Huit heures de route sont prévues pour atteindre les lacs du nord de l’Italie. Nous allons couper le trajet en deux, en nous arrêtant sur les rives du lac de Serre Ponçon, où nous trouvons un bel emplacement faisant face à la petite ville de Savines le Lac.
Le vent souffle fort en cette fin d’après-midi. Il frise avec insistance la surface du lac. Nous poussons tout de même une petite promenade jusqu’au village. Pour cela, nous devons suivre le pont qui enjambe la Durance, n’en finissant pas de relier ses deux rives. Savines le lac, hésite entre une petite station balnéaire de bord de lac, et une station préalpine. Sa récente construction, suite à la création du lac, efface tout charme, pour ne laisser qu’un attrait touristique oscillant entre départ de randonnée et base nautique.
Le lendemain, en fin de matinée, nous entamons notre itinéraire du jour, qui doit nous mener vers Turin, Milan, avant de bifurquer vers la région des lacs.
Après la traversée de Briançon, la route s’élève, pour offrir de fabuleux paysages. Derrière nous, d’étroites gorges où s’insinuent rivières bruyantes. Face à nous, les sommets alpins dentellent l’horizon de leurs sommets vertigineux, pour certains, tapissés d’une neige éternelle. La descente vers les vallées italiennes se fait agréablement dans un décors de haute montagne, où le vert domine la palette de couleurs des alpages.
Deux heures d’une route et d’autoroute monotones, et nous voici dans un tout autre environnement. Tout à coup, tout semble plus apaisé. Une circulation espacée, de belles maisons de bords de routes encadrées de charmants jardins, et de clôtures entretenues. La région des lacs s’ouvre à nous.
Le premier de notre périple, sera le lac d’Orta, avec sur ses rives, le village d’Orta San Giulio.
Nous sommes au milieu de l’après-midi, il fait particulièrement chaud. Nous profitons de cette belle fin de journée pour descendre au village. De magnifiques villas aux terrasses en surplomb exposent leurs balcons fleuris. Doucement, le sentier pittoresque nous amène vers les bords du lac. Miroir d’une eau assoupie, ce dernier reflète sans trouble les couleurs ocres des façades des demeures et palais, à l’opulente architecture.
Nous passons devant l’étonnante Villa Crespi. Son style architectural résolument mauresque, impose à la vue, le goût orientaliste exacerbé du propriétaire de l’époque. Aujourd’hui transformée en hôtel de luxe, la villa étire son minaret et déploie sa façade cubique à la vue des promeneurs. La finesse des décors, le dessin des encadrures de fenêtres, le jeu de couleurs des fresques murales, tout ceci apporte un charme anachronique indéniable.
Au pied de la villa débute le chemin de promenade menant au village. Fait de petits galets polis par le temps, il descend prestement vers les eaux du lac, s’ouvrant de temps à autres sur pontons et minuscules plages, où de rares baigneuses profitent de la douce chaleur. De petits bateaux à moteur attendent patiemment, installés côte à côte, dansant au rythme des clapotis. D’autres dorment à l’abri dans les garages à bateaux privés des villas.
Le chemin poursuit se circonvolution pour nous déposer sur la piazza Motta, où règne une belle animation. C’est d’ici que partent les bateaux omnibus qui relient le village à la petite île Isola San Giulio. Le ballet des petite vedettes est rythmé toutes les quinze minutes. Il emporte ou déverse sur le quai, les touristes et les habitants venant du village situé de l’autre côté du lac. Restaurants, bars, pizzerias et gelateria envahissent l’espace public. S’y pressent, une armée de visiteurs dégustant des glaces en cornets ou installés devant un Apérol spritz. Des chaises des terrasses ou des bancs publics, les regards sont tournés vers le lac, personnage central de cette comédie italienne qui se répète jour après jour, inlassablement.
Au cours de ces deux jours de découverte du lac d’Orta, nous avons flâné à travers le vieux village, empruntant d’étroites rues escarpées, à la découverte de coursives, de vieilles enseignes, de palais cachés, de façades jaunies par le temps.
Bien entendu, nous sommes allés faire le tour de la Isola San Giulio, après avoir pris le bateau omnibus. Une petite heure de promenade, pour un petit bout de terre sur lequel repose de belles demeures, construites au ras de l’eau, et faisant face au village d’Orta, sur lequel on profite d’une belle vue.
Le site de Sacro Monte di Orta domine le village et le lac. Une montée assez ardue permet d’y accéder, à l’ombre des pins qui déposent leurs épines, tressant un fin tapis sous les pas des randonneurs. Construit à partir de 1590, le site est désormais classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Il est entièrement voué à la vie de Saint François d’Assise. S’y succèdent, vingt chapelles décorées de fresques et habitées de statues en terre cuite, grandeur nature. Outre les chapelles, on y rencontre un silence bienfaiteur, et un cadre propice à la réflexion. De plus, le belvédère de la première chapelle offre une vue unique sur le lac.
Le mercredi, le village d’Orta San Giulio s’anime dès le matin. C’est jour de marché. Camelots, fromagers, maraîchers et vendeurs divers s’installent jusqu’en fin d’après-midi, sur la place centrale, dans un lieu idyllique. Comme sur tout marché, on y discute fort, on propose, on déguste, on achète. Nous nous laissons tenté par la dégustation du fromager, et repartons avec, dans notre sac, portions de parmigiano, pecorino et gorgonzola.
La journée s’étire, le ciel soudainement se pare de gris, accueillant de lourds nuages, prémisses d’une petite pluie annoncée. Les étals, un à un, replient leurs parasols. Il est temps pour nous de rejoindre notre fourgon. Ce soir, pâtes au parmesan truffé sont au menu.
Demain, nous reprenons la route pour les bords du lac majeur.