La façade décrépite de la maison de l’éclusier regarde passer les bateaux avec nostalgie. Devant elle s’étire un défilé bigarré de péniches colorées aménagées pour des touristes plaisanciers désireux de découvrir les serpentins du canal du Midi. Le soleil reflète son image sur l’eau tranquille percée çà et là par les bouchons flottants des pêcheurs assoupis. Une douce chaleur accompagne notre parcours depuis que nous sommes partis hier de Pexiora, petit village de bord de canal. Le rythme lent et silencieux de notre embarcation invite à profiter de tout. Du clapotis de l’eau sur l’étrave du bateau, de l’herbe épaisse des berges, de l’ombre distillée par les hauts platanes centenaires, véritables couvre-chefs du canal, du ciel bleu dévoilant un horizon verdoyant.
Ecluse de Tréboul Les maisons des éclusiers Hier, en début d‘après-midi, nous avons pris possession de notre bateau. Des consignes d’utilisation, en passant par celle de sécurité, Lionel, le propriétaire, nous prépare à notre périple. Pour cela, il propose de nous accompagner sur une courte distance, avec le passage d’une première écluse, afin de nous guider et réparer nos erreurs de débutants. Mis en confiance, l’équipage, avec capitaine et mousses, s’active rapidement sur le pont, chacun appliquant les consignes à la lettre. Et il faut bien ça, car en deux jours c’est plus d’une douzaine d’écluses que nous allons franchir. S’amarrer aux pontons, attendre le feu vert, lâcher les cordes, pénétrer avec précision entre les murailles de l’écluse, lancer les cordes, maintenir le bateau, monter avec le niveau de l’eau, détacher le bateau, récupérer les cordes, et sortir de l’écluse avec toujours la même précision qu’à l’entrée. Des gestes importants exécutés avec concentration, répétés dans la bonne humeur.
Enjoy, notre belle péniche (mydol.fr) Apprendre les bons gestes avec Lionel Garrigues (Mydol location de péniches)Glisser sur le canal semble chose aisée, une voluptueuse sensation, une avancée délicieuse. C’est à l’approche des écluses que l’on prend conscience de la réalisation gigantesque, du travail, de la réflexion d’ingénierie autour de ce chantier pharaonique. Les révolutionnaires français préférèrent lui donner le nom de canal du Midi, lui retirant celui d’origine de canal royal. La patine des larges pierres des murs des écluses racontent mille histoires. Combien ont dû poser leurs mains dessus, faire glisser les solides cordes ? Combien de cris, d’ordres, de chants ? On imagine une vie intense autour de ce canal qui palpite tel un cœur au chevet duquel se penche toute une région. Un véritable aimant liquide devenu au fil des ans une manne touristique aux mille attraits.
Sur les chemins de halage épousant les berges, on croise de nombreux cyclistes, sacs au dos ou traînant de lourdes carrioles, avec tentes et joyeux bardât. Des marcheurs ou promeneurs du dimanche, des familles courant joyeusement derrière leurs chiens, des personnes âgées courbées sur leur canne profitant des bancs de bois disposés au bord de l’eau. Le canal est un refuge, un abri, un rendez-vous.
Le passage des écluses, instants délicats. Les écluses peuvent être automatiques ou dirigées par un éclusier (ici, Alain)Doucement, nous poursuivons notre remontée vers Toulouse. Nous traversons Castelnaudary, capitale du Cassoulet, sans manquer d’ailleurs d’en faire une délicieuse dégustation à l’hôtel du centre.
Le dernier cygne du port de CastelnaudaryLe cassoulet de Castelnaudary Ce soir, nous amarrons le bateau tout prêt d’une jolie guinguette, lieu de détente inondé par les ultimes rayons du soleil. Habitués du lieu et plaisanciers se retrouvent autour des guéridons, les regards tournés sur la dernière embarcation franchissant l’écluse de la Méditerranée. C’est la fin de journée, l’atmosphère y est bon enfant. Lentement, la lumière décline faisant place aux guirlandes suspendues au-dessus de nous, dans les arbres. La nuit sera douce et fraîche.
La guinguette du canal, instants détente Au petit matin, de gros nuages gris tiennent le siège du ciel. Au milieu de la matinée, ils céderont sous les coups d’un vent appuyé et frais, ouvrant la voie à un beau soleil de printemps. Le périple reprend au rythme des passages d’écluses. Nous croisons d’autres bateaux. Il est coutume de se saluer de la main, ou de lâcher un bref coup de klaxon. C’est le petit monde du canal du Midi. Des canards endimanchés de leurs beaux cols verts s’ébrouent devant nous. Nous parvenons au seuil de Naurouze, point de partage des eaux. C’est là que se rejoignent les eaux de la mer méditerranée, et celles de l’océan atlantique.
Nous abandonnons notre vaisseau pour une courte promenade terrestre afin de découvrir le monument érigé en hommage à Paul Riquet. Il s’agit d’une élégante obélisque de vingt mètres de haut dominant la campagne environnante, déposée sur un promontoire rocheux, point le plus élevé de la région, et qui en offre une vue à trois cent soixante degrés. Un monument à l’échelle de l’œuvre du génial concepteur du canal.
Ici, au seuil de Naurouze, les eaux se partagentLa croisière reprend jusqu’à atteindre Port Lauragais, qui en sera notre point de retour. Toulouse, le ville rose n’est plus très loin. La voix rocailleuse et poétique de Nougaro accompagne nos manœuvres de demi-tour : J’ai cinq doigts moi aussi, on peut se croire égaux… Sa statue funambule sur le fil de ses mots comme un salut à ceux qui arrivent, et un aurevoir à ceux qui partent. Ses textes, tel un vent dans le dos, encouragent notre route libérant le courant qui nous porte à l’ailleurs.
Dansez sur moi...Le soleil doucement entame sa descente qui le fera se perdre à l’horizon du jour. Une dernière écluse à franchir, et nous voici amarrés au ponton jouxtant la célèbre poterie not. Nous allons y passer la nuit. D’un coup de bicyclette, certains d’entre nous rejoignent le petit village voisin pour y faire les emplettes du repas du soir. A leur retour, le doux parfum d’un oignon effilé et de tomates coupées envahi le carré. C’est l’heure de la salade, de la macaronade, et du vin rosé bien frais.
Escale à Port Lauragais, champagne avant le retournementCe matin, un vent violent chasse au loin les nuages. Le soleil accompagnera notre retour durant toute la journée. Nous sommes samedi, le canal connaît une circulation assez dense. Le passage des écluses se fait à plusieurs bateaux pour économiser eau et temps. Devant nous, un équipage débutant et hésitant accumule les mauvais choix. Un coup de barre trop violent et voilà leur embarcation quasiment en travers du canal. Il leur faudra quelques minutes pour parvenir à stabiliser le bateau, et poursuivre leur route. Nous sommes les spectateurs quelque peu moqueurs de leurs difficultés marines. Il faut dire que le vent violent ajoute une difficulté supplémentaire lorsque l’on est pas initié. Nous les retrouvons un peu plus loin, bloqués au milieu d’une écluse, couvés par le regard amusé de l’éclusier habitué à de tels équipages perdus dans les manœuvres.
La journée s’écoule à l’unissons de l’eau du canal. Une double, puis triple écluse, ramène le bateau au niveau des berges. Cette impression de descente ascenseur est amusante. Le bateau s’enfonce sous le niveau de l’eau, puis, tel Moïse déchirant la mer rouge, les deux lourdes portes s’ouvrent sous les commandes de l’éclusier, pour nous libérer et nous permettre de glisser à nouveau vers notre port du soir. De nombreux cyclistes se croisent sur le chemin de halage, nous accordant une petit signe de la main, auquel nous répondons avec joie. Le canal appartient à tout le monde, plaisanciers, marcheurs, cyclistes… tel un gâteau que l’on se partage avec gourmandise.
La vie en pénicheLe monde extérieur paraît évanouit, lointain. Ici, tout est sérénité, calme et certitude du moment. De magnifiques iris jaunes se dressent à notre passage, soumis au balayage du vent d’autan. Notre équipage se comporte en vieux loup de mer, ou plutôt vieux loup de canal. Franchir les ponts, croiser d’autres bateaux, accumuler les passages d’écluses, est devenu soudain une routine. Le capitaine donne ses ordres à chaque manœuvre d’appontage, avec assurance et précision. Les mousses s’activent sur les cordes, pendant qu’en cuisine, le menu de midi se prépare. Tout le monde est à son poste. Ainsi va la vie à bord.
Il est midi, une halte s’impose pour le repas. S’ensuit une balade sur les petits chemins, et une partie de boules, pour arriver en milieu d’après-midi. La descente reprend son cours, sur une eau chahutée par les coups de vent.
A l’entrée du port de Castelnaudary, nous rattrapons nos amis débutants, bloqués sous les arches du pont. Tant bien que mal, et après plusieurs essais, ils parviennent à se faufiler entre les piliers, et, enfin, pénétrer dans le port. Dans leur sillage, triomphalement, nous entrons à notre tour dans le port, et amarrons notre bateau.
Le port de Castelnaudary, le bout du voyage Le capitaine et ses matelots...Le canal du Midi en péniche
avec, par ordre d'apparition à l'écran :
Les propriétaires de la péniche Enjoy (Mydol, location) : Aurélie et Lionel Garrigues
Le capitaine : Lalla
Le mousse avant : Vanik
Le mousse arrière : Henry
La matelot tribord : Sybille
La matelot bâbord et photographe : Fabienne
La cuisto et chanteuse : Isa
Avec la participation amicale de Myla et Dolce
Et l'indispensable présence de la péniche Enjoy
Aurélie et Lionel, toujours souriants La péniche Enjoy, un cadre douillet pour profiter de la croisière sur le canal L'équipage remercie Aurélie et Lionel, Mydol, location de pénicheUn grand merci à Mydol - Location de péniches à Castelnaudary et Carcassonne : www.mydol.fr