Carnet de voyage

Terres andalouses

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Road trip à deux en fourgon aménagé
Février 2024
27 jours
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Ce n’est pas encore l’Andalousie. Comme une porte qui s’ouvre sur le voyage annoncé. Mille kilomètres effectués en deux jours, avec étape par le joli village de Peniscola, et nous voilà arpentant la longue calle Mayor, qui, de la place d’Espagne, conduit jusqu’aux grands escaliers du port plongeant dans la mer. Une brise fraîche s’amuse à bousculer les larges feuilles des palmiers qui colorent les larges allées de bord de mer. Le port largement ouvert sur l’horizon accueille pèle mêle, yachts, voiliers de plaisance et bâtiments de guerre, témoignant d’une réelle activité portuaire. Sur le paso de Alfonso XII, rares sont les passants qui osent affronter la fraîcheur de cette fin d’après-midi.

Place d'Espagne 

Notre promenade nous pousse à la découverte des belles demeures aux façades modernistes ou baroques. La maison Cervantes, succède à la maison Llagostera, et la maison Clares, déclinant corniches, vitraux, motifs floraux, chapiteaux ou tour crénelées. Ces hôtels particuliers se succèdent au fil de la rue, créant un sentiment nostalgique et des images venues d’un autre temps où dames à ombrelles et messieurs à chapeaux haut de forme se croisaient avec déférence.

Les hôtels particuliers Art nouveau 

Carthagène recèle également, çà et là, des témoignages d’une présence romaine comme l’amphithéâtre jouxtant le parque Torres. L’ensemble propose une belle promenade et une superbe vue sur les toits de la ville.

L'amphithéâtre romain 


La fin de journée s’annonce. C’est l’heure où les habitants sortent, envahissent les rues, et emplissent les boutiques. Assis à la terrasse d’un sympathique bistrot, nous dégustons un café asiatique, spécialité de la ville. Il s’agit d’un délicieux mélange de café corsé, lait concentré, cannelle et cognac. Nous avons passé deux agréables journées à Carthagène, une ville joyeusement animée, entre mer et campagne, que nous quittons en début d’après-midi, pour nous rapprocher d'Almería .

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Mojacar, coquet village d'origine arabe

Une heure et demi de route plus tard, nous nous installons au pied du village de Mojacar. Nous venons d'entrer en province Andalouse.

Typique village qui grignote la montagne, avec ses maisons aux façades blanches, agrippées aux pentes abruptes. Nous nous perdons dans les ruelles entrelacées, les volées d’escaliers, les courettes, et les placettes parfois pas plus grandes qu’un timbre poste. Comme un Lego, les maisons sont empilées, coincées, emboîtées en un jeu de construction rafraîchissant à l’œil.

Ruelles de Mojacar 
La place de la mairie et son ficus centenaire 

Le village surveille la vallée et la mer, et offre, de part et d’autre, de magnifiques points de vue. Doucement, le soleil, invité des ces dernières heures, se cache derrière les montagnes, reprenant avec lui la chaleur généreusement distribuée.

L’air frais fait son retour, et nous regagnons notre casita roulante. Demain, nous pousserons plus loin, jusqu’à Almería .

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Le Parc naturel de Cabo de Gata et ses jolis villages

Au retour d’un sommet de colline, elle apparaît. La mer de plastique « el mar de plastico ». Elle couvre la vallée d’un blanc douteux, sale, poussiéreux. Le vent la fait danser, lui arrache des lambeaux qu’il dépose sur les bords de route, accroche aux buissons, enroule aux panneaux de signalisation. Ici, tout est plastique. D’immenses serres pour abriter les légumes et les fruits qui partirons nourrir l’Europe, et plus. Cette région est surnommée le jardin de l’Europe, bien que le mot jardin soit ici bien galvaudé. Nous croisons de jeunes ouvriers à la peau noire, à pied ou à vélo qui semblent perdus dans cet invraisemblable décor.

La mer de plastique 

Heureusement avant cela, nous avions traversé la réserve naturelle de Cabo de Gata par une route panoramique, véritable serpentin se faufilant agréablement entre gorges, belvédères et collines. Les surplombs sur la mer sont des envols aux regards, malgré de lourds nuages qui assombrissent le tableau.

Mirador de las amatistas 
Les volcans en toile de fond
La Isleta del Moro 

Ce matin, nous avons quitté Mojacar pour naviguer de villages en villages au contact de la grande bleue (Rodalquilar, la Isleta del moro, la Fabriquilla), en passant par Nijar à l'intérieur des terres, jusqu’à atteindre la jolie et reposante plage de Cabo de Gata.

Nijar 

Quelques sky surfeurs sont là, des motards sont en repos, attendant la cuisson parfaite de sardines et de belles dorades, le temps s’écoule simplement. Au dessus de nous, le soleil vient de triompher de sa bataille engagée depuis le matin. Plus un seul nuage. A la place, un ciel bleu, d’où le bel astre délivre une réconfortante chaleur. Nous profitons nous aussi autour d’un verre de vin, et d’une « estofada de atun » (d’ailleurs offerte avec la boisson!).

Nous poussons jusqu’au phare du cap, pour notre marche journalière, profitant d’une magnifique fin de journée. Sur la route du retour, nous décidons de nous joindre à deux fourgons venus du Royaume Uni, sur un spot au dessus des flots. Nous assistons bien tranquillement à la chute du soleil dans un horizon incendié.

Le phare et les récifs des sirènes 
Les récifs des sirènes (arecifes de las sirenas) 
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Almería,

"Jusqu’en haut des cuisses elle est bottée

Et c’est comme un calice à sa beauté

Elle ne porte rien d’autre qu’un peu

D’essence de Guerlain dans les cheveux

A chaque mouvement on entendait

Les clochettes d’argent de ses poignets

Agitant ses grelots elle avança

Et prononça ce mot : Alméria !" (Serge Gainsbourg, Initiales B.B)


Le ferry fait retentir sa sirène. Le bateau entame sa route pour le Maroc, Majorque ou l’Algérie sur une mer semblable à un miroir bleuté. Tout doucement, il s’éloigne laissant derrière lui des mains et des regards tendus en au revoir...

Le port d'Almería, vu de la Alcazaba

Nous venons de rejoindre Almería, après une nuit reposante à Cabo de Gata. Le port d’Almería, agit telle une caisse de résonance. Les bateaux entrent et sortent, les camions vont et viennent, les chargement se hissent aux grues pour, aussitôt, disparaître dans les cales. La ville tout entière regarde vers le port, vers la mer. Tout descend jusqu’à lui.

En ce milieu de matinée, notre objectif est la visite de l’Alcazaba, la forteresse qui domine la ville tel un phare aux aguets. Nous remontons le paseo de Almería, large avenue commerçante que se disputent les clinquantes enseignes des boutiques. Les habitants sont là, pour certains déjà attablés autour de tapas et de tortillas. La montée jusqu’au palais est ardue. Les travaux de restauration sont en cours, et ceux déjà réalisés sont étonnants. Cette forteresse est la plus grande d’Andalousie, après l’Alhambra de Grenade. On y trouve une succession de beaux jardins agrémentés de fontaines et de canaux où court une eau rafraîchissante et joyeusement bruyante. Les murailles crénelées permettent une vue magnifique sur la ville, le port et la mer. Tout cela offre une belle promenade bucolique, suspendue au dessus de bruits de la cité.

La Alcazaba 
Les cours intérieures et murs d'enceinte

Dans notre descente, nous découvrons la belle façade de la cathédrale, ainsi que la large place de la constitution.

Sous un ciel d’un bleu limpide, nous nous installons en terrasse d’un petit bistrot. Pomme de terre pauvre, riz noir aux calamars, aubergines au miel et fromage de chèvre, le tout arrosé d’un verre de vin blanc de pays, sont au menu de cette courte étape gourmande.

Un petit creux... Petites tapas  

La fin d’après-midi approche. Nous prenons la route pour Tabernas et son désert. L’environnement change aussitôt, la route traverse des vallons quasi désertiques, des décors de western où traîne comme un air d’harmonica.

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Une longue matinée de repos, très longue matinée de repos, et nous voilà, ponctuels au rendez-vous qui nous a été donné la veille par Cristina, pour une visite en 4x4 sur les chemins du désert de Tabernas.

Ville de Tabernas 
Le chateau forteresse de Tabernas 
Désert de Tabernas 

En fait, nous n’allons pas suivre de chemin, mais plutôt les méandres d’une "rambla". La rambla correspond au oued en Afrique du nord, c’est à dire le lit d’un passage à sec, où, lorsque de fortes pluies s’abattent sur les montagnes environnantes, se glisse une rivière éphémère, parfois d’une force ahurissante, emportant tout sur sa route. Ainsi se crée entre les parois, un large passage que nous allons donc emprunter pour comprendre ce désert.

Au loin, la sierra Nevada fait obstacle à l’horizon sous un ciel d’un bleu pur. Peu à peu, l’air se réchauffe, en ce début d’après-midi. Il faut dire que le thermomètre était tombé à 3 degrés au cours de la nuit. Au fur et à mesure de notre avancée, nous découvrons une flore adaptée à ce milieu désertique, mais surtout, des empreintes géologiques, dues aux différentes secousses de l’histoire de la planète. Les colères et les caprices de la nature ont laissé des marques superposées dans le sol, assemblant entre elles diverses roches et textures, sédiments et sables. Les couleurs se succèdent par couches empilées. Le fer laisse ses empreintes sanglantes. Le sel, sa poudre immaculée. Les arbustes et les broussailles s’accrochent à ce territoire désolé, donnant çà et là, une impression de verdure bien vite évanouie. Le vent soulève une poussière légère. Au plus fort de la saisons chaude, il peut faire ici près de cinquante degrés.

Les empreintes géologiques 

Nous pénétrons un étroit canyon. Ses parois abritent une compression pierreuse, sorte de vague dessinée et peinte, par d’invisibles artistes. Plus loin, la piste s’élargit, toujours encerclée par de hauts murs de terre. C’est ici que Steven Spielberg est venu tourner "Indiana Jones et la dernière croisade", et plus précisément la scène de l’interminable poursuite du char allemand. Ce désert, a été le décor de très nombreux films : "Paton", "Et pour quelques dollars de plus", "Lawrence d’Arabie", … D’ailleurs, devant nous, au fond d’une large vallée, se tourne un clip avec motos et drones. Les décors des films de Sergio Leone ont été conservés, et font l’objet aujourd’hui de visites touristiques. Ils sont également utilisés pour des tournages.

Les paysages qui ont servis de lieux de tournage de films 

L’atmosphère du désert de Tabernas est particulière. On ne se sent pas vraiment au milieu d’un désert, tant la végétation est présente, pourtant il s’agit bel et bien d’un désert. Hostile, sans eau, et chaud l’été. Zone protégée, nul ne peut y pénétrer sans autorisation. Le site méritait bien de le parcourir tout une après-midi.

Le soleil s’effaçant, nous reprenons la route pour rejoindre Grenade, oasis de fraîcheur et de culture. Au dessus de la ville, la sierra Nevada domine, chapeautée d’un manteau banc, contraste avec son versant opposé qui surveillait le désert de Tabernas. Nous nous installons tout près de l’Alhambra, que nous visiterons demain, et descendons vers la ville, pour atteindre à la tombée de la nuit, la très belle et grouillante plaza nueva. Un délicieux mélange de tapas dans une sympathique et minuscule taverne "La buena vida", clôture cette belle journée.

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Publié le 9 février 2024


Grenade depuis l'Alhambra 
La plaza nueva, au cœur de la ville 

1492, Christophe Colomb met le pied sur une terre qu’il croit Inde, mais qui s’avère être ce qui deviendra l’Amérique. Le deuxième jour du mois de janvier de cette même année, à Grenade, en Andalousie, le sultan Boabdil, dernier maure de la dynastie des Nazari, remet les clefs de l’Alhambra aux rois catholiques. Le siège a duré neuf mois. C’est l’achèvement de la "reconquista", l’Espagne devient catholique dans son unité. L’histoire rapporte qu’en passant la porte, une porte qui n’a jamais été ré-ouverte depuis, le sultan a pleuré. Sa mère lui aurait alors rétorqué cette phrase cinglante : "Pleure comme une femme, ce que tu n’as pas pu défendre comme un homme". Derrière lui, et 777 ans de présence musulmane, demeurent des milliers de vestiges d’art mauresque. Palais, mosquées, bains, agrémentent les villes d’Espagne. Tout sera démoli ou transformé, pour devenir des lieux de prières chrétiens. Tout, sauf le palais de l’Alhambra. Les rois catholiques conviennent de la beauté miraculeuse de ce site, et décident de l'épargner.

Aujourd’hui, huit mille visiteurs par jour se pressent pour admirer les splendeurs du site (il est délivré huit mille tickets par jour, et mieux vaut réserver à l’avance). Mais, avant eux, de nombreux intellectuels, artistes, hommes et femmes d’état, ont été émerveillés par la densité artistique du palais. Washington Irving (photo ci-contre), père fondateur de la littérature américaine, a découvert l’Espagne et Grenade, alors qu’il y était ambassadeur. L’Alhambra exerça sur lui un tel effet, qu’il y séjourna plusieurs mois, et écrivit le fameux "Contes de l’Alhambra", publié en 1832, et qu’aujourd’hui, encore, on retrouve dans toutes les librairies, traduit dans presque toutes les langues.


Visite de l'Alhambra

Dès l’ouverture et par une fraîche température, nous franchissons les barrières d’accès en direction du Generalife, le palais d'été des princes Nasrides. C’est le moment idéal, et la journée idéale : il y a moins de monde en février, il est tôt, et le soleil déjà éclaire magnifiquement la colline.

Le palais d'hiver, éclairé par le soleil matinal 

Un chemin de terre parfaitement entretenu, entouré d’une allée de cyprès, serpentent au milieu de plantes et fleurs rampantes. Nous nous élevons tout doucement. Le silence, troublé par les clapotis des fontaines et bassins, est propre à une rêverie romantique, et l’on imagine bien aisément, des promenades et des rendez-vous romanesques à l’ombre des palmiers royaux. Jardins en terrasses, miroirs d’eau, fontaines de mosaïques, colonnades dentelées, l'Alhambra est un écrin à ciel ouvert.

Le Generalife et ses jardins en hiver 
Le miroir d'eau 

Ses façades extérieures sont imposantes, sobres. L’architecture Maure prévalait l’intérieur à l’extérieur contrairement à nos châteaux français qui affichent leurs fastes et démesures aux yeux du passant. Le palais du sultan et celui de la sultane libèrent des sensations poétiques. Les portes, plafonds, soubassements, décors muraux, témoignent d’une finesse extrême dans le travail artistique. Les visions sont enchanteresses, le palais des milles et une nuits s’ouvre à nous.

Le palais d’été fait face au palais d’hiver, et, à travers les ramages des palmiers, on aperçoit les monts enneigés de la sierra Nevada, alors qu’au pied de la citadelle, Grenade courbe le dos, semblable à des chevaliers agenouillés devant leur maître.

Les palais d'été et d'hiver se font face, sous le regard des sommes enneigés de la sierra Nevada 

Au centre de l’Alhambra, on découvre un palais anachronique, édifié par Charles Quint. Une construction carrée, et ronde en ses murs. Masse imposante, elle dispense sa rondeur étonnante, affirmant un caractère architectural fort et tenace.

Le palais de Charles Quint 

L’Alcazaba, forteresse militaire, avec ses quatre tours surveillant la vallée, vient clôturer, notre visite.

L'Alcazaba 

Il est presque treize heures, les allées sont maintenant envahies par les visiteurs, familles, couples, groupes de touristes, caméra et téléphone portable au bout des mains. Il est temps pour nous de descendre jusqu’au centre ville.

Car, Grenade, ce n’est pas simplement l’Alhambra, même si cette dernière agit comme un aimant auprès des visiteurs.

Grenade est une ville de moyenne importance qui possède en ses murs de nombreux attraits. A partir de l’Alhambra, une longue et large promenade en pente, longée par une succession de bancs, de fontaines, de majestueux marronniers et d’eucalyptus, dévale sans retenue jusqu’à la magnifique "plaza nueva", centre névralgique de la cité. Quasi piétonne, elle accueille les flots de promeneurs qui s’installent aux terrasses, flânent bras dessus dessous, admirent les belles façades des grandes demeures, qui l’encerclent.

A l’heure du déjeuner espagnol, il est déjà quinze heures, nous portons notre choix, sur une taberna, au décor désuet et à la chaude ambiance. Les habitués sont là, journal à la main, ou debouts, face au bar, devant les verres de vins ou de bière, piquant dans les assiettes de tapas. C’est bruyant, joyeux, vivant. Nous nous installons autour d’un tonneau, et commandons. Il faut savoir qu’en Andalousie, lorsque vous commandez un verre de vin ou un bière, on vous offre obligatoirement la "tapa de cortesia" (tapa de courtoisie). Nous y ajoutons des tapas de truite, saumon, et jambon andalou.

Ainsi, bien restaurer, nous pouvons rejoindre Marco, un guide passionnant, qui va nous faire découvrir les deux quartiers emblématiques et historiques de Grenade : el Albaicín et el Sacromonte.

Pendant trois heures, nous allons arpenter ces deux quartiers, qui se jouxtent, simplement séparés par une petite ruelle. Arpenter est le vrai terme, car les étroites rues montent, rétrécissent, descendent, tournent à droite puis à gauche, remontent, dans un véritable labyrinthe d’une extrême blancheur. Notre visite a débuté le long du rio Darro, envahit de promeneurs au point de se croiser avec la plus grande difficulté. Nous nous sommes engouffrés dans une petite ruelle, stoppant notre marche à des endroits particuliers, témoins de ce quartier dont l’assemblage chaotique de petites maison blanches, conserve l’effet médina. Les anciennes demeures "Carmenes" voisinent avec des placettes pavées, des patios mangés par de belles treilles, des volées d’escaliers encombrés de vases colorés retenant plantes grasses et fleurs. Le quartier a été classé par l’Unesco au patrimoine de l’Humanité.

Départ vers le quartier de l'Albaicín
El  Albaicín

Le soleil entame sa descente, pendant que nous, nous montons, enveloppant le quartier d’une sublime couleur orangée. Nous parvenons au mirador de Saint Nicolas, où une foule compacte est agglutinée sur la terrasse. D’ici, la vue sur l’Alhambra est magique. La fin de journée fait ressortir la couleur rouge des murs du palais. Alhambra signifie "la rouge" : Al (la) hambra (rouge).

La Alhambra au coucher du soleil
La Alhambra illuminée 

Photographies faites, non sans difficulté, nous franchissons la petite rue qui nous sépare du Sacromonte, pour découvrir cet atypique quartier gitan. Là encore d’étroites, très étroites ruelles, des volées d’escaliers et de la couleur, beaucoup de couleur. L’identité de ce quartier réside dans ses maisons troglodytes, toujours habitées pour certaines. La communauté gitane qui vivait dans des grottes creusées dans la montagne, les a agrandies en grattant la roche à coup de pic, jusqu’à en faire des maisons de cinq ou six pièces. Ce qui, aujourd’hui, est devenu interdit.

El Sacromonte 
Les maisons gitanes du Sacromonte 

En empruntant le chemin retour, nous passons devant des établissements qui proposent des soirées Flamenco, également dans des grottes. Soirées très prisées des habitants de Grenade, et bien entendu des touristes.

Grotte à spectacle Flamenco 

La visite se termine, trois heures plus tard, là où elle avait débuté, près du rio Darro. Sur la colline opposée, l’Alhambra est illuminée, la vision est grandiose. Nous pénétrons dans la "tetería el Bañuelo", autre témoignage de la présence arabe en Andalousie. Installés sur des coussins proches du sol, on y déguste toutes variétés de thés et de cafés, accompagnés de petits gâteaux au miel, à la pistache, à la figue. Il y règne des parfums de cannelle, d’oranger, et une atmosphère alanguie toute orientale.

La tetería el Bañuelo

Le froid s’accroche à la ville. Il ne nous reste plus qu’à gravir la longue avenue sous les remparts de la citadelle, pour parvenir à notre camp de base.

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Publié le 11 février 2024


Au petit matin, nous abandonnons à regret la belle ville de Grenade, sans verser des larmes de sultan 😉

Par une agréable route de montagne, nous nous dirigeons cap au sud vers Ronda. A l’heure du déjeuner, nous trouvons un emplacement idéalement situé.

Ronda 

Il fait beau, la ville est en effervescence, une course pédestre vient d’avoir lieu. Nous descendons la longue carrera Espinel, pour aboutir à la plaza de toros, où trône la magnifique enceinte des arènes de la ville. Ces arènes sont les plus anciennes d’Espagne (1785). Ici, les plus grands toreros et les plus valeureux toros se sont affrontés. Ces duels, de sueur et de sang ont passionnés les plus grands artistes. Ernest Hemingway a pris place sur les bancs de bois. Il a d’ailleurs situé à Ronda, son livre "Pour qui sonne le glas". Orson Welles, le génial réalisateur, a été fasciné par le site, à un tel point qu’il avait demandé à ce que ses cendres soient dispersées sur le sable des arènes, mélangées à la poussière et au sang. La demande lui fût refusée. Ses cendres furent quand même dispersées à Ronda, dans la propriété de son ami torero Antonio Ordóñez. Deux statues de ce denier encadrent l’entrée des arènes.

Hommage de Ronda à Ernest Hemingway 
Hommage de Ronda à Orson Welles 
Le célèbre torero Antonio Ordóñez devant les arènes de Ronda, les plus anciennes d'Espagne
Les arènes de Ronda 

La ville de ronda est divisée en deux parties. La partie moderne, avec cafés, restaurants et boutiques, et la partie ancienne avec ses belles demeures aux façades jaune et blanche, ses petites ruelles, ses places ombragées, ses élégantes maisons aux patios et terrasses abritées. Les deux parties sont séparées par un vertigineux ravin, où s’écoule, en son fond, El Tajo, enjambée par le puente nuevo, pont à trois arches du XVIIIème siècle, véritable emblème de la ville. Il suffit donc de passer le pont, pour une belle promenade guidée par les palaces, demeures bourgeoises et musées divers. Nous poussons la porte de la casa de San Juan Bosco, belle maison du XIXème, agrémentée d’un délicieux jardin en balcons, délivrant une belle vue sur la nature environnante et le pont. Nous nous installons dans de confortables sièges en osier, et profitons des derniers rayons du soleil.

La vieille ville 
La maison de Don Bosco 

A la lumière descendante, nous nous perdons dans les ruelles qui amènent sur de petits miradors, donnant une vision en perspective sur le pont.

Le pont à 3 arches (XVIIIème siècle)

Après les dernières photos de cet étonnant nid d’aigle, nous regagnons notre résidence de nuit.

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De Ronda, nous souhaitons rejoindre la côte avec, à l’horizon, la ville de Cadix. Pour cela, nous empruntons, tout d’abord, la Carretera Estepona, qui dessert une multitude de petits villages haut perchés. La route est magnifique, collée aux abrupts de la montagne. Elle serpente et se faufile à travers une végétation dense, règne du chêne liège et du châtaignier. Des fermes éparpillées au flanc des collines, des troupeaux de moutons, des refuges pour bergers, témoignent de la présence et du travail des éleveurs.

L'étroite route traverse des paysages magnifiques 

Le premier village traversé est une surprise pour le regard. Certainement le seul village bleu d’Andalousie : Juzcar. Ici, a été tourné le premier film sur les Schtroumpfs, et, depuis, la couleur bleue des façades a été conservée et entretenue. On s’y arrête par curiosité. Seule motivation d’un arrêt sur la route.

Juzcar, le village des Schtroumpfs 

Au sortir d’un virage, le regard porte loin, découvrant çà et là, accrochés à la montagne, des petites taches blanches perdues dans l’immensité verte. La situation de ces villages est souvent vertigineuse. Agglutinées autour de l’église, les ruelles tissent une véritable toile d’araignée, où chantent de petites fontaines, et les rires des habitants rassemblés sur la place centrale.

Les villages blancs haut perchés

Sur le chemin, nous faisons une halte à Benadalid puis, un peu plus loin, nous nous accordons un petit arrêt à Algatocin, à la terrasse d’une petite taverne où s’affrontent de vieux messieurs, en une partie de dominos étonnement silencieuse. Algatocin, agrippe ses maisons blanches en terrasse avec entêtement. Quelques kilomètres plus loin, nous profitons des ruelles de Genalguacil, pour découvrir les œuvres d’art contemporain dispersées au fil des places, des coins de rue ou des montées d’escaliers.

Benadalid
Algatocin 
Genalguacil, le village aux œuvres d'art à ciel ouvert 

Gaucin, s’écarte de notre route, et nous achevons ce périple à Casares, où nous passons la nuit. Avant cela, nous descendons chercher le pain au village. Notre promenade nous traîne jusqu’à la plaza de España . L’écho des voix nous attire, un véritable brouhaha. Un groupe de femmes occupe la terrasse d’une taverne, verres en main, riant avec force, et parlant aussi fort. Face à elle, les hommes ont envahi les bancs publics, sous le haut mur de l’église, canne en main, casquette sur la tête, toisant, sourire aux lèvres, la gent féminine. Tous les soirs, il en va ainsi. Nous nous installons à une petite table, et assistons au spectacle, avec bonheur. La nuit est maintenant épaisse et lourde. Pain et petits gâteaux en main, nous retrouvons le fourgon pour un dîner bien chaud.

Casares, notre coup de cœur des villages blancs
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Une frontière, voilà bien une invention propre à l’homme et à son besoin d’appartenance, de propriété d’un territoire. La situation géographique et politique de Gibraltar pourrait prêter à sourire si elle n’était pas réelle. Véritable enclave en terres espagnoles, ce petit bout d’Angleterre, semble avoir atterri là, tel à un iceberg détaché de la banquise.


Nous laissons notre fourgon sur le port, et marchons à pied vers cette ligne virtuelle appelée frontière. D’un coté de la ligne, on parle espagnol, on mange espagnol. Il a suffit de faire un pas, après le contrôle des passeports, pour que nous nous retrouvions devant une cabine téléphonique rouge, et des boites à lettres aussi rouges. Ici, on parle anglais, on boit le thé, on paye en livres sterling, et les pubs se disputent aux façades de belles maisons.

Mais avant d’arriver jusqu’à Main Street, la longue avenue qui partage la ville, on vit une expérience peu commune. Pour gagner le centre, il faut, en effet, traverser le tarmac de l’aéroport, que l’on soit à moto, à bicyclette ou à pied. Lorsqu’un avion se pose, les portes se ferment de chaque côté de la piste. Entre deux avions, les portes se ré-ouvrent et tout le monde traverse le tarmac. Hallucinant !


Nous sommes venus jusqu’à Gibraltar, pour une journée de repos. La ville se résume en un long boulevard commerçant, très animé, où se succèdent boutiques de luxes et de souvenirs, restaurants et pubs.


Nous allongeons la promenade jusqu’au très accueillant et reposant jardin exotique, qui étire ses couleurs de terrasses en terrasses, au-dessus de la mer.

Le jardin botanique 

Pour rejoindre la Punta de Europa, le point le plus méridional de Gibraltar, nous montons dans le bus, conduit par une charmante dame, qui pousse la courtoisie jusqu’à prendre le temps de bien nous indiquer comment rentrer, et où trouver la plus belle vue sur le rocher. Il règne dans l’autobus, une atmosphère "so british". Tout le monde est très calme. Les écolières sont en uniforme, et ne manquent pas de saluer la conductrice, chaque fois qu’elles descendent à un arrêt. La Punta de Europa est balayée par un vent tout en retenu et encore chaud, il est dominé par le rocher, qui abrite également la mosquée.

La punta de Europa est le point le plus au sud de Gibraltar 

Nous reprenons le bus, qui nous dépose quelques minutes plus tard, au bout de main street. La journée s’achève doucement. Le soleil entame sa descente. Après un bouillant café crème dans un pub, à l’interminable bar en bois ciré, nous traversons le tarmac de l’aéroport, montrons notre passeport, et nous voici, à nouveau en terre ibérique. Derrière nous se dresse, en contre jour, le fameux rocher de Gibraltar, star de ce petit bout de terre, qui en a construit la légende. Du haut de ses 426 mètres, il a vu se succéder à ses pieds, des influences, des religions, des drapeaux, des armées, … de quoi, entretenir et conforter jusqu’à nos jours, l’idée de frontière et de territoire.

Le rocher de Gibraltar 

A l’aplomb du rocher, notre nuit au bord de l’eau sera douce.

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Publié le 15 février 2024

Sur la route côtière : Tarifa, Vejer de la frontera et Conil de la Frontera

Dans le rétroviseur se superposent, claquant dans le vent, le drapeau espagnol et l’Union Jack. Hasta luego Gibraltar, goodbye Gibraltar.

La route côtière nous conduit jusqu’à Tarifa, la ville la plus au sud de la péninsule ibérique. Continuellement balayée par un vent plus ou moins violent, Tarifa est le paradis des passionnés de la glisse aquatique. Les boutiques de surfs sont d’ailleurs nombreuses.


La ville entière semble faire corps avec l’océan, dont les vagues viennent mordre les murs épais des défenses du château de Guzman el bueno, figure héroïque de la cité. Sa statue regarde la ville, et tourne le dos au détroit de Gibraltar, ignorant le ballet continuel des cargos et porte containers.

Les côtes marocaines sont bien visibles, et semblent à portée de mains.


Les côtes marocaines à portée de mains 
Tarifa et l'océan 
Sancho IV el bravo devant le château de Tarifa 
L'ancienne forteresse et les blockkaus

Tarifa est une jolie petite bourgade blanche, aux ruelles enchevêtrées. A cette période de l’année, elle est endormie, vidée de l’affluence des jours d’été. La place est faite aux habitants, aux vrais, qui s’en donnent à cœur joie, dans les petits jardins, les placettes ou autour d’une table du marché couvert. Nous y achetons pain et fromage. Un guéridon et ses deux chaises paraissent nous attendre. Autour de nous, c’est la fin du marché. Les étals se vident. Le boucher fait ses dernières ventes aux attardés, tandis que la serveuse nous dépose un plat de patatas bravas et de sardines grillées. Avec en fond sonore, les discussions mercantiles, nous nous amusons de cette atmosphère naturelle de vie.

Les ruelles de Tarifa et son marché couvert 

Le soleil caresse le sable blond de la longue plage, où se prélassent quelques courageux baigneurs.


Quelques minutes plus tard, nous prenons la route vers Vejer de la frontera.


Là aussi, le village semble s’ennuyer de ses touristes d’été. Les ruelles grimpantes sont vides. Le vent se casse aux angles des maisons blanches, faisant chanter une mélodie languissante, qui s’accroche aux pavés de la longue promenade surplombant la ville. De belles demeures à balcon, édifiées sur trois ou quatre étages, entourent une jolie place et bordent le large paseo, avec vue imprenable sur la vallée et ses moulins.

Belle place de Vejer de la frontera 

Désireux, en cette fin d’après-midi, de nous approcher au plus près de Cadix, nous arrivons vers dix huit heures à Conil de la frontera, joli port de pêche, où nous nous installons, pour la nuit, entre rivière et océan.

Nuit au bord de l'eau à Conil de la frontera 
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Publié le 16 février 2024
Cadix, la promenade le long de l'océan conduisant au centre historique

Un grand joker coloré, et une toute aussi grande sorcière boutonneuse, en papier mâché, encadrent le balcon de la mairie de Cadix. La ville toute entière se prépare au carnaval qui doit durer jusqu’à dimanche. Déjà, en cette fin de matinée, on peut croiser des enfants déguisés, et maquillés, impatients d’en découdre à coup de confettis. Il règne une joyeuse atmosphère de préparation de fête.

Les mascottes du carnaval au balcon de la Mairie de Cadix 

La place San Juan de Dios s’anime au rythme de la musique cubaine d’un chanteur de rues. C’est ici que débute notre visite de la partie ancienne de la ville. Cadix est bâtie sur un roc. Elle fût le lieu de départ de bons nombres de navigateurs attirés par les nouveaux mondes.

La place San Juan de Dios 

Nous nous enfonçons dans la ville par d’étroites rues, qui débouchent sur de larges boulevards, et un nombre étonnant de places, plus ou moins grandes. Plaza Candeleria, Plaza de las flores, plaza San Francisco, et la superbe place de la cathédrale. De hautes maisons aux avancées de bois se font face, presque à se toucher. Les entrées des palaces sont couvertes de faïences, s’ouvrant sur des patios fleuris, aux parterres richement décorés. Cadix était une ville riche, commerçante, portuaire. Ces enfilades de maisons cossues en sont la preuve. De nombreuses églises émaillent notre chemin, témoignage de la forte influence de l’église catholique, à l’époque des caravelles et des galions.

Les places et ruelles 
Maisons, fenêtres et balcons colorés
La cathédrale 

Nous entrons dans le marché central, de forme rectangulaire, encerclé par des arcades à colonnades. Là, une succession de bistrots, bars à tapas, reçoit sur des tabourets et tables hautes, une foule compacte et bruyante. La bière et le vin de Jerez coulent à flots, une flottille de tapas des plus divers envahissent les guéridons. Il est quatorze heures. Les étals ferment les uns après les autres, mais pas les bars, où viennent s’ajouter bouchers, épiciers et poissonniers, après leur matinée de travail. Le ciel s’assombrit. Nous poursuivons notre visite.

A l’angle d’une tout petite place, nous attend la traditionnelle pause tapas. Camarones, croquetas, mélange de pommes de terre et seiche à l’ail, et filet de porc au roquefort se partagent notre assiette avec délice.

Nous poursuivons notre périple, quelques instants plus tard, alors que de fines gouttes mouillent les pavés. La pluie est annoncée, elle semble exacte au rendez-vous. Nous achevons notre visite du barrio del populo, et prenons la direction du port, en suivant la superbe promenade des remparts, émaillée de squares parfaitement organisés autour de charmantes fontaines à mosaïques. Des statues d’hommes célèbres ponctuent le chemin, jusqu’à parvenir à notre refuge.

Parc, square et fontaine 
La promenade le long de l'océan qui nous rappelle le Malecon de la Havane 
La cathédrale vue de l'océan 

Nous sommes installés face à l’océan. L’horizon et le ciel ne nous disent rien qui vaille. Nous allons vivre une nuit dantesque. Coups de vent violent, pluie déchaînée, grondement des vagues. A plusieurs reprises le fourgon est ballotté, tel une fragile barque en pleine mer rugissante. Le petit matin arrive sur une nuit quasi blanche. Nous préférons abandonner Cadix aux caprices de la nature, pour gagner les terres intérieures, plus apaisantes. Nous serons à Séville plus tôt que prévu.

Le ciel s'assombrit sur Cadix... La tempête Carlotta est en approche...

Nous nous arrêtons à Puerto Gelves, à quelques encablures de Séville, pour y passer la nuit. Un timide mais réconfortant soleil nous y accueille dans la marina.

Puerto Gelves 
Le Guadalquivir 
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Publié le 21 février 2024
Le Guadalquivir, porte d'entrée de Séville 

Un épais mystère plane sur la ville de Séville. Où se trouvent réellement les restes de Christophe Colomb ? Certains affirment qu’ils sont bien dans la cathédrale, à côtés de ceux de son fils. D’autres attisent la polémique, prétendant que non. Pour les sévillans, cela ne fait pourtant aucun doute. Le célèbre navigateur est mort à Valladolid, et est enterré à Séville. Cette "affaire Colomb" est un attrait supplémentaire pour la capitale de l’Andalousie. Car, des attraits, voilà une ville qui n’en manque pas.

La cathédrale 

En ce début de matinée, nous remontons la longue avenue paseo de las delicias, qui nous mène tout droit jusqu’au charmant parque de Maria Luisa. Déjà, les promeneurs sont là, profitant de la fin de semaine et d’une journée qui s’annonce belle. Bassins aux fontaines chantantes, petits ponts de bois, îlots des oiseaux, rangées d’orangers lourds de leurs fruits étincelants, kiosque à musique où s’évertue avec talent un jeune violoniste, marchands de guimauves, les personnages sont en place pour la représentation bucolique d’un samedi ensoleillé. Les marchands de glaces sont également au rendez-vous.

Le parque de Maria Luisa 

Au loin, on entend tintinnabuler le son aigu des cloches des calèches avertissant de leur passage, et le bruit des trots des chevaux fait écho sur le bitume. Le jardin donne directement accès sur la place d’Espagne. La somptueuse, grandiose place d’Espagne, qui semble tout droit sortir d’un conte. Un décor de conte de fée, où chevaliers, princes et princesses, intrigues royales, pourraient dérouler l’histoire d’un riche imaginaire. Édifiée en 1929, à l’occasion de l’exposition ibéro-américaine, cette place de deux cent mètres de diamètre, est en forme de demi-cercle. Elle reproduit ainsi l’image d’un abrazo, métaphore d’amitié, de paix et réconciliation. Les dimensions exorbitantes de la place impressionnent. S’y ajoutent la beauté des façades, la justesse et la précision des finitions artistiques, les couleurs des azulejos, sans parler de la multitude de détails qui peuvent passer inaperçus, pour peu que l‘on ne prenne pas le temps suffisant, pour observer, scruter. Il y a foule ce matin sur la place. Le soleil inonde le large parvis, et se reflète dans le canal parcouru de barques étroites, où les couples se serrent et se prennent en photos. On pourrait rester ici la journée entière à regarder la lumière changer au fil des heures, à observer les promeneurs, à profiter du temps qui passe, à s’imaginer le héros d’une comédie romantique gentiment surannée.

La place d'Espagne 

A l’angle d’une ruelle deux jeunes femmes dansent du flamenco avec enthousiasme et force. Vêtues de rouge et de noir, elles ondulent fièrement, frappent le sol avec virulence. L’étroite rue del agua, nous permet de rejoindre le patio de Banderas, ancienne place d’armes, ceinte de murs jaunes et blancs. Nous traversons le patio, longeant les hautes murailles de l’Alcazar, jusqu’à nous retrouver devant l’imposante cathédrale. Nous entrons dans l’ancien quartier juif, par de petites ruelles étroites à ne pouvoir se croiser. L’ambiance y est festive, encombrée. On y parle fort, installés à de minuscules terrasses. Les salles de bars débordent de clients se tenant debout verres à la main.

Plus loin, l’animation de la rue Mateos Gago, au cœur du quartier de Santa Cruz, avec ses trottoirs envahis par les terrasses des bars à tapas et des tavernes, oriente notre marche jusqu’à une table au comptoir du "El tradicional". Nous y dégustons la charcuterie locale avec gourmandise.

Il est maintenant l’heure de retrouver Alba, notre guide, qui, pendant près de trois heures, nous fait découvrir la ville, les sites touristiques, comme ceux moins connus, en nous racontant avec passion l’histoire sévillane. De la place d’Espagne, nous longeons l’Alcazar, et la cathédrale, pour entrer dans le Quartier Santa Cruz. La visite se poursuit devant la façade du majestueux hôtel Fernando XIII, la splendide place San Francisco avec, en son centre, l’imposant palace abritant la mairie, la fleurie place nueva. Plus loin, nous rattrapons les rives du Guadalquivir où s’élève la tour de Oro, tel un phare éclairant l’horizon. Après la plaza de toros, nous nous dirigeons à nouveau dans le centre, pour terminer la promenade au pied de la tour de la cathédrale, illuminée aux couleurs de feu, mêlées à celles du soleil couchant. Cette longue marche nous oblige à un rafraîchissement. Une étroite taverne s’ouvre sur la rue. Nous y entrons pour déguster un "rebujito" bien frais. Il nous reste, maintenant, à rejoindre notre fourgon pour la nuit. Depuis ce matin, nous avons couvert seize kilomètres à travers les rues de Séville.

Nouvelle journée à Séville. Le soleil nous a devancé en ce début de matinée. Nous marchons en direction de l’Alcazar, mais avant cela, nous désirons découvrir une monument étonnant, devenu, en peu de temps, une lieu incontournable de la cité. Le Parasol Métropol, connu sous le nom de "setas" (champignons). Ce projet est né d’un concours ouvert par la ville de Séville afin de rénover la place de la Incarnacion. La structure qui culmine à vingt six mètres de haut, consiste en six parasols en forme de champignon dont le design s’inspire, notamment, de la cathédrale de Séville. Sa construction débuta en juin 2005, pour s’achever en 2011, après de nombreuses difficultés techniques et financières (coût 33 millions d’euros). Le résultat, comme toute œuvre contemporaine monumentale, détonne, dérange peut-être, mais, ne peut, en tout cas, laisser indifférent. Aujourd’hui, l’œuvre de l’architecte Berlinois Jurgen Mayer s’inscrit dans la vie sévillane, attirant de nombreux curieux.

Las cetas 

Nous voici devant les portes de l’Alcazar. Pour cela, nous avons dû traverser le patio de Banderas, qui abrite de nombreux orangers alignés militairement. Les orangers envahissent la ville, les parcs, les bordures des avenues. Ils sont présents dans le moindre jardin, les kiosques et les patios. Et qui dit orangers, dit oranges. Elles jonchent les trottoirs, les bords de rues, les caniveaux, les pelouses… car, celles-ci ne sont pas comestibles. Elles sont amères et donc délaissées. Pour différencier un bon oranger d’un mauvais, il suffit d’en observer la feuille. Si, à la base de la feuille principale, se cache une toute petite seconde feuille, cela signifie que l’orange ne peut être mangée.

La fille d’attente s’écoule rapidement. Nous entrons dans l’Alcazar Real. Classé au patrimoine de l’Humanité depuis 1987. Nous y pénétrons par le patio del leon qui dessert les appartements royaux, les salles des ambassadeurs, des audiences, les salons et les chambres. On va de salles en salles, passant par des vestibules, des galeries, des chambres aux décors résolument mauresques. De nombreux monarques se sont succédé entre ces murs, passant commandes aux artistes et artisans les plus renommés du pays, pour marquer de leur influence les intérieurs de cet ensemble de palais. On rencontre un mélange de mudejar, de gothique, de baroque et tous les styles intermédiaires. C’est ravissement pour les yeux. Les détails sont extraordinairement ciselés. Que ce soit les plafonds, les murs couverts d’azulejos flamboyants, les arcades et piliers, les lourdes portes, les sols, où s’étalent les plus fines mosaïques. Tout, ici, est fait pour le ravissement.

Le real Alcazar 

Si les palais de l’Alcazar font étalage d’une extrême finesse artistique, alors que dire de leurs jardins. Un réseau de minuscules et mélodieux canaux alimentent bassins et fontaines perdus au gré des plantations les plus diverses. On déambule avec délice au milieu des orangers et palmiers royaux, saisis par le parfum des fleurs, guidés par les couleurs des jours, et des contre-jours. Une galerie offre une vision magique sur la composition des jardins, sur les bassins en perspective survolés de leurs fins jets d’eau. La sérénité s’impose par la grâce de cette création. Le temps est suspendu. Là, à cet instant précis, l’on se sent comme un invité privilégié.

Les jardins du real Alcazar 

Les paons se mêlent au spectacle. Leurs cris perçants traversent le parc comme une flèche de feu, leur plumage ébouriffé s’ajoute à la magie du lieu et de l’instant. Le soleil se retire peu à peu, tel un rideau de soie que l’on replierait, pour laisser place aux lumières éphémères des projections nocturnes, ombres chinoises des palmiers royaux sur les façades chaudes de l'Alcazar real.

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Publié le 21 février 2024

Nous entrons dans Cordoue par la puerta del puente, s’ouvrant sur la place du triomphe, face au fleuve Guadalquivir et au pont roman qui l’enjambe. Une belle fin de matinée sous un ciel bleu, d’où les nuages ont été chassés laissant le soleil s’exprimer sans retenue.

L’interminable façade de la mosquée cathédrale installe une barrière infranchissable, alors que nous longeons le palais épiscopal, pour pénétrer quelques mètres plus loin dans la cour des orangers. La visite de la mesquita catedral est à notre programme. On nous promet de belles sensations, et, il faut bien le reconnaître, la découverte est prodigieuse. D’abord, l’immense salle de prières, hachée de 854 colonnes, et autant d’arches colorées d’ocre et de rouge. L’architecture maure est ici à son apogée. Cette salle est encerclée de petites chapelles dédiées aux saints et saintes chrétiens. En son centre, le cœur de la cathédrale impose le dictât catholique de Charles Quint. Les styles baroque, renaissance, gothique tardif, s’y mélangent avec réussite et éclats. Les influences religieuses musulmanes et chrétiennes se partagent les lieux en équilibre harmonieux. Une extrême fraîcheur règne entre ces murs épais. Une douce chaleur nous saisit à sortir sur la calle Herero.

La mesquita catedral 

A partir de là, nous rayonnons par les petites rues, au gré des élégants patios, des jardins verdoyants, des palaces à colonnades. Partout, des pots bleus, rouges, ou jaunes, d’où s’évadent de généreuses plantes grasses, colorent les murs blanchis des maisons andalouses. Petit à petit, la lumière décline. Nous en profitons pour une pause avec sangria et un délicieux Salmorejo (gaspacho épaissit avec de la mie de pain). Un peu plus tard, nous rejoignons les bords du fleuve, et retrouvons notre lieu de nuitée.

Soudain, une lumière crue incendie la piste. L’homme le guide au moyen d’une épaisse corde qui lui donne l’air supérieur du maître. Pourtant, tout le monde n’a d’yeux que pour lui. Lui, le magnifique cheval Andalou à la robe grise pastel. Tête haute, poitrail arrogant, il foule le sable avec une telle légèreté, une telle grâce que l’homme, à ses côtés, apparaît bien fragile. Le trot ne lui suffit pas, le trot c’est sa limite. Ce cheval semble ne pas en avoir. Alors, quand la bride se lâche, pour consentir au galop, le spectacle devient magique. La crinière d’un gris anthracite, s’élève, soyeuse, avant de retomber sur le cou tendu, en un léger dégradé. Au bout de la course, le cheval semble vouloir s’envoler, il le pourrait. A l’horizon, les grandes plaines d’Andalousie, les hautes herbes qui fouettent à la cuisse, l’odeur de la terre qui se soulève, la liberté de l’immensité. L’homme tire sur la corde, l’animal lui concède sa victoire éphémère et consentie. Devant le souffle de ses naseaux, elle lui fait face, s’avance encore, à le toucher. Elle, la danseuse, sa robe rouge sang lui caresse les sabots de ses volants de dentelle. La musique lui inspire ses pas autour de l’animal. Le cheval l’accompagne, se muant en cavalier pour cette danse. Ils sont face à face, portés par l’instant. La danseuse et le cheval, l’homme sur l’animal disparaît. Ils sont seuls. Nous sommes en toute fin de journée, le spectacle de l’écurie royale de Cordoue, nous portera jusqu’au début de la nuit. Nous avons eu la chance de pouvoir approcher, caresser, ressentir les chevaux avant le début de la représentation. Ils sont puissants et fiers. En les approchant, nous les découvrons tranquilles et sereins. Ces chevaux apportent, transmettent, des instants de paix, de réconciliation. Nous nous sentons redevables et humbles devant cette offrande.

Avant ce beau spectacle, nous avions dès le matin retrouver Isabel, pour notre tour guidé de Cordoue. En sa compagnie, nous avons découvert la ville, par ses chemins de traverse, au fil des monuments les plus importants, en partant du pont roman. Des palais, aux façades les plus extravagantes, en passant par des ruelles des plus étroites, jusqu’aux larges places et placettes minuscules, et les maisons aux décors colorés et joliment surchargés. L’histoire de cette ville est étroitement liée à l’affrontement religieux entre islam et chrétienté. L’architecture s’en ressent.

Isabel nous conseille la visite du Palacio Viana, où nous nous rendons au milieu de l’après-midi. Le palais est vraiment superbe, divisé en patios fleuris au pied de hauts palmiers royaux, des orangers fournis, et des fontaines chantantes, tapissées de magnifiques mosaïques.

El palacio Viana 

Nous poursuivons notre visite par les petites rues. L’extrême étroitesse de la calle de las flores est une curiosité. Juste un peu plus loin, nous tombons sur la casa Cubana. Nous ne pouvons faire autrement que d’entrer pour y déguster un mojito, en compagnie du serveur originaire de La Havane.

Mojitos y tostones 

Notre prochaine visite est consacrée à l’Alcazar de Cordoue. Ici, splendeur, finesse, et délicatesse se côtoient. Les détails architecturaux se superposent et cohabitent parfaitement, offrant à la vue ravissement et admiration. Les jardins dévalent la petite colline. Les fontaines, les miroirs d’eau où se reflètent des bouquets d’oranges, recueillent la lumière descendante de cette fin d’après-midi. Les promeneurs s’égarent au gré des allées. Du haut du chemin de ronde, nous pouvons apercevoir les écuries royales où, déjà, les chevaux se préparent.

L'Alcazar de Cordoue 

En fin de journée, nous nous installons à une table à la meson Puerta Real, où nous attendrons patiemment l’ouverture des portes pour assister au spectacle équestre.

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En laissant Cordoue derrière nous, nous abandonnons les couleurs andalouses, pour nous fondre dans un tout autre cadre architectural. Les influences maures fondent peu à peu pour laisser place à des palais exprimant les souplesses de l’art renaissance.

La petite cité de Baeza, au nord-est de Cordoue, est connue pour son style initié par les maîtres Italiens. D’ailleurs, il flotte sur ses places comme un vent venu d’Italie. De larges dimensions, souvent carrées, elles installent auprès d’une imposante église, une succession de palais aux façades chargées de statues, colonnades, balcons, et portes monumentales. L’époque change avec le décor. Troubadours, chevaliers, et trouvères hantent encore les rues pavées qui tourbillonnent autour du cœur de ville.

Le fantôme d’un autre personnage promène sa nostalgie de place en place. Le poète Antonio Machado, durant cinq années, a été, ici, professeur de français, venu à Baeza soigner la douleur de la perte de sa jeune épouse. Il tissa avec la ville des liens intimes, lui consacrant une partie de son œuvre.

"Au delà des vieilles murailles de la cité Mauresque Je contemple le soir silencieux, seul avec mon ombre et avec ma peine…" (1931)

Ici, sur un trottoir, Machado est en lecture en statue de bronze, là, son buste surveille le paseo des remparts, ailleurs une plaque indique sa maison de résidence, et plus loin, la classe dans laquelle il professa. Baeza rend un bel hommage à son célèbre écrivain, avec sincérité et humilité.

Dans les pas du poète Machado 

Quelques kilomètres plus loin, nous installons notre camp de base dans la ville d’Ubeda. De Baeza, l’on pourrait dire, qu’elle en est la miniature. Voilà une ville de province avec bien des atouts. Une multitude de places, les unes plus grandes que les autres, encadrées par des palais les uns plus imposants que les autres. Le style renaissance y est à son apogée. L’exemple le plus remarquable est le magnifique Hôpital Santiago. Sa longue et haute façade, protège un patio à colonnades, et un escalier monumental aux murs flanqués de fresques aux couleurs pastels d’un passé rayonnant.

Nous prenons un peu de repos, en nous installant autour d’une table ensoleillée, pour déguster une Hornaza. Une soupe faite de courgettes, fèves et pâtes, mélangées à de délicieux morceaux de morue, de gambas et de petite palourdes. Un régal.

Hornaza et bacalao 

Aux quatre coins de la ville, les places accueillent une joyeuse animation. La place du 1er mai est particulièrement en activité, alors que nous arpentons la ville en compagnie de Julia, notre guide, en cette seconde journée de visite.

Plus la journée s’étire, plus nous croisons d’étranges personnages. Des créoles aux costumes bigarrés, des drag queens, des lutins verts, des indiens, toute une ribambelle d’individus venus dont ne sait où. Il s’agit de la clôture du carnaval. Tout le monde se rassemble pour le dernier défilé, avant d’aller brûler la sardine, selon une tradition bien établie. Pendant près de deux heures, le défilé s’étire par les grandes artères de la ville, entre une véritable muraille humaine. Une fois la sardine immolée, nous retrouvons la quiétude de notre petit chez nous à quatre roues.

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Aujourd’hui, nous prenons cap au nord. Nous quittons l’Andalousie. Sur le chemin du retour, nous prévoyons de faire étape dans de typiques villages de la Mancha, d’Aragon et de Castille.

Sous un soleil de début d’après-midi, nous arrivons à Cuenca. Nous nous installons au pied du village, sur les bords d’une rivière grossie par les dernières pluies. Le village est perché, accroché à un piton rocheux qui domine l’horizon à trois cent soixante degrés. Pour y accéder, nous devons emprunter une longue et éprouvante montée d’escaliers. Ici, vu la configuration géographique, le choix est limité : soit on monte, soit on descend, et inversement.

 Cuenca, une bien belle surprise sur la route du retour

Nous rejoignons, non sans être un peu essoufflés, la place de la Cathédrale, après avoir franchi la porte à trois arches. La place est montante et toute en longueur. Face à la cathédrale de style gothique anglo-normand, se dresse un alignement de maisons aux façades colorées, qui détonnent dans le décor, y apportant une douce et singulière fantaisie. Derrière l’édifice religieux, une ruelle pavée nous guide jusqu’au pont de San Pablo, qui enjambe la paroi rocheuse des gorges du fleuve Huécar. Cette large passerelle, faite de bois et de fer, construite en 1902, offre une vue privilégiée sur les célèbres maisons suspendues de Cuenca, qui en font sa renommée. La vision est vertigineuse. La ville est posée sur le rocher. Un véritable nid d’aigle que le soleil illumine d’une lumière vive. Les maisons suspendues donnent le vertige. Jusqu’à trois étages à balcons s’avancent dans le vide, retenus on ne sait comment.

Pour traverser le Huécar, il faut passer le vertigineux puente de San Pablo
El puente de San Pablo et las casas colgadas, étonnantes maisons suspendues au bord du vide

Nous nous promenons dans les rues de la ville, longeant les parois escarpées, allant de places en places, de coins en recoins.

Doucement, la lumière du jour se retire, les cafetiers empilent chaises et tables, les voitures libèrent l’espace, la fraîcheur de la fin de journée s’installe. Nous trouvons une table sur balcon, avec vue sur la vallée et le soleil couchant, et profitons du moment.

A la nuit tombée, nous rejoignons notre bord de rivière.