A première vue, la ville de Reus n’est rien d’autre qu’une petite cité de province, avec sa circulation bruyante et ses rues commerçantes.
A midi, nous avons quitté Tarragone pour nous y rendre directement. Une fois une place de stationnement trouvée, nous avons gagné le centre ville plaça del mercal, désireux de faire un peu mieux connaissance avec l’enfant du pays, l’architecte Antoni Gaudi, qui y naquit le 25 juin 1852.
Étonnamment, Gaudi ne fit construire aucun bâtiment dans sa ville natale, pourtant on ressent sa présence dans le cœur de la ville, tant sont nombreuses les références à son nom. Sa maison natale, des boutiques, des jardins et autres squares.
Au Gaudi Centre Reus, il est possible de comprendre l’inspiration et la pensée du célèbre architecte, au moyen d’un technologie dernier cri. Films, écrans tactiles, audioguides, reconstitutions, les éléments s’imbriquent et se succèdent à la perfection, des premiers plans jusqu’à l’aboutissement de sa carrière, son rêve absolu, la Sagrada Familia, qu’il ne verra d’ailleurs pas terminée, de son vivant. A son sujet Gaudi disait savoir qu’il n’en verrait pas l’aboutissement, mais que cette réalisation devait connaître plusieurs générations. L’achèvement total est prévu en 2026, pour les cent ans de la disparition de son concepteur. Les gens viendront du monde entier voir ce que nous faisons disait Gaudi.
De la visite du centre, il ressort que pour Gaudi, la nature était inspiratoire. Il suffit de prendre le temps de la regarder, de fixer par exemple les formes d’un arbre, sa manière d’entrer dans l’espace, et alors, on comprend. Pour lui, l’homme n’invente pas, il s’inspire de la nature, il copie. Les mouches volent, l’homme à construit des avions. C’est en superposant des images de forêts, de vagues sur mer, avec les créations de Gaudi, que l’on comprend la base de sa réflexion.
Si Gaudi n’a rien bâti dans Reus, il est un architecte qui ne s’en est pas privé : Lluis Domenech i Montaner. Luxueuses maisons bourgeoises, espaces industriels, boutiques, hôpitaux avant-gardistes, et même chapelle, ce dernier a répondu aux nombreuses commandes qui lui ont été adressées, et il est considéré, aujourd’hui, comme l’architecte qui a transformé Reus, au même titre qu’Otto Wagner pour Vienne, la capitale autrichienne. Nous avons visité la Casa Navas, chef d’œuvre de l’art moderniste pour laquelle Domenech eut les coudées franches afin de réaliser cette demeure, voulue comme le plus haut reflet social de ses propriétaires. Pour sa construction, il s’adjoint les artisans les plus réputés en céramiques, mosaïques, peintures murales, ébénisterie et pierres taillées. Le résultat est extraordinaire. La finesse et la richesse des détails, l’exubérance des décors et de leurs couleurs, la hardiesse architecturale, tout cela bouleverse le concept même de la maison bourgeoise de cette période, et ouvre définitivement la porte au modernisme, mouvement auquel Gaudi se joindra avec beaucoup d’autres.
A noter qu'à la Casa Navas, tout a été conservé, tout est d'origine : des meubles aux objets et décors, tout est d'époque, ce qui en fait une visite unique et exceptionnelle.
Au bout d’une heure de visite, notre guide, jeune fille passionnée, nous précède dans l’immense vestibule, illuminé par une magnifique suspension art nouveau, en nous souhaitant une belle fin de journée.
Pour faire suite à cette visite, nous empruntons les rues de Reus afin d’admirer les façades de diverses maisons classées du courant moderniste, œuvres de différents architectes.
Doucement, la lumière du jour perd de son éclat, nous reprenons la route vers le petit village de Miravet où nous pensons passer la nuit, à l’ombre des remparts du château.
A peine arrivés, nous partons faire une courte promenade jusqu’aux premières ruelles, attirés par les lampions colorés d’un camion food-truck, installé au bord de la place. La patronne, toute en gouaille et sourires, nous propose de goûter un cocktail de sa fabrication, sans nous en dire les ingrédients. Nous devinons une base de vin rouge, limonade et martini blanc.
La nuit tombe peu à peu. Les habitants du village descendent s’asseoir près du pont qui enjambe l’Ebre, et comme souvent et partout, refont le monde à leurs manières. Tout le monde se salue, tout le monde connaît tout le monde. Enfants, jeunes, vieilles personnes, travailleurs, tout le monde passe devant la terrasse, se dit bonsoir, s’arrête pour échanger, boire une bière, ou poursuit sa route. Là, juste à ce moment précis, on est bien.