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La Natchez Trail

Il y a très longtemps, des animaux marchaient ici, traçant pas à pas, une piste. Les hommes préhistoriques l'ont suivie, puis les amérindiens Natchez, Chickasaw et Choctaw, les nouveaux arrivants français et espagnols. Les commerçants et fermiers descendaient le Mississippi sur des radeaux pour vendre leurs marchandises à Natchez et la Nouvelle Orléans. Ils ne pouvaient remonter le Grand Fleuve, alors ils démontaient et vendaient le bois des radeaux. ils rentraient à pied en empruntant la Natchez Trail, "La Trace".

C'est ici que commence notre voyage. Celui que nous vous conterons. Pas celui des vols annulés et d'une Mustang cabriolet réservée mais non disponible. Comme les bluesmans, nous remonterons le grand "Missi Sepe" -Père des eaux - dans la langue des natives - jusqu'à Chicago. Du Blues en Majuscule. La pluie sera notre compagne bien trop souvent. Mais peu importe l'eau, pourvu que le bourbon s'appelle Jack !

Au delà du grand fleuve, la Louisiane 

Bâtie sur une des falaises surplombant le fleuve magistral, Natchez porte le nom du tribu indienne. Un voyage au temps des plantations de coton. Ici avait lieu le plus grand marché d’esclaves du Mississippi. Les antebellums, ces fabuleuses demeures, construites avant la guerre de sécession, témoignent de la richesse passée. Des balancelles jouent au vent chaud sur des pelouses impeccables, un chaton somnole sous un magnolia en fleurs, dans une branche un merle siffle un blues d'orage.

Les belles du Sud et les arbres à colliers

C'est notre second séjour à Natchez, le premier était en 2012 en remontant de Louisiane. J'aime Natchez d'un amour inconditionnel. En mai 2012 la lourde chaleur tombait comme une chape de plomb sur la ville alanguie. Presque rien n'a changé, des boutiques fermées, le bel hôtel Eola n'est plus qu'un bâtiment vide. En fin de soirée, l'orage gronde et lance des éclairs fantastiques sur les murs de "Under the hill", le plus vieux bar du Mississippi. L'orage, mon spectacle favori commence. Le grand fleuve se gonfle d'orgueil, menace d’inonder les quartiers bas de la ville. La police fait évacuer les rives. Un double Jack Daniel's à la main, je guette les fantômes du passé.

Pluie, bayou, orage et bourbon 

Le Sud. Des églises par dizaines, un doigt accusateur vers le ciel d'ombre. Les feux s'en balancent.

Au matin, le tonnerre gronde et roule des notes vieux blues. La pluie redouble de plus belle. Quel dommage de rouler sur la "Natchez Trace Parkway" en mode essuie glace. 715 km de Natchez à Nashville dans le Tennessee à travers les forêts et marais. 715 km d'histoire et de sites archéologiques. Nous sommes seuls, presque. De petits charognards festoient, des oiseaux aux longues pattes s'envolent à notre approche, les moustiques du Cypress Swamp attaquent Diego en rangs serrés, dignes héritiers des armées confédérées. Des troncs d'arbres fraîchement déracinés nous barrent la route. Des champs inondés et vaches curieuses nous examinent. Yazoo City est en couleurs.

Festin du matin
Panneaux électoraux
Sur la Natchez Trail, des rencontres, des arbres sur la route et après la pluie vient le beau temps.

Dans ce Vieux Sud, pays de paradoxes, de racisme, d’esclavage, des plantations, des indiens décimés, du Klu Klux Klan, les villes portent encore les noms des tribus natives. Les églises surgissent de nulle part. les magnolias sont immenses. L'hospitalité des gens n'est pas un mythe. A deux reprises, des inconnus nous ont offert le restaurant, pour un mot échangé, une blague partagée. Nous les remercions du fond du cœur. La nourriture est délicieuse, métissée, riche et variée, héritage culturel des plantations, cajun et française.

 Aux couleurs de la ville de Yazoo
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Robert Johnson est la légende 

J'ai rencontré le blues à 35 ans dans un bar glauque cévenol. Ce vieux blues qui éraille le cœur et apaise l’âme. Je ne savais pas que cette musique primitive et originelle bousculerait tant ma vie. Un merci infini aux barmans déjantés du Central Bar.

Le Delta Blues, est un triangle de Memphis à Vicksburg, entre le Mississippi et son affluent la Yazoo River. De grandes plaines paumées et inondables, champs de coton, et moustiques sanguinaires affamés. Les façades léprosées des maisons, les villes désertées, les cimetières sans clôtures parsemés de stèles abandonnées, tout transpire la pauvreté. Voilà un portrait du Delta du blues, mais aussi le berceau d'immenses talents : Robert Johnson, BB King, John Lee Hoocker, Charley Patton, parmi les plus illustres. C'est ici que nous arrêtons notre route pour mieux ressentir le blues du delta cette résonance des chants d’esclaves, avec quelques accords grattés sur une guitare, un harmonica et parfois un wash­board - à l'origine une vraie planche à laver -.

Sur une route 

Il était une légende. A la croisée des chemins 49 et 61, un soir de drame et de pleine lune, un homme marche, une guitare désaccordée en bandoulière. Nous sommes dans les années 1920, il est petit fils d'esclave, enfant abandonné, ballotté, et musicien raté. Sa trop jeune épouse tout juste âgée de 16 ans vient de mourir en donnant naissance à un enfant moribond. La mort rôde. Son acolyte le Diable, s'en lèche les babines, et accoste l'infortuné.

"Homme ! donne moi ton âme et JE ferai de toi le plus grand guitariste au monde". Le Malin est charmeur en diable. L'homme accepte. D'ailleurs son âme ne lui a-t-elle jamais servie ?

Le Diable s'en fut et tint sa promesse. Le jeune homme devint le plus grand guitariste de blues. Mais personne ne fricote avec Satan sans en payer un lourd tribu.

Robert Leroy Johnson meurt à 27 ans. Danse macabre du bal du Club des 27, entraînant dans sa ronde les Janis Joplin, Jimmy Hendrix, Brian Jones, Kurt Cobain, Amy Winehouse et autres artistes de blues ou rock décédés de morts violentes.

Un pacte diabolique 

Les mystères planent sur la vie, l’œuvre et la mort de Robert Johnson. De sa fulgurante carrière, il nous lègue 29 titres enregistrés, la 30 ème chanson emportée par le Diable en personne. Juste prix. Trois photos et trois tombes. Il inspira des musiciens tels Keith Richard, Jimmy Hendrix, Eric Clapton, Muddy Water, Bob Dylan, Johnny Winter, Eric Clapton ou encore Led Zeppelin. Excusez du peu.

A Greenwood, un joli cimetière ombragé tout près d'une white chapel, une tombe de Robert. Chacun lui rend hommage à sa façon. Médiators, flasques de bourbon, canettes de bière, baguettes de percussion, une fleur, un poème.

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Fresque murale  à Vicksburg 

Vicksburg est une charmante localité, blottie au confluent du Mississippi et la Yazoo River. Première étape, le National Travel Tourism, petit office du tourisme où cookies, thé, café, eau et jus de fruit sont un welcome bien sympa. Une étape picturale composée de 22 fresques murales relate la Story de la cité sudiste. Les hauts parleurs diffusent de vieux standards de rock, du ciel toujours chagriné tombe une fine pluie. Dans bar un peu louche à la nourriture non comestible, le sourire d'Obama semble désabusé sous des néons blafards. Nous ne traînons pas.

Un accueil sudiste au Visitor Center, thé, café, cookies

Dans une maison de brique rouge, le Biedenharn Coca-Cola Museum, est tenu par une vieille dame so pretty. Story Coca-Cola. Coca est créé en 1880 par Dr Pemberton, distribué uniquement par des fontaines à soda dans tout le Sud des Etats-Unis. Les frères Joe et Malcoms Biedenharn, limonadiers , ont eut la brillante idée d'embouteiller le soda noir. C'est dans leur petite fabrique de Vickburg , que la première bouteille de coca en vue le jour en 1884. Bravo les brothers !

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Sur la route de Jackson

En remontant le fleuve, par la Natchez Trail ou les routes secondaires, les maisons s’égrainent comme des souvenirs et la pluie inonde les champs.

Une étape à Jackson, la capitale du Mississippi. Nous loupons quelque chose. La "City with Soul ", a du vendre son âme elle aussi, mais pas au Diable. Nous sommes au pied du Capitole, avec des dizaines d’écureuils, heureux comme des princes dans la ville abandonnée.

Jackson, la ville avant gardiste confinement 
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Pour la petite histoire, je me suis mariée en drive à Las Vegas avec l'homme qui a serré la main de BB King. En 2011, nous assistons à un des derniers concert du Blue Boy au Luxembourg. Oublions le concert, le Roi est malade. Pourtant royal, il salue son public et serre les mains de quelques fans. Diego est là, au bon endroit. Une franche poignée de main, les yeux dans les yeux. Il n'y a aucune photo dérobée pour attester l'instant de grâce. Et sans doute pour cette raison, il restera un des plus beaux souvenir de Diego. Merci BB!

Détour par Itta Bena, où "BB est né". Sa cabane natale détruite. Les swamps en bordure de route dessinent une ambiance particulière.

Swamps 

Le musée BB King d' Indianola est bien plus qu'une rétrospective de la vie du géant. A travers les films documentaires, extraits de concerts, guitares, ce n'est pas seulement la carrière de BB, mais toute histoire noire du XXème siècle. Le musée est riche, passionnant, immense.

Mr Riley B. King, un homme au destin à peine crédible. L'enfant des plantations de coton est devenu la Légende. Il chante du gospel dans les églises, il écoute, il apprend, il essaie et il est fatalement doué, le King. A 12 ans, il achète sa première guitare. A 22 ans, il débarque à Memphis, les poches vides, une guitare et une voix, sa voix ! En 1949, l'accident. Dans un juke joint de l'Arkansas, une bagarre éclate bouclant le poêle de kérosène. Le feu se propage dans le bar. BB se jette dans les flammes pour sauver sa guitare, sa Gibson chérie. Une bagarre à cause d'une fille du nom de Lucille, le nom que le Roi donnera à toutes ses guitares. Quand BB chante Lucille, c'est une déclaration d'amour :

« Le son que vous écoutez / Vient de ma guitare appelée Lucille / Je suis complètement fou de Lucille / Lucille m'a arraché à la plantation / Vous pouvez dire qu'elle m'a apporté la gloire » (Lucille, 1968).

En 2011, il serre la main de Diego lors de sa tournée d'adieu au Luxembourg.

En 2012, il chante à la Maison Blanche pour et avec Barack Obama, les Rolling Stones et Buddy Guy. De la blancheur des cotonniers à la White House.

En 2015 le Roi tire sa révérence dans un palace de Las Vegas.

90 ans d'une vie épique, une saga à lui seul. Bon vent l'Artiste !

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Au cœur du comté de Cohama, la petite ville de Clarksdale. Ville au charme surannée, vintage en diable. Clarksdale est le panthéon du blues du delta, figée dans le temps. Le soleil tombe droit sur les rues désertes, et les fresques murales des façades décrépies. Les vitrines poussiéreuses des shops dissuadent d'entrer dans les magasins, pourtant l'intérieur est très propre, sympa et parfois vegan. La ville endormie se réveillera tard dans l' après-midi. Dans la moiteur du Mississippi nous cherchons la fraîcheur au Delta Blues Museum. Une mine d'infos, un voyage musical composé d'instruments de musique, de films et d’anecdotes. BB y légua Lucille, une de ses guitares chéries. Le groupe ZZ Top subventionna le musée. Le Museum abrite des expositions, des concerts et offre à des jeunes talents de jouer. Interdiction formelle de prendre des photos ou de filmer, alors voici le lien https://www.deltabluesmuseum.org/

Au Delta Blues face au Groud Zero 

Charlie Patton est né ici, John Lee Hooker , Sam Cooke, roi de la soul, Morgan Freeman aussi. Sans oublier le delta, Sonny Boys Williamson né a Glendora, la voisine. Et tous ceux que je ne connais pas encore. Respect à vous. Respect Clarksdale.

Une bière au Ground Zero, le bar tenu conjointement par Morgan (Freeman) et le maire de la ville. Portraits discrets de l'acteur derrière le bar.

Clarksdale 

Le gospel loue Dieu. Le blues loue le Diable mais c'est la même musique.

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Un peu à l'écart de la ville, des champs de cotonniers et l'usine des années 1930 reconvertie en hôtel, musée, salle de concerts. L'Hopson Plantation Commissary respire encore les plantations abandonnées, transpire des esclaves affranchis. La mécanisation - une machine contre 50 hommes- plongea brutalement la ville dans le chaos et l'exode massif des ouvriers vers le nord, Saint Louis, Chicago. La ségrégation raciale du Mississippi est l'une des plus strictes et se ressent encore. Pour se faire une idée, l'esclavage a été interdit officiellement en ... 2013. De nos jours, c'est 17 000 habitants et 80% de Noirs, la moitié vivant sous le seuil de la pauvreté. Le "supermarket" local est affligeant de choses grasses, sucrées aux couleurs hideuses non terrestres. Ni eau, ni légume ou fruit. Aujourd’hui seuls les cinglés du blues, des voyageurs blancs viennent écouter la musique noire. Le Mississippi se lit encore en deux couleurs. Black and White.

Les anciens bâtiments d'Hopson Plantation

Le jour s'étire dans une nonchalance sudiste. Marcher à pas de chat, sans but, pousser la porte du barber, prendre quelques photos du cimetière juste en face du Riverside Hotel. Ici même que Bessie Smith succomba à ses blessures après un grave accident de voiture. En 1937, l' «Impératrice du blues» quitte Memphis -Tennessee- pour Darling -Mississippi-. Ce sera son dernier voyage. Non loin d'ici, son chauffeur-amant- impressario emboutit un camion. Un médecin blanc est sur les lieux, lui prodigue les premiers soins et l’amène à l'hôpital Afro-American. Un bras presque totalement arraché, elle décédera dans la nuit. Une inconditionnelle de la diva Miss Momma Hill , achète et transforme l’hôpital en hôtel.

Riverside Hotel 

L'histoire du Riverside Hotel est l'histoire de Bessie, mais aussi de Muddy Waters, Duke Ellington, Sonny Boy Williamson et Ike Turner. Tous séjourneront au Riverside.

Nous marchons dans une ville vide. Pourtant toutes les nuits, un musicien gratte quelques accords, une chanteuse interprète un vieux standard. Diego, rasé de près, choisit le Red's Lounge. Un haut lieu du blues, l'antichambre de l'enfer. Un juke joint comme il se doit d'être. Une bicoque en bois, sans enseigne, sans fenêtre, sombre et louche. Ce soir, aucun musicien blues le barman endormi. Diego prend deux bières, jette 5 dollars sur la glacière et s'empare de la batterie.

C'était un des souhaits de Diego, se faire raser dans le Mississippi et jouer à la batterie. 

J'aime le Mississippi. Des magnolias fantastiques, des hommes qui portent encore des salopettes en jean's, les antebellums, le Grand Fleuve, les marais, la bière dark sur des musik blacks, les histoires de Tom Sawyer, une vraie nourriture métissée, les noms indiens, l'accueil des Mississipiens et Mississippiennes... si drôle à écrire pour une dyslexique.

Fleur de magnolia, l'emblème  du Mississippi
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quelques divas du blues 

Les femmes, ces blues women méritent plus qu'amplement cet aparté. Car si la vie était rude pour les hommes, que dire de celles des femmes. Sapée comme une diva, Sister Rosetta Tharpe en robe cocktail et guitare électrique, Big Mama Thornton chantait Houd Dod bien avant Elvis. De ces grandes dames il nous restent quelques enregistrements et peu de documentation, contrairement aux messieurs. Coup de gueule. Je pleure en cherchant des infos. Je trouve Mamie Smith, premier chanteur noir, ou Precious Bryant chanteur noir. Missis Robinson et Bryant vous étiez bien des femmes me semble t il.

Elles étaient féministes avant tout. Au tout début du XXème siècle, elles osaient exister, chanter, boire, danser, assumer leur sexualité. Etre libres malgré tout et avant tout. Elles avançaient, au sens propre comme au figuré, elles voyageaient, et quoique leur réserve leur destin, jamais elles ne se considéraient comme des victimes. Cora Fluker, Algia Mae Hinton, Bessie Smith, Ma Rayney, Koko Taylor..

La liste est longue. Le meilleur hommage est de les écouter, et de les re-découvrir. Puisse mon coup gueule être un écho pour que celles et ceux qui me lisent, réhabilitent ces divas du blues.

Petit clin d’œil à Mighty Mo Rogers pour le titre de cette étape


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Traîner nos guêtres dans l'Arkansas par un après midi lourd. Voilà un beau programme ! A 30 miles au nord de Clarksdale, nous passons le pont, la frontière entre le Mississippi et l'Arkansas. Helena a eu son heure de gloire. Et si le port était le principal lieu d’exportation du coton de l’Arkansas, le chemin de fer l'anéantit.

Le quartier historique autour de Perry et Cherry Street semble irréel. Les façades en bon état dissimulent mal les bâtiments brûlés, vides. Des plaques ferment à tout jamais des fenêtres. Un sentiment étrange plane, est-ce un décor cinématographique ou la réalité ? Helena attire des curieux du monde entier, c'est bien grâce au King Biscuit Blues Festival d’octobre et au légendaire Sonny Boy Williamson II, harmoniciste et chanteur qui anima un programme radio blues dans les années 1940. Sister Rosetta Tharpe native de l'Arkansas, jouait de la guitare électrique alors que Mick Jagger biberonnait encore du petit lait. Thanks Sister

Nous filons vers le nord, avec un bref arrêt à Mammoth Spring. Encore une petite ville "dans son jus". Comme à Clarksdale, les vitrines de la seule rue commerçante sont surannées, pourtant l'intérieur des magasins est très coquet.

Bye Arkansas

est-ce un décor cinématographique ou la réalité ?


Dans l'Arkansas, j'ai acheté deux topettes de bourbon du Kentucky.

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Alabama. Une chanson, un nom avec tout plein de A comme j'aime. Rien ne nous amène en Alabama, sinon une photo et le troc de plaques minéralogiques de Diego. Nous sommes à un jet de pierre de la maison natale d'Helen Keller. Née en 1880 dans une famille aisée, l'enfant devenue sourde et aveugle à la suite d'une congestion cérébrale à 18 mois, est la première personne handicapée à obtenir un diplôme universitaire. Romancière et conférencière , Helen Keller doit son salut à sa professeure Ann Sullivan, mal voyante également, qui jour et nuit a inventé des modes de communications, des trésors d'ingéniosités, de patience et d'amour.

Diego troque ses plaques minéralogiques avec Andy, le garagiste au revolver vissé à la ceinture. Andy vient me saluer et d'une franche tape dans le dos envoie "God bless you". Nous partons non sans un dernier détour dans un shop de déstockage. Nous quittons l'Alabama riches d'une plaque dédicacée et une veste kistchissime avec galons et chaines dorées.

Au fur et à mesure que nous remontons vers le nord, et laissons le Delta Blues les drapeaux américains fleurissent dans les cimetières, des jardins, les pelouses.

Cartes postales d'Alabama 
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Si tu savais, Elvis

Elvis for ever.. 

Une vieille chanson de Diane Dufresne me trotte dans la tête, cette chanson, c'est ma story. En 1975 avec son irrésistible accent canadien, Diane chantait :

"Si tu savais Elvis, tout c´que t´étais pour moé, Avec ton coq en six, Pis ta guitare chromée.

A 15 ans, je découvrais A l'Est d'Eden, James Dean et Marlo Brando, des posters Elvis placardés dans ma chambre et mes 45 tours en boucles sur mon tourne disque orange. Je rêvais déjà de Memphis, Tennessee. Tu étais déjà un "vieux" pour la jeune fille romantique que j'étais. Pourtant Mon premier French kiss sur Love me tender..C'est à toé que j'pensais...

Les filles du collège ne comprenaient rien, stupides midinettes qu'elles étaient. Moi je savais déjà. Tu étais mon Amérique, plus qu'une idole, tu étais mon King. T'étais ma vie, mon vice... T'étais tout c'que j'aimais...

J't'ai donné mes quinze ans. Ensuite j'ai faite ma vie. Mais j'ai gardé longtemps ta photo au-dessus mon lit.

Mais tu vieillis mal, Elvis, T'aurais p'tête dû mourir. Comme Marylin comme Janis... T'avais pas le droit de devenir cet homme obèse au regard avachi. T'avais pas le droit de sombrer. J'ai pleuré ce 16 août 1977 lorsque toutes les radios ont interrompu leurs programmes. Le temps a passé, j'ai grandi et... Pis un jour j'ai pris un charter, J'ai été à Las Vegas. Je me suis mariée avec Diego, dans une limousine blanche, ta couleur préférée. Des figurines et sosies grotesques salissaient ton image.

Nous sommes venus par la Natchez Trail, par les marais. Je me demande comment était ta minuscule cabane en 1935. Cette maisonnée blanche dépouillée est aujourd’hui un lieu de culte international. Toute la ville te rend hommage, fresques murales, statues, concerts. . Et même si tu as été accusé de spolier la musique noire, tu nous lègues un héritage fabuleux blues, gospel, rock et de déhanchés lascifs. Quel destin Elvis Aaron Presley. Quel destin !

Y s'en fait pu des mâles comme toé, Elvis...

Tupelo est une petite ville élégante. De larges avenues bordées de belles boutiques, des restaus, ni bazar, ni goodies, où parodies du King. Les jolies maisons de briques rouges ruissellent sous la pluie bien trop fidèle. Chaleureuse Lorraine, hôtesse du Visitor Center nous donne son numéro perso en cas de besoin. Le ciné Lyric joue "L'histoire vraie des 3 petits cochons". Le samedi matin, une course est organisée. Super organisée comme les font les américains, 1 heure après de départ, rien ne traîne dans la rue. Une ville qui ressemble comme une sœur aux films des années 50, une Amérique idéalisée. Même les gouttes d'eau sont parfaites.

L'incontournable : Blue Canoe - 2006 N Gloster St, Tupelo. Diner de beans et avocats grillés, choix de bières hallucinant, concerts, ambiance. Thanks à cet homme discret qui nous a offert bières et repas.

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Sur les rives du Grand Fleuve résonnent les légendes. Nashville, Memphis. Aux pays des Rois, des Kings. BB King, Martin Luther King, Elvis. Nous sommes dans le berceau du blues, de la soul et du rock 'n' roll.

Première soirée sur Beale Street sous un ciel chargé de haine. Qu'importe la pluie ! Nous sommes à Memphis Tennessee ! Yeeehhhhh ! Ancien axe majeur fluvial de commerce, Beale Street était reconnue être un coupe gorge. Les choses ont drôlement changé depuis les années 1930, la rue est "relookée" en attractions touristiques, à l'image de Bourbon Street de New Orleans. La police ceinture les accès et nous déambulons dans un vrai capharnaüm de sons, d'artistes et de gus déjantés. Même si l'ambiance manque d'authenticité et sonne -souvent- faux, c'est bon enfant, et amusant.

Je vole
Aux couleurs de Memphis 
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Beau, jeune, riche, célèbre ! Pour le talentueux Elvis Aaron Presley, la vie est un éclat de rire, de musique et de soleil. 22 ans à peine, il s'offre le manoir de Graceland, l'aménage et emménage avec sa famille, Priscilla, sa maman Gladys. Memphis est, et restera, la ville du King. Fans ou non, des milliers de visiteurs se pressent chaque jour. J'avoue être surprise par la taille presque humaine de la demeure. Spacieuse mais pas démesurée. Le mur d'enceinte n'a rien d'une citadelle. Visite guidée avec audiophone en français, nous apprécions. La maison semble encore habitée, rien n'a changé, tout est prêt, la table est mise. Je retrouve avec nostalgie le kitsch des années 70, moquette au plafond et grand salon blanc. Le premier étage est fermé à la visite. Le monsieur dans mon oreillette explique que personne hormis ses proches ne montait au premier étage. C'était son havre de paix. Mais la maison était toujours pleine de monde, d'amis, de la famille, de musiciens, la fiesta ! Le King aimait cuisiner, regarder ses trois TV, curieux de tout comprendre. Graceland est un concentré d'expos, de musées, disques, tenues de scènes, des musiciens qu'il a inspiré, les écuries, les voitures et motos, les 2 avions transformés en palaces.

Un Roi est un Roi. Une envie subite de sandwich au beurre de cacahuète et Elvis s'envole pour Denver, achète son péché mignon, et revient. Carburant pour le vol, 16 000 dollars aller retour + Sandwich 18 dollars. Total 16 018 dollars !

Dans l'intimité du King 

Elvis créa son fameux éclair et logo TCB en 1970, pour illustrer sa devise "Taking Care of Business"- prend soin de ton travail-, et l'éclair pour la rapidité. Le même éclair qui barrait les visages de Kiss et David Bowie.

Rien ne salit , rien ne trahit la légende. Le King est beau, créatif, souriant, amoureux, doué. Aucune photo de visage bouffi de ces dernières années.

Sur la tombe d'Elvis, je reste un petit moment. Sans doute l'effet de la foule, je me sens un peu étrangère au recueillement. A des années lumières de la tombe de Robert Johnson.

Le film "Elvis et Nixon" relate la rencontre de ce 21 décembre 1970 entre le rockeur et le président des USA. Le “King” souhaite devenir un agent infiltré du bureau des narcotiques et drogues dangereuses. Un bijou cinématographique.


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Autre lieu emblématique de la ville est bien sûr le Lorraine Motel, là où Martin Luther King, l’apôtre de la non violence fut assassiné le 4 avril 1968, au balcon de la chambre 306.

Martin Luther King et son épouse Coretta - Chambre 306 du Lorraine Motel 

Dans les années 1950, tout proche des studios d'enregistrement Stax, le Lorraine Motel était l'un des rares lieux du sud des Etats-Unis où les artistes noirs étaient accueillis, acceptés et attendus. Louis Armstrong, Cab Calloway, Nat King Cole, Aretha Franklin, Otis Reddin puis des athèles, des hommes politiques dont le charismatique Martin Luther King.

Après son assassinat en 1968, le motel devient Le Musée des Droits Civiques. Un lieu incontournable qui remonte aux origines de l'esclavage, le marché triangulaire, la traite des noirs et la ségrégation, les combats menés par Martin Luther King, et les violences infligées. Des films, des extraits de discours, reconstitution des bus brûlés, et la grande marche de ces éboueurs en grève à Memphis, en 1968, brandissant cet unique slogan «I am a man ». Un hommage à Rosa Park. Le musée est magistral, je sens très mal à l'aise. Je sors dans lumière impeccable d'un ciel lavé de toute honte. 2019 rien de semble bouger. A quand un monde réellement égalitaire ?




Walter Bailey achète et baptise Lorraine Motel pour Loree son épouse qui fredonnait si souvent «Sweet Lorraine». 

"Green Book : Sur les routes du sud". Film magistral. 1962, un pianiste de renommée mondiale engage un chauffeur blanc pour le conduire et le protéger dans sa tournée dans le Sud ségrégationniste. Le fameux Green Book, petit livre des adresses recevant les personnes de couleur, comme le Lorraine Motel.

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Nous remontons le Tennessee vers Saint Louis, lorsqu'un arrêt s'impose à Lynchburg exactement. La patrie du fameux Jack Daniel's ! Pas peu fier de la célèbre eau de feu du Tennessee, la fabrique est indiquée aux 5 coins du pays, pas de doute "Jack is here" ! Une petite ville dédiée à ce breuvage où est ce l'inverse ? Si la fabrication est la même que tous les whiskies du monde, ici elle se démarque par la filtration sur une couche de 3 mètres de charbon de bois d’érable. Jack n'est "ni du scotch ni du bourbon" ! Nous arrivons trop tard pour la visite de deux heures - uniquement en anglais -, de plus nous avons encore pas mal de route à faire pour arriver chez nos hôtes de Nashville. Alors nous shoppons de babioles en tee shirts sous un ciel terriblement grognon. Diego m'offre un bouteille vendue uniquement ici, à Lynchburg. La même que nous retrouverons au bar de notre Irish pub chéri de Metz. No comment.


Jack
C'est ici que tout se passe 
la ville se vide
la tête tourne
“It’s not Scotch, it’s not Bourbon, it’s Jack”  

Jack Daniel's est située dans le dry county - comté sec - de Moore, est soumis à une loi d'interdiction de vendre de l'alcool. Il y est possible de fabriquer de l'alcool, et profiter d'une "visite améliorée" des lieux en sirotant un verre de... limonade mais aussi d'acheter une bouteille pleine parce que "c'est le contenant qui est vendu et non son contenu" dixit un vendeur de la boutique de Lynchburg. Mais jamais Ó grand jamais, Ciel my God ! de vendre d'alcool.


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Si Memphis est une ville sympa, sa grande sœur Nashville est un modèle. Elle est Ze City plus. Plus de charme, plus de beauté, de fun, d'espace, d'arbres... Un réel coup de foudre pour la capitale du Tennessee, de la country, et des boots. Soirée au BB King Blues Club une chaîne de restaurants, bars, clubs de musique live. Une journée à traîner, se délasser, aller où le vent nous mène. Et le vent nous mènera au détour d'une gare transformée en hôtel de luxe, et sur le décalé Barbershop Harmony Society, une société fondée pour promouvoir et préserver la musique du barbier en tant qu'art. Les guitares poussent dans tous les secrets de la ville. Un saut à Opryland, l'ancien parc à thème sur devinez quoi... bravo la musique. Fermé définitivement en 1997, c'est aujourd’hui un immense centre commercial et un palace de 2888 chambres digne de Las Vegas. A quelques pas, le musée Willie Nelson, ce grand monsieur de la country. Boots et aux longues nattes .

Nashville 


My boot 


Guitares et policiers


Hôtel de la gare 


Bye Nashville ! 
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Johnny Cash, man in black

"L’homme en noir chante les légendes tristes et dignes d’hommes effondrés dans le caniveau qui finissent toujours par se relever".

Arkansas 1932. J.R. Cash grandit sans prénom, que ces initiales. Famille nombreuse et pauvre, J.R. est réquisitionné pour travailler dans les champs de coton. Comme tous les petits sudistes blancs, il sera bercé de blues et gospel. Première guitare, première radio à 12 ans. Guerre de Corée, l'US Air Force le nomme John, puis son producteur Johnny. Il perd l'usage d'un tympan. Le succès, les excès, les concerts dans les prisons, Cash se démarque par une voix incroyable de baryton et ses costumes noirs, aux antipodes des paillettes de la country. Ingérable, accroc aux drogues dures, un divorce. Une vie à l'image de ses chansons. Tourmentée, rebelle, triste parfois. Johnny tombera 20 fois dans le caniveau et se relèvera 21, tel un phœnix. Je ne connaissais pas vraiment Cash. Une voix, quelques standards sans plus. J'ai découvert et je suis accro. A écouter sans modération.

Nous quittons Nashville, regrets au cœur mais des boots aux pieds. Nos hôtes étaient charmants, leur maison un univers très cosy hésitait entre souvenirs et avenirs. Le micro minet est en fait un très vieux chat. Bluffant, comme cette ville.

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C'est un tout petit bout de Kentucky, Land between the lakes. La terre entre les lacs, est une jolie route panoramique qui se faufile entre le Kentucky Lake et le Barkley Lake. Un terre d'espace, de bisons et de chevaux sauvages, dans mon imaginaire seulement ou peut-être au siècle dernier. Peut importe, la journée est belle, le temps est encore radieux, un raton laveur m'observe avec attention. Nous nous arrêtons dans un dans un repère de pêcheurs, une maison de bois et de poésie, de bric à brac, d'histoires de gros poissons, de crues et de filets et d'hameçons. Lorsque je saisis la cafetière pour nous servir, le patron me la retire des mains et prépare du café frais et fort. Il refuse d’être payé. Encore l'hospitalité, l'accueil sans pareil du Vieux Sud. Plus loin, dans la petite cité de Paris, trône une mini Tour Eiffel.

Paris, Paris 

Nous dormirons à mi chemin entre Nashville et Saint Louis, à Paducah, nom donné en hommage aux indiens Padoucas. 50 nuances d'histoire de la ville coulent tout au long de la rivière Ohio. Ludique et colorée. Le downtown est - hélas - déserté, vraiment dommage, car les bâtiments sont vraiment très beaux. Encore une fois, nous sommes dans un décor parfait de cinéma.

50 nuances d'histoire
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Un nouveau blues, une nouvelle route, d'autres clichés. The Mother Road. Nous la connaissons bien pour l'avoir fréquentée à plusieurs reprises dans l'Ouest. Nous l'avons faite par étapes, comme il se doit, d'Amarillo au Texas à Santa Monica en Californie, à notre allure d’escargot. En 4 voyages... Elle mérite bien cela, Ze Mother. Elle n'est pas facile et se perd souvent, se prend pour une star, se fait désirer. Mais quel Graal de la retrouver, ses gaz stations et fresques murales. Dans l'ouest des USA, immanquablement, un moment ou un autre, nous la croisons Ze Mother Road. C'est pour cela que c'est la "Mother" la vraie, la seule, la légende"! Il ne manquait que le début de la 66 à notre trip de pointillé.

Une pause le temps d'un passage de train, d'une centaine de wagons, d'un croisement de fantastiques Kenworth, d'un panneau Pacific Cuba.

Premier arrêt à Cuba, la ville aux 18 églises pour 2 200 habitants, soit 122,2 fidèles par paroisse. Comme Vickburg et Lynchburg, l'histoire se dessine sur les murs.

De grandes fermes de bois, stations services, une surperbe Airstream, images de voyage, d'une route qui défile. Visages d'Amérique

Les petites villes du Missouri sont parfois tristes aussi. Derrières les façades aux sourires d'artistes, des rues aux maisons de bois s'étirent dans une monotonie grise.

L'espoir, Dieu, la foi et Jésus, king of the road. Nourritures spirituelles et nourritures terrestres.

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Le temps est salement moche. La 66 défile sous nos yeux, terne. Les villes se ressemblent comme deux averses, les champs sont inondés. Soudain, en face de nous, une famille Amish en carriole. Leur village est à leur image, simple et austère. S'ils refusent le progrès, ils visitent parfois le pays. Nous les avons croisé endimanchés à Opryland près de Nashville.

Au coeur de Witness 

Nous remontons vers Springfield. Le visitor center de la route 66 d'Eureka est très bien documenté. Le bout de route est d'origine avant que la 66 ne soit goudronnée. Hélas, l'accès au pont est fermé pour travaux de réfection.

Le temps est de plus en plus inquiétant, des alertes météo se multiplient. Nous arrivons à Springfied- Missouri avec l'aire du King, Jésus.

Dans la ville noyée de pluie, difficile de se repérer et trouver un endroit pour dîner. De guerre lasse Diego se gare sur un parking, pile poil face au Krave. Bière, pizza croustillante et même concert. Jesus est vraiment le king of the road!

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Saint Louis la mythique ! Je rêve... Diego me pince toute la soirée. Juste une nuit, c'est si court et déjà l'envie de revenir.

Elle est posée comme un reine aux confluences du Mississippi et du Missouri. Sur l'eau des fleuves, sous l'eau du ciel. Fondée par des trappeurs français, elle porte le nom de notre bon Roi IX et recèle bien des trésors. La Gateway Arch -192 mètres de haut - des années 1960, commémore les expéditions de Lewis et Clark au début du XIXe siècle. Par chance notre somptueux Hôtel Lumière est juste en face. La Gateway Arch est surprenante, belle, intrigante. Je ne me lasse pas d’admirer ce chef d’œuvre architectural. Mais nous sommes là pour une nuit étape, et pas le temps de grimper en haut, ni de se traîner à ses pieds. Notre quartier est vraiment typique, des ruelles tourmentées, des maisons de briques rouges, le tout digne d'un film de la prohibition.

Vues de notre chambre - notre suite - d’hôtel. Le brouillard de plus en plus opaque, la nuit, la pluie. Le somptueux Mississippi quelques heures plus tard charriera des branches d'arbres et multiples détritus. Je l'avoue, j'aurai pu rester des heures à contempler la montée du fleuve, allongée dans le lit de la chambre.

Saint Louis, petite sœur de Chicago avait tout pour elle, plus que Chicago même. Elle misa sur le transport fluvial alors que Chicago misa sur le ferroviaire. Mauvais choix. La suite est que Chicago devint la vraie capitale, la Ville ou tout se créé, la méga cité. Saint Louis ne manque pas de charme pour autant.

Le National Blues Museum est au bout de la rue. Suivre un chemin, une rue et être juste au bon endroit au bon moment. Çà c'est du blues, du pur. Sur une petite scène un groupe enchaîne des standards. Toute la soirée, les groupes pros ou amateurs se succéderont pour le prix d'une consommation. Le Musée est ouvert, gratuit ce soir, la visite simplement... géniale. Des photos, des instruments de musique, l'histoire du blues se dessine, s'écoute, se vit, se vibre.

Un soir à Saint Louis 

Et si vous ne passez pas à Saint Louis dans les prochains jours, suivez le lien https://www.nationalbluesmuseum.org/

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Ultime étape de la Mother Road et pas des moindres, puisque celle ci nous mène droit à la prison de Joliet. Les petites villes portent des noms célèbres : Pocahontas, Lincoln, Pontiac. Mignonnes à craquer. Tres américaines comme dans téléfilm M6. Rétro kitch. Lincoln a un air de retour vers le futur. La pluie nous chasse du Mémorial. Une ancienne gaz station fait la belle à Dwight. Toute la pluie tombe du ciel à Hamel mais le Weezy's est un chouette endroit où se sécher les plumes.

La 66 est la première route goudronnée à traverser les États-Unis d'Est en Ouest. Un ballet incessant de camions, voitures, caravanes, motos la parcouraient dans les deux sens. Imaginez une nationale un weekend de chassé croisé d'été. El camino de la muerta, la route du dernier espoir, cela aussi était la Route 66. Les arrêts mythiques où manger, dormir, se restaurer poussaient comme des champignons. Beaucoup d'entre eux fermèrent dès l'ouverture de l'autoroute. Mais certaines adresses résistent vaillamment et sont devenue cultissimes. Le Dixie, le Cosy Dog de Springfield et sa spécialité, le beignet de saucisse, Ariston.

Tout au long de la 66 

Les Rolling Stones chantent dans les rues de Pontiac - du nom du chef indien Ottawa et non de la marque automobile -. Les fresques colorées vantent les mérites des pompiers ou des sodas.

Joliet correctional Center était la plus grande prison des Etats Unis. En 2002 devenue trop vétuste, trop petite, elle referme ses portes sur ce passé peuplé de malfrats de Chicago et d’exécutions à la chaise électrique. Le bâtiment néogothique est bien connu des fans des Blues Brothers et de Prison breaks et c'est bien l'unique raison que nous lambinons un jour de grisaille sur le parking d'une prison désaffectée.


Joliet prison blues 
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Chicago ! Chicago ! Absolument saisissant d’être ici. Tout est comme au cinéma, mais plus grand, plus fort, plus froid. Encore une sensation de rêver. Une ville pareille existe. Le Loop,- la boucle -, est le quartier des affaires, des tours vertigineuses, théâtres, magasins et innombrables Starbucks. Comme dans les canyons de l'Utah, je me sens minuscule. Je me décroche la nuque à regarder une bande de ciel découpée au couteau. Ce ciel si changeant. Bleu, gris, noir, blanc. Toutes les saisons en une journée. Le vent s'engouffre dans les rues, cinglant. Entre deux averses subites, un rayon de soleil fait une entrée triomphante et éphémère. Des tours vertigineuses surgissent du macadam. A chaque pas, nous découvrons de nouveaux chefs d’œuvres de verre et d'acier. Toujours l'envie d'aller plus loin, au bout de la rue, à bout de fatigue et d'émerveillement. A 412 mètres du sol, au 103ème étage de la Willis tower, la Skydeck, nous dominons la ville. Les lampadaires resteront allumés toute la journée. A l'est le Lac Michigan, grand comme une mer, borde la cité fantastique.

Canyons urbains 

Je suis une légende, le building glaçon, la Tower Trump

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C'est un immense Park entre la ville et le lac Michigan, bâti sur des anciennes voies ferrées. C'est du vert, des oiseaux, des concerts, des œuvres d'art à ciel ouvert. La Cloud Gate, la porte des nuages surnommée familièrement le Haricot, ze bean. Une sculpture d'acier inoxydable de 10 mètres de haut. Nous jouons avec nos reflets glacés et déformés. La Crown Fountain voisine, 2 tours de granit noire où les visages géants de chicagoans se font face et s'expriment. Plus loin, le pavillon Jay Pritzker, formidable amphithéâtre de 4 000 places assises plus 7 000 places debout. Nous ne traînons pas. Le froid, le vent nous poussent jusqu'aux rives du Lac Michigan pour une unique photo. Chicago, ville des vents, tu es bien trop froide.

Au Millenium Park

Imprévisibles, les fresques s'affichent au fond d'un parking, d'une ruelle où d'une cour.

La multitude de couleurs tranche parfois avec le ciel ..

John Primer ! Arrive enfin le concert tant attendu réservé sur le net depuis 3 mois. John est un bluesman, un vrai Chicagoan qui se produit dans les petits clubs. Diego piaffe d'impatience, nous prenons le bus et nous sommes les "primers" ! Bien avant le concert. Le temps d'un super restau mexicain au coin de la rue. Rencontre avec John. Charmant, simple, fun. Ravi de parler aux frenchies venus just pour lui. Sur les deux scènes du Kingston Mines, les concerts se succèdent. On peut manger, boire, danser et une fontaine à eau gratuite, et là bravo les ricains ! Une adresse incontournable qui en vu d'autres, de Koko Taylor à Bessie Smith ou Muddy Water.

Rencontre ze artist
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EL 

"EL" est surnom du métro de Chicago. Un must de la ville, un incontournable comme la Tour Eiffel à Paris où le Golden Gate bridge à San Francisco. C'est un voyage aérien entre grattes-ciel ultra modernes, banlieues calmes, chics ou délaissées. Les huit lignes sont des couleurs : blue, marron, orange, green, purple, red, pink.... J'avoue l'avoir mitraillé de mon canon, (lol) tellement il est comme dans les films, les séries US avec les sirènes hurlantes de police ou pompier.

Le El, métro de Chicago 

Entre bourrasques de vents et pluies soudaines, nous visitons le Institute Art of Chicago, musée magistral, histoire des cultures de l'art, anciennes et moderne. Une journée suffit à peine. Au détour des rues, ces quelques clichés. Un antique et honorable Mac Do, un théâtre, et pour Lau, une des nombreuses médiathèques, sans cigarette, ni flingue. Pour la journée mondiale de la pizza, un tour chez Giordano, là ou prend naissance la 66. Sa pizza culte cuit dans son moule est une grosse quiche. Le début de la Mother Road chez Lou Mitchell, est à peine indiquée.

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Au pays des grandes plaines et terres lointaines, le mythe Harley Davidson désarçonne les cavaliers des mustangs sauvages. A défaut de chevaucher la belle mécanique, nous visiterons le musée de Milwaukee, à environ 100 miles de Chicago en empruntant l'Amstrak. L’Union Station des Incorruptibles est vide, ou presque, pratique pour les photos, un peu surréaliste pour nous, frenchies, coutumiers des gares. L'Amstrak est aussi légendaire que Harley Davidson, et je suis ravie de grimper dans la grosse machine.

Union Station de Chicaho à Milwaukee 

Le musée HD est hyper ludique, nous apprenons, découvrons tout plein de choses. Au début du siècle dernier, Bill Harley et les frères Davidson inventent, innovent et lancent un premier vélo à moteur, des motocyclettes, des tandems, bien évidemment des grosses cylindrées. Nous pouvons même en essayer une... scellée au sol. Aucun risque inutile. Aux murs, des extraits de films. Le cinéma et HD est d'un amour invincible. J'ai même composé symphonie vrooom vrooom vrooomm avec les différents moteurs sur un mur interactif.

America legends. Train, Harley Davidson et bus .

Ultime promenade dans "notre" quartier tranquille avant un dernier concert. Nous flânons, le temps est doux, nous respirons chaque instant.

Un quartier sweety comme un gâteau du dimanche

Concert au Rosa's Lounge, une scène blues excentrée de la ville mais proche de notre Airbnb. D'ailleurs, le bon plan vient de nos hôtes musiciens dans l’âme. Une petite salle, un bar, des bluesmen du cru et une ambiance aux accents rocailleux. Belle adresse pour une soirée.

Du blues, du blues, en vl'à et c'est du vrai...

Une adresse hors des entiers battus. Rosa's Lounge https://rosaslounge.com/index.cfm


Notre road trip s'achève. Merci à vous qui êtes passés par là, lecteurs et lectrices de ce blog, aux rencontres au long du Mississippi, sur la route, amis de passage, ouragans et minis tornades aussi. A nos hôtes de Memphis, Nashville et Chicago et à leurs félins rouquins les Cat's blues. Et à Diego de ce fabuleux blues trip.

Isabel and Diego

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Avant propos : le style change.. mais je participe!! soyez indulgent(e)

Etudiant, j’ai collé quantité d’affichettes dans les magasins de l’agglomération nancéienne pour me faire un peu d’argent de poche et avoir libre accès à de nombreux concerts moyennant des distributions de tracts à l’entrée.

C’est ainsi que j’ai pu participer entre autres à un show de James BROWN au parc des expos de Nancy

Une histoire de vie singulière..« Figure majeure du Rhythm and Blues, James Joseph Brown,Jr est confié assez jeune à sa tante Honey qui dirige un bordel. La famille étant pauvre[], le jeune James l'aide en ramassant du coton chez les propriétaires environnants ou en cirant les chaussures dans le centre-ville. À 15 ans, il commet une attaque à main armée pour laquelle il est condamné et incarcéré dans un centre de détention juvénile au Camp Toccoa en Géorgie. C’est pendant son séjour en prison qu’il fonde un groupe de Gospel… »

Finalement, j’ai découvert le blues assez tard et de manière indirecte, grâce à la fréquentation de médiathèques et surtout celle de PONT A MOUSSON avec son rayon 3P…

c'est Lui qui le dit... 

Mais au fait, connaissez-vous le blues ??

On distingue en fait 3 styles principaux de Blues

Le blues traditionnel ou « Delta Blue »

On appelle “Blues traditionnel” toutes formes acoustiques du blues. Ce qui nous intéresse, c’est qu’il est particulièrement joué avec des instruments à cordes, et particulièrement de la guitare.

Le Chicago Blues

Le chanteur de blues, à son arrivée massive à Chicago, seul avec sa guitare, rejoint alors pianiste, bassiste et batteur et rajoutera parfois à leur orchestre les instruments cuivres, principalement l’harmonica..

Ce qui caractérise aussi le Chicago Blues, et qui le rend essentiel, c’est l’apparition de la guitare électrique.

Le Blues Rock

Le Blues Rock est apparu dans la foulée des grands personnages du blues moderne étasuniens, telles que BB King ou John Lee Hooker.

C’est en fait le style précurseur du rock. La plupart des grands groupes de rock et des guitaristes et figures mythiques des années 1960 et 70 s’en sont inspirés.

Les Mountain men

Mountain men (groupe français) 

Rencontré à 3 reprises, chez Paulette à PAGNEY DERRIERE BARRINE notamment en novembre 2012 (comme ils aimaient le dire d’un air moqueur), à la frontière luxembourgeoise, pour un concert presque privé, tellement cette petite salle paraissait grande.. Blues rythmé, joyeux et intime avec de belles reprises d’anciens répertoires également

B.B. KING à la Rockhal en juillet 2011 au Luxembourg

on ne le présente plus... 

eh, oui, il a rencontré les plus grands…

Souvenir d'une poignée de main inespérée et inoubliable à la fin de son spectacle à la Rockhall au Luxembourg, lors de son retour en coulisses, les yeux dans les yeux, comme s’Il savait que c’était un de ses derniers concerts..

On ne le présente plus, mais pour en savoir un peu plus : « B. B. King, (de son vrai nom Riley B. King)- 1925/2015, guitariste, compositeur et chanteur de blues américain, est considéré comme l'un des meilleurs musiciens de blues, de son époque qui a eu une influence considérable sur de nombreux guitaristes. Il est, avec Albert King et Freddie King, un des trois « kings » de la guitare blues. »

John PRIMER

à Chicago en Mai 2019... 

Au hasard des rayons de la médiathèque de Metz..

La chance de l’écouter « en live » pour un concert repéré et des billets achetés sur le net, pile dans les dates de notre séjour à Chicago ( en mai 2019)

John PRIMER, très abordable, souriant, s’est prêté à une séance d’autographe sur son dernier CD et sur la salopette de ma bien-aimée, ainsi qu’une série de photos. Mélange de différents rythmes de slows à emballer ta pépée..

«Né en 1945 au Mississippi, John Primer, est un guitariste, auteur compositeur et chanteur de blues américain. Force puissante de la scène blues d’aujourd’hui, sa guitare virevoltante fait toujours des étincelles dans les bars club de Chicago.. »

Mighty MO RODGERS : Blues is miracle..

rencontre improbable en plein centre-ville de METZ !! le 17 juillet 2019.

Encore une découverte médiathèque..

Nous avons pu participer à un de ses concerts à Sélestat en 2011 dans une petite salle après une séance privée de dédicace à la médiathèque de la ville..

Tel un scorpion à l’affût, j'épiais durant des jours ces nouvelles dates de concerts en France ou à Chicago. Que nenni. C'est dans les rues de la bonne vieille ville de Metz , par un après midi d’août que Mo trimbale sa barbe blanche entre un festival au Luxembourg et Cognac.

Rencontre improbable, ça aussi c'est le blues.

Quelques mots échangés, quelques photos de cet homme sans doute un peu flatté d’être reconnu au milieu de ces piétons messins pressés. Un regret, de ne pas l’avoir invité boire une mousse à l’Irish Pub !!

« Le Blues est l'âme de Mighty Mo Rodgers. Un blues, teinté de soul, porté par des tempos d'une efficacité redoutable, sur lesquels il pose, avec bonheur et d'une voix éraillée, des textes toujours empreints d'une grande humanité. »

Archie LEE HOCKER

une belle famille.. 

Je l’avais loupé un samedi à la médiathèque de Pont à Mousson mais je savais qu’il habitait en lorraine. Une première rencontre au retour d’une rando en Meuse, lors de la fête de la musique, tiré à quatre épingles avec chaussures vernies étincelantes à se voir dedans .. Ne s’appelle pas « LEE HOCKER » qui veut…

Au 112 à Terville en février 2019, pour une soirée détente et chaude. Artiste là aussi très abordable, du bon blues comme j’aime !!

Fred CHAPELLIER - 2 concerts, octobre 2012 au 112 et avril 2015 chez Paulette

une pointure 

Artisan de la six cordes, c’est un guitariste et chanteur de renom ; il se produit très souvent en Lorraine. C’est un artiste simple qui emporte son public dans le rythme de sa musique.. un grand nom du blues à re-découvrir !!

Joe ROCHA alias « Slow Joe » - concert en mars 2015 à Dijon

Découvert aussi par hasard, j’ai eu la chance de le voir sur scène avant qu’il ne disparaisse..

« Né à Bombay, visage buriné par une vie chaotique, il avait connu une trajectoire rocambolesque qui lui avait fait rencontrer un étonnant succès au soir de son existence grâce à son goût du blues et du rock américain.

En 2007, il croise Cédric de la Chapelle à Goa (Inde), qui joue quelques accords de guitare ; c’est alors que Joe Rocha, bercé par la musique nord-américaine depuis sa plus tendre enfance, chante… »

Neal BLACK et Manu LANVIN

chez Paulette en septembre 2013 - Ambiance petite salle

Paulette a 90 ans !!! Une vie presque entière derrière un bar, passée du ballon de rouge au demi de bière, de l’accordéon à la Stratocaster, Paulette est une icône, une mère pour plusieurs générations de fêtards et d’amateurs de rythmes endiablés. En retraite, vivant au-dessus de son bar, Paulette n’en entend pas moins toutes les pulsations.

Ces deux musiciens se sont associés le temps d’une tournée : Paris Texas Tour.

L’un américain, l’autre français

Neal Plus de 25 ans que Neal Black, originaire de San Antonio (Texas) parcourt le monde avec son groupe « The Healers » Neal Black fait évoluer son incroyable et impressionnante technique guitaristique qui le situe parmi les plus talentueux musiciens oscillants entre blues et rock.

Manu Il a pris la guitare comme instrument car c’est facile à transporter, dit-il. Cela lui a permis de voyager et de rencontrer ses maîtres jusqu’au fin fond du Texas. « J’adore le blues. Cette musique est très animale, très impulsive. C’est la musique de l’âme. Il fait partie de mon langage. J’aime l’énergie qui se dégage sur scène » confie-t-il volontiers.

Johnny WINTER à la passerelle à Florange en novembre 2012

Blues blanc. Personne n’aura incarné mieux que lui ce pédigrée.

Quel drôle de guitar hero, cet alien anémique aux longs doigts osseux, au Delta orthodoxe mais au Chicago blues égocentrique, qui prétendait n’avoir jamais su manier une Strato

“Il était très diminué, n’avait presque plus de voix, manquait de souffle, ses musiciens faisaient attention à ce qu’il ne tombe pas”, témoigne un spectateur de Cahors, où Johnny Dawson Winter III fit sa dernière affiche le 15 juillet 2014. Le lendemain, il passait le manche à gauche dans un hôtel de Bülach, près de Zurich.

Que reste-t-il de ses amours ? 200 kilos de limaille de bottleneck, un long solo qui dure 70 ans, une bonne vingtaine d’albums dont le dernier sort en septembre 2014 (Step Back), un délit de faciès et un mythe biscornu qui donnent au blues une gueule prodigieuse. Et une fidélité exemplaire pour avoir produit les derniers albums de Muddy Waters sur son label Blue Sky, à partir de 1977, ouvrant une magnifique fin de carrière à l’homme du South Side.

Popa CHUBY à Nancy en avril 2014 pour un concert à oublier très vite

Démarrage pile à l’heure, aucune communication avec le public et aucun rappel possible puisque dès la fin de sa dernière chanson, la lumière s’est rallumée..Froid et sans ambiance