Carnet de voyage

Du Midwest à Death Valley

13 étapes
18 commentaires
L'Amérique dans tous ces Etats Sur les Routes du Sud Dakota, du Wyoming, Utah, Nevada
Mai 2022
4 semaines
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Un grange du coté de Fort Laramie - Sud Dakota 

Si en théorie nous sommes physiquement en France, nos esprits planent encore dans les grandes prairies du Midwest. J'entame ce carnet de voyage avec des photos bien fades et des mots très imparfaits. Un beau voyage hors des sentiers battus, loin de la foule, et presque complètement déconnecté par mon forfait Free muet dès l'arrivée.

Je me souviens de l'avant départ. Des jours et jours d'attente, des questionnements non masqués, covid, et tout le tralala. La joie de jeter en vrac dans ma valise santiags, champagne et café - de fourrer au mieux le reste dans les coins vides. Puis encore attendre. Ne plus trop regarder les cartes US, car elles dévoilent des trésors à découvrir mais un jour, même US, n'est pas plus grand qu'un jour d'ici. 24h. Une dernière semaine juste interminable. Eviter de sortir, plus d'happy hour dans notre bar chéri, rester chez soi. Le dernier examen à passer, la peur aux tripes d'un test positif. Les paroles dignes d'un western série B. "Si je suis positif, pars seule... Non non non.. je ne partirai pas sans toi ...".

Nous partirons à deux, le Boeing 787 d'Air France presque vide. L'arnaque à la location de voiture. Viendra le temps des grands espaces. Nous voguerons vers le Nord, Crazy Horse , le Mont Rushmore et les Badlands. Au pays des Sioux, des Dakotas et Lakotas. L'immensité du Wyoming, les troupeaux de bisons, les espaces à couper le souffle. Des couleurs yellow et geysers stones. Peut être une oursonne et ses noursons ?

L'Utah, le Grand Lac Salé. Quelques jours dans la ville mormone de Salk Lake City, puis dans la petite cité non moins mormone de Moab. Comme un retour aux sources du voyage de 2014.

A l’ouest des étendues salées, s’étire à perte de soif le grand désert Mojave. Ghost towns et les mines d'argent oubliées. Puis Au delà des illusions, à la frontière du Nevada et de la Californie. "Death Valley" mon eldorado. "Le désert d’or et de lumière’. Nous avons vu les reflets de lune dans la blancheur de Badwater et à Dante's View, d'autres reflets irisés, magiques et somptueux. Cette année nous tenterons le Nord, Titus Canyon et les Pierres qui roulent de l'Est.

Bien évidemment deux nuits à l’Armargosa Opéra House

De ces quelques lignes s'écrira l'histoire. Ce qui fera le sel du voyage, sera chaque jour au détour d’une rencontre, d’un chemin, d’une fausse piste, d’un bar sombre, où d’un motel oublié.

Ce carnet est fait ressentis, de sentiments, d'images qui s'inscriront au fil du temps comme une parenthèse magnifique.

On the road again....

Isabel et Diego

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A perte d'horizon, à perte de raison

Aux couleurs des Badlands 

Les livres gardent jalousement les secrets de ce pays façonné par une Rivière de Vent qui emporte et dispersent dans des ranchs et les villes, un parfum d’antan. C’est un pays peu connu, secret, libre du Midwest. Un état rebelle, républicain, sans masque, sans pandémie. Sa capitale se nomme Pierre. A l’image de cette rugosité du Far West. Comme un grand fleuve, la Rivière de Vent souffle des rafales de 80 à 100 km/h. Les hivers de glace, les étés de feu. Un monde rural, des miles et des miles de route droite à travers les prairies. L’horizon est hors d’atteinte, et le ciel peint comme un plafond de verre. Les quelques 900 000 habitants (5 habitants au m2) baladent leurs boots à travers des Badlands, des Black Hills – les mauvaises terres et les montagnes noires -. Ici les langues officielles sont l’anglais et le sioux. Si le Sud Dakota est célèbre son Mont Rushmore, il mérite bien plus qu’une visite de courtoisie. L’état rebelle est à l’image de ce Vent, cette Rivière de Vent indomptable. L’Est est peuplé de villes et d’exploitations agricoles. L’ouest des cheptels de vaches vêtues de robes noires paissent dans une liberté sublime. Au centre coule une rivière. Le Missouri. Ici, je ressens les mêmes émotions qu’à l’extrême sud de la Patagonie. La pampa est prairie, les estancias sont ranchs, l’espace, le vent rageur, les routes de lignes ultra droites. Les 4 saisons en une heure. Le rire du temps.

Ce Da-Ko-Ta résonnait dans nos têtes depuis longtemps. Tendez l’oreille, écoutez la prairie chanter, le vent hurler DA-KO-TA-DA-KO-TA-DA-KO-TA. Le martellement des troupeaux de bisons, les danses indiennes, les hennissements des chevaux. Tout ici respire, transpire un monde éternel, encore épargné. Lorsque le Vent danse et que la prairie n'est plus qu'immense vague, que les nuances de verts oscillent entre jade et verts sombre, que les nuages en suspension s’étirent vers l’ouest. Alors tout est couleurs, mouvements, ombre et lumière. Oui, le Dakota du Sud mérite bien plus qu’une simple visite de courtoisie.

Biker dans les Badlands - La prairie à perte d'horizon 
Les visages de la prairie - Un air de Patagonie

Parc National des Badlands.

La cerise sur le gâteau de nos "déserts" .

Les Badlands ne sont que les Mauvaises Terres, les mauvaises filles. Des hivers glacés et les étés d’enfer. Des records de températures – 40° à plus de 47°. C’est une étrange vallée de sable et d’argile, de pics, pinacles. Sculptées comme de jolies poupées vaudous, de petites montagnes invitent le voyageur imprudent. Des nuances de jaunes et roses, d’ors et de blancs. Des couleurs de fiançailles lorsque l’aube et l’aurore se posent un bref instant. Les routes, loops, sentiers se faufilent dans ce labyrinthe minéral. Des dizaines de photos ne sont qu’un pâle reflet de leur beauté. Magiques, inquiétantes, changeantes. Le temps est sublime, nous avons de la chance.

A découvrir : https://www.myatlas.com/TerreDeSienne/badlands

Le paysage change, se casse brutalement. Les pinacles ne sont plus face à nous mais à nos pieds. Comme si la Terre s’était effondrée dans un autre espace-temps. Les Badlands c'est le travail du temps, de l'érosion, du gel, l'usure de la carcasse terrestre. De grosses patouilles de boue, des termitières géantes, des boursoufflures de d'argile pétrifiée. C'est l'imaginaire en fusion. Les Badlands ont acquis le statut de parc national en 1978. Elles sont méconnues, fascinantes. Tout près de ce singulier paysage , Kevin Cosner tourna « Danse avec les Loups »

Face à nous, tout autour de nous, à nos pieds 

WALL DRUG

Si vous regardez une carte du coin, vous verrez que la ville la plus proche des Badlands est Wall. Un rêve américain, une drôle histoire. En fait WALL – le mur – est une ville magasin. Laissez-moi vous conter cette aventure. En 1931, Ted Hustead un homme achète une petite pharmacie-bazar-épicerie dans la minuscule localité. Rien de folichon, pas de quoi fouetter un chat - quelle horreur ! - ni rêver de fortune. Mais derrière chaque grande idée, souvent se cache une femme. Doroty, Sa femme propose d’offrir un verre d’eau fraiche à chaque visiteur. Commence alors une publicité ciblé dans tout le pays. Des panneaux sont plantés, de plus en plus grands, en plus haut. Un verre d’eau fraiche, c’est aussi un sourire, de quoi se réchauffer ou se rafraichir dans ce pays de Vent et de pluie. Et ça fonctionne au-delà des espérances du couple. Un verre d’eau c’est bien, c’est peu. Doroty propose le café à 5 cts. Durant la seconde guerre mondiale un GI poste une photo « Kilroy has here », - Kilroy est ici - avec la distance qui le sépare de ce WALL. Ce jeu est sans doute la plus belle pub faite à la ville magasin, car partout dans le monde le jeu de la distance en soi et WALL continu. Aujourd’hui « WALL » est un complexe commercial, café, restaurent, hôtels, campings.

La ville est une rue unique. Des gadgets made in China, quelques dinosaures, des fringues, bien sur une chapelle. Bof. Je dois être des rares touristes à n’avoir rien acheté. Le détour vaut pour l’histoire. Le passage vaut pour le café à 5ctes, réel. La route vaut pour les panneaux plantés tous les miles indiquant WALL La route vaut pour ces paysages sublimes de prairies, des verts foncés, clairs, printaniers. Au accents du Vents, la prairie danse dans un éternel mouvement.

Le café le moins cher d'Amérique 

Nous logeons à Rapid City, un logement AirbnB un peu en dehors de la ville Nous ne faisons que passer à Rapid. Nos journées sont bien remplies et, le soir nous sommes ko. Pas de visite de cette city qui semble bien jolie et animée de bars, restaurants, dowt tow. Le matin, un visiteur nous épie du jardin et s’en retourne à sa vie, indifférent à nos cafés, cookies, tortillas confiture. C’est un cerf-mulet - mule deer does - typique de la région. Le soir, nous grignotons des pop-corn aux micro-ondes en buvant du Jack Daniel. Une éclipse totale de lune pose dans le ciel une sphère d’agent sombre. Un autre soir, au retour d’une montagne, d’une prairie, d’une foret brune, un drôle de magasin cube s’agite pour nous. Candyland. Diego fait illico demi-tour et nous voilà dans l’anti chambre du diabète. Des bonbons à la louche, des chocolats au kilo. L’air est frais, les couleurs douces, musique country. Rien d’arrogant. Tout presque si est si naturel à Candyland. Le plus difficile est de partir avec cette chanson en tête « Au pays, de Candy » qui s’incrustera plus dans le cerveau que le sucre aux dents.

Au Pays de Candy ....

Pour diner au Millestone – chaine de restau familial – , les vieux cowboys s’habillent de chemises à carreaux, brettelles, jeans, stetsons et boots. Ils ne sont plus très droits mais leurs démarches restent fière. Pourtant les gens sont mal foutus, un peu rouges, gras, tordus. Certains trimballent leur bouteille à oxygène. Les femmes, et même une fillette sont permanentées Les enfants sont obèses. Je commande des ribs, la seule chose qui me semble presque comestible. Pour Diego un croque-monsieur Monte Cristo accompagnés de frites bouillies et de sauce fraise. Le bar à salade est tout aussi étrange. Sous les portraits des grands chefs indiens accrochés aux murs, je me plais à penser que tout ce gâchis est un malédiction lancée par les ancêtres amérindiens. « Hommes blancs, puisque tu voles nos Terres, tues nos bisons, tes descendants ne sauront plus marcher droit, respirer sans machine, mâcher de la vraie nourriture ».

Distanciation sociale et une partie du rayon bourbon

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Sturgis

Sans casque ni masque

Notre Dieu est Harley, notre maitre TRUMP ! Telle pourrait être la devise de Sturgis. La cité des Blacks Hills accueille le plus grand rassemblement de Harley Davidson. Excusez du peu ! En 1938 un groupe de motards s’amuse à des figures de style. Ils reviennent d ‘années en années, drainent de plus en plus de monde. Record battu en 2015, avec 700 000 bikers. Aucune pandémie ne stoppera Sturgis, 250 000 motards en 2021. Difficile d’imaginer ce rassemblement de motards tous les mois d’aout pour une cité d’à peine 8 000 habitants. Sturgis, l’oasis républicaine sans masque ni confinement. Nous arrivons un matin de pluie et de brume. La petite ville rayonne de vide, n’offre rien de particulier. Elle ressemble comme deux poils de bisons à toutes les petites villes d’ici.

 Sturgis au petit matin

Sturgis comme le Sud Dakota est républicaine. Déjà l'avant - mauvais - gout de campagne présidentielle Trump 2024. No comment.

Lorsque Diego roulera sur son Trike mustang aux couleurs de Sturgis,

Petit garçon deviendra grand, petit trike aussi !

Prochain festival de Sturgis, du 9 au 22 aout 2022


DEADWOOD

Et les bandits créèrent une ville sans foi ni loi

Existe-t-il quelques lois dans le Sud Dakota ? Ou la Rivière de Vent emporte ravine tout ce qui est légal ? Deadwood est une cité au nord des Blacks Hills, créée bien illégalement en 1874. La belle époque de la ruée vers l’or, sans foi ni loi.

Aujourd’hui c’est une cité touristique, ravissante. Nous arrivons encore une fois tôt le matin, beaucoup de shops sont encore fermés mais il est facile d’imaginer Calamity Jane dégommer quelques cow-boys trop virils. Nous ne faisons que passer, les musées clos, les fantômes des vieux bars endormis. La ville est hantée, comme il se doit. Mais il y a des musées, un brothel - bordel - des casinos et hôtels d'époque, des reconstitutions de règlement de comptes. Nous ne faisons que passer, hélas.

Kevin Costner, a consacré le musée à ciel ouvert «Taranka ». En Lakota, Tranka signifie bison. Animal sacré des indiens, de tous les indiens. Fourrures pour les vêtements, viande pour se nourrir, os et cornes pour les outils, tendons pour les cordes.

Pour se mettre dans l'ambiance, la série DeadWood et le film.

 Deadwood au petit matin

MONT RUSHMORE

A 23 miles de Rapid City, au détour d’une route - Iron mountain scenic road - faites de ponts en « queues de cochons » et de tunnels que les Blacks Hills offrent leurs visages présidentiels. L’œuvre de Gutzon Borglum fut réalisé afin de commémorer les 150 ans des Etats-Unis d’Amérique. Le site est également choisi pour révéler le Sud Dakota encore secret et sauvage. Et ça fonctionne. Les touristes affluent, Hollywood s’en empare : La mort aux trousses, Mars Attak, Benjamin Gate et le livre des secrets, Superman II, des séries, des parodies du site. Sur les visages de 18 mètres de hauteur, 400 ouvriers de 1927 à 1941 travaillèrent sans relâche. Arrive la seconde Guerre mondiale, les fonds s’épuisent et les bustes ne seront jamais achevés. L’histoire peut-être cocasse lorsqu’on pense aux migrants fuyant l’Europe afin de bâtir un Nouveau Monde démocratique, loin des monarchies toutes puissantes. Corseté par le Congrès, le président n’est pas un monarque. Mais sa représentation, son visage est une véritable icône.

Aujourd’hui le monde entier connait la photo du Mont Rushmore, moins savent le situer dans le Dakota du Sud et, peu, savent que cette montage spoliée aux indiens Lakotas était sacrée et portait le nom de « Six Grands Pères » en hommage aux six sommets. Mais qui sont ces fameux Pères de la Nation ? Et pourquoi eux ? Georges WASHISTON, père de la Nation et premier président - Thomas JEFFERSON, pour expansion de la Nation, l’achat de la Louisiane et la Déclaration d’Indépendance - Abraham LINCOLN pour l'abolition de l’esclavage, préservation de la Nation lors de la Guerre de Sécession - Théodore ROOSEVELT, développement de la Nation, construction du Canal de Panama. Honnêtement, si le Vent vous pousse dans le secteur, venez les voir. Mais ne contrariez pas le Vent pour venir ici. Le Sud Dakota a tellement plus à offrir.

Diego, le  président  oublié de l'histoire

CRAZY HORSE

A environ 16 miles au sud-ouest, un monument hésite entre esquisse et volonté. La réponse au Mont Rushmore est à la démesure de la folie d’un homme. Le buste de Crazy Horse sur son cheval, pointant du doigt l’Est. 195 mètres de long, 172 mètres de hauteur totale. Un visage 27 mètres de haut, à savoir que les visages du Mont Rushmore ne mesurent « que » 18 m. Le défi d’un seul homme et d’une communauté indienne divisée. Un travail de titan, d’un fou, d’un crazy man. Son nom Kozak Ziolkowski. Aucune subvention ne finance le projet de cette monumentale statue. C’est une affaire de famille, du grand père Kozak, ses enfants et petits-enfants. L’histoire ma plait, un pied de nez au Mont Rushmore. Une histoire de famille sans subvention. David contre Goliath. Je déchante vite, déçue. L’œuvre est ambitieuse, sera magistrale. Le prix d’entrée est de 12 dollars pour ne pas voir plus que du parking. Bien sûr la visite du musée, mais nous sommes accueillis par une sollicitation de dons. La boutique du musée sans prix ou excessivement chère. La navette payante de 4 dollars pour accéder au chantier. Que personne n’empruntera malgré les annonces passées pour nous inciter à grimper dans cette navette.

Plus capitale à mes yeux est la controverse des Lakotas. Car jamais le grand guerrier Sioux ne s'est laissé photographier. Dans la culture Lakota un indien désigne du regard ou du menton mais pas du doigt. Personne ne dynamite une montagne. La montagne est sacrée. Alors est-ce une ambition démesurée d’un, de plusieurs hommes ou un réel hommage à Crazy Horse ?

Je m'égare dans le musée, je perds Diego ou est-ce l’inverse. Sans tel, ou WhatsApp nous imaginons des ruses de sioux pour nous repérer. J'attendais beaucoup de Crazy Horse, le coup de cœur, l’anti Mont Rushmore. Je reste sur ma faim. Peut-être que dans quelques décennies le buste et le cheval seront achevés. Malgré mon désenchantement, l’œuvre demeure majestueuse et réellement "crazy". La famille Kozak invente de nouvelles recettes, un spectacle lazer, restaurants. Peut-être un jour une fresque vivante des guerres passées ?

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Du 12 au 14 juin 2022, des pluies, inondations et glissements de terrains ont balayés le parc d'un revers climatique monstrueux. Les rivières ont tout emportés, les maisons, ponts et routes. Les visiteurs et employés piégés. Un drame sans précédent. Nous sommes arrivés juste deux semaines avant. Comme pour Death Valley, c'est une chance extrême mais un choc énorme d'assister impuissants à ce réchauffement climatique.

TROIS JOURS A YELLOWSTONE

Yellowstone est le plus ancien parc américain –même si c’est bien Yosemite en Californie qui anima l’idée de préservation nature sauvage. La petite cité de Cody alias Buffalo Bill, était bien sympa mais nous sommes arrivés trop tardivement pour la visiter. Dommage.

Sous un ciel bien brouillon qui vire à la neige, une horde de daims aux grandes oreilles traverse gentiment devant nous. La route est sublime, grimpe, tourne. Petit arrêt photos et café SilverGate, la Porte d’Agent, l’entrée nord-est du parc dans le Montana.


Du soleil à la neige 

Le Yellowstone est si grand que nous logerons tour à tour à Victor dans l'Idaho, et à Gardiner dans le Montana aux confins du Parc.

Commence le safari photo. Des voitures stationnées sur le bord de la route. Sans doute un animal se promène. Le premier est un « moose » un élan, nous informe l’homme en boots et chapeau.

Des jumelles, un appareil photo sans prétention semblent bien dérisoires face à la panoplie des passionnés. Le choix était de voyager léger, tant pis pour les photos à tomber.

Sur la scenic road de Lamar Valley, un premier bison mâchonne tranquillement son herbe. Majestueux, placide. Avec ses grands yeux noirs et doux, il semble inoffensif. Pourtant le bison est sauvage, charge et encorne le petit malin qui le défie. Des conseils de distances sont placardés dans le parc. Encore récemment un bison a foncé sur un homme, encorné une femme.


D’ambres, d'or et d’ombre.

Les terrasses de Mammoth Hot Spring nappent d’un caramel épais une glace de vanille bourbon. Le dessert du Diable, une pâtisserie sulfureuse. Le Vent nous gifle, le froid nous fige. Mais quel spectacle !

Peu de visiteurs se promènent. Tous avancent presque silencieux, comme dans une cathédrale à ciel ouvert. Tous, les yeux écarquillés face à ces couleurs d'une beauté inouïe. Comme une procession, une ode à la fureur et la beauté de cette nature brute. Somptueuse.


Gardiner, un air d’Ushuaia, de bout du monde. La Petite ville de l’entrée nord du Parc, située dans le Montana. Tout est encore tranquille, personne n'imagine la dévastation à venir dans les prochains jours. De la douceur exceptionnelle du climat tomberont les pluies. Les fleuves soudainement ivres emporteront les maisons, les routes, les ponts.

Nous avons une chance extrême d’être ici 15 jours avant ces inondations. Notre – super classe – hôtel construit juste aux bords de cette rivière, je la photographie le matin avant de partir. La neige commence à tomber, la route blanchit de plus en plus. Puis cesse. Un rayon de soleil, un coup de vent balaie tout. Les quatre saisons en une heure.

1 bison, 2 bisons, 3 bisons, un troupeau de bisons ne fera jamais un ours. Diego ne s’arrête même plus pour le énième bison et attends l’ours. Un embouteillage au loin. C’est la règle. Plus le nombre voitures est à l’arrêt plus la bêbête est grosse ou rare. Une file de voiture, une brochettes d’appareils photos, jumelles, et autres captures d’images. Très loin sous les flocons de neige, nounours promène sa douce nonchalance. Plus proches de nous, un troupeau de bisons traverse gentiment. Les mamans couvent les bisonneaux de milles attentions. Ces minis bisons à la fourrure de caramels sont à croquer....

En odeur de soufre

L’antichambre du Diable et sa cour de Grands Magiciens, dans un pays de bouillonnements, de mystères, d’alchimie. L’odeur de soufre, les prémices de l’Enfer. Sans doute. Ses eaux trop belles, ses couleurs d’ors et de soleils, la traitrise d’une eau bleue lagon. La beauté du Diable est somptueuse. Elle fiance des vapeurs d’eau brulante aux nuages de passage. Elle trouble les contours de la Terre et du Ciel. Elle envoie des messages supposés rassurants. Elle égare le voyageur dans un labyrinthe irrésolu.

beauté sans filtre... 

Tout le long des routes, des fumées lointaines invitent le voyageur à se réchauffer, se restaurer. Un camp de trappeurs, un village indien. Mais ce ne sont que des geysers, du soufre et des lacs d’acide.


Comment imaginer les nuits de lune rousse ici ? Nos silhouettes disparaissent dans les vapeurs d’eau et soudain, réapparaissent comme des ombres fantomatiques. Nos longeons les passerelles, nous croisons d’autres fantômes. La vapeur d’eau s’évapore, le monde se dessine parsemé de lagons bleus mortels. De vagues pétrifiées, une mer immobile.

Les bisons se brulent les pattes et parfois grillent dans un geyser. Ce brasier prêt à exploser est un immense volcan qui peine à contenir sa colère. Nous sommes un jour de mai de froid intense, de Vent immense. Demain un grand soleil rond et jaune illuminera West Yellowstone.

Qui sont ces squelettes d’arbres dans ces eaux mortelles ?

Le parc ouvre à 8h et déjà une longue file patiente. Pas très longtemps. Dès les barrières ouvertes, les voitures circulent et se dispersent. Un quart d’heure plus tard nous sommes seuls sur la route. Où sont passés tous ces gens ? Un coyote passe son chemin, des geeses - oies blanches et vertes - cancanent les news du jours.

Comme une impression de nous retrouver dans la buanderie du Diable au cœur de monstrueuses lessiveuses.

Toutes les 90 minutes, OLD FAITHFULL, crache son eau chaude et sa vapeur du fond de ses entrailles. Il est grand, il est beau, et à l’heure (!). Tout pour plaire, pourtant il ne me fait pas vibrer. Des bancs sont installés, la foule est au rendez-vous du patriarche, applaudit et se disperse. Le spectacle reprendra dans 90 minutes.

Nous continuons sur les passerelles de bois, découvrir de plus humbles geysers. Plus humbles et passionnants aussi. Un bison se promène. Pas vraiment rassuré d’être nez à nez avec cet animal sublime, mais pas si courtois que cela, nous attendons. Le bisons saute sur la passerelle et d’un pas calme continue vers les geysers. Il n’a pas peur de dissoudre des patounes dans l’acide ? Sans doute non, des pattes de bisons, il y en a un peu partout.

Pourtant c’est sur cette même passerelle qu’un bison chargera un homme.

En cherchant un peu sur les accidents du Yellowstone, des bisons chutent dans les basins. Ca arrive, pas tous les jours, heureusement. En 2016 Un homme tombe dans les mêmes eaux acides et bouillantes. -121 degrés Celsius - Ses os seront dissous. Une autre fois, c'est au tour d'un petit chien de tomber, sa maitresse plongera dans le bassin pour le sauver. Hélas, aucun ne survivra. La beauté de ces lieux ne doit pas faire oublier leur dangerosité, de ne pas s'écarter des passerelles pour une stupide photo.

Nous quittons le palais de Satan pour un canyon, Canyon Village. Etonnant Yellowstone – Le précipice du Grand Canyon peine sous un épais brouillard. Une cascade de 94 mètres déverse ses eaux glacées. Peu à peu le brouillard s’évapore, et la lumière ricoche sur les falaises d’or. Sur l’autre versant, des escaliers descendent à mi profondeur. Leurs accès sont clos.

La journée s’achève à West Yellowstone , Montana. Encore une petite ville aux airs du Sud Argentin. Magasins de souvenirs, bars, restaus, pick-up. Le Vent. Dans une confiserie Diego achète des bonbons mitraillettes. Des boudins de pates sont passés dans une machine qui débite de petits bonbons de toutes les couleurs. Emballés un à un avec une dextérité de celui qui fait ça toute la journée, ils sont vendus en vrac.

Bonne surprise pour un restau bien sympa avec des portions senior ou enfant. Pour moi pasta kid qui correspond à une assiette de chez nous. Diego sera en pizza senior ! L’avantage est une portion moins importante et un prix en rapport. Pas d’internet ce soir dans notre Cabin minimaliste. C’est bien ainsi. Soirée playlist smart, un petit chauffage d’appoint bien venu. Diego étale ses plaques –licences – comme 31 images d’enfant sage.

BIG BANG REALITY

Une planète d'or en fusion

Une autre merveille, bâtie par l’homme. Un hôtel grand luxe tout de rondins de bois et de pierre. Des congères de neige se collent encore sur les murs. Old Faithfull Inn se visite du hall. Les chambres sont sommaires, le prix grimpe aussi haut que son homonyme geyser. L’hôtel ferme l’hiver, impossible à chauffer Facile d’imaginer un scénario à la Shining, sous la neige, sans tel, wifi, coupé du monde. La seule fuite : les geysers.

Loup y es tu ?

Depuis les années 1930, pas l'ombre de la queue d'un loup, plus de hurlement les soirs de pleine lune. Le Yellowstone n'est plus ce fabuleux parc sauvage et protecteur. Dans les années 1995, des loups sont réintroduits. Aujourd'hui, une centaine d'individus sont recensés et 400 hors du parc.

Loup, mon bel ami, mon animal totem, quelle malédiction absurde te hante depuis des siècles ?

Par leur présence, les loups ont sauvé le parc, l'ont enrichi.

Photo web

Voilà donc ce qui se passa, petit à petit, dans les forêts noires et giboyeuses, les montagnes et les rivières du Yellowstone...

Les wapitis ont cessé de proliférer et de déglinguer les arbrisseaux. Le coyote ne joue plus les caïds. Le loup sait tuer un wapiti, une antilope. Le Loup, en super prédateur régule la faune et la flore. Chacun retrouve sa place, le renard n'est plus en compétition avec le coyote, les grands charognards se délectent des restes laissés par les loups, de ce fait se multiplient aussi.

Les castors sont de retour, les wapitis trop nombreux croquaient les saules et les trembles. Les pauvres castors sans arbre à rogner disparaissait peu à peu.

Les rives reverdissent, sans les wapitis - encore eux - les fleurs, mousses, rongeurs et insectes coulent des jours heureux le long des rivières.

Les cours d'eau se repeuplent. Merci famille Castor de construire des barrages, de retenir l'eau, les batraciens et stopper le débit des rivières.

Alors qui ose encore crier au Loup après toutes ces évolutions bénéfiques.

Source Geo. Yellowstone, l'exemple américain

Yellowstone mérite bien plus que trois jours, c’est certain. Nous avons croisé peu d’animaux sauvages, nous ne sommes pas réellement sortis des sentiers battus.

La route continue pour une petite journée dans le Parc voisin, le Grand Teton

GRAND TETON

Pourquoi ce nom ? Des trappeurs apercevant les sommets des montagnes pensèrent-ils à des tétons ? Pauvres trappeurs aux souvenirs bien flous. Et pour que le profil soit complet, le Grand Teton se trouve juste au dessus de la tribu des Gros Ventre, et du chainon montagneux du même nom.


Le parc regorge de balade sauvages, de rivières et de sommets enneigés. Moins fréquenté que son grand frère Yellow, il mérite justement pour sa tranquillité. Nous sommes paresseux cette année, pas de grande rando et pourtant de jolis paysages égrènent notre passage.

Les ours savent bien ou trouver de la nourriture. Chez les humains. Les consignes de ne rien laisser trainer, pas d'odeur, de nourriture, de parfums. Ce n'est pas une légende.

Nous sommes aux pays des ours, bon nounours ou ours mal léché, à nous de nous adapter, de faire le mort, ou de partir. Quelques consignes de rangers.. au cas où :

https://www.pc.gc.ca/fr/pn-np/mtn/ours-bears/securite-safety/ours-humains-bears-people

A-t-il un comportement DÉFENSIF?

Si l’ours est en train de se nourrir, s’il doit protéger des petits ou si vous le prenez par surprise, il vous percevra comme une menace. L’ours paraîtra agité et pourrait se servir de sa voix.

  • Efforcez-vous de ne pas paraître menaçant.
  • Parlez d’une voix calme.
  • Lorsque l’ours cesse d’avancer, éloignez-vous lentement.
  • S’il continue de s’approcher, tenez-lui tête, continuez de parler et servez-vous de votre gaz poivré.
  • Si l’ours vous touche, jetez-vous par terre et faites le mort. Restez immobile jusqu’à ce qu’il soit parti.

A-t-il un comportement NON DÉFENSIF?

Il se peut que l’ours soit curieux – il cherche de la nourriture ou met à l’épreuve sa domination. Dans de très rares cas, il devient prédateur et vous voit comme une proie. Tous ces comportements peuvent vous paraître semblables, mais il ne faut pas les confondre avec les comportements défensifs.

L’ours sera entièrement concentré sur vous et aura la tête et les oreilles dressées.

  • Parlez d’un ton ferme.
  • Éloignez-vous de son chemin.
  • S’il vous suit, arrêtez-vous et tenez-lui tête.
  • Criez et agissez de manière agressive.
  • Efforcez-vous de l’intimider.
  • S’il s’avance tout près de vous, vaporisez votre gaz poivré


Ni ours, ni loups, quelques écureuils, corbeaux voraces et beaucoup, beaucoup de calme et d'apaisement.

Une petite dernière pour la route : La zone de mort de Yellowstone.

En Idaho, dans le parc national de Yellowstone, il existe au milieu des ours, des loups et des écureuils, une zone de 130 km2, une zone neutre où il est possible de commettre un crime sans être inquiété le moins du monde. La Cour de district des États-Unis pour le Wyoming est actuellement la seule Cour de district des États-Unis à avoir juridiction sur des parties de plusieurs États. Cela est dû au fait que sa juridiction comprend tout le parc national de Yellowstone, qui s'étend légèrement au-delà des limites du Wyoming dans l'Idaho et le Montana. Et toc.

De plus le gouvernement fédéral a une juridiction exclusive sur le parc, de sorte que les crimes commis dans le parc ne peuvent être poursuivis en vertu des lois d'aucun autre État.

Voilà qui nous rassure peu. Avis à qui veut se débarrasser en toute impunité de sa compagne de voyage.

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Elles sont comme des bibelots anciens joliment posés dans les prairies et les forêts. Ici le temps se coule au rythme des saisons, des rodéos et grands rassemblements de bisons, des festivals musicaux. Elles sont simplement belles et choyées. Une Main Street pavée, un stationnement en épi. De chaque coté de la rue des commerces. Le barbier, la bakery, les cookies, l’emporium, le magasin de déco surannée, un ou deux restaurants, l’office du tourisme avec café et stickers gratuit, le musée, le bar et parfois même un torréfacteur de café et à quelques pas le « Theater », le cinéma. A Cheyenne résonne l’aventure du Far West. Les indiens, Calamity Jane, une chanson des années 1980 du groupe Pow Wow "devenir Cheyenne, rejoindre les plaines.."

 Cheyenne, capitale du Wyoming

Cheyenne est la capitale de 64 000 habitants du Wyoming. Nous sommes descendus dans l'Hotel Hictoric du centre-ville. Un peu passé et tellement charmant. J’imagine sans peine la belle société du début du siècle dernier déposer ses bagages ici, le temps d’une tempête de neige, d’un séjour en famille ou d'un ultime règlement de comptes. Une ville musée ou rien ne semble bouger et pourtant un plaisir fou de s’y promener. A Cheyenne et toutes les autres villes, pas de pollution visuelle , de smartphone, d’oreillette. Une vie reposante d'humains non connectés. Nous sommes arrivés avec le Vent, la pluie nous rejoint. Le temps d’une bière, la pluie cesse. De grandes santiags peintes au quatre coins de la ville. Un jeu. Les trouver, toutes différentes. La jolie gare, qui a un petit air de celle de Metz. C’est une des plus belles gare des Etats Unis. Le store Wrangler, ses jeans, ses santiags et chapeaux. Je craque pour une chemise country. Le réel retour dans le passé est ce magasin de vinyls, ses 33 tours à prix minis, juste à côté un espace jeux. Flippers, juke box… Toutes les villes visitées du Far West ont ce quelque chose indéfinissable, ce petit supplément d’âme de souvenir, de temps présent, de prendre le temps.

Cheyenne, capitale du Wyoming

Wyoming, l'Etat Far West

My boots, my wrangler, my hat , my girl

A la différence des villes de l’ouest « faites pour touristes » ici, elles gardent toute leur authenticité. Buffalo, Cody la ville de Buffalo Bill. Shéridan et son fabuleux King’s Saddelery and Museum. Collection de tout objet de cow-boys. Selles de chevaux, éperons, sacoches, ceinturons, lassos. Pour trouver cette collection unique personnelle, il faut entrer dans le magasin d’équitation, traverser une première salle, une cour, une autre salle et enfin le musée. En écrivant ces mots, je crois bien que nous que nous cherchions l’autre musée, celui de la country.

King'sSaddelery, son arrière rue et les miss US natives

Dans un l’Emporium de Sheridan j’achète mon chapeau un peu tanné de soleil avec son ajout de cuir intérieur. Nous trainons souvent dans ces magasins ou tout et rien se côtoient. Des vinyls, bijoux indiens, boots hors d’usages, peaux de bisons. De véritables malles aux trésors.

 Les emporiums, des cavernes d'Ali Baba

Les villes sont belles à croquer et les habitants les choient. Cheyenne et ses boots, Custer et ses bisons peints. Et ces petites statues de bronze, de métal, dispersées aux carrefours, représentant des scénettes de rodéo, chevaux, bison, indiens, faune locale, la vie du Far West.

Que ce soient des villes de tailles moyennes - Cheyenne – Deadwood – Sturgis - Jackson Hole, des micro villes, des bourgs ou rien ne semble bouger. Des maisons de bois, un hôtel, un bar drive. Mais si les habitants semblent avoir désertés la planète, ce n’est qu’une farce du Vent. Poussez la porte du bar. Vous serez accueillis par une musique country, deux ou trois clients solitaires devant leur burger. Souvent un billard au fond de la salle patiente jusqu’en fin d’après-midi que des joueurs se penchent sur lui. Ces bars si particuliers des USA. Sombres, frais, country music en sourdine. Les tabourets hauts, le comptoir pour s’accouder, la barre ou poser ses pieds épuisés, le choix de bière noire, ambrée, IPA. L’écran TV panoramique.

Aladin – Wyoming - son bar, son emporium, ses 14 habitants et son fusil automatique posé sur le comptoir. Deux types carburent au bourbon en tout début d'après midi.

Harrison - Sud Dakota - "une communauté non constituée en société et en lieu désigné par le compté de Douglas". dit Wikipédia. 57 habitants. Son bar, le Vent, son coffee square, ses pick-up, gamins et chiens à l’arrière.

Lingle - 420 habitants en 2020, son bar drive, son Emporium, sa banque de far-west. Les montagnes, les rivières, les falaises séparent les villes. Les routes de plus de 100 miles – 160 km - sans aucune gaz station, les relient. Le Vent disperse les hommes. Les rumeurs du temps les rassemblent.

La vie est dure, les armes à portée de tir dans les voitures, les poches intérieures, sur les bars. Les motards circulent sans casques, les cigarettes encore tolérées dans certains bars. Comme un retour dans les années 70. Chacun fait sa loi dans sur sa portion de planète. L’espace semble dilaté.

Les bisons de Custer aiment se cacher dans la ville. Ils sont peints avec tout autant de délicatesse que les Santiags de Cheyenne. A notre passage, le troupeau avait migré sur les hauteurs. Presque une rencontre du hasard de les trouver.

Cheyenne premier état a garantir le droit de vote aux femmes et d’exercer dans la fonction publique. 50 ans avant le reste des Etats Unis. Mais le Wyoming est aussi un des 11 état à s'empresser d'applaudir et d'appliquer la décision du Congrès d'interdiction IVG en juin 2022.

Jackson Hole dans le Wyoming, mérite bien le détour.

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Utah ! Résonne dans ma tête comme un ralliement de danse guerrière. Un cri de victoire «nous y sommes » ! Un cri dur et sec. Sans fioriture, ni sourire. YOUTA !!! YOUTAA !! Le hurlement du chef mal dégrossi de la forteresse des montagnes désolées du film « L’homme qui voulut être roi ».

SALT LAKE CITY

La Jerusalem des Mormons

Nous approchons de La ville des saints des derniers jours, enfin nous le croyons. La banlieue périphérique s’étire de villes en zones sur plus de 40 miles. Une banlieue de maisons blockhaus, balayées de poussière et d’ennui. Monotonie de ces zones pavillonnaires sans âme. A flanc de falaise, des maisons s’agrippent, à l’est des usines pétrochimiques balancent dans le ciel opaque leurs fumées blanches. Je m’ennuie à la limite du vertige sur cette autoroute. Heureusement je ne conduis pas, pas dans les villes. Je cherche du regard le Grand Lac Salé.

Nous approchons enfin, la ville est étendue, facile, quadrillée. Bonne surprise ce quartier, cet AirbnB. Un bel appartement, sans porte et lumineux. Au sous-sol de l’immeuble, des machines à laver et sèche-linge. Installation, courses au « Sprout » que Diego en rit encore – du nom - et Ross juste à côté, une enseigne familière. Nous fouillons nos fonds de poches à la recherche de pièces de 25 cts pour la lessive, comme des américains pur jus.

J’imaginais SLC comme un havre de paix et d’air pur, entre montagne et lac. Une ville simple et sure. Sans doute a-t-elle été ainsi, un jour. Aujourd’hui la ville s’asphyxie, victime de cet air pur. Elle s’étend, grignote sans cesse les terres. L’air est malsain, le lac presque asséché découvre à ciel ouvert les particules d’uranium, que les tourbillons de vent disséminent. Insectes et poissons meurent, les oiseaux ne font plus ripaille.

La surprenante visite du Capitole. Posé une des hauteurs de la city, nous entrons dans le bâtiment, sans fouille, ni pièce d’identité à fournir. Visite des lieux, de la chambre des sénateurs. Il semble que personne n’y travaille, comme souvent dans nombres de capitales US. Nous nous arrêterons souvent sur le parking gratuit du Visitor Center, face au Capitole.


Diego le Saint
Chambre des députes

Les missionnaires mormons ont pour devoir de s’expatrier deux ans dans un pays, beaucoup viennent en France. A chaque visite, le simple de fait d’annoncer notre nationalité, la communauté s’agite pour nous envoyer une personne parfaitement bilingue.

Nous avons pu ainsi visiter en VIP le FamilySearch, les micros fiches, les registres d’états civils du monde. Avec beaucoup de bienveillance et de patience, notre guide, Lanett, nous explique comment chercher une les microfilms, un registres numérisé, et comment s’inscrire. Nous sommes stupéfaits. Tout et gratuit, en accès libre, gérés par des bénévoles. Un travail de titans, de fourmis. Mais les mormons sont des fourmis têtues. Ils se sont bien établis dans cette parcelle du monde, hostile, peuplée de moustiques, d’indiens belliqueux et de sel, de canyons et de déraison. La déraison n’est pas mormone. Ils travaillent, raisonnent, prient, cherchent, scannent et baptisent les âmes damnées.


Impossible de se tromper, même venu d’une lointaine galaxie, débarqué sur Terre par erreur, un ET saurait que SLC est la Ville des Saints du Dernier Jour. Des Temples et des banques, des banques et des Temples. Des mormons aux sourires bienveillants – un peu flippant -, des jeunes filles mormones joyeuses sans coquetterie d’aucune sorte. Dans le centre-ville, Temple Square, est bichonné, emmailloté de ressorts, échafaudages, grues et murs d’enceintes. Un chantier impressionnant pour le consolider des secousses sismiques.

La caverne d’Ali Baba de l’Eglise mormone est située dans la Granite Moutain Records Vaul à une vingtaine de miles de SLC. Sans doute le coffre fort le plus sécurisé du monde. Les portes blindées de 9 à 14 tonnes résisteraient à une explosion nucléaire - Chic, nous serons tous morts mais nos arbres généalogiques sauvés - Des billions d’archives, de textes en langues inconnues, de données secrètes de l’Eglise. Quoi d’autres ? Comme tout ce qui est tenu secret au cœur d’une montagne, les spéculations et théories s’emballent. Car pourquoi dépenser autant de dollars pour des dates et des noms ? Pourquoi cet acharnement à nous scanner nos fiches d’état civil ? Que referme ce coffre réellement ? Help ! Indiana Jones !

Pas besoin de dessin, la mormonie n’est pas en odeur de sainteté, les sourires trop avenants, la polygamie toujours très présente. Que les jeunes filles soient mineures ne pose aucun cas de conscience. La conception du monde, faire des enfants à tout prix comme l’a édicté Joseph Smith, le père de la religion, semble aujourd’hui plus criminel qu’un acte d’amour. Que les mormons baptisent post-mortem les victimes de l’holocauste dont la jeune Anne Franck, m’hérisse les poils de colère. Mais les Saints du Dernier Jour se portent bien, très bien même et ce à travers le monde. Sans bruit et presque sans vague.

Nous visiterons aussi le Muséum of Church History et Arts. De très belles créations, des portraits autères des pères fondateurs de l’église. Puis un film en 3D sur la rencontre de Dieu et Joseph Smith dans une forêt. Le musée est tenu par des bénévoles endormis, très âgés. Pourtant à chaque tentative d’évasion, un sourire ferme m’invite à poursuivre la visite.

UNE APRES MIDI A SLC

Les règles de vie de ces Saints sont ultra strictes. La chasteté avant le mariage, homosexualité et avortement bannis. Un adepte ne peut téléphoner à sa famille que deux fois par an. Ce sont les JO de 2002 qui ont révélé le monde actuel à certaines communautés vivant en autarcie.

Coup de cœur pour ces balcons

Et tellement d’autres règles hallucinantes. Mais sans doute la plus connue est l’absence d’excitant. Café, thé, coca, tabac, alcool.

Chic ! Diego me dégote une friperie de quartier. Mon grand plaisir, fouiller et trouver le trésor de fripe. Mais la friperie n’est pas la traduction littérale juste un repère gay. Shorts moulants en sky et talons aiguilles, accessoires affriolants J’avoue trainer et me marrer de voir Diego mal à l’aise. Que Dieu me pardonne, mais on ne se marre pas tous les jours à SLC.

Passage au Cheese Cake Factory. Sur la carte, les calories sont indiquées avec le prix. 760 cal pour le plus simple. Au dessus du restaurant, une salle de bonne conscience, oups pardon, de sport.

Où trouver du vin en ce pays d’interdit. Cette mission parait impossible et pourtant en bons frenchies qui se respectent, nous relevons le défi. Si les drapeaux aux couleurs gays s’affichent sans ambiguïté nulle enseigne de Liquor Store ne saute à nos yeux desséchés.

Oh Saint Google ! Oh Dionysos ou trouver du vin ? Le Liquor Store est à 1O minutes de chez nous. Le GPS stoppe sur un parking vide. Je sors de la voiture médusée. Le magasin semble abandonné derrière des rideaux opaques. Diego pousse la porte du purgatoire mormon. Bien calfeutré et isolé, ce caviste propose des vins de toutes origines. Nous trouvons tout de même deux bouteilles à moins de 10 dollars et cerise sur le gâteau de l’Utah, un bourbon local ! Diego montre son ID pour payer et nous sortons, nos démoniaques bouteilles chastement emballées dans un papier kraft muet. Chut….

Un détour par le supermarché Harmon. Chic beau et cher. Je trouve même une Guiness avec toutes consignes d’usage. Nous abandonnons les fruits et légumes vraiment trop cher, 7 dollars le kg de pommes, 5 dollar la barquette de champignons de Paris. Des petits poivrons jaunes et rouges en promo feront l’affaire pour une soirée pasta-guiness-bourbon.

Puis il y eu l’aventure pizza Papa Murphy’s. L’enseigne Papa Murphy clignote juste en face de chez nous. Bonne idée. Sauf que le Papa ne la cuit pas. Nous voici avec une pizz de légumes crus. Heureusement nous avons un four, tout juste à sa taille. La pizz familiale ne serait pas rentrée.

 Pizza Papa Murphy's à cuire et vins sobrement caché, chez nous

CIMETIERE

Ce n’est pas que la mort nous fascine, quoique, mais visiter des cimetières nous apprend beaucoup. Celui de SLC est là, tout là-haut sur la colline, face au stade. Nous grimpons à l’ombre des arbres. Le soleil est déjà brulant en ce début de matinée

Un arrêt au Gilgal Sculpture Garden. 12 sculptures originales et plus de 70 pierres gravées d'écritures, de poèmes et de textes littéraires.

 "Un environnement d'art visionnaire" identifié dans l'Utah.

Le cimetière sera un havre de repos ( sic) et de fraicheur. Nombre de tombes, 120 000 à ce jour, réparties par quartiers de nationalité. Nous ne cherchons aucune tombe de chef religieux, nous ne cherchons rien, mais elles nous trouvent. Ces biches aux grandes oreilles. A peine sauvages, elles veillent sur les âmes endormies à l’ombre des arbres. Elles nous observent et nous charment. Sans aucun doute, sont-elles la plus belle rencontre de la ville.

Mormon Tabernacle Choir

Photo web

A chaque voyage aux Etats Unis nous assistons à une messe gospel. San Francisco, Los Angeles, Nouvelle Orleans, Page, Memphis. Pas de gospel à SLC, no black music dans ce pays. Le Mormon Tabernacle Choir est un chœur de 350 choristes. Des répétions gratuites ont lieu les jeudis soirs. Nous avons calé notre séjour ici pour y assister. Dès 18h nous prenons place dans la longue file d’attente, face à Temple Square. Encore une fois nous approchons du chantier fou de consolidation. La répétition commence sous la protection de l’orgue monumental de 11 623 tuyaux, un des plus grands du monde, pour l'emblématique "La ballade nord irlandaise".

Sublimer les chants, les musiques. Donner le meilleur de soi. Quelle beauté ! Quel bonheur de recevoir ces ondes musicales, à fleur de peau.

Antelope State Park

Le jour tant attendu arrive enfin, le 24 Mai. Dans mon impatience, j’oublie la date d’anniversaire de notre mariage à Las Vegas, trop pressée de voir ce Grand Lac Salé de plus près - I am sorry Diego - Direction Antelope State Parc à environ 2 heures de SLC. une presqu'île avec une éventualité de baignade.

Malgré les avis mitigés sur Antelope nous partons le nez au vent salé. Les avis les plus négatifs sont hélas fondés. Le Grand Lac Salé n’est plus que sel, une mare lointaine, une illusion. De plus en plus asséché, pollué. L’arsenic et d’autres résidus miniers s’envolent dans l’air, se déposent dans les poumons de tout être vivant. L’eldorado d’air pur qu’était SLC est devenu poison, un piège entre montagne et désert.

Triste paysage. Des escadrons de moustiques armés de sabres s’abattent sur la Toyot dès que nous stoppons notre avancée. Le pare-brise noircit en une minute par l’hécatombe de ces bébêtes kamikazes. Les moustiques ont ils bu toute l’eau du lac ?

Se baigner ici, jamais. Quelques badauds insouciants ou inconscients trempent leurs petons. A mesure que nous approchons de « la plage » l’odeur d’algues en putréfaction nous chatouille les narines. Ce paysage devait être superbe. Nous n’arriverons pas jusqu’à l’eau, nous préférons rebrousser chemin.

Des routes panoramiques sillonnent le Parc. Nous en suivons une sur quelques miles. Toujours ce temps lourd et mauvais, ces moustiques poisseux, deux photographes équipés de vêtements de protection tels des apiculteurs immortalisent ce jour. Encore une fois nous rebroussons chemin. Antelope est aussi une réserve de 700 bisons, nous en croisons un. Ne soyons pas blasés du bison après le Yellowstone !

Honnêtement, c’est la pire visite mais je suis heureuse d’avoir pu de me faire ma propre opinion. A l’heure où j’écris ces mots, le niveau baisse encore. C’est dramatique, et pourtant SLC continue de s’étendre.

Nous entrons, un détour par le Walmart de Syracuse, pour le nom, pour le look. La ceinture Marvel de Diego fait toujours des émules. Celle achetée chez Roos à coté de chez Sprouts dans le Youta au pays mormons. Si ca c'est pas une chouette story à raconter !

 Apéro anti-mormon entre deux looks

BONNEVILLE SALT FLAT

S’évader dans le Nevada. Adieu sobriété mormone et poussière d’arsenic. Sur la West 80, une centaine de miles des sierras pelées, des trains lents et longs. Un premier panneau indique le casino Girl Girl Girl. Je me retourne pour voir le coté versos, l’entrée dans l’Utah, c’est un numéro de tel pour une association pro life. Pourvu que le Vent ne le retourne pas.

A l’horizon apparaissent des illusions de blancheur, aveuglant sous ce soleil vertical.

Dans ce pays de sel et d’âpreté, encore un mirage entre ciel et sel. Bonneville Salt Flat. Un salar de 260 km2 de blanc, de bleu, de sel et sel.

Une indienne vend des bijoux sur le parking, à côté des jets d’eau pour se rincer les chaussures.

Le jeu est de rouler sur ce sel, doucement, comme sur une neige fraiche, comme du coton. Un mirage entre sable et neige, un lac gelé.ne idée Bonneville Salt Flat est célèbre pour sa magnétique beauté blanche. Un paysage épuré, lissé par le vent qui attire et charme voyageurs, photographes et inventeurs un chouilla cinglés et drôlement géniaux, pour des courses de vitesse délirantes. Si la Speed Week vous attire contactez moi !

Sur la Speedway les records de vitesse du monde sont tentés chaque année. Le dernier en date est de 1 014,656km /h en 1970.

 Chercher l'erreur


Wendower

J'étais bien curieuse de découvrir cette ville à bizare à califourchon sur l’Utah et le Nevada. Un pied dans l'austérité, un autre dans la débauche. Une ville bipolaire.

 Frontiere d'une ville bipolaire entre exubérance et austérité. 

L’Ouest Utah est sobre, des motels, des mobils homes, des maisons de planches consolidées de chatterton. Une ambiance particulière, un peu sordide, un désert de misère. De petit enfants font coucou et disparaissent derrière un mur.

Le musée Enola Gay Hangar. Ici était la base d’entrainement des pilotes des bombardiers dont l’Enola Gay, qui largua la bombe sur Hiroshima, au matin du 6 aout 1945. Le musée est fermé. J’ignore si l’histoire laisse des ondes mais je n’aime pas être ici. C’est triste, pauvre, gris. Un grillage frontière coupe la ville par endroit. Grillage inutile car la route est ouverte, bien sûr.

Certains ne sont pas nés du bon côté de la ville. Qui vient vivre ici ? Un carrefour, au feu rouge un flic zélé de l’Utah arrête à coup de sirènes les voitures venant du Nevada. Des casinos clignotent de leurs yeux de néons derrière la ligne de démarcation. Bien sûr, comme souvent, nous arrivons tôt dans les lieux sans intérêts. Une, deux visites aux casinos. Ce n’est pas Vegas. De vieux routiers, de femmes trop âgées et maquillées sont happés par les bandits manchots. Zombies hypnotisés, lobotisés, cigarettes au coin des lèvres. Nous sortons, l’air est irrespirable, le lieu sinistre.

Nous profitons de faire le plein d’essence, et d’alcool sans montrer notre ID… Oh Liberté chérie ! Je me suis vraiment sentie mal à l’aise. Je dors très peu, et la lumière allumée. J’en ai encore des frissons dans le dos. L’hôtel sous la falaise, l’ambiance de misère et de zombie aux portes de la mort. Pour que le décor soit parfait, la télé s’allumera dans la nuit, le GPS s’éveillera sans raison, et ce type de la réception dans son long manteau de poussière, un sosie du clown Mac Donald grimé en noir. Il était seul lorsqu’on nous le réveillons à 15h en arrivant, il sera seul lorsque nous partirons le lendemain à l’aube.

Adios Wendower !

7

L’Utah, la Terre est folle

Au début de ce voyage seul SLC était au rendez-vous. En regardant mieux la route, mais oui, - oh joie ! - nous ne passons pas très loin de Moab. Mon éternel coup de foudre de 2014. Sans hésitation nous troquons une journée à Denver pour jouer de la déraison géologique de Canyonland.

 Route mythique de Thelma et Louise

Comment ne pas croire aux forces du vent, des orages et des nuits sans lune ? Les paysages durs et arides font les hommes de la même trempe. Le sud-ouest de l’Utah est un immense chantier, une taupinière géante. Des mesas et pinacles sortent de terre, - ou est-ce la terre qui s’affaisse ? -, des canyons démesurés, des arroyos étranges, des gouffres et des mondes sous nos pieds, des roches, des montagnes, des dômes aux formes pas terrestres. Un monde de création ou dévastation. Un chaos minéral. Des badlands à perte de vue dans un silence de pierre. Les routes sont cinémascopes, les couleurs affolantes. Parfois il n’y a rien d’exceptionnel et pourtant une étrange lumière balaye l’air, un chariot de nuages filtre le soleil blanc.

Une beauté qui ne se raconte pas

Des images de grottes visitées dans le sud de la France me reviennent en mémoire. Tout est à l’envers, je ne suis plus la géante qui courbe le dos, et baisse la tête, je suis l’infime fourmi égarée au cœur des mottes de terre géantes. D’étroites rivières amorcent encore un courant d’eau mais d’ici peu elles ne seront que caillasses et sables.

Comme pour contrebalancer la rigueur et l’austérité de Salt Lake City, la folie géologique du sud-ouest de l’Utah c'est...

Jouer dans les ombres géantes de Canyonland, se perdre dans l’imprécision du labyrinthe, le Maze, encore à ce jour non cartographié.

Murmurer des mots d’espoir aux hommes pétrifiés en hoodos de Bryce Canyon. Prendre l’étincelle d’ocre rose des Needles, et danser sur les Arches.

Faire un pays de légende des couleurs de Kodachrome Basin et de la Cottonwood,

Dormir encore une nuit dans ce hogan navajo de Monument Valley.

Pleurer sans cesse Glen Canyon englouti par les eaux du Lac Powell

Composer une musique de sable vermeil dans les voilures d’Antelope Canyon

Retrouver mes jeux d’enfant avec les drôles hoodoos Goblin Valley

Rouler sur le mirage salé de Bonneville Salt Flat

Devant une bière d’une micro brasserie de Moab, relire Deserts Solitaires d’Edward Abbey, l’homme qui m’a insufflé ce désir de venir ici.

Etre l’arc en ciel, la poussière d’or et la lumière d’Island in the Sky.

Rendre grâce à Zion de toute la beauté du monde.

GOBLIN VALLEY STATE PARK

Le jardin extraordinaire

Goblin Valley n’était pas d’humeur badine en mai 2014 et nous envoya de la neige et de la boue. Un premier rendez manqué mais bons perdants, nous revenons cette année. Juin 2022, le ciel est bleu, le temps chaud et sec. Bien à l’abri des touristes tristes et pressés, de drôles de farfadets se cachent dans le désert de San Rafael. Les petits gobelins ont l’éternité pour s’amuser. Alors nous prenons le temps de nous y arrêter, même si pour eux nous faisons un joli détour. Goblin Valley n’est pas le parc le plus connu où spectaculaire de l’Utah, mais Goblin est sans doute le plus joyeux. Est-ce que les cailloux-hoodoos-champignons ont le pourvoir de rendre heureux ? Oui, c’est une évidence.

Comme un chien de prairies à l aguet
Chuchotements

Nous jouons avec eux, avec notre âme d’enfant. A cache-cache, à deviner quel est ce lutin au sourire de grés. Que murmurent ces chuchotements malicieux ? Dans ce jardin extraordinaire tout est fantaisie. De dodus bébés de géants, des bulles de boue, un champ de pop-corn, des boule de pâte à cuire. Une nurserie de hoodoos, une merveille endormie qui parfois s’éveille. Pour preuve, regardez leurs facéties dans le film « Galaxie Quest ».

Nous quittons ces petits êtres espiègles à contre cœur. Cette vallée de champignons hallucinogènes donne du baume au cœur. Un bonheur brut de brut. Qui ose dire encore qu’il n’y a rien dans le désert ?

DU COTE DE MOAB

Dans les pas d’Abbey

Début aout 2022, des pluies diluviennes transforment la petite ville de Moab en en terrain de boue. Encore une fois des pluies exceptionnelles, comme à Death Valley et au Yellowstone.

Moab, est la porte d’entrée du paradis minéral des Arches et de Canyonland. Nous marchons dans les pas d’Edward Abbey (1927-1989). L’instigateur d’une vie sauvage et auteur« Désert solitaire », « Un fou ordinaire » mes bibles. Il décède en 1989. A sa demande, son ami et auteur Doug Peacook – « Une guerre dans la tête » et sa famille l’inhume illégalement dans le désert, dans un lieu tenu secret.

L’histoire de la ville de Moab est singulière. Un récit de ville condamnée qui renait de ses cendres. Dans les années 1855, une poignée de mormons, bibles en bandoulières sillonnent le plateau du Colorado. Le coin semble parfait si ce n’est les indiens. Le Mormon, élu de Dieu, n’est pas partageur. Il ne s’embarrasse et se débarrasse vite des Utes et Païutes. Enfin seul sur Sa Terre Promise, la communauté mormone fonde Moab. Les familles vivent d’agriculture, d’un peu d’élevage et de religion - ou l’inverse - au rythme des saisons, des chaleurs et leurs hordes de moustiques en été, et les froids et douloureux hivers, des cérémonies, et des nombreuses naissances de ces mariages polygames. Dans les années 1940, d’autres envahisseurs déferlent sur la cité. Les chercheurs d’or, de pétrole, de charbon. Les compteurs Geiger explosent entrainant l’âge d’or de l’uranium. Uranium moabite des funestes bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki. En quatre ans la modeste cité des vents du désert a multiplié par huit ses habitants. Des chercheurs, des géologues, des mineurs, des utopistes et autres hurluberlus affluent de tous horizons et s’installent. Ils vivent dans leurs tentes, dans leurs voitures. La ville comptait plus de saloons que d’églises. Un comble pour les mormons de moins en moins nombreux. Moab vit le même engouement que San Francisco et la ruée vers l’or. Tout est possible. Rien d’interdit. En 1956, une Miss Atomyc Energy est élue.

Dans les années 1980, le président Ronald Reagan partisan de la libre concurrence autorise l’achat de l’uranium sur le marché mondial. Clap de fin de Moab. Des 9000 habitants, seuls 3000 résistent et réfléchissent ensemble à une survie de Moab. Les hippies, les mineurs, les rangers et les quelques mormons rescapés doivent enfin s’entendre. Moab se situe au cœur des Parcs Nationaux d’Arches et de Canyonland. La renaissance est Nature.

Et les parcs, comme partout aux USA sont victimes de leurs succès. Aménagés à l’excès, ils se parcourent en jeep, à cheval, à vélo, en moto, par les airs et les drones, parfois à pied et souvent au dépend de leur fragilité extrême. La Main Street n’en finit plus de locations et constructions. Et Moab continue de s’étirer, coincée entre deux falaises sanguines.

En 1916, le concept originel des Parcs Nationaux était de protéger et laisser une nature intacte pour les générations futures. Aujourd’hui le Colorado sature de rafting et canyoning, de camping en tout genre, de routes goudronnées menant au point de vue le plus reculé, de touristes pas vraiment amoureux de la nature.

Abbey écrira cette phrase magnifique

La nature sauvage n’est pas un luxe, mais un besoin fondamental de l’esprit humain, aussi vital pour l’homme que l’eau et le bon pain. Une civilisation qui détruit le peu qu’il reste de sauvage, de vierge, d’originel, se coupe elle-même de ses origines et trahit le principe même de civilisation ».

La ville ne vit plus que du tourisme et on le sent bien avant d’y arriver. Des hôtels et campings des locations de kayaks et VTT, des guides de randonnées, magasins d’articles de sport pullulent sur les rives du Colorado.

Nous posons nos valises à l’Historic Apache Motel. Quelques décennies avant nous, les « John » Ford et Wayne et autres célébrités hollywoodiennes venaient se reposer de leurs aventures. Car l’Utah de Moab, de Kanab - la Little Hollywood - était aussi un grand espace cinémascope. Des paysages de Thelma et Louise à Indiana Jones, les bons vieux westerns étaient filmés dans les environs.

L’Apache Motel n’est pas dans la Main Street et c’est tant mieux, car le centre de Moab est devenu une piste pour buggys, choppers, 4x4 ultra bruyants.

Apache Motel de l âge d’or du cinéma

Nous ne sommes pas passés aux Arches cette année, trop peu de temps. Les photos et les textes sont de 2014. Les Arches sont intemporelles. Qu'est ce que 8 années dans leur éternité ? Un grain de sable, un rayon de lune.

Nous ne passerons pas, non plus aux Needles, à 65 miles de Moab. La rando de 20 km est trop longue, le site trop loin, nos gambettes implorent la paresse.

Souvenirs de Delicate Arch.

Les fiançailles de la Terre, du Vent et de l’Eau

Le sentier monte, et très vite j’adapte mes foulées sur la roche poreuse et abrasive, la fameuse slickrock, formée de stratifications entrecroisées. Le plaisir est réel, le pied s’adapte, épouse parfaitement le relief, comme happé. Je pourrai presque grimper à la verticale comme le lézard doré. J’avance face au vent froid venu du nord-ouest, sous les nuages gris sales, à travers des spectres de rochers aux formes les plus bizarres, des bouses de dinosaures solidifiées, des hoodoos somptueux. Je me promène dans le jardin jurassique

Déposée presque doucement sur une frange d’une énorme mesa* Delicate Arch apparait, fière et colossale, pont de grès rose de 14 mètres de hauteur, long travail d’orfèvre d’eau, de neige et de gel. Selon l’humeur et les croyances de chacun, elle peut être chevalière de pierre d’une main divine, des jambes arquées de cow-boy, le doigt de Dieu dans la montagne, une méchante humeur géologique.

Devil’s Garden – Le Jardin du Diable -. Les roches en équilibres précaires se balancent, elles tiendront jusqu’au prochain gel, et les prochains hivers encore et peu à peu, à force de crevasses, elles tomberont. Ce monde titanesque existait bien avant nous, nos villes et nos conforts modernes. Pourtant, il me semble que rien ne peut le faire chavirer, et dans des milliers d’années, Delicate Arch sera toujours aussi belle. Je sais bien que c’est faux. Tout est impermanence, et un jour, Delicate Arch ne sera plus qu’une masse de pierres éboulées, dégringolées au bas de la mesa, formant un nouvel escarpement baroque. D’autres arches se créent, se préparant longuement sur des centaines d’années. Une nuit de novembre 1940 un colossal morceau de roche se détache de Skyline Arch, creusant celle-ci de moitié de sa taille.

 Désordre minéral 

Ces monolithes portent des noms colorés remplis d’imaginaires, Le Mouton, L’œil de la Baleine, les Trois Commères, L’Orgue, La Tour de Babel. Je ne sais d’où viennent ces drôles de patronymes. Quelques pionniers égarés, fous ou ivres ? Au bout du jardin de pierre, Landscape Arch, la passerelle de pierre de quatre-vingt-treize mètres de long et trente mètres de hauteur. Si finement travaillée par le temps qu’elle défie les lois de

La roche des Arches et des dômes s’appelle « grès d’Entrada », ce fameux slickrock des années jurassiques, si agréable à fouler. Elle a jusque quelques 150 millions d’années au compteur. Ce sont des couches de sables successives, et l’érosion et les températures extrêmes créent les failles et aussi cette fragilité. C’est pour cela que les chemins sont balisés. Ce que nous percevons comme une pierre est une écorce composée de micros organismes. Des lichens, des champignons, des algues. Ils capturent l’humidité et fournissent les sels minéraux de la flore. D’une délicatesse à fleur de peau, elle met une cinquantaine d’années à se reconstruire.

Une voute de Double Arch, entre deux chaos, entre deux mondes minéraux. Un pays irrationnel où tout est bazardé dans un désordre étonnant. Et chaque caillou, chaque rocher, grain de sable ou herbe sauvage, chaque chose est à sa place.

Island in the Sky. L’ile dans le ciel

Canyonland, le second parc fantastique de la région de Moab. Sur ce plateau herbeux de 1800 mètres d’altitude, le vent nous accueille de mots froids et cinglants.

Au bord du gouffre.

La griffe du géant, une pattoune monstrueuse a emporté des tonnes de terres, d’un coup rageur. Tout en bas, une piste de terre brune serpente librement. Surplombant cette blessure à vif, je me demande si la terre s’effondre ou si les mesas sortent de terre comme les arbres. En fermant les yeux, je peux entendre encore d’autres choses, le bruit du vide, le cri de l’espace. Parfois le vent se calme. Pas très longtemps, il reprend juste son souffle terrible et me crache plus violemment encore sa hargne.

Island in the Sky est la quintessence de Canyonland. Le Colorado et la Green River serpentent 1200 mètres plus bas, se façonnant et se taillant des ravines secrètes.

 Colossal puzzle de granit

Dead Horse Mesa.

Un panorama monumental d’un amphithéâtre flamboyant de rouge, violet et mauve, des couleurs violentes de teintes inconnues, sans cesse renouvelées. Sans doute existe-t-il des mots pour décrire un tel monde mais je ne les connais pas

Les indiens croient aux vents et aux esprits, et j’aime y croire autant que j’aime m’égarer dans le désert.

La Shafer Trail serpente, épouse au plus près les courbes du gouffre monumental.

Une des régions les plus sauvages et inaccessibles de Canyonland, est The Maze – le labyrinthe- ou encore le Dédale comme l’a nommé Abbey. La main de Dieu a fracassé la Terre laissant un fouillis de canyons et de tours disloquées, de sentes erratiques. Une région pour randonneurs aguerris et équipés de provisions suffisantes. Les jours d’été sont étuves, les nuits polaires, les hivers de glace. The Maze, une des dernières régions au monde sans carte précise, ou des canyons restent inviolés. Terre primitive au pays de l’eau salée, une eau corrompue empoisonnée à l’uranium. Un rêve de photographe, d’explorateur, de randonneur, de sage, de penseur, d’homme.

8
 THE SILVER GATE

Traverser le Nevada, oublier Las Vegas. Rouler à perte d’horizon dans l’espace infini. Sans paillette. Le grand Nevada est un désert de froid et de soif, de terres hostiles, monotones souvent. Nevada, le sublime solitaire et arrogant. Le State Gate, la porte de l'argent. Les sierras et canyons ne seront pas sur notre chemin. Notre route est faite de bitume sans virage, une des plus solitaires du pays avec la route 50.

Ici existe encore des contrées oubliées. De véritables ghost town ou en devenir, les mines d’argent abandonnées, vestiges de rêves et espoirs oubliés. Ce Nevada que je voulais traverser s’offre à mes yeux comme un filon inexploités de merveilles, de cow boys, mustangs, trappeurs et indiens.

Encore quelques détails de survie avant de tracer la route. Plein d’essence, glaciaire gavée de vivres, des litres d’eaux et une solide foi en notre bonne étoile.

WENDOWER-ELY

Nous ne partons pas ce matin, nous fuyons Wendower, ce no man’s land à cheval sur l'Utah et le Nevada - petit topo sans l'étape Utah -. 7 heures tapantes, je démarre la Toyot sous une pluie fine et froide. Je trépigne retrouver mon terrain de jeu chéri, Death Valley. En réalité, il est 6 h, nous avons gagné 1 heure, changement de fuseau horaire. Diego me balance un regard bougon.

Route 93 South. 165 miles de désert, collines pelées roches érodées, routes tendues vers un futur incertain, quelques vaches ruminent leur ennui sous le ciel décoloré.

Mac Gill d’éveille à peine, c’est dire que nous sommes partis à l’aube. Quelques courses à l’épicerie du coin, toujours à la recherche de fruits, de choses comestibles sans cellophane. A côté, un tout petit musée comme les américains savent si bien faire. C’est une ancienne pharmacie. J’ignore si un gaz a éradiqué la population mais cette pharmacie est exactement dans l’état des années 1940/50 rien me manque ni les dentifrices, bigoudis, et la pile d’ordonnances médicinales prescrivant bourbon comme remontant, antibactérien, le remède miracle. La vitamine C du Nevada ! Autre temps autres mœurs. Autre état, autres médecine. Le gardien du temple ne nous lâche plus, trop heureux de voir des visiteurs du 21eme siècle. La machine artisanale à faire des flots de bolduc.


ELY

Nous n'avons rien réservé ici. Nous trouverons bien un lit dans tous ces motels endormis, l’El Rancho ne paye pas de mine mais il a le mérite d'être confortable. 2 grands lits, frigo, cafetière, une table et 2 chaises. Classique. Efficace. La Toyot garée juste devant notre chambre. Parfait payons et pouvons même occuper la chambre en cette fin de matinée.

Le centre-ville semble moribond. Un hotel casino qui a eu son heure de gloire. Quelques jolies fresques et au bout de la ville le « borthel » 4 Fours.

Pour la petite histoire nous recherchons souvent les vieux bars, je connais le plus vieux bar du Mississippi – ce souvenir de bourbon à l’eau de pluie un soir d’orage ! - alors lorsque je tombe sur celui du Nevada, je jubile de surprendre Diego. Pourtant je ne trouve pas grand-chose, pas d’avis de visiteurs. Et pour cause, le « 4 Fours » est un borthel. Bordel en français. Le Nevada autorise la prostitution… à condition que les maisons closes soient placées loin des villes. Ely est parfait, les routes les plus longues et solitaires du Nevada passent par Ely. Un autre visage des Etats Unis du 21ème siècle qui enferme les femmes dans la prostitution légale, reclusent dans le désert.

Dans la ville en sommeil, nous avons le choix des motels. Certains ne semblent plus en activités, d'autres le sont à peine. Il demeure encore la gare et le fameux petit train à vapeur, le centenaire. L'attraction du jour.

 La gare te une église de couleurs

Les heures glorieuses des mines d'argent, du chemin de fer sont bien lointaine, en témoignent quelques fresques.

C’est un après-midi parfait. Le ciel gronde lorsque nous bifurquons sur la piste des Charcoals, ces fours à servaient à produire le charbon de bois. destiné à traiter le le minerai d’argent. La mine en activité de 1876 à 1879 à rapidement été abandonnée, en cause des inondations. Les fours délaissés deviendront des abris de mauvaises fortunes de voyageurs et autres bandits.

Nous avançons cahin-caha sur une dizaine de miles chaotiques sans réelle indication. Au loin des éclairs rature le ciel. L'orage éclate rapidement, l'odeur de la terre chauffée à blanc, l’averse, la douche chaude. Et aussi soudainement qu’elle arrive, l’averse disparait derrière un arc en ciel. Ils sont là, les 6 fours, comme six ruches de pierre monumentales. 9 mètre de hauteur, 8,20 de diamètre à la base de 60 cm d'épaisseur. Admirablement conservés depuis plus d’un siècle. Les Charcoals, existent aussi dans la Vallée de la Mort.

 Les charcoals, les anciens four à charbons

L'apero devant le motel avant un chouette d’un restau italien. Ely by night.

Toyot s’ennuie aussi un peu. Elle affiche OIL. Un peu d’amour et d’attention bip bip-t-elle. A une station essence de à Tonopah - ville au statut non incorporée !- un mécanicien vérifie l’huile ce dimanche matin. Charmant , il ne demande même 10 dollars de déplacement. Toyot va bien, juste une vidange à prévoir, tout comme Nissan au Chili. Hey loueurs de voitures ! Cessez de nous donner des sueurs blanches dans les coins les plus isolés de la planète. Le Vent est flinglant, cinglant. Je peine à tenir debout.

Au soleil du désert, les prix de l’essence flambent 5 ,50 le gallon. Le record absolu sera à Furnace Creek au cœur de la Vallée de la Mort à plus de 8 dollars le gallon.

Death Valley, est au bout de la route, la 6. Encore une belle solitaire au parfum de liberté.

GOLFIELD Census-designated place de Goldfied - Dit Wiki

Quelques bâtiments de pierre  

Certaines photos nous attirent comme des papillons. Certains mots comme gold, ghost town aussi. Comme nous passons juste à côté, un petit tour qui vaut le détour. Ici le Vent n’est pas une légende. Il emporte les objets, les chapeaux et les songes. Ici le soleil calcine, le froid dessèche, le Vent se marre. Nous déjeunons dans la Toyot. Pourtant bien campées sur ses quatre roues, elle tangue comme un bateau.

 Le square 

J’ignore si nous sommes dans une ghost town, une en devenir, ou une ancienne ville fantôme ressurgit de l'ombre. Etrange ambiance de ces mobil homes habités, ces gens barricadé dans abris de fortune. Pourtant, ici il y a une école, mais pas de station essence ? Un shérif, un vrai. Diego lui a parlé. Un petit office du tourisme fermé. Pas de commerce, où pas visible. De toute façon, les morts vivants ne se nourrissent pas de poivrons et de tomates mais de voyageurs en panne d’essence.

Car Forest of the last chuch

Si nous sommes à Golfied, c'est bien pour cette foret de ferraille rouillée. Quelle drole d'idée de planter des carcasses de voiture dans le désert. A défaut de salades, pourquoi pas. Dans le désert tout no limit. D'une une épave taguée, deux artistes crazy en feront une forêt. J’ignore si l’idée de départ était juste de s’amuser ou de mettre à l’aise les voyageurs sur les dangers de la route. Pari réussi, je suis hyper ma à l’aise.

Car Forest, un est Cadillac Ranch Amarillo au Texas sans limousine.

Des arbres de Joshua tordent leurs branchent vers le ciel. La Route est miroir, mirage. Mes paupières se ferment, s’ouvrent à nouveau sur ce rêve de chaleur. Des tourbillons de poussières. La route pour Scotty’s Castle est encore fermée. Rouvrira t elle un jour ? Nous ratons la route pour Goldpoint, ville fantome, une autre. Tant pis, nous arrivons à Beatty..

Beatty - Ville non incorporée dit Wiki

Beatty aux portes de Death Valley. D’ici je ne bougerai pas, je ne bougerai plus que pour entrer dans la Vallée des couleurs.

Le meilleur chili con carne de tout l'Ouest

A Beatty il ne se passe pas grand-chose, la petite ville a le privilège de se positionner à l’entrée Nord Est de Death Valley. Ville du désert, des motels, dont le célèbre Atomic Motel. Un petit musée. Station essence. Quelques bars et retaus et dont le meilleurs de l'ouest des USA . Des bandes de burros, se promènes de-ci de-la, espèrent câlins et carottes des touristes. Il descendent droit des ânes de travail du temps des mines d’argent et de borax. Leurs vies sont bien plus douces que celles de leurs ancêtres.

Nous dormirons deux nuits ici, le temps d'une virée sur les emblématiques Titus Canyon et Racetrack Playa.


En passant par VEGAS - La Sin City

Il était une fois Las Vegas, un certain 24 Mai 2014. Un mariage drive en limousine. Remember....

Bien avant d’arrivée sur le Strip et ses paillettes, nous traversons des miles des lotissements de maisons maousses costaux collées les unes aux autres, ceintes d’un mur. Des forteresses du désert, de la ville tentaculaire assoiffée. Diego se repère comme chez lui, Vegas est sa seconde ville.

La tour dorée, la plus grande, c'est Trump. Même les limousines surchauffent

Comment reconnaitre sa voiture sur le parking ? Elémentaire, mon cher Diego....C'est la plus sale !

Le seul et unique but de ce passage à Vegas est une photo sous célèbre enseigne "Welcome To fabulous Las Vegas". La foule se presse au pied du totem. Pas le temps, l'envie de patienter. Et peu importe si nous nous ne sommes pas parfaitement dessous, si le type nous a complément décadré, la petite histoire cette aventure est amusante. Lors notre mariage je m’étais coiffée de tresses et fleurs inspiration Frida (Kahlo). Difficile de remettre ma robe de mariage sans lui mettre la puce à l'oreille. Je garde l’idée surprise de la coiffure et santiags. J’achète donc des fleurs dans un Walmart. Mais, personne ne me contredira, partager voiture et motel non-stop avec son chéri, il faut une sacré dose d’imagination pour planquer fleurettes. Lorsqu’il me demande pourquoi des fleurs à la caisse, je nie, invente une excuse bidon. Des fleurs ? Il doute mais face à mon assurance, finit par me croire. Je me bluffe moi-même. Mais le jour J, sur un parking de banlieue de Vegas, je fais mes tresses, rien d'alarmant. Mais lorsqu’il aperçoit des pétales s’agiter sur la banquette arrière, alors là, comme j’aurai aimé filmer sa stupéfaction : « Mais oui !? Il y a des fleurs ?!? Je ne suis pas fou ! ».

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DEATH VALLEY

Le désert joyaux

 Zabrikie Point

La pluie de 1 000 ans

5 aout 2022, Death Valley est ravagée par des crues exceptionnelles. C 'est a dire 3,7 cm d'eau tombe en quelques heures sur Furnace Creek - le site le plus chaud et aride de l'Amérique du Nord - Il pleut en moyenne 5,6 cm dans l'année. Une année de pluie en trois heures. Une pluie de 1 000 ans, 0,1 pour cent de chance qu'elle tombe. Les Rangers ne l'avaient pas vu arriver malgré toutes les satellites. La Valley est fermée, les routes submergées, les débris jonchent le sol. Le Désert joyau est dévasté en quelques heures. Il faudra du temps pour réparer les routes.

Je bénie encore la chance d'avoir revue cette Valley, avant cette pluie aberrante. Car à mes yeux, l'Ouest américain est ciel sans étoile, sans Death Valley.

«Death Valley est le lieu de tous les extrêmes, souligne sur Instagram le directeur du parc Mike Reynolds. L'inondation de cette semaine en est un exemple. Avec les modèles de changement climatique qui prédisent des tempêtes plus fréquentes et plus intenses, c'est un endroit où vous pouvez voir le changement climatique en action !»

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Valle del Amor

Un nom tragique, une mal nommée. Enigmatique Vallée de la Mort. Je la rebaptise Vallée des Couleurs, et dans la belle langue espagnole Valle del Amor.

La ruée vers l’or de 1849, les fameux «quarante neuvième», au temps où les prospecteurs font fortune, et la petite ville portuaire indienne Yueno Buena ne s’appelait pas encore San Francisco, une poignée de mormons se dirigent vers l’océan. Ils espèrent trouver un raccourci qui les mènera à l’Eldorado, la Californie. L’expédition s’engouffre dans la Valley, mais ne trouve nul passage. Les neiges hivernales tombées sur la Sierra Nevada les emprisonnent. Pour survire, ils brûlent leurs chariots, tuent et mangent leurs bœufs. Enfin, ils trouvent le passage du col Wingate Pass. Seul, un vieillard malade succomba au froid, à la faim, peut-être au désespoir. « Quittons à tout jamais cette foutue Vallée de la Mort !» s’exclame le leader du groupe, et la Valley fut baptisée.

Elle se visite en bus, en voiture, en vélo en parcourant une route de béton, noire et lisse, sur des dust road en 4X4. Je n’ai croisé aucun zombie errant dans les canyons pierreux, ni de cranes blanchis abandonnés le long des chemins. Elle est et restera mon vertigineux coup de foudre.

La petite ville de Lone Pine à l'ouest aux portes de Death Valley

Désert baroque incrusté dans le nord du grand désert Mojave. La Valley est un microcosme de vie, végétale, animale, humaine, minérale. Les vents violents hurlent et les dunes de sable d’or murmurent. des roches joyaux s’illuminent, craquent et s’effondrent doucement. De très rares pumas et mouflons du désert trouvent leur ultime refuge dans les sierras, les somptueuses montagnes. L’Amargosa la mauvaise eau, est rare et saline. Certains printemps, les fleurs parfumées s’éveillent de leur long sommeil. Elles invitent papillons et abeilles, et pour quelques heures, quelques jours une formidable fête colorée et symphonique résonne dans la Valley. Il n’est ni douceur, ni tendresse. La vie est brève, éphémère, urgente.

L’hiver ressemble à un enfer gelé, aux longues nuits glacées. A peine 15° au meilleur du jour en décembre et janvier et des températures négatives dans les montagnes. Les neiges vaporeuses des sommets offrent un décor irréel, un décor de carton. Certaines après-midi elles se devinent comme des silhouettes abstraites dans le ciel gris peiné. Les nuits sans nuages sont merveilleusement féeriques. Une luminosité d’une blancheur exceptionnelle éclaire la Valley, offerte au ciel lazuli ciblé d'étoiles.

Le printemps, à l’aube de la vie de chaque espèce, du renouveau. L’espoir d’un printemps pluvieux, mais comment parler de printemps pluvieux de 5 cm de précipitations annuelles. Ces micros précipitations suffisent à insuffler la renaissance de milliers de graines en sommeil. En 2004-2005, avril fut exceptionnel, trois fois plus pluvieux que la moyenne, juste quinze cm d’eau. Chaque goutte est un fleuve, une rivière. Chaque goutte est délivrance d’une fleur, d’une plante qui sera butinée par un papillon, une abeille et ainsi le cycle de la vie se perpétue. Chaque graine est une genèse de l’espèce. Les années « pluvieuses » la Valley fleurit de coquelicots, d’orchidées, de pieds d’alouettes, de verveine, primevères et tournesols. Il peut passer une ou plusieurs décennies sans qu’une goutte d’eau n’effleure la terre. Alors les graines attendent patiemment une nouvelle ondée, une nouvelle averse, un nouvel avril.

Les oiseaux migrateurs, bécasseaux, hérons bleus, bihoreaux gris, foulques, grèbes à cous noirs, canards colverts et hirondelles font une halte avant de reprendre leur envol.

 Le village de la communauté des indiens Timbisha Shoshones

Le vent de l’aube est sans douceur. Les routes infiniment longues s’égarent au cœur d'une illusion mouvante.

Au matin, Une étrange sensation de chaleur immobile nous entoure. Face à nous les Mesquites Flat Sand Dunes de la Valley, épurées, élégantes et mouvantes.

Un silence blanc. Comme des colliers de perles, des bosquets offrent leurs minuscules fleurs bleutées, des boules blanches et douces comme du coton.

Devil’s Golf Course – le terrain de golf du Diable car seul le Diable peut jouer au golf -. A perte de vue une étendue de feuilles chocolats noirs parsemées d’or blanc du désert, les cristaux de sel. Les masses sombres des Panamint Range se referment sur nous. Le soleil voilé n’illumine aucun quartz. Le soleil restera voilé, opaque tout le jour. L’endroit est maudit, étrange, magnifique. Le vent murmure une litanie des noms inconnus.

Devil's Golg Course 

Badwater, la mauvaise eau. Cette eau évaporée d’un lac qui autrefois s’étendait dans la vallée. Un lac fantôme où la température peut atteindre plus de 55°, un des lieux les plus chauds du globe terrestre, posé à moins 86 mètres au-dessous du niveau de l’océan. A cette profondeur la lumière du jour ne perce plus, l’océan est noirceur. Des rafales de vent se ruent comme des chevaux sauvages. Les cristaux de sel aveuglent, le silence sépulcral étourdit. L'ultra-marathon, le plus cinglé de la terre se déroule en juillet, au plus chaud de l’été, sous des température de 50 degrés, 80 degrés au sol.

Les dunes colorées d'Artist Palette dans les Black Mountains. Des collines cobalt, des indigos, des verts jades et plus profonds, des beiges rosés, des chocolats au lait. Vert du mica, rouge et jaune du fer et du cuivre, violet du manganèse.

Artist Palette 


C'est un voyage de bouts de pistes, d'endroits tant isolés que nous sommes venus juste pour eux.

TITUS CANYON - Le grand théâtre minéral de la comedia del arte

Nous partons tôt de Beatty ce matin sous un beau soleil jaune pale. De son sommeil éternel, Titus le Chat sans peur et sans reproche nous envoie ses buenas ondas. Si la piste en sens unique semble facile est sage les premiers miles, elle va vite montrer son vrai visage. Une végétation plus dense, un relief plus élevé. Des collines colorées. Le nord de la Valley semble encore plus difficile et sauvage. La piste se rétrécit jusqu’à devenir un chemin en équilibre entre falaise et précipice. Déjà le soleil jaune vif efface les ombres.

Titus vieille sur nous

A flanc de montagne, nous gravissons un col étroit. Sans dire mot pour ne pas provoquer le mauvais sort, chacun croise les doigts, implore un Saint païen ou non. Le col est difficile, rocailleux. Et sublime.

Au sommet, juste avant d’amorcer la descente, le soleil devenu blanc jette des paillettes vertes émeraude sur la montagne devenue folle, ivre de beauté. Un nouveau regard sur Death Valley, de plus en plus mystérieuse, de découvertes en découvertes.

La descente vers Leadfield, vers les ruines de l’ancienne mine. Quelques tôles rouillées et une photo de l’âge d’or de la ville. Dans cette nature austère et aurifère, que de rêves et d’utopies chevillés au cœur pour venir vivre ici. Même peu de temps.

Le chemin de chèvre du col s’élargit. Sous un ciel de silence, un cri TITUUUSSSSSSS..... UUUUUUUUSSSSSS répond l'écho.

De la lumière à l’ombre de l‘étroit canyon. Nous avançons doucement dans les entailles de la terre. Aucun chant d’oiseau ou insectes. Simplement le silence bercé par le Vent. Des hautes parois calcaires offrent une fraicheur toute relative. Un couloir d’ambre et de soleil, d’ombre et de camel.

Une marqueterie minérale dessine sur les parois des oiseaux, des lignes, des symboles. Une source, des pétroglyphes repères des indiens timbisha shoshones.

Le canyon s’arrête soudainement. Le réveil est brutal. Ejectés des entrailles de la Terre dans la plaine aride.

Titus Canyon est un sentier, un chemin, un canyon fabuleux. Un décor d’une superbe austérité. Soyez prudents. Un SUV minimum, de l’eau, des provisions. Un ennui, tout petit, peu très vite virer au drame. Pas de couverture téléphonique. Ici personne ne passe par hasard.

Sur une planète lunaire au sommet d'un ancien volcan ou d'une abime de météorite. Ubehebe Crater se prononce "Ou-bii-ii-bii "

Racetrack Playa - L'années des pierres qui roulent... des Rolling Stones aussi

Dans la chaleur immobile, des chimères d’eau lointaine, des nuages blancs éphémères. Et ce sentiment de pâtir, au centre du monde, au centre du désert. Un des lieux les plus étranges de la planète.

Une dust road, route de poussière de 30 miles. Et pourtant terriblement belle. La chaleur dissout des contours des sierras, tout est ondes et mouvements presque perceptibles.

L’humour de Teakettle Jonction et ses théières en cas de soif.

Des arbres de Joshua tordent leurs branches vers le ciel, le sol. Là ou l’eau peut se cacher. Un mirage tremble à l’horizon, semble proche et si loin. Racetrak Playa s’éloigne à mesure que nous avançons. Enfin, le mégalithe noir se dessine avec netteté au centre du lit asséché, la playa.

Vamos a la Playa

Nous sommes seuls, réellement seuls. Nul bruit même le vent se fait silence. J’avance vers ce rocher au cœur du lac salé. Il est parfaitement centré, comme si de lui émanait le cercle asséché. Je ne distingue pas de suite les pierres, je m'avance plus au centre. Diego préfère l’ombre toute relative de la voiture ouverte. Encore quelque pas et je les vois. Une, deux, trois pierres immobiles et dans leur sillage, des traces presque effacées. D’énormes morceaux de roches – parfois plus de 80 kg- se détachent des Panamint Moutains et glissent sur ce lac d'illusion. Les pierres qui roulent sont étranges, parfois elles changent de directions, se croisent, roulent dans l’intimité et à une vitesse si ralentie, qu’il nous est impossible de la voir.

Si les lieux n’étaient pas si étranges, cela ressemblerait à une grosse farce. Des hypothèses de sorcelleries ou ovni, de créatures invisibles, de fantômes. Des avancées scientifiques de minis tornades, de micros algues souterraines, du sol gelé. Tout est vrai. Les micros algues sur le sol humide de rosée, le vent, le lac très légèrement incliné. Les fantômes de la Valley, et les âmes errantes aussi. J’aime les mystères.

Sur la piste de retour des yeux nous suivent. La Valley est peuplée d’étranges apparences.

Des yeux dans la montagne

Dante View

Comme des Dieux, nous dominons le désert argenté de Badwater. La Valley offre tous ces lieux hors du temps, qu’ils soient de matières minérales, histoires ou de passions.

Une jolie rencontre avec un lézard à cornes.


Un dimanche dans la Vallée de la Mort

La proue du navire de sable

Tout commence à l'aube d'un dimanche. Un jour que je dessine sur les murs de mes souvenirs comme une œuvre d'art. Un dimanche à l'Amargosa Opéra House, à Zabrikie, à randonner, à paresser, dans ce bout de désert d’une beauté parfaite. Le cours du temps s'épaissit dans la lenteur du voyage.

Zabriskie Point

C’est sans doute le plus bel endroit du monde. Ici je suis en accord parfait avec les éléments, avec mon âme. Un sentiment difficile à exprimer, mais je suis sûre que beaucoup d’entre nous ont un jour ressenti la communion parfaite avec un paysage, un arbre, une musique. C’est ici que mes cendres seront dispersées. Nous sommes venus le soir au crépuscule et à l’aube d’un nouveau jour. Nous sommes venus par un après midi sans soleil. A chaque rencontre, je reste ébahie par la beauté immobile de cette voilure. Le silence, le vent, le ciel.

Le cornetto géant vanille-chocolat 

Les crêtes de chocolat et marrons glacés. A nos pieds, se dénude les plissements d’une robe de très haute couture dans une sensualité de froissements chantilly et rubans irisés. Une parure de joaillier. Des diadèmes de roches moka pointent leurs aiguilles acérées vers ce ciel si indifférent. des couleurs caméléons. Zabriskie Point est un somptueux Cornetto géant vanille-chocolat.

 Seules nos ombres s'agitent 

Ce matin nous sommes seuls avant la petite rando dans les récifs de Golden Canyon. Quel bonheur irréel. Le temps est déjà chaud, l’air sec. Le vent assèche la moindre goutte de transpiration avant qu'elle ne forme.

 Suivez la flèche

Descendre dans le ventre de Zabrikie c’est approcher la perfection du désert. De plus en plus rare, l’ombre des rochers dégringole sur le chemin. Bientôt il ne restera que la réverbération étincelante du soleil. Face à nous la belle voilure de Zabrikie semble à portée de pas.

Apparait le mur rouge brun de Red Cathédral, les dômes blancs de la Valley. Nous grimpons sur une petite sente le long d’une paroi. Encore un peu d’air. Tout est là, parfaitement à sa place. Chaque rocher, cailloux, reflet, nuage, même nos ombres sont parfaites. Nous visitons une toile peinte, comme dans un film d’animation. Surréaliste

De l'ombre
De l'ombre à la lumière 

Nous rentrons par le même chemin avec d’autres perspectives. Là-haut, tout là-haut des touristes immortalisent leur passage à Zabrikie Point. La montée est raide, les degrés augmentent. A 10h30 nous retrouvons la voiture.

Golden Cayon est une des plus belle balade de la Valley et assez facile. Mais du désert, nous en voulons une autre part.

A quelques gorgées d’eau de Zabriskie, la 20 Mules Team Canyon. Elle porte le nom des wagons tirés par 18 mules et 2 chevaux utilisés pour transporter le minerai - le borax - à travers la Valley.

La dérive entre des roches pastels d'une piste solitaire à sens unique. Une loop facile en voiture, encore un autre visage de Death Valley, une autre planète.

Au fur et mesure que les degrés augmentent nos ombres s’évaporent. Nous retrouvons la fraicheur de l’Amargosa. Comme un navire échoué dans le désert, comme une promesse d’un après-midi de songes. Une douche, des habits propres un pique-nique de fruits et fromage. Le temps s’étire à perte d’heure. Le temps des pays chaud est éternel.

Nous installons une table sous les arcades. Thermos de menthe, tablettes et cartes postales. Chacun écrit une carte, comme des enfants, le nez en l’air. Le Vent emporte des histoires, des musiques, des idées. Des passants s’arrêtent devant les portes closes du théâtre. Nous avons tellement l'air d'être chez nous qu’ils viennent nous demander des confidences. Je ne sais que répondre, hélas, mon anglais est pur désastre. Diego s’en tire bien. It’s a ghost town demande un motard ?

Le temps même éternel s'enfuit. Tout près d'ici, une fantaisie de bleue, et d'herbe, de paysages aux allures de savane se pavane hors du Parc National de Death Valley,

Ash Meadows National Wildlife Refuge

Devils Hole

Le trou du Diable est protégé de grillages, de caméra. Nous ne voyons pas grand chose. Et pour cause, ici vit un tout petit poisson bleu, un des plus rare de la planète. Ici, les eaux frissonnent aux ondes des séismes et tsunamis. Des rumeurs que le Vent colporte, encore des mystères que les scientifiques et plongeurs tentent de percer.

Pupfish El caliente pescado !

Le joli poisson argenté de six cm somnole tout l’hiver dans des fonds vaseux des rares mares. Au printemps, le soleil réchauffe la terre. Le temps de l’amour et de la reproduction. Si certain rougissent de plaisir, le pupfish choisira le bleu intense.

Petit poisson bleu survivra dans une eau saline chauffée à plus 44°. Le cyprinodon diabolis est endémique, choyé et protégé et infiniment fragile.

Le cyprinodon diabolis

Un peu loin, sur les passerelles aménagées nous nous battons inutilement contre les taons voraces. Mais paysage est stupéfiant. Comment oser imaginer cette eau qui roule et coule, bleue, limpide comme une abstraction au désert.

Nous connaissons si peu de la Valley. Tant de secrets, de pistes, de canyons à parcourir sous des ciels d’opale et d‘orage.

Nous passerons la soirée dans le salon de l'Armargosa, seuls, à la leur d'une chandelle. Sans penser au lendemain. Vivre encore un peu ce rêve hors du temps. Se dire que peut-être un jour nous oserons l’ascension de Telescope Peak Trail. Escalader comme des gamins les dunes de sable dorées, les plus hautes de Californie au nom évocateur Eureka Dunes. Découvrir la gorge étroite ou coule toute l’année la petite cascade de Darwin Chutes et somnoler aux sifflements des oiseaux de passage. Sentir encore l’odeur de la fumée des fours à charbons de Wildrose, ces ruches de combustible des mines d’argent et de plomb. Retrouver l’hiver les eaux de Salt Creek et des Darwin Fall's. S’arrêter devant une croix, un tas de pierre, dérisoires cimetières des aventuriers. Ecouter leurs histoires arriver jusqu’à nous, et celles des autres, de tous ces inconnus. Visiter enfin Scotty Castle, le palais d'un nabab bonimenteur édifié dans une oasis pour sa belle. Hélas, fermé pour causes de graves dommages suite aux inondations de 2017.

Il y tellement à découvrir, redécouvrir, aimer, ressentir dans cet lieu si étrange. Choisir une photo est un véritable dilemme. Beaucoup ne verrait que dunes arides. Pourtant en chacune d'elle est un souvenir, une chose différence, un cailloux, un reflet, le fil d’un nuage. Death Valley est une de mes plus belles rencontre. Au fil du vent. Ce Vent allié, aliéné.

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Que serait l’Ouest sans les Ghost Town ? Que serait le désert sans ses âmes, ses fantômes du passé ? Il y a longtemps, pas si longtemps que cela, un siècle environ, des utopistes, des hommes audacieux, des femmes libres osèrent s’installer là ou le soleil et le sel brulent la peau et rongent les os. Pour des mines d’or, d’argent, de borax. Pour que leurs vies ne se nomment pas misère mais aventure. Terrible ou heureuse. Peu importe. Ils bâtirent des villes très rapidement. Le temps est compté pour faire fortune. Etre fort et en bonne santé pour survire dans l'antichambre de la mort. Le temps passe. La fortune n'est pas toujours à bout de pioche. Désillusions et rêves enterrés. La poussière se dépose sur les ruines endormies.

GHOST TOWN DE DEATH VALLEY

Death Valley n’a pas toujours été l’endroit maudit des premiers migrants. Dès 1850, des prospecteurs découvrent de l’or, de l’argent, du plomb, du cuivre, du charbon, mais l’or blanc de la Valley a pour nom Borax, ce composé cristallin utilisé dans le savon, lessive et produits d’hygiène. Dans les années 1920-1950, les mines de borax attirent les prospecteurs. Le chemin de fer traverse la Valley et dessert les villes pas encore fantomatiques de Rhyolite, Skidoo, Ashford Mills, Death Valley Junction. Des villes avec des banques, écoles, dispensaires, églises, gares et bordels. Un amoureux utopique fait construire pour sa dulcinée un palais de nabab au nord de la Valley, Scotty’s Castle. La Pacific Coast Borax érige un hôtel de luxe à Furnace Creek avec pour devise "Voulez-vous profiter d'un voyage en enfer avec tout le confort digne de votre rang ? » Les « Vingt Mules Team » les attelages de 18 mules et 2 chevaux tirent sur les 270 km de la Valley leur précieux butin. Des escrocs inventent de fausses mines d’or, d’argent, des idéalistes, des travailleurs en quête de fortune y laissent leur santé, leur raison, parfois leur vie. Des histoires de fous dingues, de fous géniaux sont nombreuses. Certaines, les plus connues deviennent légendes, et se racontent dans des livres où des veillées.

DEATH VALLEY JONCTION

En 2010, nous traversons la Valley de Lone Pine à Death Valley Junction en direction de Las Vegas. Les yeux rivés sur l’horizon nous ne voyons que de la poussière. Quatre ans plus tard, nous dormons une nuit de mai dans cet Amargosa. Illusion de ce que le désert nous offre, de ce que nous sommes capables de rencontrer, de découvrir. Une hacienda aux doux murs d’adobe blanchis et portes d’azur, lovée dans les brumes, et invisible parfois.

 L'Amargosa Opéra House à Death Valley Jonction

Nous sommes en 1907, la Société minière Pacific Coast Borax s’installe le long de la frontière du Nevada et de la Californie, tout près d’ici. A la croisée des chemins de fer. A Death Valley ce n’est pas l’or mais le borax, l’or blanc que l’on mine dans le désert. Les ouvriers dorment dans des tentes, des abris de fortune. Eté comme hiver, températures extrêmes le jour et vent glacial la nuit, sans répit. Dans ces conditions de travail déplorables, peu d’hommes restent à leur poste plus de quelques mois. Révolté de sa visite, Zane Grey, écrivain et journaliste, menace la Société minière de faire choux gras dans les journaux de cette exploitation humaine. La Pacific Coast Borax ne désire pas de scandale et fait construire en 1923 ce bâtiment d'adobe, dans la pure tradition néo-coloniale espagnole.

23 chambres, un café, un théâtre, Corkhill Hall. La ville prospère. Les maisons d’argile sont réservées aux superviseurs et gestionnaires de la mine. Un micro hôpital, un magasin, une poste, une banque, saloon pour 400 âmes. Un hôtel et restaurant sont ouverts pour les visiteurs. Une gare pour les voyageurs. D’autres villes ont connu semblable essor, et semblable déclin. Rhyolite, Ashford, Skidoo. Des écoles, des banques, dispensaires, saloons. Tout l’attirail complet pour une vie de mineurs.

Comme un paquebot blanc échoué dans le sable, les murs d'adobe de l'Amargosa.    

1948. La compagnie minière cesse ses activités et la vie s’arrête brutalement à Death Valley Junction. Le moulin est démantelé, les dortoirs, maisons, dispensaires abandonnés. Les ouvriers voguent vers d’autres mines, d’autres espérances.

1955. La ville entière est vendue à une femme mormone. Eddie Lee Holmes. Elle l’entretint un temps, et s'évapora du coté de Los Angeles. Une femme seule dans le désert. Il n’y a que les mormons pour croire que de la pierre, l’herbe poussera.

L’Amargosa s’ensable, meurt à petit feu. Une partie des dortoirs, que l’on dit hantés, n’est plus utilisée depuis plus de 50 ans. La légende raconte que deux coffres forts dorment encore dans les ruines de la banque.

MARTA BECKET Ballerine du désert.

Esquisse
Marta Becket 

Marta née à New York, au début des années 1920. A neuf ans, elle apprend à jouer du piano et fait ses premiers pas de danse classique, découvre la peinture. A 20 ans elle danse pour des night clubs de New York au corps de ballet du Radio City Music Hall et même à Broadway. Elle épouse son manager, Tom Williams. Marta danse et peint des toiles.

Délaissant les grandes scènes, Marta produit son one-women-show, pour petits théâtres, des auditoriums scolaires, des universités. Avec le temps, les spectacles se vendent mal. Pour arrondir les fins de mois, Marta monnaie quelques toiles. Son mari fait l’acquisition d’une caravane pour limiter les frais d’hôtel.

Après des mois de tournée, le couple s’offre une semaine de vacances dans la région. Une semaine camping, en 1967. Arrive le caillou pointu, un signe, le déclencheur de destin. Cette anicroche dans leurs vacances sera une crevaison de pneu. A Death Valley Junction, il n’existe plus grand-chose mais sans doute un irréductible vieux bonhomme vit encore dans son garage.

Le vieux bonhomme répare la crevaison. Marta traverse la route, elle évite les buissons d’épines portés par le vent. A l’autre extrémité de la colonnade délabrée, le Corkhill Hall, la petite salle de fêtes, d’enterrements, de mariages et de spectacles se morfond d’ennui. La porte rouillée est fermée. Curieuse, Marta se hisse sur ses pointes de ballerine et regarde par un interstice de la porte. A 43 ans. Son destin bascule. De la ville délaissée, seuls le restaurant et l’hôtel des anciens dortoirs des mineurs survivent aux délabrements. Les maisons des superviseurs de la mine, le moulin, le dispensaire sont des résidences de choix ouvertes aux scorpions, araignées et autres serpents sans scrupules. Marta aime cet endroit, sa lumière, ses blessures et lasures.

Station essence avant d’être une cité fantôme

Elle voit son avenir, sa passion, un théâtre pour elle seule, sans critiques, ni contrat, ou contraintes. Le Corkhill Hall l’attendait patiemment. Un rideau rouge fané, une petite scène, une estrade, des bancs de bois rongés, des accessoires abandonnés, de la poussière, et le charme des endroits fous, impossible, irraisonnable. Dès le lendemain, Marta et son mari rencontrent le gestionnaire des lieux qui accepte de leur louer le théâtre pour 45$ par mois avec l’obligation de le réparer et en assumer toute responsabilité. Le couple rebaptise le Corkhill en Amargosa. Le nom de la chaine de montagne et de la vallée.

Enfin, après des mois de galères et de travaux, le 10 février 1968, Marta donne sa première représentation. Des deux cents places du théâtre, seuls douze spectateurs sont présents. Adultes, enfants, petits-enfants. L’Opera de l’Amargosa ouvre ses portes à 19h45, et les rideaux rouges se lèvent 20h15 les vendredis samedis et lundi soirs. Marta danse le plus souvent pour son public de chats fidèles et de fantômes, parfois des curieux, parfois des touristes. Marta danse pour ce public, se l’invente, se le créé. Elle le rêve.

Un matin d’orage, un de ces d’orage d’été qui vous flingue la raison, Marta a cette étrange idée. Ne plus jamais danser sans public, l’idée de donner une vie, un visage à tous les personnages de son esprit. Les quatre années suivantes , elle peint son public sur les murs. Elle peint un vrai décor de théâtre, des balcons dorés et des teintures rouges. Elle peint le Roi et la Reine face à elle, à la place d’honneur. A leur côté elle place les membres du clergé. Sur les coté des gitans rient, des fêtards se gaussent. En bas des jongleurs indiens défient l’équilibre. Et durant ces quatre années Marta danse les vendredis samedis et lundis soirs. Les autres jours elle enrichit son public de couleurs et de nouveaux personnages. Elle peint sur les balcons du haut des nonnes et filles de jupons multicolores. La maquerelle toute de rouge vêtue s’évente. Proche de la scène, Carmen, une cigarette entre les lèvres et Madame Butterfly. Dans un coin du fond de la salle, à l’endroit où aime dormir les chats, ses deux matous. Un gris. Un noir.

Photo web

Marta épouse l’Amargosa, comme elle épousa la danse, la peinture et le désert. Elle le sort de l’oubli, lui offre de la musique, de la couleur. Elle peint le plafond d’angelots joufflus et nuages clairs, sa chapelle Sixtine de la Californie. En 1974, elle pose ses pinceaux.

Ce public peint de fiction attire un vrai public de curieux. La presse s’en empare et les spectateurs affluent. Marta danse, danse, danse, rachète le reste de la ville fantôme, se sépare de Tom et épouse un Thomas. Elle danse tant qu’elle peut et vit dans une de ces maisons à l’abri du soleil. Le temps, le vent écorche peu à peu les constructions. Thomas meurt et Marta demeure la seule habitante de la ville fantôme. Elle et son public de plâtre.

A l'aube d'un nouveau jour, Wilson le Chat envoie des ondes à Marta 

Ses jambes ne la portent plus. Elle vivra quelques années en maison de retraite à New York puis reviendra finir ses jours dans son Opera tant aimé. Le 30 janvier 2017, à 97 ans Marta s’endort. Ces cendres seront dispersées dans les dunes dorées du soleil. Je viendrai en Mai 2017,quelques mois trop tard. J'aurai la chance de regarder le jour se lever sur les collines, aux cotés de Wilson, le chat tant aimé de Marta.

Aujourdh'ui l'Amargosa Opéra House est un hôtel aux portes de la Valley de la Mort. Personne ne séjourne ici pour le confort sommaire, mais pour partager une parcelle d'étincelle de Marta. C'est un hôtel un peu oublié, les peintures s'écaillent, le sable et la poussière y dansent comme de petits feux follets. ous sommes venus et revenus dans ce lieu si particulier, une ghost town hantée de jolis souvenirs, de chats dodus, d'autruches et de mustangs, de musiques, de pinceaux. Nous resterons deux jours, dont une après-midi à réaliser une parcelle de rêve. Celui de vivre ici, aux portes de la Valley.

http://www.amargosaoperahouse.org


Echecs et champage
Je fais ma Marta !

* Avec beaucoup d'amour et de patience, Diego a entreprit la traduction en français du livre autobiographique de Marta "To Dance on Sands".

LEADFIELD

Nichées au détour d'un col rocailleux dans le sentier de Titus Canyon, les restes de la ville de Leadfied. Ici aussi, une école, des saloons, des maisons. Difficile à croire, lorsque nous venons de Beatty par cette piste tordue de virages en épingles à cheveux et de ravins. Même si la piste devient plus praticable dans le canyon, les mines sont difficiles d'accès. Pourtant des automobiles venaient jusque ici, des familles vivaient dans ces montagnes sans douceur, victime d'une arnaque - encore une ! -. En 1926 C. Julian ose l'idée de saler des rochers avec du minerai de plomb. Bingo. Il lui suffit de dessiner des cartes, des prospectus et un solide bagout. Au bout de l'imposture, 300 idéalistes sans or ni argent repartirons, riches de désillusions.

RHYOLITE GHOST TOWN

Hyghway 374, à un jet de pierre de Beatty dans le Nevada, les ruines de Rhyolite intriguent et attirent. Car les vestiges sont de béton, et non de bois. Une ville bâtie en dur en 1904. Une première, une avancée magistrale. Les financiers misaient loin, les investisseurs osèrent. Une gare pour trois lignes de chemin de fer, l’éclairage public, l’eau courante et le téléphone une banque de trois étages avec du marbre d’Italie, une école de près de 250 élèves mais aussi 50 saloons, salles de spectacles dont un opéra. Une piscine entretenue. Une ville en devenir le « Chicago » de l’ouest. La ruée vers l’or donne des ailes et des bras. A peine 4 ans plus tard les habitants se volatilisent, abandonnent leur ville comme une nuée de papillons monarques en pleine migration. Pourquoi ? En 1906, à la suite du grand tremblement de terre de San Francisco, la Californie réclamait des capitaux et des volontés pour reconstruire la ville. Puis la faillite des banques de 1907. Mais peut être existe il d’autres raisons moins rationnelles et plus passionnantes.

Les ruines de la banque et de la gare 

Quelques habitants rebelles résistèrent dans la ville encore debout mais sans magasin, voie ferrée, et piscine asséchée. La ville tombera réellement dans l’oubli.

Le Goldwell Open Air Museum et ses spectres au linceul immaculé.

Bottle House, le pari réussi d’un homme de 76 ans de construire sa maison de trois pièces uniquement avec des bouteilles de Adolphus Bush, aujourd'hui Budweiser.

Le plus fascinant est que toutes ces villes et d'autres ont réellement vécu un âge d'or. Villes champignons, aussi vite construites, aussi vite abandonnées. Elle témoignent de l'espoir des jours à venir, de la folie des hommes prêts à croire et suivre tout e$croc.

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Voilà une belle idée de troquer des plaques minéralogiques françaises contre des US. Une très laide contre deux ou trois aux accents d’évasion. Au bout du compte, une collection colorée vagabonde sur nos murs. Au bout du conte, des rencontres. Simples, faciles, exceptionnelles. Des histoires et des tranches de vie. De casses en trocs, un pan d'Amérique se dévoile hors des grands chemins.

 Des casses quelque part dans l'Ouest

Il faut parfois égarer son regard sur un amas de tôles, à l'affut les rumeurs de ferrailles. Trouver une entrée entre les grillages, se méfier du chien, et chercher le type au fond de son royaume de carlingues dépecées. Des casses découvertes aux portes d'un désert, au milieu des grandes prairies, au milieu de rien, à la périphérie d'une megaville. Des cimetières où résonnent encore les klaxons des belles bagnoles du rêve américain.

 prosternation de Pampa devant Oh Ya Ya

Il en reste des histoires, comme ce type d'Alabama qui emmena Diego au fin fond de son domaine, escorté d'un berger allemand, pistolet au ceinturon. Je patientais gentiment dans la voiture, ne sachant pas trop bien si j'essayais de les rejoindre, ou pas. Enfin les deux compères reviennent en riant. Le type veut me saluer. Il me serre dans ses bras et mâchouillant un "God bless you and very good trip"

Midpoint au Texas et Santa Rosa au Nouveau Mexique 

En 2012, Dennis, roi du cheesecake et prince des apples pies échange la plaque de sa Mustang. Pas n'importe où. Juste à 1139 miles de Chicago et de Santa Monica, le Midpoint de la Route 66.

Quelques miles vers l'ouest, à Santa Rosa, c'est le sosie de Pavarotti et homme aux mains d'or qui échange ses licenses plates dans son très beau musée de voitures restaurées.

Des rencontres joyeuses, inattendues. Comme cette jeune femme de Kanab dans l'Utah, un matin de soleil, dans son café tapissé de plaques du monde, ou Victorville en Californie, dans un petit musée dédié à la Route 66. J'ai honte de la tristesse de nos plaques françaises, sans couleur, sans dessin, sans fun. Un troc non équitable.

En Arizona, un père envoie son fils dévisser toutes les plaques que Diego souhaite.

Dans le Dakota du Sud, au fond d'une guitoune aux senteurs d'essence, d'huile et de vieux papiers, deux papis plus anciens que le siècle dernier attendaient depuis longtemps la visite d'un français collectionneur.

Souvent le troc est juste un prétexte pour amorcer la communication. Des personnages hors du commun se prêtent au jeu. Comme le mystérieux Marcel, le baroudeur canadien et ses camions peints. Perdu dans la ville Pahrump, aux portes de la Vallée de la Mort, ses camions relèvent de l'œuvre d'art. Avantage pour nous, il parle français, nous raconte une bribe de son histoire. En toute modestie il présente son "baby", un semi décoré extérieur et intérieur du " Le Bon, la Brute et le Truand", sonorisé de la musique du film. Ambiance !

Qui est ce Marcel Pontbriand ? Gourou ? Escroc ? Le mystère plane encore sur les vidéos et articles de presse. Ecrivain avec son épouse. Sa trilogie "Le cow-boy de la route" raconte ses aventures de bourlingueur. Il est le champion toutes catégories de Iowa Truck, concours des plus beaux camions d'Amérique. Que du lourd Marcel ! Que du beau !

 Une des plus belles rencontres

Un matin de pluie à Sturgis, Dakota du Sud. L''emporium dans la ville endormie, les shops à peine ouverts. Deux ou trois badauds et nous.

L'échange de signatures au bar d'Aladin - Wyoming -, comme un pacte d'amitié. Posé sur le comptoir, un fusil semi automatique avec invitation à tirer derrière la gas station ! Au bar de ce début d'après midi, deux compères se noient dans un destin de bourbon.

A Lingle, un emporium au milieu du Vent des prairies dans le Dakota du Sud. La joie explosive de cette femme, les animaux empaillés et les œufs frais au comptoir.

Des inconnus à la croisée des chemins. Les anonymes des photos, les photos non prises, les valises de plus en plus lourdes à chaque voyage. Chaque license plate à sa story accrochée à un pan de mur, sa parcelle d'Amérique, sa rencontre. La beauté du voyage des chemins détournés.

Des couleurs, des états, des images comme des photos, des regards et des attentes. Sous le regard à peine étonnée de Pampa, j'étale la moitié du butin, celle qui me reviendra après un équitable partage.

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Tailler la Route, Tracer la Route …

Sentir, ressentir les distances se dérouler au ralenti. Les miles s’étirent au loin devant nous, s’allongent jusqu’à se fondre dans le temps. Dans le SUV, nous avançons, lentement, tel un lourd scarabée. Alors nous inventons des jeux patients. Attraper un nuage, dépasser un train, s’arrêter pour une photo qui figera une parcelle de temps illusoire.

Une route traversant le désert de Death Valley du Nord-Ouest au Sud-Est semble si imaginaire que je me demande si elle existe réellement.

 Death Valley

Sur ces Routes, ces lignes solitaires, l’ennui est plaisir dans un autre espace-temps. Se réinventer chaque jour, être promeneuse, voyageuse d’un monde inconnu. C'est traverser des villes de poussières et fantômes et d’autres en devenir. Dormir dans des draps d’une douceur infinie dans des villes au parfum d’antan.

Ivresse de partir, fol espoir de caresser le ciel, effleurer des sierras mauves. Sur des Routes, encore et encore. Nues, Droites. Sans lacet ni courbe, sans arbre ni fard. Nada. De bitume, de terre, escortées d’un Vent Majuscule.

C’est dans ce demi-sommeil de l’âme, que la conscience s’éveille. Un bref instant de lucidité. Réaliser réellement de se trouver au bout du monde, dans un isolement fabuleux. Un bref instant de vertige et de bonheur intense. L'esprit en déroute, libre, débridé.

Une route immaculée ne déplaçant aucun ravissant caillou rond et blanc, ni rochers ou grains de sable. Une route auto nettoyante que d’acharnés petits lutins invisibles balayent inlassablement.

 Dakota du Sud

Des pistes de terre d’une beauté éternelle. Aride et sauvage. La Wilderness. 5000 miles de regards suspendus au ciel, sur la ligne d’horizon, dans les badlands des terres rouges et ocres.

Death Valley 

En Afrique de l’ouest, "Je demande ma route", est une jolie expression pour dire au revoir.

Le Shafer Trail Road, sentier praticable par temps sec, en 4x4 uniquement. Nous descendons le raidillon de piste défoncée, prenant garde aux crevasses. Le vent nous abandonne un temps et les degrés grimpent vite. L’antichambre de l’enfer. Nous partons vers un autre chaos, une autre chimère minérale. L'ultime saut de Thelma et Louise, c'est ici .

Abandonner au loin ses doutes, déposer ses regrets au bord du chemin. Etre vagabonde, être nulle de part. Revenir plus légère et plus riche de chaque voyage. Et repartir sur des caminos du monde pour faire y sa Route.

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De Moab, nous filons sur Denver. A regrets, à contre-courant du Colorado, ce fleuve magistral qui n’atteindra jamais l’océan. Nous traversons Aspen, Avon, les très chics stations de ski. Quelques flaques de neige hésitent à se mêler aux verts sombres des forêts.

Un arrêt pique nique. Un oiseau bleu se pose sur une branche, nous observe. Il sait qu’il ne risque rien, même pas une photo, mon appareil est dans la voiture. Peut-être est-ce justement pour cela qu’il prend la pose ? Un train de l’Union Pacific chenille entre falaise et Eagle River. Lorsqu’il disparait, nous avons envie d’applaudir ce passage théâtral. L’oiseau bleu s’envole, nous partons aussi. L'Interstate 70 serpente dans une étroite vallée coincée entre deux falaises. Une autoroute sur deux niveaux, flanquée d’une piste cyclable longe l’Eagle River, et la voie ferrée. Un mélange surréaliste de vélos, voitures, train, fleuve dans ce petit canyon. Tout le monde veut sa place et tout le monde trouve sa place. Sa juste voie de circulation.

Adopt a Highway Isabell dans l'Idaho - Devil Tower - Petite toilette du jour de Toyota à Moab - Keno, Cat casino Nevada

Je ne sais atterrir en douceur. Je veux encore voir un bison barrer ma route, boire du café en conduisant, stationner devant ma chambre du motel. Retrouver le temps de ne rien faire dans une cité perdue du Midwest, encore un après-midi à l’Amargosa. Je veux la facilité du voyage, le respect des conducteurs. Etre bousculée juste pour entendre me dire « sorry, it's ok miss ?». Un "Enjoy" plein de dynamique et de soleil plutôt que le "courage" plombant français.

 Diego and Toyota- Boots de sept lieues - La peur de ma vie somnole dans l'herbe.


7 000 km de routes, des états, des lois étranges, des vies si différentes. Une Amérique sauvage, rurale, très éloignée des clichés. Rencontrer, voir, regarder derrière le drapeau américain. Toutes ces différences, toutes ces Amériques. Le retour est difficile.

Il nous reste les notes prises au vol, les photos pour se dire que le voyage n'est pas déjà fini, ce n'était pas un rêve. L'esprit tout feu, tout flamme. Puis écrire. Avec la peur de me planter, de ne pas rendre hommage à la hauteur de la beauté. Je balbutie des mots, mélanges des photos, je peine. Les mots s'étirent devant mon clavier comme des nuages fugitifs. Et un jour, les souvenirs se déposent doucement dans ma mémoire, chacun à sa place. Comme les Loups du Yellowstone, mes souvenirs retrouvent leurs racines. Alors commence un autre voyage, celui de conteuse.

Hasta lluego ! Isabel et Diego 

Voyager c’est partir de chez soi

C’est laisser ses amis - C’est tâcher de voler - Voler en découvrant d’autres branches -

En empruntant d'autres chemins -C’est essayer de changer

Voyager c’est s’habiller en fou - C’est dire « je m’en fou »C’est vouloir rentrer -

Rentrer en appréciant le manque - Savourant un verre - C’est désirer commencer

Voyager c’est se sentir poète - C’est écrire une lettre - C’est vouloir étreindre -

Etreindre en arrivant à la porte - Regrettant le calme - C’est se laisser embrasser

Voyager c’est devenir mondain - C’est faire des rencontres - C’est recommencer -

Recommencer en tendant la main - En apprenant du plus fort - C’est se sentir seul

Voyager c’est partir de chez soi - C’est s’habiller en fou - C'est raconter tout et rien dans une carte postale C’est dormir dans un lit étranger - C’est ressentir combien le temps est court - Et voyager, c’est rentrer.

Gabriel Garcia Marquez, prix Nobel de littérature Colombien.