Voici une ambiance sonore pour accompagner la lecture de cet article (avant, pendant ou après, à votre guise) :
Ambiance sonore République dominicaine / Jamaïque [Soundcloud]
[ 12 mars - 7 avril 2022 ]
Notre petite routine est installée sur le bateau. Chacun à sa place, ses quarts, ses habitudes que les autres connaissent. Réinventer le quotidien sur un petit voilier c'est pas toujours évident. On continue de s'émerveiller des cadeaux que la nature nous offre et on chérit chaque nouvelle émotion puisqu'on réalise l'expérience unique qu'on est en train de vivre. L'expérience d'une vie.
Mais la mer des Caraïbes nous joue des tours et est beaucoup moins clémente que l'océan. 30 nœuds, pluie, grosses vagues. On passe 3 jours et demi de navigation un peu turbulents. On a de la peine à dormir et les quarts de nuit sont mouillés et froids. Heureusement, les matins sont magnifiés par un ballet de dauphins, puis à l'arrivée en République dominicaine, un ballet de plusieurs baleines à bosse (la baie de Samaná est un lieu de mise bas et de reproduction privilégié pour ces gigantesques spécimens de janvier à mars). On est émerveillés et on accepte avec euphorie le pot d'accueil !
Il faut savoir que depuis notre départ de Saint-Martin, on navigue un peu à vue, c'est à dire qu'il est plus difficile de prévoir nos différentes étapes : très peu de port de plaisance, quasiment pas de mouillages conseillés, procédures covid différentes dans chaque pays... On est un peu confus, mais on décide d'aller sur la presqu'île de Samaná, ce qui nous fera passer par la côte nord de la République dominicaine. On arrive donc à la marina de Puerto Bahia de bon matin et c'est surprenant : on est dans le port de plaisance privé d'un énorme complexe hôtelier de luxe, le Bannister hotel & yacht club. Autant dire qu'on ne se sent pas particulièrement à notre place et qu'on n'a encore jamais payé une nuit aussi cher (60 dollars US)... mais l'hôtel est presque vide et nous avons accès aux piscines, salle de billard, salle de bain... donc on décide de lâcher prise et d'en profiter un peu ! Ce qu'il faut savoir c'est que l'entrée d'un bateau dans un pays est soumis à tout un tas de frais et contrôles : douane, immigration, service sanitaire, et puis avec le covid, médecins... ça nous prend souvent plusieurs heures pour justifier de tout. Après la paperasse et les frais d'entrée, on profite de la belle vie dans notre ghetto de riches pendant le reste de la journée.
Le jour suivant, on décide d'en sortir pour aller se balader un peu dans les alentours. Notre marina est perdue au fin fond d'un gigantesque ensemble pavillonnaire de luxe, donc on doit marcher plusieurs kilomètres en montée raide sous une grande chaleur (autant vous dire qu'on fait rires les différentes voitures et quads qui nous dépassent). On est trop contents de parler espagnol de nouveau ! Après un petit bus qui nous amène dans le centre ville le plus proche, on attrape un "guagua" (transport local typique, pick-up dont l'arrière est aménagé avec des bancs et un toit, dans lequel on peut se serrer à très nombreux - où chacun y va de son commentaire sur la conduite du chauffeur qui nous a quand même tous laissés à l'arrière en oubliant de serrer le frein à main..., et où l'on s'arrête toutes les 3min pour acheter à boire, à manger, déposer un colis...) direction Las Galeras, l’extrémité orientale de la République dominicaine. C'est un petit village côtier, doté de plages paradisiaques (dont les abords sont remplis d’hôtels en formule "all inclusive", peuplés d'américain.e.s). C'est joli, on profite bien de la baignade et puis surtout on est contents d'être sortis du bateau pour voir un peu à quoi ressemblait l'intérieur des terres.
Le lendemain, Thierry et Clément partent visiter les alentours de la marina en passant à travers champs pour éviter la grande montée au soleil. Ils atterrissent dans des petits quartiers voisins de notre gigantesque complexe, une toute autre ambiance. Ils finissent par visiter certains abords intéressants de la ville.
Au matin du 4ème jour, on décide de reprendre la mer pour un mouillage un peu plus loin sur la côte nord. Mais le temps qu'on fasse les formalités de sortie, le vent se lève alors on décide de repousser notre départ au lendemain. On remet les voiles et après une journée de navigation (c'est là qu'on se rend compte que la République dominicaine c'est gigantesque !), on fait un mouillage sur la playa el Valle, une magnifique plage bordée de cocotiers.
On reprend la navigation direction l'ouest et alors qu'on vaque chacun à nos occupations.... j'aperçois une baleine sauter juste devant, puis une 2ème fois, puis une 3ème... et on arrête de compter, on l'observe bouche bée, les yeux écarquillés par tant de magie. On est si chanceux ! Et puis quelques miles plus loin, Océane aux aguets, aperçoit un bateau qui a l'air d'avoir démâté.... ni une ni deux on change de cap, radio à la main et on se met en mode sauvetage. Mais heureusement, ses occupants ont déjà été sauvés. On mouille encore un peu plus loin, de nuit (à éviter car il est difficile d'évaluer les alentours, et notamment les fonds, et la présence d'autres bateaux, d'épaves, de rochers...), dans une baie où la nuit va être bien roulante.
Dernière étape dominicaine dans la magnifique lagune de Luperón. C'est calme et si beau qu'on y reste 2 nuits. La petite ville est authentique et on a l'impression d'avoir un petit peu plus découvert la République dominicaine : vieilles kaz' traditionnelles qui côtoient des bâtiments plus récents et tout un tas de bouibouis, beaucoup d'animation dans les rues, les gens sont assis dehors, en groupe ou seuls, beaucoup de jeunesse, le contact est curieux et facile... Puis on quitte ce petit coin de paradis direction la Jamaïque.
On part pour 3 jours de mer. On doit s'éloigner des côtes car l'île où se trouve la République dominicaine est partagée en deux, et l'autre partie est Haïti (qui vit depuis de nombreuses années une situation sociale et politique très compliquée, mais qui depuis plusieurs mois vit une véritable guerre civile, et quasiment plus aucune aide internationale ne peut agir sur place). 1ère nuit très très agitée, on parcourt une sacrée distance, mais au réveil : pétole ! Et puis c'est un enchainement de zones sans vent... on fait pas trop les malins car c'est pas le meilleur endroit pour que ça arrive. Au matin du 3ème jour, au lever du soleil, Océane voit à travers les jumelles, un petit bateau de pêcheurs qui fonce droit sur Charly... panique à bord ! Des pirates ? 2 hommes à bord parlent avec Clément et Thierry, ne sachant pas combien on est, ils finissent par seulement nous demander à manger... ouf, on souffle et on sort toutes les voiles + le moteur pour essayer de s'éloigner et de dépasser Haïti le plus rapidement possible. Après la peur et l'insécurité, c'est le malaise qui nous gagne peu à peu... nous sur notre voilier, eux sur leur île sans solution... dur dur quand 2 réalités que tout oppose se rencontrent ! On arrive le lendemain matin en Jamaïque. On prend le temps de longer la côte qui est magnifique, très verdoyante, vallonnée. On aperçoit depuis le large une succession de maisons gigantesques, bien loin de ce qu'on s'était imaginé (et sûrement tout aussi éloigné de la réalité de la vie de la grande majorité des Jamaïcain.es). Arrivée à Port Antonio, où une trèèèèèèèès longue journée administrative nous attend (on arrive dans la matinée et on ne peut pas descendre du bateau avant 18h). C'est une petite ville authentique, avec aucun touriste en vue. On y passe 3 jours, sans pouvoir aller vraiment découvrir les alentours (pas de transports en commun, météo pas toujours clémente...).
On fera encore 3 autres étapes jamaïcaines, avec l'ouest du pays pour cap. C'est une partie très prisée des Américain.es qui y viennent notamment en bateaux de croisière monstrueux pour y faire du shopping. Les endroits visités n'ont rien d'authentique et on est un peu déçus de ne voir que ça de la Jamaïque... mais c'est comme ça pour cette fois. Et puis on n'a pas de mal à imaginer à quel point sa nature est luxuriante, ses habitant.es si gentil.les, et on découvre de nouveaux fruits délicieux qui nous mettent l'eau à la bouche... On se concentre sur l'arrivée au Guatemala qui est toute proche ! Et on expérimente encore une fois le fait que la plaisance est un luxe dans ces pays...
Le samedi 2 avril au matin, on lève l'ancre et on part pour notre dernière grande navigation : 6 jours, direction Livingston, Guatemala.