On quitte le parc de Grand canyon sans pouvoir s'empêcher de jeter plusieurs derniers coups d'oeil dans les rétroviseurs. Le parc, malgré ses nombreuses fermetures hivernales nous a époustouflé. On prend la route de l'est, vers le désert et ses couleurs vives. On se rend dans un nouveau parc, à la découverte des cultures autochtones des premières nations américaines (eh oui, on ne dit plus "indiens" ou "amérindiens").
On arrive dans le parc de Monument Valley qui se situe à la frontière des États de l'Arizona et de l'Utah, sur le plateau du Colorado. La route vers le parc nous mène a des paysages incroyables et, au détour d'un virage, lorsqu'apparaissent ces géants de pierre, on se sent comme transportés dans des décors entre science-fiction et western.
Bienvenue à Monument Valley ! (Son ON)Ces monticules rocheux sont le fruit de l'accumulation et de l'agrégation de grains de sable au cours des siècles, mais ils sont aussi apparus à la suite d'épisodes de tectonique des plaques, surélevant le site et y laissant des plis et des failles, donnant naissance aux buttes et "mesas" qu'on peut admirer aujourd'hui. Celles-ci sont composées de grès et leur couleur rouge caractéristique est due a la présence d'oxyde de fer. Leur hauteur varie entre 30 et 300 mètres de haut.
Quand on traverse ces terres, on ressent que l'ambiance change. On réalise qu'on est entrés dans une toute autre culture, dans des territoires marqués par des siècles d'histoire et de lutte. Les premières traces de présence humaine datent de 1200 avant JC et viendraient du peuple Anasazi. Aujourd'hui, le parc appartient à la Nation Navajo. Les Navajos vivent aux États-Unis, principalement au sein de la Nation Navajo, située entre le nord-est de l'Arizona, le nord-ouest du Nouveau-Mexique et le sud-est de l'Utah. Ils sont étroitement apparentés aux Apaches. Leurs ancêtres arrivent en Alaska en provenance d'Asie. Les Navajos se divisent en plus de cinquante groupes, et leur mode de filiation est transmis par les femmes.
Pour vous offrir un peu de contexte : Les Navajos sont entrés en conflit avec les colons Espagnols et Mexicains au 18ème et au début du 19 siècle. Leurs contacts avec les Espagnols furent limités mais importants ; ces derniers introduisirent les chevaux, les moutons et les chèvres, qui devinrent des éléments vitaux de l'économie navajo. Au cours du 19ème siècle et pendant la conquête de l'Ouest des pionniers, de violents affrontements ont eu lieu entre le gouvernement Américain (via ses troupes militaires) et les Navajos qui ont finalement été violemment déplacés vers une réserve au Nouveau Mexique. À la fin du 19ème siècle, les Navajos prospéraient, la population avait doublé, et des terres supplémentaires furent encore annexées à la réserve. Comme il s'agissait généralement de terres pauvres, les étrangers firent peu de tentatives pour envahir la réserve. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, pour sortir de la pauvreté, bon nombre de Navajos quittèrent la réserve pour servir dans l'armée ou pour travailler dans les villes à des activités liées à la guerre. Ils ont notamment été honorés pour leur rôle déterminant dans le codage des messages.
Aujourd'hui, les Navajos habitent sur la plus vaste réserve autochtone des États-Unis. Le statut de réserve du territoire où la plupart vivent, leur garantit un statut politique et policier autonomes. Le siège du gouvernement de la nation se trouve dans la ville de Window Rock à l'est de l'Arizona. Le Congrès des États-Unis a établi à l'intérieur du territoire de la nation Navajo une réserve pour la nation Hopi.
La base de leur économie de subsistance est fondée sur l'élevage (moutons, chèvres, quelques bovins et chevaux), et des emplois occupés dans divers secteurs, notamment le tourisme. Ils fabriquent aussi de l'artisanat (poterie, vannerie, bijoux en argent, couvertures). Au milieu du 20ème siècle, la production de pétrole et la découverte de riches gisements minéraux sur les terres de la réserve modifient considérablement leur économie. Ils sont aujourd'hui le peuple premières nations avec les meilleurs revenus. Le gouvernement des États-Unis qui est en litige depuis les années 1960 avec la nation Navajo concernant l'exploitation de ces ressources paye en 2014 une somme de 554 millions de dollars pour clôturer celui-ci.
Malgré tout, les habitants de la réserve font face à de nombreux problèmes chroniques : pénurie de logements, absence de l'eau courante pour un tiers des foyers, absence d'électricité pour quinze mille habitants, violences...
Le parc de Monument Valley est donc l'un des rares parcs américain détenu par d'autres entités que le gouvernement. Les Navajos nomment le parc "Tsé Bii' Ndzisgaii", qui signifie « la vallée des rocs ». Il se visite en voiture (comme beaucoup de parcs ici, c'est un peu déroutant au début et puis on s'y fait #americanculture). A bord de Grizzly, on sillonne donc les routes poussiéreuses de Monument Valley, surplombées par ces colosses rocheux. Notre visite est ponctuée de "Oh", "Wahou", "T'as vu celui là, là-bas ?". On est dans une ambiance particulière et le temps y joue beaucoup : entre soleil et ciel apocalyptique, ces monuments naturels jouent avec notre imagination.
On quitte le parc juste avant l'arrivée de la neige et on file s'abriter un peu plus loin. Mais la neige nous rattrape et après s'être endormis dans un paysage tout rouge, c'est dans un environnement tout blanc que l'on se réveille. On prend la route pour la petite ville de Page, mais avant on fait un arrêt par LE point attractif du coin : on a nommé le "Forest Gump point". On a le droit à un nouveau panorama sur Monument Valley qui a revêtu son beau manteau blanc.
La ville de Page se situe sur les bords de la rivière du Colorado et notamment du lac Powell, créé par la construction du barrage de Glen. La ville a été construite pour accueillir les ouvriers de ce barrage à partir de 1957. L’état américain souhaitait construire un barrage et a négocié un échange de terres avec les Navajos. Le barrage doit servir à alimenter en eau toute une partie du sud-ouest américain (Californie, Nevada, Arizona) et à bien répartir les besoins entre les états en amont et ceux en aval. Ce projet a été lourdement critiqué et l'est toujours aujourd'hui puisqu'il a privé d'eau de nombreux villages autochtones et fonctionne aujourd'hui au ralenti. En effet, le niveau du lac n'a jamais été aussi bas et plusieurs turbines sont donc à l'arrêt...
On se pose pour la nuit sur les bords du lac Powell et on assiste à un joli spectacle au coucher du soleil :
Et avant de reprendre la route vers l'Ouest, nous allons visiter l'une des nombreuses merveilles du coin : Horseshoe Bend.
On n'aime pas beaucoup avoir cette impression, mais on a vu les choses en grand (on est en Amérique ou on n'est pas en Amérique ?) et on essaie d'en voir un maximum avant de devoir sortir du territoire. Ce n'est vraiment pas notre rythme et on a l'impression de courir mais ça n'est pas demain qu'on reviendra ici alors on remballe nos envies de voyage lent et "Hit the road Jack" (le "en voiture Simone" local). C'est parti pour un nouveau Parc National !