Nous arrivons donc à Ban Tha Song Yang, au nord-ouest de la Thaïlande. Le village est bordé par la rivière Moei, qui délimite la frontière avec la Birmanie. De l'autre côté, à quelques brasses, une zone contrôlée par la minorité karen, en conflit plus ou moins ouvert avec le pouvoir central birman depuis plus de 60 ans.
La situation s'était bien apaisée avec la signature d'un cessez-le-feu en 2012, puis avec l'arrivée au pouvoir d'Aung San Suu Kyi en 2015. Mais depuis le nouveau coup d'état de la junte birmane en février 2021, les minorités ethniques de tout le pays ont repris la lutte.
Dans cette zone se déroule un intense trafic, sous le regard complice de l'armée Thaï. Des biens sont échangés de part et d'autre de la rivière (nourriture, bétail...) pour subvenir aux besoins des Karens vivant en territoire Birman, l'accès au reste de leur propre pays leur étant impossible. Depuis la berge, nous assistons au va et vient incessant des bateaux entre les deux rives.
C'est ici, dans ce décor de carte postale, derrière lequel se cache une réalité particulièrement complexe, que se niche l'orphelinat fondé par Tasanee, 53 ans, et sa mère Peepee 93 ans ! Les enfants sont le plus souvent des karens victimes du conflit en cours. Situations précaires, souvent sans papier d'identité. Nous y avions passé 2 mois en 2006, et avions à cœur de revenir pour leur rendre visite au cours de ce périple avec les enfants. Et comme ils sont chrétiens, c'est un des rares endroits en Thaïlande où on peut fêter Noël !
L'orphelinat a bien changé depuis notre passage. Le terrain de 5 ha que Tasanee avait en tête d'acheter à l'époque a été acquis en 2007. Plusieurs bâtiments ont été construits au fur et à mesure des années : dortoirs, sanitaires, réfectoire, église... Le tout sur un immense terrain couvert en partie par la jungle. Des buffles, dindons, poules, sont élevés. Des bananiers, manguiers ont été plantés. Des massifs de fleurs sont bien entretenus. Quel contraste avec la maison familiale au cœur du village qui accueillait quasiment autant d'enfants qu'aujourd'hui (29) dans une joyeuse promiscuité !
Nikhom est le premier à venir à notre rencontre. 14 ans à l'époque, 29 ans aujourd'hui, il travaille pour l'orphelinat. C'est le seul qui soit encore dans l'organisation, les autres ont pris leur envol, dans la région, ou à Bangkok. Nous retrouvons Panita qui nous rend visite, elle avait 7 ans en 2006, elle a 23 ans aujourd'hui !
Maxime précise que la poudre jaune que nous voyons sur le visage de Panita s'appelle le Tanaka : les hommes et femmes Karen s'en couvrent le visage, cela les protège entre autres du soleil.
Pour la première fois depuis 3 ans, Covid oblige, l'orphelinat va organiser une fête de Noël. Et ici, comme partout dans le pays, ils excellent dans l'organisation en deux temps trois mouvements : Une scène est décorée, la sono installée, les barbecues allumés, les enfants déguisés...
Les invités arrivent : élus du village, donateurs, collègues de travail, c'est l'opportunité de remercier les sponsors et d'entretenir les bonnes relations. Les enfants enchaînent les prestations sur la scène. Le karaoké fait fureur. Attention, cette nouvelle danse va arriver dans quelques semaines en France 😂 !
Tout le monde passe une super soirée.
Loin de nos proches, nous avons trouvé une grande famille d'adoption. Et comme souvent en Thaïlande, nous finissons en chanson. Joyeux Noël !