Pak Beng. Nous avons pris rdv au sanctuaire des éléphants pour y passer la journée. Le centre est géré depuis 5 ans par Wendy, une française installée au Laos. Sous son impulsion, l'endroit qui était un vrai "parc d'attraction" est devenu un modèle de conservation des éléphants avec l'espoir, dans le futur, d'en réintroduire dans la nature.
Le Laos (un temps appelé Lane Xang, pays du million d'éléphants) comptait encore 4000 éléphants au début des années 1980. Depuis, la réduction drastique des forêts (agriculture, exploitation forestière légale et illégale), le braconnage, ont réduit le nombre à 800 dont seulement 400 à l'état sauvage, ce qui est insuffisant pour perpétuer l'espèce. Parmi les animaux emblématiques, le tigre est considéré comme éteint au Laos depuis 2018, le dauphin de l'Irrawady depuis 2017. Wendy nous rappelle aussi une boutade du coin "Ici, tout ce qui a 4 pattes se mange, sauf les chaises !" Et au Laos, les chauves-souris font partie de la liste...😵💫
Ici, pas question d'approcher les 5 éléphants de trop près. Ils vivent dans une grande forêt en permanence, et ce sont les visiteurs qui viennent à leur rencontre dans leur environnement.
Wendy passe la matinée à nous donner, avec une passion communicative, des explications sur les éléphants du sanctuaire, leurs interactions, leur caractère, leur nouvelle vie ici et celle d'avant. Par exemple, le mâle a travaillé toute sa vie dans l'industrie forestière, à déplacer chaque jour des tonnes de bois. Mae Nat, la dernière arrivée, a passé les 9 dernières années dans un cirque au Japon, il paraît qu'elle sait jouer de l'harmonica...
Les 3 dernières années ont été consacrées à un projet d'envergure : faire naître un éléphanteau. Difficile de s'imaginer toutes les embûches et les difficultés qu'il a fallu surmonter pour toute l'équipe. Les éléphants recueillis n'ayant jamais vécu dans la nature au sein d'une harde, ils ne connaissent rien à la vie en société ni à leur propre reproduction. Habituellement, ils apprennent tout par mimétisme, les plus anciens montrant aux jeunes comment faire (se nourrir, se déplacer dans la forêt, se reproduire, élever un petit etc ...). Ici il leur faut tout apprendre.
Mae Ping et Boua C'est avec beaucoup d'humour que Wendy nous raconte comment elle a dû mener, au moment adéquat (les éléphantes ovulent 3 jours tous les 4 mois), son éléphante (Mae Ping) plusieurs jours durant dans la forêt jusqu'à un autre centre afin de la faire rencontrer un mâle. Comment Mae Ping est partie en courant lorsque le mâle a voulu lui grimper dessus... Et qu'il a fallu alors faire venir une autre femelle pour lui faire une démonstration.
Sur le retour, les scientifiques sont persuadés que l'accouplement n'a pas eu lieu et remettent en cause l'analyse des mahouts lorsque ceux-ci, voyant des changements imperceptibles chez Mae Ping, sont convaincus qu'elle porte un petit. Les analyses sanguines, quelques semaines plus tard leur donneront raison, Mae Ping est bien enceinte !
Séance de socialisation L'heureux événement a eu lieu il y a 5 mois, une petite Boua (Fleur de Lotus) est née sous les caméras de TF1 qui a consacré un reportage sur le sujet. L'accouchement, après 22 mois de gestation, fut rocambolesque. Mae Ping ne comprenant pas qui était cette petite chose qui gisait à ses pieds, ne s'est absolument pas occupée de la petite. Les humains ont dû intervenir rapidement pour faire en sorte que l'éléphanteau prenne ses premières respirations. Une fois sur pied, l'instinct maternel a repris le dessus et Mae Ping a repris les choses en main, plus question de laisser approcher qui que ce soit de son bébé !
Nous regardons émerveillés cette boule de 200 kilos imiter sa maman. Le maniement de la trompe n'est pas inné et pour l'instant la petite Boua, hyper volontaire, est bien maladroite ! Nous l'avons même vu marcher sur sa trompe. Mais chaque jour l'équipe observe des progrès.
La journée se poursuit avec le soin donné aux éléphants. Chaque jour un éléphant est ausculté, notamment au niveau des pieds. Aujourd'hui, c'est au tour de Mae Nat. Comme elle vient d'arriver dans le sanctuaire, le but est principalement de l'habituer à l'environnement, aux gestes à faire, aux gestes du Mahout, etc. Rien n'est fait contre la volonté de l'éléphant. Aussi, vous verrez que pour l'inciter à coopérer (vidéo ci-dessous), les Mahouts donnent des récompenses à chaque geste réussi : toujours de la nourriture ! Les éléphants passent en moyenne 18h/j à se nourrir.
Pour finir, nous accompagnons Mae Nat et Kham Khoum à leur bain dans le Mékong. L'eau n'étant pas suffisamment à leur goût aujourd'hui, ils ne se tromperont que jusqu'au maillot ! De quoi conclure une journée inoubliable lors de laquelle nous aurons appris tellement de choses !
Les résident(e)s du Sanctuaire :
Boua, 5 mois
Mae Ping (23 ans), mère de Boua
Mae Nat (la tante qui a travaillé dans un cirque au Japon), elle vient d'arriver au sanctuaire.
Mae Kham, la mamie de 70 ans, surnommée Tatie Danielle car elle n'est pas commode 😁
Kham Khoun, le seul mâle, 33 ans, surnommé Ladyboy par les Mahouts, car très peu intéressé par la gente féminine...
A savoir que chaque éléphant "possède" son propre Mahout, qui passe l'essentiel de son temps avec lui.
Au fait, connaissez vous les différences entre un éléphant d'Asie et un éléphant d'Afrique ?
Les défenses (tusk en anglais) : présentes chez les mâles et femelles en Afrique, seuls les mâles peuvent éventuellement en avoir en Asie. Elles sont en effet plus utiles en Afrique, pour creuser le sol pour chercher de l'eau, ou se défendre. En Asie, l'eau est plus abondante et les défenses peuvent être gênantes pour manœuvrer dans les forêts denses.
Les oreilles : parcourues par des centaines de vaisseaux sanguins, les oreilles font office d'échangeur thermique pour refroidir le corps de l'éléphant. En Afrique, il fait plus chaud qu'en Asie, il y a aussi moins de forêts pour se protéger du soleil, elles sont donc bien plus grandes.
Le poids : les éléphants d'Afrique pèsent en général 1 tonne de plus que leurs cousins asiatiques qui évoluent dans des milieux plus montagneux (Laos, nord Thaïlande, etc).
Le dos : plat ou creusé en Afrique, il est bombé en Asie.
La trompe (trunk en anglais) : l'éléphant d'Asie ne possède qu'un organe de préhension au bout de la trompe, alors que celui d'Afrique en possède deux. Ils sont tous les deux aussi agiles avec leur trompe qui est un véritable couteau suisse. L'éléphant peut ouvrir la fermeture éclair de votre sac à dos, mais aussi vous attraper et vous projeter à plusieurs mètres de distance ! Puissance et délicatesse ! La trompe peut contenir 10 à 15 litres d'eau. Elle est constituée de 50 à 100 milles muscles, et les éléphanteaux mettent plusieurs années avant de savoir s'en servir correctement.
Le nombre d'orteils est différent, ainsi que le nombre de côtes.
Leur patrimoine génétique est vraiment différent, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas se reproduire entre eux.