L' invitation au voyage à deux inconnues.
Mars 2018
20 jours
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Death Valley Jonction - Mai 2017

C'est une histoire comme je les aime, un début de roman, un signe du destin. En mai 2017, je traine une nouvelle fois mes rêves arc-en-ciel dans la Vallée de la Mort, désert éternel, somptueux. Je reviens pour dormir à l'Amargosa Opéra House, où la passion explose dans la danse, la peinture, l'amour et la lumière. Je reviens pour retrouver l'enchantement d'un précédent voyage. J'étais tellement magnétisée par ce lieu, par la vie de Martha Becket, ballerine d'Opéra qui vécut 40 ans dans ce désert, que j'en écris un roman. Lorsque j'arrive à l'Amargosa, Cat et Pierre - couple français expat à Phoenix - ont déjà fait leur rando et s’apprêtent à visiter le théâtre peint. Je leur parle de Martha, et offre mon petit bouquin. Quelques temps plus tard, Cat m'invite à Phoenix pour une virée à deux inconnues. Un simple micro décalage d'une petite heure, chacun, chacune aurait repris sa route. Mais la rencontre était écrite. Magie de l'Amargosa. Magie du désert. Magie de cet endroit précis sur terre où je veux être.

J'arrive à Phoenix un soir de mars, mon avion a pris pas mal de retard, et le vol sera remboursé presque intégralement. Cat m'attend, patiemment, à l'aéroport de Phoenix. L'accueil est surréaliste, les douaniers sont charmants, pas de file d'attente interminable, de fichage. Pour mon premier vol en solo les conditions sont idéales. La journée fut longue, demain est un autre jour, demain nous ferons connaissance. En souhaitant l'une et l'autre que le feeling soit au rendez vous.

Le courant est passé tout de suite, avec Cat, avec Pierre. Nous avons sillonné les alentours, et mon premier bivouac dans l'Arizona... si ce n'est pas la first classe !

Cat m'a guidée dans la culture américaine, que je ne connaissais qu'en road trip, vu de l'extérieur. Dans des randos botaniques et cactées, des villes de poussières. Je frôlais les ailes des anges de lui faire découvrir Sedona, White Sand, Hoolbrok. Le ciel chagrin bouscula nos plans. Adios Pueblo d'Acoma, Bisti/De-Na-Zin, Carlbad Carven, Anza Borrego.

J'offre ce carnet aux rencontres, à l'inconnu, aux voyages.

A Diego

Sur la route.. 
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C'est une dust road, une route de poussière aux paysages emblématiques de l'ouest. Elle se faufile à travers les Monts de la Superstition, se griffe aux cactus d'une ghost town, se rafraichit au barrage Théodore Roosevelt. Impassible malgré le temps qui passe, les ruines du peuple Salado, surplombent l'impassible Tonto National Monument.

Arizona dreams 
Comme des poings levés, cactus révolution !
Ruine des Indiens Salado, peuple des falaises 
Ambiance à travers les Monts de la Superstition 
 Far West , le cactus, le drapeau, le saloon
Les 10 commandements du cowboy  - Une bière dans la chaleur du désert
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Fresques murales à Gallup

Lumineux, lumineux Nouveau Mexique comme l'écrivait le génial Edward Abbey. Les romans ne sont que des histoires, qui n'engagent que ceux qui les croient. Pour mon second voyage dans ces terres hostiles, la pluie me suit, me précède. Cat d'un éternel optimiste charge la voiture de tentes, couchages et provisions.

Notre destination est Sky City, le pueblo perché dans les nuages à une cinquantaine de miles à l'ouest d'Albuquerque. En ce mois de mars, le pueblo ne dévoile sa tragique histoire que les week-ends de beau temps. De Sky City nous avons aperçu le panneau routier sanglotant de grosses gouttes glacées.

Ôtez moi un doute.... Mac Cartys, Grants.. Nouveau Mexique ou Irlande ? 

Un peu d'histoire

Acoma est «Le peuple du rocher blanc ». Au 12ème siècle, les indiens bâtirent leur village au sommet d'une mesa. Perché à 110m, la forteresse des nuages, semble au-delà de la folie des hommes. Rien n'est invincible au sanglant gouverneur Juan de Onate. En 1599, sur son ordre, les villageois furent massacrés, les hommes et adolescents mutilés, bras ou jambes amputés.

1629, des moines franciscains édifièrent la mission San Esteban. Elle demeure une des plus ancienne église. Acoma Pueblo est aujourd’hui un centre culturel, d'héritage et de mémoire indienne ou résident encore une cinquantaine de villageois. Je rêvais tellement du pueblo in the sky, l'église San Esteban au nom prédestiné. Acoma gardera son mystère. Sous la pluie et la neige fondue nous abandonnons notre beau projet de bivouac. La tente et le matériel de camping ne bougeront pas du coffre de la voiture. Heureuse rencontre des jours pluvieux dans un village Zuni, deux indiennes travaillant les pierres de turquoises, lapis lazuli et autres. Le temps de nous réchauffer devant un poêle à bois et quelques emplettes, nous partons pour Gallup.

Au pueblo Zuni, de la chaleur, des sourires , des couleurs

Sur la Route 66, nous trouverons bien un motel. La 66 reste la Mother Road, l'ancrage, le repaire de cette Amérique encore sauvage. Je jubile de faire découvrir "mes adresses" d'un précédent road trip. Le Wigwam Motel de Holbrook et El Capitain Motel, histoire de sécher nos plumes pour la nuit.

Le mythique Wigwam Motel Holbrook et El Rancho à Gallup
Shopping  dans un magasin de peaux, ceinturons et santiags.
Un indien dans la ville, un Bud à l'arrière du pick-up 
Tombe la pluie 
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Des missions tout plein par delà les routes et les chemins. Des caminos d'anciens voyages aussi, mais Dieu que ces églises sont belles et méritent le haut de l'affiche. D'adobe, ocres et blanches. Les immaculées du Nouveau Mexique, Laguna à Casa Blanca et San Xavier del Bac, la catholique espagnole de Tucson, bâtie au cœur de la colonie indienne des Tohono O'odham

San Xavier del Bac à Tucson en Arizona
Au premier plan, les abris d'ocotillo des stands indiens désertés en cette fin d'après-midi  
Laguna, sur la route 66 - Nouveau Mexique 
Missions Saint Francis de Paula et Santa Cruz - Nouveau Mexique
Saint Francis de Paula - Nouveau Mexique 
Un cow boy sort d'une mission 
Sur la route 
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Que serait l'Arizona sans son emblème, le fantastique Saguaro. Magnifique et légendaire. D'ailleurs, une loi interdit de tirer sur ces cactus. Les plus téméraires risquent 25 ans de prison. Allez les cow-boys, jetez vos flingues et osez le yoga transcendantal..

Chaque Saguaro est unique et respectable. De toute leur hauteur - parfois 20 mètres - ils nous observent et je m'incline devant ces vénérables vieillards de 150 ans à 200 ans. Ils sont la vie du grand désert. De l'eau, du bois, la pollinisation. Ils nous bluffent avec leurs bras tordus et emmêlés.

Une étrange silhouette me saluent au passage
Au jardin botanique de Phoenix 
Mue et tranche de cactus 
A L'ombre des saguaros , il me faut un chapeau
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Marcher dans les badlands est grisant. A Petrified Forest, nous avons choisis de suivre un couple de rangers. Nous étions un groupe d'une dizaine d'humains, seuls sur cette autre planète. Blue Forest et Blue Mesa. Comme souvent, là où je passe, le ciel se grisaille. Pourtant l’absence de lumière n'altère en rien l'étrange beauté du site.

Il y a quelques 200 millions d'années, était une forêt. Des arbres géants poussaient dans le delta d'un fleuve. Le sol s’assécha, devint désert, et badlands. Sous l'action de la silice, la forêt végétale se mua doucement en minéral.

Bois Pétrifié 
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A Phoenix, Cat me fait découvrir un très joli musée, privé et gratuit. Le Basha Museum recèle de trésors de l'art indien. Sculptures, kachinas, les esprits farceurs des Zunis, Navajos, Hopis, des peintures et vanneries. Un musée imaginé par son créateur comme une maison où il fait bon vivre. Pourtant il y a une photo que je n'ai pas prise, que j'aurais voulu. Je n'ai pas osé. Une photo d'une infinie tristesse, le genre de cliché qui, à lui seul, résume toute l'histoire d'un désastre. Dans le petit hall du musée, entre la fontaine à eau et les bounty, assis les fauteuils cossus, un groupe d'américains patiente. Ils sont mal en point, obèses, rougeaud, moches, malades de civilisation moderne, de malbouffe. Ils visitent le musée comme ils font du shopping. Peut être ont-ils conscience de l'immense gâchis, peut-être. J'ose imaginer que oui. Les descendants des premiers colons.

La belle statue d'une indienne Hopi, sans doute de digne lignée de la Princesse Leia. Le baiser. 
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La "Wilderness", la nature Majuscule nous régale de joyeuses rencontres. Un moine de pierre souffle une incantation païenne au Scorpion, prince du désert et des habitations de Phoenix. Chut, un Jackrabbit ouvre ses grandes oreilles, hésite un instant devant ces joyeux coussins de belles mères beaux comme des gâteaux maléfiques.

Dis moi Jack, que te murmure les cactus ?

Un jeune veau se donne des allures de lionceau et une vache équilibre ses élégantes cornes.

Bleu, turquoise, émeraude est ce lézard croisé dans le désert de White Sand. L'ours est un intrus, bien sûr, mais j'aime ses pattounes

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Comme un clin d’œil avant la vraie Patagonie, une nuit à Patagonia à la frontière du Mexique. Cat voulait l'ambiance de la frontière. Nous avons donc planté notre tente pour ma première nuit de camping sauvage. La petite ville est peuplée de bobos, hippies, coopératives et marchés bios, elle abrite une réserve naturelle de humming-birds. Les colibris les plus petits oiseaux du monde, les oiseaux aux vols de frelons, ces oiseaux beaux comme des bijoux.

Ambiance de nuit sous la tente. Tous les quarts d'heure, des borders patrols font des aller-retours sur la route. Le lendemain, nous passons la frontière de Nogales. Ville frontière, moche, sale. Un mur, deux visages du monde. Au nord l'Arizona structuré, propre et riche. Au sud, la pauvreté, le marchandage, le borderland. Le temps d'une Corona ( sans virus ) et nous rebroussons chemin. Quitter les États-Unis est simplissime. Y rentrer sans passeport... very difficult. Une file impressionnante en attente à la frontière et les plus de 60 ans nous doublent.

La danse des borders partols, le mur à la frontière. 

Pour la petite histoire, résidente américaine, Cat n'avait pas son passeport. Et nous voici embarquées dans un remake soft de Midnigth express. Dans une arrière salle carrée aux néons criards, nous patientons. L'agent jubile, deux nanas à asticoter. Il n'est pas commode, borné, matraque à la ceinture. Je comprends juste de rester calme quoiqu'il arrive. Il nous propose un backchiche. 500 dollars. Cat s'explique avec un calme impressionnant, en parfaite comédienne, répondant sans ciller 15 fois à la même question "Where is your passport" ? Je ne dis rien, j'observe. J'apprends le mot "guilty". Coupable. Après le chantage aux dollars, le type à la matraque me renvoie sur Phoenix chercher le Saint Graal, le fameux passeport. No, je ne veux pas. Je ne me voie pas arriver devant Pierre, lui expliquant que sa femme est retenue à la frontière mexicaine. Pourtant je vois défiler dans le PC du collègue, les infos sur Cat et Pierre, leurs passeports, leurs adresses, leurs pédigrées complets. Le temps s'écoule pesamment. Nous avons droit aux attentats de Paris, que nous les français ne sommes pas vigilants. I am guilty opine Cat. Finalement nous sommes libérées, avec des consignes, de la morale, des postillons et en prime un grand sourire du douanier. Pour peu il donnerait une grande tape dans le dos. Avant de nous lâcher comme deux criminelles repenties, il nous demande de bien vouloir laisser un avis sur Facebook, sur le dénouement heureux de cette affaire. Je n'ai aucune photo de cet épisode... I am guilty

BIvouac à la frontière et petit dej à Patagonia 
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Boites à lettres du Nouveau Mexique riantes comme de bonnes nouvelles, plus sobres aussi parfois

Des images comme des flashback, sur la route. Tout ce qui est l'Amérique. Les boites à lettres perchées sur leurs longues pattes, les camions démesurés - Amérique oblige - Kenworth. La petite ville de Carizozo au Nouveau Mexique. Un motel hors du temps à Lordburg, un happy hour.

Fabuleux Kenworth 
Un café sur la Route 54,  un motel à Lordburg 
Un happy hour. 

Dans le désert de Chihuahua, les deux visages du Nouveau Mexique, le souriant et coloré d'Old Mesilla de Las Cruces à la croisée des chemins, et Carizozo, aux quatre vents

Désert de Chihuahua, Carizozo

Les panneaux d'avertissement et de recommandation des dust strom, violente et soudaine tempête de sable.

Comme une longue chenille d'acier, l' interminable train sillonne le pays

Dans les villes de l'ouest, le far west n'est pas très loin, à peine 100 ans. L'histoire est encore toute fraiche dans les mémoires, même si tout le monde semble avoir oublié les légendes

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Notre destination initiale était le Désert d'Anza Borrego dans le sud de la Californie. Un désert incroyable, des badlands, des sculptures fantastiques, une réserve de Ciel étoilé. Hélas, encore une fois la faute au temps brouillon, et la quasi absence de fleurs en mars, nous virons de cap. A quelques miles de Phoenix, Sedona la Rouge. Bien décidées à éviter les bobos chics et vortex, la foule et les attrapes touristes, nous chargeons la voiture de sacs de couchage et couvertures, sardines à l'eau, citrons du jardin, pastas et avocats.. c'est parti !

Deux grandes balades de difficultés moyennes, qui excluent déjà pas mal de people.

De rouge, d'ocre et de rouille
Chicken Point

Anecdote. Pourquoi Chicken Point ? Nous cherchons des rochers en forme de poulet grillé, de nuggets ou de poule magnifique. Que nenni! Chicken Point est pile poil l'endroit ou les conducteurs des Pinks Jeeps Tour s'amusent à effrayer les touristes.. qui battent des ailes, pardon des avant bras et poussent des cris d'effraies.

Deux nuits sous les étoiles, sans nul bruit de feuille, d'oiseau, d'insecte. Le silence absolu.

La soirée se joue gentiment sous la tente. Le calme, un léger souffle de vent dans les buissons, des aboiements de chiens. Soudain ce bruit insistant, un piétinement, un frôlement, un truc flippant. Courageuses mais pas téméraires nous avons braqués nos lampes torches et laguioles élimés, prêtes à bondir sur l'animal sauvage ou le rôdeur sadique.

Ce n’était qu'une brave petite sardine mal fixée, un pan de tente claquant vaillamment au vent... Ouf!

Forêts et canyons, soleil et couleurs
Ranch des alentours 
Retour, les ombres grandissent et nous avons encore un bout de chemin 
Camp de base  
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White Sands National Monument

White Sand.. du blanc, du bleu

C'est dans le Grand Désert Blanc du sud Nouveau Mexique que le ciel se perd dans le sable, du gypse couleur d'étoile. Un désert d'une fantastique blancheur. C'est une balade guidée en fin journée, l'heure où les ombres s'allongent, le soleil décline, la nuit hésite encore un instant. Nous retournons à la voiture. Illusion d'une piste enneigée sous les phares, nous suivons les traces de pneus.

Les dunes immaculées de White Sand

Comme une plage infinie sans océan 

C'est un matin calme, transparent, aveuglant. Des rares promeneurs foulent de leurs pas le fragile sable, d'autres espèrent la marée montante. Le circuit Alkali Flat Trail est simple, environ 8 km dans les dunes. Pourtant il est facile de se perdre malgré les précautions des panneaux et brochures. Ne jamais quitter des yeux les repères rouges plantés à égales distances. Je comprends à présent l'accident survenu à un couple de randonneurs français. Le couple est mort déshydraté. Comme un jeune chat suivant un papillon, je photographie les dunes, le ciel si bas, les ondulations, les vagues. Comme un jeune chat je me perds, envoutée dans le blanc minéral. A plusieurs reprise je relève les yeux, je ne vois qu'un voile de blancheur porté par le vent. Il est si facile de se perdre dans le merveilleux.

De sable et de diamant, de blanc et d'azur, de rêves et d'illusions.

Blanc, bleu, blanc 
Dans le Grand Désert Blanc 
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A l'Est de Tucson se dessine une drôle de forêt faites de dolmens, dressés droits vers le ciel. Les étranges silhouettes menacent imprudents et protègent les fugitifs dans un dédale de falaises à vifs, canyons et éboulis.

Imposantes roches de granit d'un gris de bronze, après le blanc de White Sand et le rouge de Sedona.

Hommes maudits pétrifiés 
Sur la piste de Chiricahua 
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Quelques mets choisis au mexicain, à la supérette du coin. Un vrai Petit Bonhomme made in Normandy, des potatoes aux allures de mirabelles, des oreilles de porc grillées, des feuilles d'aloé. Des trucs bizarres, des huitres en conserves, des gâteaux psychédéliques.


Pinatas et piments 
Des feuilles de cactus, des huitres en boite.
Pour le dessert :  Barbapapa en sac, flancs gélatineux ou  gâteaux radioactifs
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Ce voyage s'est déroulé en mars 2018, un très beau voyage improvisé. Merci à Cat et Pierre pour cette belle parenthèse.

Et encore... juste pour le plaisir...

Crois en mes santiags


Phoenix 
Arizona 

Les légendes de l'Ouest