🇱🇦 Laos, au nord

Depuis Chiang Rai en Thaïlande, nous rejoignons le nord du Laos, la suite de notre périple sud-asiatique
Du 22 janvier au 19 février 2023
29 jours
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Notre voyage au Laos débute dans la petite ville de Houai Xai. Les "long boats" viennent y accoster pour embarquer les voyageurs vers Louang Prabang, que l'on atteint après 2 jours de navigation sur le Mékong. Ce fleuve mythique dont la simple évocation est une invitation romantique au voyage.

Embarquement sur le long boat à Pak Beng (2ème jour)

Dixième plus grand fleuve du monde avec 4500 km, le Mékong prend sa source dans l'Himalaya, au Tibet oriental. Il s'écoule ensuite vers le Yunnan, dans de profondes gorges qui le rendent bien tumultueux. Sorti de Chine, le Mékong fait office de frontière naturelle entre le Laos et le Myanmar, puis entre le Laos et la Thaïlande, avant de traverser le Cambodge du nord au sud, puis de déboucher dans la mer au sud du Vietnam.

Carte trouvée sur internet 

Le Laos n'ayant pas de façade maritime, la vie des habitants est tournée vers le fleuve, ou l'un de ses affluents. Agriculture, pêche, pisciculture, le Mékong est le poumon du pays. Aussi, lorsque les chinois construisent 8 barrages en amont et font varier le niveau d'eau selon leurs propres besoins, sans se soucier de l'aval, cela crée des répercussions sur des millions de personnes.

La Chine, dont l'influence est grandissante ici. Comme au Népal, le gouvernement chinois propose de construire des infrastructures (barrages, routes...) qui au final bénéficient peu aux populations locales. La dernière inauguration en date (décembre 2021) concerne une ligne de train de 414km traversant le Laos depuis la frontière chinoise au nord jusqu'à la frontière thaïlandaise. Un projet à 6 Milliards de dollars comprenant de nombreux ponts et tunnels, un vrai défi technique en pleine zone montagneuse, et qui a impliqué également l'expropriation de 4400 familles.

Carte de "Courrier International"

La ligne a entièrement été construite par des entreprises et des ouvriers chinois et le Laos, n'ayant pas les ressources financières, a dû s'endetter auprès... de la Chine. Une dette telle que le FMI pense qu'elle sera tout simplement impossible à rembourser. Un moyen supplémentaire pour la Chine de "vassaliser" ce petit pays.

Le capitaine du long boat

Mais revenons à notre "croisière" ! Entassés comme des sardines, on a connu plus luxueux ! L'ambiance est cool et détendue entre les passagers. Certains discutent, d'autres jouent aux cartes, ou descendent de nombreuses bières locales.

On n'oublie pas de manger aussi, à condition d'avoir prévu son pique-nique. Car le bateau, à part quelques paquets de chips, n'a rien à proposer.

On regarde le paysage. Les forêts, les berges, les petits villages. Je me désole une fois de plus du faible nombre d'observations d'animaux et surtout d'oiseaux (j'y reviendrai dans le prochain article).

Nous sommes en pleine saison sèche, il n'a pas plu depuis 4 mois. Le niveau du fleuve est de 4 mètres sous le niveau de la mousson.

Le Mékong est réputé pour charrier d'innombrables particules d'or, que de nombreux orpailleurs, disséminés ça et là le long des rives, tentent d'isoler à l'aide de leur baté.

Cette descente de rivière fut une belle expérience, 320km en deux jours, cours de géographie grandeur nature pour les enfants !

Sur les bords du Mékong
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Pak Beng. Nous avons pris rdv au sanctuaire des éléphants pour y passer la journée. Le centre est géré depuis 5 ans par Wendy, une française installée au Laos. Sous son impulsion, l'endroit qui était un vrai "parc d'attraction" est devenu un modèle de conservation des éléphants avec l'espoir, dans le futur, d'en réintroduire dans la nature.

Le Laos (un temps appelé Lane Xang, pays du million d'éléphants) comptait encore 4000 éléphants au début des années 1980. Depuis, la réduction drastique des forêts (agriculture, exploitation forestière légale et illégale), le braconnage, ont réduit le nombre à 800 dont seulement 400 à l'état sauvage, ce qui est insuffisant pour perpétuer l'espèce. Parmi les animaux emblématiques, le tigre est considéré comme éteint au Laos depuis 2018, le dauphin de l'Irrawady depuis 2017. Wendy nous rappelle aussi une boutade du coin "Ici, tout ce qui a 4 pattes se mange, sauf les chaises !" Et au Laos, les chauves-souris font partie de la liste...😵‍💫

Ici, pas question d'approcher les 5 éléphants de trop près. Ils vivent dans une grande forêt en permanence, et ce sont les visiteurs qui viennent à leur rencontre dans leur environnement.

Wendy passe la matinée à nous donner, avec une passion communicative, des explications sur les éléphants du sanctuaire, leurs interactions, leur caractère, leur nouvelle vie ici et celle d'avant. Par exemple, le mâle a travaillé toute sa vie dans l'industrie forestière, à déplacer chaque jour des tonnes de bois. Mae Nat, la dernière arrivée, a passé les 9 dernières années dans un cirque au Japon, il paraît qu'elle sait jouer de l'harmonica...

Les 3 dernières années ont été consacrées à un projet d'envergure : faire naître un éléphanteau. Difficile de s'imaginer toutes les embûches et les difficultés qu'il a fallu surmonter pour toute l'équipe. Les éléphants recueillis n'ayant jamais vécu dans la nature au sein d'une harde, ils ne connaissent rien à la vie en société ni à leur propre reproduction. Habituellement, ils apprennent tout par mimétisme, les plus anciens montrant aux jeunes comment faire (se nourrir, se déplacer dans la forêt, se reproduire, élever un petit etc ...). Ici il leur faut tout apprendre.

Mae Ping et Boua 

C'est avec beaucoup d'humour que Wendy nous raconte comment elle a dû mener, au moment adéquat (les éléphantes ovulent 3 jours tous les 4 mois), son éléphante (Mae Ping) plusieurs jours durant dans la forêt jusqu'à un autre centre afin de la faire rencontrer un mâle. Comment Mae Ping est partie en courant lorsque le mâle a voulu lui grimper dessus... Et qu'il a fallu alors faire venir une autre femelle pour lui faire une démonstration.

Sur le retour, les scientifiques sont persuadés que l'accouplement n'a pas eu lieu et remettent en cause l'analyse des mahouts lorsque ceux-ci, voyant des changements imperceptibles chez Mae Ping, sont convaincus qu'elle porte un petit. Les analyses sanguines, quelques semaines plus tard leur donneront raison, Mae Ping est bien enceinte !

Séance de socialisation 

L'heureux événement a eu lieu il y a 5 mois, une petite Boua (Fleur de Lotus) est née sous les caméras de TF1 qui a consacré un reportage sur le sujet. L'accouchement, après 22 mois de gestation, fut rocambolesque. Mae Ping ne comprenant pas qui était cette petite chose qui gisait à ses pieds, ne s'est absolument pas occupée de la petite. Les humains ont dû intervenir rapidement pour faire en sorte que l'éléphanteau prenne ses premières respirations. Une fois sur pied, l'instinct maternel a repris le dessus et Mae Ping a repris les choses en main, plus question de laisser approcher qui que ce soit de son bébé !

Nous regardons émerveillés cette boule de 200 kilos imiter sa maman. Le maniement de la trompe n'est pas inné et pour l'instant la petite Boua, hyper volontaire, est bien maladroite ! Nous l'avons même vu marcher sur sa trompe. Mais chaque jour l'équipe observe des progrès.

La journée se poursuit avec le soin donné aux éléphants. Chaque jour un éléphant est ausculté, notamment au niveau des pieds. Aujourd'hui, c'est au tour de Mae Nat. Comme elle vient d'arriver dans le sanctuaire, le but est principalement de l'habituer à l'environnement, aux gestes à faire, aux gestes du Mahout, etc. Rien n'est fait contre la volonté de l'éléphant. Aussi, vous verrez que pour l'inciter à coopérer (vidéo ci-dessous), les Mahouts donnent des récompenses à chaque geste réussi : toujours de la nourriture ! Les éléphants passent en moyenne 18h/j à se nourrir.

Pour finir, nous accompagnons Mae Nat et Kham Khoum à leur bain dans le Mékong. L'eau n'étant pas suffisamment à leur goût aujourd'hui, ils ne se tromperont que jusqu'au maillot ! De quoi conclure une journée inoubliable lors de laquelle nous aurons appris tellement de choses !

Les résident(e)s du Sanctuaire :

Boua, 5 mois

Mae Ping (23 ans), mère de Boua

Mae Nat (la tante qui a travaillé dans un cirque au Japon), elle vient d'arriver au sanctuaire.

Mae Kham, la mamie de 70 ans, surnommée Tatie Danielle car elle n'est pas commode 😁

​Kham Khoun, le seul mâle, 33 ans, surnommé Ladyboy par les Mahouts, car très peu intéressé par la gente féminine...

A savoir que chaque éléphant "possède" son propre Mahout, qui passe l'essentiel de son temps avec lui.

Au fait, connaissez vous les différences entre un éléphant d'Asie et un éléphant d'Afrique ?

Les défenses (tusk en anglais) : présentes chez les mâles et femelles en Afrique, seuls les mâles peuvent éventuellement en avoir en Asie. Elles sont en effet plus utiles en Afrique, pour creuser le sol pour chercher de l'eau, ou se défendre. En Asie, l'eau est plus abondante et les défenses peuvent être gênantes pour manœuvrer dans les forêts denses.

Les oreilles : parcourues par des centaines de vaisseaux sanguins, les oreilles font office d'échangeur thermique pour refroidir le corps de l'éléphant. En Afrique, il fait plus chaud qu'en Asie, il y a aussi moins de forêts pour se protéger du soleil, elles sont donc bien plus grandes.

Le poids : les éléphants d'Afrique pèsent en général 1 tonne de plus que leurs cousins asiatiques qui évoluent dans des milieux plus montagneux (Laos, nord Thaïlande, etc).

Le dos : plat ou creusé en Afrique, il est bombé en Asie.

La trompe (trunk en anglais) : l'éléphant d'Asie ne possède qu'un organe de préhension au bout de la trompe, alors que celui d'Afrique en possède deux. Ils sont tous les deux aussi agiles avec leur trompe qui est un véritable couteau suisse. L'éléphant peut ouvrir la fermeture éclair de votre sac à dos, mais aussi vous attraper et vous projeter à plusieurs mètres de distance ! Puissance et délicatesse ! La trompe peut contenir 10 à 15 litres d'eau. Elle est constituée de 50 à 100 milles muscles, et les éléphanteaux mettent plusieurs années avant de savoir s'en servir correctement.

Le nombre d'orteils est différent, ainsi que le nombre de côtes.

Leur patrimoine génétique est vraiment différent, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas se reproduire entre eux.

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Nong Khiaw, au bord de la rivière Ou, l'un des affluents du Mékong. Nous rejoignons ce paisible village photogénique, lieu de départ de "treks" autour des pics karstiques environnants.

Nong Khiaw et la rivière Ou en fin de journée

Les touristes sont clairement de retour au Laos. Après avoir vu de nombreuses guest house afficher complet à Luang Prabang, c'est la même chose ici. Et les 3/4 des touristes/voyageurs sont français !

Pour partir en rando sur trois jours et deux nuits, nous passons par une agence, qui se charge du parcours, du guide, et de toutes les réservations nécessaires pour dormir dans les villages, prendre le bateau sur la rivière, etc. Nous ferons équipe avec Mathilde (Québec) et Jeanne (France), deux jeunes femmes de 21 ans bien sympathiques.

Le premier jour nous longeons quelques rizières, dont certaines sont en eau, avant de nous élever progressivement.

Rizières en jachère au premier plan et plantées au second

Nous traversons des plantations de tek (l'arbre très prisé des Européens pour leur terrasse...), ou d'hévéa (l'arbre à latex) dont la précieuse récolte est revendue aux chinois. L'hévéa était à l'origine un arbre que l'on trouvait uniquement en Amazonie. Il a été importé en Asie lors de la colonisation, le début de la fin pour les forêts primaires de la région... 70% du latex produit est utilisé pour la fabrication des pneus, je ne savais pas que l'industrie automobile participait à l'effort de déforestation 😵‍💫...

Plantation d'hévéa et latex coulant de l'arbre

Nous pénétrons enfin dans la forêt. On s'y sent bien, l'ombre de la végétation nous protégeant de la chaleur du soleil qui commence à cogner sérieusement en cette fin de matinée.

Pour le déjeuner, Maï, notre super guide, nous montre comment faire un piège à rat de la jungle. Et bien figurez-vous que c'est délicieux ! Rien à voir avec le rat d'égout de chez nous !

Comment piéger un rat de la jungle

Mais non, je déconne, on n'a rien attrapé et on a mangé notre riz végétarien 🍚🌶️🍆. Nous arrivons au village de Na Luang dans l'après midi, après avoir constaté en chemin que des pans entiers de montagne se font raser. Certains endroits pour créer des pâturages pour l'élevage de bovins.

Un petit tour dans les environs me permet malgré tout de faire quelques photos.

Jeune Bergeronnette des ruisseaux

Nous faisons quelques rencontres dans le village peuplé des ethnies Lao, Kamu et Hmong. C'est très sommaire. L'eau courante arrive à l'extérieur des maisons qui sont encore, pour la plupart, en bois et en bambou. Nous faisons le tour de l'école, construite en 2012 par une association caritative, mais elle est déjà bien délabrée.

Le dîner est délicieux, préparé avec des légumes du potager (citrouille verte, salade, porc sauté, riz gluant). Pour digérer, une dose de whisky Lao partagé avec le responsable du village (sur la photo ci-dessous).

Nous repartons tranquillement le lendemain matin, à travers une belle forêt qui semble encore préservée. Bananiers sauvages, bambous, et une multitude d'autres plantes, arbustes, fougères...

Dans la jungle

Ce magnifique arbre multi centenaire est encore debout.

Après trois heures de marche, nous sortons de la forêt et arrivons dans des zones cultivées.

Derrière nous, la jungle

Un bon déjeuner chez l'habitant, puis nous prenons le bateau pour rejoindre le village de Muang Ngoi.

Nous débarquons à Muang Ngoi, puis filons vers une belle grotte de laquelle sort une rivière souterraine rafraîchissante.

Nous finissons la journée au village de Ban Na, offrant de magnifiques vues dégagées sur les montagnes.

Grâce à un beau travail d'équipe, on fait une razzia de bananes 🍌🍌🍌😋.

Il faut attraper celles du haut qui sont bien mûres !

Le dernier jour, nous retournons à Nong Khiaw, après être passés par un point de vue, une grotte et une belle cascade. De quoi nous laisser quelques souvenirs pour nos vieux jours !

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Kuang Si, à 25 km de Luang Prabang. Nous remontons la rue principale à pieds, lorsqu'une nuée d'enfants nous accoste : "are you going to Fasay garden?". Oui nous y allons ! Nous sommes escortés jusqu'à la maison de Saï, chez qui nous passerons les 3 prochaines journées. Le temps de déjeuner de bons petits plats accompagnés de "sticky rice", puis nous nous dirigeons vers la fameuse cascade de Kuang Si, toujours entourés d'une multitude d'enfants ! Ils connaissent le chemin par cœur.

Les cascades de Kuang Si

Assa nous accompagne aussi. Il a 15 ans et parle plutôt bien anglais; nous en profitons pour discuter, il est assez rare que les gens parlent anglais au Laos. Il faut dire qu'Assa est le fils de Saï, et que ce dernier attache une importance toute particulière à l'éducation en général, et à l´anglais en particulier. Tant et si bien qu'il a pris en main l'éducation des jeunes du village. Tous les soirs dans sa maison, il reprend les bases du Lao (lecture, écriture), mathématiques, enseigne l´anglais et les quelques mots de français qu'il connaît. Ainsi, non seulement les élèves en difficulté ne décrochent pas, et les ados ont droit à des cours d'anglais d'un niveau supérieur à celui de l'école. En parallèle, il encourage tous les jeunes à parler avec les touristes qui logent chez lui. C'est efficace, les jeunes ne sont pas timides, ils nous accompagnent tout en haut de la cascade en nous tenant par la main en nous demandant en français "Comment tu t'appelles ?".

Le sentier est un peu raide, en forêt, au milieu de vieux et beaux arbres. Nous longeons plusieurs étages de cascades, jusqu'à atteindre la plus haute. Ni une ni deux, les enfants se baignent tout habillés ! Une balançoire en bois au-dessus de l'eau, un tronc d'arbre en guise de plongeoir, l'ambiance est joyeuse ! En sortant de l'eau, ceux qui n'ont pas prévu d'habits de rechange ravivent un petit feu présent juste à côté, et se réchauffent autour des flammes, sous l'œil bienveillant du gardien du lieu.

De retour chez Saï, nous assistons à l'heure de soutien scolaire quotidien où les caisses de "Lao beer" font office de bureau d'écolier. C'est une vraie chance pour ces enfants dont les parents peu instruits travaillent aux champs ou dans les petites échoppes au pied des cascades.

Le lendemain matin, Saï nous accompagne à la cérémonie quotidienne d'offrandes aux moines du village.

Nous profitons de ce réveil matinal pour retourner admirer les cascades avant l'arrivée des touristes.

En chemin, nous nous arrêtons devant des enclos aménagés pour accueillir des ours sauvés du braconnage. Ils sont capturés vivants pour leur bile, un remède de la médecine traditionnelle chinoise... Nous imaginons que ces ours sont faciles à chasser car ils ont l'air d'être lents au sol ; en revanche ils savent très bien monter aux arbres. Maxime ne comprend pas comment on peut chasser ces ours 🐻, "ils sont "trop mignons". A lire, un article de National Geographic sur le sujet.

Après cette escapade matinale, nous avons la chance de participer au pique nique annuel du village. A une petite heure de marche, les habitants s'installent en bord de rivière, sur de grandes nattes sur lesquelles sont disposés les plats et les paniers en osier contenant le riz gluant. Sans oublier les caisses de Beer Lao, et la sono à fond à chaque "tablée ". Nous sommes conviés à la table de Saï et trinquons avec tous ! Après quelques bières, certains parlent de mieux en mieux l'anglais 😂. C'est encore une nouvelle occasion de baignade pour les enfants, de se réchauffer ensuite autour d'un feu, et de construire un petit radeau pour Maxime et Solène.

Pierre en profite pour aller faire quelques photos dans la forêt. Il tombe nez à nez avec un beau serpent 🐍, qui après vérification s'avèrera être une couleuvre arboricole capable de planer sur plusieurs mètres pour passer d'arbre en arbre ! Des scientifiques ont même étudié son "vol" 🧐.

Pour les autres rencontres, c'est plus classique :

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Aujourd'hui Saï nous emmène voir son jardin. Le potager est beau mais restreint en ce moment nous explique t-il : c'est l'hiver, il n'a pas plu depuis des mois, la terre est sèche. Il plantera bien plus de choses à la saison des pluies. Saï nous montre ses beaux arbres fruitiers : bananes, papayes, avocats, ananas, également du curcuma, de la citronnelle et beaucoup d'herbes pour embaumer les plats.

Le jardin est aussi un beau terrain de jeux pour les enfants qui grimpent aux arbres ou font de la balançoire.

Oiseau : Couturière à longue queue

Nous rendons également visite à une voisine qui vient de donner naissance à une petite fille. Saï me donne le bébé dans les bras. Conformément à la tradition, la maman est assise à côté du feu ; elle doit y rester pendant 1 mois pour le 1er enfant, 3 semaines pour le 2ème, advienne que pourra pour les suivants 😊. Elle boit de la tisane à longueur de journée, tandis que son mari et sa maman s'occupent de la maison.

Matin, midi et soir, nous dégustons les bons petits plats de la femme de Saï, toujours accompagnés de "sticky rice"! On est accros, même quand on n'a plus faim on continue à piocher dans le panier en osier et à faire des boulettes pour les manger ! Je me fais la réflexion que c'est l'équivalent de notre pain. On en mange même au petit dejeuner, nature, en galettes, en beignets (très léger!) ou encore en boulettes, mélangé à de la banane. On se sera aussi régalés de pousses de bambou, de fines feuilles d'algues au sésame et tomates séchées, et de beaucoup de légumes revenus au wok.

A l'heure de quitter ce bel endroit, plusieurs pensées me traversent l'esprit : nous sommes chanceux d'avoir partagé quelques jours du quotidien de Saï, de sa famille, des enfants du village. C'était pour nous une parenthèse au cœur de laquelle le temps était suspendu. Je pense aussi que ces enfants ont de la chance de grandir ici. Bien entendu, ils sont tous issus de milieux très simples, mais ils ont à leur portée un cadre magnifique, des cascades exceptionnelles, que tous les touristes viennent admirer. Pour eux, c'est synonyme de baignade quotidienne à la sortie de l'école. Enfin, je suis vraiment heureuse de savoir qu'il existe des personnes aussi altruistes que Saï, qu'on pourrait définir comme un super éducateur, professeur, ou directeur de MJC suivant les heures de la journée ! Il s'occupe sans relâche des enfants. Que ce soit au jardin, à la baignade, ou en soutien scolaire. Il a des réserves de cahiers et de crayons pour eux, commande de l'eau potable pour l´école quand il n´y en a plus. Il a su créer un logement chez l´habitant très particulier, ancré dans la vie du village, qui donne l´opportunité de les connaître et envie de les soutenir. Merci Saï pour ces bons moments partagés.

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Ce voyage hors du temps, presque en terre inconnue, démarre par la traversée de la rivière Phak sur une petite pirogue, à quelques encablures de Muang Khua, dans le nord du Laos.

Accompagnés de Kamman, notre guide, et de Pane, son assistant, nous sommes les premiers touristes à emprunter cet itinéraire depuis 3 ans. Le sentier s'élève rapidement à travers les forêts et les rizières. Deux bonnes heures de marche et nous atteignons un premier village. Le soleil cogne, personne ne se risque à découvert, chacun cherche l'ombre. Aussi l'endroit semble désert.

En arrivant au village

Pas pour longtemps. Des enfants curieux de voir des "falang" débarquer s'avancent timidement. Difficile de les approcher, ils s'envolent comme une nuée de moineaux ! Mais après quelques minutes on commence à échanger quelques facéties et sourires.

Puis cela devient vite un jeu.

Nous mangeons notre ration de riz aux légumes à l'ombre d'un appentis et faisons connaissance de quelques personnes. On nous montre les bases du tressage de bambou. Le bambou sert à tout ici. Paniers, ustensiles de cuisine, mur de maison, toit, fondations...

Le même monsieur nous sort de vieilles pièces datant de la colonisation, utilisées entre 1885 et 1952. A l'époque, les jeunes prétendants au mariage devaient payer à la famille de leur fiancée un cochon et 4 piastres de commerce, et pas de ristourne possible ! Le père de la jeune fille faisait alors tomber les pièces sur la tranche et reconnaissait au tintement si ce n'était de vulgaires copies !

Piastres de commerce

Nous rendons visite à l'école, 11 élèves sur 3 niveaux différents. L'institutrice est volontaire, et les villageois voudraient qu'elle reste une année de plus. Tous les enfants ne vont pas à l'école ou arrêtent fin du primaire. Ils aident très tôt leurs parents aux travaux agricoles.

Nous croisons un homme qui répare son fusil. "Un homme, un fusil" comme on dit ici. C'est pour la chasse. Des armes très rudimentaires qui sont faites artisanalement par les habitants.

Nous croisons aussi ce monsieur à l'air grave, je ne sais pas si c'est son enfant ou son petit-fils qu'il porte dans l'écharpe. Les couples se forment très tôt et les femmes ont des enfants très jeunes. Du coup on peut être grand parent avant 40 ans. Et dans le même temps les adultes de 60 ans ont l'air d'en avoir 80, bref on s'y perd vite...

Nous reprenons notre route sous le cagnard. Installé sur une crête, Kokngiou, le village suivant est plus grand. En réalité, il rassemble deux anciens villages.

Sur le chemin vers Kokngiou

Pour les "aider" dans leur développement, le gouvernement les a obligés à se regrouper sur cette crête. Le problème est qu'il est très difficile d'acheminer de l'eau. Des canalisations ont été posées, mais à cause de la corruption endémique dans le pays, les tuyaux achetés sont de mauvaise qualité, et l'eau n'arrive plus depuis 4 jours. L'électricité est censée arriver dans le courant de l'année, mais s'ils s'y prennent comme pour les canalisations, les habitants ne sont pas prêts d'avoir un frigo 🥴!

Pour fêter notre arrivée dans le village, Kamman paye la tournée. Nous nous retrouvons à boire une bonne bière bien tiède avec une dizaine d'hommes du village. Les femmes et les enfants sont autour, à nous observer, ce qui met Solène assez mal à l'aise.

Tous les hommes fument beaucoup, parfois encore de l'opium. Leur espérance de vie est nettement plus basse que celle des femmes, et cela se voit dans le village.

Rencontre avec les enfants du village.... Ah non, ce sont les nôtres !

Pour le dîner, il est prévu d'avoir du canard au barbecue. Mais celui-ci ayant réussi à bien se cacher, ce sera pour une autre fois. Qu'à cela ne tienne, on nous propose de goûter au porc-épic qui vient d'être chassé dans la forêt, une expérience de plus dirons-nous (je suis le seul à avoir goûté 😆).

Nous partons ensuite rendre visite au chef du village. C'est lui qui va nous accueillir pour la nuit dans sa maison.

Avec le chef du village

Nous nous installons dans le salon, sur des paillasses. Le salon faisant office de salle de télévision pour le village, nous nous mettons au lit devant les yeux d'une quinzaine de personnes dont on ne sait plus si elles regardent le feuilleton d'action à la télévision ou bien le spectacle que nous donnons ce soir 😁 !

Un coq de combat
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Ce matin, accompagnés par de jeunes enfants du village, nous partons en direction de Gnalo, notre prochaine étape. Équipés de leur arbalète/harpon ils partent pêcher à la rivière 6 km en contrebas.

En avant la troupe !

La descente est bien raide dans un petit sentier peu emprunté, il faut parfois s'accroupir pour passer sous les lianes, les ronces et les branches.

Arrivés à la rivière nous retrouvons un groupe de femmes avec leurs enfants. Elles ont commencé à ériger un barrage pour une séance de pêche bien particulière. Nous nous joignons à elles. Bambou, pierres, cailloux, terre... Tout cela est assemblé pour faire en sorte que le barrage soit le plus étanche possible.

Construction du barrage

Il permet de dévier l'eau de la rivière dans un bras plus étroit. Je pense d'abord que cela va permettre de rabattre les poissons dans le bras étroit et qu'ils seront récupérés avec des nasses ou des filets. Mais pas du tout !

On écope pour assécher l'aval du barrage

L'aval du barrage est asséché. Puis tout le monde se met à gratter et fouiller dans la vase et les graviers à la recherche des poissons frétillants qui se sont fait piéger.

A la recherche des poissons
Une journée à la rivière pour ce petit bout de chou

Après la récolte, une femme trie, lave, et vide les poissons. Une autre prépare un tronçon de bambou qui sera placé sur le feu de bois. Les poissons y seront cuits à l'intérieur, avec des herbes et du piment. Accompagnés de riz gluant, il n'y a plus qu'à déguster !

Nous entamons la remontée vers Gnalo. La végétation a tellement poussé que Pane, l'assistant de notre guide passe devant et nous fraye un passage à l'aide de sa machette. En une heure trente, nous avançons péniblement d'un seul kilomètre. Pane est en surchauffe 🔥 !

Soudain un bruit de réacteur se fait entendre, c'est un avion de ligne. Pane et Kamman se figent. "Lorsque nous étions gamins, nous devions courir nous réfugier dans une grotte ou nous cacher dans la forêt, car cela annonçait le passage des B52". Les B52, ces bombardiers américains qui ont déversé 240 millions de bombes sur le Laos pendant la guerre du Vietnam (1964-1975). On estime que 80 millions de bombes, mines, engins explosifs sont encore enfouis dans le sol. Malgré les efforts de déminage, ils tuent ou estropient une cinquantaine de personnes par an dans le pays. Au rythme actuel, il faudra encore 1000 ans pour déminer totalement le Laos !

Les zones bombardées au Laos pendant la guerre du Vietnam

Nous atteignons le village de Gnalo. Une barrière en bambou et bois délimite la zone d'habitation, laissant les vaches et les cochons à l'extérieur de l'enceinte. Les greniers de stockage des récoltes sont également construits à l'extérieur, afin de les préserver d'un éventuel incendie qui détruirait le village.

Les greniers

Nous avons prévu de rester la journée du lendemain ici, pour partager un peu du quotidien des habitants, en espérant avoir quelques anecdotes à vous raconter !

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Gnalo, petit village de l'éthnie Kamu, perdu au milieu des montagnes du nord.

Naï, 68 ans souffre du ventre et du dos depuis 2 semaines. Ce matin elle a décidé de faire appel au Chamane, Xaï. Il casse un œuf dans un bol, décrypte les signes donnés par le jaune et le blanc, le verdict tombe : Il faut sacrifier un poulet 🐔 blanc. Un petit autel en bambou est confectionné pour l'occasion.

Construction de l'autel

La suite se passe dans la forêt, à cent mètres du village, au pied d'un arbre choisi pour la cérémonie. Le poulet est saigné en offrande à "l'Esprit", au-dessus de l'autel sous les incantations du Chamane, pendant que du whisky local, le Laolao, est distribué aux membres du village présents. L'objectif est de nourrir "l'Esprit" avec un animal afin qu'il arrête de se nourrir d'humain (en l'occurrence la dame qui est rongée par le mal).

Le poulet est ensuite plumé et préparé avec des herbes fraîches, du gingembre, du piment. Le tout cuit dans une marmite posée sur le feu de camp. Chaque geste est précis, la machette est maniée avec dextérité, tout est fait sur place : les baguettes, les ustensiles permettant de tenir la casserole au-dessus du feu, et même les gobelets pour boire !

S'ensuit la dégustation, sur place, avec du riz gluant. Et franchement, c'est un régal ! Une vraie chance de pouvoir être témoin d'une telle scène et d'y participer. A chaque bouchée, une gorgée de Laolao, il est 10h30 du matin, de quoi bien démarrer la journée 😵‍💫.

De retour au village, le Chamane retourne voir la souffrante et badigeonne du bouillon de la cérémonie sur les zones douloureuses en récitant de nouvelles incantations.

Dans ces villages animistes, les rites ancestraux ont encore une place centrale dans la vie des habitants et on privilégie en premier lieu les traditions. En revanche, si aucun effet notable n'est constaté dans les jours qui suivent, la famille aura recours à la médecine "moderne".

Nous refermons ici le chapitre sur le Laos. Merci de nous avoir suivi, nous espérons que vous avez pu voyager un peu à nos côtés.

Retour en Thaïlande, pour aller découvrir le sud cette fois. A bientôt, pour de nouvelles aventures !