"Bonjour ! Voulez-vous du thé ? Voulez-vous déjeuner ?"
La quarantaine et des kopecks, le sourire jusqu'aux oreilles, les cheveux hirsutes et les yeux bleu Baïkal, Nikita vous accueille chaleureusement. Il apprend le français depuis peu et est heureux de pratiquer des que l'occasion se pressente. Sur Olkhon (prononcez Oljone avec la jota espagnole), la plus grande île du Baïkal, Nikita est incontournable. Ancien champion de ping-pong, il est né à Irkoutsk à 300 kms de la. Charme par la beauté de l'île, il commence à s'y rendre de plus en plus souvent à la fin des années 80 pour apprendre son sport aux gamins de Khuzir, le village le plus important de l'île. Lorsque les premiers touristes débarquent quelques années plus tard suite à l'effondrement de l'URSS et l'ouverture des frontières, il y est complètement installé. Étant le seul à avoir quelques notions d'anglais - du fait des tournois qu'il a joué à l'étranger - il héberge naturellement et gratuitement les voyageurs à même le sol dans sa modeste maison. Voilà comment en une douzaine d'années Nikita est devenu LA référence pour les étrangers visitant la Perle du Baïkal.
70 Kms de long pour 15 de large, l'île d'Olkhon est l'aire d'aventure idéale qu'il nous faut après avoir passé plus de 20 jours à arpenter des villes de plus de 1 million d'habitants. Lorsque nous arrivons à l'embarcadère pour prendre le ferry, nous apprenons que celui-ci fonctionne depuis deux jours seulement. Auparavant, la glace recouvrant le lac l'empêchait de passer (nous étions le 21 mai, c'est dire si l'été est court ici...). Car malgré sa taille impressionnante (600 Kms de longs), sa profondeur abyssale (1600 m), une latitude comprise entre les 52èmes et 56èmes parallèles, le Baïkal se pare d'une épaisseur d'un mètre de glace l'hiver. L'eau est tellement cristalline et la glace translucide qu'il est possible d'y voir jusqu’à 40 mètres de profondeur... attention au vertige.
Chaque année, pendant environ 3 semaines en décembre/janvier et 3 semaines en avril mai Olkhon est coupée du monde. Trop de glace pour le ferry, mais pas assez pour les voitures ou camions. Quelques intrépides s'y aventurent malgré les risques et certains, malchanceux ou inexpérimentés, tombent dans les profondeurs des ténèbres...
Nous voilà donc à Khuzir, 1500 âmes et autant de chiens. Trois épiceries, aucun bar, une usine de pêche en ruines, quelques bateaux rouillés échoués sur la plage. De maigres vaches rasent les murs, de temps en temps une camionnette russe passe dans un nuage de poussière. Nous filons tout droit chez Nikita... Il a fait construire une demi-douzaine de maisonnettes en bois, toutes dissemblables, un peu biscornues et agencées n'importe comment, ce qui donne beaucoup de charme au lieu.
Nikita a même rapporté une yourte d'Oulan Bator et l'a montée en plein milieu de ce joyeux bazar. Nous y avons passé une nuit pour se faire un avant goût de se qui nous attend dans une semaine !
Pour reposer ses petits muscles endoloris après les heures de rando, direction le "bania" (sauna russe). Il y en a trois chez Nikita, dont 1 avec vue panoramique sur le Baïkal. Quel plaisir de le contempler gelé, les fesses à l'air mais bien au chaud ! Il parait que certains, imbibés de Vodka, se jettent dans le lac après des séances de bania. Nous la supportons trop mal (enfin, surtout Pierre) pour tenter ce genre d'expérience...
Ce qui est magnifique à Olkhon, c'est la beauté et la variété des paysages que l'île peut offrir. Tantôt on longe le lac encore gelé tout en marchant sur une plage de sable fin, tantôt on traverse une forêt de conifères où la sève, les pins et les fleurs sauvages exhalent leur parfum... un peu plus loin on débouche sur la steppe dénudée, battue par le vent.
Pour nous accompagner lors de nos escapades sur l'île, nous avons trouvé un fidèle compagnon : Twix, ou biscuit, ou encore chienchien! Petit chien de Sibérie à poils longs, il a été de toutes nos excursions, même lorsque nous avons dormi sous la tente! Et cela a même contribué à nous rassurer car malgré que les habitants nous aient affirmé le contraire, nous craignions secrètement la présence d'ours dans la forêt...
Pour nous immerger complètement dans la culture de l'île, nous nous sommes baladés en side-car. Ce moyen de transport fait partie du quotidien des insulaires. Excellent intermédiaire entre le deux-roues et la voiture, il s'adapte facilement à leurs chemins cabossés. Basés sur des motos BMW d'après guerre, les side-cars Oural sont robustes et faciles d'entretien, ce qui n'est pas négligeable car ils tombent souvent en panne. Et nous en avons fait l'expérience, puisque partis en moto, nous sommes revenus... à pieds, moteur kaput...