxoro et Samarqand

Après les dromadaires turkmènes, nous croisons de nombreux ânes ouzbeks tirant des charettes pleines de récoltes en tout genre. Certains ousbeks l'utilisent comme moyen de déplacement et montent parfois à même le dos de l'animal.

L'âne pour se déplacer

Pour les plus pressés, les ouzbeks ont la solution ! Les mini bus yaourt ! Nous leur attribuons ce nom pour leur côté rectangulaire et compact. Ces engins grouillent dans tous les sens pour assurer le transport des ouzbeks. Ils s'arrêtent sans cesse, repartent, se faufilent,... Susceptibles d'accueillir une huitaine de passagers, ils offrent un rapport capacité / volume optimal !

Les mini bus yaourt fourmillent sur la route

À l'inverse, pour les moins pressés, les ouzbeks se reposent sur les fondamentaux... La brouette fait toujours l'affaire !

La brouette, transport indémodable...

Le bord de la route est également emprunté par les piétons. Nous croisons ainsi de nombreux enfants vagabondant à leur rythme, le sourire aux lèvres et la main légère pour nous saluer.

De nombreux enfants rencontrés sur le bord de la route

Outre ses moyens de transport et ses piétons, la route entre Buxoro et Samarqand nous offre des cadeaux innatendus. Le genre d'expérience somme toute assez banale mais qui vous touche en plein coeur.

La scène se passe à Kattaqorgon, que nous gagnons après 5h de vélo et 100km parcourus. Nous nous sommes levés à 4h et le petit déjeuner est déjà bien loin. Nous avons donc "les crocs". Désolés pour cette expression légèrement familière, mais les cyclistes comprendront bien de quoi nous parlons... Le genre de faim que seule la longue sortie vélo peut vous faire ressentir, à vous faire avaler n'importe quoi, dans n'importe quel ordre et à une vitesse impressionnante. Notre victime ? Le fast food "Kafe Nur". Nos coups d'éclat ? Deux burgers, 4 glaces, une salade césar, une bouteille de jus de fruits et 2 cafés. Nous enchainons tout ça en un temps record, imposant ainsi au serveur de nombreux aller-retour en cuisine. Puis nous nous levons pour assumer financièrement notre "craquage alimentaire à 10000 calories". Le patron nous sourit. "C'est pour moi, vous êtes mes hôtes". Impossible de payer, l'homme insiste. Le festin est offert. L'instant est poignant et la générosité du bonhomme nous explose en pleine figure. Merci Monsieur, et longue vie au "Kafe Nur".

Merci au Kafe Nur de Kattaqorgon

Quelques minutes plus tard, le gérant de l'hôtel nous fera profiter d'une large réduction...

Depuis notre départ, nous sommes littéralement assaillis pas ces gestes de générosité. À la hauteur de leurs moyens, les gens nous aident concrètement. Pas seulement des encouragements ou des signes de la main (ce serait déjà pas mal...) mais des offrandes, des réductions ou des facilités de toutes sortes. Nous sommes persuadés que notre moyen de transport y est pour quelque chose. Les gens sont surpris et touchés que l'on vienne jusqu'à eux par la simple voie du sol, à deux roues. Nos dégaines de voyageurs jouent forcément en notre faveur et constitue un formidable laisser passer .

Mais attention, nous mettons un point d'honneur à ne pas surjouer ce rôle. Un voyageur chevronné, rencontré au festival du voyage à vélo (Vincennes, tous les ans fin janvier, nous recommandons), nous expliquait "qu'il ne compte pas sur l'hospitalité des gens. Il l'accueille quand elle se présente à lui". Nous partageons assez sa philosophie. Elle régit sainement notre rapport à l'autre et ne met jamais notre interlocuteur dans l'embarras d'une sollicitation forcée.

Ainsi, nous n'avons par exemple jamais demandé à quelqu'un s'il pouvait nous héberger. Nous le faisons via les réseaux sociaux prévus à cet effet, et nous ne faisons qu'accepter des invitations qui nous sont spontanément lancées. Seul le Turkménistan nous aura fait quémander de l'eau à de nombreuses reprises pour assouvir une soif extrêmement pressante. Nous nous le pardonnons...

Après 3 jours passés dans cet "entre-deux" villes, nous arrivons à Samarqand.

Arrivée à Samarqand

Comme vous pouvez le voir sur cette photo, Samarqand sait recevoir.

Cette ville s'est incontestablement adaptée à l'afflux touristique. Elle offre de charmantes guest house bon marché et des cafés à vous faire rester toute la journée sur des banquettes à siroter une limonade au citron. Certains voyageurs nous ont décrit Samarqand comme "surfaite", un peu trop "clean" et manquant d'authenticité. Mais nous, nous aimons les cafés "clean", les banquettes pour touristes et les limonades au citron... Nous manquons probablement nous-mêmes d'authenticité.

Les nombreux jardins donnent d'autre part à cette cité une atmosphère aérée. Il y fait bon se promener et la ville est loin d'être oppressante même pendant ces vacances estivales.

Enfin et surtout, Samarqand, c'est une concentration exceptionnelle de monuments musulmans. Après la Turquie, l'Iran et Buxoro, nous pensions avoir fait le tour de la question concernant les mosquées et les mausolées. Mais là, c'est le sommum, le bouquet final d'un long feu d'artifice culturel au coeur de l'art islamique.

Tout juste peut on déplorer que l'ancien Président, Islam Karimov, ait eu la navrante idée d'ériger un mur séparant ces grands monuments des quartiers populaires...

Assez écrit, place aux photos des différents sites que nous avons visités.

Le Régistan
Chah-e-Zindeh
Mosquée Bibi-Khanym
Gour Emir
Mausolée d'Islam Karimov (1er Président ouzbek)

Samarqand, c'est aussi son marché aux mille épices et aux mille saveurs. Nous nous promenons dans ce labyrinthe de couleurs et nous impregnons de l'ambiance particulièrement animée en ce dimanche matin.

Marché de Samarqand

Nous achevons notre étape "Ouzbékistan" dans le cocon de notre guest house à l'ambiance très familiale. À l'image des gens recontrés dans ce pays depuis une semaine, nous avons trouvé ici une formidable équipe qui n'a cessé d'être au petits soins avec nous. En seulement 36h, nous avons tissé des liens certes discrets mais suffisants pour que cette photo soit prise naturellement pour immortaliser notre rencontre.

Belle rencontre au Sargaron Registon

L'Ouzbékistan nous aura fait du bien. Ce pays est arrivé au bon moment après notre aventure turkmène. La douceur et la gentillesse des ouzbeks nous ont comblés et il nous a été facile de créer des liens avec la population locale, sur la route comme en dehors. Notre traversée fut paisible et plutôt reposante. Elle fut courte mais riche de la visite de deux villes que sont Buxoro et Samarqand. Étapes incontournables de la route de la soie, ces dernières nous ont émerveillés de leurs trésors architecturaux. L'art islamique est décidément sublime et nous avons l'impression d'avoir touché sa quintessence à Samarqand.

Xayr Ozbekistan

Demain, nous attaquons un gros morceau. Le genre de morceau qui nous laisse rêveur autant qu'il nous effraye. Un gros morceau nommé "Tadjikistan" qui nous fera rouler cool dans une autre dimension : la montagne, la vraie !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 11 267 km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

Tristan et sa petite famille que nous avons rencontrés par hasard à Istanbul. Ils nous ont donné l'envie de découvrir ce pays et nous ont apporté de nombreux conseils ces dernières semaines.

Au jeune garçon qui nous a offert un verre de soda sur le marché d'Olot.

À la jeune fille et sa maman qui nous ont offert un melon sur le marché d'Olot.

À l'agriculteur qui nous a offert deux belles grappes de raisin en direction de Buxoro.

Au groupe de jeunes français croisés à Buxoro. Ces limousins nous ont beaucoup questionnés sur notre voyage, et nous sur le leur. Nous leur souhaitons bonne continuation et pourquoi pas se revoir à Guéret ou Limoges !

Au patron du fast food "Kafe nur", à Kattaqorgon. Il nous aura offert un festin. Nous n'en revenons toujours pas...

Aux gérants des hôtels et guest house que nous avons occupés. Nous les avons trouvés particulièrement attentionnés en Ouzbékistan. Ils nous ont offert des fruits, du thé et nous ont rendu de nombreux services (réductions, petit déjeuner à 5h du matin pour s'adapter à nos horaires de départ, impressions de documents,...).

Karakul

Tadjikistan

Salom ! Nous voilà entrés au Tadjikistan en ce 28 juillet 2019 ! Finie la platitude du désert turkmène et des routes ouzbeks. Dès le passage de la frontière, la montagne nous guette... Nous l'apercevons au loin dans un premier temps, discrète, comme une inconnue qui nous sonde et nous observe à distance.

Les montagnes tadjikes se dessinent au loin

Nous remontons la large vallée au creux de laquelle coule la rivière Zeravshan. Les couleurs matinales nous offrent de magnifiques paysages et le faible trafic routier nous permet d'en profiter pleinement, en toute tranquillité.

Dans la vallée de la rivière Zeravshan

Le Tadjikistan ne fait pas exception à la règle des pays d'Asie centrale (et de tous les pays déjà traversés pourrait-on même dire...). L'hospitalité nous saisit de nouveau par sa spontanéité. Un père de famille nous ordonne de partager le repas qu'il s'apprête à entamer sur le bord de la route. Ses deux fils l'accompagnent ainsi que deux amis venus l'épauler dans la construction de sa maison. Le chantier est momentanément abandonné pour le plaisir des papilles.

Nous acceptons l'invitation et dégustons l'excellent riz aux carottes accompagné de ses tendres morceaux de veau (plat traditionnel appelé "Plov"). Nos interlocuteurs nous regardent manger, nous somment de nous resservir, nous regardent à nouveau, nous resservent,... Nous tentons d'objecter, voyant bien que "partager le repas" n'en a que les mots et que nous sommes finalement les seuls à profiter du festin. "Il en va de soi", rétorque le père, "vous avez besoin d'énergie. Nous, nous restons ici". Nous repartons le ventre tendu et laissons les 5 hommes avec le peu d'un repas que nous avons réussi à négocier pour eux dans une ultime confrontation avec cet homme au grand coeur. Il aura au moins cédé sur cela...

Repas presque partagé sur le bord de la route

Tel un entonnoir, la vallée se fait de plus en plus étroite et les montagnes nous serrent désormais de prêt. Nous longeons la rivière Zeravshan par une magnifique route dominée par des reliefs abruptes dépourvus de toute végétation.

Magnifique route le long de la rivière Zeravshan

Nous bifurquons ensuite à droite en direction de Dushanbe. La route s'élève progressivement et les camions s'époumonnent à transporter de lourds chargements vers la capitale tadjike. Nous longeons maintenant les rivières Fandar'ja puis Yaghnob, sur le bord de laquelle se sont construits quelques habitations. Les cultures arrosées par ce cours d'eau tâchent le creux de la vallée d'un vert vif. Le contraste de couleur est frappant dans ces paysages aux montagnes chauves.

Quelques hameaux sur le bord de la rivière Yaghnob

Cela fait longtemps que Gonzales et Ciraptor n'ont pas ressenti l'effort d'une pente raide. Nous prenons donc notre temps pour avaler les kilomètres qui nous séparent du trou noir, dans un cadre se prêtant à la contemplation.

Effort et contemplation pendant l'ascension vers le trou noir

Le trou noir, le voici... Un tunnel de 5km de long qui vous plonge dans une obscurité totale, sans aération ni sortie de secours. Il est sobrement surnommé "tunnel de la mort". L'appellation peut sembler exagérée mais nous avons fini d'en rire quand nous avons appris que des cyclistes y ont perdu la vie, par suffocation ou renversés accidentellement.

Le "tunnel de la mort"

De même qu'aux abords d'Izmir où nous avions pris le train pour éviter la dangereuse route au trafic assourdissant, nous délaissons ici nos vélos pour passer le tunnel à bord d'un camion. Un chauffeur tadjik accepte de transporter nos montures à l'arrière et nous lui tenons compagnie à l'avant. Nous sommes ainsi aux premières loges d'un spectacle assez impressionnant. Même prévenus, nous sommes saisis par la dangereusité de cette route totalement dépourvue de lumière. Nous avançons dans le noir complet et ne regrettons aucunement notre choix !

Traversée du tunnel à bord d'un camion

Le retour à la lumière nous sort de la torpeur du tunnel et plaque sur nos yeux encore ébêtés un décor de carte postale. Le panorama est sublime. Nous récupérons nos vélos couverts de poussière et admirons la vue avec enthousiasme.

De l'ombre à la lumière pour notre plus grand plaisir

La descente sur Dushanbe est du même acabit, c'est-à-dire de toute beauté. Nos premiers jours tadjiks sont étroitement liés aux cours d'eau et c'est désormais la rivière Varzob qui dévale la pente à nos côtés. Les mordus de rafting pourraient être comblés ici. Les nombreux rapides garantissent les sensations fortes et les quelques pierres émergées apportent leur intérêt technique à l'affaire. Bien que la couleur "bleu glacier" de l'eau nous fasse de l'oeil, nous ne nous risquerions pas à la baignade.

Nous gagnons Dushanbe au bout de cette longue descente qui nous fait perdre 2000m d'altitude (la ville est à 700m d'altitude environ). "Dushanbe" signifie "lundi" en perse. Ce nom lui aurait été donné pour son traditionnel marché tenu tous les lundis, à l'époque où elle n'était encore qu'un village. Nous apprenons ainsi que les tadjiks ont hérité d'une langue aux racines perses quand les autres pays d'Asie centrale se revendiquent plutôt d'une langue aux consonances turques. Nos longs séjours en Turquie et en Iran nous permettent ainsi d'user de quelques mots ressortis de notre mémoire. Si vous ajoutez à cela le récent passé soviétique qui veut que bon nombre d'habitants ici maîtrisent le russe, vous devinez que la traversée des pays en "stan" nous plonge au coeur d'influences historiques diverses. La religion musulmane, elle, rassemble tous les pays d'Asie centrale. Au sortir de l'Iran, la ferveur religieuse nous paraît toutefois moins prégnante qu'au Moyen-Orient (ou en tout cas moins visible).

Nous atteignons donc la capitale tadjike, le 31 juillet, soit 6 mois jour pour jour après notre départ de Royat. Ce coup d'oeil dans le rétroviseur nous fait éprouver deux sentiments.

Le premier sentiment, c'est bien sûr la satisfaction d'être arrivés au coeur de l'Asie centrale, après 6 mois d'une aventure qui nous comble autant qu'elle nous dépasse. Nous fêtons ainsi dignement notre demi-anniversaire autour d'une mauvaise bouteille de vin à 23 somonis (2,30€). Vous pouvez admirer le bronzage que Coco a su parfaire en l'espace de 6 mois. Du grand art...

Joyeux demi-anniversaire !

Nous trinquons avec Sam que nous avons rattrapé. Il accompagne Dara depuis une semaine, mais ce dernier manque à l'appel compte tenu de son mal en point qui le cloue au lit de cette guest house. Nous retrouvons également Sarah et Pedro, nos amis porto-irlandais qui nous avaient tant aidés dans nos demandes de visa à Tehran. Eux aussi sont à l'arrêt ici depuis plusieurs jours, touchés par une tourista foudroyante et embêtés pas des soucis mécaniques. À ce stade du voyage, nos petits estomacs d'européens commencent en effet à se plaindre d'une eau impure et la mécanique de nos deux roues révèlent leur points faibles.

Le second sentiment qui nous anime à Dushanbe, c'est l'appréhension (et l'excitation !) de ce qui nous attend. Cette ville marque le départ d'une nouvelle aventure. Elle nous ouvre en effet les portes de la mythique Pamir highway (haute route du Pamir). Nous l'avons appris en parcourant les blogs de voyageurs : la Pamir highway, c'est le passage obligé de ceux qui traversent l'Asie à deux roues (quitte à faire un petit détour, ce qui est notre cas...). Nous n'avons pas affronté la neige de février en France et le désert de juillet au Turkménistan pour rien. La finalité était celle-ci : parcourir la Pamir highway pendant la belle saison, au mois d'août. Nous y sommes donc, les yeux tournés vers l'apogée de notre voyage, au sens figuré comme au sens propre puisqu'elle nous fera gravir notre plus haut col, à 4655m d'altitude.

Mais rien ne sert de rouler, il faut partir à point. Nous passons notre 1er août à faire peau neuve de nos vélos fatigués. Nous changeons la transmission, les patins de frein, et nous achetons 2 pneus de rechange au cas où... La Pamir highway n'est pas asphaltée sur de nombreux tronçons et sollicitera à coup sûr Gonzales et Ciraptor. Toute précaution est donc bonne à prendre. Dilshod, un mécanicien local, nous fournit les pièces adéquates et nous aide à peaufiner les derniers réglages.

Gonzales et Ciraptor comme neufs !

La soirée précédent ce gros morceau aurait pu revêtir l'ambiance d'une veillée d'armes. Il n'en est rien. Tous les cyclotouristes se sont donnés rendez-vous autour d'une bonne bière, pour parler de tout et de rien. Certains sont partis de chez eux depuis 15 mois. La Pamir highway n'est donc qu'une étape. Pour d'autres, elle est l'aboutissement d'un itinéraire long de quelques semaines, jusqu'en septembre où le travail reprendra ses droits... et ses devoirs...

Les profils de voyageurs sont étonnement très diversifiés. Il y a les chevelus, ou "mal rasés", clope au bec, dégaine lente et nonchalante. Ils enfourchent des vélos brinquabalents, faits de pièces récupérées. L'un d'eux voyage même sur des bambous...

Vélo avec cadre en bambou

Ces cyclistes-là font du voyage leur mode de vie. Ils parlent souvent d'écologie et des rencontres qui les ont marqués. Nous avons l'impression que rien ne peut les atteindre tant ils débordent d'optimisme.

Il y a aussi les sportifs. Les yeux rivés sur leur application GPS, ils comptent les kilomètres, étudient les profils et parlent de dénivelé positif à qui veut bien l'entendre.

Enfin, il y a les anxieux, les prévoyants, ceux qui ne supportent pas l'imprévu et qui nous parlent de changer telle ou telle pièce du vélo tous les 5000km. "Vous faites comme vous voulez, bien sûr, mais moi je serais vous..."

Bien entendu, les caractères ne sont pas aussi marqués et nous avons par exemple bien du mal à nous classer dans telle ou telle catégorie. Une analyse sociologique serait d'ailleurs intéressante à mener sur le sujet des "profils cyclotouristiques". Nous lançons l'idée pour qui veut la prendre au vol.

Ce qui est sûr, c'est que le voyage nous rassemble. Il fait exploser les barrières de nos conditions sociales, de notre provenance et de nos raisons de voyager. Nous tissons des liens d'une soirée, très naturellement, et sans penser à demain. Les français sont majoritaires mais nous comptons parmi nous un allemand, deux espagnols, un argentin, un belge, un anglais,... Les langues et les accents se mélangent dans cette guest house qui fait de l'accueil des cyclistes son gagne pain. Des milliers de voyageurs nous ont précédés, et des milliers nous succéderont probablement autour de cette même table. La soirée est belle...

Soirée conviviale entre cyclotouristes

Nous n'avons rien visité de Dushanbe. L'important était ailleurs : préparer nos vélos, nous reposer et vivre intensément la rencontre avec ceux qui rêvent comme nous. C'est chose faite, nous sommes prêts.

Nous n'allons pas vous assommer de descriptions à n'en plus finir concernant la Pamir highway. À raison de quelques photos par jour, accompagnées de courts commentaires, nous vous emmenons avec nous sur nos porte-bagages. Accrochez-vous, c'est parti pour la Pamir highway !


Jour 1 :

Nous prenons la route du sud (d'autres choisissent celle du nord, les deux se rejoignant à Kalaichum). Nous longeons le magnifique lac Norak et plantons la tente au milieu de collines aux reflets dorés.

Cette journée est particulière car marquée par notre passage devant le mémorial construit à la suite d'une attaque terroriste tuant 4 cyclotouristes, il y a tout juste un an (3ème photo). Cela nous fait quelque chose... et cela nous rappelle que voyager en vélo n'est pas sans risques. Dans une moindre mesure, nous avons croisé des voyageurs qui ont également fait de mauvaises rencontres (caillassage de tente, agression au couteau,...). Nous espérons bien sûr échapper à ces horribles histoires, mais pensons surtout à ceux qui les ont subies et à leur proches.

Jour 1

Jour 2 :

Gros retard à l'allumage. Nous passons nos premières heures à réparer et/ou changer nos 4 chambres à air percées par des épines extrêmement coriaces. Notre lieu de bivouac n'est pas toujours pertinent. Nous le payons "cash"...

Enfin partis, nous traversons la ville de Khulob, à partir de laquelle la route s'élève sévèrement. Le col après Momirak nous donne du fil à retordre, mais dans ces paysages l'effort est largement supportable...

Jour 2

Jour 3 :

Retard à l'allumage, de nouveau. Nous passons une heure à réparer la fixation d'une de nos sacoches avec des moyens de fortune. Le col de la veille et ses parties non asphaltées sont probablement la cause de cet incident. Les sacoches n'apprécient guère les vibrations à outrance créées par les chemins caillouteux. Espérons qu'elles tiennent...

Nous fonçons sur la frontière afghane par une descente de toute beauté, entre des montagnes ocres. Nous retrouvons le fleuve Panj (déjà traversé au Turkménistan) qui nous sépare de l'Afghanistan. Nous le longerons jusqu'à Khorog et côtoyerons ainsi les montagnes afghanes pendant quelques jours. Sur le bord de la route, des panneaux nous alertent sur les risques de mines. Nous évitons donc soigneusement de nous aventurer en dehors du macadam.

Jour 3

Jour 4 :

Nous continuons à longer le Panj. Nous passons la ville de Kalaichum à la mi-journée, d'où part la célèbre route M41 que nous suivrons jusqu'à son terme à Osh (Kirghizstan), quelques 1000km plus loin. La route se change en chemin à de nombreux endroits, apportant des difficultés techniques certes relatives mais demandant une concentration de tous les instants. Les nombreux passages au pied des hautes falaises nous inquiétent. Plus que la proche frontière afghane et ses risques terroristes, nous craignons surtout qu'une pierre nous tombe sur la tête.

Nous finissons la journée sur la terrasse ombragée de notre lieu de bivouac. Titi va bientôt finir son deuxième livre du voyage, une très grande performance pour lui. Et ce d'autant plus que le livre n'a pas d'image.

Jour 4

Jour 5 :

Probablement la journée la plus exigente techniquement, du fait de l'état des chemins.

Nous traversons plusieurs "villages oasis" à la végétation foisonnante. Nous plantons la tente dans le jardin d'une famille habitant l'un de ses petits paradis entourés de montagnes. Nous n'avons même pas à sortir notre popote, le repas nous est offert ! Nous craquons spécialement pour une sorte de mûre de couleur blanche, déjà découverte en Iran. Séchée sur des pierres au soleil, elle fait éclater sa substance sucrée une fois en bouche.

Les trois générations de cette heureuse tribu nous font passer une excellente soirée et nous assurent une nuit paisible, quoique perturbée par leur chat qui s'aventure sur le toit de notre tente à 3h du matin. Aucune trace de griffe à déplorer le jour venu, le félin avait sorti ses pattes de velours.

Jour 5

Jour 6 :

Les rives du fleuve Panj sont plus espacées et donnent à ce dernier une allure de lac paisible. La route asphaltée reprend ses droits et le trafic est faible. Nous nous croyons sur une piste cyclable et profitons des étendues d'herbe pour pique-niquer au bord de l'eau.

À l'approche de Khorog, que nous gagnons en fin d'après-midi, nous apercevons de nombreux baigneurs et de champêtres terrains de football délimités par des murets de pierres.

Jour 6

Jour 7 :

Nous quittons Khorog au petit matin, tout comme le fleuve Panj et l'Afghanistan qui la borde. Sans le sentir véritablement du fait de la pente très progressive, nous passons de 2000 à 3000m d'altitude. Nous vivons cette magnifique journée au ciel bleu azur comme une étape d'approche et d'acclimatation à l'altitude, avant nos premiers gros cols. La fraîcheur de la soirée nous surprend et nous fait remettre nos polaires. La haute montagne commence demain...

Jour 7

Jour 8 :

Pas de col finalement aujourd'hui, et pas de kilomètres du tout d'ailleurs... L'estomac de Coco sort ses griffes et la cloue sur la bâche. Journée "off" donc à l'ombre des arbres bordant la rivière Gunt.

Titi finit son livre et travaille assidûment les mots flèchés. Le niveau 1-2 n'a plus de secret pour lui !

Jour 8 "off" largement mis à profit par Titi

Coco se sent finalement d'attaque pour effectuer quelques kilomètres en soirée, histoire de nous avancer un peu pour demain. Au bout de 13km, une famille nous invite à boire le thé, puis à manger et à planter la tente dans son jardin.

Cela fait 3 fois que nous nous imissons dans la vie de familles tadjikes pour passer la nuit. Si notre volonté initiale n'est autre que d'occuper un petit lopin de terre à l'écart de leur habitation, l'accueil tadjik se révèle en fait bien plus généreux et nous fait vivre avec eux, dans l'intimité de leur foyer, l'espace d'une soirée.

Nous faisons ainsi la connaissance de cette famille vivant dans la simplicité la plus totale. Deux pièces suffisent à héberger les 6 occupants : une pour cuisiner et une pour manger et dormir. Ils se nourrissent notamment des oeufs de leurs poules, ainsi que du lait tiré de leur vache et de 5 chèvres. Quelques récoltes occupent également le jardin. Ce dernier semble soigneusement entretenu par le couple, dont les mains sèches et râpeuses en disent long sur leur quotidien d'agriculteurs et de fermiers. Coco joue aux petits chevaux avec le fils cadet pendant que le grand frère apprend un jeu de cartes tadjik à Titi.

Cette rencontre n'était pas prévue au programme, mais elle arrive finalement à point nommé. La Pamir highway, ses montagnes vertigineuses et ses kilomètres à parcourir nous avaient presque fait oublier que les rencontres sont les cadeaux les plus précieux que nous ait jusqu'à présent offert notre voyage, et qu'il est parfois important de prendre notre temps. Cette journée de 13km nous aura ainsi enrichis de 6 nouveaux visages et d'une courte fenêtre sur ce qu'ils nous ont montré de leur vie. Nous les remercions, bien sûr, dans leur langue pamiri ! "Kolor" (orthographe incertaine)

Belle rencontre avec une famille tadjike

Jour 9 :

Nous passons deux cols à plus de 4000m (cols Kaytezek et de Tagarkaty), dans un décor lunaire. L'altitude rend difficile nos ascensions et la pluie froide nous accueille en haut du deuxième col. Une fois l'averse passée, le vent de face prend le relais pour nous infliger ses rafales pendant les 30 derniers kilomètres. Bienvenue sur le haut plateau du Pamir ! Les quelques percées du soleil nous font malgré tout admirer le lac Sasyk, ainsi que les montagnes jouant avec les nuages bas.

Nous arrivons très fatigués à Alichur. Ce petit village au milieu de rien nous séduit par son authenticité et par la chaleureuse et traditionnelle guest house qu'il nous offre. Nous dormons à 3800m d'altitude, au sec, et sans difficulté compte tenu de nos efforts produits aujourd'hui.

Jour 9

Jour 10 :

Magnifique journée alliant beau temps, faible vent et paysages sublimes. Nous voyageons pour des moments comme ceux-là. Il nous a fallut 9 jours pour nous hisser sur le haut plateau du Pamir, et le moins que l'on puisse dire est qu'il tient toutes ses promesses. Comme dans un rêve ! Notre 3ème col à plus de 4000m (col Naizatash) n'est qu'une agréable formalité et la ville de Murghab nous accueille avec des sourires d'enfants.

Jour 10

Jour 11 :

Sans doute la journée la plus symbolique de notre aventure sur la Pamir highway. Nous atteignons aujourd'hui le sommet de notre voyage en franchissant le col Akbaytal, perché à 4655m d'altitude. Sous un ciel bien menaçant... mais qu'importe ! L'émotion est là...

Sur le toit de notre voyage !

Nous redescendons et sommes pris en photo par deux hollandais rencontrés hier soir à Murghab. Ils voyagent en 4×4 pendant un mois, sur les routes du Tadjikistan et du Kirghizstan. Nous croisons beaucoup de touristes comme eux, allant de ville en ville et s'arrêtant régulièrement pour contempler les paysages. Ces hollandais nous font même la surprise de filmer notre descente à l'aide d'un drone. La vidéo sera disponible à notre retour en France ! Quant à la photo, nous l'ajouterons sous ce paragraphe une fois reçue (tout est plus lent dans le Pamir, surtout les connexions Internet).

Descente du col Akbaytal

Pour continuer sur notre chapitre "4 roues", nous croisons également d'étranges petits bolides, à priori peu adaptés aux routes accidentées du Pamir. Et pour sûr, ce serait même l'objectif partagé de ces énergumènes : rallier la Mongolie à bord de voiturettes. Après recherches, nous découvrons que ces voyageurs participent au "Mongol Rally", initiative à but caritatif lancée par l'association "The League of Adventurists International". Le départ a lieu au même moment à Londres, Barcelone et Milan, tandis que l'arrivée se situe à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie. L'itinéraire varie selon les équipes : certaines décident de traverser les steppes russes, d'autres de passer par la Turquie, l'Iran et l'Asie centrale. Seules conditions : ce marathon doit se dérouler sans l'aide d'un navigateur satellite, sans aucune assistance technique et avec une voiture de moins de 1000cm3. Comme quoi, il y a peut-être plus fou que nous... Mathias, Titouan, ce trip est pour vous !

Les équipages rivalisent d'imagination pour décorer leur fière auto de babioles en tout genre. Celle-là nous a particulièrement séduits (voir photo).

En route pour la Mongolie !

Deux motards polonais s'arrêtent également pour nous aider à refixer le porte-bagages de Ciraptor. Plus nombreux que les cyclistes, les motards se régalent sur la M41 ou sur ses routes parallèles.

Rencontre de deux motards polonais

Les symboles sont donc là : l'ascension du plus haut col de la Pamir highway, la rencontre de touristes étrangers, en voiture ou en moto, la solidarité entre voyageurs... et pour couronner cette journée particulière, nous posons nos bagages dans un des caravansérails servant autrefois à héberger les commerçants de l'historique "route de la soie". Vous pouvez admirer l'extérieur ainsi que l'intérieur de notre "3 pièces" : salle à manger, chambre et garage.

Chez Titi et Coco, caravansérail, route M41, Tadjikistan

Jour 12 :

Comme souvent, nos premiers coups de pédales sont un vrai plaisir. Le haut plateau du Pamir et les montagnes qui l'entourent nous dévoilent de beaux tableaux, magnifiés par la lueur du soleil levant. Nous longeons le lac Karakul et ses nuances de bleu. Nous changeons ensuite de braquet pour passer notre dernier col tadjik à plus de 4000m (col Uy-Buloq).

Jour 12

Notre étape "Tadjikistan" se termine au sommet de ce col, à 20km de la frontière Kirghize. Nous y rencontrons Driss le hollandais, Ivo le belge et Davit le Tchèque. Nous nous plaisons à échanger ensemble sur nos coups de coeur et nos moments de galères des derniers jours. Nous nous sentons complices d'avoir vécu, chacun a son rythme, une belle aventure sur les hauteurs du Tadjikistan.

La famille cycliste réunie au sommet de notre dernier col tadjik

Le Tadjikistan nous faisait peur. Il y avait de quoi. L'altitude, les mauvaises routes, les ascensions interminables, l'inconfort digestif,... Ce pays nous aura donné du fil à retordre, et jusqu'au bout. En haut du col, nous ne savons pas encore qu'un vent puissant et glacial nous empêchera de passer la frontière dans l'après-midi, comme convenu. Le compteur bloqué à 5km/h, nous déciderons de planter la tente sur le bord de la route, derrière un monticule de terre nous protégeant des rafales. Ces dernières ne cesseront que le lendemain matin, et joueront même de concert avec la pluie pendant la nuit. Le Tadjikistan nous voulait une soirée de plus chez lui, à l'image de ses habitants qui nous proposaient toujours de prolonger notre repos chez eux.

Le Tadjikistan nous faisait rêver. Il y avait de quoi. Chaque jour apportait son lot de paysages sublimes et ses grands espaces. Les photos parlent d'elles-mêmes, inutiles d'en rajouter.

Nous recommandons à tous les férus de vélo de vivre un tel dépaysement cyclotouristique. Si possible avec une monture robuste, car les routes tadjiks réservent parfois de belles surprises... Et avec quelques kilos d'avance. Nous avons laissé nous-même un peu de notre graisse au Tadjikistan, nourris au pain et aux pâtes. Le Pamir est l'endroit qu'il vous faut pour perdre du poids ! Les rares guest house que nous avons fréquentées servent essentiellement du bouillon dans lequel baignent une pomme de terre et deux petits morceaux de viande. Et hop ! Fini, au lit ! Nous nous vengions sur les barres chocolatées et mettions triple dose de sucre dans notre thé, mais cela n'a pas suffit. Nous quittons donc le Tadjikistan affaiblis... ou très "affûtés", selon le point de vue... Mais tellement heureux d'avoir vécu cette aventure !

Khayr Tajikistan

Nous délaissons ce petit paradis pour un autre, demain. La Pamir highway se fiche bien des frontières et se poursuivra au Kirghizstan. Et d'après les échos que nous tenons de ceux qui en reviennent, nous risquons très certainement d'y rouler cool !!!

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Petit coup d'oeil sur le compteur : 12 681km


Ils ont égayé notre route. Encore merci à...

Au père de famille et ses deux fils pour nous avoir invités à partager leur repas sur le bord de la route, juste après la frontière. Ce geste de générosité nous a de suite montré que les tadjiks savent accueillir.

Au chauffeur routier pour nous avoir transportés, ainsi que Gonzales et Ciraptor, à bord de son camion dans le "tunnel de la mort".

À l'homme qui nous a fait cadeau de concombres et de pommes fraîchement cueillies de son verger. Il nous aurait donné tous ses abricots si nos sacoches avaient pu les contenir.

Aux nombreux enfants qui nous ont également offert des fruits.

Marion, Boris, Luciano, Lucas, et tous les autres cyclistes rencontrés à Dushanbe. Notre avons apprécié la soirée passée ensemble. Les conseils et les encouragements nous ont donné des forces pour affronter la Pamir highway.

De manière générale, tous les cyclistes croisés sur les routes tadjiks. Ils étaient nombreux comme nous à vivre l'aventure de la haute montagne à vélo. Les difficultés rapprochent, tout comme les moments de plaisir que nous avons apprécié échanger avec eux.

Outre les cyclistes, merci aux automobilistes et motards pour leurs encouragements, pour leur aide (motards polonais) et pour leurs contributions photographique et cinématographique (couple automobiliste hollandais).

Aux 3 familles tadjikes pour nous avoir permis de planter la tente dans leur jardin. Bien plus, elles nous ont gracieusement offert le goûter, le dîner et le petit déjeuner... et des rencontres inoubliables !

Salam ! Nous voici en terres kirghizes en ce 14 août 2019 ! Pour clore immédiatement le débat, nous précisons que l'orthographe "Kirghizistan" (avec trois "i") est également utilisée sur de nombreuses cartes, documents ou autres brochures de voyageurs. Les deux possibilités d'écriture semblent acceptées. Nous avons choisi la plus courte et celle utilisée par le Ministère français des affaires étrangères (si ça c'est pas une référence...). Se rapprocher de notre agent pour toute réclamation.

Ce qui est sûr, c'est que nous rentrons dans ce pays par la haute porte du Kyzyl-Art, notre 6ème et dernier col à plus de 4000m d'altitude.

Entrée au Kirghizstan par le col Kyzyl-Art

Nous poursuivons ainsi la Pamir highway, commencée au Tadjikistan.

Jour 13 :

Nous arpentons les lacets du col Kyzyl-Art, couverts de 4 couches de vêtements pour lutter contre le vent du nord. Ce dernier est certes moins fort que la veille mais toujours vigoureux. La descente, raide et technique, débouche sur une immense plaine menant à la ville de Sary-tash. Avec 1000m d'altitude perdus depuis le col, nous entamons notre descente du plateau du Pamir.

Nous apercevons au loin quelques yourtes, des yacks et des chevaux en liberté. Pas de doute, nous sommes bien au Kirghizstan.

Jour 13

Jour 14 :

Depuis Sary-tash, une bonne partie des cyclotouristes bifurquent vers l'est et gagnent la Chine par le col d'Irkeshtam. Et oui, la Chine ! Nous peinons à réaliser... mais nous sommes à quelques kilomètres de l'Empire du Milieu. Nous avons même frôlé les fils barbelés qui le séparent du Tadjikistan, aux abords du lac Karakul.

Certains voyageurs, "les sudistes", optent pour un court séjour chinois. Ils entrent rapidement au Pakistan en vue de rallier l'Asie du sud-est par l'Inde, le Népal et la Birmanie.

D'autres, "les nordistes", privilégient la découverte en profondeur de la Chine pour atteindre l'Asie du sud-est par les régions chinoises du Yunnan ou du Guangxi. Ils effectuent donc une longue diagonale nord-ouest / sud-est (parfois avec l'aide du train) pour traverser cet immense pays.

Nous sommes de ces derniers : primauté donnée à la Chine ! À la différence près que nous ne résistons pas à la tentation de visiter le Kirghizstan. Nous entamerons donc notre diagonale chinoise plus au nord encore, depuis le Kazakhstan et la ville de Korgas. Ce choix nous permet d'achever la Pamir highway jusqu'à Osh et de faire honneur à ce 4ème pays en "stan". Il a l'inconvénient de nous rajouter quelques kilomètres supplémentaires, mais nous ne sommes plus à ça près...

Bref, tout ça pour dire que nous continuons notre aventure kirghize et que la Chine attendra.

Au départ de Sary-tash, nous prenons de la hauteur en passant deux cols à 3500m (col "40 let Kirghizstan") et 3600m (col Taldyk) d'altitude. Les montagnes vertes et rondes tranchent nettement avec les paysages tadjiks des derniers jours. Nous nous délectons ensuite d'une descente dans les montagnes rouges de la vallée de la rivière Gulcha. Nous atteignons la ville du même nom dans l'après-midi, après 2000m de dénivelé concédés. Notre descente vers Osh se poursuit...

Jour 14

Jour 15 :

Allez, encore un petit effort ! Le col Chyiyrchyk (2400m) constitue la dernière difficulté de la Pamir highway. Une fois gravi, nous fonçons sur notre destination... et arrivons à Osh (Ow en kirghiz) en début d'après-midi !!!

Jour 15 : arrivée à Osh !

Pamir highway, clap de fin ! Quelle aventure ! Ils nous aura fallut 15 jours pour couvrir les 1362km de cette route mythique (distance recueillie depuis notre compteur, et donc non officielle).

Avec du recul, nous pensons que l'effectuer au mois d'août était pertinent pour éviter les nuits glaciales (crème solaire indispensable toutefois en journée !). L'inconvénient de ce choix fut logiquement de manquer quelques beaux panoramas de montagnes enneigées : on ne peut pas tout avoir...

Le faire dans ce sens (de Dushanbe vers Osh) nous semble également préférable. Il permet de se hisser plus progressivement sur le haut plateau du Pamir (environ 10 jours, contre 3 jours au départ de Osh) et ainsi de limiter les effets néfastes d'une montée trop rapide en altitude (maux de têtes, nausées,...). Nous avons rencontré plusieurs cyclistes malades et l'altitude ne doit pas être prise à la légère. Le revers de la médaille de ce sens sud-ouest / nord-est est d'affronter un vent qui nous a semblé le plus souvent défavorable.

Nous pouvons désormais affirmer que la notoriété de cette route n'est pas usurpée et qu'elle mérite amplement son attractivité. La beauté des paysages et le faible trafic routier (malgré la haute saison) en font un magnifique site cyclotouristique. Avec un peu d'entraînement, la Pamir highway nous paraît accessible à tous, pour qui sait s'écouter, aller à son rythme et user parfois d'un peu d'abnégation et de ténacité. Certains la bouclent en plus de 3 semaines et n'en retirent pas moins d'intérêt et de mérite.

C'est bon, tout est dit, nous arrêtons de vous bassiner avec la Pamir highway. Nous retrouvons donc la civilisation et la chaleur de la ville d'Osh, sous les 1000m d'altitude.

Osh est la deuxième ville kirghize après Bishkek, avec 281 000 habitants. Elle est surnommée "capitale du sud". Centre de production de la soie connu au VIIIème siècle, la ville est probablement une étape sur la route de la soie depuis des temps reculés. Le pouvoir local a d'ailleurs fêté récemment les 3 000 ans du premier peuplement trouvé.

Le hasard du calendrier veut que nous nous trouvions à Osh le jour de son festival annuel dédié aux touristes. Et nous, ben... nous sommes des touristes ! Donc on aime ! Nous découvrons ainsi les stands présentant les recettes gastronomiques locales, suivons la parade colorée de costumes kirghizes et assistons aux concerts et danses traditionnelles.

Bienvenue au "Osh tourism festival" !

Des ateliers de tissage attirent même notre attention et nous font prendre conscience que la confection d'un tapis demande de la dextérité et de la patience !

Ateliers de tissage

Loin de la ferveur de cette manifestation bien sympathique, une autre ferveur nous anime... celle du bazar ! Un des plus grands d'Asie centrale. L'occasion pour Titi de tester l'incontournable chapeau traditionnel kirghiz. Bon... pour le style, on repassera...

Titi et le chapeau kirghiz, une histoire de courte durée

De nombreux hommes portent ici ce chapeau, qui leur va bien (à eux...). Nous en croisons quelques-uns autour de parties d'échecs et de backgammon (dont les règles diffèrent de celles apprises en Iran : on n'y comprend plus rien !).

Les hommes jouent à Osh

D'autres loisirs semblent plébiscités par les locaux. Le billard par exemple, occupe une large place dans les salles de détente des hôtels et compte plusieurs clubs privés. Précisons que le premier cliché date de notre première soirée au Tadjikistan. La passion pour le billard est donc au moins partagée par les deux pays.

Kirghizes et tadjiks passionnés de billard

Pour continuer sur notre camembert orange "sports et loisirs" (petite allusion au "Trivial pursuit"), nous ne sommes pas étonnés de voir fleurir au Kirghizstan des tables de ping-pong (ou "tennis de table" pour les puristes). Non loin de la Chine, reine de cette discipline, Titi a fort à faire contre son adversaire du jour kirghiz. Victoire en un set, 13-11 !!! La France tient son nouveau Jean-Philippe Gatien.

Moment de gloire pour Titi

Bon... Pour la petite histoire, Titi se fera ensuite étrillé par le vieux kirghiz au ventre bedonnant que l'on voit sur la photo en chemise jaune/beige, sur le banc. Jean-Philippe Gatien rangera sa raquette et ira manger un muffin "noix bananes" pour passer sa déception (au café "le Brio", que nous recommandons pleinement pour les futurs voyageurs de passage à Osh).

Mais comment parler de Osh sans évoquer sa colline, ou plutôt sa montagne imposante se dressant dans la ville ? Osh semble s'être construite autour d'elle et ses habitants en sont très fiers, comme nous le précise une jeune locale. Ni une ni deux, nous empruntons les escaliers puis quelques chemins "moins conventionnels" pour découvrir Osh vue d'en haut. De nombreux kirghizes nous doublent au pas de course. La "montagne sacrée de Sulaiman", inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, compte visiblement ses fidèles sportifs. Et si la ville n'a rien d'extraordinaire depuis le sommet, la belle luminosité offerte par la fin du jour nous fait passer un agréable moment. Une montagne au milieu d'une ville : le concept est plutôt séduisant.

Ascension de la montagne Soulaiman à Osh

Aussi sereine qu'elle puisse paraître, la ville de Osh fut le théâtre d'affrontements interethniques entre kirghizes et ouzbeks en mai 1990 et surtout à l'été 2010 (2000 maisons privées brûlèrent, dont la plupart appartenaient à des ethnies ouzbeks). Nous sommes rentrés au Kirghizstan depuis le Tadjikistan, mais Osh demeure bien frontalière avec l'Ouzbékistan. Et ses rapports avec ses voisins n'ont pas été toujours tendres...

Pour nous, Osh restera le lieu de notre décompression "post Pamir highway". Après Coco, c'est au tour de Titi de se sentir fébrile. Les 15 jours d'efforts ont engendré de la fatigue qui s'abat subitement sur lui. Nous restons donc 48h dans la "capitale du sud" pour refaire le plein de sommeil et d'énergie. Nous profitons également de notre retour à la vie urbaine pour nous reconnecter aux nouvelles françaises. Mais c'est plutôt les nouvelles locales qui nous interpellent. Bishkek serait actuellement le lieu d'affrontements entre les forces de l'ordre, qui ont arrêté l'ex-président kirghiz, et leurs opposants qui le soutiennent. L'ancien président avait pourtant plébiscité l'actuel chef du gouvernement lors des élections de 2017. Il le voyait comme son successeur, alors que ce dernier était son premier ministre. Depuis, les relations semblent s'être distendues. Il faut savoir que le Kirghizstan fait figure d'exception en Asie centrale, en ayant adopté depuis peu un régime démocratique (même si les spécialistes le décrivent comme "hybride" compte tenu des progrès encore attendus pour le considérer véritablement comme tel). Contrairement au Turkménistan ou au Tadjikistan, nous n'appercevons pas le portrait du chef d'Etat à tous les coins de rue et ne subissons pas la propagande autour de sa personne. Si la marge de progression subsiste encore, l'Histoire retiendra qu'en 2017, le Kirghizstan fut le premier pays d’Asie centrale à connaître un président quittant volontairement ses fonctions à l’issue de son mandat. C'est déjà un bon début...

Parenthèse fermée, les manifestations à Bishkek nous inquiétent un tant soit peu... Nous comptons rallier la capitale dans une semaine. Reconnexion sur le site du Ministère français des affaires étrangères... Nous ne voyons pas de recommandation sécuritaire particulière pour les voyageurs français. Tout en restant vigilants sur ces faits récents (et ceux à venir), nous maintenons donc notre cap au nord. Nous le maintenons après avoir écarté, lors d'un comité bilatéral, la possibilité de rejoindre le lac "Song-kul" par des routes secondaires, plus à l'est. L'hésitation fut longue autour de la carte, mais nous optons finalement pour la valeur sûre d'une route asphaltée. Marre des routes faites de "taule ondulée" (petites bosses de terre, probablement créées par les camions ou 4×4) ! Nous préférons préserver nos forces plutôt que d'en perdre sur les pentes tortueuses qui mènent à cette tâche bleue, pourtant très attirante sur notre carte... Et mille excuses à Aude, Pascal et Claire qui nous avaient conté leur belle escapade autour de ce lac.

Comité bilatéral de haute importance à Osh

Si nous occultons les 150 premiers kilomètres (trafic important et paysages peu enthousiasmants), la route entre Osh et Bishkek tient toutes ses promesses. Nous apprécions les premiers reliefs qui se dressent de part et d'autre de la chaussée.

Montagnes rouges en direction de Bishkek

Nous longeons ensuite la rivière Naryn, ou plutôt ses retenues d'eau formées par la succession de barrages. La couleur turquoise monopolise notre attention et nous ne nous lassons pas de regarder sur notre gauche.

Le long de la rivière Naryn

Nous profitons probablement de notre meilleur site de bivouac depuis notre départ de France. Posée au bord de l'eau, la tente nous regarde nous baigner, en toute tranquillité et entourés de montagnes. Ça sent les vacances, les vraies !

Bivouac de rêve près de la rivière Naryn

Nous arpentons le lendemain le col Kerbel. La descente nous donne l'impression de plonger dans le lac Toktogul (immense lac artificiel créé par le barrage du même nom).

Ascension du col et descente sur le lac Toktogul

Comme souvent, les premières et dernières heures du jour subliment ces paysages étonnement bien préservés malgré l'afflux touristique (plus important qu'au Tadjikistan). Le bivouac est simple, l'atmosphère est apaisante et le temps semble s'arrêter dans la quiétude de ces grands espaces. Dans ces conditions, le voyage est facile...

Belle lumière au bord du lac Toktogul

Nous faisons la rencontre de 6 étudiants français qui participent au Mongol Rally, à bord de 3 voitures. Nous avions abordé cette manifestation dans notre précédente étape "Tadjikistan" et avions raconté de belles bêtises. Rectifions donc... Un départ officiel à été donné à Prague (même si chacun peu partir de chez lui) et non depuis Londres, Barcelone et Milan. D'autre part et depuis 2015, l'arrivée se situe à Oulan-Oude (Russie) et non pas à Oulan-Bator (Mongolie) qui ne souhaite plus servir de dépotoir de carcasses de voitures (on peut comprendre). Enfin, la limite n'est plus de 1000cm3 mais de 1,2litres (depuis 2009), mais ce détail nous dépasse, tant nous n'y connaissons rien en mécanique automobile. Ces 6 étudiants nous assurent d'ailleurs ne rien piper au fonctionnement de leur bolides. Ils ont bénéficié de l'ingéniosité des habitants sur leur route pour réparer leurs voiturettes. Récemment, ils se sont faits construire un cardan avec des moyens de fortune.

Ceci étant rectifié, le plus important reste l'état d'esprit de ces jeunes conducteurs qui nous séduisent par leur bonne humeur, leur enthousiasme et l'amitié qui semble les lier. Nous partageons un excellent moment dans un restaurant perché sur les hauteurs du lac Toktogul, et nous leur souhaitons bonne chance pour arriver à destination mi-septembre. Eux dormirons ce soir près de Bishkek alors que nous n'atteindrons la capitale que dans 3 jours. Chacun son rythme...

Rencontre de 6 français inscrits au Mongol Rally

Une autre rencontre égaye notre route. Et celle-ci, nous l'attendions particulièrement. Il aura fallut parcourir 13500km pour la vivre enfin. Nous croisons notre premier tandem ! Un tandem "assis - couché". Chrystele et Jacques sont partis de France en avril et sillonnent les routes d'Europe et d'Asie centrale avec un sourire non dissimulé. Lui a vendu sa boutique d'optique, ce qui leur assure un petit pécule dont ils profitent pleinement. Elle a délaissé son activité de potière le temps d'un voyage qui durera un an. "Un an... ou plus si affinités", comme ils disent. Il y a des gens avec qui l'on "accroche". C'est le cas de Chrystele et Jacques, deux savoyards dont l'humour et la simplicité nous feront probablement prendre de leurs nouvelles dans les prochaines semaines. Belle route à eux.

Chrystele et Jacques sur leur tandem

Enfin, nous croisons des camions chevelus, façon "Jackson Five", et quelques troupeaux sur la route qui nous prouvent que "berger en vélo" peut être une activité professionnelle à développer. Élise, ton avenir est au Kirghizstan !

Curiosités sur la route en direction de Bishkek

L'approche de Bishkek nous fait passer deux cols à plus de 3000m. Nos sensations vacancières sont donc malgré tout rythmées par de longues ascensions, à la pente raide et aux lacets interminables. Mais la récompense est à la hauteur des efforts accomplis : de formidables paysages en haut du col Ala-Bel, et une descente vertigineuse depuis le col de Too-Ashoor (que nous passons dans un tunnel) à travers les montagnes mauves de la vallée de la Kara-Balta.

Ça monte et ça descend au Kirghizstan

Si nous avions déjà bien donné dans les "dénivelés" au Tadjikistan, une chose est nouvelle ici. Les vallées regorgent de yourtes, de roulottes, de chevaux,... Des gens habitent ici, près des rivières, loin des villes. Ils nous saluent, de près ou de loin, et nous font découvrir la vie reculée kirghize. Pour le plus grand plaisir des yeux et du coeur.

Des yourtes et des gens dans la vallée

Les nombreuses yourtes nous soufflent d'ailleurs l'envie d'en découvrir de l'intérieur et de passer la nuit dans l'une d'entre elles. Nous tentons donc l'expérience d'un camp de yourtes pour touristes. La jeune gérante nous accueille dans un parfait anglais. Elle nous dit recevoir de nombreux cyclistes, motards, trekkeurs,... et notamment beaucoup de français. Elle nous précise que la saison touche à sa fin. Cette dernière s'étale de mai à août. En dehors de cette période, il fait trop froid ici et la neige prend ses quartiers. Elle les prend confortablement puisque ce sont des mètres de poudre blanche qui recouvrent les yourtes durant de longs mois, pour le plus grand plaisir des skieurs de l'extrême qui plébiscitent particulièrement les environs, lâchés depuis des hélicoptères.

Voici la yourte en question ! Un petit bijou de tradition kirghize. Nous avons une pensée pour Alex et Grégoire, nos amis qui en ont entrepris la construction en France.

Découverte et admiration d'une yourte

Chaque yourte comporte en son sommet un cercle d'où partent les nombreuses armatures en bois (visible sur la 3ème photo ci-dessus). Lorsque la météo le permet, ce cercle peut être ôté pour laisser passer la lumière du jour. Les bandes croisées dessinées sur ce cercle nous rappellent quelque chose... Réfléchissons... Mais oui, c'est ça ! Le drapeau ! Le symbole ornant l'étendard national n'est pas une boule de pétanque mais bien ce cercle de yourte et son croisement d'armatures, entouré d'un soleil. Sarah et Matthieu, nos fidèles supporters et lecteurs, nous précisent depuis la région bordelaise que les 40 rayons du soleil représentent les 40 tribus kirghizes, réunies par le héros national "Manas le Noble" pour fonder la nation. Enfin, la couleur rouge du drapeau nous rappelle qu'en langue kirghize, "kirgiz" signifie tout simplement "rouge". C'est fou ce que peut cacher un bout de tissu...

Drapeau kirghiz

La yourte kirghize, c'est très beau mais un peu cher pour deux (celle-ci peut accueillir jusqu'à 8 personnes). Nous nous rabattons donc sur un des containers à proximité. Un peu moins authentique mais très confortable !

La nuit dans un container aménagé, c'est le pied !

Il nous aura fallu 7 jours pour atteindre Bishkek depuis Osh. La capitale nous paraît être le moment opportun pour se détendre un peu... vraiment... Bishkek arrive au beau milieu de notre itinéraire prévu jusqu'à Singapour. La mi-parcours nous donne donc le droit d'un petit tour aux abords de la piscine d'un hôtel bien sympathique !

Deux stars à Bishkek

Nous profitons d'autre part de ce temps de repos pour trancher un dilemme qui nous titille depuis quelques jours. Vous en connaîtrez la teneur en temps voulu, gardons un peu de suspens... Seul indice : il concerne notre itinéraire à venir. Préparez-vous à du changement !

En attendant, concentrons-nous sur Bishkek. Nous visitons la ville qui plairait à tous les nostalgiques de l'architecture soviétique... Quelques sites suscitent malgré tout notre intérêt, comme l'incontournable place Ala-Too.

Place Ala-Too

L'immense drapeau kirghiz qui domine la place est gardé par deux soldats.

Le drapeau national bien gardé

Les bonhommes ne plaisantent pas avec le protocole et les mesures de sécurité. Nous nous sommes approchés, un peu trop à leur goût, et avons vite déguerpi sous la menace de leur fusil qu'ils se sont mis à faire cogner sur le sol. Et encore, nous avons raté le meilleur. Lors de la relève, il paraît que les soldats quittent leur poste en levant très haut les jambes. Heureusement que nous n'avons pas assisté à cela. Nos sourires nerveux les auraient probablement poussés à se servir de leur fusil autrement...

Pour la petite histoire, la place Ala-Too fut construite en 1984 pour célébrer le 60ème anniversaire de la RSS kirghize. Trônait alors au centre une imposante statue de Lénine avant qu'elle ne soit déplacée vers une plus petite place (la "vieille place") en 2003, face au Parlement.

Lénine rétrogradé mais bien présent face au Parlement

Pour célébrer le 20ème anniversaire de l'indépendance du Kirghizstan, Lénine fut remplacé sur la place Ala-Too par le valeureux Manas sur son cheval.

Manas

Mais qui est ce Manas pour être à ce point porté en gloire ? Pour rappel, c'est ce même Manas qui aurait rassemblé les 40 tribus représentées par les 40 rayons du soleil, sur le drapeau. Après recherches, ce héros serait en fait tiré de "l'épopée de Manas", une œuvre littéraire collective et monumentale issue de la tradition orale du peuple kirghiz. "Le Manas" a été inscrit en 2009 par l'Unesco sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité pour le Kirghizstan. Il en existe au minimum 75 versions, complètes ou fragmentaires. Manas n'existe donc pas vraiment, mais son oeuvre est une sorte "d'Iliade de la steppe" selon l’ethnographe kazakh Chokan Valikhanov.

Nous déambulons ensuite dans le parc Dubovy, depuis lequel nous pouvons aperc