Traversée des Pyrénées

Un périple de 20 jours à pieds pour rejoindre l'Océan Atlantique depuis la Méditerranée, en empruntant le GR10, la HRP et le GR11.
Septembre 2014
20 jours
1

Lundi 16 juin 2014. 21h15 j'arrive à Banyuls après 2 TGV, 1 Ter, 2 bus. Je suis claqué, il faut que je trouve l'hôtel et que je mange. J’appelle l'hôtel. C'est un 06. La personne au bout du fil m'indique comment m'y rendre. La petite ville est un vrai labyrinthe. Arrivé devant la porte elle me dit de prendre la clé derrière le pot de fleurs d'ouvrir l'hôtel et de me diriger vers la chambre 4. Personne, l'hôtel est vide et il n'y a personne pour me recevoir... Il est où mon comité d'accueil ? Pour payer il suffit de laisser l'argent dans la table de nuit. Je me dirige vers le centre ville pour chercher un resto.

J'arrive face à la mer, je nage en plein doute. Devant moi une mer d'huile, calme, apaisante. Derrière moi 800 km de montagnes, caillasse, sentiers, névés, cols. Mais pourquoi ne pas venir tranquillement à la plage demain? Quelle idée de vouloir traverser les Pyrénées... Y'en a qu'ont de ces rêves... En plus il y a une semaine j'ai participé à un trail dans les Alpes. Je devais faire 41 km, j'ai abandonné au 27ème... J'ai eu mal aux jambes pendant 4 jours... De quoi me donner le moral pour tenir 40 km par jour dans les Pyrénées ...

Après une excellente pizza au poisson et une mousse au chocolat je rentre me coucher. Impossible de trouver le sommeil, j'ai mal au bide, le stress sûrement. Pourtant ça fait un mois et demi que je m'entraîne, j'ai toujours adoré marcher en montagne, cette traversée j'y pense depuis dix ans. J'ai envie de me confronter à moi-même, de voir si j'en suis capable, de me retrouver dans un environnement où il faut mettre tous ces sens en éveil, écouter son corps. En même temps, c'est simple, il suffit de marcher! Oui mais simple ne veut pas dire facile (ndlr)!

Matin arrivée Col de l'Ouillat (FR) – 22km en 4h23 : D+1880 D-980

Après-midi arrivée Las Illas (FR) – 24 km en 4h02 : D+ 606 D- 982

Mardi: 6h le réveil sonne j'ai l'impression de ne pas avoir dormi de la nuit. Pas de petit déjeuner ici et à cette heure là tout est fermé. J'avale une barre Isostar et je pars, advienne que pourra. Le sentier du GR10 s'élève doucement, je passe quelques maisons puis me retrouve en plein milieu des vignes. La vue sur la mer s'améliore avec l'altitude, le ciel est nuageux et laisse seulement filtrer quelques rayons du soleil qui scintillent sur l'eau calme. Je passe d'anciennes tours de guet, serpente dans les vignes et franchis un premier col. Le vent souffle à décorner des vaches catalanes, que je verrai par dizaines plus loin sur les alpages. Après 19km j’arrive au pic Neulos (1256 m) le sommet de la journée, je me sens super bien, je ferai le point au refuge l'Albère dans 3 km. M'y voilà à 11h. Un sandwich et un peu de repos plus tard je décide de repartir pour aller dormir à Las Illas, 20 km plus loin. Il me reste l'après midi, ça devrait le faire. Le chemin est moins sympa que ce matin, j'aurais pu le faire en vtt, ça serait passé sans pb et j'aurais mis moins de temps!

Au final j'arrive à Las Illas 4h plus tard, après 24 km...

Ce qui fait total pour cette première journée de 46 km, 2500m de dénivelé positif et 2000 de négatif. Qui veut aller loin ménage sa monture, aussi il va falloir que je me calme demain. Sans oublier un autre dicton: rien ne sert de courir il faut partir à point. Demain départ à 6h30 pour de nouvelles aventures !

2

Matin arrivée à Arles sur Tech – 25 km en 5h05 : D+ 1456 D- 1743

Après-midi arrivée au refuge de Batère - 10,7 km en 2h24 : D+ 1190 D- 70

Bonjour à tous,

Je vous écris ce message bien à l'abri sous l’auvent du refuge Batère et j'avoue que je suis bien content d avoir rallié mon port du jour bien avant cet orage de grêle qui s abat sous mes yeux. J'ai une pensée émue pour le couple de petits jeunes que je viens de croiser et qui partait planter la tente à une heure de là. Ça me rappelle de bons souvenirs avec Laurette quand nous aussi nous étions jeunes et insouciant avec nos 30 kg à deux sur le dos (partagé de manière peu équitable je dois le dire) on avançait comme des escargots avec notre petite maison sur le dos. Il faut dire que j’ai choisi la version 4 étoiles pour traverser les Pyrénées. Refuge, douche et repas chaud chaque soir, c’est quand même la grande classe ! On a rien sans rien.

Je vais vous poster une photo du dortoir de 12 que je vais occuper seul cette nuit ça va en faire rêver certains... J'ai aussi mis une photo de moi en tenue casual après la rando. Habitué à me voir en costard cravate (ou en jean polo corrigerons d'eux mêmes d’autres) vous allez avoir du mal à me reconnaître. Bon, quoi de beau aujourd'hui ? 35 bornes et 2600 m de grimpette, c'est pas mal, surtout après la première étape marathon d’hier, il fallait confirmer et s'assurer que le corps n'était pas HS au bout du premier jour...

Bon maintenant je vais vous raconter une histoire de cul, ce sera le chapitre poésie de cette saga qui est partie pour durer un peu de temps. Et puis ça fera monter l'audience du blog, car je vous rappelle que je cherche de généreux donateurs pour sponsoriser les km parcourus pour le compte d’une association qui me tient particulièrement à cœur ! Je ne voudrais pas faire la grève des km vous en avez assez déjà comme ça !

L'histoire de c... donc puisque je viens de susciter la curiosité délirante de l'auditoire... Je ne sais pas si vous le savez mais quand on fait de la rando on revient très vite aux fondamentaux :

- Marcher

- Boire

- Manger

- Dormir

- Prendre soin de son corps pour éviter que le moindre petit bobo anodin finisse par vous pourrir la vie et vous empêche de marcher.

Quel rapport avec le c... Me direz-vous, mais j'y viens justement ! Faisons un petit check-up du randonneur que je suis :

Les pieds (le plus important) : Ok

Les épaules (à cause du sac) : Ok

Les jambes: même pas mal

La tête: le moral est au top (pourvu que ça dure...)

Bon ben tout va bien alors ? Et bien non, je viens de découvrir que lorsqu'on marche de manière soutenue pendant des heures ça peut créer des irritations dans les f.... qui peuvent devenir très très gênantes et vous obliger à marcher comme un canard les 670 km restants... Ça pourrait faire l'objet d'un record dans le Guiness book mais il ne me tente pas celui là. Et là grosse chance: j'ai traversé tout à l'heure un village dans lequel j'ai trouvé une.... Pharmacie ! Ce sera peut-être la seule du périple. J'explique dans les moindres détails mon pb au pharmacien et me voilà alourdi d'une pommade miracle qui va me permettre de continuer...

Demain si le temps le permet je passerai au sommet du Canigou, mais pour l'instant il est recouvert d'une épaisse couche de nuages tout gris.

Hasta la proxima !

3

Matin arrivée Mariailles 29 km en 6h02 : 1756 D+ 1532 D-

Après midi arrivée Ull de ter 30 km en 5h44 : 1600 D+ 1090 D-

ÉNORME c'est le mot qui résume le mieux cette étape selon moi.

Énorme pour la montée au Canigou, le sommet des Pyrénées Orientales. Un beau caillou ce Canigou avec un aller retour dans sa "cheminée" qui mérite bien son nom et sa réputation. Un raid couloir dans du rocher juste sous le sommet.

Énorme pour la chance d'avoir eu un temps parfait pour y monter car cela faisait plus d'un mois qu'il était sous les nuages ! Cette journée marque un changement radical avec les jours précédents, on a l'impression d'arriver en montagne. La végétation change, l'altitude s'élève, les pentes s'inclinent.

Énorme pour le kilométrage: 59 dans la journée, ça fait beaucoup. J'étais parti pour en faire 50 mais j’ai trouvé le moyen de me perdre deux fois pendant l'étape de l'après-midi... J’étais sur un plateau, il n'y avait pas âme qui vive, seul au monde... Un beau moment de solitude, avec l'heure qui tourne et le chemin qu'on ne trouve pas... pour couronner le tout, comme par hasard, un rapace me tournait au dessus et je suis tombé sur une carcasse de cheval (voir photo dans la galerie) en cherchant ma route... Que de signes encourageant. Tout d'abord on nie l'évidence, puis on se rend compte qu’on a bien fait 4 km dans le mauvais sens. Là, c'est le coup de massue, puis on mobilise tous ses sens et toute son énergie pour se remettre sur la bonne route. J'ai retenu la leçon pour la suite, je vous le promets. Cette petite alerte m'a remis les épaules sur la tête comme a dit récemment un de nos footballeurs de l'équipe de France !

Résultat je suis arrivé à 19h30 au refuge, pas vraiment idéal pour récupérer en vue du lendemain...

Le Canigou ! 
4

Matin arrivée à Eyne 20km en 4h06 : D+ 1030 D- 1675

Après-midi arrivée refuge des Bouillouses 17 km en 3h03 : D+ 639 D- 203

Ce matin j'ai fait la grasse matinée, levé 6h30, d'habitude c'est l'heure à laquelle je pars.

Temps magnifique, heureusement car j'ai les jambes un peu raides et il y a un bel itinéraire de crête ce matin, j'espère que les photos postées vous permettent de vous faire une idée. Le sentier s'élève doucement dans les pâturages, je croise des chevaux avec leurs petits, plus haut les premières marmottes, et après 600 m de dénivelé des crêtes avec un panorama à couper le souffle ! Pas grand monde par ici, à part quelques dizaines d'Izards (chamois des Pyrénées) qui s’enfuient dans les pentes dès qu'ils estiment que je suis trop proche. Après une grosse descente j'arrive dans le village d'Eyne pour une bonne pause et un gros déjeuner. Je plonge mes pieds et mes jambes endolories dans un torrent glacé pour faciliter la récupération. Les 17 km de l'après-midi se font tranquillement. J'arrive à une heure décente au refuge des Bouillouses se qui me laisse le temps de récupérer pour demain. J’ai exactement un jour d'avance sur le plan ce qui me laisse un peu de marge pour la suite. Demain soir direction l'Andorre. Désolé, je ne prends pas les commandes mon sac est plein !

5

Matin arrivée au Col de Puymorens – 24 km en 4h51 : D+ 870 D- 950

Après-midi départ l’Hospitalet l’Andorre, arrivée refuge de Juclar (AND) 12 km en 3h27 : D+ 1218 D- 394

Il y a des gens qui me cassent le moral. Généralement ils me demandent où je vais et alors ils disent "ben vous n’êtes pas arrivé !".

D'autres me le remontent. Ce sont qui me demandent d'où je viens et généralement ils disent "ah ouai quand même !" et bien j'ai rencontré deux personnes qui m'ont demandé où j'allais !

Aujourd'hui j’ai un peu triché: j'ai fait du stop sur 7 km. Une nationale longeait le chemin je n’ai pas pu résister... Ça compense les 9 km de perdus à tourner en rond de l'étape 3.

Ce matin c'était super. Un sentier facile autour du Carlit, sauvage, je n'ai croisé personne ce qui m'a permis de surprendre une harde de mouflons au sommet d'un petit col. Ça fait bizarre de ne croiser personne pendant des km, maintenant j'ai toujours l'impression de ne pas être sur le bon chemin, ça me stresse. J’arrive donc à l'Hospitalet l'Andorre en voiture après avoir quand même fait 25 km le matin. Je profite du temps de gagné pour manger et me tremper les pieds brûlant dans une fontaine. Mes f... vont mieux mais d'autres petits soucis apparaissent: les ampoules, mal au genou, aux cuisses... Il faut rester attentif avant que cela ne devienne trop handicapant.

Pour l'après-midi il ne reste que 12 km, une formalité me dis-je ! Que neni ! 1200 m de grimpette dans des blocs de rocher et des névés, j'ai passé mon temps à chercher les marques... A checker la carte. 3h30 plus tard me voilà arrivé au refuge de Juclar, en Andorre, d'où je vous écris ce petit message, c'est beau la technologie, non?

6

Matin arrivée Refuge de Sorteny (AND) – 17,2 km en 4h18 : D+ 1374 D- 1689

Après-midi arrivée refuge de Mounicou (FR) – 19 km en 3h45 (+5 km de stop environ) : D+700 D- 1363

7

Matin arrivée Tavascan 31,8 km en 6h53 : D+ 1772 D- 1722

Après-midi arrivée Estaon 12,9 km en 2h20 : D+ 816 D- 705

Résumé étapes 6 et 7

Pour traverser les Pyrénées à pied de la méditerranée à L'atlantique (ou l'inverse) il y a 3 routes principales:

- Le GR10, sentier de grande randonnée côté français

- Le GR11, côté espagnol

- La HRP, haute route pyrénéenne qui trace une route au plus près des crêtes formant la frontière.

Si les GR10 et GR11 sont très bien balisés, il n'en est pas de même pour la HRP. La HRP évolue sur des altitudes plus élevées, les passages délicats (éboulis, névés, balisage peu apparent) y sont donc beaucoup plus nombreux. La route que je me suis tracé sur la carte emprunte aux trois itinéraires. J'ai commencé par 3 jours de GR10 puis par 3 jours de HRP. Pour le septième jour, je viens de quitter la HRP pour le GR11 que je vais suivre pendant 4 jours. Et ce n'est pas avec un certain soulagement que je quitte la HRP, car j'ai réellement galéré ces derniers jours. Stressé par la crainte de perdre le chemin, stressé au passage des cols à cause de l'enneigement, j'avançais comme une limace et ça me minait le moral. Heureusement que j'ai pu passer quelques coups de téléphone qui m'ont reboostés.

Donc après avoir traversé l'Andorre hier, vu un coin reculé de l'Ariège ce matin (Port de l'Artigue), je viens de faire connaissance avec le GR11 espagnol cet après-midi et le moral est remonté en flèche, le sentier est "facile", les marques nombreuses et du coup les kilomètres défilent nettement plus vite. Et ce n'est pas l'arrivée sous l'orage qui va changer quelque chose. Et finalement dès que le moral va, le reste suit.

Je tenais à vous remercier pour vos messages de soutien (commentaires sur le blog, sms, email), je les lis tous même si je ne prends pas le temps d'y répondre et ça m'aide à avancer.

Hasta luego!

8

Matin arrivée Espot 21,2 km en 4h52 : D+ 1567 D- 1512

Après-midi arrivée refuge d'Amitges 14,5 km en 2h48 : D+ 1147 D- 127

Ce matin j'ai croisé un sanglier... Nous avons tous les deux été surpris et il a eu la bonne idée de s'enfuir dans la direction opposée !

Cette étape du jour sur le GR11 fût reposante pour l'esprit et les jambes (35 km), même si avec 2700 m de dénivelé positif ce ne fût pas une sinécure. Le gîte d'hier soir était vraiment charmant, dans un hameau (Estaon) de vieilles maisons en pierre, c'était charmant à l'intérieur, on aurait dit une chambre d'hôtes !

En plus j'ai rencontré des gens extra, c'est aussi pour ça que je fais ce genre de voyage. Un groupe de trois qui ne se connaissait pas il y a encore 15 jours mais qui maintenant progresse ensemble sur le GR11 dans le sens inverse au mien. Un espagnol, une fille de l'Alaska, et gars de 70 ans venant de Floride! Ce type (Richard) m'a bluffé. Par son humilité tout d'abord puis par ses réalisations. Il est en train de faire le GR11 en une quarantaine de jours avec sa tente et son piolet après avoir fait la partie espagnole du chemin de St Jacques de Compostel! Amaizing! C'était vraiment super de passer la soirée avec ces trois là, on a bien rigolé.

Ce soir je viens d'arriver (sous une pluie battante) dans le parc national d’Aiguestortes, un endroit magnifique parsemé de pics granitiques et de lacs. Je dois le traverser demain en espérant que le temps s'améliore pour pouvoir profiter du paysage. Pour l'instant il pleut et je suis bien content d'être arrivé tôt au refuge pour faire sécher toutes mes affaires...

9

Arrivée au Refuge de Conangles (SP) – 34km en 8h03 : D+1760 D- 2600

Ce devait être une des plus belles journées de cette traversée. Le parc national d’Aiguestortes promettait des paysages grandioses... Les amoureux de la montagne de tous les pays s'y pressent pour parcourir la fameuse boucle de 55 km du "Carros di foc". Mais j'ai surtout vu la pluie dans un premier temps et puis le brouillard surtout, ensuite. Le cauchemar du randonneur. Cette journée fût donc une belle leçon de persévérance. Après avoir bien emballé toutes mes affaires dans des sacs plastiques, je quitte le refuge le premier, bien couvert, bien décidé à rejoindre mon prochain point intermédiaire. Peu après le passage du col de ratera à 2500 m et des brouettes je perds le fil du chemin. Neige et brouillard s'en donnent à cœur joie pour brouiller les pistes. Le temps que je passe à explorer les différentes directions me semble interminable. 10, 15, 20 mn plus tard, je ne sais pas, je retrouve la trace. Après 10 km j'arrive au refuge de Colomers. Un café à 2,3 € plus tard je reprends la route en décidant de rallonger mon itinéraire pour éviter deux autres cols en altitude et le risque de perdre la trace une deuxième fois. Je passe sous les nuages, retrouve une piste large, il fait meilleur. 10 km plus loin, le chemin remonte et repasse dans la brume (sans les gorilles...), et là regalère à chercher la route. Heureusement deux types font le chemin en sens inverse et ont laissé de précieuses traces sur les névés que je suis tel un sioux à l'affût. Je me rappelle les galères des randos passées (Machu Picchu, Norvège, Lauvitel), nous nous en sommes toujours sortis et on en a bien rigolé après. Mais sur le moment... Après 8 h de marche quasi non stop je rallie le refuge de Conangles en boitant, mes bâtons me servant de canne. J'ai la cheville gauche en compote (et non en composite comme le suggère l'éditeur de texte de mon téléphone...). On verra si la nuit permet d'améliorer les choses, car ça risque d'être difficile de continuer cette aventure sur une seule jambe...

Jeudi 2 h du matin. La douleur à la cheville me réveille. Difficile de dormir. A 6 h 30 je descends prendre le petit-déjeuner comme convenu avec le gardien du refuge. J'ai du mal à descendre l'escalier... La cheville gauche est enflée et douloureuse, le constat est sans appel: impossible de reprendre la route ce matin, ce doit être une entorse (cela se révèlera être une grosse tendinite). Après 9 jours et 400 km me voilà contraint d'abandonner.

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Du refuge de Conangles au refuge de Estos (Espagne gr11) 36,8 km en 8h30 : D+2090 D- 1753

Mercredi 3 septembre, je prends le train pour Toulouse et retrouve l'ami Fred (le dénommé gentleman driver depuis ce jour) au volant de sa belle auto à la gare de Matabiau. Direction le refuge de Conangles en Espagne à 180 km de là, lieu où j'avais du mettre entre parenthèses ma traversée pyrénéenne à cause d'une méchante tendinite au pied gauche. Retrouvailles avec le gardien, soirée sympathique avec des randonneurs hollandais et français et hop au dodo. Cette fois je ne suis pas réveillé par la douleur au pied mais par les ronflements des camarades de chambrée, alors que Fred dors comme un bébé à côté...

Jeudi 4 septembre

Réveil à 6h15, il fait nuit noire, c'est la grosse différence avec le mois de juin. L'autre différence majeure est le fait qu'il n'y a plus de neige sur les sentiers ce qui devrait rendre la tâche plus facile, parce qu'en juin j'en avais bouffé de la neige ! Au petit dej, une boule de stress au ventre, je n'arrive pas à avaler la moindre tartine. A 7h nous levons le camp, direction le col de baliverne, si après ça je ne vous raconte pas d'histoire...

Fred m'accompagne sur les 8 premiers km, les plus durs de l'étape puisque nous ne faisons que monter. Ça fait plaisir de partager un bout de chemin avec toi!

C'est bien raide pour une reprise... Avec aucun entraînement dans les pattes depuis deux mois (privilégiant le repos pour la guérison de la blessure), j'espère que ça va aller... Après des adieux courts mais intenses (bye-bye Fred et merci pour tout) je continue seul ma route. Après une dernière grimpette j entame une descente de 1500 m. C'est assez facile mais qu'est-ce que c'est long! J'arrive cramé en bas, reste encore 8 km et 600 m de montée... Je me mets dans ma bulle, avançant de manière un peu mécanique avec la seule idée d'arriver pour 16h au refuge d'Estos (après 36 km), le pire refuge depuis le début de mon voyage... Toilettes à la turc, douches à l'extérieur sans rien pour accrocher la moindre affaire... En plus, lorsque j'arrive le gardien me dis qu'il ne peut me faire à dîner car je n'ai pas réservé à l'avance! C'est la première fois que je vois ça... ! Ces petites contrariétés ne doivent pas masquer la majesté du lieu et la splendeur des paysages traversés aujourd'hui. J'entends l'orage qui gronde, j'espère que demain c'est le soleil qui m'accompagnera.

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Départ refuge Estos - Arrivée route de Parzan 31,7 km en 6h45 : D+1652 D-2339

Stop sur environ 3km

Départ hospital de Parzan Arrivée refuge Barroude : 10,3 km en 2h46 : D+1141 D-176

En résumé: j'en ai bavé toute la journée, une des plus difficile de la traversée (2800 m de dénivelé positif). Dans les montées j'avais le souffle court, aucun jus, et dans les descentes un mal aux pieds qui ne me permettait pas d'aller à la vitesse voulue... Bref aucun plaisir, je suis arrivé exténué au refuge de Barroude à 17h30, ce qui laisse peu de temps pour récupérer.

Pourtant la région est magnifique, le temps idéal, les chemins sans difficulté technique, et la neige absente. Tout pour bien avancer donc, mais quand la forme n'est là, les journées sont longues...

La seule "satisfaction " si on peut dire c'est que les 43 km de la journée sont réalisés en trois jours par les randonneurs que j'ai croisé... En espérant que ça ira mieux demain.

13

De refuge de Barroude à l'auberge du maillet 19,3 km en 4h18 : D+805 D- 1338

De l'auberge du maillet au refuge Espuguette 12,8 km en 2h56 : D+850 D-668

Cette douzième étape c'est la promesse d'une des plus belles journées du voyage: la traversée du cirque de Troumousse l'un des joyaux des Pyrénées.

Départ du refuge Barroude (super accueil, super dîner et une situation extraordinaire) à 7h15, le jour se lève doucement, il fait bon malgré l'altitude (2400 m). Le chemin passe au pied de falaises qui réfléchissent les premiers rayons du soleil. J'ai encore mal au pied droit, j'ai l'impression que tous mes ongles vont tomber...! Je passe un premier col, puis un deuxième (hourquette de Heas) au détour duquel je surprends une maman izard et son petit, instant privilégié et toujours magique.

Plus bas, je bifurque à gauche sur un chemin en balcon qui m'amène au cirque de Troumousse. Quel spectacle ! Au loin j'aperçois le Vignemale et son glacier, il y a aussi beaucoup de pâturages, je passe au milieu des vaches et des moutons peu conscients de jouir d'un tel panorama. Au bout de 19 km je fais une pause à l'auberge du maillet. Une bonne "croûte" (pomme de terre, champignons, jambon, fromage gratiné au four) et je repars vers le lac des gloriettes. Une petite vallée superbe avec une petite rivière coulant paisiblement en son sein, l'endroit idéal pour un pic-nic en famille, il faudra y revenir !

Cette étape beaucoup plus courte qu'hier (32 km contre 43) me réconcilie avec la montagne. Même si je marche moins vite qu'en juin, la faute à une absence d'entraînement et à des douleurs persistantes aux pieds. Le coup de fil à la famille m'a reboosté le moral.

La suite au prochain numéro, à bientôt.

14

Refuge Espuguette à refuge Beyssellance 21,1 km en 4h39 : D+1472 D-881

De refuge de Beyssellance à refuge Wallon 13,1 km en 3h16 : D+665 D-1422

La bonne nouvelle sur cette étape c'est que les douleurs aux pieds ont pratiquement disparues, je retrouve du plaisir à marcher et à trottiner dans les descentes.

Le chemin me mène tout d'abord au petit village de Gavarnie, qui doit être sacrément mort hors période touristique. Il y a des petits commerces, des restaurants, des auberges, encore endormis à l'heure où je passe. De là j'entame une longue montée (elle m'a parue interminable en vérité) jusqu'au refuge de Beyssellance, le plus haut du massif pyrénéen perché au pied de la voie normale du Vignemale à 2600m et des brouettes. Il y a un petit vent glacial et j'arrive transis et bien fatigué au refuge. Un thé et gâteau choco banane plus tard me voilà requinqué pour la suite. Je repars en me sentant nettement mieux, c'est incroyable les capacités de récupération du corps humain. Sur les 13 km restants j'expérimente la pluie, le vent, le soleil, un orage (il est passé à côté) pour arriver au refuge Wallon, terme de cette treizième étape (elle ne m'a pas porté la poisse...). La forme revient, mais attention il y a encore de grosses étapes à franchir.

Demain, si le temps et la forme le permettent je vais essayer de faire plus que prévu pour être tranquille pour la suite. Ce qui me laisserait une étape relativement "tranquille" mardi.

15

Refuge Wallon à refuge Arremoulit 18,3 km en 5h11 : D+1601 D-1210

De Arremoulit à refuge Pombie 10,7 km en 2h17 : D+760 D-988

Je pars de nuit, à la frontale. C'est fou comme ça change tout... Je tâtonne un peu pour trouver une passerelle puis je file sur mon premier col. Je manque de marcher sur une salamandre, puis sur une autre, il y en a tout le long du chemin, jamais vu autant. La montée est régulière et je ne suis pas fâché d'arriver au col de la Fache après une heure et demi de marche. Trois izards m'accueillent. La descente côté espagnol s'avère être une autre paire de manches. Le sentier est raide, caillouteux, très technique et je descends finalement moins vite que j'ai monté. La pente s'adoucit et la pluie fait son apparition. J'enfile ma super veste imperméable (180 g, les spécialistes apprécieront) et j'arrive bientôt au refuge Respomuso. De peur de me refroidir je décide de ne pas m'y arrêter pour faire le point sur ma route. Quelle erreur! Du coup je rate un chemin à droite et me rallonge d'au moins 2 kms et surtout de 400 m de descente puis de montée. Là forcément le moral en prend un coup, d'autant plus que j'espérais faire plus que prévu aujourd'hui pour m'avancer sur les prochaines étapes... Tant pis je vais prendre mon temps pour finir celle-ci. Je monte aux lacs d'Arriel. Puis au col du même nom dans des éboulis compliqués si bien que perds plusieurs fois les cairns qui me servent de repère. Enfin, j'arrive au refuge d'Arremoulit pour une pause déjeuné salvatrice. Le gardien est super sympa, le soleil est revenu, et l'omelette chorizo fromage sûrement la meilleure du monde. Je partage le déjeuner avec une tablée de retraités bien rigolos.

L'après-midi est sans pression, une dizaine de kms m'amènent au refuge de Pombie à qui je décerne sans hésiter la palme d'or du meilleur accueil et du meilleur dîner (tajine de bœuf aux raisins et figues, gâteau au café nappé de chocolat glacé... J'en ai encore l'eau à la bouche). N'ayant pas pris de douche depuis trois jours, je vais me laver dans le lac à côté (ce qui vaut largement le défi du "ice bucket" Fred). Nu dans la nature face au Pic d'Ossau, voilà une photo qui aurait fait monter l'audience de ce blog!

Bref vous l'aurez compris, heureusement que je ne suis pas allé plus loin aujourd'hui !

D'autant plus que la gardienne du refuge m'a indiqué un passage secret pour ma route de demain qui devrait réduire de 5 à 6 km mon itinéraire pour arriver au refuge d'Arlet. Je vous en dirai plus demain, hasta luego.

16

De refuge Pombie à col de Somport 15 km en 2h56 D+728 D-1143

De col de Somport au refuge Arlet 16 km en 3h05 D+900 D-553

Aujourd'hui j'ai fait la grasse mat... Lever 6h45 au lieu de 6h15. J'ai envie de prendre mon temps et de ne pas me mettre la pression. Je pars à 7h40. Grâce au raccourci indiqué par Karine, la gardienne de Pombie, je devrais avoir finalement une journée tranquille au lieu du marathon de 41 km prévu initialement. Au lieu des pierriers d'hier, je suis dans les pâturages pour brebis. Du coup c'est beaucoup plus facile d'avancer à un rythme soutenu, sans le besoin de regarder sans cesse où l'on pose chaque pas. Et hop deux izards au premier collet franchi. Le coin est magnifique, la montagne est plus douce par ici, moins haute, plus accueillante. Après 15 km en moins de 3 h j'arrive au col du Somport et me pose sans une auberge espagnole. Pas d'Audrey, ni de Romain, tant pis je commande deux bocadillas (sandwich espagnol) au bacon grillé et fromage fondu (avec un coca et un café c'est une véritable orgie...). Un truc bien gras qui me fait grand bien. J'en profite aussi pour recharger ma montre altimètre et mon téléphone car c'est un peu compliqué dans les refuges de "haute" montagne équipés seulement de panneaux solaires. Il faut supplier le gardien qui n'est pas toujours d'accord ou bien qui ne peut simplement pas recharger les équipements de tous ses clients...

Je repars 1h30 plus tard pour une belle montée qui devrait me mener au refuge D'Arlet (allez voir les photos, j'en prends plein pour bien montrer à ma maman que je prends le temps de regarder le paysage !). En chemin je croise 4 types qui ont l'air d'en baver bien comme il faut, en plus ils ne semblent pas d'accord sur l'itinéraire à suivre... Bonjour l'ambiance, ça peut avoir du bon de randonner tout seul, au moins on sait à qui s'en prendre quand on se plante. J'enrhume deux espagnols dans la montée finale (oh si on peut plus rigoler...) pour arriver en douceur au refuge, proposant encore un splendide panorama sur la vallée et les sommets environnants. 31 km au lieu de 41, MERCI Karine ! Le soir je mange comme deux ou trois sous le regard amusé de mes compagnons de tablée (les deux espagnols enrhumés en font partie) qui se demandent où je peux bien mettre tout ça !

Demain une journée de 39 km m'attend mais je viens de trouver un petit raccourci sur la carte du refuge qui devrait m'en faire gagner 4... Hasta la proxima !

Le refuge d'Arlet 
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Du refuge D'Arlet aux bordes d'Anapia 20,5 km en 4h10 D+ 582 D- 1567

Des bordes d'Anapia à la Pierre st Martin 15,2 km en 3h39 D+1237 D-543

C'est la vraie belle dernière journée de montagne aujourd'hui. Les quatre dernières étapes seront toutes en dessous de 2000 m. Cela ne veut pas dire que ce sera facile pour autant...

Seizième étape donc. Elle sera placée sous le signe de la variété. Un bel itinéraire de crête tout d'abord formé de beaux pâturages bien verts, partant du refuge à 1986 m. Une crête qui définit la frontière entre l'Espagne et la France. Temps magnifique, ciel bleu profond. Sur ces premiers km il y a peu de dénivelé du coup je speed. Je passe en Espagne, un coin vraiment sauvage, et hop une harde d'une trentaine d'izards. Je prends le temps de les admirer, pensant que ce sont sûrement les derniers de la traversée. Je descends dans un vallon puis remonte un col pour repasser en France (photo avec les sublimes fleures bleues). Dans ces moments là on comprend pourquoi on est venu ! Oublié les moments galère, les mals aux pieds et aux jambes. Je profite car je sais que c'est éphémère, que je ne suis que de passage.

Arrivé au col je bascule dans un autre monde, à l'ombre d'une paroi rocheuse, univers de cailloux, c'est beaucoup moins sympa qu'il y a une minute auparavant... ! Je pensais galoper dans la descente, il faut au contraire que je fasse super attention. Et hop encore un izard. Surpris, il souffle pour me signifier qu'il n'est pas hyper content de me voir. Puis il dévale le pierrier à toute allure pour bien me montrer qui est le patron des lieux !

Plus loin je retrouve de la végétation, des chevaux, des vaches... Je paume le chemin, galère un peu dans de la boue, des broussailles... Puis, enfin, une piste. Quelques km plus loin je décide de faire ma pause déjeuné, je viens de faire 20 bornes en 4h! Aujourd'hui il n'y a pas de resto, pas de refuge, alors je me pose à côté d'un abreuvoir et avale 4 granolats... Je me trempe les pieds, profite qu'il y ait du réseau pour mettre quelques photos en ligne et repars. Il me reste une quinzaine de km, une formalité me dis-je... Je passe tout d'abord un endroit rêvé pour un pique-nique en famille (je saurais y retourner !), puis entame une longue montée vers le pas d'Azun. Je pénètre ensuite dans une forêt dense. De petits cairns (sûrement disposés par des trolls) indiquent le chemin dans ce dédale de racines, fougères, rochers... Je remonte le long d'un torrent, croise une couleuvre à collier et finis par déboucher sur des alpages à brebis et une grosse cabane de berger en pierre. Une pancarte indique "vente de fromage", mais il n'y a personne! Un autre panneau explique que le col d'Azun est fermé, le sentier est dévié vers le col des Anies (200 m plus haut que l'autre mais je ne suis plus à ça près...). Soit, je monte le col des Anies, au pied du pic du même nom. Une fois de plus dans cette journée, le décor change radicalement. Certains disent lunaire... Je ne sais pas, mais effectivement on se croirait sur une autre planète. C'est un univers minéral, fait de roches blanches: le lapiaz. Le relief a été dessiné par le ruissellement de l'eau, l'action de la glace et de la neige. L'eau ne reste pas en surface, elle part dans la roche, du coup c'est très sec. Progresser sur ce type de terrain n'est pas évident, la roche est coupante et abrasive. 16 h, je finis par atteindre le refuge Jeandel à la Pierre St Martin. Le gardien est aux petits soins et son omelette me permet de me refaire une santé en attendant le dîner. Au loin on voit la plaine et les lumières de la ville de Pau. La bande montagneuse s'est rétrécie, la fin approche doucement.

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De La Pierre St Martin aux Chalets d'Iraty 41,2 km en 8h21 D+1732 D-2092

Une grosse journée (41 km) qui aurait du se dérouler assez tranquillement si deux randonneurs que je pensais de la région ne m'avaient pas envoyé sur un itinéraire très limite lors de la descente du sommet du pic d'Orhy. En vérité j'ai non seulement perdu du temps mais je me suis retrouvé dans une pente scabreuse de laquelle j'ai eu un peu de mal à sortir. Soulagé d'y être parvenu, je me suis dit que je ne m'y laisserais plus prendre...

Sinon le matin je suis passé par un petit col très sympa, j'étais aux premières loges pour admirer le balai majestueux d'une dizaine de vautours à la recherche d'une bête blessée ou d'une carcasse à dépecer. A voir leur indifférence vis-à-vis de ma personne, il faut croire que j'ai encore un peu de ressources ! L'océan se rapproche et je ne vous cache pas qu'il me tarde de l'atteindre. Sur cette partie, les chemins sont moins intéressants je trouve, les journées commencent à être un peu longues. La douleur de ma tendinite au pied gauche vient de réapparaître, j'espère que ça va tenir jusqu'au bout...

Le pic d'Orhy 
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Des chalets d'Iraty à Roncevaux 41 km en 8h10 D+1488 D-1660

J'ai enfin trouvé une bergerie avec un berger à l'intérieur ! N’ayant pas pris de petit dej et n'ayant pas grand chose non plus pour ce midi, je me réjouis d'avance. Mais le berger me dit qu'il ne vend que des fromages entiers ! Devant ma mine déconfite il retourne à l'intérieur et revient avec un gros morceau qu'il refuse que je paye.

Après encore une grosse journée, j'arrive à l'abbaye de Roncevaux, passage obligé de tous les pèlerins faisant le chemin de St Jacques de Compostelle. Je viens de passer une journée totalement seul dans la montagne et me voilà au beau milieu de plusieurs centaines de randonneurs... Une petite pensée pour mon papa qui est passé ici il y a 4 ans déjà.

Voilà, plus que 2 jours à suivre le gr11 et j'en aurais fini de ce périple pyrénéen. J'ai eu mal à ma tendinite tout l'après-midi, j'espère que demain mon pied ne sera pas enflé.

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De Roncevaux au col 22,7 km en 4h43 : D+846 D-884

Du col à Elizondo 17,6 km en 3h51 : D+370 D-1162

Oublier cette journée. Oublier le froid glacial du matin.

Oublier les minutes interminables de perdus à chercher les marques du GR.

Oublier la descente infernale vers Elizondo en boitillant.

Oublier cette étape pour mieux se concentrer sur la prochaine et dernière. Ce n'est pas le moment de lâcher, pas maintenant, je n'ai jamais été aussi près de l'océan, jamais aussi près du but.

A Elizondo, petite bourgade de quelques milliers d'âmes pas de refuge, je vais donc dans un petit hôtel. Maria la réceptionniste m'accueille avec chaleur et bienveillance, elle voit bien que je suis éprouvé des efforts de la journée. Une chambre individuelle avec salle de bain pour 35 euros, le grand luxe et l'endroit idéal pour me remettre sur pied (c'est vraiment le cas de le dire...). Je laisse couler de l'eau froide de longues minutes sur la cheville endolorie, je ne sens même pas que l'eau est glacée... Ensuite je pars au supermecado acheter de la boisson énergétique, des barres de céréales pour l'étape de demain que je prépare comme si c'était une course d'un jour. Je sors toutes mes cartouches: massage avec du gel, dafalgan, arnica, sportenine... Je me rase pour le cas où il y aurait des photographes à l'arrivée... Je me prépare psychologiquement à en baver pour de bon une dernière fois, étudie également les itinéraires bis pour le cas où ce n'est vraiment plus possible d'avancer. Cela fait deux jours que j'imagine acheter un vieux vélo d'occasion pour au moins finir la traversée avec un moyen non motorisé...

RDV demain pour la der des der, 50 bornes de folie pour finir en beauté les pieds dans l'eau.

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Elizondo à Bera 29,4 km en 4h34 D+1076 D-1219

De Bera à Hendaye 18,8 km en 3h35 D+833 D-858

Ce matin je suis remonté comme un coucou. Jamais été aussi concentré depuis le départ. Je pars gonflé à bloc dans les petites rues endormies d'Elizondo. Il fait bien sombre, le ciel est couvert.

J'attaque la montée le couteau entre les dents, je ne vais rien lâcher! (le couteau par contre je l'enlève rapidement, essayez de respirer avec un couteau entre les dents, c'est pas facile....!). En montée généralement mon pied ne me fait pas mal, j'avance à un bon rythme. 300 m plus haut j'observe sans doute le plus beau lever de soleil du périple (photo sur Flickr), magnifique. Je continue à fond, les kms défilent mais je ne veux pas trop regarder ma montre de peur d'être déçu. Après 400 m de dénivelé le relief se fait plus vallonné sur un chemin assez roulant. Je tente de courir un peu, si c'est pour avoir mal au pied, autant faire en sorte que ça avance plus vite. Et en courant j'observe que je n'ai pas plus mal. J'arrive sur une crête recouverte de fougères de par et d'autres du chemin. 20 m devant je vois que ça remue le long d'une clôture de barbelés. Je parie que c'est un sanglier et j'espère bien qu'il est de l'autre côté de la clôture... 15 m, 10 m, 5 m, une tête sort des fougères: p..... C'est bien un sanglier mais il n'est pas de l'autre côté ! Il est encore plus surpris que moi... Heureusement il détale dans l'autre sens. Ah on se marre dans les Pyrénées! Vers midi j'atteins Bera, après 30 km à 6,4 km de moyenne. Reste encore 20, mais je suis soulagé, le plus dur est fait.

Je monte au col d'Ibardin et m'accorde une dernière pause avant la descente finale sur Hendaye par le GR10. C'est dimanche, il y a foule sur ce petit promontoire offrant une belle vue sur les environs. Je découvre enfin l'océan et la côte basque. Je prends mon temps pour descendre, j'ai tout donné le matin, je n'ai plus trop de jus. La fin me paraît une éternité, ça descend, ça remonte, on emprunte des bouts de routes, c'est le retour à la civilisation... Puis, enfin je déboule sur la baie de Chingoudy, encore 2 kms... Je me remets à courir, une foule en délire massée derrière des barrières façon tour de France m'acclame le long de la piste cyclable, c'est grandiose ! Non je déconne, j'arrive tranquille à Hendaye Plage dans le plus grand anonymat au milieu des touristes profitant des beaux jours de septembre, surf sous un bras, glace à l'italienne dans l'autre main. Eh les gars ! Je viens de traverser les Pyrénées en 20 jours ! Pffff tout le monde s'en fout et finalement c'est très bien comme ça. Je pars moi aussi m'acheter une glace et vais tremper mes pieds brûlants dans l'eau réparatrice. Je savoure, serein, j'ai relevé mon défi, une petite folie qui était loin d'être gagnée d'avance !

Mais il faut déjà penser au retour. 18h45 je monte dans un train direction Toulouse. Ayant vraiment mal aux pieds, je retire mes chaussures... Un type monte dans le wagon et s'exclame "ça pue vraiment trop ici, je vais voir dans l'autre voiture si il y a de la place !" Bon, ok, je remets mes pompes.... Finalement, de tout le voyage, personne ne viendra s'assoir à côté de moi...!