Se promener dans Moulins, c’est picorer à droite à gauche, dans des périodes de l’histoire datant du Moyen âge, de la Renaissance ou de la Belle époque.
Pour parvenir jusqu’à la ville, il faut traverser le pont Régemortes qui enjambe un Allier tout en largeur, dont les eaux capricieuses et translucides glissent joyeusement.
La place d’Allier ouvre le bal. Tout en longueur, commerçante, animée, elle est le cœur de la cité. Un petit kiosque jouxte un fragile carrousel aux chevaux de bois figés, tandis que plus loin, le marchand de crêpes régale les palais. Tout au bout de la place, une façade attire l’œil. C’est le Grand café, une institution depuis 1899. Cette brasserie de style art nouveau a conservé sa décoration, balcon où se tenait l’orchestre, jeu de miroirs, verrières, plafonds peints par Auguste Sauroy. René Fallet et son ami Brassens y partagèrent de bons verres et de bon mots. Gabrielle Chanel y vint souvent. Alors pensionnaire à l’institution Notre Dame, la jeune Gabrielle poussa la chansonnette dans un café concert de la ville, la Rotonde, interprétant une chanson intitulée «Qui qu’a vu coco dans le Trocadero». Une chanson qui fit son succès et son prénom ; C’est ainsi que naquit Coco Chanel. Plus tard, toujours à Moulins, elle fit ses premiers pas dans la couture, avec la suite que l’on connaît.
La montée vers la cathédrale Notre Dame se fait par des petites rues aux maisons basses. La cathédrale impose sa masse gothique. Des personnages étonnants encerclent le soubassement des pentes du toit, avec des gargouilles aux visages successivement angéliques et diaboliques. L’utilisation de la pierre de lave noire de Volvic, mélangée au calcaire blanc, surhausse le tout d’une touche quasiment avant-gardiste, courant pourtant, et bien entendu, inconnu à l’époque.
Un parc public la sépare d’une maison remarquable à l’histoire tout aussi remarquable : la maison Mantin. Louis Mantin a reçu fortune de ses parents et grands-parents, ébénistes de père en fils. Après avoir été successivement avocat, puis sous-préfet, il rentre à Moulins, sa ville natale, pour y vivre de ses rentes. Là, en 1851, adjacente au château des ducs de Bourbon, il se fait bâtir une maison d’architecte, haute de trois étages, d’une surface de près de trois cent mètres carrés. Sorte de villa balnéaire dotée d’une tour moyenâgeuse, la maison bénéficie de l’électricité, du téléphone, et recèle une impressionnante collection éclectique de mille objets rapportés de voyages. A sa mort, en 1905, il lègue la maison à la ville de Moulins. A certaines conditions cependant : cette maison devra être transformée en musée, afin que le public, cent ans après sa mort, puisse encore découvrir l’habitation d’un bourgeois du XIXème siècle, et que les travaux de transformation soient réalisés et achevés dans les cinq ans de sa mort, sous peine de voir la maison revenir à sa légataire universelle. La commune de Moulins accéda à ces deux requêtes, et le musée vit le jour dans les temps. Près de 117 ans plus tard, on visite toujours la maison de Louis Mantin, et l’on savoure toujours avec étonnement son décor intérieur aux milles influences.
Collée à la maison Mantin, on découvre le pavillon Anne de Beaujeu, également connue sous le nom de Anne de France, pour avoir été à la tête des destinées du pays, en qualité de régente de Charles VIII. Sa destinée, sa lutte pour sauvegarder sa régence, son affirmation en tant que femme et femme d’état, lui ont valu une place importante dans l’Histoire de France, et donc dans celle de Moulins.
Le trésor de Moulins se lit sur trois panneaux de bois, c’est le triptyque de la vierge en gloire, peint par Jean Hey, plus connu sous le nom du «maître de Moulins». La particularité de ce tableau est de faire apparaître à la droite et à la gauche de la vierge, les donateurs de l’œuvre : Pierre et Anne de Bourbon et leur fille Suzanne (Anne de Bourbon est Anne de France). Pour admirer ce chef d’œuvre, il faut se rendre dans la sacristie de la cathédrale où il est exposé aux curieux et aux croyants.
On ne peut quitter Moulins sans se rendre au centre national des costumes de scènes (CNCS). Une exposition permanente a pour sujet Rudolf Noureev. On fait connaissance avec ce sublime danseur, adulé, parfois controversé, ayant fuit sa Russie natale, pour exercer son art en Europe, où il imposa très vite, à tous, sa vision personnelle de la danse. Le centre s’est vu doté d’une partie de la collection Noureev, don du danseur lui-même, de costumes de scène, collections, meubles et instruments de musique.
Dans l’autre partie du bâtiment, l’exposition «Molière en scène», nous transporte dans les pas de Jean-Baptiste Poquelin. C’est éblouissant. De par les nombreux costumes présentés. Sganarelle, Harpagon, Scapin, le bourgeois gentilhomme, le malade imaginaire... tous se succèdent en une joyeuse mise en scène de son et lumière, rehaussée par les images des innombrables adaptations théâtrales et télévisuelles (Michel Bouquet, Louis Seignier, Claude Brasseur, Jérôme Deschamps …). Un vrai régal pour les yeux.
A la sortie, nous sommes surpris par une averse en rien théâtrale.
Sur la route, nous faisons une halte à Souvigny, pour arpenter les jardins fleuris du prieuré clunisien, ainsi que l’église Saint Pierre et Saint Paul, nécropole des ducs de Bourbon, abritant, chose rare, une exposition de peintures et de sculptures, aux influences diverses et colorées.
Deux heures plus tard, nous apercevons la cathédrale de Bourges, brillant sous un beau soleil.