Voici une ambiance sonore pour accompagner la lecture de cet article (avant, pendant ou après, à votre guise) : Ambiance sonore Día de muertos [Soundcloud]
[25 octobre - 5 novembre 2022 ]
Nous voilà de retour dans la ville de Mexico (CDMX) et ce, pour de bonnes raisons : les festivités del Día de Muertos / le jour des morts sont sur le point de commencer et on ne raterait ça pour rien au monde ! Au Mexique, cette fête est l'une des plus importantes de l'année pour les familles : elle est célébrée pour accueillir les âmes qui rendent visite à leurs proches et reviennent sur Terre durant cette période. Les familles érigent des autels décorés et parés d’offrandes pour la visite de leur proche défunt. Comme dans les traditions indigènes, les enfants sont d’abord célébrés le premier jour du mois de novembre et les adultes, le jour suivant. Les festivités incluent les chants et danses, ainsi que la visite et la décoration des tombes des défunts dans les cimetières mêmes. Cette fête est classée au Patrimoine Mondial Immatériel de l'UNESCO depuis 2003, pour son rapport à la culture mexicaine, aux traditions et événements communautaires.
On s'est prévu toute une épopée pour pouvoir vivre différentes facettes de ces festivités qu'on connait en contes et en images mais qu'on est impatients de vivre en vrai. On commence donc par quelques jours dans la ville de Mexico dont les rues ont été décorées pour l'occasion et qui s'apprête à recevoir plusieurs milliers de visiteurs. Plusieurs événements sont organisés : une exposition gigantesque d'Alebrijes magnifiques (regardez les de près, ce sont de véritables œuvres d'art !), des illuminations et la tant attendue parade (qui n'a lieu que depuis quelques années suite au dernier film de James Bond). On retrouve des copaines par ci par là pour assister à ces différents événements si importants pour les Mexicain.e.s qui sont tous, enfants comme adultes, déguisé.e.s/maquillé.e.s. On s'est beaucoup renseignés, on a lu, on a visité des sections de musées dédiées uniquement à ça, on a reregardé le film animé "Coco" (et on vous le conseille pour illustrer encore davantage cet article - pour petits et grands !) on en a parlé avec tous ceux qu'on croisait et petit à petit on a saisi l'importance de cette fête pour les familles, sa spiritualité... Et on a même fini par se dire qu'on trouvait ça chouette comme idée : décorer et fleurir villes et villages, maisons et autels, préparer de bons petits plats à partager et d'autres à offrir, et ce pour guider nos chers défunts en famille, une fois par an, à la lueur scintillante des bougies, à revenir partager une nuit ensemble, en leur souvenir. S'il y a un aspect de la culture qu'on a appris c'est leur façon de fêter la mort, la rendre belle et solennelle, respectueuse et aimée.
Après ces quelques jours festifs à CDMX, on prend la route de l'état du Michoacán, reconnu pour être l'un des plus traditionnels pour ces festivités. On est reçus en couchsurfing dans la ville de Morelia par Luz et ses deux petits garçons. On papote, on cuisine, et pendant qu'ils sont au travail et à l'école, on en profite pour visiter la ville qui a elle aussi revêtu ses plus belle décorations pour l'occasion. Morelia est une ville sublime en pierres blanches, et reconnue au patrimoine mondial de l'Unesco notamment pour son architecture baroque, en particulier celle de son impressionnante cathédrale (qui elle aussi a le droit à son tapis de fleurs et sciure). On observe de près et de loin les différents symboles et rituels mis en place, et on se sent vraiment chanceux de pouvoir être au cœur des festivités. Comme c'est une ville universitaire, les étudiants ont toute une partie de la ville pour s'adonner à un concours annuel de tapis de fleurs et sciure colorée... et c'est magnifique ! De nombreux autels sont installés et on peut décortiquer leur composition. Ils ont plusieurs niveaux (faisant référence à la Terre, au ciel et à l’inframonde) et comportent tous des éléments communs : des fleurs et des bougies qui permettent de montrer le chemin aux défunts jusqu'à l'autel où leurs familles ont rassemblé toute sorte d'offrandes comme des objets familiers qui représentent la personne, fruits, plats et boissons préférés du défunt ; des têtes de mort en sucre multicolores ou en chocolat ; du papel picado, (guirlandes en papier coloré perforé en forme de squelettes, crânes, scènes ou formes géométriques) ; le pan de muerto (pain brioché préparé uniquement à cette époque de l'année, symbolisant le crâne, la croix les os et l'esprit du défunt). La nourriture préparée et déposée en offrande sur les autels n'est pas consommée car il paraît que les aliments perdraient leur saveur puisque les défunts se nourrissent de leurs arômes. Et sur la partie supérieure de l'offrande sont disposés les portraits encadrés des défunts auxquels on vient rendre hommage. Ces autels sont présents dans chaque maison. Une bougie pour chacune des personnes commémorées et elles ne seront allumées que la nuit du 1er novembre. Et à la nuit tombée, on sent petit à petit l'effervescence due à la fête s'installer. L'ambiance dans les rues est à la fête : jeunes, parents, grands-parents, enfants... tout le monde est de sortie et on se laisse porter avec plaisir par cette ambiance familiale. On finit même par sonner aux portes pour demander des bonbons avec les fils de Luz.
Puis le 1er novembre on saute dans un bus direction la petite ville de Pátzcuaro, bordée par le lac du même nom. Celui-ci abrite plusieurs petites îles, dont celle de Janitzio qui est très connue pour el Día de muertos, et reçoit donc chaque année des milliers et des milliers de visiteurs lors de la nuit du 1er au 2 novembre (qui est la date où les familles apportent les offrandes sur les tombes de leurs défunts et passent toute la nuit à les veiller au cimetière). On pose notre tente dans un petit camping au bord du lac (il faut savoir que c'est une toute petite ville qui reçoit tellement de visiteurs pour ces dates que les logements se réservent d'une année sur l'autre et que ceux encore disponibles à cette date pour les personnes aussi désorganisées que nous, sont complètement hors budget !) puis on se balade dans les ruelles de Janitzio, elles aussi très décorées. On attend que la nuit commence à tomber pour se diriger vers un cimetière afin d'assister au début de la veillée des morts par les familles. On se met en route pour un petit village voisin, Tzintzuntzan. Et on n'est pas les seuls à avoir eu cette idée puisque des milliers de personnes sont déjà sur place, touristes Mexicains et familles locales. Le village est en effervescence : musique, rires, stands de rue... on est bien loin de notre vision française de la mort. On se fraie un chemin jusqu'au cimetière et on réalise que la musique qu'on entend depuis la rue principale en provient : de nombreuses fanfares sont dispersées dans la cimetière et on apprendra qu'elles sont là pour accompagner les familles pour le début de la veillée. On réussi à zigzaguer parmi la foule et à entrer dans le cimetière... et même si on s'y était préparés, on était loin du compte : à peine entrés dans le cimetière et la magie opère ! Les milliers de bougies font scintiller l'atmosphère aux couleurs orange et violet des Cempasuchils ; la musique berce les flammes qui illuminent les visages des familles veillant leurs défunts ; le palo santo (bois sacré brûlé pour éloigner les mauvais esprits) nous fait tourner la tête. On se sent tout petit au milieu de ce spectacle grandiose et solennel. On se sent presque de trop, touristes au milieu de ces traditions familiales et ancestrales. Et puis on découvre les sourires autour du partage de ce moment, la fierté devant la beauté des tombes, la coquetterie des tenues traditionnelles rapidement recouvertes par de grandes couvertures pour affronter le froid de la nuit. Et on se laisse porter, des heures durant dans cette atmosphère si particulière, avant de tirer notre révérence et laisser un peu d'espace et d'intimité aux familles. On repart avec l'idée d'aller découvrir l'ambiance dans le cimetière de la si prisée île de Janitzio, mais quand on arrive à l'embarcadère il y a une queue de plusieurs heures alors on décide d'aller se coucher, des images scintillantes/chaleureuses/spirituelles/familiales plein la tête.
Le lendemain on décide de sortir de la foule et de partir à la découverte d'une petite île du lac méconnue : l'île de Yunuen. On plie la tente et on embarque pour cette nouvelle île, petit havre de paix après tant de fourmillement. Et en quelques minutes de bateau, on arrive sur ce petit ilot. Y vit une petite communauté de 150 habitants : pêche, transport en bateau, agriculture vivrière, tourisme communautaire sont leurs principales sources de revenu. On y vit de génération en génération et on l'observe après avoir posé notre tente dans le grand jardin, en partageant un repas autour de la table familiale d'Alicia. Grands parents, enfants, petits enfants, arrière petits enfants se racontent au coin du feu les histoires du jour. Avant la tombée de la nuit, on se balade dans les petites ruelles tapissées d'herbes, on longe le minuscule cimetière fleuri où sont toujours visibles les restes des bougies et offrandes de la veille. Au coucher du soleil, l'ambiance sur le lac si vibrant quelques heures auparavant encore, est totalement apaisée.
Après une nuit au milieu des étoiles, on reprend le bateau en direction de la fameuse île de Janitzio qui, malgré son monument permettant une vue à 360° sur le lac et son petit cimetière fleuri, l'île est victime de son succès et ressemble un peu trop au Mont Saint Michel pour nous. On reprend le bateau, puis le bus et enfin le colectivo pour retourner à Morelia, retrouver Luz et ses fils pour une dernière soirée crêpes bretonnes.
Comme dans nos rêves, on s'est retrouvés plongés dans l'ambiance de cette fête si particulière. El Día de Muerto, on en avait entendu parler, ça semblait être spectaculaire. Mexico, Morelia, Pátzcuaro, Tzintzuntzan, Janitzio. C'était spectaculaire, et tellement plus ! On a passé 6 jours à fêter aux côtés des Mexicain.e.s cette fête si importante dans leur culture. Comme vous l'aurez compris, ça va beaucoup plus loin que de simple costumes et maquillages. C'est des lumières, des fleurs, des offrandes, de l'encens, des familles, des pensées émues pour les défunts. C'est une joie solennelle de se remémorer la vie partagée, les souvenirs en commun. C'est une spiritualité qui prend vie. Et dans ce cimetière, au milieu de tout ça, au milieu d'eux, on se sent enveloppés par la magie de cette fête, par les messages transmis d'un monde à l'autre. On a été très émus et émerveillés à la fois d'avoir eu ce privilège. Muchas gracias !